Alidou - FACTEUR LANGUE
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Document de travail
en cours d’élaboration
NE PAS DIFFUSER
B-3.1
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Ce document a été préparé par l’ADEA, l’IUE et le GTZ. Les idées et opinions exprimées dans ce
volume sont celles des auteurs et ne peuvent être attribuées à l’ADEA, à l’UIE et au GTZ, à leurs
membres ou organisations affiliées ou à une personne agissant au nom de l’ADEA, de l’IUE et du
GTZ.
Ce document est un document de travail qui en est encore à l’étape de la production. Il doit servir de
base aux discussions de la Biennale de l’ADEA et ne devrait pas en l’état actuel, être diffusé à
d’autres fins.
Glossaire
1. Synthèse
Glossaire
Abréviations et Terminologie
Education Bilingue
L’EBL est définie de plusieurs façons. A l’origine, l’expression signifiait l’utilisation de deux langues
comme supports d’enseignement. Elle comprenait l’apprentissage de deux langues comme matières,
mais ne s’y limitait pas. De ce fait, elle signifiait en général : la L1 plus une L2 comme moyens
d’instruction. En Afrique du Sud, on entend par éducation bilingue un enseignement en langue
maternelle (support L1) tout au long de la scolarité plus une seconde langue enseignée comme matière
à un bon niveau.
Cette expression est de plus en plus employée à tort dans certains contextes, en particulier en
Amérique du Nord, et signifie une L1 pendant une courte période (voir les modèles de transition à
sortie précoce) suivie par une L2 en tant que moyen d’éducation pendant la majorité du temps. En
d’autres termes, elle est employée à tort comme signifiant un système d’éducation dispensé
principalement dans une seconde langue. Cette utilisation abusive de l’expression s’est répandue dans
de nombreux pays en Afrique où les gens qualifient les programmes de bilingues même avec une très
faible utilisation de la L1. De ce fait, dans ce rapport nous distinguons et décrivons le type de
programme d’éducation bilingue auquel nous faisons référence chaque fois que cela est approprié.
Le modèle d’enseignement soustractif : L’objectif du modèle soustractif est d’amener les apprenants
à abandonner la LM et à employer la langue officielle/étrangère comme moyen d’instruction dès que
possible. Quelquefois, cela implique d’opter directement pour la langue officielle/étrangère comme
moyen d’instruction dès la première année d’école. Beaucoup de pays « Francophones » et
« Lusophones » d’Afrique utilisent ces modèles hérités de l’ère coloniale. Dans ces pays, la langue
maternelle a été supprimée dans le système scolaire formel en tant que moyen d’instruction et
également en tant que matière d’enseignement.
Modèles de Transition ou modèles de sortie précoce / tardive : L’objectif de ces modèles est le
même que celui des modèles soustractifs. L’objectif est de n’avoir qu’une seule langue à la fin de la
scolarité, et la langue visée est la langue officielle/étrangère. Les apprenants peuvent commencer à
utiliser la LM et passer graduellement à la langue officielle/étrangère comme Md’I. Si la transition
vers la langue officielle/étrangère se fait en 1 à 3 ans, on parle de modèle de transition de sortie
précoce (de la langue maternelle) ; Si la transition est repoussée jusqu’en CM2- 6e on parle de modèle
de transition à sortie tardive (de la LM).
De plus en plus de pays « francophones » d’Afrique commencent juste à se tourner vers des
programmes expérimentaux basés sur des modèles de sortie précoce ; les pays « anglophones » ont
une plus longue expérience de l’enseignement en LM pendant les 3 à 4 premières années de
l’enseignement primaire suivi par l’anglais comme Md’I, et ce même pendant l’ère coloniale. Dans
certains cas, les langues africaines ont été utilisées sur une période pouvant aller jusqu’à six ans,
suivies par l’anglais comme Md’I.
1. SYNTHESE
La nécessité d’une telle recherche s’est fait sentir lors de la Biennale de 2003 « Améliorer la qualité de
l’éducation en Afrique subsaharienne » « Association pour le Développement de l’Education en
Afrique (ADEA) (allez sur www.adeanet.org pour de plus amples informations).
Un des principaux thèmes abordés lors de la Biennale de 2003 portait sur la pertinence de l’adaptation
des curricula et l’utilisation des langues africaines. L’éducation bilingue et l’enseignement en langue
maternelle sont des sujets qui ont engendré de longues discussions et fait comprendre la nécessité
d’une recherche plus approfondie.
L’ADEA a saisi l’occasion de poursuivre ces discussions afin de clarifier les points litigieux et d’aider
les décideurs et les éducateurs à prendre des décisions en bonne connaissance.
Comme le dit Wolff dans le chapitre 2 de ce rapport, le lien entre (a) le développement et l’utilisation
de la langue est largement ignoré, le lien entre (b) la langue et l’enseignement est peu compris en
dehors des cercles d’initiés, et le lien entre (c) le développement et l’éducation est largement accepté
en se basant sur des à priori, mais sans comprendre réellement la nature exacte de la relation. Il
visualise le triangle « langue-développement-éducation » dans le modèle suivant et recommande à
l’avenir une coopération beaucoup plus étroite entre les linguistes, les experts de l’éducation et les
économistes :
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Fig. 1 Modèle de Communication pour le Développement au niveau de la (des) langue(s) et de l’éducation d’Ekkehard
Wolff
LANGUE(S)
DEVELOPPEMENT
COMMUNICATION
DEVELOPPEMENT EDUCATION
[Largement accepté sur des bases à priori, mais avec une compréhension limitée de la nature exacte de la
relation]
En 2005, l’ADEA a commandé un bilan sur l’état de l’art de l’éducation formelle et non formelle
bilingue et en langue maternelle en Afrique subsaharienne. L’Institut de l’Unesco pour l’Education
(IUE) et le Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) en raison de leur expérience
et de leur intérêt pour le sujet, ont reçu mandat d’organiser et de coordonner l’étude avec l’ADEA. Le
bilan aborde des questions clés sur le rôle de la langue dans l’éducation et le développement pour
découvrir des éléments qui peuvent aider la politique et soutenir la réforme nécessaire.
L’objet de cette recherche est de présenter des recommandations fondées sur des preuves en matière
de politiques de langues d’enseignement et d’utilisation de langues dans l’éducation pour aider les
décideurs et d’autres acteurs. La recherche comporte trois objectifs :
1. documenter et analyser la recherche et les expériences des pays africains sur l’utilisation des
langues africaines comme moyen d’instruction, et sur l’adaptation du curriculum au contexte
local et à la culture locale ;
2. explorer l’état de l’art de l’enseignement bilingue et dans la langue maternelle, en mettant
particulièrement l’accent sur l’Afrique au sud du Sahara ;
3. faciliter le dialogue de politique concernant l’utilisation des langues africaines et l’éducation
bilingue.
La recherche portait essentiellement sur les preuves scientifiques et empiriques relatives l’utilisation
des langues et leur impact sur la qualité de l’apprentissage et de l’éducation. Six experts ont procédé à
une évaluation critique des programmes d’éducation et des politiques linguistiques afférentes. Ils ont
(1) donné la priorité aux études soutenues par de solides preuves théoriques et empiriques, et (2)
accordé plus de poids aux évaluations indépendantes ; tout en consultant et en accordant l’attention
due aux évaluations internes, notamment celles commandées et payées par les parties prenantes au
programme. Ces études ont porté sur les résultats de l’apprentissage et les éléments de stratégies
d’application réussies ainsi que les éléments de l’échec et les raisons techniques, financières,
linguistiques, institutionnelles, politiques et sociales avancées. Les aspects liés à la rentabilité, l’équité
et l’égalité ont également été pris en considération. Chaque expert a choisi un ou deux thèmes dans
l’analyse des questions à traiter menée conjointement par l’équipe.
Au départ, les chercheurs se sont penchés sur différents pays sélectionnés (le Bénin, le Burkina Faso,
le Cameroun, le Tchad, l’Éthiopie, le Ghana, le Kenya, Madagascar, le Mali, le Malawi, le
Mozambique, la Namibie, le Niger, le Sénégal, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Ouganda et la
Zambie), étoffant par la suite leur recherche avec des études de cas supplémentaires auxquelles
l’équipe a pu avoir accès. Voir ci-dessous pour avoir une idée des pays et des programmes analysés.
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L’ADEA, l’IUE, le GTZ et l’équipe de recherche considèrent ce bilan comme une étape dans
l’amélioration de la qualité de l’éducation en Afrique. Les ministres africains de l’éducation et de la
planification, les responsables de l’éducation et les experts en éducation sont appelés à utiliser et à
élargir les expériences et les ressources existantes sur l’enseignement en langue maternelle et bilingue
ou multilingue. La recherche actuelle montre que le recours aux langues africaines comme moyen
d’instruction pendant au moins six ans et l’utilisation de modèles linguistiques multilingues
permettront non seulement d’accroître considérablement le rendement social des investissements dans
l’éducation, mais aussi de donner un élan au développement social et économique des pays africains et
de contribuer à l’amélioration des connaissances et du développement scientifique du continent.
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Dr. Hassana Alidou, Alliant International University, Graduate School of Education, USA
E-mail: hassanatou@yahoo.com
M. Aliou Boly, Membre fondateur et Directeur, Formation pour le Développement, Burkina Faso
E-mail: tradebobo@fasonet.bf
Prof. Birgit Brock-Utne, Université d’Oslo, Institute for Educational Research, Norvège
E-mail: birgit.brock-utne@ped.uio.no
Dr. Kathleen Heugh, Human Sciences Research Council, Language and Literacies Studies Unit, South
Africa
Email: KHeugh@hsrc.ac.za
Dans cette partie, la synthèse met en évidence les résultats et les éléments importants de l’analyse de
chaque chapitre thématique et résume les principales recommandations des auteurs.
1.2 Argumentaire
Le thème central de ce volume porte donc sur la façon d’offrir un enseignement de qualité aux
enfants africains en utilisant les moyens et le programme scolaire les plus appropriés pour
réaliser un développement durable en Afrique.
Depuis plus de cinquante ans, c'est-à-dire depuis le Rapport de 1953 de l’UNESCO sur l’Emploi des
Langues Vernaculaires dans l’Enseignement, les pays africains essaient de trouver une stratégie
efficace qui leur permettrait de passer d’un système d’enseignement hérité de l’époque coloniale à un
enseignement plus axé sur la transformation et culturellement plus pertinent qui prenne en compte les
valeurs et les langues africaines, le cadre socioculturel et linguistique des populations, ainsi que leurs
besoins en matière d’enseignement. Cette stratégie pour une éducation efficace et pertinente serait
caractérisée, en premier lieu, par l’utilisation d’un Moyen d’Instruction (Md’I) plus approprié,
l’emploi de techniques d’enseignement plus adéquates, un contenu curriculaire culturellement adéquat
et des ressources financières et matérielles suffisantes.
Il existe à ce jour deux points de vue divergents sur la question fondamentale de la langue dans
l’enseignement. Chaque position repose sur une vision différente pour les sociétés africaines.
1. Le point de vue qui reflète la pratique actuelle dans la majorité des pays d’Afrique et qui
encourage l’utilisation de la langue officielle/étrangère comme premier et principal Md’I dans
l’ensemble du système d’enseignement. Chaque position repose sur une vision différente des
sociétés africaines. Le système d’enseignement actuel et la politique linguistique actuelle ont
bien fonctionné et ont permis dans le cadre du système colonial de préparer les dirigeants
nécessaires et de former la main d’œuvre nécessaire dont avait besoin l’Afrique vue par les
puissances coloniales. Cette vision coloniale de l’Afrique ne devrait plus être et ne peut plus
être la vision de l’Afrique contemporaine.
2. La deuxième position plaide pour l’utilisation de la langue maternelle (LM) ou d’une langue
nationale familière (LN) et la langue officielle/étrangère en tant que Md’I tout au long du
système éducatif.
Cette recherche a mis en exergue des arguments convaincants en faveur de la seconde approche, de
l’utilisation de la langue maternelle ou de l’utilisation d’une langue africaine familière aux enfants dès
l’entrée à l’école comme moyen d’instruction dans toutes les écoles et institutions d’enseignement
supérieur africains. Cette approche reflète mieux les réalités socio économiques et culturelles d’une
Afrique multilingue. Elle ne plaide néanmoins pas pour le rejet de la langue officielle/étrangère.
Au contraire, la recherche montre que l’utilisation de la LM ou de la LN comme moyen d’instruction
tout au long de la scolarité améliore l’enseignement et l’apprentissage de la langue officielle/étrangère
en tant que matière et permet en fin de compte d’en faire un moyen plus approprié pour
l’enseignement spécialisé lorsque cela est nécessaire. Un tel changement au niveau de l’approche a
pour objectif un changement profond en termes de développement et d’évolution de la société.
L’équipe de recherche est tout à fait consciente qu’un système d’enseignement mettant l’accent sur
l’utilisation des langues africaines ne peut être viable que si l’environnement socioéconomique
valorise ces langues afin que les titulaires d’un diplôme en langue africaine puissent trouver des postes
intéressants dans lesquels ils pourront continuer à se développer sur le plan professionnel. Il est
recommandé que toute politique linguistique soit basée sur une vision de la société pour laquelle elle
est conçue et appliquée, ainsi que sur l’économie politique et la réalité sociolinguistique du pays.
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Chaque chapitre de ce volume porte sur une stratégie spécifique permettant d’optimiser
l’apprentissage et l’enseignement en Afrique, et prend en compte le facteur langue à divers niveaux :
la politique et le développement, les modèles d’enseignement, la classe, l’édition et l’éducation non-
formelle par rapport à l’éducation formelle. Les questions principales soulevées dans chaque chapitre
sont traitées dans les sections suivantes.
Dans ce chapitre, Wolff veut (i) démontrer la normalité du multilinguisme pour la majorité des enfants
en Afrique, (ii) attirer l’attention sur divers facteurs qui ont tendance à empêcher la formulation et
l’application de politiques linguistiques et de langues dans l’enseignement adéquates et socio
culturellement intégrées et (iii) mettre en exergue la nécessité de faire de la langue le point central de
tout discours sur le développement.
Selon Wolff, La langue est une question particulièrement sensible en Afrique en raison de son passé
colonial et de ses relations néo-coloniales avec ses anciennes puissances coloniales et les organisations
et agences multilatérales ; le multilinguisme et le multiculturalisme sont des caractéristiques
intrinsèques à la réalité africaine. Ce multilinguisme est favorisé par le fait que l’Afrique abrite près
d’un tiers des langues vivantes du monde. 1200 à 2000 langues africaines autochtones sont parlées sur
le continent. Cet atout a été déformé et considéré comme une menace pour l’unité nationale, et a été
utilisé pour justifier l’utilisation d’une langue officielle/étrangère dans les activités du gouvernement
et comme Md’I principal dans l’enseignement, ratant ainsi l’occasion de développer un enseignement
de qualité et de renforcer le potentiel de l’ensemble de la population plutôt que celui d’une infime
minorité.
Pour éviter cet écueil et avoir une politique de langue d’enseignement plus efficace et efficiente, Wolff
indique trois obstacles majeurs à dépasser :
(i) le manque d’information sur les langues d’enseignement est à l’origine de l’attitude des principaux
acteurs en Afrique; (ii) l’attitude négative des experts occidentaux envers les langues africaines, et (iii)
les universités africaines ne jouent pas le rôle de leader qui devrait être le leur pour promouvoir et
développer l’enseignement dans la langue maternelle.
Dépasser ces obstacles permettra d’ouvrir la voie à un développement durable. Citant Okombo (2000),
Wolff argue qu’indépendamment de la définition que nous donnons au développement, on ne
peut faire une analyse sérieuse et avoir une discussion valable sans référence à la langue
comme facteur important. Okombo (2000) énonce les principes suivants pour le
développement en Afrique :
1. Le développement moderne repose fortement sur les connaissances et l’information ;
2. Les pays africains dépendent énormément des sources étrangères de connaissances et
d’informations, en particulier dans le domaine de la science et de la technologie ;
3. Les connaissances et l’information arrivent en Afrique véhiculés par les langues
internationales qui ne sont pas autochtones au continent africain ;
4. Pour que les idées du développement prennent racine en Afrique et bénéficient de la créativité
africaine, les activités de développement doivent impliquer les masses africaines et pas
uniquement les dirigeants ; et
5. L’objectif d’impliquer les masses africaines dans les activités du développement ne peut se
réaliser avec un réseau national de communication (notamment l’éducation) basé
exclusivement sur les langues non autochtones.
sera pas possible dans un avenir proche, de former la masse critique d’Africains avertis et informés
nécessaire pour réaliser le développement. Régler les problèmes de déficit de communication entre les
différents niveaux des sociétés africaines se révélera extrêmement important et gratifiant, et le secteur
de l’éducation peut jouer un rôle de leader dans ce domaine.
Les projets de développement nécessitent une communication pour pouvoir être adoptés et appuyés
par la population locale. Une telle communication n’est possible qu’en utilisant des langues maîtrisées
par la population (c.-à-d. les langues maternelles ou les linguae francae locales, régionales ou
nationales.) De ce fait, les questions linguistiques sont inséparables des questions liées au
développement. En fait, pour réaliser le développement en Afrique, il doit être pensé, conçu, appliqué
et suivi essentiellement dans les langues autochtones locales.
« étudie la corrélation entre 238 variables économiques, politiques, sociales, culturelles, historiques,
géographiques et démographiques différentes de 170 pays et le PIB, pour constater que l’hétérogénéité
linguistique n’offre aucune valeur prédictive quant au niveau du PIB par habitant (Fishman 1991: 13). Et
en réalité, Fishman et Solano (1989) suggèrent même que l’existence de linguae francae et du bilinguisme
permettent à de nombreuses politiques de réaliser un PIB/par habitant plus élevé» (Stroud 2002 :37).
De ce fait, une approche multilingue de l’éducation est bénéfique sur le plan du développement ; et
plus encore avec la multiplication du bilinguisme. Wolff indique que « le multilinguisme s’est
considérablement multiplié incluant des linguae francae (comme le Kiswahili, l’Hausa, le Fulfulde, le
Bambara) qui se sont fortement répandues en tant que seconde ou troisième langue, même dans les
poches linguistiques anciennement monolingues en raison de l’accroissement de la mobilité et de la
communication et dans une grande mesure de l’éducation. Par ailleurs, la croissance démographique
entraîne une forte augmentation du nombre de personnes qui gardent leur langue maternelle et
l’utilisent avec une ou deux autres. »
Le tableau d’Obanya ci-dessous (1999a: 95) basé sur une étude de l’UNESCO (1985) montre le
pouvoir des langues africaines transnationales en termes de pays et du nombre de locuteurs (25 ans
plus tard et avec la croissance démographique ces chiffres sont actuellement encore plus élevés).
Langues transfrontalières communes de l’Afrique, adapté d`Obanya 1999a
L’Académie Africaine des Langues (ACALAN) et l’Union Africaine (UA) par exemple, souhaitent
oeuvrer pour l’harmonisation internationale de ces langues. Wolff met l’accent sur les langues
transnationales et estime qu’elles pourraient constituer un domaine gratifiant de coopération entre les
universités, les ONG et les organisations de bailleurs de fonds, avec des publications transnationales et
la création d’un environnement constructif pour l’édition et la post alphabétisation.
Par ailleurs, l’importance de l’utilisation des langues africaines dans les communications écrites est un
autre exemple des ressources linguistiques africaines souvent négligées. Obanya (1999b) indique
environ 217 langues africaines utilisées dans les communications écrites qui concernent près de 50%
de la population africaine – à condition qu’elle sache lire et écrire dans ces langues (voir le tableau ci-
dessous). Il ne faut pas oublier que plusieurs écritures sont utilisées en Afrique et que certaines
langues peuvent utiliser des alphabets différents selon le cadre de communication.
Les politiques de langues d’enseignement sont au coeur même du développement de l’Afrique. Dans
un cadre multilingue, la question du choix de la langue comme moyen d’instruction (Md’I) et Matière
enseignée (ME) est extrêmement importante pour la réalisation du développement en Afrique.
Dans l’approche multilingue, la langue locale appropriée (langues maternelles ou linguae francae) et la
langue officielle/étrangère doivent avoir leur place et leur méthode d’enseignement. Please translate :
The creative potential of Africans for modern science and technology is currently thwarted by a
language barrier. It makes Africa even more dependent on expensive foreign expertise and impedes its
development.
Dans son chapitre, Kathleen Heugh se penche sur les modèles de langues d’enseignement en Afrique
et l’utilisation des langues africaines au travers de ces modèles. Elle analyse les différents modèles à la
lumière de leurs particularités, de leurs résultats potentiels, et de leur synchronisation avec l’objectif
de l’éducation nationale.
Comme le montrent d’autres chapitres dans ce rapport, il existe un grand nombre de programmes
lancés par des organisations bien intentionnées qui créent des programmes d’alphabétisation précoce
et d’éducation en langues africaines. Les efforts considérables mis en place sont précieux et permettent
d’oeuvrer plus largement pour soutenir le développement et l’utilisation de langues autochtones sur le
continent. Ils contribuent positivement à offrir une meilleure éducation aux enfants. De nombreuses
organisations non gouvernementales (ONG), agences d’aide/bailleurs de fonds et gouvernements ont
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Et pourtant, avec le recul et la recherche récente nous constatons aujourd’hui que ce travail doit être
mené plus loin. Un enseignement en langues africaines au début de la scolarité est une bonne chose,
mais pour que ces avantages se prolongent dans la durée, il faut maintenir l’alphabétisation en langue
maternelle/L1 et les moyens d’enseignement en langue maternelle (ELM) jusqu’à au moins la fin de la
6e année d’école/ la sixième, et si possible plus longtemps. L’alphabétisation en langue maternelle doit
être développée au-delà du simple décodage d’histoires ou de textes narratifs pendant les trois à quatre
premières années d’école. Il faut amener la lecture dans la langue maternelle (ou la langue que l’enfant
connaît le mieux) et le développement du langage parlé à un niveau suffisant pour que les textes écrits
et la langue orale utilisés pour l’apprentissage et l’enseignement des mathématiques, des sciences, de
l’histoire et de la géographie soient compris et utilisés activement par l’apprenant. En d’autres termes,
l’apprenant doit comprendre la langue et pouvoir rédiger dans cette langue nécessaire à l’apprentissage
dans le deuxième cycle du primaire et du secondaire. Et ainsi le processus d’apprentissage ne sera pas
interrompu. S’il y a un changement du moyen d’instruction avant que l’apprenant n’ait une bonne
connaissance écrite et orale des langues L1 et L2, le processus d’apprentissage sera interrompu. Les
apprenants prendront du retard par rapport à leurs camarades qui utilisent la L1 ou l’ELM de façon
continue dans d’autres systèmes.
En Afrique, tous les apprenants doivent recevoir un très bon enseignement dans la langue qui a un
statut important dans le pays sur le plan de l’économie, de l’éducation et de la politique (la L2 / langue
étrangère / langue internationale de grande communication) et qui est enseignée comme matière, pour
que la L2 soit utilisée comme un support d’apprentissage complémentaire lors du second cycle de
l’école secondaire. Il est bon de rappeler que contrairement à la sagesse populaire, il n’est pas
nécessaire de passer de l’ELM à la L2 seule, et que ce n’est pas non plus la meilleure façon d’assurer
un bon niveau en L2.
Les résultats de la recherche auxquels nous avons accès au début du 21e siècle nous permettent une
compréhension plus nuancée des processus d’acquisition linguistique à la maison et dans la
communauté locale et également des processus structurés attendus et existant dans les systèmes
d’éducation formelle de l’ensemble des pays. La maîtrise informelle de la langue orale chez les enfants
qui sont capables de converser dans une seconde ou troisième langue et même plus, n’est pas la même
chose que l’apprentissage d’une deuxième langue pour l’éducation formelle. Le processus
d’apprentissage n’est pas le même que pour l’apprentissage d’une langue pour les besoins du
programme scolaire. La capacité des enfants à apprendre rapidement et à maîtriser la langue orale en
situation de jeu est souvent interprétée à tort comme étant une capacité à apprendre à utiliser
facilement et rapidement sur le plan cognitif, une langue difficile décontextualisée pour un
enseignement formel dans le cadre scolaire. Malheureusement, c’est une erreur. Il faut aux enfants et
aux adultes plus longtemps pour développer le type de langue et de maîtrise de lecture nécessaires à
l’école que pour acquérir une connaissance orale suffisante pour une conversation informelle.
1
Ceci inclut le développement d’une alphabétisation précoce en Ethiopie entre le 7e et 13e siècles, l’enseignement de la
lecture avec le développement de l’Islam en Afrique du nord et de l’ouest et touche les niveaux les plus élevés du
développement scolaire dans certaines langues africaines transcrites en alphabet arabe à la mosquée de l’université de
Tombouctou au 12e siècle. Il inclut l’oeuvre des missionnaires depuis la fin du 19e siècle et le regain d’intérêt pour cette
oeuvre dans les 30 dernières années. Parmi les exemples les plus récents de travaux dans ce domaine, on trouve les
programmes d’alphabétisation dans de nombreuses langues camerounaises lancés par PROPELCA; les écoles bilingues au
Niger ; la ‘pédagogie convergente’ au Mali; les expériences bilingues au Mozambique; les nouveaux programmes
d’alphabétisation en Zambie ; les premiers nouveaux matériels en langues africaines en Namibie ; et les nouvelles évolutions
en Ethiopie et en Erythrée (voir également les chapitres d’Alidou, de Brock-Utne et d’Aliou dans ce rapport). De
nombreuses organisations internationales comme l’Institut de l’UNESCO pour l’Education, l’Association pour le
Développement de l’Education en Afrique, le Summer Institute of Linguistics (SIL), et plusieurs agences de bailleurs de
fonds/d’aide (par ex. le GTZ, la SIDA, Ambassade royale des Pays-Bas, le Gouvernement flamand, etc.), ont encouragé et
participé au développement des langues africaines dans l’éducation.
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Lorsque l’UNESCO a publié son rapport sur l’utilisation des langues vernaculaires dans l’éducation en
1953, on pensait de façon générale que si les enfants bénéficient d’une alphabétisation et d’un
enseignement en langue maternelle pendant leurs premières années de scolarité (2 à 4 ans), et
apprennent une langue internationale de grande communication (LIGC) en tant que matière, ils
pourraient acquérir des compétences en lecture suffisantes pour passer de la langue maternelle à la L2
en 3e et 4e année de scolarité. Nous savons aujourd’hui que la majorité des enfants venant de familles
aisées ne possèdent que des compétences très limitées dans la LIGC/L2 qu’ils doivent apprendre dans
le cadre du programme.
Le processus de développement nécessaire pour une bonne maîtrise cognitive de la langue nécessaire à
un bon apprentissage tout au long du programme scolaire demande plus longtemps que ne l’imaginent
la majorité des gens. Développer le type de maîtrise nécessaire pour la lecture et l’écriture en science,
histoire et géographie ou pour comprendre les problèmes de mathématiques devient de plus en plus
complexe et difficile à partir de la 4e année d’école. Ceci est le cas pour la grande majorité des enfants
dans le monde qui suivent un ELM. C’est beaucoup plus difficile si les enfants doivent le faire dans
une langue qu’ils connaissent à peine.
Dans les pays ou les écoles où les langues d’enseignement sont des langues familières aux enfants, les
études montrent qu’il existe une meilleure communication entre les enseignants et les élèves. Cette
communication permet un meilleur enseignement de la part des enseignants et un meilleur
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apprentissage pour les élèves. Les études sur l’éducation en Afrique (Burkina Faso, Éthiopie, Ghana,
Mali, Malawi, Tanzanie, Zambie pour n’en nommer que quelques uns) montrent que l’utilisation des
langues maternelles dans l’enseignement de base si elle est bien appliquée, donne de bons résultats à
court terme. Les avantages importants abordés dans la littérature concernent l’amélioration de la
communication et des interactions en classe et l’intégration des cultures africaines et des systèmes de
connaissance indigènes dans les programmes scolaires formels. Une communication efficace offre de
meilleures opportunités d’apprentissage en classe lorsque les langues familières aux enfants et aux
enseignants sont utilisées comme Ld’I pendant au moins les trois premières années d’enseignement
(Alidou 1997; Alidou et Mallam, 2004; Bamgbose 2005; Brock-Utne 2000; Brock-Utne, Desai, Qorro
2004; Chekaraou 2004; Heugh 2000; IDRC 1997; Traoré 2001; Ouédraogo 2003).
De plus, lorsque les enseignants enseignent efficacement la lecture, l’écriture et l’alphabétisation dans
les langues maternelles, les élèves peuvent développer des compétences d’alphabétisation qu’ils
peuvent utiliser pour l’apprentissage des langues officielles. Le projet Breakthrough Literacy mis en
place en Zambie illustre parfaitement ce qui pourrait être fait et comment améliorer la qualité de
l’apprentissage et obtenir de meilleurs résultats. Il a pour principal objectif de faciliter le
développement de compétences en lecture et l’alphabétisation des enfants dans la langue maternelle et
en anglais. Les évaluations récentes soulignent l’existence d’une corrélation entre les capacités
d’alphabétisation des élèves et leurs résultats scolaires (Sampa, 2003).
L’inadéquation des programmes actuels de formation des enseignants est un des principaux problèmes
mis en relief dans toutes les études analysées. Ngu (2004) a fait une évaluation des institutions de
formation des enseignants en Afrique et a conclu que les programmes de formation des enseignants
ont été élaborés avant que la majorité des pays africains n’aient obtenu leur indépendance politique.
Ceci implique que les élèves enseignants sont préparés à enseigner dans des langues qui ne sont pas
familières aux enfants (anglais, français, espagnol et portugais). Ce qui explique largement les
problèmes d’éducation récurrents que connaissent les enfants africains et l’inefficacité de l’éducation
de base formelle. Du fait d’une formation inadéquate, les enseignants africains ne savent pas comment
suivre et évaluer efficacement l’apprentissage des élèves. Il faut également dire que les tests de
performance que passent les élèves ne sont souvent ni valables ni fiables. Par conséquent, on pourrait
dire que dans les contextes africains il est extrêmement difficile de déterminer avec précision l’impact
de l’enseignement sur l’apprentissage des élèves.
De plus, l’absence de matériels pédagogiques appropriés (comme les livres des maîtres, les manuels
scolaires et les livres de référence dans la langue maternelle et dans la seconde langue) a également un
impact négatif sur l’enseignement et le développement de l’alphabétisation. Les enseignants sans
formation et ceux qui ne bénéficient pas du soutien régulier des directeurs et des inspecteurs utilisent
beaucoup le manuel de l’enseignant pour préparer leurs plans de cours et leur programme.
Malheureusement, toutes les écoles africaines manquent de matériel pédagogique de bonne qualité
aussi bien dans la première que dans la seconde langue. C’est un problème sérieux dans les écoles
bilingues ou multilingues où les enseignants sont obligés de traduire les matériels pédagogiques dans
la langue officielle ou étrangère ou de travailler avec des manuels scolaires en langue A alors que le
manuel de l’enseignant est en langue B.
Finalement, l’enseignement est touché par l’ensemble du contexte sociopolitique pas toujours
favorable à une plus grande utilisation des langues africaines comme Ld’I dans l’éducation formelle.
Beaucoup d’africains considèrent l’enseignement en langues maternelles comme un enseignement de
seconde zone par rapport à un enseignement dans une langue étrangère internationale. Cette attitude
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rejaillit sur le moral des enseignants et des élèves. Elle oblige également les enseignants à mettre plus
l’accent sur l’enseignement en seconde langue que sur l’enseignement en langues maternelles. Ainsi,
pour promouvoir un enseignement efficace dans les écoles bilingues, les décideurs devraient faire un
sérieux effort afin d’encourager au niveau politique l’utilisation des langues africaines dans tous les
domaines, notamment leur utilisation comme langues d’instruction dans les programmes
d’enseignement bilingues ou multilingues.
Dans leur deuxième chapitre, Birgit Brock-Utne et Hassana Alidou analysent les relations entre la Ld’I
et l’enseignement et l’apprentissage. Les conclusions des deux auteurs confirment ce que la recherche
internationale et de nombreux enseignants africains suggèrent : lorsqu’il leur est demandé de dresser le
profil d’un enseignant efficace en primaire, les conseillers d’éducation ghanéens mettent la « maîtrise
de la langue locale », « la connaissance et le respect de la culture de l’enfant », « l’amour et
l’attention » au même niveau que « la maîtrise des sujets et des méthodologies » (Chatry-Komarek,
2003:33).
L’enseignement en LM ou dans une langue familière contribue mieux au développement culturel,
affectif, cognitif et socio psychologique de l’enfant qu’un enseignement en langue officielle/étrangère
(Akinnaso (1993), Alidou (1997), Bergmann et al (2002), UNESCO (2003). Brock-Utne et Alidou
analysent les nombreux avantages d’un enseignement en langue maternelle ou dans une langue
familière à l’élève :
1. Le premier avantage pour les élèves est une progression de l’apprentissage du familier vers le
non familier, du connu vers l’inconnu, respectant ainsi un principe pédagogique fondamental
et sensé.
2. Les études montrent que l’ELM permet une bien meilleure communication entre les
enseignants et les élèves. Les enseignants ont plus de chance d’utiliser des méthodes
d’enseignement efficaces et centrées sur l’élève qui améliorent leur enseignement et
l’apprentissage des élèves. Bergman et al. (2002:66) ont étudié l’impact de l’utilisation des
langues locales comme langues d’instruction dans les écoles dites expérimentales au Niger et
noté que : « les enseignants des écoles expérimentales…instaurent un climat de confiance
entre eux-mêmes et les élèves […]. Les élèves des écoles expérimentales qui ne sont pas
intimidés par leurs professeurs sont plus éveillés, plus enclins à prendre des
responsabilités,…participent plus activement aux cours et aident les plus faibles. »
3. Utiliser comme langue d’instruction la LM des élèves ou une langue familière permet de
mieux intégrer la culture africaine dans le programme scolaire, créant ainsi un programme
culturellement sensible qui permet aux enfants d’avoir une vision positive de leur culture.
Intégrer la culture et la langue des enfants dans les activités curriculaires permet la
participation des parents aux activités de l’école, faisant de l’école une partie intégrante de la
communauté.
4. L’enseignement dans la langue maternelle (ELM) aide à développer un enseignement plus
efficace de la langue officielle/étrangère en tant que matière enseignée (ME).
5. L’enseignement dans la langue maternelle (ELM) permet un enseignement plus efficace des
sciences et des mathématiques (Prophet et Dow 1994, Mwinsheikhe 2002, 2003) comme le
montre le cas de Éthiopie présenté dans ce chapitre.
Les études comparatives entre l’enseignement en langue officielle/étrangère dans les écoles
monolingues et les écoles primaires bilingues montrent que les élèves des écoles bilingues ont de
meilleurs résultats aux examens de fin du cycle primaire. Le tableau ci-dessous compare les résultats
des écoles primaires monolingues et bilingues au Burkina Faso.
20/180
Évaluation comparative des écoles monolingues et bilingues au Burkina Faso. Source: Ilboudo (2003:48)
La première cohorte des élèves des “Écoles Bilingues” a passé les examens de fin de cycle primaire en
1998. Au bout de seulement 5 ans d’enseignement en langues locales et le français, ces élèves avaient
de meilleurs résultats que leurs camarades qui avaient suivi un enseignement en français pendant six
ou sept ans. En 2002, 85,02% des élèves des « Écoles bilingues » avaient réussi leur examen de fin de
cycle primaire (Ilboudo 2003). La moyenne nationale est de 61,81% avec six à sept ans
d’enseignement en français.
Le plus gros problème à l’adoption de programmes scolaires adaptés aux conditions locales et basés
sur des systèmes de connaissances indigènes est la réintroduction des examens créés en occident,
souvent par le Cambridge Examination Syndicate pour l’Afrique anglophone. Les éducateurs
professionnels savent que ceux qui conçoivent les tests et les examens sont ceux qui décident du
programme. Cela devrait être l’inverse : tout d’abord le pays doit décider quel enseignement il
souhaite pour ses citoyens, et ensuite seulement voir comment évaluer la réalité de cet apprentissage.
La Namibie est un bon exemple du suivi des examens : on y a détecté une influence occidentale dans
de nombreuses questions d’examen. Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, les écoles bilingues
expérimentales ont pour principal objectif d’aider les jeunes à acquérir une plus grande compréhension
de leur environnement et de leurs cultures, car la majorité devrait rester dans leur communauté et
contribuer efficacement à son développement socioculturel et économique.
L’intégration des langues et de la culture des enfants dans les activités curriculaires a facilité la
participation des parents et des élèves. Les parents apprécient l’enseignement bilingue lorsqu’ils
constatent que les résultats scolaires de leurs enfants se sont d’une façon générale améliorés. Ilboudo
(2003) a mis en exergue une réalisation importante qui explique peut-être l’efficacité des dites
« Écoles Bilingues » au Burkina Faso. Il a constaté un meilleur apprentissage culturel chez les élèves
et une plus forte productivité socioéconomique des « Écoles Bilingues ». Il a indiqué que ces écoles
pouvaient se révéler bénéfiques pour les élèves sur divers plans.
Des projets économiques comme l’élevage du bétail ont aidé les élèves à acquérir des connaissances
sur un grand nombre de sujets et à intégrer le système de connaissances indigènes dans l’éducation de
base formelle. Les élèves en ont également tiré un avantage financier. Cette activité a permis aux
21/180
enseignants d’enseigner des matières comme les études sociales, la biologie (l’élevage) et les
mathématiques dans un contexte constructif. En achetant, élevant et vendant des chèvres, des moutons
et des poulets, les enfants apprennent comment se fait l’élevage dans leur culture et dans le contexte
moderne. Ils apprennent de nouvelles méthodes pour moderniser certaines des activités
socioéconomiques pratiquées dans leur communauté. La fréquentation de l’école prend alors tout son
sens non seulement pour les enfants qui apprennent par la pratique, mais aussi pour les parents qui
profitent de la contribution de leurs enfants à toutes les activités socioéconomiques et culturelles.
Les études mentionnées dans ce chapitre montrent que dans les programmes où l’enseignement est
dispensé dans les langues africaines que les enseignants et les enfants connaissent, il y a un
apprentissage actif. L’utilisation de langues familières seules ne garantit néanmoins pas la réussite.
D’autres facteurs sont également importants comme l’existence d’enseignants formés ainsi que du
matériel pédagogique de qualité qui intègre la culture des élèves. Les examens doivent refléter les
programmes locaux. Les réponses des élèves doivent être acceptées si elles sont correctes, même si
elles n’ont pas été données dans la langue d’instruction officielle non familière/moins familière.
Certaines de ces initiatives d’éducation non formelle avaient pour but d’aider les enfants non
scolarisés à pouvoir entrer dans le système scolaire formel. Parmi les exemples donnés, figurent les
centres COPE en Ouganda, les Écoles Satellites au Burkina Faso, les Écoles communautaires au Mali
et au Sénégal, etc.). Ces écoles d’ENF utilisent les modèles soustractifs ou des modèles de sortie
rapide. Dans les écoles COPE, l’enseignement se fait directement en anglais (Brock-Utne 1997c) ;
dans les Écoles Satellites2 au Burkina Faso, l’enseignement se fait dans la LM de l’apprenant pendant
les deux premières années. Le français est enseigné comme matière pendant ces deux premières
années. Au cours de la troisième année, le français devient un moyen d’instruction et la langue
maternelle une matière enseignée. En année quatre, la langue maternelle disparaît complètement du
programme.
D’autres écoles non formelles offrent des alternatives en dehors du système d’éducation formelle. Les
modèles analysés sont les suivants : (i) les Centres d’éducation de base non formelle du Burkina Faso
(CEBNF), (ii) les Écoles Communautaires de Base au Sénégal, (iii) un « mouvement »
d’alphabétisation à Pulaar au Sénégal essentiellement pour les adultes (ARED/CERFLA3), (iv) Les
Centres d’Education pour le Développement (CED) au Mali. A l’exception de l’ARED/CERFLA,
l’objectif premier de ces écoles était d’offrir une formation aux apprenants pour qu’ils deviennent des
éléments actifs de l’économie locale une fois leurs études terminées. Dans les CEBNF au Burkina
Faso, la LM est la langue d’instruction pendant les deux premières années d’école. En année trois et
quatre, le français devient le Md’I. Il en va de même pour les CED au Mali et les Écoles
Communautaires de Base au Sénégal. Le « mouvement » d’alphabétisation à Pulaar est le seul à offrir
une formation dans la LM de l’apprenant.
2
Les écoles satellites au Burkina font partie de l’Enseignement primaire dans les villages où on ne peut construire une école
primaire formelle classique.
3
ARED (Associates in Research and Education for Development) et le CERFLA (Centre d’Etudes pour la Recherche et la
Formation en Langues Africaines)
22/180
Cette analyse préliminaire des divers modèles d’ENF en Afrique montre que lorsque l’ENF est
considéré comme une alternative à l’éducation formelle, car l’objectif final est de préparer un plus
grand nombre d’élèves à être productifs et compétitifs, ou encore comme une passerelle vers
l’éducation formelle, les modèles de sortie précoce sont dominants. Comme cela est dit dans la
« Tragédie de l’Education en Afrique », Govender et Gruzd (2004) indiquent que les enfants ont
besoin de plus qu’apprendre à lire, à écrire et à faire du calcul. Ils doivent devenir des apprenants
indépendants et développer une pensée critique et sentir qu’ils peuvent contribuer à améliorer la vie de
leurs familles et de leurs communautés. Pour que ceci se concrétise il faut former les enfants dans leur
langue maternelle ou leur principale langue de communication, aussi bien dans les systèmes
d’éducation formelle que non formelle.
L’ENF présente un fort potentiel pour l’Education pour Tous en Afrique, mais il faut la voir comme
quelque chose de plus qu’un élément contribuant à accroître les statistiques. Elle doit être perçue
comme une voie légitime permettant aux enfants de réaliser leur plein potentiel en tant qu’acteurs
actifs dans l’économie et le changement social. Ceci n’est possible que si l’ENF est considérée comme
une alternative sérieuse qui répond efficacement aux besoins d’éducation de chaque société.
Renforcer le secteur de l’édition africaine est très important pour renforcer l’industrie de la langue
africaine, car il fournira au secteur de l’éducation le matériel d’enseignement et d’apprentissage
approprié et sera un acteur clé dans la création d’un environnement alphabétisé constructif. Dans ce
chapitre, Diallo se penche sur l’édition en langues africaines dans le cadre des politiques d’éducation
actuelles et procède à une analyse du rôle des acteurs clés, de leurs points forts et faibles et donne
quelques recommandations sur la manière d’améliorer la situation.
Il commence par indiquer que l’édition en langues africaines en est à ses débuts, avec un nombre très
limité de livres, et dans la majorité des pays, l’édition est entre les mains d’un bureau du
gouvernement national responsable de la promotion de l’alphabétisation des adultes. Selon Diallo, cet
intérêt limité à éditer dans des langues africaines s’explique par des raisons à la fois politiques et
économiques. La langue nationale et les politiques d’éducation adoptées par la majorité des pays
favorisent les langues officielles comme le français, l’anglais, l’espagnol et le portugais au détriment
des langues africaines. Pour les éditeurs privés, il est donc plus rentable d’éditer dans ces langues
officielles que dans les langues africaines qui n’ont pas de fonction officielle dans l’administration et
l’éducation et ont donc un lectorat très limité. Diallo poursuit en décrivant l’environnement difficile de
l’édition en Afrique, en dépit d’un certain progrès réalisé depuis la conférence de Jomtien dans des
pays comme la Guinée, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Mali, et d’une présence plus
forte au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda, en Namibie et en Afrique du Sud. Tout d’abord, il y a peu
d’éditeurs professionnels qui peuvent produire une documentation de qualité dans les langues
africaines. Deuxièmement, éditer des manuels scolaires demande un énorme investissement financier
que nombre d’éditeurs africains ne peuvent se permettre. Troisièmement, la distribution est le point le
plus faible et le plus difficile de l’édition en Afrique car l’État et même le secteur privé n’ont pas
réussi à élaborer une politique du livre appropriée.
Diallo remarque que pour promouvoir l’alphabétisation dans les langues africaines, les éditeurs privés
et les ONG locales ont besoin d’un soutien technique et financier. Si les ONG internationales comme
le Summer Institute of Technology (SIL), et des organisations bilatérales et multilatérales comme
Capacity Building International (InWent), le Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit
23/180
On a observé ces dernières années une expansion remarquable de l’édition en langues africaines, dans
des pays qui ont créé un environnement institutionnel plus favorable à la promotion des langues
africaines en tant que langue d’enseignement et de communication. Cependant, même dans ce cas, les
gouvernements doivent élaborer des politiques linguistiques et du livre plus efficaces.
Enfin, pour promouvoir l’édition en langues africaines et le développement d’une culture lettrée et
d’un environnement érudit dans les systèmes d’éducation multilingues et dans les sociétés africaines,
Diallo considère que les aspects suivants doivent être traités sérieusement :
• La formulation et l’application d’une politique linguistique et d’une politique du livre adéquates,
et la promotion d’une culture de la lecture et de l’alphabétisation ;
• La formulation et l’application d’un système de fiscalité adéquat qui facilite l’importation de
papier et d’autres matériels nécessaires pour la production de matériels imprimés en Afrique. De
telles politiques peuvent contribuer à faire baisser le prix des documents imprimés, en particulier
de manuels ;
• La création de systèmes de distribution adéquats ;
• Limiter la dépendance aux livres venant de l’étranger ;
• Le renforcement des capacités dans tous les aspects de la chaîne du livre (auteurs, éditeurs,
libraires, distributeurs…);
• La promotion d’un partenariat entre le secteur public et privé pour définir et mettre en œuvre des
politiques de langue nationale et d’éducation notamment la conception et la mise en place d’une
politique nationale du livre ;
• La création d’un partenariat en étroite collaboration entre les gouvernements, les éditeurs privés
et les organisations non gouvernementales au niveau national pour le développement d’un
environnement et d’une culture d’alphabétisation. Cet objectif peut se réaliser si toutes les
bibliothèques disposent d’un grand nombre de documents à lire en langues africaines. Ainsi,
chaque pays doit développer et mettre en place une politique de distribution des livres adéquate ;
• Une coopération régionale entre les éditeurs africains pour produire et distribuer des manuels
scolaires et d’autres documents à lire en particulier dans les langues de grande communication
comme le Hausa, le Pulaar et le Mandingue ;
• Dans tous les pays, il faut reconnaître et valoriser la contribution des auteurs de livres produits
dans les langues africaines. Cette reconnaissance devrait être égale à celle exprimée envers les
auteurs qui produisent des manuels et d’autres documents dans les langues officielles.
Heugh analyse certaines des questions liées aux coûts de mise en place de programmes de langues
d’enseignement réussis et non réussis et décrit certaines initiatives et stratégies qui peuvent être mises
en place à un coût moindre.
24/180
Il n’existe que très peu d’études sur les coûts et les avantages de langues différentes dans les
programmes d’éducation, en particulier en Afrique. Ainsi les discussions portant sur les coûts sont
souvent basées sur des hypothèses mal informées et les croyances qui vont avec. Lorsque sont
abordées les questions concernant l’enseignement dans la langue maternelle, l’idée répandue veut que
l’utilisation des langues africaines soit trop coûteuse. Cependant, il n’existe à l’heure actuelle aucune
preuve scientifique qui établisse qu’à moyen terme :
o l’utilisation des langues africaines dans l’éducation coûte plus cher que l’utilisation des
anciennes langues coloniales ; ou que
o l’utilisation des anciennes langues coloniales est plus rentable que l’utilisation des langues
africaines dans l’éducation.
Sa recherche permet de constater un résultat intéressant : avec un peu plus de frais, on pourrait mettre
en place un enseignement qui utilise plus les langues locales et offre un meilleur enseignement de la
langue internationale. L’analyse actuelle indique que les dépenses supplémentaires peuvent varier
entre 1 et 5% et seront amorties en cinq ans en raison de taux de redoublement plus faibles.
Si nous regardons les preuves que nous possédons, il est clair que nous continuons à investir dans des
programmes conçus pour échouer. Sur le plan du système, des études multi pays comme le deuxième
Southern [and Eastern] Africa Consortium for Monitoring Educational Quality (SACMEQ II)
(Mothibeli 2005) montrent qu’en sixième année de scolarité plus de 55% des élèves de 14 pays
d’Afrique australe et de l’est n’ont pas atteint le niveau d’alphabétisation nécessaire pour rester dans le
système scolaire. Seuls 14, 6% ont atteint le niveau d’alphabétisation souhaité. Les modèles actuels
d’alphabétisation et de langues sont si inefficaces que 55% des élèves quittent l’école avant la fin de
leur sixième année scolaire sans avoir réussi, et ceci sape les Objectifs de Développement du
Millénaire et l’agenda de l’Education pour Tous (EPT) de l’UNESCO. Ceci n’est sans aucun doute ni
rentable ni bon sur le plan économique. Il est donc nécessaire de passer d’une approche
dysfonctionnelle à une approche qui offre un bon retour sur investissement.
En guise de directive générale pour une meilleure compréhension des frais en faveur de la mise en
oeuvre de modèles et politiques de langue, Heugh se réfère aux travaux de François Grin, un des rares
économistes spécialisé dans les langues et l’économie :
1. ‘…Les [C]oûts sont relativement mal connus et mal compris….Les coûts en tant que tels n’ont pas de
sens – ils n’ont de sens que par rapport à ce qu’on obtient en échange de ces coûts ’ (Grin 2005:11).
2. ‘Il s’ensuit que même une politique assortie de coûts élevés peut se révéler parfaitement raisonnable sur
le plan économique car le résultat ‘en vaut la peine’ ; et dépenser pour quelque chose qui en vaut la
peine est une décision économique parfaitement bonne’ (Grin 2005:13).
L’analyse comparative des coûts de l’offre de modèles d’enseignement de qualité faite par Heugh
(voir la section 3.1 de son chapitre) montre que la seule différence concerne la création
d’orthographes (là où il n’en existait pas), la terminologie et la traduction des livres. De plus, ces coûts
sont plus bas que ne le pensent la majorité des gens.
Par exemple, les études d’Halaoui (2003) et Vawda & Patrinos (1999) montrent que le volume des
livres nécessaires en langues africaines est suffisamment important pour que la différence de coût
unitaire entre les livres en langue européenne et les livres en langues africaines soit minime. Vawda &
Patrinos estiment que d’une façon générale, le coût supplémentaire de production de matériels en
langues africaines et leur utilisation efficace en classe représentera moins de 10% du budget du
matériel pédagogique et de l’éducation de l’enseignant. En Afrique du Sud 10% d’augmentation des
coûts de matériels et de l’éducation des enseignants représenterait moins de 1% (plus près de 0, 7 – 0,
8 %) de tout le budget de l’éducation. Aussi, au mieux nous parlons de 1% supplémentaire de
l’ensemble du budget de l’éducation dans ce pays.
La traduction récente des examens de fin de scolarité en sciences au Nord de Sotho (Sesotho sa Leboa)
financée par le Pan South African Language Board en 2000 faite avec près de 12000US$. Pour
traduire ces examens, il a fallu développer ou expliquer une terminologie en Sesotho sa Leboa. En
25/180
d’autres termes, la terminologie des sciences utilisée jusqu’à la fin de l’école secondaire a été créée
dans cette langue avec un budget minime. Comme le Sesotho sa Leboa est très proche de 2 autres
langues sud africaines (Sesotho et Setswana), les traductions parallèles et la création d’une
terminologie pour la science pourront se faire rapidement et seront donc moins coûteuses.
Si l’offre d’éducation pour les enseignants est prévue pour appuyer un système qui fonctionne et est
ensuite élaborée selon différents modèles linguistiques (voir section 3.4 dans ce chapitre), il est alors
clair que l’utilisation des langues africaines ne revient pas plus cher que les modèles dominants en
anglais, français, portugais ou espagnol.
o D’abord, les exigences d’éducation des enseignants concernant les programmes, les
connaissances du contenu et les méthodologies en classe impliquent des coûts similaires ou
égaux dans tous les modèles linguistiques.
o Deuxièmement, il ne coûte pas plus cher de former des enseignants en Afrique pour enseigner
dans les langues qu’ils connaissent et parlent bien. Former des enseignants à utiliser une
langue qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment revient plus cher.
o Ces enseignants doivent d’abord apprendre la langue qu’ils doivent utiliser pour enseigner et
également développer une bonne maîtrise théorique de cette langue. Ceci demande du temps
(au moins 200 heures par enseignant). Le temps c’est de l’argent.
En général, ceux qui considèrent que l’enseignement en langue maternelle est trop onéreux, ont
complètement sous-estimé l’impact du moyen d’instruction. Ils supposent que les enseignants
actuellement dans le système sont compétents dans la langue qu’ils doivent utiliser pour enseigner. Ils
ne comprennent pas réellement que les enseignants ne peuvent faire l’impossible. Ils ne peuvent
enseigner avec des langues dans lesquelles ils n’ont pas un niveau théorique suffisant.
S’ajoutant à ces facteurs, les avantages économiques à moyen terme du développement de l’industrie
linguistique dans les pays africains ne devraient pas être sous-estimés. Cela apporterait un souffle
nouveau dans l’éducation tertiaire sur le continent et créerait de nouvelles possibilités d’emploi.
Elle suggère finalement le plan d’activités suivant en 10 points nécessaire pour une utilisation plus
répandue des langues africaines dans l’éducation (voir page suivante).
26/180
4
Les pays où l’orthographe existe ainsi que d’autres unités de développement des langues, peuvent s’attendre à
une augmentation de 1%; là où il n’existe pas d’orthographes, les coûts peuvent augmenter de 5%.
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Le rapport plaide pour un changement de paradigme dans la définition d’une éducation réussie pour
permettre des cultures d’efficacité pour les systèmes éducatifs. Un tel changement de paradigme, s’il
est souhaité par les leaders des pays africains, demanderait entre autres d’actualiser les connaissances
sur le rôle clé des langues d’enseignement et le développement de la société concernée. Le
changement de paradigme ouvrirait également la voie aux réformes de l’éducation.
Le marketing social intégré pour les organisations non commerciales/à but non lucratif est défini
comme
la planification, l’organisation, la mise en oeuvre et le contrôle des stratégies et activités des
organisations non commerciales, qui directement ou indirectement visent des solutions aux
problèmes/tâches sociales ;
offrant une philosophie, des concepts, des stratégies et des outils pour régler les problèmes
sociaux, et finalement apporter les changements sociaux et culturels souhaités (vers la
« modernisation »);
l’orientation des activités vers les besoins des groupes cibles et de la communication
professionnelle avec les groupes cibles ; les groupes cibles comprennent le grand public, les
décideurs et les administrateurs, les médias et les organisations professionnelles ;
Le MSI concerne surtout la communication de (nouvelles) idées sociales (c.-à-d. le plaidoyer, la
diffusion et l’acceptation), préparant le terrain pour les changements d’attitude et de comportement, et
la négociation de réformes sociales comme les réformes de l’éducation, en particulier pour créer le
cadre social d’un partenariat multi acteurs dynamique pour renforcer les perspectives de réussite de la
mise en place de nouvelles politiques.
1.11 Conclusion
En conclusion, il est clair qu’il ne peut y avoir d’enseignement ou d’apprentissage s’il n’y a pas de
communication entre l’enseignant et l’apprenant. Et il ne peut y avoir de communication efficace
lorsque le Md’I n’est pas maîtrisé par l’apprenant ou par l’enseignant. Ceci est encore le cas pour la
majorité des élèves et des enseignants africains. D’où, l’échec du système d’éducation en Afrique que
nous avons tous constaté.
Une certaine partie de l’élite politique africaine, les anciennes puissances coloniales, les agences et les
organisations internationales ont perpétué cette situation, ainsi que la résistance des communautés
africaines ignorantes du potentiel et des capacités de leur propre langue. Les conclusions des équipes
de recherche chassent les mythes qui non seulement refusent d’accorder aux langues africaines
subsahariennes la même valeur qu’à l’anglais, au français et au portugais, mais dépouillent les langues
africaines de leur potentiel. La crainte qu’une éducation multilingue efficace ne coûte trop cher a été
prise au sérieux et un chapitre entier est dédié à cette question. La bonne nouvelle c’est que
l’investissement initial sera abordable et situé très probablement dans une fourchette de 1 à 5% du
budget de l’éducation nationale, et la rentabilité sociale et économique immédiate, à moyen terme et à
long terme pour l’ensemble de la société et de l’industrie linguistique n’a pas encore été prise en
compte.
Les recommandations d’action comme les suggestions de plans d’actions, les listes de référence et les
modèles de gestion découlent des résultats pour faciliter la concrétisation des résultats de la recherche
en action. Pour inverser la situation actuelle non satisfaisante, il est extrêmement important d’avoir des
politiques de langue d’enseignement appropriées, d’encourager l’utilisation des langues africaines
comme Md’I tout au long du système d’éducation et la mise en place de programmes scolaires
pertinents sur le plan culturel. Pour promouvoir une telle politique et en assurer le succès et la
durabilité, il est extrêmement important de promouvoir l’utilisation des langues africaines au sein du
gouvernement et dans les activités quotidiennes du secteur privé.
Des contributions importantes et substantielles au développement et à l’utilisation des langues
africaines dans l’enseignement existent et nous pouvons les utiliser comme point de départ. Il existe
par exemple de nombreux programmes d’alphabétisation en langue maternelle, de transcription des
langues orales, des organisations communautaires et non gouvernementales, des agences de bailleurs
de fonds et de développement, des départements spécialisés dans les universités. Chacune de ces
initiatives doit être encouragée dans son cadre respectif et soutenue. Elles ne pourront cependant
réaliser tout leur potentiel si elles sont appliquées dans des systèmes d’enseignement qui découragent
l’utilisation des langues africaines après les premières années d’alphabétisation ou les programmes
courts en langue maternelle. Nos efforts doivent se concentrer sur le développement des ressources
existantes. Ceci implique d’élargir ces initiatives et de préparer des listes de terminologie, des
dictionnaires, des manuels scolaires, des programmes d’éducation pour les enseignants afin de fournir
l’ensemble du système scolaire en programmes d’éducation en langue maternelle.
Il existe des modèles réussis de politiques de langues d’enseignement utilisés en Afrique et ailleurs.
L’utilisation des langues africaines comme Md’I tout au long des modèles de systèmes d’éducation
multilingues est considérée comme une solution réaliste pour améliorer l’éducation en Afrique. C’est
une solution qui demande un investissement initial, de la détermination et du courage, et qui permettra
d’intéressants rendements sur le plan économique, éducatif et social.
29/180
Les gouvernements africains aidés par des organisations et des personnes dévouées ont fait des efforts
remarquables et ont débloqué des ressources importantes en faveur des systèmes d’éducation sur le
continent pour se conformer aux objectifs de 1990 de la Conférence Mondiale pour l’Education de
Jomtien qui devaient être réalisés en l’an 2000. Cinq ans après ce délai, nous nous retrouvons dans
l’obligation de reporter ce délai à 2015 dans le cadre de ce qu’on appelle les Objectifs de
Développement du Millénaire pour l’Education. Vu l’incapacité à réaliser cet objectif, il est clair qu’il
y a eu un dysfonctionnement au niveau de l’action ou dans la pratique de l’enseignement, et il est
probable que cela ne remonte pas à 1990 mais à beaucoup plus loin. Il serait bon que les
gouvernements africains prennent un peu de recul et revoient leur politique d’éducation, qu’elle soit
héritée de l’époque coloniale (ce qui est souvent le cas dans les pays dits francophones et lusophones)
ou qu’ils aient essayé de la changer depuis l’indépendance (ce qui a été le cas dans certains pays dits
anglophones).
Tout prouve que l’un des principaux facteurs responsables de cet échec est le « facteur linguistique»
que ce document se propose d’analyser et de décrire dans son rôle en classe et surtout dans la société
en général, afin de proposer aux gouvernements africains et aux autres parties prenantes des
recommandations reposant sur une base scientifique et qui leur permettront d’aller de l’avant.
En un mot, les pratiques éducatives en Afrique ont échoué avec les deux modèles de langue
d’enseignement (pour les détails, voir le chapitre 3) : Lorsque les systèmes éducatifs sont basés sur
l’usage exclusif de la langue de l’ancienne puissance coloniale comme seul moyen d’instruction, le
système dans son ensemble enregistre des résultats plutôt médiocres. C’est la situation qui prévaut
dans les pays francophones et lusophones d’Afrique. Ceci n’est nullement une surprise pour les
experts des langues d’enseignement qui considèrent que pour la majorité des apprenants, un
apprentissage dans une langue étrangère ou inconnue ne peut donner de bons résultats. Même lorsque
les gouvernements ont fait de gros efforts pour introduire ou maintenir l’usage d’un enseignement en
langue maternelle/L1 (ELM) dans les toutes premières années de l’enseignement primaire, les résultats
n’étaient souvent pas à la hauteur de ce qu’ils attendaient : là encore, le système enregistre des
résultats assez médiocres, comme dans un grand nombre de pays africains anglophones. Ceci sera une
surprise paradoxale pour les observateurs qui ne sont pas des experts et qui ont entendu les experts
dire que l’usage de la langue maternelle/langue locale dans le premier cycle du primaire avec une
transition vers une langue officielle/étrangère (L2) dans le cadre du modèle dit de sortie précoce
améliorerait considérablement les performances scolaires. Une recherche scientifique récente montre
que les « modèles de sortie précoce » risquent d’échouer à long terme en raison d’une période trop
limitée d’apprentissage en L1.
Sur l’ensemble du continent et indépendamment du passé colonial du pays, nous devons reconnaître
les résultats presque toujours médiocres des systèmes d’enseignement, avec un faible niveau
d’admission, une répartition inégale des garçons et des filles dans les écoles, un niveau
d’enseignement médiocre, une faible motivation des maîtres et des élèves, des taux élevés d’abandon
et de redoublants, des résultats médiocres aux examens, un faible taux de passage de l’enseignement
primaire vers l’enseignement secondaire (et de l’enseignement secondaire vers l’enseignement
tertiaire) ; ceux qui quittent l’école en primaire sont pratiquement analphabètes, avec peu ou pas de
connaissance dans la langue officielle ; très souvent, ceux qui quittent l’école ont acquis peu ou pas de
compétences pratiques ou professionnelles pour devenir de meilleurs paysans, jardiniers ou artisans
une fois sortis de l’école.
En dehors des résultats médiocres largement répandus des systèmes d’enseignement, d’autres raisons
continuent à peser sur les progrès du secteur de l’éducation en Afrique depuis l’indépendance, comme
le fait que le « facteur linguistique » soit pratiquement absent du discours sur le développement. Ceci
s’applique par exemple aux discours portant sur des questions importantes comme l’allègement de la
pauvreté et le développement durable en Afrique. Ce discours est en général monopolisé par des
experts en économie et autres disciplines sociales apparentées qui –en règle générale- connaissent peu
31/180
ou pas le rôle du « facteur linguistique » pour une communication réussie sur le développement. Ceci a
été ou est également vrai pour les principaux documents philosophiques et stratégiques centrés sur
l’avenir du continent, comme les documents importants sur le NEPAD, la Renaissance Africaine, et
même l’Education pour Tous ; les questions importantes traitées par cette étude, notamment le rôle
éminent des langues africaines indigènes pour une éducation de qualité dans le cadre de systèmes
additifs bilingues ou trilingues, sont au mieux considérées comme marginales, et ne sont en général
même pas traitées. Lorsque la question de la langue est abordée, on ne parle en général que des
langues officielles héritées du colonialisme, comme l’anglais, le français et le portugais.
Ce chapitre cherche à identifier certaines des raisons fondamentales, à comprendre comment et
pourquoi certains déficits au niveau de la langue, de la planification et de la mise en place du
développement en Afrique « contribuent » à faire obstacle aux avancées et à un progrès sérieux du
développement en général et de l’éducation en particulier. L’accent est clairement mis sur le « facteur
langue ». L’approche est basée sur le modèle simplifié figurant ci-dessous et qui illustre les relations
entre LANGUE(S), EDUCATION et DEVELOPPEMENT, et notre degré de compréhension de ces
relations respectives :
[Largement ignoré]
[Peu compris en dehors des cercles d’experts,
en particulier en termes de M d’I par rapport à la
ME(Matière enseignée)]
COMMUNICATION SUR
LE DEVELOPPEMENT
DEVELOPPEMENT EDUCATION
[Largement accepté sur une base à priori, mais avec une compréhension limitée de la nature exacte de la
relation]
La majorité des sociétés africaines fonctionnant dans un cadre multilingue, la communication sur le
développement en Afrique exige des stratégies multilingues pour les simples raisons suivantes :
o Le développement c’est de la communication ; en Afrique les acteurs impliqués parlent des
langues différentes.
o La communication se fait essentiellement au travers de la langue, oralement ou par écrit, dans une
langue étrangère/officielle ou dans des langues indigènes/locales.
o La communication est facilitée par des compétences linguistiques et des répertoires linguistiques
partagés, particulièrement entre les populations locales et les conseillers/consultants, qu’ils soient
des ressortissants ou des expatriés.
Ce chapitre sert à une meilleure compréhension du discours sur la politique linguistique dans et sur
l’Afrique, avec l’accent mis sur les politiques de langue d’enseignement. L’éducation englobe les deux
systèmes d’éducation formelle5 et les pratiques de l’éducation non formelle6, notamment des aspects
de l’alphabétisation et de la post-alphabétisation dans les langues maternelles africaines indigènes/les
5
Cf. les chapitres de Heugh, Alidou et Brock-Utne dans ce volume.
6
Cf. le chapitre de Boly dans ce volume.
32/180
langues nationales et les langues officielles non indigènes/étrangères utilisées dans la communication
nationale et/ou dans le système d’éducation7. Le message central de ce chapitre est donc le suivant :
• Le sous-développement actuel et continu en Afrique est intimement lié au facteur linguistique qui
joue un rôle décisif dans le succès ou l’échec de la communication sur le développement qui est à
son tour étroitement liée à l’éducation et plus particulièrement au facteur linguistique dans
l’enseignement.
• Des révisions et des analyses scientifiques du contexte et de l’histoire des politiques linguistiques
et de la planification linguistique en Afrique, en particulier de la planification linguistique pour
l’enseignement, amènent à plaider pour une planification sociale exhaustive basée sur des
politiques linguistiques qui reflètent l’héritage multilingue et multiculturel de la population
concernée et, qui sont déterminées par une société libre et démocratique.
• Ces visions doivent considérer l’éducation comme un projet de société visant un développement
économique et socio politique durable, inscrit dans un contexte plus large de sociologie appliquée,
facilitée par une langue et des politiques et une pratique de l’enseignement adéquates sur le plan
socio culturel.
La planification linguistique en Afrique doit se faire en tenant compte de plusieurs facteurs comme le
multilinguisme, l’héritage colonial, le rôle de l’éducation en tant qu’agent du changement social,
l’impact important de l’analphabétisme et l’intérêt pour la communication, l’intégration nationale et le
développement. (Ayo Bamgbose)
Ce document doit répondre à une question essentielle, à savoir comment offrir une éducation de
qualité aux enfants (et adultes) africains avec des moyens et une gestion du contenu du programme
scolaire plus appropriés dans le cadre d’une vision d’un développement durable et d’allègement de la
pauvreté sur le continent. Pour trouver des réponses, nous devons nous pencher sur certains aspects
étroitement imbriqués du paysage extrêmement complexe de la communication et des schémas
d’usage des langues dans les pays africains, qui ont chacun leur propre structure culturelle. Parmi ces
aspects :
• La sensibilité de la « question linguistique » en Afrique, en raison du cadre post colonial dans
lequel s’inscrivent tous les discours sur des sujets politiques et l’impact persistant des attitudes
mal informées qui engendrent des préjugés négatifs, des stéréotypes et des clichés qui ont un
impact négatif sur le statut et le prestige des langues africaines et que partagent un grand nombre
d’acteurs ;
• La pluralité des langues et le multilinguisme, atouts naturels des personnes et des politiques en
Afrique – et pourquoi il est si difficile pour beaucoup d’accepter les langues africaines comme des
ressources viables sur le plan personnel et de la société ;
• Le rôle de la (des) langue(s) dans et pour le développement, en d’autres termes, ce que les langues
africaines ont à avoir non seulement avec des notions « douces » comme l’Identité africaine, la
personnalité africaine, et la Renaissance africaine, mais également avec des stratégies plus dures
sur le plan du développement économique, social et politique et de la réduction de la pauvreté ; et
comment et pourquoi ceci doit être basé sur une gestion affirmative de la diversité linguistique et
culturelle reçue pour à terme transformer l’inégalité sociale et l’absence d’unité nationale héritées
en unité nationale et égalité ;
• Le rôle des langues africaines en tant que moyen d’instruction indispensable, ainsi que
l’introduction appropriée de « langues intercontinentales de grande communication (LIGC,
comme l’anglais, le français, le portugais, l’espagnol et également l’arabe) en tant que matière
d’enseignement dans les modèles de langue dans l’éducation « sans sortie » - et pourquoi tant de
personnes, de profanes et même quelquefois « des experts » se trompent ;
• L’effet sur le développement d’une éducation de qualité basée sur de bonnes compétences
linguistiques, c-à-d, pourquoi comprendre que ce que dit le maître n’est en rien trivial, et le rapport
entre les langues africaines et de meilleurs résultats d’apprentissage en maths et en sciences par
exemple, mais également une plus grande compétence en anglais, en français et en portugais ou
dans toute autre langue officielle qui est à l’origine étrangère au pays ;
• La proposition de concepts supérieurs hautement prometteurs pour les politiques de langue
d’enseignement pour l’Afrique – et ce qui est important pour bien les « vendre » afin de créer de
nouvelles traditions de planification exhaustive et d’application durable de réformes éducatives si
nécessaires sur le continent ;
Ce chapitre vise donc à (a) démontrer la normalité du multilinguisme pour la majorité des enfants et
des adultes en Afrique que toute politique éducative doit prendre en compte, (b) insister sur la
nécessité de faire de la langue une question centrale dans tous les discours sur le développement, et (c)
attirer l’attention sur divers facteurs qui ont tendance à empêcher la formulation et l’application de
politiques linguistiques et de langues d’enseignement adéquates et socio culturellement intégrées pour
dépasser les obstacles intellectuels et idéologiques actuels, et transformer le « facteur linguistique » en
atout pour le développement durable et pour l’allègement de la pauvreté.
34/180
La langue est une question très sensible dans le monde entier. Dans le contexte africain, la sensibilité
est particulièrement exacerbée en raison du passé historique du continent et de sa dépendance néo ou
post coloniale qui persiste et a un effet immédiat sur toutes les questions de politiques ou d’éducation.
Il n’est donc pas étonnant que l’expression « question linguistique » soit un euphémisme souvent
employé pour parler de « conflit linguistique ».
8
Dans la majorité pour ne pas dire tous les documents disponibles qui font référence à la notion de Renaissance
Africaine, le rôle des langues africaines indigènes reste quelque peu marginal pour ne pas dire obscur. Même
lorsqu’on parle de « l’âme, l’identité et la créativité africaines », ces concepts ne sont pas liés à l’expression
orale prédominante dans les quelques deux mille langues maternelles ancestrales (cf. Wolff 2003b).
36/180
reflètent l’évolution des points de vue des gens sur la société et la culture. Les attitudes négatives
envers les langues africaines sont largement répandues et partagées curieusement par un grand nombre
d’africains et par les expatriés conseillers du gouvernement. Selon Obanya (1999b), elles sont
fortement ancrées dans la peur du changement social, en particulier chez les membres des élites
postcoloniales, mais également chez les consultants et experts non linguistes expatriés des pays et
agences de bailleurs de fonds. Cette crainte est basée sur la possibilité de voir des sections
marginalisées de la population, comme des minorités, des analphabètes, les femmes et même des
enfants acquérir un pouvoir grâce à une reconnaissance officielle de leurs langues, ce qui aurait un
effet négatif sur l’équilibre des pouvoirs et représenterait une menace pour les privilèges de l’élite
dominante. D’une façon générale, leur situation privilégiée d’aujourd’hui est le résultat de l’héritage
du colonialisme et se perpétue grâce aux structures d’éducation et de média néocoloniales.
L’acceptation de la domination perpétuelle de la « culture occidentale » (avec ses ramifications
politico-économiques) apparaît souvent sous forme déguisée dans des termes comme l’universalisme
ou la mondialisation. Les attitudes positives envers des langues africaines par ailleurs, concernent le
cadre théorique de l’indigénisation qui repose sur l’exploitation des ressources intellectuelles et
éducatives créatives offertes par l’héritage culturel et le système de valeurs indigènes africaines, mais
place ce système éducatif dans le sillon de « l’éducation bantou » haïe de la période de l’apartheid en
Afrique du Sud – du moins aux yeux de ses opposants parmi les propagateurs de l’occidentalisation et
de la mondialisation. Ceci explique que les membres des « élites » africaines modernes, les
intellectuels et les décideurs soient divisés en deux camps : ceux qui sont fortement opposés au
pouvoir donné actuellement aux langues africaines (que souvent ils ne maîtrisent pas bien eux-mêmes,
préférant l’anglais, le français ou le portugais), et ceux qui plaident fortement pour un rôle plus
important des langues indigènes, en particulier dans l’enseignement de base et pour permettre
l’expression créative de la « personnalité africaine ». Etonnamment, les sympathisants de ces écoles de
pensée antagonistes ne voient pas les avantages d’une approche multilingue qui permettrait d’avoir le
beurre et l’argent du beurre!
2.3.6 Revaloriser les langues et leur donner un pouvoir grâce à un usage élargi
Les langues indigènes et les cultures dites traditionnelles de l’Afrique ne doivent pas nécessairement
être considérées comme « bonnes » simplement parce qu’elles appartiennent à certains groupes
« ethniques » sans pouvoir et à des pays « sous développés ». Elles doivent être adaptées aux besoins
du développement économique et socioculturel dans le cadre du projet de construction d’une société
démocratique et du contexte incontournable de la mondialisation (Rabenoro 1999).
Le mieux et peut-être la seule façon de donner plus de pouvoir aux langues sans pouvoir est de les
utiliser largement dans de nouveaux domaines. Ceci concerne, entre autres, leur pleine intégration
37/180
dans des systèmes d’éducation formelle et informelle. La revalorisation et le pouvoir donné aux
langues africaines seraient basés sur l’axiome sociolinguistique selon lequel, l’évolution des
langues (en terme de statut, de prestige et d’adaptation aux nouveaux domaines d’utilisation)
passe par l’utilisation du langage dans de nouveaux domaines. Le prestige de la langue équivaut à
utiliser une langue dans des domaines prestigieux, notamment aux niveaux les plus élevés de
l’éducation, mais aussi dans toutes les négociations nationales économiques, politiques et culturelles.
Ce point de vue d’expert n’a cependant pas encore été présenté d’une façon efficace aux politiciens,
aux décideurs et aux administrateurs responsables, d’où la nécessité d’un marketing social intégré pour
les politiques linguistiques (cf. chapitre 8).
Le multilinguisme (et son pendant le multiculturalisme) est et restera une caractéristique intégrale de
la réalité africaine comme de la majorité des pays du monde. Toute planification politique, sociale,
culturelle et de l’éducation doit en tenir compte. Comme le dit Annamalai (2003) même pour les
anciennes puissances coloniales, le « monolinguisme à la maison » est un mythe plutôt qu’une réalité
comme le montre un regard objectif sur la situation sociolinguistique de la France et de la Grande
Bretagne.
Le continent africain abrite près d’un tiers des langues vivantes du monde ; environ 1 200 à 2 000
langues africaines indigènes sur un total de 5 000 à 6 000 langues toujours parlés dans le monde. Que
nous partagions ou pas les vues pessimistes sur le taux de survie de langues dans le monde qui
estiment que 90 % des langues parlées aujourd’hui devraient disparaître dans les cent prochaines
années, nous nous retrouverons toujours confrontés à la question politique fondamentale qui est (a) de
savoir s’il faut s’attaquer à la question de la langue d’enseignement ou, (b) ne pas modifier le statu quo
en dépit de ses résultats et de sa rentabilité médiocres (cf. Chapitre 3).
En général, et dans les domaines non formels, les africains savent transformer leur multilinguisme en
atout. Dans les domaines non formels, les gens se rencontrent lors de voyages, de mariages, etc. et
apprennent les langues des autres spontanément et selon leurs besoins. Ils attribuent différentes
fonctions aux langues qu’ils parlent. Ainsi à la maison, dans la rue et au sein de la communauté les
africains valorisent leur multilinguisme au quotidien. Mais l’ironie veut que le multilinguisme soit
considéré comme un problème dans l’administration et l’éducation formelle.
Il est clair que les premiers gouvernements de la période post indépendance en Afrique et les
conseilleurs expatriés s’attendaient à ce que la langue coloniale devienne un moyen viable de
communication nationale et, dans l’idéal, devienne un symbole de l’unité nationale qui dépasserait
toutes les divisions éthnico-linguistiques du pays, car - n’étant pas réellement une langue tribale qui
puisse être associée à un groupe particulier de la population déjà puissant dans le pays – les citoyens
pourraient la considérer comme une langue « neutre » en termes de rivalité ethnique. Les sociologues
soutiendront néanmoins, qu’il n’existe pas de langue « neutre », en particulier lorsqu’il s’agit de
langues officielles qui sont par définition des symboles et des instruments de pouvoir.
lingua franca ou la langue officielle), s’est révélée fausse. Au contraire, même si les poches de
communautés monolingues situées essentiellement dans les zones rurales se réduisent de plus en plus,
au lieu d’assister à un « transfert » de langue, on a vu le multilinguisme individuel se développer à
grande échelle avec des linguae francae régionales (comme le swahili, le Hausa, le Fulfulde, le
bambara, etc.) qui se sont imposées de façon dynamique comme seconde ou troisième langue même
dans les poches anciennement monolingues en raison d’un accroissement de la communication et
surtout de l’éducation. Par ailleurs, la croissance démographique a entraîné une forte augmentation du
nombre de personnes qui conservent leur langue maternelle qu’ils utilisent avec une ou deux autres
langues dans le cadre de ce que les sociolinguistes désignent par « bi-/trilinguisme stable ».
Les réactions négatives envers le multilinguisme dans l’éducation sont souvent basées sur des
considérations financières qui estiment qu’investir dans les langues minoritaires n’est pas rentable
parce que ces langues ne sont parlées que par un petit nombre. En Afrique, seules 72 langues
indigènes sont parlées par plus d’un million d’utilisateurs (et seules 16 % de celles-ci sont parlées par
plus de cinq millions d’utilisateurs en comptant comme deux langues différentes l’isiZulu et
l’isiXhosa qui se comprennent entre elles, et en incluant le malgache et l’afrikaans). Comme dans le
reste du monde, la grande majorité des langues africaines sont parlées par moins de 100.000
utilisateurs, et probablement par moins de 50.000 utilisateurs. C’est pourquoi ne prendre en compte
que les langues « majeures » à des fins éducatives, reviendrait à oublier près de 96% des utilisateurs de
langue maternelle de l’Afrique! Une éducation axée sur la qualité doit donc baser la politique
linguistique sur les ressources linguistiques disponibles, c.-à-d. le multilinguisme incluant la langue
maternelle et locale ou les linguae francae régionales (langues nationales), sinon la langue officielle
(ou des variétés distinctes de celle-ci) dans certains environnements métropolitains.
9
Les termes « diglossie » et « triglossie » font référence aux relations hiérarchiques de deux ou trois langues au
niveau de leur prestige plus ou moins important, de leur pouvoir et de leur « valeur de marché » pour ceux qui
les parlent.
39/180
Une
Mobilité sociale ascendante (ou plusieurs)
en direction de l’ÉLITE langue(s) officielle(s)
grâce à l’éducation & à la maîtrise
de la langue officielle (plusieurs) langues nationales
i.e. linguae francae utilisées au plan
national ou quasi-national
(plusieurs centaines de )
langues locales / langues maternelles
Les systèmes éducatifs additifs bilingues ou trilingues qui utiliseraient au maximum les compétences
multilingues des enfants et des adultes, doivent donc tenir compte des principaux schémas de
communication ; en d’autres termes, la notion technique d’un enseignement « bilingue » doit concilier
les instanciations trilingues locales/régionales avec deux langues L2 supplémentaires, en fonction de la
situation des enfants lorsque la langue locale ou de la communauté/région est différente de la langue
nationale, s’il en existe une ; ci-dessous une illustration de ces modèles dans des cas théoriques
possibles au Niger et au Cameroun :
Les « mythes » suivants concernant le multilinguisme chez l’enfant sont pris chez Dutcher et Tucker
(1995, cités dans GTZ 2003: 20ff):
• Mythe 1: Les enfants connaissent leur 1ère langue à l’âge de six ans quand ils entrent à l’école.
• Mythe 2: Les enfants apprennent une 2ème langue plus rapidement et plus facilement que les adultes.
• Mythe 3: Plus l’enfant est jeune, mieux il apprendra une seconde langue.
• Mythe 4: Plus les élèves passent de temps en contact avec une seconde langue, plus vite ils l’apprendront.
• Mythe 5: Les enfants ont appris une deuxième langue une fois qu’ils l’ont apprise.
On peut prouver scientifiquement que tous ces mythes sont faux (cf. Dutcher et Tucker 1995). Une brochure
GTZ sur l’Education Primaire Universelle dans les Sociétés Multilingues (2003) contient d’autres mythes à
ajouter après 25 années d’expérience en Amérique Latine et en Afrique Sub-Saharienne :
• Mythe 6: Seule la langue officielle permet de véhiculer les contenus scientifiques et mathématiques.
• Mythe 7: Sans langue officielle, il n’y aurait pas de communication extensive dans la capitale et dans les
villes.
• Mythe 8: Les enfants de fonctionnaires sont exclus de l’éducation lorsqu’un de leurs parents est transféré
dans un poste en dehors de sa région linguistique.
• Mythe 9: La mondialisation force chacun à maîtriser l’anglais.
• Mythe 10: Les parents veulent que leurs enfants suivent (uniquement) un enseignement dans la langue
officielle.
• Mythe 11: L’enseignement dans la langue maternelle explique l’échec de l’éducation dans le passé.
41/180
On peut également prouver de façon scientifique que ces mythes sont faux; ils reposent sur des
hypothèses mal informées et des préjugés irréversibles, et sont étayés par la méthodologie médiocre de
la recherche sociale10. Toutes les preuves (cf. chapitres 3-5 de ce volume) montrent que le maintien
continu de la langue maternelle (ou d’une langue nationale) comme moyen d’instruction ainsi que
l’enseignement de langues officielles et d’autres langues étrangères par des professeurs compétents
assurera une éducation de qualité en Afrique aussi bien que dans les pays dits développés.
2.4.4 Les Linguae Francae de l’Afrique et les langues transnationales en tant que ressources
premières de l’enseignement multilingue
Du fait que la majorité des langues en Afrique et dans le monde sont parlées par moins de 100 000
utilisateurs, les linguae francae et les langues transnationales qui sont parlées par un plus grand
nombre d’utilisateurs qui les utilisent comme première, seconde, troisième et même quatrième langue
en plus de leur langue maternelle, revêtent un grand intérêt en termes d’économie sur les moyens de
communication, au niveau national et transnational avec les pays voisins en Afrique. Ces langues
donnent une indication de la façon dont les Africains apprennent et utilisent les langues en fonction de
leurs besoins de communication. Des langues comme le Hausa, le Fulfulde, le Jula, le Bamanankan
etc. ont été et sont utilisées comme linguae francae efficaces dans le commerce transnational et, par
exemple dans les campagnes de lutte contre le HIV/SIDA, qui est appelé la « maladie des
camionneurs et des prostituées» en raison de sa propension à se propager par ce biais. Pour atteindre
les personnes comme les camionneurs, qui font du commerce transnational, et les prostituées locales
par exemple, les gouvernements sont obligés d’utiliser ces langues transnationales pour mener leurs
campagnes de santé. Les langues non africaines comme l’anglais, le français, l’espagnol, et le
portugais n’atteignent pas les groupes cibles les plus importants.11
Les linguae francae nationales et les langues transnationales offrent donc des ressources intéressantes
pour la communication et la coopération régionales, évitent de multiplier les efforts par deux ou par
trois, et permettent de partager le fardeau. Les problèmes qui restent encore à dépasser concernent
l’absence déplorable de normes de codification harmonisées au niveau national et international
(« orthographes harmonisées ») qui est due aux approches cherchant à identifier les « tribus » et les
« langues tribales » dans le passé colonial et qui ont semé la discordance, et aux rivalités entre les
missions de diverses appartenances qui préféraient que leurs ouailles aient « leur propre bible » c.-
à-d. utilisent des orthographes différentes et distinctes.
Le degré élevé de multilinguisme individuel en Afrique est essentiellement dû à deux facteurs
importants
(a) le nombre en général assez limité d’utilisateurs d’une langue maternelle qui n’est en général pas
acquise ou apprise par les communautés avoisinantes qui ont leurs propres langues ; d’où la
nécessité d’utiliser des linguae francae locales, régionales ou même nationales en tant que seconde
ou troisième langue pour la communication interethnique ;
(b) le prestige plus important et le potentiel socio-économique des langues nationales ou officielles
qui contribuent à la mobilité sociale et géographique et en sont même une condition préalable
nécessaire.
Ces besoins ont fait de l’Afrique -– déjà à l’époque précoloniale - le foyer de plusieurs linguae
francae, qui fonctionnent à différents niveaux (local, régional, national, international). Les africains
multilingues peuvent avoir une maîtrise active d’un nombre quelconque de langues sur l’échelle de la
communication et dans les domaines d’utilisation de tout pays indépendant (cf. Fig. 3 ci-dessus). Par
exemple,
10
C-à-d. en posant aux parents des questions « soit- ou » (« l’anglais OU une langue locale? » ) sans leur offrir
l’option « ainsi que » (« Langue locale ET l’anglais? ») pour obtenir des réponses non biaisées.
11
Je dois ce raisonnement particulier à Hassana Alidou (p.c.).
42/180
Le développement des linguae francae en Afrique date d’avant l’ère coloniale, ce qui fait que nombre
d’entre elles n’étaient pas confinées aux différents anciens territoires coloniaux et, donc aux frontières
internationales des états aujourd’hui indépendants en Afrique. Ces langues transnationales ne sont en
général et à tort, pas comptées parmi les langues internationales en Afrique ; l’UNESCO les désigne
sous le terme de langues InterAfricaines. Elles ont un potentiel particulièrement élevé pour une
utilisation élargie notamment dans l’enseignement et la communication interafricaine. Le tableau ci-
dessous est basé sur une étude de l’UNESCO (1985), et a été légèrement remanié ; il est extrait
d’Obanya (1999a: 95).
12
Il ne faut pas oublier que ces statistiques sur la population sont des estimations qui remontent au début des
années 80; la croissance élevée de la population en Afrique donnerait aujourd’hui, 25 ans plus tard, des
statistiques beaucoup plus élevées !
43/180
L’harmonisation internationale des langues transnationales en Afrique qui figure déjà à l’ordre du jour
de l’Académie Africaine de Langues (ACALAN) sous les auspices de l’Union Africaine (UA), semble
offrir un champ propice à la coopération internationale avec le soutien des ONG et des organisations
de bailleurs de fonds, à des possibilités de publication transnationale et à la création d’un
environnement élargi de post alphabétisation et de publication pour les langues africaines (cf. chapitre
7).
Comme l’ont dit plusieurs auteurs africains (cf. par exemple, Alidou 2003, mais également Bamgbose
et d’autres dans diverses publications au fil des années), l’éducation traditionnelle dans l’Afrique
précoloniale n’a pas souffert des problèmes des langues d’enseignement. Les langues maternelles
locales étaient utilisées assez naturellement à l’intérieur de chaque groupe ethnique ou linguistique
pour la socialisation culturelle de la jeune génération. Dans des régions où l’Islam était bien établi
comme religion, l’arabe (écrit dans ce qu’on appelait l’ajami, c.-à-d. des adaptions de l’écriture arabe)
venait s’ajouter comme « langue spécialisée » dans l’instruction religieuse dans le cadre de ce qui reste
une institution toujours vivace de l’éducation coranique dans de vastes régions d’Afrique. On pourrait
donc dire que l’éducation multilingue est une tradition de longue date en Afrique qui remonte à bien
avant l’ère coloniale. De ce fait, les controverses et problèmes des langues dans l’éducation que l’on
déplore tant ne sont arrivés qu’avec le colonialisme et l’impact dominant des langues des
colonisateurs.
Etant donné le cadre général déjà multilingue des écoles et universités en Afrique, il existe
essentiellement trois options pour les politiques de langues dans l’enseignement :
• stratégies endoglosses totales, c’est à dire la langue maternelle (M d’I) tout au long du système,
c.-à-d. des cycles primaire, secondaire et tertiaire ;
• stratégies exoglosses totales, c'est-à-dire des stratégies « pour un enseignement directement en
anglais/ français/ portugais » sans laisser de place aux langues maternelles ou linguae francae
indigènes que connaissent les enfants au moment où ils entrent à l’école, avec des effets également
désastreux au niveau de l’efficacité de l’apprentissage ;
• stratégies endo et exoglosses combinées, c.-à-d. soit (a) un cycle primaire complet avec une
langue africaine, plus par exemple, le français comme langue officielle, soit (b) des modèles de
sortie précoces de la langue maternelle Md’I pour passer à la langue officielle Md’I (en général au
bout de deux ou trois ans) qui caractérisent une bonne partie de l’Afrique Anglophone et se sont
avérés être des modèles peu performants.
La stratégie endoglosse totale n’a été appliquée qu’une seule fois en Afrique, en Somalie (Somali) ;
elle a été appliquée partiellement dans des pays comme la Tanzanie (Kiswahili), le Malawi
(Chicheva), l’Ethiopie impériale (Amharic) où la langue nationale « dominante » est imposée aux
enfants ayant des langues maternelles différentes pendant une grande partie ou l’ensemble du cycle
primaire. Ce sont néanmoins les stratégies exoglosses et les stratégies endoglosses et exoglosses
combinées qui dominent les systèmes éducatifs sur le continent africain, et qui n’ont pas su s’installer
44/180
comme des systèmes adéquats et efficaces. (Pour l’efficacité de l’éducation, voir Stroud 2002 : 51). En
prenant le français comme exemple de stratégie exoglosse totale, Alidou et Jung (2002 : 66)
déclarent :
Concernant l’efficacité de l’utilisation du français comme seule langue d’enseignement, plusieurs études
indiquent qu’il existe une forte corrélation entre les politiques linguistiques post coloniales et le taux élevé
d’échec scolaire (fort taux de déperdition d’effectifs et de gaspillage) chez les élèves des pays d’Afrique
francophone (Alidou, 1997; Bokamba, 1991; Mateene, 1980). La majorité des élèves qui entrent dans les
écoles formelles au Burkina Faso, au Mali et au Niger ne connaissent pas le français qui est la langue
d’instruction ; on s’attend cependant à ce qu’ils participent activement à l’apprentissage. Deuxièmement, le
français n’est la langue maternelle d’aucun groupe ethnique dans ces pays, et donc un enseignement avec le
français comme première langue n’est certainement pas approprié. Manifestement, la politique linguistique
appliquée dans les écoles va sûrement donner des résultats négatifs, car elle ignore les résultats fondamentaux
de l’acquisition d’une seconde langue et d’une langue étrangère et de l’éducation bilingue dans des cadres
multilingues (Cummins, 1981; Collier et Ovando, 1998). Et en particulier, la politique ne prend pas en
considération le rôle qu’une exposition plus longue à des données linguistiques significatives dans une
seconde langue ou une langue étrangère peut avoir sur le développement d’un niveau scolaire adéquat dans
cette langue (Krashen, 1976; 1988) (Alidou et Jung 2002 : 66).
Les résultats des études pédolinguistiques et psychologiques de ces 80 dernières années suggèrent
fortement que l’exposition multilingue devrait dans l’idéal se faire dès les premières étapes du
développement de l’enfant, car entre autres (il est fait référence à diverses sources entre 1914 et 1989,
cf. Oksaar 1988 et 1989 pour des références bibliographiques) :
• les jeunes enfants qui acquièrent deux langues simultanément font bien la distinction entre les
deux et y associent différents systèmes de valeur ;
• le bilinguisme multiplie les capacités analytiques, permet une vision plus complexe de la
réalité, et facilite l’apprentissage d’une troisième langue ;
• les enfants bilingues ont tendance à faire preuve d’une plus grande capacité d’imitation,
montrent une plus grande flexibilité et spontanéité cognitive et sont moins inhibés ;
• les enfants bilingues ont tendance à faire preuve d’une réflexion plus précoce sur les
propriétés structurelles de leur langue maternelle et de leur autre langue, vers l’âge de 4-5 ans,
ce qui démontre un raisonnement abstrait que selon le modèle d’influence de Piaget on ne peut
attendre que d’enfants monolingues beaucoup plus âgés ;
• les enfants bilingues ont tendance à apprendre à lire et à écrire beaucoup plus tôt dans les deux
langues (65% des enfants bilingues dans le projet Hamburg, cf. Oksaar op. cit., pourraient le
faire vers l’âge de 4-5 ans), ce qui démontre également des capacités comparatives et
analytiques.
Cependant, en dépit de toute la recherche sur cette question au niveau mondial et en Afrique, il est
toujours difficile de déterminer le degré exact de l’impact d’un enseignement dans la langue
maternelle sur la réussite scolaire - cela mis à part, c’est un facteur d’importance primordiale. D’autres
aspects entrent en jeu comme le programme et le choix d’un contenu approprié par rapport à la culture,
la qualité des manuels et d’autres matériels, et surtout la qualité des enseignants, leur formation
professionnelle et leur compétence professionnelle (encore et en particulier dans la(es) langue(s)
maternelle(s) ou la (es) langue(s) nationale(s) et la langue coloniale), et les méthodes d’enseignement
qu’ils sont à même d’utiliser. Ce qui semble sûr, c’est que toutes choses égales par ailleurs, sur un plan
pédagogique il vaut mieux que les enfants suivent un enseignement dans leur langue maternelle, ou si
cela n’était pas possible, dans une langue qu’ils connaissent bien en entrant à l’école (ceci sera plus
probablement une lingua franca régionale ou nationale que partagent un grand nombre d’enfants dans
la même école si l’école est située dans des quartiers urbains ou dans des régions particulièrement
hétérogènes sur le plan linguistique). Etant donné l’importance générale accordée à la connaissance de
la langue officielle (étrangère) et le rôle important des linguae francae africaines, les modèles
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endoglosses et exoglosses combinés semblent offrir une solution à un grand nombre de problèmes
brûlants de l’enseignement en Afrique.
Tableau 3. Une sélection des langues « écrites » d’Afrique, Obanya (1999b: 83)
Il faut noter que la notion « d’alphabétisation » est au cœur de tous les programmes éducatifs et doit
être comprise comme l’alphabétisation dans toutes les langues utilisées dans le système éducatif. Il en
va de même de la capacité à écrire dans les différents systèmes d’écriture qui coexistent sur le
continent avec l’écriture utilisant l’alphabet latin/romain, et qui est souvent négligée dans le contexte
africain.
Une éducation pour l’Afrique axée sur la qualité doit impliquer le développement d’une
alphabétisation fonctionnelle et scolaire multilingue. Là aussi il faut appliquer le bon principe
pédagogique qui consiste à aller du connu et du familier vers l’inconnu, c'est-à-dire que tout
apprentissage doit se faire dans une langue locale/familière (langue maternelle/langue nationale, L1),
et l’alphabétisation doit aussi commencer dans cette langue. Les connaissances et les compétences
acquises lors de l’alphabétisation doivent au moment voulu être transférées à d’autres langues comme
la langue étrangère/officielle.
46/180
le « réformer » dans la mesure où « ils remplacent les blancs par des noirs », mais dans le fond rien n’est
changé (Alexander 1999: 3).
Concernant les « masses » de la population, des décennies et des siècles de marginalisation sont à
l’origine des préjugés négatifs bien ancrés dans les esprits de nombreux africains à l’égard de leurs
langues indigènes, et qui découlent des expériences traumatisantes de l’ère coloniale:
Des années d’endoctrinement ont amené un grand nombre de personnes à accepter le fait qu’un enseignement
« réel » ne peut être dispensé que dans une langue universelle comme l’anglais. L’idée même que cela puisse
être bénéfique pour l’enfant de recevoir un enseignement initial dans une première langue est contestée par
des parents dits instruits. Il ne fait aucun doute que ce sont là ignorance et préjugés, et qu’il serait important
de prévoir une campagne d’information lors de l’application d’une politique utilisant les moyens
d’instruction autochtones pour expliquer en termes accessibles aux profanes, les arguments en faveur de cette
politique (Bamgbose 2000a: 88).
Lorsque l’éducation formelle est exclusivement ou principalement liée à une langue officielle
d’origine non africaine, il y a peu de chance que la grande majorité des peuples d’Afrique acceptent
les langues africaines en tant que langues d’enseignement et d’apprentissage, à moins que les
campagnes de sensibilisation et un bon marketing social en faveur de meilleurs modèles d’éducation
ne puissent modifier leurs attitudes qui s’expliquent par un manque d’informations (voir chapitre 8).
Les discours formels et informels des experts occidentaux et entre experts occidentaux sans formation
professionnelle (socio) linguistique, en d’autres termes les principaux consultants en sciences
économiques et sociales et les représentants des bailleurs de fonds ont tendance à être assez critiques à
l’égard du multilinguisme et de l’utilisation des langues indigènes dans l’enseignement en Afrique (cf.
Wolff 2005), si tant est que la question soit soulevée13. Ceci est en grande partie dû à des attitudes
négatives transmises envers un multilinguisme non élitiste et en particulier le multilinguisme dans
l’enfance, car les cultures occidentales ne considèrent en général pas le multilinguisme comme une
bénédiction.
« Dans certaines sociétés occidentales il existe une longue tradition de « mépris » envers ceux qui sont
bilingues. Nous n’accordons de prestige qu’à quelques langues « classiques » (par exemple le grec et le
latin) ou à des langues modernes des « grandes » cultures (par exemple l’anglais, le français, l’italien et
l’allemand). On vous reconnaît en général peu de mérite à parler le swahili et jusqu’à récemment, le
russe, le japonais, l’arabe ou le chinois. Le bilinguisme est en fait quelquefois considéré comme un
« problème » en ce sens que nombre de personnes bilingues ont souvent une position assez inférieure dans
la société et la connaissance d’une autre langue est associée à « l’infériorité ». Le « bilinguisme » est
considéré comme un problème personnel et social, et non comme porteur d’une forte connotation positive
(Wardaugh 1992: 101).
Oksaar (1989) ajoute que dans les cultures occidentales, (en particulier européennes), les adultes
multilingues sont en général admirés, mais on a tendance à avoir pitié des enfants bilingues. La
recherche pédolinguistique, psycholinguistique et neurophysiologique sur le développement cognitif
des enfants réfute cet héritage occidental qui est intimement lié à des notions néo romantiques de
l’idéologie européenne occidentale de l’état nation du 19e siècle : « un pays - une nation - une culture -
une langue » (désigné ci-dessous par « monomanie ») (Wolff 2000a). Je fais référence à une position
idéologique concernant « l’unité » de la race, de la nation, du territoire, de la culture, de la langue, du
leadership. Elle a pour symptômes la discrimination, sinon l’éradication des « dialectes » non
standards et des « langues vernaculaires » indigènes, une forte opposition au multilinguisme et une
13
La lecture de nombreux documents pertinents concernant le NEPAD, la Renaissance Africaine, l’Education
pour Tous, les Objectifs du Millénaire, etc. montre que les questions du multilinguisme, en particulier
l’utilisation des langues indigènes, brillent par leur absence dans les principaux discours sur le développement.
« l’Education » en tant que telle est fréquemment mentionnée, mais en règle générale, on ne dit rien sur la langue
ou les langues d’enseignement. On peut déduire du contexte qu’on considère que l’enseignement est dispensé
dans la langue officielle (étrangère) comme une sorte de solution par défaut.
48/180
diglossie envers les langues indigènes, une forte préférence pour les décisions politiques encourageant
le monolinguisme et le monoculturalisme, une attitude positive envers la mondialisation, etc.
Dans le contexte africain, l’attitude négative envers le multilinguisme incluant les langues africaines
indigènes repose souvent, du moins implicitement ou de façon subconsciente, sur l’idée de la
supériorité des langues et cultures coloniales et de l’infériorité générale des langues et cultures des
populations colonisées ; on distingue en général leurs langues en les qualifiant de « dialectes » ou de
« vernaculaires ». Cette attitude négative envers les « dialectes » ou langues vernaculaires » va de pair
avec une méfiance fondamentale envers les personnes multilingues que l’on a tendance à ranger avec
les couches marginalisées des populations minoritaires comme les immigrants, les réfugiés, les
travailleurs migrants, les nomades, les enfants issus de mariages mixtes, etc. Un ensemble de clichés
virulents dans le grand public portent sur les propriétés ou non propriété concevables des langues
africaines : les langues africaines ne sont pas de « vraies » langues mais sont plutôt des « dialectes » ;
elles n’ont pas de grammaire, possèdent un vocabulaire limité avec peu ou pas de terminologie
abstraite, et ne peuvent s’écrire, etc. Sur le plan de la linguistique professionnelle, ce sont là de pures
balivernes. Néanmoins, les langues africaines ont longtemps été perçues et continuent de l’être,
comme des idiomes « primitifs » avec une valeur limitée sur le plan de la communication, et qui ne
sont utilisées que par les chasseurs-cueilleurs, les paysans ou les éleveurs illettrés, et pour certaines
questions culturelles locales très limitées. Dans cette optique, les langues africaines ne sont guère aptes
à être utilisées pour une communication poussée ou écrite sur des questions politiques, économiques,
culturelles et sociales de notre époque, et en particulier pour tout ce qui concerne la technologie
moderne, les sciences, et la philosophie politique. Cette attitude très répandue qui n’est pas originaire
d’Afrique a fortement ébranlé l’image des langues africaines indigènes et ce même aux yeux de
certaines ou de nombreuses personnes qui les parlent.
Une autre attitude négative se rencontre fréquemment parmi les experts non linguistes de la
coopération pour le développement en Afrique, et se répand de façon endémique dans les milieux
intellectuels voisins, à savoir une attitude « d’anti-linguisme » inconditionnel. Ceci explique que les
représentants des sciences sociales abhorrent les questions linguistiques. Ceci est probablement le fait
de deux éléments qui les distinguent des linguistes professionnels et des spécialistes des langues : (a)
ils ignorent simplement les questions complexes qui demandent et méritent l’attention des linguistes et
sociolinguistes dans le contexte africain, (b) en règle générale, ils ne sont pas capables de parler une
ou plusieurs langues africaines (et peuvent se sentir mal à l’aise face à ce déficit professionnel et
créent donc une culture de silence bienvenu ou de tabou autour de cette question). Il existe néanmoins
quelques exceptions de taille à cette règle.
Que le « développement » soit défini de façon restreinte ou élargie, il n’est pas possible que des
questions concernant les systèmes politiques et la démocratie, les systèmes juridiques et éducatifs, la
situation des droits de l’Homme, l’économie et la mobilité sociale, le rôle des médias électroniques et
imprimés, des questions d’autonomie culturelle et le statut des groupes minoritaires, etc. fassent l’objet
d’une analyse et d’une discussion sérieuse sans faire référence à la « langue » comme un facteur
important. Les prémisses ci-dessous puisés chez Okombo (2000: 43) pourraient sembler axiomatiques
pour la situation africaine : (a) le développement moderne repose fortement sur les connaissances et
l’information; (b) les pays africains dépendent considérablement des sources étrangères de
connaissance et d’informations, en particulier dans les domaines de la science et de la technologie; (c)
les connaissances et les informations arrivent en Afrique par le biais des langues internationales qui ne
sont pas des langues indigènes du continent africain ; (d) pour que les idées sur le développement
puissent prendre racine en Afrique et profiter à la créativité africaine, les activités de développement
doivent impliquer les masses africaines et pas uniquement l’élite ; et (e) l’objectif d’impliquer les
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masses africaines dans les activités de développement est un objectif qui ne peut se réaliser avec un
réseau de communication national (incluant l’éducation) basé exclusivement sur les langues non
indigènes comme cela est actuellement et largement le cas.
Pour ce qui est du rôle que doit jouer l’éducation, toute la recherche existante montre que la majorité
des systèmes éducatifs en place, à savoir les modèles monolingues et bilingues soustractifs échouent
avec la majorité des élèves et excluent les masses, car ils interdisent l’accès aux connaissances et
informations nécessaires au développement moderne. Les politiques erronées de langues
d’enseignement empêchent également les masses africaines d’avoir un accès profitable aux langues
officielles/étrangères. Comme les connaissances et les informations arrivent en Afrique par le biais des
langues officielles/étrangères, il ne sera pas possible du fait de politiques linguistiques « erronées », de
politiques de langue d’enseignement inadéquates et/ou de leur mauvaise application, de créer dans un
avenir proche la masse critique d’africains bien documentés et bien informés nécessaires au
développement,
2.6.1 L’(absence du) facteur langue dans le discours dominant sur le développement
A première vue et très superficiellement, la langue semble avoir peu ou pas grand-chose à avoir avec
les problèmes « réels » du développement économique et de réduction de la pauvreté. Ce malentendu
apparent peut s’expliquer comme suit : Le discours sur le développement de l’éducation a été
largement dominé par les économistes, les théoriciens et les planificateurs du développement, les
politologues, et les analystes politiques. Les discours sur les politiques et la planification linguistiques,
les questions d’alphabétisation et de post alphabétisation restent largement du domaine des
sociolinguistes et des pédagogues. Les deux côtés ne se parlent presque pas, ne lisent en général pas
les papiers de l’autre, et ne fréquentent pas les mêmes conférences ni les mêmes ateliers. Il en résulte
une ignorance très répandue sur les rapports mutuels complexes entre la langue, l’éducation, la
pauvreté et le développement.
La sagesse qui prévaut chez les sociologues ne reconnaît presque pas le fait que la majorité des pays
en développement sont multilingues et multiculturels avec les problèmes de communication nationale
qui en découlent, et comment ceci pourrait affecter la corrélation visible entre les niveaux élevés de
pauvreté et les niveaux élevés d’analphabétisme (cf. Fishman 1968, Pool 1972). Lors d’un examen
ultérieur de ces questions sous un angle plus statistique, Fishman (1991) fait une analyse critique de la
déclaration selon laquelle les niveaux de pauvreté relativement plus élevés correspondent à des régions
du monde fortement multilingues, comme l’Inde et l’Afrique :
En utilisant des techniques statistiques avancées, il [c-à-d. Fishman (1991) – HEW] a mis en corrélation
238 variables économiques, politiques, sociales, culturelles, historiques, géographiques et
démographiques différentes collectées dans 170 pays et le PNB, et a constaté que l’hétérogénéité
linguistique n’avait aucune valeur prédictive sur le niveau du PNB par tête d’habitant (Fishman 1991:
13). Et, en fait, Fishman et Solano (1989) suggèrent même que l’existence de linguae francae et du
bilinguisme permettent à de nombreuses politiques d’atteindre un PNB par habitant plus élevé (Stroud
2002: 37).
Ces idées semblent néanmoins avoir eu peu d’impact jusque là sur les discours dominants sur le
développement qui continuent à se caractériser par une négligence presque totale de la question des
langues. En dépit de la corrélation entre le degré de multilinguisme et le développement économique
et social en surface, on n’a jamais pu établir de relation causale directe entre la diversité linguistique et
le développement économique et social :
… dans les analyses et indicateurs de développement utilisés par le PNUD, la Banque Mondiale, l’OCDE, et
d’autres, le facteur langue n’est jamais considéré comme un élément de l’équation. Même l’UNESCO, qui
depuis 1950 plaide en faveur de la langue maternelle comme langue d’instruction, ne fait aucune référence à
la diversité linguistique dans ses données statistiques présentées dans les Rapports sur l’Education dans le
Monde. Il y figure des chiffres sur l’analphabétisme, mais on ne voit pas clairement de quelle langue il s’agit
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- nationale, internationale ou locale. Ceci est surprenant, étant donné l’intérêt de l’UNESCO pour la diversité
culturelle et le développement des langues locales (Watson 1999: 6-7).
Il faut remarquer que les pays dits “sous-développés” et hétérogènes sur le plan linguistique ne
permettent pratiquement jamais que la majorité des citoyens suive un enseignement qui utilise leur
langue maternelle tout au long de leur scolarité, c-à-d. de la maternelle à l’université. Par ailleurs, ceci
s’applique à tous les pays développés, indépendamment du nombre de langues parlées à l’intérieur des
frontières nationales. Le problème n’est donc pas un problème de quantité (c-à-d. le nombre de
langues et le degré de multilinguisme) mais de qualité (enseignement dans la langue maternelle ou une
langue nationale).
Concernant la question du genre qui est souvent évoquée dans ce contexte, il semble néanmoins qu’il
n’existe pas de recherche approfondie sur laquelle établir un lien solide entre l’utilisation de la langue
maternelle dans l’éducation primaire, ou l’éducation bilingue impliquant la langue maternelle, et la
participation et la réussite des filles dans les écoles en Afrique sub-saharienne (cf. Benson 2002), et
pourtant, c’est un point qui a été repris d’un œil favorable par la Banque mondiale (2005) et que l’on
retrouve en différents poins de diverses déclarations générales. Néanmoins, comme le genre est
susceptible d’agir réciproquement sur d’autres variables comme l’âge et le milieu ou la classe
socioculturelle, l’interface langue/genre est assez difficile à établir. Il semble raisonnable de supposer
que les programmes d’éducation multilingues ou d’enseignement dans la langue maternelle n’auraient
aucun impact négatif sur l’instauration de la parité fille/garçon dans l’éducation en Afrique.
14
On peut trouver ces documents sur Internet; Ils ont également été regroupés avec d’autres documents
pertinents sur la « Renaissance Africaine », dans les annexes du livre Tied Tongues. The African Renaissance as
a Challenge for Language Planning, ed. de H. E. Wolff, 2003a.
52/180
259). Comme la communication chez l’Homme passe essentiellement par l’utilisation de(s) langue(s),
les questions linguistiques sont inséparables des questions relatives au développement. Il y a encore un
autre piège : « les personnes au pouvoir savent que les barrières linguistiques aident à maintenir le
statu quo et à freiner le développement. Les spécialistes du développement doivent savoir que les
politiciens le savent et doivent inclure l’utilisation de la langue en tant que variable dans la
planification. » (Eastman 1990, cité dans Robinson 1996.) Ainsi, dans le cadre du développement, on
préconise une approche multilingue de l’éducation dans laquelle la langue officielle comme la(es)
langue(s) locale(s) concernée(s) – langue maternelle ou lingua franca/ langue nationale – doivent avoir
leur place et leurs méthodes d’enseignement appropriées.
répondre à l’évolution rapide de la demande dans l’Afrique moderne. Il semble que la sagesse penche
pour un juste milieu – une combinaison non antagoniste des ressources autochtones et non autochtones
(Okombo 2000: 42).
Peut-on inverser le déclin de l’Afrique ? La réponse est simplement oui. On peut et il le faut.
L’alternative est trop horrible à imaginer. Mais cela doit venir de l’intérieur de l’Afrique. Tout comme
les arbres, on ne peut faire pousser les pays en les tirant vers le haut de l’extérieur ; ils doivent pousser
de l’intérieur sur leurs propres racines. Mais, l’Afrique aura besoin d’un soutien extérieur accru et
durable si elle veut répondre à ce défi sans trop d’épreuves (Banque Mondiale 1989: 194).
Pour (a) exploiter le potentiel de ressources des langues africaines indigènes pour le développement
individuel et de la société, et (b) leur donner une plus grande crédibilité non seulement dans les
sociétés et les économies africaines, mais aussi dans une perspective globale (en liant affirmativement
la question de l’internationalisation et de la mondialisation), il est impératif de revoir les politiques
actuelles de langue d’enseignement en termes d’autonomisation générale et d’autonomisation du
public qui permettra à ces langues de jouer leurs rôles dans une société meilleure. Cela permettrait
également d’instaurer un cadre politique préalable au développement économique des industries
linguistiques nationales et internationales qui offriraient des opportunités d’emploi à des milliers
d’utilisateurs des langues africaines, dans la conception, la programmation, la fabrication, la vente et la
distribution de produits de la technologie linguistique humaine (TLH) spécialisés pour les langues
africaines.
En effet, si elles sont bien gérées, les langues comme toutes les autres ressources offrent un potentiel de
création d’emploi. Certains pays, notamment l’Australie, le Canada, la Belgique, la Suède, ont créé une
industrie des langues qui s’occupe des besoins linguistiques nationaux et internationaux. Ainsi, par
exemple, des centaines et même des milliers d’interprètes, de traducteurs, de terminologues, de
lexicographes et d’autres spécialistes et professionnels des langues doivent être formés et utilisés pour que
le multilinguisme fonctionne bien (Alexander 2003: 34).
De plus, la stabilité sociale et les faibles taux de criminalité sont des corollaires très appréciés des
sociétés dites développées, et sont tous deux des conditions préalables et le résultat d’un
investissement (étranger) continu, d’une croissance économique stable et de faibles taux de chômage.
Ceci est également lié à la langue et à l’éducation dans les sociétés multilingues où une langue domine
(les) l’autre(s), qu’il s’agisse des sociétés d’immigrants en Europe ou ailleurs, et également de la
majorité des pays africains (cf. Wolff 2000b).
Nous devrions faire la distinction entre connaître une langue internationale en tant que seconde langue
et faire d’une langue internationale la langue de travail interne officielle de l’ensemble de la population
aux dépends des langues maternelles de la population. Même si l’anglais est la langue la plus
internationale, il faut noter qu’elle est apprise par la majorité de ses utilisateurs dans le monde comme
seconde langue. Ceci signifie que la majorité des personnes qui parlent une langue internationale
connaissent au moins deux langues parmi lesquelles la langue maternelle ou nationale est la première
langue. (Mateene 1980: 29)
qu’une exposition précoce et très longue à une (des) langue(s) étrangère(s) est la meilleure approche
(« plus c’est long ; mieux c’est », ce qui implique « le plus tôt, le mieux ») et voudraient dans l’idéal
que leurs enfants commencent l’éducation préscolaire au jardin d’enfants dans la langue
officielle/étrangère. Beaucoup de parents bien intentionnés font d’énormes sacrifices pour envoyer
leurs enfants dans des institutions privées utilisant le support linguistique officiel/étranger. Modifier
ces attitudes erronées et mal informées est une tâche assez difficile qui demande un marketing social
professionnel et intégré des politiques d’enseignement (cf. chapitre 8).
Les politiques d’enseignement multilingue pour l’Afrique doivent inclure la(es) langue(s) officielle(s)
du pays ; elles ne doivent pas nécessairement inclure toutes les langues maternelles parlées dans le
pays qui en tant que Md’I peuvent être remplacées par des langues nationales et/ou des linguae francae
régionales, tant que les enfants connaissent ces langues à leur entrée à l’école. Toute incapacité à
prendre des dispositions pour garantir une bonne maîtrise de la (es) langue(s) officielle(s)
compromettra l’approche multilingue, provoquera des suspicions non désirées, et réduira
considérablement l’acceptabilité et la durabilité.
2.7.2 Les écoles utilisant la langue officielle comme support sont en fait des écoles utilisant la
langue maternelle ou un double support
Les classes qui utilisent comme support officiel l’anglais ou le français, quel que soit le
niveau de scolarité, se transforment dans la pratique quotidienne de facto en classes à double
ou triple moyen d’instruction. Pour susciter l’attention de leurs élèves et créer une plus grande
interaction et permettre une participation active, ou simplement pour faire passer un point
particulier, les professeurs laissent tomber l’utilisation de la langue officielle et passent –
provisoirement ou de façon permanente pendant un temps- à une langue que la majorité sinon
tous les enfants maîtrisent et partagent avec l’enseignant, que ce soit leur langue maternelle ou
une lingua franca régionale/nationale. Cette façon de procéder habituelle chez les professeurs
s’appuie sur leur conception professionnelle ou intuitive d’un apprentissage élargi dans la
langue maternelle.
En terme d’efficacité pédagogique, la recherche montre que les politiques de la langue d’instruction (Ld’I)
qui favorisent les langues maternelles dans les premières années de l’éducation de base permettent une
acquisition rapide et améliorée des connaissances chez les élèves. De plus, l’enseignement de la langue
maternelle Ld’I est efficace pour promouvoir l’acquisition de compétences dans une seconde langue
(ADEA 1996: ii).
même particulièrement - des personnes dont ce n’est même pas la langue maternelle – peuvent fortement
influencer les nouvelles conceptualisations et les programmes et également encourager d’autres
chercheurs et élèves à utiliser la langue nationale à des fins académiques et de façon générale
intellectuelles (PRAESA 2003: 10).
2.7.4 L’enseignement ne se résume pas à la langue, mais sans la langue tout perd son sens dans
l’éducation
Une éducation de qualité ne peut se réaliser qu’en combinant les quatre composantes suivantes : (a)
un moyen d’instruction (approprié) (dans les systèmes mono- ou multimédia) ; (b) un contenu
curriculaire (adéquat sur le plan culturel) ; (c) des méthodes d’enseignement (appliquées de façon
professionnelle) ; (d) des ressources financières et matérielles (adéquates). Il faut donc mettre l’accent
sur les réformes de programmes adéquates, les méthodes d’enseignement (pour la formation des
enseignants et pour les enseignants en classe), et assurer le financement. Les écoles doivent faire plus
qu’enseigner à lire, écrire et compter – les élèves ont besoin d’instruction pour devenir des penseurs
indépendants et critiques. Le programme est un instrument permettant de réaliser cet objectif et devrait
être conçu de façon à ce que ce qui est appris dans une classe serve de base à ce qui peut être appris
dans la classe suivante. Si certains pays ont « africanisé » leurs programmes en donnant la préférence
aux langues et aux cultures indigènes, il n’y a eu que peu de changements au niveau des matières.
Il est clair que les institutions et les éditeurs de manuels scolaires non africains, qui connaissent à
peine les langues et les cultures indigènes à prendre en compte, ne sont vraisemblablement pas à
même de répondre aux problèmes sus mentionnés d’un contenu adéquat du programme. D’où la
demande d’impliquer les éditeurs africains et les planificateurs de programmes internes et les experts
en manuels scolaires de l’intérieur et de leur demander de se charger de la planification et la
production de manuels scolaires en Afrique (cf. chapitre 7).
L’impact néo-colonial sur les gouvernements africains et les agences de l’éducation, qui prend
quelquefois la forme d’une obéissance fervente par anticipation aux « sentiments » supposés des
bailleurs de fonds internationaux potentiels, comportement que l’on peut trouver chez les
fonctionnaires africains, empêche le progrès au niveau politique et, à la lumière d’une politique
nationale plus indépendante, l’application ultérieure des politiques existantes en faveur de la langue
maternelle ou de l’éducation dans la langue nationale. Une telle conspiration invisible va du « refus à
élargir les projets pilotes qui donnent de bons résultats au niveau national à la réduction du nombre
d’années scolaires ou du nombre de matières enseignées dans la langue maternelle, maintenant la
politique linguistique dans un climat permanent d’insécurité, et se terminant quelquefois par un
retournement complet de la politique linguistique ». (GTZ 2003: 20).
Deux grandes séries de facteurs contribuent aux échecs de la formulation et de la mise en application
de la politique linguistique en général et la langue d’enseignement en particulier. La première série se
rapporte aux attitudes négatives envers les langues africaines de la part des parties prenantes. Ces
attitudes ont été décrites plus haut.
La deuxième série de facteurs se rapportent à la planification et l’application médiocre de la politique,
c.-à-d. l’absence de théories de la planification globale et intégrée et de suivi de l’application basé sur
des concepts modernes de marketing social intégré (cf. Wolff 2004). Dans plusieurs analyses
percutantes des politiques linguistiques dans les pays africains, Bamgbose (par ex. 1990, 2000a) a
identifié les facteurs majeurs qui sont à la base de l’échec pratiquement général de la planification
linguistique et de son application ; il parle d’évitement, d’imprécision, d’arbitraire, de fluctuation et de
déclaration sans application. Les échecs de la planification linguistique et du processus d’application
dans le contexte africain peuvent avoir différentes sources qu’on peut regrouper dans deux catégories
principales :
56/180
Adegbija (2000) présente avec lucidité la nature du « dilemme gênant » auquel sont confrontés le
planificateurs linguistiques et les planificateurs de la langue d’enseignement, lorsqu’il s’agit du moyen
d’éducation en Afrique : quelle que soit la décision prise en faveur soit de la langue maternelle/langue
nationale, soit de la langue étrangère/officielle, elle enverra des « messages erronés » (cf. Adegbija
2000: 316 ff.). Comme le prouvent l’expérience et la pratique dans le monde, en Afrique comme
ailleurs, les êtres humains ont tendance à être fonctionnellement multilingues en cas de besoin. Le
planificateur linguistique et de l’éducation doit accepter les réponses multilingues à la question de la
langue, en fonction du tissu sociolinguistique spécifique à chaque pays et à chaque société ; il n’existe
pas de solution « unique » envisageable pour l’Afrique.
… le remplacement complet des langues exogènes par des langues indigènes semble être totalement
hors de question dans la majorité des pays africains, tout du moins pour l’heure, en particulier dans le
domaine de l’éducation. La situation de chaque pays doit être considérée selon son bien fondé. Ainsi,
une politique de tolérance dans laquelle les deux types de langue se complètent (au lieu de se remplacer)
réciproquement aux niveaux supérieurs et inférieurs de l’éducation doit être formulée et poursuivie en
conformité avec la faune et la flore sociolinguistiques de chaque pays africain. Cependant, il y a un
point indiscutable : dans la vie éducative et dans les autres aspects de la vie nationale, les langues
africaines méritent plus d’honneurs et un rôle plus important dans leurs territoires et port d’attache que
ne leur accordent à ce jour les planificateurs de politique dans la majorité des pays. Leur incapacité
supposée à faire face aux demandes de la vie moderne ne devrait plus être utilisée comme excuse ou
prétexte pour leur négligence constante ou leur absence de développement ; ...il semble évident que les
langues exogènes tout comme certaines langues africaines indigènes sont nécessaires et devraient être
utilisées à tous les niveaux de l’éducation. Il ne fait aucun doute que les langues exogènes sont déjà
utilisées de façon disproportionnée et active dans la majorité des pays africains à ce jour, avec un statut
non-pareil dans ce domaine, en particulier au niveau le plus élevé de l’éducation. Pour commencer à
aborder ou à résoudre le dilemme traité dans ce document, il faut planter dès à présent une graine de foi
linguistique dans l’avenir de(s) la langue(s) autochtone(s) si l’on veut assister à l’avenir à leur
développement et croissance pour une utilisation dans le domaine de l’éducation, en particulier aux
niveaux supérieurs. Ce n’est qu’en plantant cette graine dès à présent que les langues africaines
pourront réellement compléter les langues exogènes dans le domaine de l’éducation, plutôt que d’en être
le corollaire comme cela semble être actuellement le cas pour la majorité d’entre elles. Faire moins que
cela c’est continuer, surtout dans le domaine de l’enseignement supérieur, à rendre les langues
indigènes africaines continuellement dépendantes des miettes linguistiques qui tombent des tables des
langues exogènes (Adegbija 2000: 326f).
La vision d’Adegbija d’un partage qui utiliserait à la fois les langues maternelles/nationales et les
langues étrangères/officielles dans l’enseignement se rapproche beaucoup de la ligne principale
d’argumentation dans ce chapitre et dans l’ensemble de ce volume. Et pourtant, il faut insister sur une
idée fausse latente et dangereuse que l’on retrouve tapie derrière nombre de plaidoyers en faveur de
l’éducation multilingue et qui ne font pas clairement ressortir la distinction très pertinente entre Md’I
et ME. L’analyse et la vision d’Adegbija n’abordent pas un malentendu fondamental et répandu que
nous avons rencontré à maintes reprises dans la littérature : ce malentendu confond en permanence
(a) l’apprentissage de la langue en terme d’accès à la langue officielle, et
(b) la question totalement indépendante du moyen d’instruction le plus adéquat en terme d’accès à la
connaissance et à l’apprentissage.
Conséquence de cette confusion largement répandue, pendant longtemps et aujourd’hui encore, des
parents et de nombreux membres bien intentionnés des élites africaines ont préféré envoyer leurs
enfants dans des écoles (privées bien dotées en ressources) avec une exposition très tôt, sinon
exclusive, à la langue étrangère/officielle qui sert de moyen d’instruction (basé sur un « modèle
monolingue exoglosse ») – et continuent ainsi, à envoyer des signaux erronés aux « masses » de
compatriotes, avec des effets négatifs durables sur la question de la langue d’enseignement dans les
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discours nationaux. En bref : apprendre la langue officielle en tant que langue étrangère relève d’un
enseignement professionnel compétent comme la ME ; enseigner à apprendre, notamment à apprendre
une langue étrangère relève de l’utilisation d’un Md’I qui est dans l’idéal la première langue des
apprenants ou une langue qu’ils maîtrisent déjà bien en entrant à l’école.
Le NIGER: a démarré une expérience bilingue systématique en 1973 avec cinq langues maternelles
différentes utilisées les trois premières années et une transition vers le français en 4ème année ; La L1
reste une matière jusqu’en 6ème année. Le français est introduit après la deuxième année, d’abord
oralement puis sous forme écrite. Les classes bilingues sont plus stimulantes, interactives et
détendues ; la majorité des parents questionnés étaient favorables à une scolarisation précoce dans la
langue maternelle et souhaitaient que les langues nationales soient utilisées dans d’autres cadres
publics. En dépit d’un déclin dû à des conditions extérieurs défavorables, les écoles expérimentales ont
survécu à une période de transition difficile entre 1988 et 1998. Les évaluations effectuées en 1985 et
13 ans plus tard montrent la supériorité d’une approche combinant la langue maternelle et un
programme sensible au contexte (APP - activités pratiques et productives) : le taux de réussite aux
examens en fin de primaire était de 95% pour la période 1980-85, le redoublement avait baissé de 2-
3%, et le taux d’abandon n’était que de 1%! Les écoles expérimentales continuent d’exister à ce jour,
mais la politique au Niger n’a changé que sur le papier. On peut montrer que la réticence de l’élite
nationale est un facteur important expliquant l’échec à appliquer des programmes en langue
maternelle. Les anciennes « écoles expérimentales » s’appellent maintenant « Ecoles bilingues
français- langue nationale ». En 1998, un nouveau projet de loi sur l’éducation a été voté qui adopte en
particulier la stratégie LM comme suit :
Malheureusement, ce projet de loi d’éducation très progressive ne prévoit aucune étape pour une
application généralisée et, donc reste lettre morte ; l’enseignement bilingue au Niger reste dans son
« ghetto » expérimental.
Dans une étude récente, Nekeman (2005) a étudié trois cas en Afrique où l’enseignement primaire
multilingue est en fait appliqué de façon généralisée.
L’ETHIOPIE a radicalement modifié sa politique linguistique en 1994, lançant un plaidoyer en faveur
du multilinguisme, de sorte que 17 langues africaines, maintenant 21 ont été introduites comme Md’I
dans l’enseignement primaire (1ère à la 6ème année) avec l’Amharic, l’ancienne langue officielle de la
période impériale et l’anglais. Par rapport au système plutôt élitiste du passé, la réforme de la
politique linguistique de 1994 visait à diminuer les problèmes linguistiques et à améliorer l’accès des
enfants à l’école primaire, à améliorer l’alphabétisation et les résultats académiques d’une façon
générale. Son autre but était de permettre de mieux apprécier les langues et les cultures locales.
La politique linguistique de l’OUGANDA a été modifiée en 1991-1992 (cf. le livret blanc du
Gouvernement), permettant l’introduction de 6 langues africaines dans l’enseignement primaire (1ère à
la 7ème année), en plus du Kiswahili (qui n’est pas à proprement parler une langue ougandaise, mais
une langue transnationale inter africaine de la sous région) et de l’anglais. Dans l’ensemble, plus de 30
langues sont utilisées dans l’enseignement primaire du pays, même si la plupart sont utilisées dans les
toutes premières années. La logique sous jacente à cette nouvelle politique consistait à utiliser
essentiellement des langues locales pour créer un sens d’appartenance aux cultures indigènes et de
fierté, mais aussi d’améliorer les résultats de l’alphabétisation et des résultats d’apprentissage
académique en général qui étaient assez médiocres avec la politique de l’anglais seul dans le passé.
La ZAMBIE a mis en place sa nouvelle politique en 2002-2003 lorsque le programme a été modifié et
que les langues locales ont été introduites dans l’enseignement primaire, encouragées par la réussite du
Programme de Lecture en Primaire (Primary Reading Program). Par la suite, 7 langues africaines ont
été introduites comme Md’I (1ère à la 7ème année) en complément de l’anglais.
Cependant, l’Ouganda et la Zambie se battent encore contre la domination de l’anglais dans le système
éducatif non seulement au niveau de la production de manuels scolaires et le développement de
matériels pédagogiques. L’anglais reste également la principale langue d’enseignement au niveau des
collèges de formation des maîtres du primaire.
Les trois pays étudiés par Nekeman ont réalisé des progrès considérables dans l’application de
programmes multilingues, prévoyant des modèles trilingues là où la langue nationale dominante et la
langue officielle (l’anglais) le demandent. Cependant, il reste à résoudre des problèmes sévères en
matière de formation des enseignants et de fourniture de matériels et de manuels dans les langues
africaines.
2.10 Recommandations
3. Voir l’éducation comme un projet de société qui vise un développement économique et socio
politique durable intégré dans un contexte plus large d’ingénierie sociale qui est facilité par un
langage socioculturel et des politiques et une pratique d’éducation adéquats.
Pour réaliser les Objectifs du Millénaire de l’EPU en 2015 ou avancer dans ce sens, les gouvernements
africains doivent
4. Elaborer et appliquer immédiatement des politiques de langues nationales, s’ils ne l’ont pas déjà
fait, en particulier au niveau de la langue d’enseignement, basées sur les preuves scientifiques
disponibles relatives aux stratégies multilingues pour garantir la qualité de l’éducation ;
5. Passer à une application sérieuse immédiate des politiques linguistiques s’ils en possèdent mais ne
les ont pas appliquées de façon sérieuse (Le chapitre 8 explique comment procéder à une
planification et à une application exhaustives des langues).
6. Non seulement mettre en place des systèmes éducatifs multilingues, mais aussi les gérer
efficacement et effectivement. (Le chapitre 8 traite de la réforme nécessaire de l’éducation).
7. Essayer de modifier les attitudes linguistiques virulentes parmi les parties prenantes, parmi les
“élites” africaines et parmi les « masses » aussi bien que parmi les expatriés conseillers auprès des
gouvernements africains. Les attitudes doivent être modifiées
• pour accepter le multilinguisme en Afrique comme un avantage et une ressource,
• pour ne plus surestimer le rôle des langues officielles/étrangères en tant qu’outil
d’apprentissage et d’enseignement, et
• pour une reconnaissance positive de la valeur et de la signification des langues africaines pour
le progrès et le développement en Afrique.
Une application réussie de ces modèles basée sur les recommandations citées plus haut serait
caractérisée par les aspects suivants:
• Un enseignement de qualité s’obtient grâce à un apprentissage maximum dans une langue
connue.
• L’accès optimal à la langue officielle est possible grâce à une pédagogie et à une didactique
adéquates et à un enseignement par des professeurs formés à cet effet.
• Les langues africaines/nationales utilisées dans tous les cycles de l’enseignement sont de plus
en plus intellectualisées et prennent du pouvoir ; elles jouissent d’un plus grand prestige et d’un
61/180
meilleur statut comme vraies langues « nationales », à pied d’égalité avec la langue officielle sur
le plan de leur valeur éducative.
• Un tel système serait des plus efficace en termes de résultats éducatifs et en termes de
relations coûts bénéfices.
• De tels systèmes permettraient une mobilité sociale maximale, une pleine participation
démocratique, et en général des niveaux élevés de l’éducation.
• Un tel système répondrait aux souhaits exprimés par la majorité, pour ne pas dire l’ensemble
des parties prenantes.
De plus, un tel système ne pourrait être pris au piège d’un faux dilemme entre non seulement la langue
officielle et les langues africaines/nationales comme Md’I, mais réconcilierait plutôt les « attraits »
conflictuels découlant des préoccupations sérieuses concernant les facteurs d’identité de la condition
humaine qui semblent insister sur le rôle des langues indigènes, et la logique de l’attrait des
perspectives d’une « fenêtre sur le monde »/ la mondialisation qui semble insister sur le rôle de la
langue étrangère/officielle et de toute autre langue étrangère.
En résumé, un tel système répondrait à la majorité des besoins qui ne sont pas tous fondamentaux du
« développement » démocratique, socioculturel, sociopolitique, et socioéconomique durable pour
l’Afrique. Que pourrait-on attendre de plus d’un système éducatif ?
62/180
Kathleen Heugh
15
3.1 Introduction
Ce chapitre montre ce que la recherche nous dévoile sur les différents types d’alphabétisation
et de modèles de langues d’enseignement utilisés dans le cadre de l’application d’une
politique de langue d’enseignement. Il explique la progression historique des modèles de
langues d’enseignement qui se sont développés en Afrique. Il montre enfin comment aller de
l’avant et améliorer la conception et l’application de modèles linguistiques qui seront plus
utiles aux enfants de ce continent, et qui bénéficieront ainsi aux gouvernements, aux
économies et à la société dans son ensemble.
15
L’auteur remercie chaleureusement de nombreuses personnes pour leurs commentaires utiles, en particulier
Hassana Alidou, Brigit Brock-Utne, Aliou Boly, Ekkehard Wolff, Blasius Chiatoh, Marie Komarek-Chatry,
Peter Plüddemann, Carol Benson, Denis Malone, Susan Malone, et Christine Glanz.
63/180
Dans une autre institution importante de recherche sur l’acquisition d’une seconde langue,
plusieurs auteurs ont montré qu’une bonne partie de la recherche sur l’acquisition d’une
seconde langue était erronée ou mal interprétée (cf. plusieurs chapitres de Doughty et Long
2003). La recherche présente des lacunes importantes, la plus intéressante étant que la
littérature internationale n’est pas basée sur les données ou les résultats de la recherche sur
l’acquisition d’une seconde langue dans des contextes africains.
C’est pourquoi, nous experts qui conseillons les gouvernements devons nous maintenir au fait
de la recherche dans ce domaine. Nous devons comprendre l’ASL dans les contextes
internationaux et comprendre comment elle s’applique aux cadres africains multilingues.
Nous devons en permanence rester sensibles aux nouvelles preuves qui exigent des
changements et des adaptations aux fondements théoriques, à la conception et aux
méthodologies des programmes que nous proposons. Il faut pour cela se maintenir au courant
des implications de la recherche en Afrique et ailleurs, et bien les peser. Ce que nous apprend
la recherche aujourd’hui est très différent de ce que nous connaissions en 1955, 1985 ou 1995.
Nous proposons ici une évaluation critique des résultats disponibles en 2005. Chaque
nouvelle décennie apportera des éléments nouveaux qui permettront de peaufiner ou de
modifier nos analyses actuelles. C’est un processus normal qui implique une modification de
notre mode de pensée. Il est essentiel pour bien conseiller les gouvernements, de disposer de
programmes de suivi et d’évaluation fiables et valables.
2
Voir le chapitre de Wolff pour la liste complète
3
Les termes langue parlée à la maison, langue maternelle et première langue (L1) sont utilisés indifféremment
dans ce chapitre. Ils sont également utilisés dans un sens large pour désigner, dans le cas des enfants
multilingues, la langue que l’enfant connaît le mieux en entrant dans l’éducation formelle. Il peut s’agir de la
langue de la communauté élargie, ou d’une variété proche mais non identique, une variété formelle plus
couramment utilisée dans un cadre scolaire. Ceci peut se retrouver dans d’autres cadres (par exemple le suisse
allemand = L1, mais l’allemand standard = L1 pour l’école; l’anglais australien – l’anglais international
standard, etc.).
64/180
Les commissions de l’éducation et les rapports ont examiné un autre facteur : le rôle des
puissantes linguae francae régionales, ou des langues nationales de grande communication
(LNGC) par rapport aux langues locales mineures et à la LIGC. Diverses réponses ont été
proposées :
La question clé, et qui se pose dans toutes les situations, est l’importance du rôle des
langues africaines (LA) dans ces modèles à deux langues (bilingues) ou trois langues
(trilingues). Les autorités ayant une influence dans le domaine de l’éducation
(gouvernement, départements de l’éducation, bailleurs de fonds internationaux, les secteurs
d’activités du privé, les conseillers externes et même certains universitaires) font néanmoins
souvent des erreurs ou dénaturent les recommandations LA plus LIGC. De ce fait, il existe
une pression énorme pour passer des modèles bilingues ou trilingues à des modèles
monolingues utilisant seulement la LIGC. Dans de nombreux pays, en particulier dans les
pays anciennement « francophones » et « lusophones », les modèles bilingues n’étaient
18
Même si de nombreux enfants sont déjà multilingues, L2 est utilisée ici pour signifier la L2 à des fins
éducatives, et il s’agit en général d’une langue autre que celles appartenant au répertoire des langues parlées par
l’enfant.
19
LIGC est utilisée pour éviter l’utilisation répétitive et lourde de « ancienne langue coloniale». Elle montre la
reconnaissance du désir de participer aux débats et aux questions internationales.
65/180
simplement pas utilisés jusqu’à récemment, et la préférence allait aux modèles monolingues
utilisant directement la LIGC.
Il existe également une recherche qui montre les avantages de l’ELM plus la L2 (modèles
bilingues additifs/ forts) (par exemple Afolayan 1984, Bamgbose 1984, 2000, 2004b; Heugh
2002; Malherbe 1943).
Des changements sont intervenus au cours du siècle dernier, reflétant à la fois une utilisation
moindre des LA dans certains systèmes et une utilisation accrue des LA dans d’autres.
Bamgbose (2004b) parle également de ces changements ainsi que des fluctuations dans
l’utilisation des langues. Il existe des variations significatives qui s’appliquent au premier
niveau du primaire, à l’ensemble du primaire et du secondaire dans le système scolaire.
La Tanzanie et la Somalie n’ont investi que dans une langue africaine (Kiswahili et Somali)
devant être utilisée jusqu’à la fin de la phase primaire. Le Nigeria s’est limité au Yoruba dans
le Projet Six Year Primary (Six années de Primaire). En Ethiopie, il était de pratique courante
jusque vers le milieu des années 90, de n’utiliser que l’Amharique. Le malgache s’est
développé pour être utilisé jusqu’à la fin de l’école primaire à Madagascar, mais il était
régulièrement supprimé ou réintroduit en fonction du gouvernement en place.
Cependant, le choix de privilégier une langue africaine par rapport à une autre est d’une façon
générale contesté car les communautés à langue minoritaire considèrent que leurs intérêts sont
66/180
Dans un autre exemple, les changements récents de la politique ont marginalement rétabli
l’utilisation précoce des LA dans l’enseignement en Zambie. Avant l’indépendance plusieurs
langues étaient utilisées pendant quatre ans (jusqu’à 6 ans à certains moments pendant la
20
Bamgbose 2004b.
21
Bamgbose 2004.
22
Au Malawi chaque classe se dit « Standard », ainsi la 4e serait « Standard 4 ».
67/180
première moitié du 20e siècle) dans les premières années du primaire, et étaient ensuite
totalement abandonnées en faveur de l’anglais de 1966 à 1996. Les LA sont actuellement
utilisées pour l’apprentissage initial en 1ère année (CP), mais le Md’I reste l’anglais même en
1ère année (CP) (Muyeeba 2004). Il en va de même au Botswana, même si jusqu’en 1994, le
Setswana était utilisé comme moyen d’instruction pendant les quatre premières années
d’école, il a été entièrement supprimé. Dès la première année, l’enseignement des
mathématiques et des sciences se fait en anglais, et à partir de la deuxième année, toutes les
matières sauf le Setswana sont enseignées en anglais (Arua et al 2005).
Plusieurs pays francophones, qui au départ avaient exclu les LA de l’enseignement, ont
commencé à introduire les LA dans la première ou les deux premières années d’école, et dans
un certain nombre de cas il y a eu des programmes expérimentaux comme au Niger qui
semblent aller vers l’intégration de ces langues dans le système éducatif. Les plus
impressionnantes sont peut-être les évolutions au Mali où les programmes expérimentaux sur
3 ans de la fin des années 1980 et 1990 (pédagogie convergente) ont récemment montré une
inclinaison pour une transition plus tardive vers le français (voir les chapitres d’Alidou &
Brock-Utne dans ce volume).
Un regard plus détaillé sur tous …les pays où l’ELM [l’enseignement en langue
maternelle] n’est pas autorisé ou est limité aux toutes première années de
l’enseignement primaire, ou est confiné à l’enseignement primaire seul aboutit au
même résultat : l’ELM stagne ou est menacé, non pour des raisons éducatives ou
techniques, non pas en raison de problèmes techniques ou financiers majeurs , mais
parce qu’il est utilisé comme un pion dans la lutte pour le pouvoir politique …entre
l’élite et la contre élite (Komarek 1997:2).
L’OBJECTIF est la L2 (l’objectif d’avoir une langue, et cette langue est la L2)
Modèles soustractifs :
L’objectif d’un modèle soustractif est de sortir les apprenants de la langue parlée à la
maison/L1 pour adopter la L2 comme support d’apprentissage dès que possible. Quelquefois,
ceci implique un support directement en L2 dès la première année (CP) d’école. Quelquefois,
il prévoit une petite place pour le travail de rattrapage en L2. L’essentiel est l’utilisation de la
68/180
Modèles de Transition :
Ils ont le même objectif/but final que les modèles bilingues soustractifs – VISENT une seule
langue à la fin de la scolarité : la L2. Les apprenants peuvent commencer l’école en L1 et
ensuite passer progressivement à la L2 comme moyen d’instruction. Si la transition (le
passage) vers la L2 se fait en 1 à 3 ans, on parle de modèle de transition de sortie précoce (de
la L1). Si la transition est retardée jusqu’en 5e – 6e année (CM2 – 6ème), on parle de modèle
transitoire de sortie tardive (de la L1) 24.
L’OBJECTIF est soit le support L1 d’un bout à l’autre (avec la L2 enseignée comme
matière) ou c’est la L1 plus L2 comme deux (doubles) supports jusqu’à la fin de l’école.
La L1 n’est JAMAIS SUPPRIMEE comme support.
Donc, l’OBJECTIF est un niveau élevé en L1 PLUS un niveau élevé en L2.
Le type de modèles bilingues additifs applicables dans la majorité des pays africains serait :
o L1 d’un bout à l’autre avec la L2 enseignée comme matière par un enseignant
spécialisé, ou
o Support double : L1 jusqu’à au moins la 4e -5e (CM1- CM2) ; suivie par une
utilisation progressive de la L2 pendant au plus 50% de la journée/des matières
jusqu’à la fin de la scolarité.
23
La plupart coulent.
24
Pour Ramirez et al (1991) les modèles de sortie précoce sont ceux dans lesquels les apprenants passent de la
langue maternelle à la L2 à n’importe quel moment entre l’année 1 et la fin de l’année 2 ; et les modèles de sortie
tardive sont ceux dans lesquels la L1 est maintenue dans au moins 40 à 45% de l’enseignement, jusqu’à la fin de
l’année 6 aux USA. Dans les pays africains où la L2 ne s’entend presque pas et n’est presque pas connue en
dehors des centres métropolitains, le modèle de sortie précoce s’applique lorsque l’enfant passé de la L1 à la L2
à n’importe quel moment avant ou au début de l’année 4. La recherche sur l’acquisition d’une seconde langue
(ASL) montre qu’il faut au moins 6 ans pour acquérir une connaissance suffisante de la L2 et apprendre avec la
L2. Ainsi, la transition vers la L2 comme support entre l’année 5 et 6 est une transition à sortie tardive. Mais, en
Afrique, en raison des conditions d’apprentissage médiocres dans la majorité des pays, il est improbable de
proposer une ASL optimale jusqu’à la fin de l’année 6. Ainsi, 6 années d’apprentissage en L2 ne suffiront peut-
être pas à faciliter une bonne transition vers la L2 en tant que moyen d’enseignement.
69/180
# Le passage marqué à la LNGC se justifie à ce moment, car c’est une langue largement utilisée dans la
région et qui est donc plus accessible aux apprenants qu’une « langue étrangère » /LIGC.
Tableau 3: LA/ELM tout du long avec un enseignement solide de L2 comme matière – diverses possibilités
a. Années 1-12 L1 support 80% LIGC 20%
b. Années 1-4 L1 support 80% LNGC 10% LIGC 10%
Années 5-12 L1 support 65-70% LNGC 10-15% LIGC 15-20%
70/180
Par opposition, la pratique introduite par les missionnaires dans les pays « anglophones » était
invariablement la L1 pendant les 3-4 premières années suivie par l’anglais. Dans certaines
parties d’Afrique australe, les missionnaires ont développé et utilisé les LA pendant 6 années
de scolarité (par exemple, en Zambie et dans certaines parties d’Afrique du Sud). On parle
alors de modèle de transition: transition de la langue maternelle vers l’anglais. La tendance
dans les pays francophones et récemment également au Mozambique est de plus en plus de
remplacer le modèle soustractif (directement en français ou en portugais) par un modèle
transitoire : une ou deux, et dans le cas du Mozambique, trois années de langue maternelle,
suivies d’une transition vers le support d’éducation français ou portugais.
Depuis l’indépendance, il existe également une tendance inverse dans plusieurs pays
anglophones qui consiste à s’éloigner des modèles transitoires avec 4 années ou plus de LM
avant de passer à la LGC. Ceci entraîne une moindre utilisation des langues locales. Des
programmes de transition avec un point de sortie précoce de l’ELM à la LIGC (1 à 3 ans
d’ELM) ou les modèles soustractifs (zéro ELM) ont été/sont en train d’être mis en place.
Dans les années qui ont immédiatement suivi l’indépendance, la Zambie, le Zimbabwe et la
Namibie ont considérablement réduit l’utilisation de la langue maternelle dans les premières
années d’éducation. Ceci a été encore plus prononcé et clair en Zambie où l’enseignement en
langue maternelle sur 4 ans a été remplacé par un modèle utilisant directement l’anglais
(soustractif) qui a survécu pendant plus de 30 ans. Les recommandations prônant un retour à
l’ELM pendant 4 ans ont été rejetées lors de 2 réformes de la politique en 1977 et en 1996. La
dernière modification de la politique linguistique a eu pour effet un maintien du support
anglais seul, mais avec une place on ne peut plus minime à l’initiation initiale à la lecture en
L1. Pour le reste c’est le support anglais qui est utilisé, même en première année (Muyeeba
2004).
Quelques années après l’indépendance, le Zimbabwe et la Namibie ont assoupli leur approche
soustractive et sont revenus à un modèle transitoire, même s’il s’agissait d’un modèle de
sortie précoce (sortie précoce pour aller vers l’anglais, vers la fin de la 3e année (CE2).
25
Il existe une exception récente qui est un modèle de transition tardive au Mali (voir Chapitre 2, Alidou &
Brock-Utne).
71/180
Il y a alors eu une forte convergence vers un modèle d’éducation transitoire de sortie précoce.
Il existe plusieurs exceptions à cette tendance, et elles sont traitées ci-dessous (et dans ce
rapport, dans les chapitres d’Alidou, Brock-Utne et de Wolff.)
Les enfants arrivent à l’école en parlant bien au moins une et même souvent plusieurs langues
utilisées dans leur communauté immédiate. Ils ont appris à utiliser ces langues pour
communiquer efficacement dans des contextes essentiellement informels. Dans la majorité
des pays du monde, on s’attend à ce que dans le cadre scolaire:
1. Les compétences linguistiques de l’apprenant et sa connaissance de la langue parlée à
la maison se développent davantage pour les utiliser dans un contexte scolaire. Ceci
inclut la lecture et l’écriture à des fins créatives et stimulantes sur le plan cognitif.
2. Les capacités de réflexion (cognitives) de l’apprenant augmentent grâce à la série de
difficultés proposées dans le programme, notamment le développement d’un bon
niveau d’alphabétisation qui permet de comprendre et de se lancer dans des textes
scolaires / éducatifs.
3. Au fur et à mesure que le programme devient plus stimulant dans le système scolaire,
les exigences linguistiques deviennent plus sévères. Les élèves continuent à
développer leurs compétences linguistiques pour répondre aux difficultés croissantes
du programme formel.
4. L’apprentissage linguistique et de la lecture ne doit pas se faire uniquement lors du
cours de langue, mais à chaque cours et dans chaque matière enseignée au cours de la
journée. Il faut donc améliorer la langue et la lecture dans l’ensemble du programme.
Ceci exige une attention directe et explicite de tous les enseignants, et pas seulement
du professeur de langue.
Dans les pays africains nous en sommes arrivés à croire que nous devons attendre de nos
enfants qu’ils fassent tout cela dans une langue qu’ils ne comprennent pas.
Même si nombre de gens pensent que plus l’enfant est exposé tôt à une nouvelle langue en
classe, mieux il/elle apprendra cette langue, une recherche approfondie nous a permis de
comprendre que cela n’est pas nécessairement le cas, et qu’en général c’est l’effet inverse qui
se produit27. Si un enfant doit apprendre une nouvelle langue comme la langue
officielle/LICE, il lui faudra normalement 6 à 8 années d’apprentissage dans cette langue
comme matière scolaire avant de pouvoir l’utiliser comme moyen d’instruction. On ne peut
s’attendre à ce qu’un enfant commence à apprendre une nouvelle langue comme matière
scolaire et l’utilise simultanément comme moyen d’instruction. Si on essaie d’accélérer le
26
Baker & Garcia (1996), Baker (2002), et Dutcher et Tucker (1995) font d’excellents résumés de la recherche
actuelle.
27
Les enfants prennent très facilement les accents et apprennent très vite le vocabulaire simple nécessaire à la
communication au quotidien. Ces vingt dernières années, de nombreux auteurs dans les travaux de Stephen
Krashen et Jim Cummins, et dans Doughty et Long (2003) ont montré que l’apparente aptitude des jeunes
enfants à rapidement apprendre la L2 est fort mal comprise. Ils apprennent très rapidement, en un an ou deux, les
rudiments nécessaires à une conversation simple. Mais ils ne peuvent en moins de 6 ans développer la maîtrise
nécessaire à un discours décontextualisé complexe dans une matière scolaire.
72/180
processus, l’enfant n’apprendra suffisamment bien ni la nouvelle langue ni les autres matières
importantes. Nous savons maintenant que la majorité des enfants qui doivent essayer
d’apprendre les mathématiques et les sciences dans une langue qu’ils ne comprennent pas
n’arriveront pas à comprendre les concepts ou les explications des concepts. Ce qui implique
que les élèves seront de plus en plus à la traîne par rapport à ceux qui ont droit à un ELM.
La recherche nous permet également de dire qu’il existe trois possibilités permettant aux
enfants de bien apprendre une langue supplémentaire et également de bien réussir dans
d’autres matières dans le cadre de l’éducation formelle :
1. ELM tout du long : Lorsque les apprenants utilisent le support langue maternelle d’un
bout à l’autre et que la langue supplémentaire est bien enseignée par des enseignants
compétents (Les utilisateurs L1 de l’Afrikaans en Afrique du Sud sont devenus très
bons en anglais lorsque l’anglais est enseigné comme matière uniquement et fait
l’objet d’un cours par jour).
2. Enseignement bilingue additif : Lorsque les apprenants utilisent le support langue
maternelle pendant au moins 6 à 8 ans, plus une langue supplémentaire bien
enseignée par des enseignants compétents pendant ces 6 à 8 ans ; et que cela est suivi
par un enseignement avec deux supports (certaines matières sont enseignées dans la
langue maternelle ; d’autres matières sont enseignées dans la langue supplémentaire
de la 8e à la 12e année.)
3. Transition très tardive vers la L2 : une expérience en Afrique du Sud nous a appris que
pour les élèves qui ont suivi 8 ans d’enseignement en langue maternelle avec en même
temps un bon enseignement d’une seconde langue, la transition vers l’anglais en année
9 (sortie très tardive vers l’anglais) peut se faire sans problèmes. Les élèves qui ont
suivi ce processus entre 1955 et 1976 ont obtenu de très bons résultats en langue
anglaise et dans d’autres matières du programme.
Entamer d’autres activités d’apprentissage au cours des trois premières années d’école
implique peu de travaux de lecture et d’écriture. Dans les sociétés multilingues, il est courant
que les enfants s’initient à la lecture dans une seconde langue en deuxième année. Là encore,
il s’agit de décoder des lettres, un vocabulaire simple et des phrases simples utilisés dans des
histoires familières ou pour des exercices de calcul. Néanmoins, à partir de l’année 4, le
programme propose des difficultés croissantes en lecture avec des textes, des situations, des
discours et des genres plus fréquemment inconnus. On s’attend à ce que les élèves passent du
décodage d’histoires simples et de « l’apprentissage de la lecture » à la « lecture pour
apprendre » (Pretorius 2002 ; Pretorius et Ribbens 2005). En d’autres termes, les élèves
doivent effectuer un saut cognitif, passant du décodage de mots familiers dans un texte avec
une histoire prévisible et familière, à la compréhension et à l’interprétation de textes
impliquant des concepts inconnus et des conclusions inattendues (en mathématiques, en
histoire, en géographie et en sciences). Les élèves doivent utiliser leurs compétences en
lecture pour comprendre ce qu’ils ont à apprendre.
Ceci constitue un défi cognitif important pour la majorité des élèves lorsque cela se fait dans
la langue maternelle. Les enfants qui continuent leur scolarité avec des programmes d’ELM
possèdent 7000 mots ou plus et une connaissance poussée de la structure de la langue (par ex.
des phrases composées et complexes qui peuvent être modifiées en précisant ou en modifiant
des phrases et des clauses). Ils savent comment utiliser diverses techniques pour adapter leur
registre ou la variété selon le contexte et la fonction de leur communication. Ils peuvent ne
pas savoir lire tous les mots et les structures qu’ils connaissent oralement, mais ils possèdent
un réservoir important dans lequel ils puisent.
anglophones, au Canada et aux USA. Pendant quelques années, depuis la fin des années 70 et
jusqu’au début des années 90, les programmes canadiens d’immersion pour les apprenants
anglophones scolarisés dans des écoles utilisant le français comme langue d’enseignement
semblaient offrir un exemple d’enseignement en seconde langue qui pourrait fonctionner dans
les pays africains, la Fédération de Russie et les pays d’Asie du sud est. Il faut rappeler que
les programmes d’immersion n’ont jamais été intégrés dans l’enseignement ordinaire, et ont
toujours été dotés des ressources nécessaires, ne s’adressant qu’aux enfants venant de milieux
aisés. Une recherche ultérieure a montré que ces modèles ne pouvaient être reproduits dans le
système scolaire normal des pays d’Afrique, de la Fédération de Russie et d’Asie du sud est.
Dans les programmes d’immersion en français ou en anglais, ceux qui parlent la L1 préfèrent
passer leurs examens de fin de scolarité en anglais, leur L1 plutôt qu’en Français qui est leur
L2. Ils n’ont après tout pas le même niveau en français qu’un autochtone, ni un niveau
« similaire à celui de l’autochtone » à la fin de leur scolarité et ne se sentent pas assez sûrs
pour risquer d’avoir de mauvaises notes dans leur L2, le français. « L’exposition à la langue
cible n’est pas suffisante en classe ; le seul modèle de langue autochtone est le professeur (si
il ou elle est un autochtone), et le contexte est limité » (Helle 1995 : 118). Les tentatives
d’inclure des enfants français venant de familles en général moins aisées dans les programmes
d’immersion au Canada se sont rarement soldées par un succès. La leçon que peut en tirer
l’Afrique, c’est que si le modèle d’immersion n’a pas tenu ses promesses dans les bonnes
conditions du Canada, il ne pourra jamais offrir quelque chose de positif à la majorité des
enfants des pays africains. Aucun conseiller ne devrait donc recommander les modèles
d’immersion aux gouvernements africains.
Les apprenants issus de communautés linguistiques qui ne jouissent pas du même prestige,
dont les parents viennent de milieux socio-économiques moins favorisés qui n’ont pas un
niveau d’instruction très élevé, et qui sont plongés dans des programmes se déroulant
uniquement dans une seconde langue suivent des programmes de submersion. En général, la
75/180
majorité de ces enfants ne disposent pas des mêmes facteurs de soutien pour rester à flot et ils
coulent dans le système d’enseignement.
Faire suivre à la majorité des enfants africains, sud américains, du sud est asiatique et de
minorités linguistiques dans les pays de la Fédération de Russie des programmes en seconde
langue seulement revient à pratiquer la submersion et il ne serait actuellement pas très avisé
d’essayer de reproduire ces modèles en Afrique.
3.6. Ce que les modèles peuvent offrir aux élèves à la fin de l’école
secondaire
La littérature internationale englobe des études longitudinales sur les différents modèles
d’éducation bilingue, ainsi que la littérature sur la recherche menée dans les pays africains.
Une analyse détaillée de ces ressources fournira suffisamment de données pour faire des
prédictions sur les résultats éventuels des élèves dans nos contextes.28
3.6.1 Etudes montrant les résultats linguistiques et scolaires positifs dans les
programmes additifs/ bilingues forts :
Ce qui suit est une sélection d’études africaines et internationales pertinentes. Malherbe
(1943) dans une première étude sur l’éducation bilingue en Afrique du Sud a montré que les
élèves qui suivaient un enseignement dans leur langue maternelle jusqu’à la fin de l’école
primaire (7 années d’ELM) suivi d’un enseignement à double support afrikaans-anglais (8e-
12e) (quatrième à la terminale), avaient de meilleurs résultats que les élèves dans les écoles
monolingues en afrikaans, et monolingues en anglais.
a. Ils avaient de meilleurs résultats en L1 et L2 ; et
b. Ils dépassaient leurs camarades dans d’autres domaines du programme ;
c. Ils faisaient preuve d’une plus grande tolérance sociale entre les groupes linguistiques
que dans les écoles secondaires monolingues ;
d. Même les enfants ayant des difficultés apparentes d’apprentissage avaient de
meilleurs résultats ;
e. Les écoles à double support d’enseignement étaient essentiellement situées dans les
zones rurales et moins riches en ressources.
Bambose 1984, 2000, 2004a, b; Elugbe 1996; Fafunwa 1990 etc: ont montré que dans le
Projet de six ans bien doté en ressources et utilisant comme moyen d’instruction le Yoruba à
Ife, Nigeria, et par comparaison avec les élèves qui passaient au support anglais au bout de 3
années d’ELM :
28
Parmi ces études, celles de Ramirez et al 1991; Thomas & Collier 1997, 2002; Malherbe 1943; Macdonald
1990; Bamgbose 1984, 2000, 2004a, b; Fafunwa 1990; Heugh 2002, 2003.
76/180
a. Les élèves qui avaient suivi 6 années d’ELM avaient de meilleurs résultats en anglais,
et
b. Ils avaient de meilleurs résultats dans d’autres matières
c. donc, faire la transition en 4e (CM1) est trop tôt : trois ans d’ELM ne suffisent pas
Macdonald 1990, a montré que les élèves qui passaient du support L1 (Setswana) au support
anglais au début de la 5e (CM2) ne répondaient pas aux exigences linguistiques du système à
ce moment là.
a. Cette étude montre une très forte augmentation des abandons et du nombre de
redoublants dans le système à partir de la 5e (CM2)
b. Quatre années d’ELM ne suffisent donc pas
c. Quatre années d’apprentissage d’une seconde langue ne suffisent pas pour l’utiliser
comme support [par exemple : A la fin de la 4e (CM1) les apprenants avaient été
exposés à 800 mots d’anglais, mais il leur en fallait 7000 pour suivre le programme de
la 5e (CM2).]
Hartshorne 1992 : révèle que les résultats des tests de rendement scolaire en anglais ont
considérablement baissé lorsque l’on est passé de 8 à 4 années d’ELM en Afrique du Sud :
a. d’un taux de réussite de 78% en 1978 lorsque les élèves de 12e (terminale) avaient
bénéficié de 8 années d’ELM,
b. à un taux de réussite de 38,5% lorsque les élèves de 12e (terminale) n’avaient
bénéficié que de 4 années d’ELM.
Ramirez et al 1991 dans une étude longitudinale démontrent que dans le cas où l’on dispose
de ressources suffisantes aux USA:
a. les modèles utilisant directement l’anglais et les modèles de sortie précoce montrent
des signes prometteurs de réussite scolaire en 3e année (CE2). Les élèves semblent
rattraper le niveau national des utilisateurs de L1.
b. Cependant, ils atteignent un plateau bien en dessous de la norme des apprenants L1
dans le système, à mi-chemin entre la 3e (CE2) et la 4e (CM1).
c. A partir de la 4e (CM1) et ensuite, le niveau de ces apprenants chute par rapport à la
norme nationale et ils ont des résultats médiocres en 11e (1ère).
d. Plus la langue maternelle est utilisée longtemps comme support d’apprentissage,
meilleurs sont les pronostics des résultats en L1 et L2, et
e. Plus la langue maternelle est utilisée longtemps comme support d’apprentissage,
meilleurs sont les résultats en mathématiques à la fin de l’école secondaire.
77/180
Thomas & Collier (1997, 2002) et Collier & Thomas (2004) confirment l’étude de Ramirez et
al et montrent les avantages des modèles d’immersion bidirectionnels (support double –
additifs) en Amérique du Nord :
a. les programmes à deux langues sont les seuls qui permettent de combler le fossé entre
les résultats des apprenants d’anglais en L1 et en L2.
b. Les programmes à deux langues sont caractérisés par une séparation des langues (les
apprenants suivent un enseignement structuré dans les deux langues séparément ; par
exemple, une partie de la leçon se déroule dans une langue, l’autre partie dans l’autre
langue – il n’y a pas de mélange imprévu de code ou de changement de code).
c. Les programmes de rattrapage qui incluent un passage direct à l’anglais et une
transition précoce vers les programmes anglais peuvent apporter un soutien aux
apprenants en L2 pendant un à quatre ans, mais quatre années ne suffisent pas pour
combler le fossé (c.-à-d. que quatre ans d’ELM ne suffisent pas).
d. Les élèves des modèles soustractifs et de sortie précoce accumulent de plus en plus de
retard par rapport aux élèves en L1 dans les écoles secondaires (c.-à-d. le fossé
s’élargit).
On peut trouver des résumés d’autres études dans : ADEA 1996,1997; Küper 1998; Baker
2002. L’ensemble des recherches confirme que ce qui suit s’applique à la majorité des
apprenants dans le monde :
Ce que la recherche n’arrive pas encore à bien cerner, c’est où se situe le point d’équilibre
entre les 6 et 8 ans. Le projet Six Year Primary (Six ans de Primaire) qui a eu l’avantage de
disposer de ressources bien meilleures que dans la majorité des cas (enseignants bien formés
et matériel adéquat), a démontré que 6 années d’ELM suffisaient. L’exemple de l’Afrique du
sud entre 1955-1976 montre que dans des conditions moins propices (enseignants bien
formés, mais matériel insuffisant) 8 années d’enseignement en langue maternelle suffisent.
Cependant, comme il est improbable que ces conditions puissent actuellement être
généralisées à l’ensemble du système éducatif d’un pays africain, la durée minimum
d’utilisation de l’ELM se situe probablement entre 6 et 8 ans. Ceci confirme d’autres analyses
de linguistes en linguistique appliquée en Australie (Liddicoat 1991) et au Nord (par
exemple, Cummins 1984, 2000; Krashen 1996; Baker 2002, Skutnabb-Kangas 1988, 2000
etc.) qui considèrent que 6 à 8 ans d’ELM sont nécessaires dans ces contextes. En d’autres
78/180
termes, si les enfants dans les zones mieux dotées en ressources du monde ont besoin de 6 à 8
ans d’ELM pour réussir, alors il en va de même des enfants en Afrique. Rien ne prouve qu’ils
pourraient faire avec moins.
3.6.2 Ce que les planificateurs de l’éducation peuvent prévoir à partir des études
Ci-dessous la représentation sous forme de tableau de ce que l’on peut attendre des différents
modèles de langues d’enseignement jusqu’à la fin de l’école secondaire.
Tableau 4 : Notes attendues en L2 (matière) dans les écoles bien dotées en ressources29
jusqu’en 10e -12e (seconde –terminale) en fonction des choix de support linguistique
précédents
70
60
50
40
30
20
10
0
retrait L2
du cours plus
partie principale
Support L2
à la L2
ans puis passage
L1pendant 2-3
L2
ans puis contenu
L1 pendant 2-3
ans support L2
L1 pendant 6/7
la 7te année.)
+L2 Md’I à partir de
5-6 ans seulement, L1
Support double (L1
matière
offre de L2 comme
long plus bonne
Support L1 tout du
1 2a 2b 3 4a 4b
TYPE Soustractif Sortie Sortie Sortie Additif 30
Additif
précoce précoce tardive
transitoire De De
transition transition
Ce tableau offre aux planificateurs un cadre par rapport auquel mesurer les résultats éventuels
des modèles d’enseignement de langue utilisés sur le système éducatif. Dans les cadres
africains, la majorité des modèles sont soustractifs ou de sortie précoce (2a). Le mieux qu’on
29
En d’autres termes : des enseignants spécialisés en anglais, de petites classes, des ressources adéquates en
classe (extrapolation de Ramirez 1991, Thomas & Collier 1997, 2002; corrélé avec Macdonald 1990 & Heugh
2002).
30
Ce modèle de L1 (langue maternelle) d’un bout à l’autre, plus LIGC comme matière enseignée par des
enseignants spécialisés dans cette langue, a été utilisé en Afrique du Sud par les utilisateurs de l’afrikaans. Les
élèves qui ont les meilleurs résultats scolaires à la fin du secondaire en Afrique du Sud sont ceux qui ont
fréquenté des écoles utilisant ce modèle.
79/180
puisse espérer serait des notes entre 20-40% en L2 en 12e (terminale) si ces modèles sont
maintenus.
Si on examine les modèles de sortie précoce et les résultats des études qui ont été menées
dans le cadre des études à grande échelle aux Etat Unis ( Ramirez et al 1991; Thomas &
Collier 1997, 2002), ainsi que les études menées dans les pays africains, comme par exemple
au Niger (Halaoui 2003) et en Zambie (Sampa 2003), on peut s’attendre à constater que
pendant les trois à quatre premières années, les élèves dans chacun de ces programmes
semblent progresser sans problème (c.-à-d. ils apprennent à décoder un texte rédigé en phrases
simples, en général dans un genre narratif).
Cependant, vers le milieu de la 4e année (quelquefois plus tôt), les élèves qui passent
directement à la L2 (submersion) ou qui suivent des programmes de sortie précoce vers la L2
commencent à se retrouver à la traîne par rapport à ceux qui, dans d’autres contextes, suivent
un enseignement en L1/LME. Ils ne peuvent se maintenir au niveau des normes nationales
s’appliquant aux élèves qui suivent un enseignement en L1 tout du long. De plus, chaque
année ils prennent un peu plus de retard.
Thomas & Collier (1997, 2002) qui ont suivi les apprenants en seconde langue aux USA dans
divers programmes, ont montré comment les performances évoluent entre l’année 1 et 3,
ralentissent en années 4, se stabilisent en année 5, puis commencent à perdre du terrain par
rapport aux apprenants en L1.
80/180
Bien que ce tableau et ce graphique soient le résultat d’une recherche menée aux USA, les
preuves montrent que ces résultats illustrent les performances des élèves dans les pays
africains. Des études systémiques récentes des performances des étudiants en langues et en
Mathématiques en Afrique du Sud montrent que les résultats des élèves en
langue/alphabétisation dans l’enseignement essentiellement de sortie précoce de l’ELM à la
fin de l’année 3 et 6 correspondent presque exactement à la courbe « 4- EB de transition +
ESL tous deux traditionnellement enseignés (Thomas & Collier, dans le tableau 5 ci-dessous).
Au plan national, le résultat moyen de la langue d’apprentissage et d’enseignement, l’anglais
pour la majorité, en année 6 est de 38% (ME 2005). Le résultat moyen en mathématiques est
de 11% inférieur à celui des langues (c.-à-d. 27%), ce qui n’est pas étonnant. Une analyse
récente du Consortium africain méridional pour l’évaluation de la qualité de l’éducation II
(SACMEQ II) sur la lecture et le calcul dans 14 pays d’Afrique australe et de l’est en 6ème
année d’école montre que 44% des apprenants dans la région avaient acquis un niveau
minimum d’alphabétisation et seuls 14,6% des apprenants ont atteint le niveau souhaitable de
lecture en 6ème année d’école (Mothibele 2005 : Tableau 2). Une maîtrise médiocre de la
langue d’apprentissage entraîne des résultats médiocres dans d’autres matières, plus
81/180
Sur l’ensemble du continent, moins de 50% des élèves restent à l’école jusqu’à la fin du
primaire. Les taux de redoublement et d’abandons sont très élevés, et les planificateurs de
l’éducation ne voient donc pas immédiatement qu’en choisissant les modèles de sortie
précoce, ils choisissent effectivement une situation dans laquelle les élèves ne peuvent que
marquer 20-40% dans la langue utilisée comme Md’I en 10e -12e. Sans voir les conséquences,
les responsables de l’éducation de la majorité des pays choisissent un modèle qui ne peut
permettre qu’une réussite limitée, et un accès limité à l’école secondaire et au-delà. Les élèves
ne seront pas capables de comprendre ou de réussir dans des domaines du programme comme
les sciences et les mathématiques s’il n’ont pas un niveau suffisant dans le Md’I. Ceci est
malheureusement clair en Afrique du Sud où moins de 1% des élèves qui sont des utilisateurs
L1 de langues africaines réussissent à avoir la moyenne en sciences et en mathématiques à la
fin de l’école secondaire pour entrer à l’université.
• Le cycle d’influence, qui amène un pays à adopter la même politique qu’un autre après
l’indépendance. Les autorités responsables de l’éducation ont l’une après l’autre
décidé de favoriser les modèles directement en LIGC (soustractifs), ou les modèles de
transition de sortie précoce. Si un pays choisit la sortie précoce, les autres pays ont
l’impression qu’il n’y a pas de danger à en faire de même. L’approche directement en
anglais de la Zambie a plus tard eu une influence considérable sur les débats ou les
décisions concernant la politique et l’application de la politique en Namibie et en
Afrique du Sud. Les décisions « francophones » présentent également beaucoup de
similitudes.
• Des individus et agences influents (bien intentionnés) dans chaque contexte prennent
des décisions d’application qui sont en conflit avec la politique réelle, par exemple de
1997 à 2005 en Afrique du Sud (Heugh 2002, 2003).
82/180
Les termes transfert et transition semblent très similaires et sont souvent confondus ou
utilisés indifféremment. En fait, ils appartiennent à des domaines d’études différents et ont un
sens très différent.
31
Il est également important de noter que parler de transfert vers l’ASL dans un document comme celui-ci,
risque d’être mal compris car les points clés de la discussion sont forcément résumés. Il est clair que tous les
utilisateurs de langue commencent par transférer une partie de leurs connaissances d’une langue vers l’autre, au
fur et à mesure qu’ils acquièrent les outils linguistiques dans la L2. Donc au début, il y a un certain transfert vers
l’ASL et plus on maîtrise la L2, plus cela est important. Cependant, il faut une connaissance suffisante en L2 et
de la L2 avant de pouvoir transférer une quantité suffisante de connaissances d’une langue vers une autre, et pour
pouvoir également suivre le reste du programme de la classe.
32
Par exemple : si un anglophone voit un texte en espagnol pour la première fois, il reconnaîtra des phrases et
des mots individuels et sera même capable de « lire » les mots à voix haute – mais cela ne signifie pas que
l’anglophone a une quelconque idée du sens des mots.
83/180
des compétences en lecture vers la L2 dans un délai très court.33 De nombreux programmes de
langue maternelle et d’alphabétisation précoce apportent par eux-mêmes une contribution
énorme au développement et à l’utilisation des langues africaines. Cependant, nous savons
grâce à des preuves incontestables que lorsqu’elles offrent une transition vers la L2, en
particulier lorsqu’il s’agit de l’utilisation de la L2 comme support avant ou pendant l’année 4,
elles ne gênent pas un transfert adéquat de connaissances.
Dans ces cas, les concepteurs de programme ont mal compris la différence entre : transition
vers l’anglais (avant que les apprenants ne puissent avoir appris suffisamment de L2 pour
fonctionner dans des contextes éducatifs dans la classe et dans tout le programme) ; et
transfert vers la L2 lorsque les apprenants ont développé une maîtrise cognitive de la lecture
scolaire et de la langue (c.-à-d. à un niveau où ils peuvent comprendre un texte
décontextualisé, avec une L2 suffisamment avancée pour permettre un transfert).
et
33
Par exemple : dans les programmes actuels de lecture en Zambie (lecture en L1 en année 1, introduction orale
à l’anglais en année 1 ; introduction à la lecture en L2 en année 2). Dans une vidéo intitulée « une révolution
silencieuse » (Ministère de l’éducation de Zambie, 2004), les agents du programme affirment que la lecture en
L1 facilite un « transfert de compétences » et « un transfert vers l’anglais » en année 2. Le glissement de la
terminologie crée la fausse impression que les apprenants seraient capables d’apprendre grâce au support de
l’anglais, parce qu’ils ont réussi à transférer ce qu’ils savent en L1 en anglais. Les apprenants ne peuvent en ce
point qu’appliquer leurs compétences de décodage de l’alphabet latin à l’anglais, et l’appliquer à un lexique très
limité et à leur connaissance de débutant de la syntaxe. Ils n’ont en ce point pas encore développé en anglais le
niveau de sens sémantique nécessaire et qu’ils possèdent en L1, pour suivre le reste du programme. Des
programmes similaires ou identiques dans plusieurs pays « anglophones » sont basés sur la même erreur.
84/180
Il est fréquent que les prestataires offrant un enseignement des langues/les ONG/les agences
de développement et les conseillers d’éducation confondent ces concepts. Si ces agents
pensent que transfert = transition, alors ils pensent que modèles de transition = modèles
additifs. Ces conseillers, parce qu’ils confondent les termes, ne connaissent pas les différents
résultats que donneront ces différents modèles. Cela signifie que, bien que ces agences ne
soutiennent pas activement les modèles anglais, français ou portugais seul, elles contribuent
néanmoins et par défaut, au même résultat éducatif. Lorsqu’elles rédigent des documents sur
les modèles qu’elles recommandent d’appliquer et qu’elles utilisent la terminologie de façon
incorrecte, elles entretiennent par inadvertance le cycle de confusion entre les modèles qui
peuvent donner de bons résultats et ceux qui ne peuvent donner de bons résultats.
Le nouveau programme révisé est actuellement basé sur une hypothèse totalement erronée qui
veut que l’enseignement additif bilingue soit dispensé avec 3 ans d’ELM suivi par un passage
au support anglais à partir de l’année 4. Les programmes de formation pour les professeurs de
4ème année et des classes supérieures offerts par le département ne sont pas à l’heure où nous
rédigeons ce texte, basés sur l’utilisation du support langue maternelle au-delà de la 3ème
année d’école.
La confusion existe aussi dans la littérature de ceux qui offrent des programmes
d’enseignement bilingue additif, même lorsqu’ils ont participé aux discussions appliquées et
de sociolinguistique sur ces questions depuis le début des années 90. L’un des plus importants
est une ONG basée en Afrique du Sud, le projet Molteno. Son programme a été élaboré au
départ en Grande Bretagne dans les années 70 et adapté en Afrique du Sud avec une
alphabétisation en langue maternelle (1ère année) suivie par une sortie très rapide vers le
programme ESL en 2ème année. En 20002, Molteno avait stabilisé la mise en place de ses
85/180
programmes de sortie rapide dans six pays africains et en 36 langues (Afrique du Sud,
Namibie, Botswana, Zambie et Lesotho, Swaziland) et était sur le point de négocier l’offre
d’un programme dans quatre autres pays /
Après des années de lobbying, le projet [Molteno] a reçu des fonds pour étendre son
programme d’alphabétisation en langue maternelle au delà de la 1ère année en 1998. Ainsi, le
programme a pu soutenir un développement additif bilingue. Les cours d’alphabétisation en
langue maternelle ont été étendus à la 2ème et 3ème année d’école (Rodseth 2002 : 97)
Sur un plan anecdotique, il ne fait aucun doute que les apprenants qui sont très compétents
dans la langue principale à la fin de la 1ère année (CP) transfèrent et font la transition vers
l’anglais assez facilement – en particulier lorsqu’ils utilisent la Passerelle vers l’anglais
construite de façon linguistique contrastive. Cependant, il n’existe pas de recherche qualitative
élégante pour appuyer cette hypothèse … (Rodseth 2002: 105).
Le premier extrait montre qu’une transition précoce vers l’anglais est combinée avec un
enseignement bilingue additif (qui garde la L1 comme support premier tout du long). Le
deuxième montre l’amalgame entre deux termes entièrement différents comme nous l’avons
déjà mentionné : « transfert » et « transition ». Le matériel de promotion sur le site web du
projet stipule : « Le pont vers l’anglais ... met fortement l’accent sur la langue dans le
programme et de ce fait prépare les apprenants à un apprentissage effectif de toutes les
matières avec l’anglais » (Molteno 2005). C'est-à-dire à partir de la 4ème année de scolarité en
Afrique du Sud, et dans le cas de la Zambie, à partir de la 1ère année. Ceci n’est simplement
pas possible.
Il est demandé aux fournisseurs soutenant les modèles de sortie rapide de faire le bilan de la
recherche et de procéder à des changements substantiels dans leur conception et leur offre de
programmes. Ceci les préparera à faire face à une offre additive bilingue ou même à une
transition tardive. Une mauvaise identification de la conception du programme n’est pas
acceptable.
Dans une proportion moindre, d’autres experts qui soutiennent fermement un usage élargi des
langues africaines dans l’éducation, ont mal calculé le temps nécessaire et l’utilisation de la
langue maternelle dans les programmes de transition et combinent également les programmes
additifs et les programmes de transition. Dans un atelier récent sur « développer une politique
de langue et d’éducation et appliquer un enseignement bilingue au Libéria » un programme a
été proposé qui implique une transition « graduelle » de l’ELM vers l’anglais sur 8 ans et qui
est désigné par modèle bilingue de « sortie tardive » ou « additif » (Malone & Malone 2004 :
34
Voir par exemple : le programme Molteno en Zambie, présenté dans Sampa (2003) ; dans la vidéo sur son
programme (Ministère de l’Education, Zambie 2004) ; et sur le site web du Projet Molteno en 2005.
86/180
10). Ce modèle fait valoir l’usage élargi des langues africaines beaucoup plus fortement que la
plupart des modèles utilisés sur le continent. Cependant, si un modèle de transition graduée
bien planifiée présente beaucoup d’éléments en sa faveur pour être acceptable, dans cette
proposition, l’anglais remplace l’ELM au rythme suivant : 10% en année 1 ; 25% en année
2 ; 50% en année 3 ; 75% en année 4 ; 90% en année 5. Pour qu’un programme puisse être
qualifié d’additif, la L2 ne peut remplacer la L1 pendant plus de 50% de la journée
d’enseignement. Dans les modèles de transition à sortie tardive il faut garder la L1 comme
moyen d’instruction principal pendant au moins 40-45% du temps jusqu’à la fin de la 6ème
année/classe (Ramirez et all 1991). 35 Cependant, dans cette proposition, le modèle limite
l’utilisation de la L1 à 25% du temps en année 4 (année 6 si on compte les deux premières
année en établissement préscolaire). De ce fait, cela ne répond pas à la définition de Ramirez
et al des modèles de transition à sortie tardive. Cette proposition repousse les frontières d’une
transition à sortie rapide, mais pas suffisamment loin, et elle pourrait être renforcée en
ralentissant le rythme auquel se produit la transition.
35
Les auteurs considèrent qu’il faut prendre en considération la langue maternelle utilisée pendant les deux
années d’enseignement préscolaire. Même si cela était le cas, la L1 devrait quand même être utilisée pendant
50% du temps d’enseignement en année 4 dans ce modèle.
36
Ceci a été un tel succès qu’il existe actuellement une industrie australienne prospère de l’ASL qui cible les
pays bordant l’océan Pacifique.
87/180
Un programme conçu pour enseigner une seconde langue comme matière ne devrait pas être
utilisé pour préparer les élèves à apprendre prématurément avec ce support. Les programmes
conçus pour préparer les élèves à apprendre avec une seconde langue, en particulier dans des
cadres africains où la L2 utilisée pour l’enseignement est réellement une langue étrangère
pour la majorité des élèves, devront prendre en compte les connaissances dans la langue et la
cognition en ASL et en psycholinguistique. De ce fait, les agents de programme qui
considèrent que les programmes d’ESL/FSL/PSL permettent d’y arriver en moins de six ans
ont tort et soutiennent une théorie non étayée par une recherche ou une évaluation valable,
et/ou ont une connaissance insuffisante de la langue ou de la cognition.
37
Beaucoup pensent que l’acquisition d’une seconde langue et l’enseignement d’une seconde langue
(anglais/français/portugais/espagnol) sont une seule et même discipline. Bien qu’apparentés, ils viennent de
différentes disciplines académiques. Dans le premier, l’accent est mis sur l’acquisition et la connaissance, c.-à-d.,
qu’il découle de la psycholinguistique et est souvent en relation avec la sociolinguistique (par ex. la structure de
la langue) et comment l’enseigner en classe avec diverses méthodologies (les surprises et les plaisirs de la
profession).
88/180
semblerait qu’il serait bon de mettre davantage l’accent sur les deux premiers domaines dans
d’autres pays d’Afrique. De ce fait, il y a peu de spécialistes sud africains suffisamment
informés pour évaluer les programmes d’alphabétisation et de langues en Afrique du Sud. Là
encore, ce n’est pas un phénomène spécifique à l’Afrique du Sud. Un échantillon d’études de
plusieurs évaluations des programmes d’alphabétisation et de langue menées en Zambie, au
Ghana, au Niger, au Cameroun, en Namibie et au Mozambique montre que les évaluateurs
d’un ensemble de pays en Afrique et hors d’Afrique ne font souvent pas suffisamment
attention à la cognition, à l’ASL et aux questions de psycholinguistique et de
sociolinguistique lorsqu’ils procèdent à l’évaluation des programmes en seconde langue.
Les évaluateurs doivent être sûrs que leurs rapports identifient sans équivoque, de façon claire
et fiable un programme conçu pour inclure un ou plusieurs des éléments suivants :
o L’alphabétisation en langue maternelle
o Alphabétisation en L2/langue (comme matière)
o Support langue maternelle
o Support L2 (soustractif/submersion/sortie précoce/transition à sortie tardive vers le
support L2)
o Bilingue additif (ELM comme support pendant 80 à 90% du temps pendant 3 à 5 ans ;
50% du temps pendant tout le programme de la 6ème année jusqu’à la fin de l’école).
Deuxièmement, il faut explicitement indiquer la période sur laquelle le programme est évalué
et procéder à l’évaluation des performances des apprenants à moyen et à long terme. Il est
généralement accepté dans les discussions sur l’éducation que toute intervention bien
documentée donne de bons résultats par comparaison avec un système dysfonctionnel. Les
améliorations sont le résultat d’une meilleure formation des enseignants, d’une quantité plus
importante de matériels ou de matériels de meilleure qualité et l’attention portée au site où se
déroule l’intervention. Ceci n’est pas forcément lié au programme en tant que tel. On ne peut
considérer qu’il y a amélioration du programme à moins de ne pouvoir dissocier l’effet du
programme actuel des autres facteurs associés. La valeur des études longitudinales sur les
programmes de langue d’enseignement de Ramirez et all (1991) et Thomas & Collier (1997 et
2002) réside dans leur capacité à montrer qu’il est peu intéressant d’évaluer un programme
linguistique au cours des années scolaires 1-3 (ou 4). Toutes les conceptions de programmes
bien dotés en ressources (qu’ils soient favorables à une utilisation directe de la L2 ou de la
langue maternelle suivie par une sortie rapide vers la L2) montrent que les élèves progressent
à un rythme régulier au cours des années scolaires 1à 3 ou 4. Les différences ne commencent
à être visibles qu’à partir de la 4ème année et au-delà (voir ci-dessus).
38
Bachman & Palmer (1996 : 21) expliquent ce terme comme suit : « validité conceptuelle concerne le sens et
l’à propos des interprétations que nous faisons sur la base des notes de tests.
39
Ce terme fait référence à la formation et aux compétences nécessaires de « l’évaluateur » ou dans ce cas, du
noteur. L’évaluateur a-t-il les compétences nécessaires pour effectuer une évaluation appropriée et est-elle
fiable ?
89/180
Dans le même temps toute évaluation d’un programme d’enseignement en langue maternelle
ou seconde langue, dispensé par des enseignants bien formés et disposant de matériels
adéquats montrera une amélioration considérable comparée aux programmes proposés par des
écoles qui ont des enseignants mal formés, peu de matériel d’apprentissage et pas
d’intervention spécifique. Les systèmes scolaires dysfonctionnels semblent être actuellement
la norme dans la majorité des pays. Il est donc évident que tout programme d’alphabétisation
ou de seconde langue nouvellement introduit montrera des améliorations par rapport aux
résultats enregistrés dans des écoles témoins choisies dans un système scolaire
essentiellement dysfonctionnel. Ainsi, ceci doit être pris en considération par (les)
l’évaluateur(s) et également les parties prenantes qui demandent ces évaluations.
Malheureusement, bien qu’il y ait en fait de nombreuses évaluations qui répondent aux
critères de « validité conceptuelle » et de fiabilité, il existe de nombreux autres exemples
d’évaluations qui pour une raison ou une autre « passent sous silence » la fracture entre les
programmes de transition et additifs, l’utilisation de groupes témoins dans des contextes
dysfonctionnels, et le cadre temporel dans lequel s’effectue l’évaluation.
pendant les 6 premières années d’école, on peut alors considérer que les pronostics de bons
résultats par la suite sont bons. Si le niveau des résultats des élèves commence à décliner à
partir de la 4ème – 5ème année d’école, il est alors improbable d’inverser cette tendance sans
devoir modifier la conception du programme.
Les apprenants qui sont sortis des programmes utilisant au départ la langue maternelle, c.-à-d.
qui suivent des programmes avec le support seconde langue depuis la fin de la 3ème année
d’école :
... ne vont pas nécessairement rattraper. Ceci est particulièrement vrai pour le niveau secondaire, mais beaucoup
passent inaperçus en cours élémentaire car les élèves « réussissent » les tests avec des notes assez basses mais ne
sont pas encore vraiment compétents. Ces résultats ...montrent que la scolarité des élèves de langues minoritaires
n’est pas seulement une responsabilité incombant aux enseignants bilingues ou d’ASL, mais elle continue après
que les élèves soient sortis de ces programmes. Les déclarations sur les schémas de réussite ... ou les affirmations
que les barrières linguistiques [pour les apprenants d’ASL] ont été dépassées ne peuvent être examinées que
lorsque les [apprenants d’ASL] sont inclus dans cette analyse... Il est donc important de désagréger les données
pour ... [les apprenants d’ASL] et de suivre leurs résultats dans le temps (De Jong, 2004 : 13).
Ainsi, toute évaluation d’un programme de transition à sortie rapide qui ne peut faire
état de bonnes performances des élèves au moins jusqu’en 6ème année d’école (c.-à-d. la
résistance moyenne de l’intervention) est fondamentalement erroné ou manque de
validité conceptuelle.
Les évaluateurs veulent constater un progrès en passant des programmes soustractifs (zéro
ELM) aux programmes de sortie précoce, et ne devraient pas éluder le problème central. Si
l’évaluateur ne détecte pas (les) l’erreur(s) de conception fondamentale(s), ceci aura à moyen
ou à long terme un impact négatif sur le fournisseur de programme, la communauté dans
laquelle le programme est utilisé, et le système national d’éducation selon le cas. La
conception erronée des modèles de sortie précoce propose un scénario où tous les acteurs
sont perdants à moyen et à long terme.
Un autre aspect qui mérite une attention particulière est la position ambiguë de l’évaluateur42.
Lorsqu’un évaluateur est engagé par une agence responsable du programme, il est alors
axiomatique que cela pourrait compromettre l’indépendance de l’évaluation. Il est très
difficile de faire une évaluation qui met le doigt sur une erreur fondamentale dans la
conception du programme lorsqu’on est engagé ou payé par l’agence responsable de cette
erreur. Ce qui rend les choses plus difficiles c’est la sensibilité probable de l’évaluateur à
l’évolution de carrière de la personne responsable de la conception et de l’application d’un
programme onéreux et qui ne peut assurer une réussite à moyen terme ou à long terme. 43
Certaines des évaluations sur lesquelles notre équipe s’est penchée font malheureusement état
de l’ingérence de l’agence responsable de la conception et de la fourniture de programmes de
sortie précoce vers la L2. Ceci est particulièrement gênant si le fournisseur de programmes
utilise ces évaluations comme matériel de promotion et de marketing. 44
42
Mes remerciements à Hassana Alidou pour sa contribution à ces débats (communication personnelle 2004/5),
et également dans Alidou (2003).
43
Dans certains cas, l’évaluateur n’a pas suffisamment d’expérience pour porter un jugement valable ou fiable.
44
La documentation n’est pas citée en raison de la sensibilité des acteurs concernés. L’ingérence implique : un
personnel chargé du programme qui (ré)interprète pour les étudiants les instruments d’évaluation conçus pour
mesurer les résultats des élèves en L2 ; des demandes pour modifier les groupes témoins ; et la demande
d’éliminer dans le(s) rapport(s) d’évaluation, les critiques théoriques des modèles à sortie rapide .
91/180
Si ceci est vraiment le cas, il serait bon que des organismes puissants comme l’UNESCO
repensent leurs positions. La tendance a été d’estomper les différences entre les divers
modèles et l’utilisation de la langue comme support dans les débats et les politiques des
parties prenantes influentes, et ceci contribue à entretenir une confusion et ne permet qu’une
compréhension partielle des questions dans les départements du gouvernement responsables
de l’éducation dans la région. Ce qu’il faut ce sont des définitions plus pointues, une clarté sur
les résultats et les positions fondées sur des principes.
Alidou (2004) note que depuis la Conférence Mondiale de l’Education pour Tous à Jomtien
en 1990, les programmes expérimentaux qui commencent avec les langues africaines
suscitent un intérêt accru. Alidou & Maman (2003:18) disent que depuis Jomtien la majorité
des pays parlent de modèles bilingues additifs mais n’ont pas mis en place de modèles
transitoires. Des programmes expérimentaux bilingues ou trilingues ont été testés dans
plusieurs pays africains, en général financés par les agences d’aide en Allemagne, aux Pays-
Bas et dans les Pays Nordiques. Aussi bien intentionnés qu’ils soient, ils sont néanmoins en
général taxés de modèles transitoires, l’objectif ultime étant une langue exogène. Le problème
est qu’ils essaient alors de redonner une valeur aux langues africaines, alors que le processus
est fondamentalement erroné. Les modèles basés sur une transition de la langue locale vers
une langue de statut plus important que la plupart des enseignants ne maîtrisent pas bien, et
que les communautés entendent ou utilisent rarement dans leurs activités quotidiennes, ont
déjà été un échec sur l’ensemble du continent pendant 120 ans (Ouane 2003, Stroud 2002,
Wolff 2000a). La solution est ailleurs.
45
Carol Benson au cours de discussions avec les participants lors d’une Formation de Formateurs dans le cadre
d’un programme d’éducation multilingue géré par le Projet pour l’Etude d’une Education Alternative en Afrique
du Sud (PRAESA) à l’Université du Cap (Août 2004).
92/180
les élèves africains en Afrique du Sud et en Namibie (anciennement Afrique du Sud Ouest).
Ce modèle de sortie très tardive a été mis en place avec un minimum de frais : on a dépensé
beaucoup moins pour l’éducation des enfants africains (voir le chapitre sur les coûts dans ce
volume) que pour les apprenants parlant l’afrikaans et l’anglais. Même avec de maigres
ressources allouées à l’éducation africaine, le système d’apartheid a élaboré une terminologie
linguistique, des manuels et des programmes d’éducation pour l’enseignant pour décliner le
système dans sept langues sud africaines et plusieurs langues namibiennes.
En plus de l’utilisation étendue de ces langues, l’afrikaans qui était un patois informel au
début du 20ème siècle s’est développé pendant l’apartheid pour se transformer en une langue
utilisée d’un bout à l’autre du système éducatif, ainsi qu’à des niveaux universitaires très
élevés dans des instituts d’éducation tertiaire. Cet exemple dépasse même celui de la Somalie
mentionné ci-dessus. La résistance politique à l’apartheid et l’utilisation obligatoire de
l’afrikaans avec l’anglais à l’école secondaire pour les enfants africains a entraîné un
soulèvement des élèves à Soweto en juin 1976. Par la suite, l’éducation en langue maternelle
pour les enfants africains a vu sa durée réduite à quatre ans en Afrique du Sud, suivie par un
passage à l’anglais pour la majorité des élèves.
L’exemple de l’afrikaans est instructif à un autre niveau. Les élèves parlant l’afrikaans qui ont
bénéficié de l’ELM jusqu’à la fin de leur scolarité et même à l’université, ont de façon
constante enregistré de meilleurs résultats académiques que n’importe quels autres élèves
dans le pays.
Pendant la première moitié du 20e siècle, l’utilisation de l’ELM dans les écoles primaires pour
les enfants parlant l’Afrikaans et l’anglais, et l’utilisation très répandue de double support
(utilisation simultanée de l’anglais et de l’afrikaans comme moyen d’instruction dans
l’ensemble du programme) dans les écoles secondaires, en particulier dans les régions rurales,
a donné les plus hauts niveaux de bilinguisme que le pays ait jamais connu. Ceci est un
exemple d’enseignement bilingue additif. Les changements politiques qui ont limité le
nombre d’école utilisant un support linguistique double après 1948 ont entraîné une maîtrise
moindre du bilinguisme chez les élèves parlant l’anglais. Néanmoins, ceux qui parlent
l’anglais et l’afrikaans continuent de bénéficier d’un ELM tout au long de leur scolarité avec
une bonne L2.
La récente étude internationale TIMSS (Trends in International Mathematics and Science
Study) 2003, montrent que ceux qui parlaient l’afrikaans ou l’anglais en langue Maternelle
avaient des résultats conformes au niveau international, alors que les élèves ayant passé des
tests dans leurs L2 avaient des notes si basses que la moyenne nationale des résultats en
Afrique du Sud plaçait ce pays bon dernier de la liste (Reddy 2005).
3.8.3.2 Guinée-Conakry
Le premier gouvernement indépendant de Guinée Conakry, une ancienne colonie française, a
également instauré l’éducation dans la langue maternelle en 8 (plus tard réduite à 6) langues
locales pendant 8 années de scolarité, de 1966 à 1984. Cette politique d’ELM semble avoir
échoué parce que les parents et la communauté n’ont pas été suffisamment consultés et que le
processus était entièrement descendant, en raison essentiellement de la gestion autocratique
de Sékou Touré (Sylla 1997, Yerende 2005). Les changements politiques depuis 1984 ont
engendré une inversion de la politique vers le support français. Plus récemment il y a eu des
discussions pour l’adaptation d’un modèle Malien dans lequel 3 années de langue maternelle
sont suivies par une transition vers le français (Yerende 2005).
Les cas nigérian et sud africain apportent d’autres preuves critiques. Les enfants africains ont
considérablement amélioré leurs performances scolaires pendant le Programme Yoruba sur
Six Ans (Bamgbose 2000a) et le programme en langue maternelle sur 8 ans (suivi par une
transition vers l’anglais et quelquefois l’Afrikaans) (Heugh 2003). Dans chaque cas, la langue
maternelle était utilisée comme moyen d’instruction et l’anglais était enseigné comme matière
seulement, mais par des professeurs compétents dans cette langue. Au moment où on a
demandé aux élèves de passer au support anglais, ils étaient à la hauteur des exigences
académiques du reste du programme, et ils avaient un niveau suffisant pour passer à l’anglais.
Par ailleurs, il n’existe pas d’exemple en Afrique d’un programme d’éducation régulier réussi,
qui fasse la transition d’une langue connue vers une langue inconnue en moins de six ans.
.
3.9. Conclusions
Les arguments dans ce chapitre tentent d’illustrer comment, en l’absence d’informations et de
conseils fiables, les décisions en matière d’éducation continuent de converger vers des
modèles linguistiques transitoires de sortie précoce. Ces modèles ne peuvent garantir le
succès de l’enseignement. Nombre d’experts en enseignement de langues, de conseillers et de
consultants qui travaillent dans les pays africains sont eux-mêmes mal équipés pour donner
des conseils. Nous devons maintenant assumer la responsabilité collective de redresser la
situation. Les modèles soustractifs (submersion), et de sortie précoce ou traditionnels, ne sont
pas basés sur une théorie solide ou des résultats de recherche montrant comment les enfants
95/180
apprennent et utilisent une langue pour l’apprentissage dans l’éducation formelle. Ceci
signifie que ces modèles ont un défaut de conception inhérent. Apprendre une langue de façon
informelle est différent de l’apprentissage d’une langue à utiliser dans des contextes scolaires.
Une éducation réussie exige un ELM d’un bout à l’autre, mais un minimum absolu de 6 à 8
ans d’ ELM (ou la langue la plus proche de l’ELM). Elle peut également inclure
l’enseignement et l’apprentissage d’une seconde langue à utiliser comme deuxième support
complémentaire pendant au maximum 50 % de la journée à partir de la 7e année d’école. Et
enfin, une théorie économique inappropriée amène le gouvernement à retomber dans des
systèmes qui ont un taux de rendement sur investissement faible. Quel que soit l’endroit, une
éducation réussie exige des systèmes basés sur la langue maternelle. En Afrique cela signifie
des systèmes basés sur la LA. L’objectif final de l’école ne peut être l’ancienne langue
coloniale / officielle uniquement. L’objectif doit être un très bon niveau dans au moins deux
langues – donc, l’objectif est un bi- trilinguisme scolaire.
Recommandations :
4.1 Introduction
Les Chapitres 4 et 5 ont pour objectif principal de traiter les problèmes d’enseignement et
d’apprentissage qui se posent aux enseignants et aux élèves dans les écoles et dans les classes qui
utilisent des langues d’instruction qu’ils ne maîtrisent pas bien. Il n’y a eu que de rares études
d’observation menées dans les classes africaines montrant l’impact de l’enseignement sur
l’apprentissage. Nous espérons que l’accent mis dans ce chapitre sur les pratiques d’enseignement
permettra de combler ce vide. C’est ainsi que dans ce chapitre, nous avons surtout mis l’accent sur les
pratiques d’enseignement dans les classes tant ordinaires (où l’anglais et le français sont les seules
langues d’instruction) que bilingues pour montrer l’impact positif de l’utilisation de langues familières
aux enseignants et aux élèves sur les pratiques d’enseignement dans les classes bilingues. Nous nous
penchons sur les pratiques d’enseignement pour déterminer les types de réformes et d’innovations que
les ministères de l’Education doivent mettre en place pour autonomiser les enseignants africains.
Après tout, il ne peut y avoir d’apprentissage efficace (objet du chapitre 5) sans enseignants qualifiés.
pas bien (Alidou, 1997 ; Brock-Utne, 2003 ; Erny, 1972 ; Heugh, 2000 ; Bamgbose, 1953,
Bamgbose, 2005 ; Moumouni, 1968 ; Ouane, 1995).
Les études d’observation de classes menées dans plusieurs pays d’Afrique (Afrique du
Sud, Bénin, Burkina Faso, Botswana, Ethiopie, Ghana, Guinée Bissau, Mali, Mozambique,
Niger, Togo et Tanzanie), révèlent que l’utilisation de langues peu familières contraint les
enseignants à utiliser des méthodes d’enseignement traditionnelles et centrées sur eux. Les
enseignants sont quasiment les seuls à s’exprimer pendant que les enfants se taisent ou
assistent passivement à la plus grande partie des interactions ayant lieu en classe. Parce que
les enfants ne parlent pas la Ld’I, les enseignants sont également contraints d’utiliser des
techniques traditionnelles tels que l’enseignement dans lequel les élèves s’expriment tous en
chœur, la répétition, la mémorisation, le rappel au souvenir, le ‘changement de code’ (passage
d’une langue à l’autre et vice-versa), et le fait de s’exprimer sans prendre de risque (Alidou,
1997 ; Alidou, 2003 ; Benson, 1997 ; Brock-Utne et al, 2003 ; Hovens, 2002 ; Rubagumya,
2003). Dans le chapitre suivant, nous illustrons ce qu’est la communication enseignant-élève
dans une classe où l’on utilise, comme Ld’I, une langue qui est étrangère à la fois aux
étudiants et aux élèves. Cet exemple s’oppose à celui d’une autre classe dans laquelle
l’enseignant enseigne la même matière dans une langue que les enseignants et les élèves
connaissent bien.
Afin d’aider les enfants à comprendre ce qu’ils disent dans la Ld’I et/ou de les
encourager à s’exprimer et à participer à des activités de classe, les enseignants utilisent
fréquemment une stratégie que nous appelons le changement de code, c’est-à-dire le fait de
passer de la langue parlée par l’élève à la maison et/à la langue d'instruction officielle et vice-
versa.
Les enseignants savent qu’il ne leur est pas permis changer de code, et cependant la
plupart d’entre eux le font tout de même. En Tanzanie, la langue d'instruction de l’école
primaire est le kiswahili. Le Conseil national kiswahili estimait, en 2004, que 99 pour cent des
Tanzaniens parlent le kiswahili comme première ou seconde langue. A l’école secondaire, la
langue d'instruction est l’anglais, langue étrangère parlée uniquement comme langue officielle
et utilisée comme langue d'instruction par moins de 5% de la population tanzanienne. Halima
Mwinsheikhe, qui a travaillé comme enseignante de biologie dans les écoles secondaires
tanzaniennes pendant longtemps admet la chose suivante :
« J’ai été personnellement contrainte de passer au kiswahili en raison du sentiment d’impuissance que
j’éprouvais parce que j’étais incapable de faire comprendre la matière que j’enseignais à mes élèves si
j’utilisais l’anglais » (Mwinsheikhe, 2001 : 16).
Les enseignants qui utilisent une stratégie de changement de code le font en éprouvant
une mauvaise conscience car ils savent que les directives officielles ne leur en donnent pas le
droit. En fait, l’utilisation de ce type de stratégie peut s’avérer être le meilleur moyen de faire
comprendre la matière enseignée aux élèves si l’on est tenu d’enseigner dans une langue qui
ne leur est pas familière. Dans une étude qu’elle a réalisée, Halima Mwensheikhe (2003) a
trouvé que bon nombre des inspecteurs qu’elle a interviewés étaient parfaitement conscients
du fait que les enseignants appliquent le changement de code même s’ils ne sont pas censés le
faire. Un inspecteur qu’elle a interviewé lui a dit :
99/180
« Lorsque j’effectue l’inspection d’une leçon, je suis conscient du fait que l’enseignant ‘met en scène
une leçon uniquement en anglais’ car je peux entendre que du kiswahili est utilisé dans une autre
classe ». (Mwinsheikhe, 2003 : 139).
Les enseignants changent de code non seulement pour faire comprendre la matière
mais également pour créer une atmosphère plus détendue dans la classe. L’un des enseignants
de l’école secondaire que Mwinsheikhe (2001 : 56) a interviewé disait : « J’utilise parfois le
kiswahili pour faire rire ou sourire les élèves de temps à autre, ce qui est bon pour
l’enseignement ».
Mwinsheikhe a mené une recherche pour savoir dans quelle mesure le kiswahili est utilisé ‘à
titre officieux’ à la fois par les étudiants et les élèves dans l’enseignement des sciences dans
les écoles secondaires de Tanzanie. Pour analyser la situation, elle a utilisé des données
extraites d’observations et d’interviews. La majorité des 68 enseignants (74%) interviewés ont
reconnu l’existence d’un problème de langue dans l'enseignement/apprentissage des sciences.
Seule une faible proportion d’entre eux – 20 (22%) - ont affirmé ne rencontrer aucun
problème. La plupart des enseignants – 82 (89%) - ont admis utiliser le kiswahili dans leur
enseignement, alors que 9 d’entre eux (10%) ont indiqué qu’ils ne le faisaient pas. Il était
intéressant de noter que certains des enseignants prétendant ne pas éprouver de problème en
matière de langue indiquaient que, malgré la politique officielle, ils utilisaient encore le
kiswahili dans leur enseignement. Répondant à la question : ‘Dans le cadre de vos cours,
quelles activités vous poussent à passer au kiswahili ?’, soixante-dix enseignants (82%)
admettaient utiliser le kiswahili pendant leurs cours. Ces mêmes enseignants indiquaient
utiliser cette stratégie pour clarifier des concepts clé ou difficiles exposés dans leurs cours.
Treize enseignants (15%) mentionnaient qu’ils utilisaient la même stratégie pour donner des
instructions pratiques et des devoirs.
Selon Rubagumya (2003), les enseignants et les élèves utilisent le fait de s’exprimer sans
prendre de risque (safe talk) pendant l’interaction en classe lorsqu’ils ne connaissent pas bien
la langue d'instruction. ‘S’exprimer sans risque’(‘safe talk’) est caractérisé par le fait
‘d’encourager les élèves à répondre tous en chœur, à répéter des phrases ou des mots après le
maître et à copier des notes inscrites au tableau’ (Rubagumya, 2003 : 162). Les enseignants
utilisent le ‘safe talk’ pour compenser leurs capacités limitées. A titre d’illustration,
Rubagumya a fourni un exemple de l’utilisation du ‘safe talk’ dans une classe de 2ème année
d’études dans laquelle la langue d'instruction était l’anglais :
S’il n’est pas analysé avec soin, le dialogue présenté ci-dessus semble indiquer un processus
actif d’apprentissage. Malheureusement ce n’est pas le cas. Une analyse montre en effet que
les élèves répètent et devinent plus qu’autre chose dans cette interaction. Le fait qu’il y ait une
interaction entre un enseignant et des élèves ne signifie pas nécessairement qu’il y ait un réel
apprentissage. En raison de la barrière de la langue, les enseignants construisent des matériels,
des leçons et des tests qui se prêtent à la répétition, à la mémorisation, au fait de deviner et de
restituer ce qui a été entendu. Les élèves passent des heures à apprendre par cœur des leçons
pour le test au lieu d’essayer de comprendre le sens de ce qu’ils ont lu. Un enseignement
efficace implique que les enseignants posent des questions de qualité. Des questions efficaces
exigent une réflexion d’un niveau plus élevé (ou plus complexe) et débouchent sur un
apprentissage efficace par l’élève. Il n’est possible de poser de telles questions que dans une
langue familière aux élèves.
L’utilisation de langues non familières conduit également les enseignants à utiliser des
mesures coercitives pour obliger les élèves à parler dans la Ld’I. Pendant l’ère coloniale, les
enseignants faisaient honte aux élèves africains qui utilisaient leur langue maternelle. Selon
Moumouni (1968), les enfants surpris à parler leur langue maternelle, même pendant les
récréations, étaient battus et devaient porter autour du cou un ‘écriteau’ indiquant leur
incompétence. Malheureusement, cette pratique se poursuit en Afrique francophone même à
l’ère post-coloniale, ce qui, au début des années ’80, était cependant interdit par les ministères
de l’Education. Malheureusement, étant donné que cette politique n’est pas mise en œuvre, il
est encore possible de surprendre des enseignants frustrés qui utilisent ces mesures coercitives
contre les élèves ayant des difficultés à s’exprimer dans la langue officielle utilisée comme
langue d'instruction (français). Dans le chapitre suivant, nous donnons un exemple d’une
mesure coercitive utilisée par une enseignante tanzanienne enseignant en anglais. Elle punit
les élèves en les obligeant à se tenir debout s’ils ne sont pas capables de répondre à ses
questions. L’enseignante n’utilise jamais cette stratégie lorsqu’elle enseigne aux enfants en
kiswahili.
Les enseignants mettent fréquemment sur un pied d’égalité le manque de compétence dans la
langue d'instruction à la paresse, à un manque d’intelligence ou à une attitude peu coopérative
de la part des élèves. Ce type d’attitude peut les inhiber gravement et créer une angoisse en
matière d’apprentissage d’une langue ou de l’apprentissage en général. Pour éviter d’être
humiliés devant leurs camarades, certains élèves ne se proposent plus pour répondre à des
questions en classe. En Afrique, on observe couramment cette attitude chez les filles qui
essaient de ne pas être ridiculisées et s’abstiennent donc de parler si la langue d’instruction ne
leur est pas familière. Smith (2003) a suggéré que le châtiment corporel et la frustration
constituent certains des principaux facteurs expliquant la désaffection des élèves vis-à-vis de
l’école ainsi que les forts taux d’abandon observés en Afrique.
Bien que les enseignants comprennent les difficultés éprouvées par les élèves à apprendre une
discipline dans une langue d'instruction qui leur est étrangère, il semble que, en matière de
formation d’enseignants en Afrique, on insiste assez peu sur ce problème. Addabor (1996) a
rédigé un résumé du recyclage destiné aux enseignants du Ghana. Il a mentionné que le
programme d'enseignement couvert par les soi-disant ‘Centres d’élèves maîtres’ comportait
de l’anglais, de l’arithmétique et des méthodes (pédagogie). Il a également déclaré qu’il
n’existait aucune formation en matière de méthodologie d’instruction en langue maternelle ou
d’enseignement bilingue. Les enseignants formés mais non titulaires d’un certificat officiel
sont inspectés après quelques années de pratique et reçoivent des certificats basés sur la
101/180
recommandation des inspecteurs. Depuis 1987, un cours résidentiel de six semaines a été
offert à ces enseignants. Le programme couvert comporte de l’anglais, de l’arithmétique, de la
pédagogie et un document de caractère général. Aucun cours n’était offert en enseignement ni
en langue maternelle ni bilingue ou en matière de stratégies à utiliser lorsque l’on enseigne
dans une langue étrangère. Ngu (2004) a réalisé une évaluation des établissements de
formation d’enseignants en Afrique au nom de l’UNESCO dont il a conclu que les
programmes de formation d’enseignants ont été mis au point avant que la plupart des pays
africains n’aient accédé à l’indépendance politique. Ceci implique que les élèves-maîtres sont
préparés à enseigner dans des langues qui ne sont pas familières aux enfants (anglais, français,
espagnol et portugais). Ceci explique en grande partie les problèmes éducatifs récurrents
auxquels les enfants africains sont confrontés ainsi que l’inefficacité de l’enseignement de
base formel.
Après la conférence mondiale sur l’Education pour Tous de Jomtien en 1990, de nombreux
pays africains ont de nouveau été intéressés à promouvoir leurs langues nationales en tant que
moyen d’instruction et cela a constitué un des aspects primordiaux de leur réforme de
l’enseignement de base. Dans ce contexte, quelques pays ont mis au point ou revitalisé
l’utilisation de langues maternelles dans un contexte éducatif bi/multilingue.
Cependant, des études portant sur l’enseignement bi/multilingue en Afrique indiquent que, si
elle est appliquée avec soin, l’utilisation de langues maternelles dans l'enseignement de base
produira des résultats positifs. Les premiers aspects bénéfiques discutés dans la littérature sont
: l’amélioration de la communication et des interactions dans la classe et l’intégration des
cultures africaines et des systèmes autochtones du savoir dans les programmes de
l'enseignement formel. Une communication efficace débouche sur des possibilités
d’apprentissage plus réussi dans les classes où on utilise comme Ld’I des langues familières
aux enfants et aux enseignants, au moins pendant les trois premières années d’enseignement
(Alidou, 1997 ; Alidou et Mallam, 2004 ; Bamgbose, 2005 ; Brocke-Utne, 2000 ; Brocke-
Utne et al, 2003 ; Chekaraou, 2004 ; Heugh, 2000 ; CIRD, 1997 ; Traoré, 2001 ; Ouédraogo,
2003).
De manière générale, les enseignants ne monopolisent pas la parole. Ils laissent les élèves s’exprimer
très souvent au CI et parfois dans les autres classes. Jusqu’au CE2, le maître des écoles traditionnelles
le fait nettement moins que son homologue des Ecoles expérimentales (Bergman et al. 2002 :62).
Graphique 1 : L’enseignant encourage les élèves à justifier leurs réponses ; Source : MEN-2PEB/GTZ
(2002 :64)46
1
CI CP CE1 CE2 CM1 CM2
EE 3.8 3.8 2.6 2.0 2.7 2.8
ET 1.6 2.0 2.3 2.2 2.3 2.8
Tableau 1 : Suggestion d’un pourcentage du temps affecté aux langues nationales et au français dans les
écoles pilote bilingues (Décret gouvernemental sur l’enseignement dans les écoles bilingues, 2001)
46
CI= first grade
CP= Second grade
CE1= third grade
CE2=fourth grade
CM1= fifth grade
CM2=Sixth grade
103/180
Le Bulletin d’information N° 103 (daté d’août 2004) de la Banque mondiale sur les
bonnes pratiques mettait également en relief le cas du Mali comme étant l’un des pays
d’Afrique où l’apprentissage s’améliore dans les écoles publiques. Dans son chapitre sur les
leçons tirées, il indiquait que ‘l’enseignement bi/multilingue dans des pays multilingues
augmente la fréquentation, réduit les abandons et comporte des avantages cumulés pour
l’apprentissage des élèves’. Cette conclusion est corroborée par plusieurs autres études qui ont
examiné l’efficacité de la Pédagogie convergente, un programme bilingue de transition dont
l’objectif principal est de préparer des apprenants d’alphabétisation fonctionnelle bilingue
(Traoré, 2001 ; Woolman, 2001). Dans les écoles appliquant la Pédagogie convergente, cinq
langues nationales (Bambara, Fulfuldé, Sonrai, Tamajaq et Dogon) sont utilisées comme
moyen d’instruction, parallèlement au français.
Tableau 2 : Temps affecté à l’enseignement des langues nationales et au français dans les écoles
appliquant la pédagogie convergente au Mali
« les évaluations ont permis de constater que, le fait pour l’enfant d’apprendre dans sa langue
maternelle lui donnait certes, plus de facilité d’acquérir des connaissances, mais cela ne suffisait pas
pour garantir les compétences optimum que l’on assigne à l’utilisation des langues nationales dans
l’enseignement. Pour exploiter au maximum les avantages liés l’utilisation des langues nationales
dans l’enseignement, il fallait également que la méthode d’enseignement soit efficace et que le
matériel didactique soit adapté » (Traoré, 2001 :5).
Afin d’optimiser l’enseignement et l’apprentissage dans la langue maternelle, Traoré
suggérait que le Mali se devait d’adopter un modèle d’éducation bi/multilingue plus efficace.
Le maintien de l’instruction en langue maternelle pendant toute la durée de l’enseignement
primaire est nécessaire afin d’aider les élèves à parvenir à une alphabétisation fonctionnelle
dans leur langue maternelle et en français. Les éducateurs maliens ont également pensé
qu’il était nécessaire de réviser leurs méthodes d’enseignement des langues. En outre, le
ministère de l’Enseignement de base produit des matériels d’enseignement et
d’apprentissage appropriés dans les langues nationales et en français. Tout comme au
Niger, le Mali s’oriente vers la mise en œuvre d’un modèle éducatif bi/multilingue équilibré.
Un tel modèle est associé aux résultats positifs obtenus pour les enseignants et les élèves.
Ce modèle promeut chez les enfants un bilinguisme et une alphabétisation actifs dans la
première langue et la langue officielle utilisée comme langue d’instruction. Le maintien des
langues maternelles (Bambara, Fulfulde, Sonrai, Tamajeq et Dogon) pendant toute la durée
de l’enseignement primaire permet aux enfants de développer des aptitudes à la lecture
adéquates dans leur langue maternelle ou dans la langue qui leur est familière. Lorsqu’ils
bénéficient d’un enseignement efficace, ils peuvent transposer plus facilement leurs
compétences en alphabétisation obtenues dans une langue familière en l’acquisition et le
développement de compétences scolaires et d’alphabétisation dans la langue officielle
utilisée comme langue d’instruction (le français).
Une autre innovation introduite au Mali est l’inclusion de tests dans les langues nationales
parallèlement à d’autres tests (lecture, écriture, mathématiques, sciences sociales)
administrés en français. Au Mali, cette innovation met en lumière, l’importance de
l’instruction en langue nationale dans l’enseignement de base plus formel tant pour les
enseignants que pour les élèves. Cela contribue également à résoudre le problème du
passage hâtif à l’instruction en français. Ce changement peut aider à réduire la crainte des
enseignants et des élèves d’être en retard par rapport aux élèves des écoles monolingues
qui reçoivent un enseignement uniquement en français dès la première année d’études
(Traoré, 2001).
Les écoles bilingues du Burkina Faso sont également présentées dans la littérature récente
comme un nouveau cas de réussite (ADEA, 2003 ; Ouédraogo et Nikiema, 1998). L’école
bilingue est un programme bilingue de transition abandonnant tardivement la langue, qui
dure cinq ans et maintient l’utilisation des langues nationales même si les enseignants
passent à l’enseignement en français en quatrième et cinquième années (voir Tableau 3).
Les enseignants des écoles bilingues reçoivent un soutien pédagogique basé sur l’école et
apporté par des linguistes de l’Université de Ouagadougou et ils se familiarisent avec la
première langue officielle utilisée comme langue d’instruction. Il convient de souligner que
les élèves de l’Ecole bilingue sont des enfants plus âgés qui n’ont pas eu la chance d’être
inscrits à l’école primaire formelle. Ces enfants de neuf ans ou plus ont développé des
compétences cognitives et d’expression linguistique complètes dans leur langue maternelle
105/180
avant de s’inscrire à l’école bilingue. A cet égard, leur profil est assez différent de celui des
enfants plus jeunes qui vont dans des écoles primaires traditionnelles. Les linguistes forment
les enseignants des écoles bilingues à employer une méthode utilisée dans la formation des
adultes pour enseigner l’alphabétisation fonctionnelle à la fois dans les langues nationales et
en français.
Les évaluations internes du projet sur les écoles bilingues indiquent qu’après cinq années
d’instruction, les élèves (de ce projet) sont prêts à se présenter à l’examen de fin d’études
primaires. Les résultats des tests sur les acquis de 2003 et 2004 ont montré que les élèves
des écoles bilingues obtenaient de meilleurs résultats que ceux qui vont dans des écoles
monolingues où la langue d’instruction est le français (Ouédraogo, 2002).
Pour les promoteurs des écoles bilingues, réussir l’examen de fin d’études élémentaires
constitue certes un succès. Cependant, ce n’est certainement pas le seul facteur qui définisse
le succès éducatif de ce système éducatif bi/multilingue. Le concept de réussite éducative est
élargi afin d’y inclure le fait d’atteindre un niveau scolaire d’alphabétisation fonctionnelle et
une base de connaissances que les enfants et les jeunes adolescents pourront utiliser pour
participer activement à toutes les activités socioculturelles et économiques. L’école bilingue
poursuit un autre objectif important qui est d’aider les enfants à développer des valeurs
culturelles positives et à devenir des citoyens plus tolérants.
Ilboudo (2003) et Ouédraogo (2002) ont également indiqué que l’utilisation de langues
nationales facilite l’application, dans les classes, d’une pédagogie centrée sur l’enfant ainsi
que la participation des parents. Les enseignants bilingues ayant utilisé la pédagogie active
d’apprentissage mettent au point des projets basés sur la communauté qui encouragent des
activités pratiques et une implication des parents. A la lumière de ce rapport, on peut arguer
qu’un enseignement efficace dans la langue maternelle peut aider à convaincre des parents et
des élèves désenchantés de la valeur de l’école (Gerard, 1997). Au Niger, les pères en
particulier sont très favorables aux écoles bilingues pour des raisons similaires :
Ces parents, et les pères en particulier, considèrent que l’enseignement en langues africaines est meilleur que le
système traditionnel car les enfants apprennent facilement. Ils ne souhaitent pas que les écoles expérimentales se
transforment en écoles traditionnelles. La grande majorité d’entre eux souhaitent garder les écoles
expérimentales pour trois raisons majeures : le développement de leur propre culture, une meilleure
compréhension des leçons et un meilleur apprentissage de la lecture et de l’écriture dans les deux langues
(Bergman et al. 2002 :96).
Des études comparées portant sur les écoles monolingues traditionnelles utilisant comme Ld’I
des langues officielles telles l’anglais, l’espagnol, le français et le portugais et les écoles
bilingues qui utilisent les langues parlées par les élèves ainsi que les langues officielles
montrent que, en général, les élèves bilingues ont tendance à obtenir de meilleurs résultats
scolaires que leurs camarades des écoles traditionnelles (Alidou, 1997 ; Ouédraogo, 2002 ;
Bergman et al. 2002 ; Mekonnen, 2005). Un examen approfondi de l’incidence de l’utilisation
d’une langue familière sur les capacités des élèves à apprendre et à obtenir des résultats est
présenté dans le chapitre suivant. Nous illustrons ici ce point en présentant le cas de
l’Ethiopie.
Le tableau ci-dessus montre qu’il existe une harmonisation en matière de politique entre la
langue d’instruction utilisée aux niveaux primaire et secondaire et les langues d'instruction
utilisées dans la formation des enseignants des cycles primaire et secondaire. Mekonnen
(2005) a néanmoins observé que la politique nationale n’est en fait pas suivie dans la pratique.
Le tableau ci-dessous montre comment les langues d'instruction sont effectivement utilisées
en Ethiopie aujourd’hui.
Tableau 5 : Langues d’instruction actuellement utilisées dans les écoles primaires et dans la formation des
enseignants du primaire en Ethiopie
- Années d’études 5-6 Langues maternelles Toutes les régions sauf Gambella
Anglais Gambella
- Années d’études 7-8 Langue maternelle -Tigrinya Tigray
Langue maternelle-Amharic Amhara
Langue maternelle-Oromifa Oromiya
Anglais Les sept autres régions
II Formation des
enseignants du primaire :
Pour les années d’études 1-4 Langues maternelles Toutes les régions
Pour les années d’études 5-8 Anglais Toutes les régions
Source : Adapté de Mekonnen (2005)
Lorsque nous examinons ici la langue d’instruction effectivement utilisée aux différents
niveaux d’éducation en Ethiopie, nous trouvons qu’il n’y a pas d’harmonisation entre le
second cycle de l’enseignement primaire (Années d’études 5-8) et la langue d’instruction
utilisée lors de la formation des enseignants du second cycle du primaire, comme le prouve le
Tableau 5 ci-dessus.
L’Ethiopie est divisée en dix régions. Gambella, la région la plus proche de la Somalie, dans
laquelle l’anglais est utilisé comme langue d’instruction à partir de la 5ème année d’études. Le
107/180
fait que trois régions, Tigray, Amhara et Oromiya aient utilisé leur langue maternelle comme
langue d’instruction pendant huit ans alors que six des sept autres régions ne l’ont utilisée que
pendant six ans et que Gambella ne l’a fait que pendant quatre ans seulement, fait de
l’Ethiopie un cas intéressant à étudier. Quels sont les résultats des élèves qui utilisent leur
langue maternelle comme langue d’instruction pendant quatre, six ou huit ans dans les
matières technologiques ou scientifiques telles les mathématiques, la biologie et la chimie ?
Quels sont les résultats des élèves utilisant une langue étrangère – l’anglais dans ce cas –
comme langue d’instruction à partir de la 5ème ou de la 7ème année d’études dans les mêmes
matières ? Une étude réalisée par le gouvernement d’Ethiopie (ME, 2001) avec l’aide de
l’USAID et deux consultants américains est révélatrice à cet égard.
Tableau 6 : Notes moyennes obtenues en mathématiques, biologie et chimie par langue d’instruction
Région Langue Nombre MAT BIOLOGIE CHIMI
d’instruction d’items HS E
dans l’é-
chantillon
1 Tigray Tigrinya 390 45% 56% 47%
2 Amhara Amharic 580 44% 61% 45%
3 Oromiya Oromifa 598 40% 56% 45%
4 Harari Anglais 372 40% 48% 43%
5 AddisAbaba Anglais 548 39% 44% 40%
6 Benshangul Anglais 268 36% 43% 41%
7 DireDawa Anglais 377 37% 41% 39%
8 SNNP Anglais 1235 36% 43% 36%
9 Afer Anglais 394 36% 39% 36%
10 Gambella Anglais 400 27% 37% 33%
Total 5163
Source : Ministère éthiopien de l’Education, 2001
Le Tableau 6 montre que les élèves dont la Ld’I est leur langue maternelle ont eu de
meilleures notes dans les trois matières mentionnées ci-dessus que ceux dont la Ld’I est
l’anglais qui est une langue étrangère. Mekonnen (2005) montre, au travers des tests-t
d’utilisation et du programme statistique ANOVA, qu’il existe une différence significative de
résultats entre les élèves recevant leur enseignement dans leur langue maternelle et ceux à qui
il est dispensé dans une langue étrangère. Il conclut : « En d’autres termes, les élèves des sept Etats
régionaux qui utilisent l’anglais comme Ld’I pour l'enseignement primaire universel (EPU) sont
désavantagés en mathématiques, biologie et chimie et ont, en moyenne, de moins bonnes notes que
leurs camarades des trois Etats régionaux qui utilisent leur langue maternelle respective comme langue
d’instruction pendant tout l'enseignement primaire ». En fait, les élèves ayant les moins bonnes notes
dans ces matières si importantes pour le développement de la science et de la technologie, sont ceux de
Gambella, la région commençant à utiliser l’anglais comme langue d'instruction dès la cinquième
année d’études. Quels sont les résultats des élèves en anglais dans les dix autres régions ?
Mekonnen a calculé la note moyenne de toutes les régions en anglais qui était de 39%. Sur les
trois régions qui utilisent les langues maternelles comme Ld’I dans l’ensemble de
l’enseignement élémentaire (1-8), seuls les élèves de l’Etat régional d’Amhara (34%) ont
obtenu une note inférieure à la moyenne en anglais. Les élèves des deux autres régions,
Tigray et Oromiya, ont obtenu des notes égales à la moyenne, soit 39%. Sur les sept régions
utilisant l’anglais, trois d’entre elles, Hareri, Addis Ababa et Benshangul ont obtenu des notes
supérieures à la moyenne (45% , 46% et 40% respectivement). Tant à Hareri qu’à Addis
Ababa, les enfants sont plus exposés quotidiennement à l’anglais que dans la plupart des
autres régions. L’une d’entre elles –DireDawa - a obtenu la moyenne, soit 39%, et les trois
autres régions – SNNP, Afar et Gambella – ont obtenu des notes inférieures à la moyenne
(37%, 34% et 36% respectivement). Il est intéressant de noter que Gambella, la région parmi
les dix qui commence le plus tôt (soit déjà en 5ème année d’études) à utiliser l’anglais en tant
que langue d'instruction, est celle où les élèves ont la seconde plus mauvaise note en anglais !
Sur la base des résultats énoncés ci-dessus, il est étrange de lire les conclusions et les
recommandations qui s’ensuivent formulées par le ministère de l'Education en association
avec l’USAID :
Dans les régions où l’anglais est la première langue d'instruction de la 8ème année d’études, les écoles
n’ont pas un niveau de résultats aussi élevé, même en anglais, que les écoles des zones utilisant les
langues majeures. Un effort particulier doit être consenti au renforcement des compétences des
enseignants en langue anglaise (ME, 2001 :102 ; caractères gras ajoutés).
Cette conclusion est tout à fait surprenante étant donné que la recommandation logique devait être le passage à l’utilisation de la langue
maternelle comme langue d'instruction dans les dix régions et non seulement en Tigray, Amhara et Oromiya. C’est l’absence de compétences
en anglais chez les enseignants qui est problématique plutôt que le fait que ceux-ci soient contraints d’enseigner dans une langue que les
élèves ne comprennent pas. Les élèves apprennent mieux quand ils comprennent ce que dit l’enseignant. Voici encore une conclusion étrange
tirée du même rapport :
A l’exception de l’anglais, toutes les régions ont une structure de résultats similaire – Tigray, Amhara,
Oromiya et Harari obtiennent les notes les plus élevées alors que les régions de Gambella et Afar
obtiennent les plus basses. Les résultats en anglais semblent être étayés par son utilisation comme
langue d'instruction (ME d’Ethiopie, 2001 :10, caractères gras ajoutés).
Cette déclaration n’est cependant pas exacte. Si l’on examine les résultats du Tableau 4, on
voit que les élèves de Gambella, la région commençant le plus tôt à utiliser l’anglais en tant
que Ld’I, sont ceux qui ont en fait des notes au test inférieures en anglais à celles des élèves
de Tigriniya et Oromifa. Ces élèves utilisent leur langue maternelle comme langue
d'instruction pendant les huit années d’enseignement primaire. Ils n’utilisent pas du tout
l’anglais comme langue d'instruction mais ils l’apprennent en tant que langue étrangère. Les
résultats relatés montrent clairement que l’utilisation de l’anglais comme langue d'instruction
n’a pas d’effet statistiquement significatif sur les notes moyennes obtenues par les élèves en
anglais.
La situation éthiopienne montre, de toute évidence, que l’utilisation de langues familières aide
les enfants à mieux apprendre ce qu’on leur enseigne et à obtenir de meilleures notes à l’école
mais l’utilisation de ces langues est fréquemment compliquée par le manque d’harmonisation
109/180
Au Niger, Chekaroua (2004) a trouvé que les anciens enseignants des écoles traditionnelles mutés dans des écoles bilingues ont une
perception négative des interactions enseignant-élève dans celles-ci car ils sont accoutumés à des classes qu’ils contrôlent puisqu’ils y
utilisent des langues non familières aux enfants. Ces enseignants croyaient, en particulier, que les élèves s’exprimant librement dans la classe
étaient ‘impolis’. Chekaroua a demandé à deux enseignants bilingues de caractériser la participation de leurs élèves et de faire partager leur
point de vue sur le comportement des dits élèves. Heureusement, les enseignants bilingues formés et expérimentés ne partagent pas l’opinion
des anciens enseignants monolingues comme l’indiquent les réponses fournies par les deux enseignants bilingues :
Premier enseignant :
« Je ne crois pas qu’il s’agisse d’indiscipline ; les enfants se sentent à l’aise dans les classes bilingues et
utilisent leur propre langue. Par conséquent, il ne se sentent ni inhibés ni intimidés. Ils comprennent
parfaitement ce qu’ils disent et ce que leur enseignant leur dit. Je crois qu’il s’agit d’une liberté
d’expression et d’une facilité caractérisant le comportement de ces enfants ». (Interview avec TP-1,
mai/juin, 2002).
La réponse du second enseignant est similaire à celle du premier comme indiqué ci-
dessous :
« Ce n’est pas de l’indiscipline. Dans les écoles bilingues, les enfants ne se sentent pas bloqués ou
intimidés. L’enseignant n’est pas autoritaire, il ne se comporte pas comme un dictateur qui impose tout
à ses élèves sans leur donner le temps de s’exprimer librement eux-mêmes. Non, nous utilisons une
méthode d’enseignement consistant à laisser les élèves s’exprimer eux-mêmes librement, faire des
exercices pratiques et bénéficier de tous les moyens nécessaires pour explorer ce qu’offre leur
environnement immédiat sans que rien ne leur soit imposé. Dans une classe bilingue, l’enseignant guide
les élèves ; de ce fait, ils ont l’esprit curieux, ouvert et ils ont le temps et la liberté de communiquer et
de poser des questions d’éclaircissement à leur enseignant. Ce n’est pas comme dans les écoles
110/180
monolingues françaises dans lesquelles c’est l’enseignant qui monopolise le savoir alors que les enfants
restent inactifs et ne sont que des consommateurs. Quand un visiteur, intéressé par les écoles bilingues,
nous rend visite, il trouve des enfants qui s’amusent dans la classe, s’expriment sans contrainte en
utilisant des gestes naturels et les mots qu’ils connaissent déjà. Par contre, les détracteurs de ces écoles
bilingues viennent et voient comment les enfants s’engagent librement dans une conversation avec nous
et pensent que : ‘non, soit les enfants acceptent ce que cette personne leur dit soit ils doivent se taire’.
Pour eux, les élèves des écoles bilingues sont indisciplinés. Pour nous, le comportement des enfants n’a
rien à voir avec l’indiscipline. (interview du TP-2, mai/juin, 2002) ».
Selon Traoré (2001), les programmes de formation d’enseignants devraient être révisés afin
d’intégrer un enseignant bi/multilingue et les besoins en formation des enseignants bilingues.
Il est également impératif que tous les inspecteurs et responsables d’écoles reçoivent une
formation non seulement administrative mais aussi pédagogique qui les aide à développer une
base de connaissances sur l’enseignement bi/multilingue et leur permette d’aider les
enseignants de ces programmes.
En 1968, le Malawi a adopté une politique linguistique qui promouvait le Chichewa – l’une
de ses langues – comme langue nationale. Cette politique avait pour objectif principal de
promouvoir l’unité nationale au travers d’une langue parlée par la majorité des citoyens.
L’anglais a été maintenu comme langue officielle du pays. Dans les écoles, le chichewa était
utilisé comme Ld’I de la première à la quatrième année d’études. L’anglais le remplace à
partir de la cinquième année. Cependant, le chichewa et l’anglais sont enseignés comme
matière de la première année d’études jusqu’à l’université. Selon Chilora (2000), cette
politique de langue a eu une incidence positive sur le développement du chichewa en tant que
langue utilisée dans la scolarité. Les différents gouvernements ont investi de façon
significative dans les programmes spéciaux mis au point par les établissements de formation
d’enseignants dont le principal objectif est de former des enseignants à l’enseignement du
chichewa en tant que Ld’I. Des manuels scolaires ont également été produits pour toutes les
matières (langue, mathématiques et études générales) enseignées dans cette langue.
Cependant, les guides pour enseignants l’ont été en anglais afin de convenir aux enseignants
ne parlant pas très bien le chichewa.
111/180
La principale lacune de cette politique est qu’elle ne tenait pas compte des contextes
sociolinguistiques des enseignants. Certains enseignants ne parlaient pas le chichewa et
travaillaient dans des communautés n’utilisant pas cette langue. Donc, ni les enseignants ni
les enfants ne parlaient le chichewa. Pour aider les enfants dans leurs études, ces enseignants
étaient contraints d’utiliser des langues locales comme Ld’I. Cette situation a provoqué de
graves problèmes à la fois pour les enseignants et pour les étudiants. Il convient de souligner
que, dans ce cas-là, les enfants étaient soumis à des tests en chichewa et en anglais alors
qu’aucune des deux langues ne leur était familière. Pour remédier à ce problème, le
gouvernement a introduit, en 1994, une nouvelle politique linguistique qui légitimait
l’utilisation de langues locales et familières aux enfants. La principale raison de cette
modification de la politique est de :
« donner aux enfants la possibilité de participer pleinement à des discussions en classe utilisant une
langue qui leur est plus familière plutôt que de se battre dans une langue qu’ils commencent à apprendre
(Chilora, 2000 :4).
Malheureusement, ce changement de politique n’a pas été suivi d’un redéploiement approprié
des enseignants. Leurs profils sociolinguistiques n’étaient pas forcément pris en compte pour
leur affectation dans les écoles. Le ministère de l'Education a, au contraire, pris en compte les
demandes d’enseignants exprimées par les régions. En outre, les manuels étaient encore
rédigés en chichewa et, par conséquent, les enseignants devaient les traduire dans de
nombreuses langues différentes.
Un autre problème identifié par Kaphesi (2003) est la désadéquation entre la langue d’étude et
la langue d'instruction. Les manuels étaient rédigés en chichewa alors que les guides destinés
aux enseignants l’étaient en anglais. Il argue que cette situation crée de graves problèmes :
« Les enseignants se heurtent à un problème de traduction du vocabulaire mathématique entre l’anglais
et le chichewa ce qui entraîne des pressions parmi les enseignants de mathématiques qui peuvent ne pas
trouver les termes équivalents entre l’anglais et le chichewa » (Kaphesi, 2003 :277).
Le problème mis en lumière par Kaphesi et évoqué ci-dessus montre que pour que
l’enseignement dans une langue africaine soit adapté, les enseignants devraient disposer de
manuels scolaires et de guides qui leur sont destinés et sont rédigés dans la même langue.
Lorsque les enseignants utilisent des langues africaines pour enseigner des matières, ils
peuvent développer des métalangues appropriées dans ces langues. Cette utilisation peut
également contribuer à leur modernisation.
Williams et Mchazime (1999) ont mené une étude sur les capacités en lecture en chichewa et
en anglais chez les enfants de l'enseignement primaire du Malawi. Ils ont découvert que lire,
comprendre en écoutant et parler le chichewa était beaucoup plus facile pour ces enfants qui
obtenaient des résultats médiocres lorsqu’ils étaient soumis à des tests en anglais.
Le ministère de l'Education et la Save the Children Federation Inc. (USA) ont mené une étude
afin de déterminer l’incidence de la politique d'enseignement primaire gratuit (Free Primary
Education Policy) mise en œuvre depuis 1994. Ceci est réalisé dans le cadre du Projet sur
l’Amélioration de la qualité de l’éducation (IQE) lancé par l’UNESCO. Un des aspects
analysés dans cette étude est l’incidence de la nouvelle politique en matière de langue sur les
112/180
résultats scolaires des enfants. Les résultats indiquaient que l’utilisation de langues familières
leur permet de mieux apprendre ce qu’on leur enseigne.
Les enfants africains éprouvent de nombreuses difficultés à lire et écrire à la fois dans leur
langue maternelle et dans les langues officielles, ce qui explique pourquoi la plupart des
élèves acquièrent des aptitudes en alphabétisation après six ou sept années d’enseignement de
base formel. Ce problème a été détecté à la fois dans les écoles monolingues et
bi/multilingues. Malheureusement, les enseignants ne sont pas formés pour détecter les
difficultés de lecture et, en général, ils n’ont pas les compétences nécessaires pour enseigner
la lecture, l’écriture et l’alphabétisation. Rares sont les pays qui se sont explicitement attaqués
aux problèmes de la lecture et d’alphabétisation au sein des écoles. L’UNESCO, l’Association
internationale de lecture et le ministère de l'Education de base de l’Ouganda ont lancé le
‘Projet de lecture pour tous’ dont le but principal est d’aider les enseignants à enseigner à lire
de façon plus efficace et à instiller le goût de la lecture chez les enfants (Gordon, 2005). La
Zambie s’est également attelée au problème de la lecture et de l’illettrisme parmi les élèves de
l'enseignement de base formel en mettant en œuvre un programme intensif de lecture appelé
‘Breakthrough to Literacy’ (Une percée vers l’alphabétisation) (Sampa, 2003).
Le projet s’appuie sur la pédagogie centrée sur l’enfant et l’alphabétisation basée sur la
littérature et il promeut également l’écriture chez les enfants en utilisant leurs histoires comme
textes de base de lecture. Les parents participent également au projet et sont invités à aider
leurs enfants à rédiger leurs propres livres. Ils lisent avec leurs enfants et viennent également
à l’école pour assister à des séances de lecture et d’écriture. Les études indiquent que les
élèves bénéficiant de cette instruction développent des aptitudes en alphabétisation
supérieures à celles de leur classe dans les langues zambiennes et obtiennent des résultats
équivalant à ceux leur classe en anglais. En 2002, les élèves des années d’études 1 et 2 ont été
testés afin de juger de l’efficacité du projet. Des tests en lecture et en écriture ont été
administrés en langues zambiennes et en anglais. Selon Sampa, en 1999, les élèves de
première année ont obtenu des notes de 2,1 sur la gamme de notes escomptées de 0-24 pour le
test administré en langues zambiennes. En l’an 2000, les enfants de la première année ayant
suivi le projet sur l’alphabétisation ont obtenu 16,24. Ceci représente une augmentation de
780% dans la capacité à lire. Les élèves de deuxième année ont également enregistré une
augmentation de 575% et ceux de la troisième à la cinquième année d’études une
augmentation de 484%.
Les élèves ont aussi démontré qu’ils apprenaient l’anglais plus efficacement grâce au
Breakthrough Literacy Project. En 1999, les élèves de première année obtenaient une note
moyenne de 4,8 pour un test en anglais. En 2002, cette note était de 16. Plus concrètement,
Sampa (2003 :41) observait que les enfants sont effectivement capables d’utiliser à la fois les
langues zambiennes et l’anglais dans leur apprentissage. Ils sont capables ‘de lire
couramment, d’écrire clairement et de transposer leurs compétences (en alphabétisation) à
d’autres matières ce qui leur permet d’apprendre l’ensemble du programme d'enseignement
de façon efficace’.
d’établissements et des inspecteurs s’appuient fortement sur les guides pour enseignants
existants pour mettre au point leur programme d'enseignement et leurs plans de cours.
Malheureusement, toutes les écoles africaines souffrent de la pénurie de matériels scolaires de
qualité pour la première et la seconde langues. Ce problème est aigu dans les écoles
bi/multilingues où les enseignants sont contraints de traduire les matériels destinés à
l’instruction par l’intermédiaire de la langue officielle ou étrangère.
Depuis le début des années ’90, la Fondation allemande pour le développement international
(INWENT) et la GTZ ont développé plusieurs projets dont l’objectif est de promouvoir une
alphabétisation fonctionnelle efficace parmi les enfants et les adultes d’Afrique. Au Burkina
Faso, au Mali et au Niger par exemple, l’INWENT a formé plus de soixante-dix auteurs
nationaux de manuels scolaires et a également promu une approche intégrée d’enseignement
de la langue qui insiste sur le développement d’une langue orale et écrite en première,
deuxième et troisième années d’études. Les manuels scolaires produits dans le cadre de ce
projet aident les élèves à acquérir non seulement des compétences cognitives mais aussi des
aptitudes méta cognitives qui les aident à penser à la manière d’apprendre à lire le mieux
possible et également d’apprendre tous les types de matières. En outre, tous les textes de
lecture sont basés sur les besoins éducatifs immédiats de l’enfant, la culture immédiate et
d’autres cultures régionales. Ces textes prévoient également des activités d’apprentissage en
coopération qui encouragent les enfants à développer une alphabétisation fonctionnelle et
scolaire. Les ministères de l'Education de base du Burkina Faso, du Mali et du Niger, en
coopération avec l’INWENT et la GTZ ont rédigé un guide complet destiné aux enseignants
qui comprend toutes les langues nationales utilisées dans ces trois pays (Galdames, et al.,
2004). Cette approche a également été mise en œuvre par la GTZ dans les programmes
ASTEP au Ghana (Komarek, 2003), dans lesquels des matériels scolaires et des guides
destinés aux enseignants ont été produits pour aider les enseignants et les élèves à obtenir de
meilleurs résultats en matière d’enseignement et de développement de l’alphabétisation
respectivement.
L’absence d’un environnement lettré dans les écoles et les communautés constitue un autre
facteur critique qui sape les efforts des enseignants pour enseigner l’alphabétisation dans les
langues aussi bien nationales qu’officielles utilisées comme Ld’I. La plupart des études
portant sur les écoles traditionnelles et bilingues en Afrique indiquent que l’un des graves
problèmes auxquels les éducateurs et les enseignants doivent s’attaquer est de savoir comment
rendre l’éducation et l’alphabétisation pertinentes pour les enfants et les adultes. Gardant cet
aspect à l’esprit, on pourrait arguer que la pratique de l’alphabétisation devrait être liée à
l’utilisation effective de la langue écrite pour réaliser tous les types de fonctions scolaires et
sociales. Malheureusement, en raison de l’exclusion des langues africaines, en particulier de
la communication verbale et écrite formelle dans de nombreux pays africains, les enseignants
et les enfants n’ont pas toujours la possibilité d’utiliser les aptitudes d’alphabétisation
acquises dans les langues maternelles ou nationales dans des situations de vie réelle. Ceci
varie néanmoins d’un pays africain à un autre. En Tanzanie, par exemple, la plupart des
journaux sont rédigés en kiswahili.
Au cours des années récentes, tant la GTZ que l’INWENT ont contribué à la promotion de
pratiques efficaces d’enseignement et d’alphabétisation dans les écoles bilingues du Ghana,
du Mali et du Niger. Ces organisations soutiennent également les efforts déployés par les
ministères de l'Education pour promouvoir l’alphabétisation et la culture lettrée dans les
114/180
En raison du manque de formation adéquate, les enseignants africains ne savent pas comment
contrôler et évaluer ce que les élèves apprennent de manière efficace. Il convient également
de souligner que la large gamme de tests sur les acquis administrés aux élèves n’est souvent ni
valide ni fiable. Par conséquent, on peut arguer que, dans le contexte africain, il est très
difficile de déterminer avec précision l’incidence de l’enseignement sur ce que les élèves
apprennent.
Le déploiement des enseignants constitue un aspect lié à l’administration scolaire qui a une
incidence sur les pratiques dans l’éducation bi/multilingue. Bien souvent, les enseignants ‘qui
ne parlent pas ou n’ont pas de connaissances de langues nationales en particulier sont affectés
dans des zones où ces mêmes langues sont utilisées comme Ld’I (Dzinyela ; 2001). Cette
situation a une incidence sur la capacité des enseignants à utiliser la Ld’I convenablement et à
bien communiquer avec leurs élèves.
Enfin, la pratique de l’enseignement est influencée, de manière négative, par les contextes
sociopolitiques globaux qui ne sont pas toujours favorables à l’expansion de l’utilisation de
langues africaines en tant que Ld’I dans l’éducation formelle. Au niveau macro-
sociopolitique, cette situation se caractérise par la réticence de certains bailleurs de fonds
internationaux à appuyer l’utilisation des langues maternelles pendant toute la durée des
systèmes éducatifs formels (Alidou, 1997 ; Alidou, 2002 ; Komarek, 2003 ; Malone, 2000).
De nombreuses personnes – Africains éduqués ou non - considèrent encore l’enseignement
dans les langues maternelles comme un enseignement de seconde classe. Cette attitude affecte
le moral tant des enseignants que des élèves. En outre, cette attitude contraint les enseignants
à s’orienter plus vers l’enseignement de secondes langues que vers celui des langues
maternelles. Donc, pour promouvoir une pratique efficace de l’enseignement dans les écoles
bilingues, les responsables politiques devraient déployer des efforts considérables pour
promouvoir, au plan politique, l’utilisation de langues africaines en tant que langues
d'instruction au sein de programmes d’éducation bi/multilingues.
4.4 Recommandations
1. Elaborer des programmes de préparation multilingues et interculturels pour les
enseignants : intégrer des philosophies, théories et méthodologies d’éducation multilingue
et interculturelle dans les programmes de formation initiale et en cours d’emploi des
enseignants. Cette approche aidera les enseignants à se familiariser avec l’acquisition et les
théories et méthodologies d’apprentissage. De ce fait, promouvoir des programmes
115/180
3. Enseigner aux enseignants à bien évaluer les progrès des élèves : un des principaux
problèmes dans les classes en Afrique est l’incapacité des enseignants à évaluer
correctement leur propre enseignement et les progrès de leurs élèves. Ceci s’explique
essentiellement par l’absence de la composante évaluation et appréciation dans le cursus de
préparation des enseignants. Les enseignants sont formés à noter et non à évaluer
l’apprentissage et les progrès des élèves. Les évaluations tant formatives que sommatives
doivent faire partie intégrante du programme de préparation des enseignants.
5. Promouvoir des études qualitatives et quantitatives dans les langues nationales et officielles
à tous les niveaux d’enseignement en Afrique. Il est très important de procéder à des études
d’observation et ethnographiques des classes, des écoles et des communautés pour évaluer
l’impact des innovations pédagogiques promues dans les écoles et les classes. Au cours des
quarante dernières années, peu d’études ont été effectuées dans ce domaine en Afrique.
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Birgit Brock-Utne
Hassana Alidou
5.1 Introduction
Il ne fait pas presque aucun doute que les différences systématiques mais fréquemment
ignorées entre la langue et la culture de l’école et la langue et la culture de la communauté
de l’apprenant expliquent souvent le succès marginal des programmes dans toutes les
matières, sauf à enseigner l’autodénigrement. (Okonkwo, 1983 : 377).
Ce chapitre est centré sur l’apprenant africain. Si nous avions décidé de regrouper ce chapitre et le
précédent, l’apprenant aurait facilement été éclipsé. Le chapitre précédent portait sur les stratégies
d’enseignement employées par l’enseignant lorsque ni lui (elle), ni les enfants ne possèdent une bonne
maîtrise de la langue d’enseignement ; dans ce chapitre nous allons nous intéresser à l’apprentissage
dans ce cas. Nous nous intéresserons également à l’apprentissage lorsque l’enseignant utilise une
langue qui lui est familière et qui est familière aux enfants. La part la plus importante de
l’apprentissage acquis en classe ne peut se mesurer au moyen de tests notés qui portent sur les
tendances en matière d’apprentissage scolaire. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de
commencer ce chapitre avec un projet de recherche en cours en Tanzanie dans lequel les
commentaires de l’observateur permettent de noter ce qui se passe lorsque les élèves suivent un
enseignement dispensé dans une langue familière ou dans une langue étrangère.
Cet exemple et l’exemple de l’Ethiopie cité dans le chapitre précédent concernent des enfants qui ont
déjà terminé les premières années du primaire. Ils montrent que même plus tard au cours de leur
scolarité- la classe de 8e en Ethiopie correspond à la première année du secondaire en Tanzanie- les
élèves apprennent mieux dans une langue qui leur est familière. Les exemples portant sur les
premières années de scolarité sont pris au Ghana, au Mali, au Niger, au Nigeria et au Burkina Faso. Le
principe pédagogique qui consiste à aller du familier vers l’inconnu s’applique non seulement à la
langue d’enseignement, mais également au contenu du programme scolaire. Il n’est pas facile pour un
enfant de se retrouver subitement face à un système décimal s’il avait jusque là été habitué à d’autres
systèmes de calcul centrés sur huit ou sur vingt. Traduire les livres ou le matériel pédagogique en
langues étrangères dans la langue nationale ne suffit pas. Le contenu du matériel pédagogique doit être
familier à l’enfant ; il doit être puisé dans son entourage, et lui inculquer la fierté de son patrimoine
africain. Vers la fin du chapitre, nous aborderons les examens, et les difficultés que rencontrent les
élèves lorsque la langue d’examen est étrangère et que le contenu du programme scolaire porte sur un
environnement qui leur est étranger. La Namibie est citée comme exemple pour son contrôle des
préjugés culturels dans les examens. Le chapitre se termine sur quelques recommandations.
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La stratégie de « l’éducation pour tous » formulée lors de l’importante conférence sur l’éducation à
Jomtien en Thaïlande en 1990 à été élaborée pour les pauvres (Brock-Utne, 2000; Brock-Utne, 2005a).
Dans un article sur l’Education Pour Tous intitulé : leçons de politique des pays performants, Santosh
Mehrotra (1998 : 479) attire notre attention sur ce qu’il considère être les caractéristiques les plus
importantes des pays qui ciblent réellement les pauvres et qui ont le plus fort pourcentage de
population ayant suivi tout l’enseignement de base :
L’expérience des pays performants est sans équivoque : la langue maternelle a été utilisée comme
moyen d’instruction dans le primaire dans tous les cas... Les élèves qui ont appris à lire dans leur langue
maternelle apprennent plus rapidement à lire dans une seconde langue que ceux qui ont d’abord appris à
lire dans une seconde langue.
Cependant, selon Dutcher (2004), lors du Forum Mondial de l’Education à Dakar, la question de la
langue n’a jamais été mentionnée en séances plénières. De ce fait, la question de la langue est
également très peu abordée dans les documents émanant du Forum. Les documents officiels font peu
référence au fait que des millions d’enfants entrent à l’école sans connaître la langue d’enseignement.
Nombre de ces enfants vivent en Afrique. Le seul type d’enseignement formel proposé à ces enfants se
fait dans une langue qu’ils ne comprennent ni ne parlent. Nadine Dutcher (2004 :8) écrit :
Il est choquant que le dialogue international sur l’Education Pour Tous n’ait pas abordé les problèmes
que rencontrent les enfants lorsqu’ils entrent à l’école sans comprendre la langue d’enseignement,
lorsqu’ils doivent apprendre une langue en même temps qu’ils apprennent avec et au moyen de cette
nouvelle langue. Le vrai problème est que les enfants ne peuvent comprendre ce que dit le maître !
Nous croyons que si les planificateurs internationaux avaient été confrontés à ces problèmes au niveau
mondial, on aurait constaté des avancées. Cependant, au lieu d’apporter des modifications qui
permettraient un véritable avancement, la communauté internationale s’est simplement réengagée à
réaliser les mêmes objectifs, se contentant de changer la date de l’an 2000 en 2015 (Dutcher 2004 : 8).
Dans la majorité des pays africains, les enfants ont de grosses difficultés d’apprentissage simplement
parce qu’ils ne comprennent pas ce que dit le maître. Les livres des enseignants et les cours de
formation pour enseignants sont pensés pour permettre aux enseignants africains d’être plus « centrés
sur l’apprenant », pour les aider à stimuler leurs élèves et les amener à développer une pensée et un
dialogue critique. Il est demandé aux enseignants d’abandonner le style d’enseignement qui veut que
l’élève recopie ce qui est mis au tableau, apprenne ses notes par coeur et ressorte le tout lors des
interrogations. On a peu réfléchi au fait que ceci est peut-être le seul type d’enseignement possible
lorsque ni le professeur ni les élèves ne maîtrisent la langue d’enseignement. L’Afrique se divise en
pays anglophones, francophones et lusophones selon les langues imposées par les pouvoirs coloniaux
et qui sont toujours utilisées comme langues officielles. Ces langues ne sont néanmoins pas celles
parlées en Afrique. Seuls 5 à 10% de la population maîtrisent réellement ces langues. La grande
majorité des Africains utilisent les langues africaines pour communiquer au quotidien. L’Afrique est
afrophone.
Ce chapitre commence avec un exemple pris dans une étude sur le terrain portant sur la langue dans le
cadre d’un projet d’éducation en Tanzanie, qui démontre en quoi le style d’enseignement dépend de
l’utilisation d’une langue d’enseignement connue ou étrangère. Nous avons essayé d’analyser le type
d’apprentissage dans deux classes différentes. Le projet en cours LOITASA (Langue d’enseignement
en Tanzanie et en Afrique du Sud) (2002 – 2007) concerne plusieurs classes en Afrique du Sud où
l’enseignement dans certaines matières est dispensé de façon expérimentale en langue isiXhosa en 4e,
5e et 6e années du primaire (Desai, 2004, Brock-Utne, 2005a). En Tanzanie on n’a pu mener qu’une
expérience plus courte sur trois mois, sous les auspices de l’Université de Dar es Salaam dans deux
écoles secondaires (Brock-Utne, 2005c). En Tanzanie, le Kiswahili est la langue d’enseignement
utilisée au cours des sept années d’école primaire, mais l’enseignement secondaire et tertiaire est
dispensé en anglais (Brock-Utne, 2005b). Nous allons donner un exemple pris dans la partie
Tanzanienne du projet LOITASA.
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Dans le cadre de cette expérience, un même enseignant enseignait le même sujet de biologie à deux
classes différentes d’élèves en 1ère année dans une grande école secondaire. L’enseignante que nous
appellerons ici Mwajabu, enseignait cette matière en utilisant anglais dans une des classes et le
Kiswahili dans l’autre. Vous trouverez ci-dessous un extrait des fiches d’inspection d’août 2004
relatant de longues heures d’observations (Brock-Utne, 2005c). Nous commençons par un cours que
Mwajabu fait en anglais et regardons ce que les élèves apprennent. Nous passons ensuite dans l’autre
classe où Mwajabu refait le même cours en Kiswahili quelques jours plus tard et nous nous intéressons
à la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans la classe.
En : A-t-elle raison ?
Els : Silence
Els : Non
Les élèves essayèrent de jeter un œil sur leur cahier sans que l’enseignante ne le remarque (ils n’étaient pas
supposés le faire) pour donner une réponse. Si elle était juste, ils pourraient peut-être s’asseoir. Si elle était
fausse, ils devraient continuer à rester debout. A un moment donné il leur a été demandé de donner des exemples
d’un groupe de poissons.
L’enseignante dit : « parlez fort » (prononcé par elle cela ressemblait à « beau »). Un des garçons qui se tenait
debout depuis longtemps essaya de lire ce qui était sur son cahier, et lorsque l’enseignante le désigna, il dit :
En : Epelle
El : O-I-S-E-A-U
L’enseignante écrivit « oiseau » au tableau en prononçant oiseau. Elle demanda : « l’oiseau est-il un poisson ?
Restez debout. N’utilisez pas le matériel que vous avez donné » (au lieu de « qui vous a été donné »).
Lorsque le cours est fait en Kiswahili il n’y a pas d’expérience aussi humiliante.
En : Avez-vous compris ce que je vous ai demandé de faire? Oui ou non? Qui n’a pas compris ?
Els : Silence
Mwajabu demanda aux élèves de se mettre dans leur groupe parmi les cinq groupes habituels. Un des cinq
groupes ne savait plus s’il était le numéro trois ou cinq. Il posa la question à l’enseignante en Kiswahili :
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Avant de répondre à cette question, Mwajabu dit : « parlez anglais s’il vous plaît ».
Elle n’arrivait pas à suivre le plan qu’elle avait préparé pour ce cours.
Les élèves de cette classe où les cours étaient donnés en anglais restaient silencieux, graves et
semblaient avoir peur. Ils essayaient de deviner les réponses que l’enseignante voulait entendre.
L’élève qui avait donné la réponse « oiseau » lorsque l’enseignante demandait un exemple de poisson
n’avait soit pas compris le mot poisson ou le mot oiseau, soit aucun des deux. Il avait essayé de
trouver dans son cahier une réponse qui lui aurait permis de s’asseoir au lieu de rester debout en guise
de punition. On peut se demander ce que les élèves apprennent dans ce cours et ce qu’ils en retirent.
Ils apprennent à obéir, à rester calme. Ils apprennent que s’ils ne répondent pas ce que l’enseignant
veut entendre, ils seront punis. Ils apprennent à mémoriser. Ils apprennent les stratégies de survie
comme jeter un œil sur leur cahier pour y trouver une réponse même lorsqu’ils ne sont pas supposés le
faire. Certains plongent dans l’apathie et deviennent indifférents. Certains apprennent qu’ils ne sont
pas intelligents, et qu’il est peu probable qu’ils puissent réussir. Nous allons passer maintenant dans
une autre classe où Mwajabu fait le même cours et observer l’apprentissage dans ce cas.
Baiolojia
Mwajabu fait son cours en Kiswahili et veut connaître l’importance du Failam kodata. Elle veut que les
élèves travaillent en groupes et lui donnent des exemples de « faida » (avantage ou importance
économique) des animaux et de « hasara » (inconvénient ou danger). Mwajabu est comme toute autre
enseignante. Elle sourie, semble confiante et contente. Il en va de même des élèves. Ils travaillent dans
le calme, sont très vivants et font de nombreuses et de très bonnes suggestions. Dans certains cas ils ont
même appris à l’enseignante des choses qu’elle ne connaissait pas ou auxquelles elle n’avait pas
pensées.
Un des élèves dit que les gros animaux rapportent de l’argent à la Tanzanie (fedha za wageni).
L’enseignante ne voit pas comment cela est possible, et l’élève se lance dans une longue tirade,
expliquant que lorsque les touristes vont par exemple à Mikumi ou Serengeti (des parcs nationaux) pour
y voir des lions, des girafes et des éléphants, ils achètent des souvenirs, prennent un hôtel et un guide et
un chauffeur, etc. L’enseignante doit reconnaître que cela est tout à fait vrai.
Les élèves ajoutent que les animaux peuvent être utilisés pour le transport. L’enseignante leur demande
quels sont les animaux qui peuvent être utilisés pour le transport des personnes. Ils répondent : l’âne, le
chameau et le cheval. Une élève mentionne l’éléphant, mais l’enseignante répond d’abord que
l’éléphant n’est pas utilisé pour le transport des personnes. Un autre élève soutient sa camarade en
disant qu’il avait vu à la télévision que les gens en Inde se déplacent à dos d’éléphant et transportent des
marchandises attachées sur le dos de l’éléphant. Un élève dit qu’en Inde, contrairement à l’Afrique, les
éléphants sont domestiqués. Là encore, les élèves ont appris quelque chose à l’enseignante, et les élèves
ont appris les uns des autres. Une autre élève parle de « kobe » (tortue) et mentionne les tortues géantes
dont elle a entendu parler. Les gens montent également sur leur dos.
Les visages sont souriants et les élèves rient beaucoup et le cours passe très vite (pour l’enseignante
comme pour les élèves et les observateurs). A un moment donné, l’enseignante demande à quoi servent
les différentes parties de la vache. Il y a quelques réponses évidentes, puis un élève dit que ‘on peut
également boire le sang de la vache. Certains protestent. L’élève dit : “Wachagga wana kunywa damu”
(les Wachagga boivent du sang) et ce faisant il regarde l’enseignante qui se trouve être une Mchagga.
Un grand nombre d’élèves se mettent à rire. L’enseignante pose des questions sur les avantages d’un
ensemble d’animaux et la classe est vraiment très attentive. Elle veut savoir quels animaux sont “rafiki
wa binadamu” (les amis des humains) et toutes les mains se lèvent pour lui donner des exemples. C’est
à qui parmi les élèves donnera le plus de réponses.
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Dans ce cours les élèves apprenaient à fondre les connaissances nouvelles avec celles qu’ils
possédaient déjà. Ils développaient des qualités créatives comme l’indépendance et la pensée critique.
Ils y acquéraient la capacité de collaborer de façon constructive avec les autres. L’enseignante n’avait
pas besoin de dire : « ne regardez pas votre livre ».
Les élèves étaient encouragés à utiliser leurs connaissances préalables, à améliorer leurs connaissances
mutuelles, à apprendre aux autres et à l’enseignante. C’était un cours interactif, un cours d’échanges
entre l’enseignante et les élèves, et pas uniquement un cours pendant lequel l’enseignante imprime son
savoir dans la tête des élèves. Cela les aidait à prendre confiance en eux-mêmes, à croire en eux-
mêmes et en leur potentiel d’apprentissage.
Il existe de nombreuses études sur l’Afrique qui font état de résultats similaires lorsque la langue
d’enseignement est une langue familière. Une étude d’évaluation sur le projet AQE (Amélioration de
la Qualité de l’Education) au Ghana basée sur l’observation des participants et portant sur l’application
de la politique linguistique dans les écoles primaires ghanéennes établit que les élèves participent plus
activement lorsque le ghanéen est utilisé comme langue d’enseignement (Dzinyela, 2001).
Chekaraou (2004 : 323) qui a fait une étude exhaustive de deux des écoles pilotes bilingues au Niger
qui utilisent le Hausa comme langue d’enseignement dans les premières années, nous explique que
la classe dans son ensemble voulait à tel point participer que les élèves se levaient pour se rapprocher de
l’enseignante pour qu’elle les désigne pour répondre aux questions (Chekaraou, 2004: 323).
Il explique comment l’enseignement dispensé aux enfants dans ces écoles et qui utilise une langue qui
est leur est familière a encouragé une interaction enseignant-élève active, permettant aux élèves de
« développer une pensée critique qu’ils pourraient utiliser dans d’autres cas d’apprentissage même
lorsque leur première langue cesse d’être utilisée comme langue d’enseignement dans les classes
supérieures ». (2004 : 341). Il poursuit en expliquant comment l’enseignement dispensé dans une
langue connue stimule le développement cognitif des élèves :
D’une façon générale, la langue maternelle a permis d’aider les enfants à acquérir des connaissances
qu’ils n’auraient pas pu acquérir autrement. Par exemple, les termes se rapportant aux différentes
parties du corps et qui ont un sens métaphorique et les proverbes dont l’enseignant parlait avec les
enfants étaient de exemples édifiants qui aidaient les enfants à développer leurs capacités
métalinguistiques dans leur propre langue, ce qui contribuait à améliorer leur potentiel cognitif global
(Chekaraou, 2004 : 343)
Dans une recherche sur la langue d’enseignement couvrant essentiellement les pays dit
“francophones” en Afrique, Hassana Alidou et Mallam Garba Maman (2003) concluent que les élèves
sont beaucoup plus actifs lorsque l’enseignement est dispensé en langues africaines que lorsqu’il est
dispensé dans les langues nationales néanmoins étrangères. Un enseignement dans la langue
maternelle est beaucoup plus efficace et permet un apprentissage de qualité pour les élèves, qui
apprennent quand ils peuvent mêler leurs connaissances et les connaissances nouvelles.
Le Six-Year Primary Project (Projet Primaire sur Six ans) (SYPP) au Nigeria, quelquefois appelé
Projet d’Education en Langue Maternelle d’Ife est à ce jour l’étude de cas qui fait autorité sur
l’utilisation de la langue maternelle dans l’éducation formelle. Le SYPP, lancé en 1970, était
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essentiellement une expérience sur les moyens d’instruction avec une comparaison entre 3 années de
cours en Yoruba plus 3 années de cours en anglais, et 6 années de cours en Yoruba dans les écoles
primaires. Le SYPP était basé à l’Institut de l’Education, Université d’Ife (aujourd’hui Université
Obafemi Awolowo), Ile-Ife au sud ouest du Nigeria. D’après Bamgbose (2005) le SYPP a démarré
dans une école rurale avec deux classes expérimentales et une classe témoin. L’objectif principal du
projet était d’utiliser le Yoruba comme moyen d’instruction tout au long des six années de primaire
pour voir si l’enseignement primaire dispensé dans la langue maternelle de l’enfant peut être plus
riche et plus avantageux pour les élèves qui fréquentent ce système scolaire. D’autres objectifs
complémentaires portaient sur l’enrichissement du programme, le développement de matériels en
Yoruba, et un enseignement plus efficace de l’anglais comme matière en ayant recours à des
enseignants spécialisés en anglais (Afolayan, 1976 :117-118). Le programme du SYPP comprenait
l’anglais, les mathématiques, les Sciences, des sciences sociales et le Yoruba. L’anglais et le Yoruba
étaient des matières enseignées dès le primaire, alors que d’autres matières étaient enseignées en
Yoruba dans les classes expérimentales. Les principales différences entre l’expérience première et les
classes témoins étaient le moyen d’instruction lors des trois dernières années de l’école primaire, ainsi
que le recours à un professeur spécialisé en anglais pour l’anglais enseigné comme matière dans la
classe expérimentale. Bamgbose (2005 : 215) écrit :
L’avantage de ce type d’arrangement est que seul le professeur spécialisé en anglais donne à la classe
un modèle de communication en anglais, tous les autres enseignants faisant cours en Yoruba dans leur
matière. On espérait qu’une exposition à un bon anglais permettrait aux élèves de considérablement
améliorer leur maîtrise de la langue anglaise (Bamgbose, 2005: 215).
Quelques modifications ont été apportées en cours de route au projet d’origine. En 1973, le
projet a été élargi à d’autres écoles, notamment des écoles urbaines. Les nouvelles classes
expérimentales ont abandonné le recours aux professeurs spécialisés en anglais. Bamgbose
(2005) note que certaines contingences ont été prévues dans la conception du SYPP. On
pensait que le groupe expérimental qui suivait des cours en Yoruba uniquement, l’anglais étant
enseigné comme matière, aurait besoin d’un cours de transition intensif d’anglais pendant un an pour
transposer en anglais les concepts appris en Yoruba. Il se trouve que ce cours n’a pas été nécessaire.
Les élèves des classes expérimentales soutenaient parfaitement la comparaison avec leurs homologues
d’autres écoles publiques et ont réussi l’examen commun d’entrée en secondaire. Au cours de ce
projet, il y a eu une évaluation détaillée portant sur diverses matières ainsi que des tests de
compréhension. Les résultats ont systématiquement montré que le groupe qui réussissait le mieux aux
tests dans toutes les matières était le Groupe Expérimental d’Origine suivi de près par le Nouveau
Groupe Expérimental. Le Groupe Témoin Traditionnel avait les plus mauvais résultats. Par
conséquent, le moyen d’instruction fait une grande différence (Fafunwa, Macauley & Sokoya, 1989;
Bamgbose, 1984).
Plusieurs études portant sur la performance et l’efficacité de ce programme indiquent que les élèves
qui avaient suivi les cours en Yoruba pendant six ans avaient des résultats bien meilleurs que les
élèves qui suivaient des cours en Yoruba pendant trois ans seulement et qui ensuite n’avaient que des
cours dispensés en anglais comme le montre le Tableau 1.
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Tableau 1 : Comparaison des performances des élèves dans le projet Ife et des projets dans les écoles
classiques (groupe témoin) à la fin des examens du primaire
Ces dernières années, le Mali avec ses “Ecoles de la Pédagogie Convergente” a également apporté la
preuve des effets positifs des langues connues sur la capacité des élèves à apprendre. Des évaluations
comparées des performances des élèves des “Ecoles de la Pédagogie Convergente” et des écoles
normales montrent que le premier système scolaire est plus efficace (voir Tableau 2). Les élèves des
Ecoles de la Pédagogie Convergente ont de meilleurs résultats que leurs camarades dans les écoles
utilisant le français lors des examens de fin d’éducation de base formelle qui se fait sur sept ans au
Mali.
Tableau 2 : Comparaison des performances des élèves au terme de l’enseignement de base formel
Selon Traoré (2001), l’utilisation des langues africaines dans le cadre d’une pédagogie active favorise
et renforce la capacité d’apprentissage des élèves. D’une façon générale, cette innovation éducative
permet d’améliorer l’efficacité scolaire.
Au Burkina Faso, deux types d’écoles bilingues ont été créés depuis le début des années 90. Les
"Ecoles Bilingues" sont soutenues par l’OSEO (une organisation suisse à but non lucratif) et par
quelques universitaires du Département de linguistique de l’Université de Ouagadougou. Les “Ecoles
Satellites” sont un autre type de programmes bilingues. Elles sont soutenues par Le Ministère de
l’enseignement de base et par l’UNICEF. Les études sur les Ecoles Satellites montrent que ce sont des
écoles qui ont des résultats médiocres du fait de l’absence de soutien technique et financier adéquat
pour les enseignants et du fait qu’elles utilisent un modèle d’enseignement de base bilingue inefficace.
Dans le chapitre précédent, nous avons présenté les “Ecoles Bilingues” qui se développent comme
étant des programmes bilingues efficaces avec un impact positif sur la performance des enseignants et
des élèves. Le Ministère de l’Enseignement de Base du Burkina Faso a effectué une étude comparative
de ce projet et des écoles normales. Il a constaté que les “Ecoles Bilingues” sont considérablement
plus efficaces que les écoles monolingues qui utilisent le français comme langue d’enseignement
pendant six ans. Les résultats statistiques sont donnés dans le tableau ci-dessous :
La première cohorte des élèves des “Ecoles Bilingues” a passé les examens de fin
d’enseignement primaire en 1998. Après seulement 5 ans d’enseignement en langues locales
et en français, les élèves ont obtenu de meilleurs résultats que leurs camarades qui avaient
suivi six ou sept ans de cours en français. En 2002, 85,02% des élèves des “Ecoles bilingues”
ont réussi les examens de fin d’enseignement primaire (Ilboudo 2003). La moyenne nationale
est de 61,81% avec six à sept années d’enseignement en français.
Grâce à l’utilisation de langues connues des enseignants et des enfants, les enseignants peuvent
facilement faire appel aux connaissances préalables des enfants et les guider vers l’auto apprentissage,
l’apprentissage en coopération, les activités de travaux pratiques et en particulier l’acquisition de
connaissances nouvelles (Alidou et Jung 200). Par exemple, Bergman and al. (2002 :66) qui ont étudié
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l’effet de l’utilisation des langues locales comme langue d’enseignement dans les écoles dites
expérimentales au Niger, ont noté :
Les enseignants des écoles expérimentales... établissent un climat de confiance entre les élèves
et eux-mêmes […]. Les élèves des écoles expérimentales qui ne sont pas intimidés par leurs
enseignants sont plus alertes, prennent des responsabilités,...participent plus activement aux
cours et contribuent à aider les plus faibles (Bergma et al).
Les pays africains se battent toujours pour trouver une stratégie efficace qui leur permet de passer d’un
système d’enseignement inefficace hérité de l’ère coloniale à un enseignement transformant et
culturellement pertinent qui prend en compte les langues africaines, le milieu socioculturel et
linguistique des personnes ainsi que leurs besoins en matière d’enseignement.
L’utilisation efficace de langues connues dans les classes africaines facilite le développement de
l’alphabétisation. Elle aide également les élèves à apprendre d’autres matières comme les
mathématiques (Kaphesi 2003). Dans une étude de Prophet et Dow (1994) au Botswana on a enseigné
une série de concepts scientifiques à un groupe expérimental en Setswana et à un groupe témoin en
anglais. Les chercheurs ont testé la compréhension de ces concepts et ont constaté que les élèves de
1ère année qui avaient suivi un enseignement en Setswana avaient une bien meilleure compréhension
des concepts que ceux de 1ère année qui avaient suivi un enseignement en anglais. Une étude similaire
effectuée en Tanzanie aboutit aux mêmes résultats. Les élèves d’école secondaire ayant appris les
concepts scientifiques en Kiswahili avaient de bien meilleurs résultats que ceux qui avaient suivi un
enseignement en anglais (Mwinsheikhe, 2002, 2003).
L’étude de l’USAID a utilisé trois grandes méthodologies pour générer des données pour l’analyse :
normalisation des tests, interviews et observations. Des tests normalisés en mathématiques et en
langue anglaise ont été proposés à un échantillon aléatoire d’élèves d’écoles élémentaires publiques et
privées au Ghana. L’étude établit qu’en troisième année du primaire, les élèves des écoles privées
élémentaires avaient une note moyenne de 48% en anglais comparés à ceux des écoles élémentaires
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publiques qui avaient une note de 34%. Cependant, pour une classe de même niveau, la note moyenne
en mathématiques était de 58% pour les écoles publiques élémentaires, et de 41% pour les écoles
élémentaires privées. D’une certaine façon, ces derniers résultats sont assez remarquables car les
écoles publiques accueillent les enfants des couches pauvres et des classes populaires de la société. La
différence en faveur des écoles publiques pourrait s’expliquer par le fait que les enfants ont reçu un
enseignement dans leur langue maternelle pendant leurs premières années de scolarité et ont passé
leurs examens dans la langue locale.
Au cours des trois premières années de l’éducation de base, de la 1ère à la 3ème année, l’enseignement
et l’apprentissage doivent se faire dans la langue ghanéenne qui prédomine dans la région où vit
l’enfant. L’anglais doit être enseigné comme langue étrangère avant de devenir la langue
d’enseignement en 4ème année. Les langues et la culture ghanéennes sont ensuite enseignées comme
matières obligatoires jusqu’à la fin de l’enseignement de base. Le français est enseigné comme langue
étrangère dans le premier cycle du secondaire où il y a des professeurs de français (ME, 2001 : 24)
Ce document a été publié en septembre 2001. Jusque là, le gouvernement ghanéen recevait depuis
plusieurs années une aide des diverses agences de bailleurs de fonds pour mettre en place une politique
de l’enseignement dans la langue maternelle au cours des trois premières années d’école. Dans le nord
du pays il y avait les écoles Shepherd subventionnées par les danois et le projet Childscope de
l’UNICEF dans les plaines d’Afram, qui enseignaient en langues locales. La Coopération Technique
Allemande oeuvrait pour renforcer l’enseignement dans les langues locales dans les nombreuses
écoles de formation des maîtres du pays. La Banque mondiale a financé l’impression et la distribution
en masse de manuels scolaires et de manuel des enseignants dans deux langues principales concernant
près de 70% de la population ghanéenne (Komarek, 2004). Vers la mi-novembre de la même année
que la citation mentionnée ci-dessus, le Bureau du Premier Ministre a envoyé un protocole aux
« Partenaires du Développement » avec copie au Ministre de l’Education, retirant le document
« Politiques Sectorielles et Plans Stratégiques de l’Education ». Et lors d’un débat parlementaire
(Parlement du Ghana 2002 :1871) le 28 février 2002, le Ministre de l’Education, Le Professeur
Akumfi a annoncé :
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L’enseignement à tous les niveaux de l’école primaire se fera en anglais. Cependant, les élèves de
toutes les écoles de base (privées et publiques) devront étudier une langue ghanéenne comme matière
scolaire à partir de la première année du primaire. Là où il y a des professeurs, le français sera enseigné
de la 1ère à la 3ème année du secondaire (Parlement du Ghana 2002 : 1871).
Cette décision a été rendue publique lorsque le 17 mai 2002 le Daily Graphic a cité le Ministre
de l’Education du Ghana qui aurait dit que le Cabinet a décidé qu’à partir de septembre 2002,
l’anglais serait la seule langue d’enseignement à tous les niveaux de la scolarité.
bon de noter la proximité de cette nouvelle politique élaborée dans ces termes avec celle promulguée
immédiatement après l’indépendance. La différence est que la politique précédente permettait aux
enseignants de première année d’utiliser leur jugement professionnel et de changer la langue
d’enseignement pour passer de l’anglais à la langue autochtone ghanéenne lorsqu’il leur paraissait
évident que les enfants, à ce niveau, ne suivaient pas les cours. La politique actuelle, par ailleurs ne
laisse pas de marge de manoeuvre aux enseignants (Wilmot, 2003a : 5).
Eric Wilmot (2003b) a mené une étude de cas parmi les élèves de deuxième année qui démontre
certains des effets de la politique linguistique de 2002 du Ghana. Wilmot a procédé à des interviews
cliniques auprès de 30 enfants sélectionnés en enquêtant sur les processus de calcul et de résolution de
problème de chaque enfant au moyen de différentes tâches. Les entretiens ont été enregistrés sur vidéo
et analysés. Dans l’école primaire de Cape Coast où Wilmot a effectué son étude, l’anglais était utilisé
comme langue d’enseignement dès le départ. En passant de l’anglais à la langue maternelle de l’enfant
comme langue d’enseignement, cette étude montre que les enfants apprennent beaucoup mieux et en
savent plus lorsqu’ils suivent leurs cours dans une langue qui leur est familière. Wilmot montre que les
enfants classés comme médiocres avaient en fait beaucoup de connaissances que l’école avait mal
évaluées parce que les enfants ne maîtrisaient pas bien la langue étrangère qui servait de langue
d’enseignement. Ceci est le cas dans de nombreuses écoles urbaines et privées au Ghana qui
fonctionnent en utilisant l’anglais dès la première année.
Bien que les entretiens cliniques aient porté sur 30 enfants, Wilmot (2003b) dans un article de
recherche s’intéresse à deux des enfants de deuxième année : Fiffi venant d’une famille aisée qui parle
plutôt l’anglais et quelquefois le Fante à la maison, et Elli appartenant à une famille de classe plus
moyenne parlant l’Ewe à la maison. Le Fante était la langue de la région. Fiffi était très actif en classe
car il maîtrisait parfaitement l’anglais et le Fante. Elli restait le plus souvent silencieux ou ne
participait pas activement. D’après l’évaluation de leur maître, Fiffi avait des résultats supérieurs à la
moyenne de la classe alors qu’Elli avait des résultats moyens. Une recherche qualitative a montré
qu’Elli avait la bonne réponse aux problèmes de mathématiques, mais n’arrivait pas à expliquer
comment il l’avait trouvée. Quand l’Ewe, la langue maternelle d’Elli, est devenue la langue
d’enseignement il a pu expliquer les résultats qu’il avait trouvés et a fait preuve d’un bon
raisonnement abstrait, ce qui n’avait pu être détecté lorsqu’il devait répondre en anglais. L’analyse des
problèmes proposée à ces enfants a montré qu’ils étaient tous deux aussi compétents en
mathématiques et qu’ils pouvaient résoudre des problèmes mathématiques du même niveau de
difficulté. La seule différence entre les deux enfants portait sur leur compétence linguistique. En
modifiant la langue d’enseignement et en passant des langues dominantes de la classe à la langue
maternelle de l’enfant, ce qui était « invisible » pour le maître – les véritables connaissances d’Elli en
mathématiques – sont devenues visibles.
127/180
Dans les tests de mathématiques du TIMSS 2003 (Trends in International Mathematics and Science
Study) (Tendances dans l’Etude Internationale sur les Mathématiques et les sciences) de huitième
année, il est écrit que sur les 45 pays qui y participaient, le Ghana a terminé 44ème. La note des élèves
ghanéens était de 276 comparée à la moyenne internationale de 466. Dans deux articles du Ghana
News Y. Fredua-Kwarteng et Francis Ahia (2005 a, 2005b) ont essayé d’expliquer ces mauvais
résultats ; le premier article porte sur les résultats en mathématiques, le deuxième porte sur les
résultats en sciences. Ils commencent par expliquer qu’un pays dont la pédagogie nationale en
mathématiques est compatible avec celle du test, a plus de chance de réussir qu’un pays ayant une
pédagogie mathématique différente. Au Ghana, selon les auteurs :
L’enseignement des mathématiques en huitième année se fait selon les modèles de transmission et
d’ordre. Les maîtres transmettent essentiellement des faits mathématiques, des principes et des
algorithmes, et ordonnent aux élèves de les apprendre de façon passive et craintive. Les élèves ne sont
pas encouragés à poser des questions ou à s’embarquer dans des résolutions de problèmes pour acquérir
une compréhension conceptuelle et procédurale de ce qui leur est enseigné. Les élèves mémorisent
simplement les algorithmes et les recrachent pendant les tests ou les examens (Fredua-Kwarteng, Ahia
2005a).
Ils attribuent le fait que les élèves n’acquièrent pas les compétences à résoudre ou à poser des
problèmes à l’utilisation d’une langue d’enseignement étrangère :
Comme les élèves ghanéens passent les tests en anglais (la langue dite officielle du Ghana), ceux dont
la première langue n’est pas l’anglais sont fortement désavantagés. Nous ne sommes pas surpris que les
pays qui ont enregistré les meilleurs résultats aux tests de mathématiques--- Taiwan, Malaisie, Lettonie,
Russie- utilisent leur propre langue pour enseigner et apprendre les mathématiques (Fredua-Kwarteng,
Ahia 2005a).
Les deux auteurs, qui sont tous deux des professeurs de mathématique, considèrent qu’un élève
ghanéen qui est bon dans sa langue natale ou maternelle pourrait répondre correctement à presque
toutes les questions si elles étaient traduites dans la langue natale de l’élève. Ils savent que la langue
d’enseignement dans les écoles ghanéennes est une question controversée. Et ils poursuivent :
Certains ghanéens prennent comme théorie qu’une personne s’améliore dans une langue étrangère en
l’utilisant souvent et sur une longue période. Si on applique ce type de raisonnement au cas qui nous
intéresse, nos élèves de huitième année s’amélioreront en montant de classe et atteindront la maîtrise de
l’anglais nécessaire pour la résolution de problèmes. Néanmoins, il est malheureux que la plupart de ces
élèves décrochent psychologiquement en mathématiques avant d’acquérir la maîtrise de l’anglais !
Certains ghanéens soutiennent même qu’utiliser l’anglais comme support d’enseignement permet aux
ghanéens « d’amener » leur formation dans n’importe quel pays anglophone. Mais comme nous l’avons
dit dans un de nos articles sur l’enseignement des mathématiques, les élèves ghanéens du secondaire
s’inscrivant dans les écoles au Canada, ils sont confrontés à deux grands problèmes. Ils doivent trouver
le sens des concepts mathématiques et les mots pour communiquer la signification de ces concepts. Les
élèves asiatiques eux, doivent trouver les mots pour expliquer leur compréhension des concepts
mathématiques. Ceci parce qu’ils ont déjà appris les sens des concepts mathématiques dans leur propre
langue. Quel est donc l’enseignement le plus exportable ? (Fredua-Kwarteng, Ahia, 2005a).
Les auteurs critiquent encore les tests qui sont enracinés dans un environnement occidental,
essentiellement américain, utilisant des concepts non connus au Ghana, comme le mot « parking ».
Leur expérience professionnelle les amène à constater que les élèves ont plus de chance de résoudre
des problèmes mathématiques s’ils peuvent comprendre le contexte culturel du problème. Le contexte
culturel sera traité dans le passage ci-dessous. Il faut dire qu’en octobre 2004 il y a à nouveau eu un
changement de la politique linguistique au Ghana et le nouveau Livre Blanc sur le Rapport du Comité
d’Examen de la Réforme de l’ Education indique que :
Le Gouvernement accepte la recommandation qui veut que la première langue parlée par l’enfant à la
maison et l’anglais langue officielle du Ghana, soient utilisés comme langue d’enseignement en
128/180
Le principe « du connu à l’inconnu » concerne non seulement la langue mais aussi le contenu du
programme. Il est nécessaire de créer un programme culturellement sensible enseigné dans une langue
que les apprenants maîtrisent. Les quatre modèles suivants existent tous en Afrique :
Sur ces quatre modèles, le A est le meilleur bien que malheureusement le moins utilisé, mais nous
montrerons plus tard qu’il est utilisé dans le programme scolaire Village en Namibie. D est le pire des
modèles mais est malheureusement le plus fréquemment utilisé.
Lorsqu’on demande aux professeurs ghanéens de dresser le profil d’un maître du primaire efficace, ils
placent la « maîtrise de la langue locale » « la connaissance et le respect de la culture de l’enfant,
« l’amour et l’attention » sur le même plan que « la maîtrise des matières et des méthodologies”
(Chatry-Komarek, 2003 :33).
Dans sa dissertation de doctorat sur les écoles bilingues au Niger, Chekaraou (2004) écrit que
l’objectif n’était pas seulement d’enseigner dans la langue maternelle des enfants : le Hausa, mais
également de créer un programme culturellement sensible :
Les cours dans les écoles bilingues étaient basés sur des thèmes qui reflètent l’environnement immédiat
des enfants. Discuter de sujets endogènes en classe contribuait au maintien des cultures endogènes. La
discussion a permis aux enfants de voir leur culture sous un angle positif et multiplie les chances de les
voir passer leurs connaissances aux générations suivantes. Par exemple, parler des jeux que les enfants
pratiquent à la maison ainsi que de ceux qui sont pratiqués en ville permet aux enfants de comprendre
l’importance de ces jeux dans la société. De même, l’utilisation de chèvres et de moutons en cours de
maths pour enseigner le calcul contribue non seulement à aider les enfants à valoriser, mais également à
entretenir leurs connaissances préalables. (Chekaraou , 2004 : 342)
La majorité des études montrent que l’utilisation de langues connues ou de langues nationales comme
la langue d’enseignement a également facilité l’intégration des cultures africaines dans les
programmes scolaires, rendant l’enseignement bilingue ou multilingue plus réactif aux besoins des
enfants et des adultes africains. Les enfants qui fréquentent une école utilisant leur langue maternelle
ou une langue connue acquièrent la fierté de leur culture et de leur langue. Au Burkina Faso, au Mali
et au Niger, un des principaux objectifs des écoles bilingues expérimentales est d’aider les jeunes gens
à mieux comprendre leur environnement et leur culture, car on s’attend à ce que la majorité d’entre
eux restent dans leur communauté et contribuent efficacement à son développement socioculturel et
économique. Ces programmes bilingues intègrent les connaissances locales dans les programmes
modernes. Dans chaque pays, les spécialistes de l’éducation ont fait un effort considérable pour
développer un programme multiculturel qui comporte non seulement des connaissances sur les
129/180
cultures nationales et leurs liens les unes avec les autres, mais également des connaissances sur les
cultures régionales. Un autre objectif important de ces programmes est de promouvoir le respect de la
diversité locale, nationale et régionale, une culture de la paix et la tolérance entre les jeunes. Dans ces
pays, les programmes d’enseignement bilingue mettent également l’accent sur l’importance de la
question de l’égalité des sexes (Ilboudo 2003). Au Burkina Faso, le Ministre de l’Enseignement de
Base, un partisan de l’enseignement bilingue, Ouédraogo (2002 :14) déclare que les « Ecoles
Bilingues » ont plusieurs objectifs. Quatre de ces objectifs portent essentiellement sur la promotion
d’un enseignement culturellement approprié dans les écoles et les communautés :
- L’égalité des sexes aussi bien au niveau de l’accès à l’école que du contenu des cours
et de la mise en pratique des métiers appris à l’école
- Le lien entre l’enseignement et la production : les élèves ont des activités
manuelles comme l’agriculture, l’élevage, l’artisanat, la menuiserie, qui sont liées à
l’économie locale. Ces activités font partie des cours dispensés et constituent
également des travaux pratiques permettant d’appliquer les leçons apprises
- La revalorisation de la culture : l’introduction dans les écoles de valeurs culturelles
africaines positives comme la solidarité, l’honnêteté, la tolérance, le travail, le respect
des anciens, le respect de la vie, ainsi que les contes et les proverbes, les chansons et
les danses, la musique autochtone et les instruments de musique traditionnels
- La participation des parents : les pères et les mères participent à l’élaboration du
programme de l’école et à la définition de certains aspects de l’enseignement à l’école
comme la production et la culture.
L’intégration des cultures et des langues des enfants dans les activités du programme a facilité la
participation des parents dans les écoles rurales. Elle permet également une attitude positive des
parents et des élèves envers l’école. Au Nigeria, les élèves qui ont suivi le projet bilingue Ife avaient
de plus amples connaissances sur leur environnement socioculturel et étaient plus actifs que les élèves
des écoles normales où l’essentiel de l’enseignement se fait en anglais (Fafunwa et al. 1989; Dutcher
et Tucker 1995 : 13 et Bamgbose 2005).
Ilboudo (2003) a mis en avant une réalisation importante qui peut expliquer l’efficacité des dites
« Ecoles Bilingues » au Burkina Faso. Il constate un apprentissage culturel plus important chez les
élèves et une plus grande productivité socio-économique des « Ecoles Bilingues ». Il déclare que les
élèves profitaient de ces écoles sur divers plans. Les projets économiques comme l’élevage ont aidé
les élèves à apprendre diverses matières et à intégrer le système de connaissances locales dans
l’enseignement de base formel. De plus, les élèves ont pu en tirer quelques bénéfices financiers. Voir
le Tableau 4 ci-dessous. Cette activité a aidé les maîtres à enseigner des matières comme les sciences
sociales, la biologie (reproduction) et les mathématiques dans un contexte qui leur parle. En achetant,
en élevant et en vendant des chèvres, des moutons et des poulets, les enfants apprennent comment se
pratique l’élevage dans leur culture et dans le monde moderne. Ils apprennent de nouvelles méthodes
pour moderniser certaines activités socio-économiques qui se pratiquent dans leur propre
communauté. La scolarisation devient plus pertinente, non seulement pour les enfants qui apprennent
en mettant la main à la pâte, mais également pour les parents qui bénéficient de la contribution de
leurs enfants à toutes les activités socio-économiques et culturelles.
Nous devrions rappeler aux lecteurs que l’un des principaux objectifs de cette innovation scolaire est
de préparer les élèves à devenir des citoyens plus productifs et actifs dans leurs communautés. Les
activités culturelles, pastorales et agricoles font partie du programme scolaire. En incluant les
réalisations culturelles et socio-économiques dans leurs rapports officiels, les promoteurs des “Ecoles
Bilingues” ont clairement insisté sur la nécessité de passer d’une évaluation traditionnelle de l’école
qui s’intéresse essentiellement aux résultas des tests de compétence, à des méthodes d’évaluation plus
holistiques. Ce type d’évaluation porte sur d’autres aspects très importants comme la capacité des
élèves à démontrer la solidité des connaissances acquises à l’école grâce aux travaux pratiques. Cet
aspect doit être pris en compte et retenu pour qu’il permettre une réforme indispensable qui transforme
l’éducation en Afrique.
Le programme scolaire est lié à la culture de l’apprenant. La langue d’enseignement est la langue
locale Ju/’Hoan. Les enfants Ju/’hoansi San sont réputés pour ne pas aller à l’école, mais ils
fréquentent le Programme Ecole de Village de la Fondation Nyae Nyae. Cela s’explique peut-être par
la sensibilité culturelle du programme. Une des raisons pour lesquelles les Ju/’hoansi San ne voulaient
pas que leurs enfants fréquentent l’école était que celles-ci pratiquaient les punitions corporelles (Ces
punitions sont maintenant interdites par la loi dans les écoles namibiennes). Les punitions corporelles
sont une pratique qui va totalement à l’encontre de la culture Ju/’hoansi San. Dans le Programme
Ecole de Village jamais de telles punitions n’ont été pratiquées. Lorsque les apprenants commencent à
s’ennuyer ou à s’agiter, on arrête simplement le cours. Ils font alors autre chose ou terminent
simplement les cours là (Brock-Utne, 1995 ; Brock-Utne, 2000).
D’après une communication personnelle de la Fondation Nyae Nyae, les 220 enfants de l’Ecole de
Village sont beaucoup plus avancés que les autres apprenants parce qu’ils apprennent dans leur langue
maternelle et sont exposés à un matériel pédagogique culturellement sensible et à des maîtres que
chacun respecte (Brock-Utne, 1995; Brock-Utne, 2000). La production de matériel pédagogique a été
réalisée dans le cadre du programme et l’accent a été fortement mis sur l’élaboration d’un programme
local. Joachim Pfaffe (2002) note qu’au cours du projet, on a préparé des guides d’alphabétisation de
la langue Ju/’hoan, basés sur les histoires traditionnelles du peuple Ju/’hoan. Celles-ci ont été
rassemblées dans les villages de Nyae Nyae par les maîtres mêmes des élèves. Lors du processus de
développement des lecteurs, les histoires d’origine ont été accompagnées par des illustrations et
didactiquement adaptées pour démarrer l’alphabétisation. Pfaffe explique comment :
Après la production des livres d’alphabétisation en Ju/’hoan, leur traduction ultérieure en anglais a mis
en valeur la richesse culturelle du peuple Ju/’hoan, l’ouvrant à un plus large auditoire. De plus, la
traduction anglaise offre la possibilité d’enseigner l’anglais comme langue étrangère (Pfaffe, 2002 :
161).
131/180
Les 220 enfants de l’école sont nourris par le Programme Alimentaire Mondial (World Feeding
Program) et reçoivent un âne et une charrette47 en guise de moyens de transport.
La plus grande menace qui pèse sur l’adoption de programmes adaptés au contexte local et basés sur
les systèmes de connaissances locales, est la réintroduction des examens créés par l’occident, souvent
par le Cambridge Examination Syndicate pour l’Afrique anglophone. Les professionnels de
l’éducation savent que ceux qui élaborent les tests et décident des examens à faire passer sont en fait
ceux qui décident le programme. Il importe peu que les directives du programme stipulent que les
enfants doivent apprendre à coopérer, apprendre à labourer la terre ou à aider les voisins, si tout ceci
est mesuré par des tests qui portent sur le comportement individuel et des compétences cognitives
individuelles restreintes. Ces comportements et ces compétences deviennent alors le programme ; ils
deviennent ce que les enfants apprennent. Dans l’idéal ce devrait être l’inverse : un pays décide
d’abord quel enseignement il souhaite pour ses citoyens, puis décide comment évaluer s’il y a eu
acquisition des compétences souhaitées. Le premier Président de la Tanzanie, Julius Nyerere, le
mwalimu, a clairement exprimé cette idée dans sa directive d’orientation publiée en mars 1967 et
intitulée Education pour l’autonomie :
Les examens que passent aujourd’hui nos enfants sont basés sur une norme et une pratique
internationales qui se sont développées sans tenir compte de nos problèmes et besoins particuliers. Nous
devons maintenant réfléchir d’abord à l’enseignement que nous souhaitons offrir, et une fois cela fait,
voir si un certain type d’examen pourrait venir sanctionner une phase d’enseignement. Cet examen
devrait alors être conçu pour convenir à l’enseignement dispensé (Nyerere, 1968 : 63).
Dans la même directive d’orientation, Nyerere note que pour l’éducation que la Tanzanie
indépendante veut instaurer, « l’objectif n’est pas d’offrir une éducation moins bonne que celle
dispensée actuellement. L’objectif est d’offrir une éducation différente » (1968 : 63). Il souhaitait que
le système d’éducation de Tanzanie insiste sur l’effort de coopération et non le progrès individuel, et
mette l’accent sur les concepts d’égalité et de responsabilité (1968).
Nyerer a mis le doigt sur un fait que tous les spécialistes de l’éducation connaissent ; notamment que
ce sont les examens qui décident des programmes. Ce qui est mesuré dans les tests qui comptent pour
un avancement dans le système, c’est ce que les élèves vont essayer d’apprendre quoique le maître
essaie d’enseigner. Les manuels importés pourraient être utilisés de façon créative par le maître afin
d’insister sur le programme local lorsque les examens sont préparés localement. Des examens
importés ne permettraient pas de travailler sur un programme local.
Le chercheur finlandais Tuomas Takala (1995), qui a mené une étude sur la fourniture des manuels
scolaires en Zambie, au Mozambique, et en Namibie, note que l’importation de manuels scolaires est
importante dans ces pays, en particulier au niveau du secondaire. A propos de leur influence, il
remarque :
Lors des discussions de politique, l’influence externe découlant de l’utilisation de livres étrangers a
quelquefois été critiquée, mais il s’agit surtout de la préférence donnée aux examens du secondaire de la
47
Lors d’un voyage dans le désert du Kalahari au Botswana début septembre 1997, Brock-Utne (1997b). rencontra
à nouveau un groupe d’enfants du peuple San, les Basarwa, et se dit qu’il aurait été bien mieux pour eux de
bénéficier de l’enseignement offert par la Fondation Nyae Nyae de Namibie. Les enfants Basarwa vivaient dans des
hôtels proches de l’école très éloignée du domicile des parents et l’enseignement était dispensé dans des langues
qu’ils ne comprenaient pas. La nourriture qui leur était offerte était de qualité nutritionnelle médiocre.
132/180
métropole ou à des versions adoptées de ces examens, par rapport aux examens élaborés localement.
(Takala, 1995 : 164)
Brock-Utne (2000) mentionne lors d’une discussion sur les examens en Afrique que Pai Obanya
affirme que l’une des plus belles réussites du travail sur les programmes des pays anglophones
d’Afrique de l’Ouest dans les années qui ont suivi l’indépendance a été l’instauration d’examens basés
sur les programmes scolaires élaborés localement par les centres de préparation des programmes en
Afrique. L’accent à nouveau mis par les bailleurs de fonds sur « les niveaux scolaires »48 , pourrait
bien selon Angela Little (1992) signifier des niveaux et des tests occidentaux.49
Les bailleurs de fonds de l’Education africaine ont en 1989 créé un Groupe de Travail sur les Examens
Scolaires (GTSE) conduit par l’agence irlandaise pour le développement le HEDCO pour
« encourager la coordination et la collaboration pour l’élaboration de systèmes d’examens nationaux
qui serviraient de mécanisme pour améliorer l’enseignement primaire et secondaire en Afrique
subsaharienne » (Lynch, 1994 : 10). Le GTSE a élaboré un programme spécifique au pays sur cinq
ans, renseigné le coût des plans d’action pour l’amélioration des systèmes d’examens dans quatorze
pays sub-sahariens. Il voulait également « attirer l’attention sur le rôle des examens dans
l’amélioration de l’enseignement primaire et secondaire » (Lynch, 1994 : 10). Le GTSE constate qu’il
a réalisé ses objectifs mais conclut : Il est nécessaire et continuera d’être nécessaire d’apporter une
aide aux systèmes d’examen africains par le biais de conseils, d’assistance technique et de formation »
(p.10).
L’assistance technique recherchée viendra très probablement du Nord, d’un des pays « bailleur de
fonds », même si comme le dit Pai Obanya, il existe un corps de personnes compétentes pour élaborer
des programmes et des tests en Afrique. La (es) personne(s) venant d’un pays bailleur de fonds pour
aider un pays africain à élaborer des tests scolaires devra (ont) connaître la culture du pays, de
préférence parler une ou plusieurs des langues africaines parlées dans la région, connaître l’idéologie
de l’état en matière d’éducation, connaître le programme qu’ils ont développé (ou sont en train de
48
Lorsque la Banque mondiale (1988a) dit que les niveaux scolaires sont faibles dans les pays africains, elle le dit
par rapport aux mauvais résultats que les élèves africains ont obtenu aux tests élaborés par l’Occident, par exemple
l’IEA (Association Internationale pour l’Evaluation du Rendement Scolaire). Ces tests sont une émanation de la
culture occidentale et impliquent des concepts occidentaux. La majorité des élèves africains qui doivent les passer,
doivent souvent le faire dans leur seconde et même leur troisième langue, alors que la plupart des élèves des pays
industrialisés les passent dans leur langue maternelle. Les tests de compréhension de la lecture, de sciences
générales et de mathématiques de l’IEA (Association Internationale pour l’Evaluation du Rendement Scolaire)
appliqués à certains pays africains et auxquels la Banque fait référence dans son document EPSSA de 1988, ont
amené la Banque Mondiale à tirer la conclusion suivante : « la qualité de l’éducation en Afrique sub-saharienne est
bien en dessous des niveaux mondiaux » (Banque mondiale, 1988a : 40). Les chercheurs africains dans l’éducation
sont extrêmement sceptiques lorsqu’il s’agit d’évaluer les élèves africains avec une batterie de tests utilisés de façon
transnationale par des organisations telles que l’IEA qu’ils perçoivent comme « issue de milieux culturels très
spécifiques dans les pays industrialisés du nord » (Ishumi, 1985 : 13).
49
La chercheuse danoise Joan Conrad a étudié les effets d’un programme d’éducation de base mis en place au
Népal, conséquence de l’engagement des bailleurs de fonds dans l’enseignement de base suite à la conférence de
Jomtien. Elle admet que les agences de bailleurs de fonds du Nord peuvent avoir les meilleures intentions
lorsqu’elles s’embarquent dans un projet comme le Programme d’Education de Base et Primaire (PEBP), (Basic
and Primary Education Program (BPEP)), lancé au Népal en 1992. Elles se sentent engagées « à améliorer la
qualité de l’enseignement et à répondre aux besoins de l’Education de base au Népal » (Conrad, 1994 : 1). Mais
l’expression « qualité de l’enseignement » est chargée d’idéologie. Les principales composantes du projet portent
sur l’élaboration du programme et la production de manuels scolaires ainsi que l’amélioration du système
d’examens généraux. Des efforts spécifiques seront faits pour élaborer un examen efficace pour la cinquième
année, en fonction de critères prédéterminés.
Le PEBP présente un programme modèle considéré de façon générale comme universellement valable pour
améliorer la qualité de l’éducation dans les pays en développement, sans lien avec les conditions culturelles
caractéristiques des pays. Conrad, qui est fortement critique à l’égard du PEBP au Népal, se plaint : « la grande
similitude de ces programmes est alarmante » (Conrad, 1994 : 20).
133/180
développer), et être conscient des espoirs des parents et des enfants pour l’avenir.50 Angela Little
(1992) a analysé les tensions entre les normes externes et les cultures internes. Les définitions
culturelles des niveaux nécessaires des résultats d’apprentissage varient ; ainsi que celles des stratégies
utilisées pour les évaluer. Elle constate une tendance croissante à l’internationalisation des cibles et
des pratiques de l’évaluation scolaire et demande :
Si « les normes internationales » qui dans de nombreux cas [dans le contexte africain] signifient « normes
externes » produites par l’Occident commencent à l’emporter sur les normes nationales et sub-nationales,
quelles seront les implications pour les programmes établis en fonction des caractéristiques nationales et
culturelles ?
Est-ce qu’une technologie internationalisée pour l’évaluation de l’éducation pourra permettre d’entamer
une réforme internationalisée du programme ? De combien cela amplifiera-t-il le fossé entre la culture de
ceux qui contrôlent l’éducation et qui élaborent les tests et les programmes (i.e., « les spécialistes
supranationaux de l’éducation») et la culture de l’enfant dont l’apprentissage est l’objectif ? (Little, 1992 :
20).
Mais, le fait que les examens ont une si grande influence sur le programme est également une occasion
pour les spécialistes de l’éducation avisés et travaillant au Ministère de l’Education et dans les
Conseils Nationaux d’Examens de suivre et d’analyser les examens et d’utiliser cette analyse pour
élaborer des examens différents qui prendront mieux en compte le programme local. Il peut ainsi y
avoir une indigénisation du programme. Nous allons nous intéresser à de bons exemples de contrôle
des examens pris en Namibie.
Des tentatives ont été faites il y a une dizaine d’années en Namibie, un pays qui venait à l’époque
d’acquérir son indépendance, pour contrôler la partialité culturelle ou vis-à-vis du genre des examens
nationaux (MEC/NIED, 1994). Ce contrôle des examens est assez impressionnant et peut servir
d’exemple aux autres pays africains.
Le contrôle du certificat d’examen du premier niveau du secondaire en 1993 a montré par exemple,
que l’examen en sciences de l’habitat a une tendance culturelle à porter sur le mode de vie urbain et la
nourriture européenne. Toutes les illustrations étaient européennes et les exemples d’intérieurs étaient
européens ; toutes les recettes de cuisine étaient européennes. Dans le questionnaire d’examen, rien
n’indiquait qu’il concernait l’Afrique ou la Namibie. Quand on est passé au questionnaire d’examen
sur l’art on a constaté que seuls 16% des points attribués aux réponses concernaient la Namibie ; 84%
des notes portaient sur l’histoire de l’art européen. Le document de contrôle conclut :
Avec une [attention] seulement symbolique à l’art namibien ou africain, cet examen contribue à
culturellement déshériter la Namibie, ce qui est fortement critiqué dans les documents du Ministère, et à
contrer la politique du Ministère. Le questionnaire d’examen dans son ensemble est dépourvu de toute
prise de conscience par rapport au genre. (MEC/NIED, 1994 : 9)
50
Comme le constate également le chercheur en éducation danois Spæt Henriksen lorsqu’il décrit un projet de
programme auquel participant les danois, dans une autre partie du monde, la Lituanie : « Il ne devrait pas être
possible de s’embarquer dans un projet qui se définit comme « une aide à l’autonomie » sans essayer de
comprendre autant que faire se peut la culture du pays, son histoire, et la structure et le contenu de son éducation"
(Henriksen, 1993 : 71 ma traduction).
134/180
De même, le questionnaire d’examen en musique fait preuve d’une terrible partialité culturelle. Sur les
100 points à marquer, 74 concernaient la musique spécifiquement européenne, 10 la musique
spécifiquement africaine et 16 une musique plus ou moins neutre sur le plan culturel. Les seuls
compositeurs cités étaient des hommes. Les félicitations vont au questionnaire d’histoire qui
encourage la sensibilisation à l’histoire namibienne et africaine51.
Comme nous l’avons dit, une bonne partie de l’enseignement dans les classes africaines se fait en
passant d’une langue à l’autre. Les maîtres oscillent entre la langue officielle et la langue locale que
parle l’enfant. Ils le font pour que les enfants comprennent la matière enseignée. Même si cette
stratégie d’enseignement est dévalorisée et même interdite dans certains endroits, elle peut se révéler
une stratégie intelligente et bonne sur le plan pédagogique. Le problème est que si les élèves répondent
aux examens dans leur langue maternelle ou locale, ils marqueront 0 point même si leurs réponses sont
correctes. Leketi Makelela (2005) écrit sur le même problème dans les écoles sud-africaines. Les
enseignants utilisent les langues africaines des élèves pour enseigner, mais pour passer les examens,
seules les réponses rédigées en anglais ou en afrikaans sont acceptées.
Dans une étude, Safarani Kalole (2004) constate que dix huit sur vingt trois correcteurs d’examens et
huit sur dix des agents interrogés au NECTA (Conseil National des Examens de Tanzanie) étaient
favorables à l’adoption du Kiswahili comme langue d’enseignement en secondaire pour remplacer
l’anglais. Ce sont des personnes qui plus que quiconque en Tanzanie connaissent les difficultés que
rencontrent les élèves avec une langue d’enseignement étrangère. Toutes les personnes interrogées ont
admis que la mauvaise connaissance de l’anglais semble être le principal facteur qui joue sur les
performances des candidats lors des examens finals. On pourrait penser qu’une étude comme celle-ci
aurait un impact sur le climat politique.
5.9 Conclusion
L’analyse des études disponibles devrait apporter suffisamment de preuves pour mettre un terme à
l’impossible débat sur l’efficacité de l’utilisation des langues africaines comme le langue
d’enseignement (Heugh 2000; Ouane 1995). Les études montrent qu’il y a un apprentissage actif dans
les programmes où l’enseignement se fait dans les langues africaines que connaissent les enfants et les
enseignants. Cependant, l’utilisation de langues connues n’est pas à elle seule une garantie de réussite.
D’autres facteurs sont également importants, comme la présence d’enseignants formés et disposant de
matériel pédagogique de qualité basé sur la culture des élèves. Les examens doivent refléter les
programmes locaux. Les élèves doivent obtenir des points pour les bonnes réponses même si celles-ci
ne sont pas formulées dans la langue officielle d’enseignement. Pour que l’apprentissage se fasse dans
les écoles africaines, les décideurs et les spécialistes de l’éducation doivent travailler dur pour
transformer le système d’éducation actuel. Il faut s’éloigner du modèle d’éducation de la banque et des
livres qui est le résultat d’un enseignement dans une langue que les enseignants et les élèves ne
51
Cependant, la feuille d’examen en histoire a été critiquée pour avoir occulté les femmes et leur contribution à
l’histoire. Lorsque l’on passa à la feuille d’examen en comptabilité, elle portait sur un certain nombre de cadres
culturels mais presque toutes les personnes citées étaient des hommes.
135/180
connaissent pas bien, pour aller vers un modèle d’éducation plus actif, stimulant et transformant, basé
sur les réalités africaines et les besoins de l’Afrique en matière d’éducation et qui est dispensé en
langues africaines.
5.10 Recommandations
1. Il faudrait entreprendre des études pilotes avec une langue africaine familière comme langue
d’enseignement au-delà de la troisième année d’école primaire. Le plus simple serait
d’entamer ces études dans des pays qui utilisent déjà une langue africaine familière comme
Ld’E au cours des trois premières années de scolarité
2. Il faudrait entreprendre des études pilotes avec une langue africaine familière comme langue
d’enseignement dans les écoles secondaires. Le plus simple serait d’entamer ces études dans
des pays qui utilisent déjà une langue africaine familière comme Ld’E tout au long de l’école
primaire comme en Tanzanie et en Ethiopie.
4. Il faudrait faire un contrôle du contenu culturel des examens. Lors des examens, les enfants
devraient être autorisés à répondre dans la langue dans laquelle ils se sentent le plus à l’aise.
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Aliou Boly
6.1. Introduction
L’éducation non formelle dans la plupart des pays africains est née de l’incapacité des services publics à faire
face aux demandes sociales d’Education. Plusieurs facteurs expliquent cet échec. Parmi ces facteurs, certains
sont fréquemment mentionnés :
• La crise du système d’éducation formelle mise en évidence par un taux élevé de redoublements et
d’abandons dû à un système d’éducation obsolète et incongru hérité des puissances coloniales
(d’Almeida et al, 2004).
• Un segment important de la population n’a pas la possibilité d’accéder à l’éducation formelle (J
Marchand 2000).
• Un taux de croissance démographique élevé qui entraîne une demande sociale d’éducation non
satisfaite
• La restriction du budget de l’éducation en raison des contraintes macro-économiques.
L’éducation non formelle en Afrique, née du désir de réaliser l’Education Pour Tous, est depuis longtemps au
centre des discussions, politiques et des actions internationales, nationales et locales. Les Gouvernements, les
ONG internationales et nationales, et les associations locales ont tous essayé de s’attaquer au casse-tête que
constitue le développement des compétences de lecture, d’écriture et de calcul chez les populations vulnérables.
Les résultats sont mitigés. Quelques modèles performants ont été testés; certaines communautés et élèves sont
très contents. Cependant, au regard des efforts et des investissements dans le secteur, l’impact a été limité et la
satisfaction partielle.
Ce document examine une série de modèles d’ENF en Afrique et la place de la Ld’I dans ces modèles, et
identifie les facteurs limitant l’impact de l’ENF. Une nouvelle approche de l’ENF est proposée basée sur les
pratiques du terrain et les leçons dégagées.
Il existe de nombreux modèles différents d’éducation non formelle en Afrique qui vont de ceux qui sont une
réplique très proche du système scolaire formel à ceux qui évoluent totalement en dehors de toute éducation
formelle. Les utilisations des langues sont également très différentes dans ces modèles.
Certains efforts de l’éducation formelle ont pour but de permettre aux enfants qui autrement ne seraient pas
scolarisés de trouver une voie pour entrer dans le système scolaire formel. En termes de Ld’I, l’analyse de la
littérature actuelle révèle que ces centres d’ENF utilisent soit les modèles soustractifs, soit les modèles de sortie
rapide.
L’école COPE en Ouganda (Brock-Utne, 1997 c, Hess 1999) appartient à ce type. COPE est une initiative
conjointe du gouvernement et de l’UNICEF dont l’objectif est d’offrir une réponse au niveau communautaire au
développement des compétences fondamentales nécessaires pour la lecture, le calcul et la vie chez les enfants qui
n’ont pu entrer dans les écoles formelles du gouvernement. COPE s’intéresse aux enfants de 8 à 14 ans qui sont
«vulnérables » (orphelins, handicapés, ceux vivant dans la pauvreté). Le programme s’inspire de celui du
système scolaire formel - cinq années condensées en trois.
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Ce qui fait l’attrait de COPE c’est sa souplesse. Les enfants ne vont à l’école que le matin et l’heure de
commencement est flexible, permettant aux enfants d’aider à la maison avant d’aller à l’école. Pour les familles
démunies, cet élément est important, car le travail de l’enfant à la maison est nécessaire et souvent un obstacle à
la scolarisation des enfants dans une école formelle. Etre scolarisé pendant seulement trois ans est également un
atout pour eux.
Les enfants sont en général contents des écoles, mais comme leurs parents ils souhaiteraient voir l’école évoluer
pour ressembler plus aux écoles formelles. Si en théorie les enfants peuvent assez facilement passer dans les
écoles formelles, les obstacles qui à l’origine ne leur permettaient pas de fréquenter le système scolaire formel
restent toujours d’actualité. (Ces obstacles sont financiers.) Avec 35% d’orphelins chez les enfants scolarisés, et
une majorité d’autres venant de familles très démunies, même avec une scolarité gratuite, les coûts des
uniformes, des fournitures et de la perte du travail des enfants à la maison sont prohibitifs pour les familles. Par
conséquent, seuls 7,5% des enfants passent à l’école formelle; et les autres arrêtent simplement l’école.
Les communautés jouent un rôle clé dans la gestion des écoles. Elles construisent les locaux de l’école, et elles
paient les professeurs.
Les centres COPE utilisent les modèles soustractifs. La langue d’enseignement dans les écoles COPE est la
langue officielle/étrangère, l’anglais, et les manuels scolaires sont tous en anglais, même en première année,
bien que la politique de l’Ouganda stipule que la langue maternelle doit être le moyen d’instruction pendant les
quatre premières années.
Les Ecoles Satellites (ES) au Burkina Faso (Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation/
UNICEF 2002) sont aussi établies selon le modèle des écoles primaires formelles. Elles ont été créées comme un
moyen d’élargir l’accès aux écoles formelles. Les écoles satellites sont situées dans des régions qui n’ont pas
accès à l’éducation et sont rattachées à des « écoles – mères » où sont envoyés au bout de trois ans passés dans
les ES, les enfants plus âgés qui peuvent marcher et parcourir des distances plus importantes pour poursuivre
leur scolarité. La responsabilité de la gestion des ES incombe aux communautés qui en supervisent la gestion au
quotidien, mais contrairement aux centres COPE, elles ne paient pas les salaires des enseignants qui sont payés
par le gouvernement. Les ES s’intéressent aux enfants âgés de 6 à 8 ans, et leur objectif est de préparer les
enfants à passer dans le système scolaire formel au bout de trois ans. Elles présentent plusieurs différences avec
les écoles primaires « classiques ».
Le programme est en fait le même que celui des écoles formelles, sauf que l’ES utilise le modèle de sortie
précoce. En 1ère et 2ème année d’école, le Md’I est la langue maternelle (LM) de l’apprenant ou la langue
autochtone dominante de la région. La langue officielle/étrangère, le français, est enseignée comme matière
pendant les deux premières années. En 3e année, le français devient le moyen d’instruction, et la langue
maternelle une matière enseignée. En 4e année, la langue maternelle disparaît totalement du programme. Les
études montrent que les enfants qui s’inscrivent dans le système formel après avoir fait trois ans d’ES ont de
bons résultats, quelquefois même meilleurs que ceux qui ont commencé à l’école formelle avec le français
comme seul Ld’I dès le début.
L’exemple du Shepard School Program du Ghana (SSP), (Mfum-Mensah) lancé par Action Aid et qui
propose une éducation non formelle aux communautés pastorales, reproduit aussi de très près le programme de
l’école formelle. Le SSP suit le programme et la structure de l’école formelle et utilise un modèle de sortie
précoce.
Les différences avec les programmes des écoles formelles sont les suivantes :
• L’emploi du temps et les horaires sont flexibles pour tenir compte du travail des enfants
• Les facilitateurs (enseignants) sont engagés localement par les comités locaux (mais payés par
Action Aid) et sont issus de la communauté ;
• La gestion du SSP est déléguée aux comités locaux
• Les premières années d’enseignement se font en langue locale
• Le SSP intègre la culture locale dans le programme
Conçu pour permettre une « passerelle » vers le système scolaire formel, utilisant la LM comme Md’I avec
l’anglais introduit plus tard, il a en fait contribué à améliorer l’accès à la scolarisation chez les enfants du nord du
Ghana. Le SSP a tissé de solides relations positives à l’intérieur de l’école et avec la communauté en raison de
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l’utilisation de la L1 comme Md’I, et du fait que le programme inclut également des aspects socio culturels de la
vie des communautés. Cependant, il conserve l’objectif de l’école formelle qui est de produire des diplômés
occupant des postes salariés dans les zones urbaines plutôt que d’aider à développer la communauté dans
laquelle ils vivent.
L’école Rehema du Kenya (Ruto, 1999) a au départ été créée pour des adultes. Cependant, après avoir constaté
que beaucoup d’enfants non scolarisés souhaiteraient l’être, Rehema a changé de cible. Rehema a un programme
qui dure sept ans, avec un programme qui s’inspire du système scolaire formel auquel ont été ajoutées d‘autres
matières comme l’éducation sociale et l’éthique, la science de l’habitat, la musique, le théâtre et l’éducation
physique, le commerce et les droits des enfants. Rehema suit un modèle d’enseignement soustractif, et la langue
officielle/étrangère est le moyen d’instruction, l’anglais.
Les enfants venaient en nombre de plus en plus important, mais le taux de rétention était faible. Il y avait
beaucoup d’abandons. Certains (10%) sont passés dans une institution d’éducation formelle. Cependant, les
enfants qui passaient par l’école Rehema ne savaient pas très bien quelle voie suivre par la suite. Pour reprendre
les termes mêmes d’un enseignant : (Ruto 1999 : p 262) « ceux qui abandonnent l’école (formelle) au Kenya
vont dans l’ENF, ceux qui abandonnent l’ENF vont dans la rue.» Les parents et les élèves ont exprimé le souhait
que Rehema rajoute une année pour préparer les enfants aux examens de l’école formelle. Réussir l’examen
donne droit à un certificat reconnu. Donc, bien que l’école ait répondu aux besoins d’éducation des enfants
vulnérables et leur ait enseigné les compétences de base, elle n’a pas suscité un intérêt suffisant pour que les
enfants restent et poursuivent leurs études. Si les enfants avaient eu une idée plus claire de ce vers quoi
l’éducation les mènerait, le taux de rétention aurait pu être plus élevé.
Au Sénégal, selon J. Marchand (2000), le Ministère de l’Education de Base et de la Langue Nationale a lancé les
écoles communautaires comme solution au problème de l’accès. Les écoles communautaires représentent un
peu moins de 10% des élèves scolarisés. Le Md’I dans ces écoles est la langue autochtone régionale dominante
et la communauté reste libre de décider quelle est la langue utilisée comme Md’I. Dans ces écoles le français est
introduit progressivement et devient le Md’I.
Au Mali, les écoles communautaires, y compris les écoles de village représentent près de 10% des enfants
scolarisés. Les écoles communautaires s’intéressent aux enfants de 6 –12 non scolarisés. Les écoles de village
comme les écoles communautaires sont divisées en deux sous groupes : le premier groupe d’écoles utilise le
modèle soustractif. L’enseignement est dispensé dès le départ dans la langue officielle/étrangère, le français.
L’objectif principal de ces écoles est de permettre aux enfants d’acquérir les aptitudes à la lecture, à l’écriture et
au calcul de base, pour qu’ils puissent passer dans le système d’éducation formelle.
Le deuxième groupe d’écoles utilise le modèle de sortie précoce. L’enseignement est dispensé en dans la LM des
apprenants pendant la première et la deuxième année d’école avec l’introduction progressive de la langue
officielle/étrangère, le français. L’objectif est également de transférer les enfants vers le système d’éducation
formelle. En plus des aptitudes de base en lecture, écriture et calcul, les enfants fréquentant ces écoles intègrent les
valeurs sociales et culturelles ainsi que l’histoire de leur village.
Au Togo, les écoles communautaires connues sous le nom d’ EDIL (Ecole d’Initiative Locale) recueillent
plus de 10% des enfants inscrits en première année (dans la région nord du Togo, les EDIL représentent 14% du
total des inscriptions). Les EDIL utilisent le modèle soustractif, le Md’I est le français et, chaque fois que
possible le gouvernement du Togo transforme l’EDIL en école primaire publique.
pendant la 1ère année. En 2e année on introduit la langue officielle/étrangère. Les deux langues sont utilisées tout
au long des quatre années de scolarité.
Bien que ces centres soient devenus un élément important de l’éducation au Burkina, il existe encore beaucoup
de problèmes au niveau de l’application du programme. Beaucoup d’enfants abandonnent les centres (jusqu’à
60% dans une même école) et beaucoup de parents accordent plus de priorité à l’aide que les enfants apportent à
la maison (en particulier pour les filles) qu’à leur participation en classe. Le travail saisonnier dans les champs
de leurs parents est également un facteur important qui explique le faible taux de rétention.
Quant aux instructeurs, les garder et maintenir leur motivation a été un gros problème: ils travaillent avec
quelquefois trois classes en même temps, sont moins payés que les enseignants des écoles primaires formelles,
sont mal formés et mal équipés pour remplir leur fonction, tout particulièrement l’aspect bilingue du programme.
Le Sénégal présente deux autres modèles d’éducation non formelle. Le premier est celui des Ecoles
Communautaires de Bases (ECB) dont l’objectif est d’offrir une formation professionnelle aux enfants.
Cependant, les ECB au Sénégal sont caractérisées par un taux élevé d’abandons en raison essentiellement de la
non pertinence des programmes, des attentes non satisfaites des enfants et de l’absence d’objectifs clairement
définis.
Le Sénégal présente un second modèle (Fagerberg-Diallo, 2002). L’étude de cas fait état d un « mouvement »
d’alphabétisation à Pulsar qui était communautaire. Il existe un intérêt croissant pour l’apprentissage de la
lecture et du calcul, et ce n’est pas en raison de la « fonctionnalité et des incitations économiques » mais plutôt
parce que le « lien qui a été créé entre l’identité culturelle, la langue et l’alphabétisation … est un instrument
permettant de réaliser l’objectif » de redynamiser leur culture.
Beaucoup de participants ont fait preuve d’un degré important de sacrifice personnel (économique, social,
financier) dans l’intérêt de l’éducation non formelle. Les participants ont vu l’impact appréciable de l’éducation
sur leur communauté, comme moins de violence dans le village, une plus grande autonomie personnelle, et une
plus grande cohésion et interaction sociales – des valeurs appréciées et que partage la communauté. Ainsi, ceci
constitue un véritable modèle géré par la communauté où l’éducation sert les objectifs locaux qui sont très
différents des objectifs standard de nombreuses initiatives dans l’éducation.
Au Mali, les Centres d’Education pour le Développement (CED) ont été créés au départ pour offrir une
formation professionnelle aux enfants de 9 à 14 ans. La formation dure quatre ans et le Md’I est la L1 des
enfants. Selon une analyse de J Marchand (2000), le taux d’abandon au cours de ces quatre années de formation
au CED est extrêmement élevé, en particulier chez les filles au cours de la 4ème et dernière année de scolarité. La
principale raison de ces abandons est l’absence de formation professionnelle ciblée. Dans certaines
communautés, les CED sont quelque peu perçues comme formant de futurs « chômeurs ».
Aussi variés que soient les divers modèles d’ENF, les facteurs de réussite présentent des points communs très
importants.
Dans presque tous les systèmes, la communauté a accueilli l’école ou le centre avec enthousiasme. Les enfants
ont été inscrits et les communautés se sont impliquées. Un facteur important comme nous l’avons dit ci-dessus
était un plus grand accès à l’éducation. Ceci illustre le besoin d’éducation fortement ressenti par les parents
comme par les enfants.
Le SSP du Ghana a rapproché les classes des populations pour qui la distance était un facteur majeur à l’origine
de la faible scolarisation. Les écoles nomades du Kenya n’imposent pas d’uniforme afin de réduire les coûts, ont
des horaires flexibles pour permettre aux enfants d’effectuer les tâches économiques indispensables à la maison
tout en poursuivant leur scolarité, et accordent des délais de règlement flexibles pour le montant minime de frais
d’inscription. Les CENHF et les ES du Burkina sont plus proches des populations visées qui autrement
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n’auraient pas accès à l’école pour des raisons géographiques et, s’intéressent également aux enfants plus âgés.
Ce sont tous des facteurs considérés importants pour encourager les parents à envoyer leurs enfants à l’école.
De nombreux programmes différents ont été élaborés et sont considérés comme un succès bien qu’utilisant
différents critères de réussite en fonction des objectifs spécifiques. Par exemple, les écoles pastorales du Ghana
ont bien réussi au niveau des innovations pédagogiques encourageant l’apprentissage des élèves, et de plus
fortes relations maître/élève. Les programmes d’alphabétisation Pulaar ont réussi à promouvoir la culture et la
langue Pulaar qui constituait l’intérêt premier des apprenants, mais être dans une classe où le maître est patient,
encourageant, jamais humiliant permet aux apprenants de développer leur confiance en eux-mêmes.
Une étude de cas de l’éducation pour les populations nomades du Kenya montre que les écoles qui prennent en
compte les besoins culturels et les besoins de la communauté au niveau du travail, et élaborent des programmes
qui incorporent la dimension genre peuvent donner de bons résultats dans des régions géographiques où il
existait auparavant de nombreux obstacles à l’éducation formelle.
La réussite est déterminée par les résultats perçus par les élèves et par leurs familles. Plus de confiance en soi,
une sensibilisation plus grande à leur culture, une plus grande cohésion sociale sont les critères pris en compte ;
ils ne sont pas fréquemment utilisés par les gouvernements ou les bailleurs de fonds dans l’évaluation des
systèmes d’éducation non formelle.
Le rôle des langues africaines dans le système d’éducation non formelle joue également une part importante dans
la réussite des programmes. Lorsque l’enseignement est dispensé dans la langue maternelle, les communautés
sont plus impliquées, les enfants apprennent mieux, et les aspects culturels et environnementaux sont intégrés
dans le programme.
Une formation efficace des enseignants reste une difficulté pour la majorité des modèles. Le financement
social est trop limité ou non existant, et de nombreux enseignants ne suivent aucun cours de formation structurée.
Même si les fonds existaient, il n’existe en général pas de structures et les cours de formation à l’ENF au niveau
national. Le Burkina et le Sénégal sont une exception en ce sens que les enseignants suivent une formation pré
emploi offerte par le Ministère de l’Education de base dans les institutions publiques de formation des maîtres.
Cependant, la formation en cours d’emploi et le suivi restent très limités et dans certains cas sont même
inexistants.
Les ressources sont également souvent considérées comme un obstacle à une formation efficace. Pour la
formation professionnelle, l’équipement nécessaire peut être promis sans être jamais réellement distribué. Les
livres sont rares ainsi que les fournitures scolaires de base. Certaines écoles ont même eu des problèmes à offrir
des salles de classes adéquates.
La langue étrangère comme Langue d’Instruction est également un facteur lié aux résultats décevants des
écoles. Là où la langue officielle/étrangère a été introduite dès la première année, il y avait des difficultés non
seulement au niveau des élèves, mais aussi au niveau des enseignants. Par exemple, dans le cas de COPE, les
enseignants n’étaient pas formés et beaucoup ne maîtrisaient pas l’anglais. Dans d’autres cas, lorsque la langue
officielle/étrangère était la langue principale, les communautés se retrouvaient exclues d’une grande partie des
activités de l’école car les parents ne se sentaient pas à l’aise dans la langue officielle/étrangère.
Finalement et peut-être plus important encore, la question de la « vision » constitue un obstacle commun. Quel
est l’objectif de l’ENF ? Où vont ensuite les enfants ? A quoi les prépare-t-on ?
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Comme nous l’avons dit plus haut, nombre de ces écoles espèrent que leurs élèves passeront dans le système
scolaire formel, mais il reste encore de nombreux obstacles non résolus ou non traités à l’accès des enfants dans
ces écoles formelles. Le fait est que la majorité des enfants ne passent pas dans les écoles formelles et se
retrouvent à nouveau dans la rue avec une formation inadéquate.
D’autres écoles ont pour objectif de former leurs élèves à devenir des acteurs actifs dans l’économie locale une
fois leurs études terminées. Le Burkina Faso avait même prévu de donner des fournitures de base aux diplômés
de l’EBNF pour qu’ils puissent commencer à créer leur propre affaire. Dans la réalité, le gouvernement n’a pas
été capable de tenir sa promesse et le bien-fondé de cette politique reste un sujet de controverse. Même lorsque
les fournitures et l’équipement sont fournis, la formation est en fait très rudimentaire et insuffisante pour que les
diplômés commencent à travailler à leur compte.
La question du « et ensuite » n’a pas été posée par les apprenants et leurs parents au Sénégal où les classes
d’alphabétisation étaient intégrées dans la vie des apprenants, leur apportant une aide dans leur vie au quotidien.
Comme il est dit dans la « Tragédie de l’Education en Afrique », Govender et Grudz (2004) affirme que les enfants ont besoin d’aller plus
loin que d’apprendre à lire, à écrire et à calculer. Ils doivent apprendre à devenir des apprenants indépendants et des penseurs critiques qui
sentent qu’ils peuvent mieux contribuer à la vie de leur famille et de leur communauté.
L’ENF touche les populations qui veulent approfondir leur éducation. Ces populations sont très enthousiastes
face à cette opportunité et font des sacrifices pour permettre à leurs enfants d’en profiter.
1. Une politique claire de la langue d’enseignement reste encore à adopter dans de nombreux
programmes et à mettre en œuvre dans les pays où cette politique existe. L’analyse montre que
les modèles d’éducation dominants en ENF sont des modèles soustractifs et de sortie précoce.
Les agences chargées de la mise en œuvre de l’ENF semblent décider du choix du modèle à
utiliser en fonction de « l’objectif » général du programme.
2. La langue maternelle utilisée comme moyen d’instruction permet à la communauté de
participer davantage, et favorise ainsi une plus grande intégration de l’environnement culturel
dans l’environnement scolaire qu’avec une langue d’enseignement qui est une langue
étrangère.
3. Beaucoup de programmes d’ENF ont constaté que plus ils tiennent compte des besoins et de
l’environnement culturel, plus l’éducation est un succès.
4. De par leur nature même, les programmes d’ENF sont flexibles et capables de répondre aux
besoins des communautés et des apprenants. C’est ce qui fait leur force.
5. L’indépendance et l’autonomie qui permettent leur flexibilité sont néanmoins la cause d’un
grand nombre d’inconvénients : des ressources très limitées, des enseignants mal formés et une
infrastructure insuffisante.
6. Les programmes d’ENF s’efforcent souvent d’intégrer les enfants dans le système formel. Ils
utilisent les matériels et les programmes du système scolaire formel. Ainsi, au lieu d’offrir une
alternative à l’éducation formelle, ils offrent une voie alternative à l’entrée dans le système
formel.
7. Comme peu d’enfants en réalité, passent de l’éducation informelle au système formel, les
enfants sortant du système de l’ENF sont mal préparés à devenir des membres productifs de la
communauté.
8. Ce problème persistant du placement et des compétences des élèves diplômés est ressenti par
les élèves, les parents et les enfants, ce qui freine la motivation à poursuivre l’ENF au-delà des
cours d’alphabétisation initiale.
Cette analyse préliminaire des modèles d’ENF en Afrique montre que l’ENF n’a pas réussi comme elle aurait pu
car elle n’a jamais été considérée comme un système d’éducation complet qui offre aux enfants la possibilités
d’être hautement qualifiés à long terme, totalement en dehors du système scolaire formel et dans leurs propres
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langues nationales. L’ENF a été mise en place en guise de solution immédiate aux problèmes des enfants non
scolarisés. Elle est considérée comme une stratégie permettant d’accroître le taux d’alphabétisation et
d’améliorer les statistiques de l’éducation. Mais l’objectif ultime, celui de préparer un grand nombre d’élèves à
être productifs et compétitifs et à se développer et apporter leurs contributions à leur environnement
socioéconomique, bien que planifié n’avait jamais été pris au sérieux ou appliqué sérieusement.
L’hypothèse sous jacente à toutes les politiques est que l’ENF est nécessairement moins bon que le système
d’éducation formelle en place et que les enfants venant du secteur de l’ENF ne seront jamais des dirigeants
influents dans le pays. Ceci est le cas même lorsque l’on reconnaît officiellement les problèmes fondamentaux
du système d’éducation formelle. C’est cette hypothèse non formulée qui a empêché les initiatives de l’ENF de
réaliser leur très puissant potentiel.
L’ENF est considérée comme une formation « courte » dans l’ensemble de l’Afrique. Aucun programme analysé
n’avait l’intention d’instituer un programme sur 12 ans ou un programme d’éducation permanente. Un exemple
prévoyait sept années de formation, mais s’arrêtait au bout de près de huit ans, ce qui aurait amené les enfants à
se retrouver au niveau de leurs camarades des écoles formelles. De ce fait, elle ne permet ni une alternative
adéquate à l’enseignement formel ni une entrée effective dans l’éducation formelle.
Il n’existe pas de logique défendable dans le modèle actuel dans lequel, les enfants doivent en trois à sept ans
maîtriser la lecture et le calcul, prendre plus conscience de leur environnement socioculturel et apprendre peut-
être un métier. Est-ce que ce n’est pas là mettre le système sur la voie de l’échec ?
Permettre à des milliers d’enfants autrement non scolarisés d’avoir accès à l’apprentissage sur le plan
géographique, financier, économique et linguistique est une réalisation louable. Cependant, les leçons apprises
montrent clairement que l’on peut faire beaucoup plus si l’ENF est envisagée dans une optique différente et à
l’intérieur d’un nouveau paradigme.
La solution consiste à développer une ENF qui maintient l’accessibilité et la flexibilité des programmes actuels
pour répondre aux besoins spécifiques des communautés tout en ouvrant aux élèves de nouvelles opportunités de
formation professionnelle longue dans leur langue maternelle.
La première étape consisterait à identifier le potentiel que les enfants peuvent réaliser après un passage dans le
système complet de l’ENF. Ils peuvent devenirs des dirigeants sociaux, économiques, politiques dans leurs
régions et pays. Que peuvent-ils offrir que ne possèdent pas les élèves du système formel ? Il faut une réflexion
stratégique qui permette une planification totalement nouvelle pour l’ENF et qui lui donne la crédibilité et les
valeurs qu’elle mérite.
Cet objectif ultime de l’ENF doit être défini en prenant en considération les réalités socio-culturelles-
économiques, les besoins et les potentiels locaux. En quoi le système formel est-il incapable de répondre et de
réaliser ces besoins et ces potentiels ? Comment l’ENF peut-elle commencer à s’y attaquer ?
Il faut trouver un équilibre entre les politiques nationales qui offrent des incitations et des possibilités de
développement à l’ENF et, les initiatives locales essentielles à leur réussite.
Ceci demande un processus de planification systématique et exhaustif qui n’est pas limité aux experts et aux
leaders dans le système éducatif formel. En fait, ce sont peut-être là les obstacles majeurs à une ENF effective. Il
faut rassembler des suggestions auprès de tous les secteurs de la société qui bénéficient du système éducatif.
C'est-à-dire le secteur privé comme le secteur public, les entreprises comme les services sociaux, les industries
agricoles et rurales ainsi que les entreprises de fabrication moderne. Ensemble, avec leurs perspectives diverses
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mais leur même besoin de personnel qualifié, ils peuvent définir les besoins du marché du travail et un profil
plus adéquat de la main d’œuvre future.
Ces nouveaux profils devraient aider à élaborer les objectifs de l’éducation non formelle. Etant donné le nombre
de participants au processus les objectifs seront aussi variés, ce qui demande à l’ENF de maintenir sa flexibilité
et sa capacité à répondre aux besoins locaux. Il n’est ni possible ni souhaitable d’avoir des objectifs spécifiques
au niveau national. Cependant, il faut au niveau national investir et prendre l’engagement politique d’offrir des
opportunités éducatives non formelles et à long terme, qui permettront aux enfants hors du système d’éducation
formelle de se développer, de répondre aux besoins de leur société et d’assumer des rôles de direction.
En liaison étroite avec l’éducation dans la langue maternelle, il existe une autre leçon importante, à savoir
qu’impliquer la communauté dans la gestion de l’école et dans l’enseignement vaut à l’école un plus grand appui
de la communauté et donc un taux de rétention plus élevé. Si la langue principale de l’école est la langue
maternelle, la communauté sera impliquée plus facilement.
Enfin, là où le contenu du programme était le plus intéressant pour les élèves, le programme intégrait des aspects
de la culture et des coutumes locales. Avec un programme sensible à l’environnement local et qui le respecte, les
élèves sont plus intéressés et plus motivés à poursuivre leurs études.
6.7 Conclusion
Les programmes de l’ENF mis en place doivent être soutenus par une politique claire de la langue
d’enseignement qui encourage l’enseignement en LM. L’ENF a de grandes possibilités de pouvoir contribuer à
l’Education Pour Tous en Afrique, mais elle doit être considérée comme plus qu’un simple élément contribuant à
gonfler les statistiques. Elle doit être considérée comme une filière légitime permettant aux enfants de réaliser
leur plein potentiel en tant qu’agents actifs de l’économie et du changement social. Ceci n’est possible que si
l’ENF est considérée comme une alternative sérieuse qui répond efficacement aux besoins éducatifs de chaque
société.
144/180
7.1 Introduction
Les systèmes éducatifs africains se retrouvent aujourd’hui face à un tournant décisif de leur
développement, caractérisé par la nécessité d’opérer une véritable articulation entre les langues qu’ils
utilisent et les cultures qu’ils sont censés servir. C’est pourquoi bon nombre de pays ont entrepris
d’élaborer des stratégies éducatives reposant sur un bilinguisme fonctionnel susceptible de favoriser la
conciliation entre les intérêts majeurs des apprenants et la nécessité d’une ouverture sur le monde.
L'objectif de l'éducation pour tous vise le développement de sociétés instruites, ce qui ne saurait être
atteint si, comme décrit dans le document technique APNET/InWent (2004), «les populations, dans
leur majorité et leur diversité, ne peuvent pas disposer de documents écrits et/ou n’arrivent pas à
cultiver des habitudes de lecture tout au long de la vie ».
Malgré les efforts déployés en matière d’alphabétisation populaire au cours des décennies écoulées, les
livres et autres supports imprimés en langues africaines sont une denrée rare. Ainsi, l’école bilingue et
les centres d’alphabétisation restent les principaux endroits où la grande majorité du lectorat entre en
contact avec les matériels de lecture. Cet état de faits compromet durablement le processus
d’approvisionnement des populations en livres éducatifs et autres matériels de lecture, surtout ceux en
langues africaines produits par des éditeurs nationaux ou régionaux en appui à une politique de
l‘éducation de base de qualité pour tous (document technique APNET/InWent, 2004).
On sait bien que le choix de la langue ou des langues d’enseignement figure parmi les critères
fondamentaux qui définissent la qualité de l’éducation, ce en corrélation avec la situation linguistique
des apprenants et la disponibilité de matériels d’apprentissage. Et il est tout aussi indéniable que les
manuels et autres matériels de lecture en langues africaines peuvent et doivent jouer un rôle
déterminant dans le développement de l’éducation pour tous, car ils constituent le substratum sur la
base duquel s’organisent les apprentissages scolaires.
Les pays africains sont à la recherche de stratégies appropriées et durables pour l'utilisation des
langues africaines comme langues d’enseignement à l’école, en tenant compte des réalités nationales,
de l’évolution de la culture mondiale, et en cohabitation avec les langues dites internationales
officielles. L’utilité des langues africaines dans le développement intellectuel rapide de l'enfant est
confirmée par les recherches et les expériences menées dans plusieurs pays. Cette quête de solutions
pourrait être soutenue par les populations dans leur diversité linguistique car elles sont convaincues de
la nécessité de la préservation de leurs langues propres ainsi que des autres valeurs culturelles
africaines.
Dès lors, il s’impose de définir des stratégies adéquates, à travers des politiques et programmes
réalistes et à effets durables, bénéficiant de l’adhésion des communautés et répondant aux besoins
nationaux en matière d'apprentissage dans les langues propres.
L’objet de la présente contribution est de montrer en quoi la mise en place d’un environnement lettré
viable est nécessaire pour soutenir les efforts des gouvernements, des communautés et des partenaires
au développement pour l’atteinte des objectifs visant une utilisation réussie et profitable des langues
145/180
africaines comme outils d’éducation et de formation à côté des langues étrangères. Dans cette
perspective, les éditeurs ont un rôle essentiel à jouer dans la mesure où ils sont les acteurs-clés de la
chaîne du livre.
Ce rôle des professionnels du livre est d’ailleurs bien illustré à travers ce que Alidou (2004) décrit
parmi les conditions nécessaires au développement d’une éducation bilingue de qualité en Afrique : (i)
la production des livres (manuels, guides, documents de référence, romans, nouvelles et tout autre
genre) de qualité en langues africaines et en langues officielles, (ii) le développement d’une culture de
l’écrit et de la lecture en langues nationales et langues officielles.
La promotion de l’environnement lettré en général, et surtout dans les langues africaines, est l’une des
conditions clés pour que l’éducation scolaire et l’alphabétisation s’insèrent dans le développement
culturel des pays. Et c’est surtout aux éditeurs, écrivains et autres opérateurs culturels africains que
revient la tâche de fournir des productions adaptées aux besoins et aux réalités des publics cibles à la
base.
La production de livres en langues africaines demeure très limitée et reste souvent l'apanage de l'Etat
dans maints pays à travers les services nationaux d'alphabétisation, et de quelques ONG d’éducation.
Ceci est dû à la multiplicité des langues parlées par les populations et au fait qu’elles sont quasi-
exclusivement utilisées pour alphabétiser les populations rurales pour la résolution des problèmes
quotidiens, alors que ces langues devraient servir de vecteurs à l’accès à la science et à la technologie
en vue d’un développement économique et social durable.
Du fait de la non utilisation des langues nationales comme langues d’enseignement à l’école, il n'existe
pas une véritable industrie littéraire dans ces langues, car le lectorat, du reste très réduit et localisé, est
essentiellement constitué de néo-alphabètes que sont les populations vivant majoritairement dans les
campagnes. L’introduction de ces langues à l’école se présente toujours sous la forme « d’opérations
expérimentales » dans bon nombre de pays.
Par manque de statistiques fiables, il est incontestablement difficile, voire impossible, de donner une
image réelle de la situation actuelle du secteur de l’édition en langues africaines, aussi bien du point de
vue du volume global des productions, de leur valeur économique, que de l’ampleur du potentiel
intrinsèque de production, comme l’a souligné Sow (2003b). De nos jours encore, malgré les
initiatives menées par l’ADEA en collaboration avec le Réseau des Editeurs africains (APNET),
particulièrement à travers la conduite d’une étude en 2002 sur les contraintes du commerce intra
africain du livre, la disponibilité de données statistiques dans le domaine du livre demeure un des défis
majeurs à relever (Makotsi et al. 2002). Les contacts poursuivis avec l’ADEA permettront de
compléter cette première initiative par la production d’une base de données sur la production et la
distribution des livres en Afrique et qui serait actualisée d’année en année par les éditeurs.
Ce qu’on peut affirmer, sans risque de se tromper par contre, c’est que l’édition moderne endogène en
langues africaines est encore balbutiante dans la région, principalement du fait qu’elle n’a commencé à
prendre de l’essor que seulement au cours des vingt dernières années, surtout dans les pays
anglophones. Il s’agit bien donc d’un secteur qui cherche son chemin et son devenir dans un contexte
global caractérisé par la domination de l’édition dans les langues occidentales, officiellement utilisées
comme langues de travail et d’enseignement dans les pays africains. Ce constat est encore plus vivace
dans les pays de l’espace francophone (Sow 2003 b).
146/180
Cette situation n’est certes pas dissociable du contexte global de l’évolution lente du secteur de
l’éducation et de la formation, lui-même dépendant directement des politiques éducatives,
linguistiques et culturelles, souvent menées de façon hésitante depuis les indépendances des pays
d’Afrique au Sud du Sahara. Sinon, comment expliquer que les cas d’enseignement en langues
africaines soient presque partout en expérimentation, alors que l’influence de l’apprentissage de la
langue maternelle sur la qualité de l’enseignement est reconnue par tous ?
Même en considérant les cas où ces langues sont introduites à titre expérimental ou complémentaire
dans les écoles, on peut aisément constater qu’une production conséquente de matériels didactiques et
autres supports imprimés pour la lecture n’a pas suivi. Un exemple typique est certainement celui de la
Guinée où des manuels scolaires avaient certes été produit dans les 8 principales langues nationales
retenues pour servir comme outils de soutien aux apprentissages scientifiques.
Mais ils étaient servis en quantités nettement insuffisantes par rapport aux besoins et ne furent jamais
accompagnés de guides de l’enseignant ou d’autres matériels éducatifs complémentaires. Ce qui a fait
que, globalement, les résultats obtenus n’ont pas été à la hauteur de la volonté politique des autorités
gouvernementales durant les décennies 60 et 70.
Durant cette période, sur 276 titres répertoriés, 90 manuscrits ont été élaborés et seuls 10 ont été
imprimés entre 1968 et 1983 (Bilan des journées d’études, Conakry, avril 1983). La situation est
résumée dans le tableau suivant :
Tableau 1 Elaboration des manuels scolaires 1968- 1983, Diallo et al. 2005
Besoins en Manuscrits
Cycles Manuels Manuscrits Approuvés Imprimés
1e Cycle ( 1e à la 6e 96 38 11 9
Année)
2e Cycle
7e A 60 27 - 1
8e A 60 25 - -
9e A 60 - - -
Totaux 276 90 11 10
Pour considérer la situation de cette faiblesse des productions à une échelle nationale plus courante, et
à titre d’exemple, les Editions Ganndal ont eu une production moyenne de 6 titres sur les trois années
écoulées sous forme de livres de lecture, de nouvelles et de contes, ce dans quatre langues nationales
de Guinée que sont le Pular, le Maninka, le Sosso et le Kpele. Les ouvrages produits sont inscrits au
catalogue des publications de la maison en même temps que celles en français et sont mis à la vente
dans les mêmes circuits commerciaux (librairies et points de vente décentralisés). Ceci illustre bien la
part de marché presque négligeable que cette production pourrait générer à l’éditeur.
Tenant compte des faibles chiffres de tirage pour ce genre de productions se situant autour de 1 500
exemplaires par titre en moyenne, et en tenant compte du faible prix de vente pratiqué, on est loin de
pouvoir compter sur une logique de rentabilisation commerciale. Mais ces livres édités dans des
formats qui respectent les normes éditoriales universelles sont très appréciés des néo-alphabètes car
tout en leur permettent de sortir du cadre de l’alphabétisation pure pour les plonger dans celui de la
lecture courante, ces livres offrent en plus l’attirance de la qualité du produit.
le regain d’intérêt pour l’usage des langues africaines à l’école dont des composantes sont financées
dans plusieurs programmes d’éducation de base pour tous (EPT).
Les pays africains qui ont mis en place un cadre institutionnel incitatif pour le développement des
langues nationales en les intégrant comme support de l’enseignement enregistrent en même temps une
croissance significative dans le secteur de la production de livres (conception, élaboration, édition,
diffusion/distribution) et acquièrent progressivement des compétences nationales en matière de
production de matériels pédagogiques en langues africaines.
Dans la plupart de ces pays, la production du livre en langues africaines est endogène et concerne aussi
bien la littérature de jeunesse, les livres scolaires et universitaires, que les romans et autres supports de
la lecture. Le public a ainsi à sa disposition des produits de lecture et d’apprentissage variés dans ses
propres langues. C’est le cas notamment des pays comme le Sénégal, le Burkina Faso, le Nigéria, le
Kenya, la Tanzanie, le Mali, le Mozambique, pour ne citer que ceux-là, qui développent l’usage des
langues nationales dans l’enseignement bilingue.
Dans le but de contribuer à la mobilisation des populations autour des objectifs de développement
d’une part, et de fournir des matériels de lecture de proximité d’autre part, certains éditeurs et ONG
culturelles de l’espace ouest africain francophone diffusent des journaux et en langues nationales
comme la coopérative culturelle Jamana, l’ONG Soore au Burkina Faso, les éditions Papyrus Afrique
au Sénégal, etc. Ces journaux dont la substance dépasse la notion communément admise de «presse
rurale» pour devenir de vrais journaux d’information et d’éducation traitent principalement de
problèmes quotidiens des populations et touchent à des sujets aussi variés que la santé, l’agriculture,
l’élevage, la politique, la protection de l’environnement, les droits des femmes et des enfants, etc.
A signaler que ces journaux sont « victimes » du statut officiel limité des langues africaines dans
lesquelles ils sont publiés et de la rareté du lectorat. Sur le plan technique ces journaux souffrent
également du manque de rédacteurs professionnels et, sur le plan financier, du retour lent des recettes
de vente. Généralement d’ailleurs, ces journaux ne subsistent que par les subventions dont ils
bénéficient de la part des organismes de coopération bi- ou multilatéral.
Sur le plan de la diffusion commerciale des journaux en langues nationales on peut signaler que leur
sort ne diffère pas significativement de celui des autres types de publications dont la vente est
compromise par des phénomènes connus tels que le manque d’habitudes lecture, la faiblesse du
pouvoir d’achat des populations cibles et la réduction, voire l’inexistence, des possibilités de
distribution de proximité, le taux élevé d’analphabétisme des populations rurales
Néanmoins, il est remarquable de souligner que dans cet environnement peu favorable, les
professionnels du secteur développent des stratégies alternatives et novatrices tendant à faciliter le
contact entre les lectorats et les objets de lecture en langues nationales. L’expérience de ARED
(Fagerberg-Diallo, 2001) au Sénégal dans le domaine de la distribution a prouvé à suffisance que le
public est fortement sensible et intéressé par les livres qui traitent de thèmes qui l’intéresse et qui se
rapportent à ses principaux centres d’intérêts. De ce point de vue, ce sont les lecteurs eux-mêmes qui
viennent vers l’éditeur pour solliciter les publications de leur choix.
Une dynamique s’observe, par exemple, au niveau des Editions Papyrus Afrique du Sénégal qui ont su
maintenir, avec des moyens réduits, la qualité et la régularité d’un journal en langues nationales
« Lasli-Njëlbén », mensuel paraissant en Pular et Wolof depuis une dizaine d’années. Sa distribution
est faite aussi bien en librairie que par l’entremise de quelques équipes de terrain qui sillonnent les
« marchés hebdomadaires » en zones rurales pour faire la promotion et vendre le journal et les autres
productions littéraires de la maison.
Bénéficiant généralement de fortes subventions, les organisations religieuses (chrétiennes en
particulier) constituent de leur côté d’importantes sources de productions en langues africaines pour les
148/180
traductions et extraits de la Bible, livrets éducatifs diversifiés et diverses autres formes de publications
réinvestissant les valeurs religieuses et culturelles locales. Au Ghana, par exemple, les activités
d’alphabétisation sont réalisées en langues africaines et les contenus sont tirés de la bible. Les fidèles
apprennent ainsi dans leurs propres langues les messages contenus dans le livre saint pour satisfaire
leurs préoccupations spirituelles. Aussi les connaissances acquises incitent les néo alphabètes à lire et à
écrire dans d’autres contextes plus réels par rapport à leurs occupations quotidiennes.
Certaines langues africaines sont transnationales, parfois même régionales Telles que, comme :
- Le pular qui parlé dans plus de 16 pays du continent : Guinée, Sénégal, Mali, Mauritanie,
Gambie, Guinée Bissau, Burkina Faso, Bénin, Niger, Nigeria, Cameroun, Tchad avec des
variantes lexicales très nombreuses entre les personnes parlant cette langue dans ces différents
pays. Il s’agit en fait du pular ou du fulfulde.
- le malinké, langue sous régionale est parlée en Guinée, au Sénégal, au Mali, en Côte d’Ivoire,
au Burkina, en Sierra Léone, au Libéria.
Malheureusement, les nombreuses variantes et emprunts qu’on observe dans ces langues africaines font
que l’édition de livres utilisables par les populations de ces différents pays pose problèmes. Par
exemple la tentative de traduction du Dictionnaire Visuel Africain, DVA (dans lequel l’image sert de
définition) en pular adapté à ces différents publics n’a pu aboutir à cause des variantes dialectiques et
lexicales utilisées dans les différents pays impliqués, Guinée, Mali, Sénégal,… Les populations de ces
pays parlant cette langue transfrontalière ne peuvent utiliser les ouvrages de lecture produits en dehors
de leur cadre de vie.
Bien que ces différentes langues disposent d’un ou de plusieurs alphabets harmonisés, il n’existe ni une
édition régionale de grande envergure de livres, ni une diffusion trans-étatique des productions en
Langues africaines, hors mis quelques expositions dans les foires organisées dans certains pays
africains.
Par ailleurs, les coûts de production et les résultats de ventes sont difficiles à cerner d’autant plus que
les éditeurs en langues nationales ne disposent pas de ressources financières importantes pour éditer et
diffuser des livres en langues africaines dans un cadre transnational. En plus l’usage des langues dans la
formation est assez limité dans les différents pays. Seul le Mali a donné aux langues africaines un statut
de langues d’enseignement, favorisant l’édition de livres scolaires en langues africaines, à l’instar de
celle des livres en langue officielle française.
Aussi, il n’existe pas de réseaux assez rodés de distribution diffusion de livres en langues africaines à
travers les Etats qui ont ces medium en partage. Même à l’intérieur des pays ces circuits n’existent pas.
Chaque acteur possède ces propres circuits de distribution ventes, évoluant ainsi en vase clos, c'est-à-
dire produire et vendre soi même.
Ainsi, de même qu’il n’existe pas de réseau de distribution diffusion inter étatique, de même il est
difficile de décrire le système des ventes à l’échelle régionale de livres en langues africaines, du fait de
149/180
l’isolement des intervenants, des différences de concept dans les langues et aussi et surtout le fait que
l’utilisation de ces langues est expérimentale dans la plupart des pays depuis les indépendances.
Ce sous secteur de la diffusion / distribution du livre en langue officielle d’enseignement reste aussi
très faible à l‘échelle nationale et sous – régionale. Dans chacun des pays, il n’y a qu’une ou deux
librairies (souvent des filiales des libraires étrangères) qui assurent le rôle de vente. Il n’y a que très peu
de maisons de diffusion spécialisées même en langue officielle dans nos pays. Dans la plupart de nos
pays la distribution reste le monopole de l’Etat.
Il est possible d’organiser, dans le cadre transnational, des recherches -action en vue de l’identification
d’une plate forme de besoins exprimés par les populations des différents pays ayant ces langues
africaines en partage. Les éditeurs de manuels de chacun de ces pays peuvent s’inspirer des résultats
obtenus pour concevoir et élaborer par exemple de livrets de lecture dont le contenu prend en compte
les préoccupations des apprenants. Par ce biais, les unités de production peuvent éditer des documents
adaptés et faciles à écouler sur le marché dans la mesure où l’offre répond aux exigences de la
demande.
De cette façon, les acteurs de la chaîne du livre en langues nationales de tous les pays peuvent échanger
leurs points de vue sur des idées novatrices et génératrices d’initiatives et de revenus, depuis
l’identification des besoins des apprenants jusqu’à la distribution vente des livres aux consommateurs..
Dans tous les cas, une co-production ou une co-édition dans les langues transfrontalières présentent des
avantages, parmi lesquels, on peut citer :
¾ Des collaborations entre acteurs de la chaîne du livre d’un même pays et entre acteurs de la
chaîne du livre de pays différents.
Il s’agira de développer une politique éditoriale d’intégration par la mise en œuvre de stratégies
communes de production et diffusion d’ouvrages en langues transfrontalières. Les acteurs de la chaîne
du livre doivent s’engager dans cette voie pour minimiser les coûts de production et raccourcir les
délais de mise à disposition des ouvrages produits.
Outre les avantages de marchés plus étendus, une meilleure assise financière, la disponibilité en
ressources humaines compétentes, les professionnels du livre auront ainsi la chance de minimiser les
coûts de revient unitaire de leur production par le partage.
Cette dynamique ne peut être effective que dans le cadre de l’adoption de politique linguistique
(offrant un cadre plus large d’utilisation des langues africaines à l’école ou comme langues officielles
au même titre que la langue officielle étrangère) et de politique du livre qui définit les modalités de
développement endogène de l’industrie du livre. Ces deux cadres institutionnels sont les fondements
de la création et du développement de l’environnement lettré en langues africaines.
De nombreuses organisations de coopération bi et multilatérale, se préoccupent fortement de la
question relative à l’accès à l’éducation par le biais des langues africaines ainsi que de l’instauration
d’un environnement lettré dans ces langues. Parmi ces organisations figure en bonne place la
150/180
Coopération allemande à travers InWEnt52 qui a soutenu durant plus d’une décennie un important
programme de formation et d’appui à la production de manuels et autres matériels de lecture en
langues africaines dans sept pays francophones d’Afrique de l’Ouest et Centrale (Bénin, Burkina Faso,
Cameroun, Guinée, Mali, Niger, et Sénégal), programme qui a contribué de façon significative au
renforcement des capacités nationales en matière de conception (formation d’auteurs) et de production
(formation des éditeurs et responsables éditoriaux des ONG) des livres en langues nationales.
Toutefois, montrer que l'on peut fabriquer autrement les livres en langues nationales de bonne qualité
technique et avec des contenus attrayants n’est pas une chose aisée en Afrique, vu la faiblesse des
moyens matériels et financiers, la persistance des taxations aux intrants de la fabrication du livre et
l’étroitesse du marché, ceci dans un lourd contexte socio - politique rendant difficiles les conditions de
travail des ONG, des éditeurs et des distributeurs privés.
L’utilisation des possibilités qu’offrent actuellement la publication assistée par ordinateur (PAO) et
l’impression à la demande devraient certes pouvoir faciliter et améliorer les travaux de conception
éditoriale, permettre une plus grande maîtrise de la qualité et réduire les coûts de production.
En ce moment où les politiques nationales par rapport à l’utilisation des langues africaines dans
l’éducation formelle permettent l’expansion des modèles d’éducation bilingue dans beaucoup de pays,
il faudrait une meilleure clarification des orientations générales dans la politique éducative et
culturelle, la politique linguistique, la politique commerciale, la politique de promotion, la protection
52
Voir : http://www.inwent.org/internet/themen_reg/themen/soz_entw/bildung/lese_lernmaterial/index.en.shtml,
27 Juin 2005.
53
Voir : «Quelle politique éditoriale pour les langues africaines» ? Les livres en langues nationales, un enjeu de
l’Education pour tous. Conférence de Dakar, 26-30 novembre 2004 http://www.adeanet.org/fr_index.html, 27
Juin 2005.
151/180
du droit d’auteur en langues africaines, etc., à la lumière des récents développements dans les pays et
en tenant compte de l’environnement global.
L'une des faiblesses de ces orientations reste le manque de synergie effective entre le système
d'alphabétisation en vigueur et le système d'enseignement dans les écoles formelles, bien que les
politiques d'alphabétisation le stigmatisent. On pourrait citer en exemple les « Centres Nafa » ou
écoles de la seconde chance, mis en place en Guinée avec le soutien de l’UNICEF et qui auraient pu
permettre d'établir aisément une relation pédagogique débouchant sur la mise en pratique d’un
bilinguisme (français - langues nationales) dans le système éducatif mais qui n'a pu se faire car le
français est la langue d'enseignement dans ces centres (Diallo 1999).
Les bénéfices de l’usage des langues maternelles du premier jusqu’au troisième niveau d’éducation
formelle sur le processus d’apprentissage ne sont plus à démontrer. Des politiques éducatives
appropriées produiraient un impact immédiat sur la formation et favoriseraient la production locale
d’ouvrages adaptés et à coût abordable, car les éditeurs et les ONG publiant en langues africaines sont
à la merci des politiques générales arrêtées par les pouvoirs publics en ce qui concerne la (les) langue
(s) d’enseignement et de travail, ainsi que des réglementations tarifaires.
En effet, il n’est de secret pour personne que, aussi longtemps que les éditeurs n’auront pas accès au
vaste marché du manuel scolaire, il ne saurait y avoir de développement quantitatif et durable de livres
dans ces langues. Ceci tient à la fois de la loi du nombre et de la compétitivité commerciale qui
incitera les éditeurs à faire plus et mieux dans ce domaine.
Le plaidoyer pour le renforcement des capacités en matière de création des conditions nécessaires à
l’émergence d’industries nationales du livre, s’appuie sur la « Politique nationale du livre comme
facteur de développement culturel » dont les principales stratégies et actions sont, entre autres
¾ L’engagement des Etats, des organisations professionnelles dans les métiers du livre, les ONG
et les partenaires techniques et financiers à soutenir efficacement les initiatives visant la mise
en place des politiques du livre dans les pays, incluant son pilier fondamental qu’est la
politique du manuel scolaire, selon une approche participative et consensuelle.
¾ Dans le domaine spécifique des langues nationales ou langues africaines, la définition d’une
politique linguistique qui accorde le statut de langues d’enseignement et d’alphabétisation aux
langues africaines. Aussi, pour la définition de ces politiques linguistiques, il est impérieux de
partir d’un ensemble de stratégies qui sont :
o la sensibilisation des décideurs politiques ;
o la mobilisations des ressources : humaines, matérielles et financières pour l’élaboration et
l’application des textes juridiques et institutionnels en la matière,
o le plaidoyer auprès des partenaires éducatifs,
o la sensibilisation des populations à la base sur le respect de l’éthique à travers divers
canaux de communication : medias audio visuels, presses écrites, affiches, contacts
physiques.
La concrétisation de l'ensemble de ces éléments pourrait induire les changements escomptés, à savoir
entre autres, la séparation des niveaux de prise de décision et la transparence qui prend en compte le
partage des rôles et des responsabilités des différents partenaires de la chaîne du livre, en particulier
entre le secteur public et le secteur privé. Ces différents éléments permettront aussi: (i) le
développement des entreprises locales pour l'approvisionnement en livres, tâche ardue et à long terme
qui permet d'exercer la souveraineté nationale sur l'éducation et la culture; (ii) l'appropriation de
l'industrie du livre par les nationaux qui aura pour effet positif la création d'emplois générateurs de
revenus et le développement d'une expertise nationale dans le secteur; (iii) l'acquisition des ressources
propres de financement du secteur du livre.
La politique nationale du livre devrait déboucher sur une réelle harmonisation avec la législation
internationale, en prévoyant un régime de faveur sur les importations des intrants du livre pour baisser
les coûts de production des matériels de lecture. La finalité ultime devrait faire résulter l’adoption et la
mise en place d’une loi spécifique sur le livre qui devra inscrire en bonne place l'usage des langues
africaines dans l'enseignement, facteur de développement de la culture nationale (Askerud 1998).
Les effets d’une politique du livre dépendent de beaucoup de la pertinence et de la solidité des
mécanismes de coordination mis en place au niveau national. C’est pourquoi, dans le meilleur des cas,
la coordination devrait être menée par un organisme autonome qui limite son action à la promotion du
livre. Dans ce sens, il va jouer un rôle d’impulsion et de régulation (Sow, Camara, Diallo 2001).
Aussi, la politique nationale du livre devrait elle s’appuyer sur des objectifs pertinents qui découlent
de cette finalité: créer les conditions institutionnelles, matérielles et techniques pour rendre le livre
(écrit dans toute langue) disponible et accessible à toutes les couches de la société à travers le
développement d’une industrie nationale du livre en langues africaines et en langues officielles,
couvrant la conception, l’édition, l’impression, la diffusion / distribution et la lecture publique.
Il s’agit plus spécifiquement de (Sow, Ouigo, Satina 2001):
153/180
Pour sa mise en ouvre la politique nationale du livre s’appuie sur les différentes politiques liées au
développement du livre, les stratégies de développement des différents secteurs de l’économie
nationale, les rôles et responsabilités des différents partenaires : secteur public, secteur privé,
partenaires au développement, les populations bénéficiaires.
Comme l’a fait remarquer Léguéré (2003), selon les études menées par l’UNESCO/IIPE54 sur les dix
dernières années, les dépenses consacrées au manuel scolaire et au matériel pédagogique, pour le seul
enseignement primaire et pour l’ensemble de l’Afrique francophone, atteignent un peu plus de 500
milliards de francs CFA (3/5 environ des ouvrages fournis sont issus des maisons du Nord).
Face à un tel constat il serait intéressant de savoir quelle proportion occupent les manuels publiés en
langues nationales dans le reliquat de cette fourchette de dépenses. Exercice sans doute difficile dans
la mesure où l’on se trouve devant une pénurie d’indicateurs économiques en la matière. Cependant,
vu la place très limitée réservée aux langues nationales dans les écoles formelles de ces pays, on peut
facilement imaginer la part presque négligeable qui pourrait revenir au matériel didactique dans ces
langues.
Etant donné que le livre scolaire est la seule source durable de financement (il représente 95% du
marché du livre en Afrique francophone par exemple), l’accès des éditeurs africains à une telle
opportunité économique constituerait une source de renforcement de leur poids technologique et
financier, et asseoir les bases d’une véritable industrie locale du livre. En effet, tous ces éditeurs
54
Voir le Groupe de travail sur les livres et le matériel éducatif d’ADEA,
http://www.adeanet.org/workgroups/fr_wgblm.html, 27 Juin 2005
154/180
reconnaissent que la pérennité financière de leurs entreprises passe par les ouvrages scolaires et que
les bénéfices liés à l’édition scolaire conditionnent la publication de livres de littérature générale.
Des exemples révélateurs peuvent être tirés des expériences récentes de production de manuels
scolaires en langues nationales par les éditeurs privés au Kenya, au Nigeria, en Tanzanie au Mali
(appui à la pédagogie convergente) au Sénégal, et dans bien d’autres, dans lesquels ces éditeurs
nationaux ont pu obtenir des marchés importants avec l’Etat et les autres partenaires techniques et
financiers soutenant les initiatives d’éducation dans les langues nationales.
Les matériels de lecture complémentaire, dont les livres pour enfants, la fiction, les romans, etc.
devraient figurer en bonne place dans les bibliothèques scolaires et coins lecture des classes
traditionnelles et d’éducation bilingue constitués dans le cadre des programmes d’éducation pour tous.
Ce qui incontestablement ouvrira de nouvelles opportunités commerciales aux éditeurs et aux ONG
publiant en langues nationales.
Cependant, il reste bien évident que quelle soit l’importance économique, culturelle et sociale
présumée de l’édition de manuels et autres matériels éducatifs en langues africaines, rien ne fera tant
que les décideurs politiques n’auront pas pris les mesures institutionnelles qui s’imposent dans le sens
d’une reconnaissance officielle du rôle et de la place des langues nationales comme outils et supports
de l’enseignement de base notamment.
Certains facteurs de progrès ont certes été signalés, tels l’abaissement des taxations sur le livre décidé
il y a quelques années déjà par le Mali, le Burkina Faso, le Ghana, tout récemment la Guinée etc.,
l’amélioration des capacités professionnelles à travers les nombreuses opportunités de formation des
éditeurs offertes par l’APNET, InWent, l’AIF entre autres, le renforcement des capacités
d’intervention et de coordination des diverses associations nationales dans les métiers du livre
(auteurs, éditeurs, imprimeurs, libraires) et l’engagement politique de plusieurs Gouvernements à
élaborer et adopter des politiques nationales du livre conséquentes.
Un autre fait actuel marquant est la mise en place progressive dans plusieurs pays de mécanismes de
décentralisation de l’acquisition et de la gestion des manuels scolaires, facteur qui permettra de
réaliser concrètement la valorisation des productions locales de matériels éducatifs. En effet, en
décentralisant les processus de mobilisation et/ou de gestion des ressources financières, et en faisant
effectivement jouer aux communautés leur rôle de catalyseurs du développement de l’éducation à la
base, la question centrale du choix du type de manuels et autres ouvrages à recommander pour les
écoles sera aisément résolue et le recours à la production nationale plus systématisée.
La décentralisation des moyens d’acquisition des livres scolaires et autres matériels de lecture
contribuera aussi à la création de librairies rurales et de bibliothèques ainsi qu’à l’émergence d’une
société de lecteurs. Ceci ouvrira également l’accès des éditeurs nationaux à des parts de marchés
significatives et de développer les capacités de production de livres africains écrits par des africains et
pour des africains.
Dans tous les cas de figures, comme l’a noté Sow (2003a), des défis majeurs restent à résoudre afin de
lever les nombreux obstacles qui entravent un véritable développement du manuel en langues
africaines, notamment:
Dans la majorité des pays, les ministères de l’éducation et celui de la culture manifestent une
faible volonté politique de collaboration concourant à la mise en place de politiques culturelles et
linguistiques définissant des objectifs à poursuive en matière de développement d’un
environnement lettré en langues nationales, ainsi qu’une prise en compte des livres publiés dans
ces langues et la promotion de leur lecture.
Les livres en langues africaines disposent d’un marché potentiellement vaste à cause du nombre élevé
de locuteurs pour bon nombre d’entre elles. Cependant, certains facteurs de blocage réduisent
considérablement la taille de cette clientèle potentielle, notamment les taux élevés d’analphabétisme,
le manque d’habitudes de lecture, la faiblesse du pouvoir d’achat et le manque de réseaux de
distribution fiables.
1. Promotion d’un partenariat efficace entre secteurs public et privé, notamment dans le cadre de
politiques du livre définissant clairement les orientations nationales en matière de choix
linguistiques et éducatifs.
2. L’engagement des éditeurs à collaborer avec les ONG à l’échelon national pour un partage de
ressources et de projets éditoriaux pour la création d’un environnement lettré.
156/180
1) La mise en synergie des actions des différents partenaires : Etat, privés, partenaires au
développement, bénéficiaires…
2) Le secteur privé doit produire et diffuser des livres de qualité, accessibles à toutes les catégories de
lecteurs ;
4) Les communautés se doivent se mobiliser pour soutenir la réussite des programmes d’éducation
pour tous aussi bien dans le formel que dans le non formel.
157/180
Certes, le chemin restant à parcourir est long et difficile, mais l’espoir est permis et on observe un
accroissement significatif des productions de livres en langues nationales et de leur usage dans la
plupart des pays, malgré des politiques linguistiques donnant une faible visibilité à ces langues et des
contextes économiques peu favorables à un rapide développement des industries locales du livre (Sow,
2003a).
1. Introduction
Cinquante pour cent des enfants non scolarisés du monde vivent dans des communautés dans lesquelles
il est rare que la langue de l’enseignement soit celle de la maison, quand encore elle est même utilisée
chez eux. Ceci souligne le plus grand défi que l’Education pour Tous (EPT) ait à relever : un héritage
de pratiques non-productives qui débouchent sur de faibles niveaux d’apprentissage et sur des niveaux
élevés d’abandon et de redoublement. Dans ces conditions, une augmentation des ressources, bien que
nécessaire, ne suffirait pas à générer un programme d'enseignement primaire de bonne qualité
accessible à tous. (Banque Mondiale, 2005).
Lorsque l’on débat des problèmes d’enseignement dans la langue maternelle, on enregistre une série
de réactions tout à fait prévisibles de la part de hauts responsables gouvernementaux dans le domaine
de l’éducation ainsi que de très nombreux spécialistes de l’éducation. Ces réactions comprennent en
général les réponses suivantes liées à l’idée que l’enseignement dans les langues africaines s’avère
trop coûteux :
o Nous savons que l’éducation dans la langue maternelle est ce qu’il y a de meilleur, mais ce
pays a trop de langues; il n’est pas possible de développer toutes ces langues et de les utiliser
dans l’éducation.
o L’éducation dans les langues maternelles coûte trop cher.
o Il n’y a pas d’autre alternative que de continuer selon la pratique actuelle.
Des scientifiques respectés sur le continent, tels Ayo Bamgbose (p.ex. 2000) et Pai Obanya (p.ex
1999), entre autres, se sont saisis de ces arguments, et de bien d’autres, pour montrer qu’ils s’appuient
davantage sur la crainte et l’incertitude que représente un éventuelle modification que sur des raisons
matérielles allant à l’encontre du changement. L’objectif de ce chapitre est d’explorer quelques uns
des problèmes liés au coût de mise en œuvre de programmes éducatifs linguistiques réussis ou non. Le
présent chapitre reviendra sur certaines des initiatives et des stratégies qui peuvent être adoptées et
avec des conséquences minimes en matière de coût. Elles peuvent être adoptées afin de poursuivre et
de développer le travail déjà amorcé pour développer des programmes éducatifs plus solides dans les
langues africaines.
55
L’auteur exprime sa gratitude à : Wilfried Goertler, Adama Ouane, Christine Glanz et Carol MacDonald, entre
autres, qui lui ont adressé des suggestions et commentaires constructifs.
158/180
Il existe très peu d’études sur les coûts et les bénéfices de différents programmes d’éducation, en
particulier en Afrique. Il existe peu ou pas d’études démontrant combien on dépense pour des modèles
d’offre d’éducation qui n’ont pas été couronnés de succès en Afrique. Après une recherche
approfondie, cette équipe n’a trouvé aucune étude financée par un gouvernement national comparant
les coûts des modèles utilisant la seconde langue / langue étrangère / Langue internationale de grande
diffusion (LIGD) et ceux des modèles bilingues (langue maternelle plus LIGD) en éducation. Nous
insistons, ici, comme ailleurs dans cette étude, sur le fait que, en Afrique, l’enseignement formel
devrait offrir aux élèves des écoles l’accès à un haut niveau de résultats tant dans une langue africaine
que dans une langue internationale de grande diffusion (LIGD). A aucun moment, on ne suggère que
la langue maternelle (ou la langue africaine) suffise à elle seule, ni que la langue L2/étrangère/langue
de grande diffusion seule soit suffisante. Les deux sont nécessaires pour satisfaire les exigences
intérieures/régionales et globales, parvenir à un développement économique et social et à une
éducation équitables. Le but à atteindre doit être une éducation bilingue solide. Il convient d’établir
des mécanismes d’un bon rapport coût-efficacité pour assurer que ce but sera atteint.
Pour l’instant, il n’existe aucune preuve scientifique démontrant qu’à moyen et long terme :
o l’utilisation des langues africaines en éducation soit plus coûteuse que celle des anciennes
langues coloniales ; ou
o l’utilisation des anciennes langues coloniales présente un meilleur rapport coût efficacité pour
l’éducation que celui des langues africaines.
Cependant, si nous prenons en compte les preuves dont nous disposons, il apparaît clairement que
nous continuons à investir, en Afrique, dans des programmes voués à l’échec, ce qui n’est ni d’un bon
rapport coût-efficacité ni sage au plan économique. Il est, par conséquent, nécessaire de passer d’une
démarche dysfonctionnelle à une approche qui peut offrir un bon retour sur investissement.
Les preuves sont claires : seuls les programmes bénéficiant de ressources suffisantes et utilisant la L1
comme médium pendant au moins 6 ans permettront aux élèves d’avoir une chance égale d’acquérir
des connaissances suffisantes dans la LGD et dans leurs autres études théoriques. La discussion d’une
tendance - qui se fait jour - de convergence des démarches vers des modèles transitoires d’abandon
précoce, à l’exception éventuelle de l’Ethiopie, l’Erythrée et la Tanzanie, est troublante si l’on se
réfère aux preuves.
Les modèles transitoires de retrait d’une langue et de son abandon précoce ?? peuvent offrir aux
élèves une note de 20% et de 40% dans la LIGD en fin de scolarité et ceci est synonyme d’échec sur
l’ensemble du programme d’enseignement. Des études multi pays et couvrant l’ensemble du système
tel le second Consortium d’Afrique australe [et orientale] de Pilotage de la Qualité de l’Education
(SACMEQ II) (Mothibeli, 2005) montrent qu’en 6ème année d’études, plus de 55% des élèves de 14
pays d’Afrique australe et orientale n’ont pas atteint le niveau minimum d’alphabétisation nécessaire
pour rester dans le système éducatif. Seuls 14,6% l’ont atteint. L’investissement nécessaire pour
maintenir les élèves dans le système jusqu’à ce niveau n’est donc pas d’un bon rendement. C’est du
mauvais investissement, du gaspillage de dépenses que de maintenir des élèves dans le système après
la 6ème année d’études s’ils n’ont pas atteint le niveau minimum d’acquis en matière d’alphabétisation
à ce stade. Les modèles actuels d’alphabétisation et de linguistique sont si inefficaces qu’au moins
55% des élèves quittent le système à la fin de la 6ème année sans avoir acquis un savoir valable et ceci
sape les Objectifs de Développement du Millénaire et les programmes de l’UNESCO en matière
d’Education pour tous (EPT).
159/180
Il existe, évidemment, d’autres phénomènes qui constituent autant de défis à la réussite de l’éducation
en Afrique : la pauvreté, la faim et, de plus en plus fréquemment, l’incidence du VIH/SIDA.
Cependant, nous voyons actuellement, grâce à l’étude longitudinale étroitement contrôlée des élèves
aux EU (Ramirez et al 1991; Thomas & Collier 1997, 2002), que, même là où la pauvreté, la faim et
l’incidence du VIH/SIDA sont bien moins courantes, l’on peut s’attendre à ce que les élèves des
programmes similaires à ceux d’Afrique (passage précoce de la langue maternelle à l’anglais)
n’obtiennent qu’un acquis d’environ 37,5% dans la langue d’apprentissage en 6ème année d’études.
L’étude systémique sud-africaine la plus récente sur des élèves de 6ème année d’études montre que la
moyenne nationale des acquis élémentaires de ces élèves est de 38% dans la langue d’instruction et de
27% en mathématiques (DoE, 2005). Ces statistiques sont gonflées par les 20% d’élèves afrikaans et
anglophones qui ont un ELM (enseignement en langue maternelle) et enregistrent des résultats bien
meilleurs que les élèves parlant une langue africaine suivant des programmes ESL (enseignement dans
la seconde langue). Lorsque l’on compare ces résultats à ceux des études Thomas et Collier aux EU, il
apparaît clairement que l’on peut s’attendre à des acquis d’alphabétisation de 37,5 – 38% en 6ème
année d’études dans des situations bénéficiant de ressources suffisantes. Lorsque cela n’est pas le cas,
p.ex. en Afrique du Sud, il faut s’attendre à ce que les élèves suivant des programmes dans une
seconde langue atteignent un niveau d’acquis inférieur.
Pour résumer, les travaux de recherche évoqués dans les chapitres précédents du présent rapport
montrent que : les modèles d’alphabétisation et de langue prévoyant un abandon précoce n’offrent pas
à la plupart des élèves la possibilité d’une réussite éducative dans des contextes aisés et développés
comme c’est le cas aux EU et au Canada et ne l’offrent pas non plus dans les pays africains. Si ces
modèles ne peuvent présenter un meilleur retour sur investissement dans les cas où : les rapports
maître/élèves sont significativement inférieurs à ce qu’ils sont dans les pays africains ; les enseignants
sont mieux formés/plus qualifiés ; et les ressources dont disposent les écoles sont bien supérieures à ce
qu’elles sont dans les pays africains, alors comment peuvent-ils connaître le succès en Afrique ? La
réponse est simple : ils ne le peuvent pas. Et, par conséquent, les dépenses consacrées à des modèles
n’ayant aucune perspective de succès constituent du gaspillage.
Lewin (2001a, b; 2004) montre que l'enseignement primaire ne suffit pas à satisfaire les exigences du
développement. L’accent mis, depuis Jomtien en 1990, sur l'enseignement primaire universel a fait
dévier en partie l’intérêt porté à l’offre d'enseignement secondaire en Afrique. Les deux tiers des pays
dont les taux bruts de scolarisation, au niveau secondaire, sont les plus faibles (TBS2) sont des pays
africains et principalement ceux d’Afrique francophone (Lewin 2001b :21). Il devient de plus en plus :
Cependant, comme le montre Lewin, le coût unitaire de l'enseignement secondaire est, en général, bien
plus élevé dans les pays à TBS2 bas. Ceci signifie que l'enseignement secondaire devient le point de
départ de l’escalade des inégalités et qu’il faut diminuer le coût unitaire afin d’élargir l’accès. L’auteur
estime qu’il faut 2342 million de $EU par an (à $100 par élève) de plus pour que le TBS2 atteigne
50% sur l’ensemble de l’Afrique subsaharienne (2004:11). Cependant, pour que les élèves aient accès
à l’école secondaire, ils doivent rester dans le système jusqu’à la fin de l'enseignement primaire. Nous
savons, d’après les discussions précédentes, que ce n’est pas le cas. Il nous faut, pour des raisons
160/180
socio-économiques, faciliter une plus grande rétention, obtenir des taux d’abandon plus bas au
primaire, un passage plus important vers le secondaire et des coûts inférieurs à ce niveau. Si les élèves
doivent pouvoir progresser au secondaire et si les dépenses qui leur sont consacrées doivent présenter
un bon rapport coût-efficacité, ils doivent avoir de meilleurs acquis en alphabétisation et en calcul
lorsqu’ils y entrent. Sinon, il est fort probable que l’investissement ne donnera pas les rendements que
le gouvernement souhaite.
Psacharopoulos (1996:430) propose une taxonomie d’analyse économique en éducation qui pourrait
mieux éclairer les décisions de politique :
L’hypothèse adoptée est que les décideurs sont motivés par une double préoccupation : l’utilisation
efficace des dépenses d’éducation et la distribution équitable des ressources. Il existe un volume
conséquent de recherches sur l’économie de l’éducation mais il y a très peu de choses sur l’économie
des divers modèles d’éducation linguistique dans le système et particulièrement en Afrique. François
Grin (2005) argue que les coûts de mise en œuvre des politiques et des modèles linguistiques utilisant
la LM (langue maternelle) ont été mal compris.
… les coûts sont mal connus et mal compris ….Le coût n’a pas de sens en soi – il n’en acquiert un
qu’en fonction de ce que l’on obtient en échange du coût encouru (Grin 2005 :11)
Il s’ensuit donc que même une politique très coûteuse peut s’avérer parfaitement raisonnable pour des
raisons économiques, si le résultat ‘en vaut la peine’ ; et payer quelque chose qui en vaut la peine
constitue, par essence même, une sage décision économique (Grin 2005 :13).
L’Afrique du Sud, un des rares pays du continent à avoir un TBS2 supérieur à 50%, n’a pas,
cependant, de bon retour sur investissement. Environ 27% de ceux qui ont commencé l’école sont
sortis du système avec un certificat de fin d’études en 12ème année d’études. Le pays consacre 5,5% de
son PIB ou 22% de son chapitre non lucratif/non porteur d’intérêts ?? du budget de l’éducation
bien que ce chiffre ait atteint 25% aux environs de 2002.
Il s’agit d’un des pays où les dépenses en éducation sont proportionnellement les plus élevées
(Wildeman 2005). Cependant, l’Afrique du Sud a de bien mauvais résultats, puisqu’elle vient en
dernier dans les évaluations de l’Etude internationale sur les Tendances en Mathématiques et en
Sciences (TIMSS) de 1999 et 2003 ; D’autres études montrent que le niveau d’alphabétisation des
sortants de l’école a rapidement baissé depuis 1992, les rendant inemployables et incapables d’accéder
à des établissements d’enseignement supérieur ; ceci, malgré un taux de réussite à la fin des études qui
a fait un bond spectaculaire entre 1999 et 2004. Parmi ceux qui réussissent et réussissent bien on
trouve les élèves ayant un ELM sur l’ensemble du système éducatif. Ce sont des élèves pratiquant
l’anglais et l’afrikaans en tant que L1. Malgré les efforts déployés depuis 1994/5 pour réaffecter des
ressources et réduire les inéquités persistant dans le système depuis la période de l’apartheid, moins de
1% des apprenants africains de 12ème année d’études avaient, en l’an 2000, réussi l’examen de
mathématiques et de sciences leur donnant accès à l'enseignement supérieur. Ainsi, si la taxonomie de
Psacharopoulos devait être appliquée à ce cas, il est probable que le système ne serait pas jugé très
favorablement en termes d’efficacité et d’équité. Les preuves disponibles pointent plutôt vers la
nécessité d’améliorer les ressources destinées à l’ELM et à l’enseignement bilingue ; cependant,
161/180
l’argument avancé par la plupart des gouvernements comme ultime point de blocage est que l’ELM est
trop cher.
Bien que les gouvernements indiquent fréquemment que le coût est un facteur prohibitif, comme cela a
déjà été indiqué, il n’y a aucune étude montrant que les modèles de retrait d’une langue et de son
abandon précoce coûtent en fait moins cher. Nous ne pouvons que comparer les coûts et essayer de
voir si un modèle est en effet plus cher qu’un autre si nous utilisons les mêmes critères de mesure. Le
tableau ci-dessous fournit une liste d’éléments liés à la mise en œuvre de l’enseignement scolaire
traditionnel et qui impliquent des coûts, en termes des finalités de l’UNESCO en matière d’Education
pour Tous : offrir une éducation de qualité.
56
Il s’agit là d’une estimation généreuse. Dans une version antérieure de cette étude, Vawda & Patrinos (1998)
indiquent les éléments suivants : ‘les économies de production seraient optimisées entre les niveaux de
production de 5.000 et 10.000 exemplaires’.
163/180
enseignants
Salles de classe Coûts identiques
Instruments Coûts identiques
d’évaluation,
administration,
Traduction Ne s’applique pas Uniquement Uniquement probable
(les instruments mis au point dans la s’il y a des pour les instruments
langue d’enseignement par les instruments d’abandon scolaire au
enseignants – aucun coût nationaux niveau du secondaire.
supplémentaire) utilisés à la fin
de la 6ème
année d’études
– normalement
pas applicable
Ce que montre le tableau ci-dessus c’est que nombre de coûts sont les mêmes dans les différents
modèles de langue. Les seules différences se trouvent dans le développement de l’orthographe, s’il
n’existe ni orthographe, ni terminologie, ni traduction. Ces éléments pris ensemble pourraient être
considérés comme les coûts nécessaires à la production de différentes versions linguistiques des
manuels scolaires.
Dans une étude exceptionnellement utile, Vawda & Patrinos (1999) montrent que les coûts encourus
s’appliquent principalement à la formation éventuelle des enseignants et aux coûts de production. Le
tableau ci-dessus suppose, cependant, que l’objectif de l’EPT d’une éducation de qualité implique,
dans son ensemble, une formation améliorée des enseignants. Atteindre la qualité exige, de toute
façon, des coûts supplémentaires d’éducation des enseignants. Peu importe le modèle linguistique
appliqué, ils ont besoin d’un complément de formation dans la matière qu’ils vont enseigner, le
niveau/grade dans lequel il se spécialisent, leurs capacités dans leur propre langue et leur niveau
d’instruction. Il s’agit-là d’une réalité que l’on ne peut négliger. Une discussion de l’offre de manuels
scolaires et de formation des enseignants suivra ce chapitre.
Cependant, lorsque le développement de l’orthographe n’est pas bien établi, il conviendra de faire un
investissement dans ce domaine ce qui entraînera donc des coûts supplémentaires. De toute façon,
c’est possible si l’on part du principe suivant : identifier un petit nombre de langues prioritaires
(initialement, ce sont des langues régionales plus importantes et plus répandues) ; définir des objectifs
et calendriers pour lancer le processus de développement et le compléter par la suite, à mesure que des
ressources financières et autres se dégageront. Dans les pays ne disposant que de ressources limitées
dans ce domaine, l’option évidente est de rechercher une aide internationale pour appuyer les
processus menés par les scientifiques africains et obtenir la participation communautaire. Plusieurs
agences reconnaissent la nécessité de soutenir ce travail.
3.2.2 Terminologie
Pendant l’apartheid, le gouvernement d’Afrique du Sud avait décidé de développer plus avant les
orthographes de plusieurs langues sud africaines et namibiennes dans le cadre de sa politique de
développement séparé. La ségrégation ethnolinguistique dans le système scolaire s’établissait tout
naturellement par des dépenses unitaires inégales entre les élèves : les dépenses pour apprenants
‘blancs’ dépassaient de loin celles consacrées aux africains. Cependant, le développement de
l’orthographe et de la terminologie s’est poursuivi en cours d’application de ce budget inégal et limité.
Par exemple, les dépenses unitaires moyennes en 1974-5 étaient de R39,53 par enfant africain et de
R605 par enfant blanc (SAIRR 1976 : 321). Malgré les très grandes différences dans le volume des
dépenses, le gouvernement avait donné les moyens de développer la terminologie et les éditeurs
traduisaient les manuels scolaires à l’usage de l’éducation africaine. Si le coût en avait été trop élevé,
le gouvernement de l’époque ne se serait pas engagé dans ce type d’activités. Des nomencaltures de
terminologie de la période 1955-1975 ont été évaluées par des spécialistes en langues du Conseil
linguistique pan africain du Sud et par le Service national de langue du Département des arts et de la
culture en 2001. Bien qu’il y ait un écart de 25 ans en termes d’entretien et de mise à jour des listes de
terminologie, elles ont été considérées comme tout à fait acceptables (ce qui est surprenant) et utiles
pour l’enseignement scolaire quelques décennies plus tard. Les traductions récentes des examens de
fin d’études en sciences au Sotho du Nord (Sesotho sa Leboa) financées par le Conseil linguistique
pan africain du Sud en l’an 2000 ont été menées à bien grâce à un montant disponible d’environ
12.000$EU. Afin de traduire les examens, la terminologie a dû être mise au point ou expliquée en
57
Voir, p.ex. le travail sur l’orthographe trans-frontière du Centre d’études des langues, Université du Malawi à
Zomba.
165/180
Sesotho sa Leboa. Ceci signifie que la terminologie en sciences, utilisée jusqu’à la fin de
l'enseignement secondaire, a été mise au point dans cette langue avec un budget minimum. Etant
donné que le Sesotho sa Leboa est très proche de deux autres langues sud-africaines (Sesotho et
Setswana), des traductions parallèles et la mise au point d’une terminologie pour les sciences seront
facilitées et coûteront donc moins cher. Sur cette base, le coût estimé pour développer une
terminologie suffisante utilisable dans neuf langues sud africaines et couvrir les matières suivantes :
mathématiques, sciences, biologie, géographie, histoire et économie jusqu’à la fin de l'enseignement
secondaire se monterait à environ 550.000$EU. Il y a au moins cinq langues sud africaines communes
à des pays voisins : Swaziland, Lesotho, Mozambique, Zimbabwe et Zambie. Ainsi, l’investissement
dans une terminologie qui est bien plus abordable en Afrique du Sud, pourrait aider les pays voisins et
réduire l’investissement que ceux-ci doivent consentir. (Voir également la discussion de la banque de
terminologie ci-dessous).
3.2.3 Traduction
Comme déjà indiqué, entre 1955 et 1975, l’éducation offerte sous l’apartheid nécessitait des
traductions et une production de manuels scolaires pour l’ensemble du programme de l'enseignement
primaire (années d’études 1- 8). Initialement, on avait cru que les manuels scolaires en langues
africaines étaient très simplistes. Une comparaison de ces manuels de cette époque (Mahlalela-Thusi et
Heugh 2004) montre qu’ils étaient, en fait, traduits directement et complètement. Pendant cette
période, le contenu (y compris la terminologie et les concepts) des matériels scolaires disponibles en
afrikaans et en anglais était également élaboré dans sept langues sud africaines et plusieurs langues
namibiennes. Les dépenses consacrées à l’éducation africaine étaient bien inférieures à celles
concernant les élèves parlant l’afrikaans et l’anglais. Les coûts de développement (traduction et
terminologie) étaient financés par le gouvernement. Les élèves africains ne disposaient pas de
suffisamment de manuels scolaires (c.-à-d. le gouvernement n’investissait pas dans l’impression d’un
nombre suffisant d’exemplaires pour que chaque enfant dispose des livres nécessaires). L’impression
n’était donc pas réalisée en fonction d’économies d’échelle qui en auraient réduit le coût unitaire.
L’avantage connexe présenté par la technologie du langage est qu’il serait possible d’établir une
banque électronique de terminologie générique58 permettant d’inclure les termes éducatifs
principaux/essentiels pour l’enseignement de chacune des matières enseignées dans les écoles
africaines. Cette banque de terminologie ou de connaissances pouvait être partagée entre les régions,
p.ex. Afrique australe, orientale, occidentale, la Corne, etc. Elle peut être partagée dans toute l’Afrique
subsaharienne et comporter, le cas échéant, des caractéristiques régionales ou nationales
supplémentaires. L’avantage le plus important d’une ressource électronique est qu’elle est
transportable et peut être mise à jour rapidement.
58
L’idée d’une Banque nationale électronique de terminologie est à l’ordre du jour en Afrique du Sud depuis
plusieurs années. Les progrès ont été décevants pour des raisons politiques plutôt que techniques.
166/180
nécessaires pour les sciences que les termes utilisés localement et propres aux connaissances
indigènes.
Les praticiens de langues conjointement avec un logiciel TLH (qui ne coûte pas cher) pourraient
utiliser la banque de terminologie/des connaissances en association avec le logiciel de traduction pour
commencer le processus de traduction des manuels scolaires dans les langues prioritaires
d’enseignement de chaque pays. Le chevauchement considérable des langues et les similitudes entre
elles signifieraient que, grâce à un partage en coopération des ressources et des compétences, les coûts
initiaux de traduction et de formation de traducteurs seraient répartis et donc réduits pour chaque pays.
Ainsi, bien qu’il y ait un coût de démarrage de l’élaboration, il peut souvent être partagé et fait partie
des coûts courants ou récurrents normaux plutôt que des coûts supplémentaires pendant plusieurs
années (en raison de réimpressions, d’exigences normales en matière d’offre de manuels scolaires,
etc.). Bien que Vawda & Patrinos (ibid.) incluent un coût initial d’éducation de l’enseignant, comme
évoqué ci-dessus, ils arguent que cela fait, à la longue, partie des coûts récurrents normaux. Une fois le
nouveau programme de formation des enseignants conçu, mis à l’épreuve, etc. il est soumis aux
mêmes évaluations et adaptations que n’importe quel autre programme de formation d’enseignants.
Au total, Vawda & Patrinos estiment que le coût supplémentaire de production de matériels dans les
langues africaines et de leur utilisation efficace dans les classes sera inférieur à 10% du budget des
matériels d’apprentissage et de la formation des enseignants. En Afrique du Sud, 10% de plus du coût
des matériels et de la formation des enseignants équivaudrait à moins de 1% ( plus proche de 0,7 –
0,8%) du budget global. Par conséquent, il s’agit au maximum de 1% de plus du budget global de
l’éducation de ce pays.
Dans les cas de toutes petites communautés linguistiques où, de ce fait, l’impression ne dépasserait pas
les 15.000 exemplaires (ou même les 5.000 – 10.000 où il y a parité des coûts), d’autres démarches
alternatives peuvent être utilisées.
Par exemple, la Papouasie Nouvelle Guinée a publié des matériels dans des centaines de langues en
utilisant un format type de ‘livre coquille’. Depuis l’an 2000, le pays scolarise en 380 langues (Banque
mondiale, 2005).
167/180
Les investissements initiaux visant à améliorer la qualité de l’éducation, en revigorant les langues
africaines, afin qu’elles soient plus largement utilisées dans les écoles, ont le potentiel de rapporter des
avantages économiques au-delà du secteur de l’éducation.
Si nous examinons de très près les conséquences pour la formation des enseignants des divers modèles
d’alphabétisation/éducation des langues utilisés dans les pays africains, nous trouvons des données qui
pourraient surprendre nombre de hauts responsables de l’éducation. A l’heure actuelle, dans la plupart
des pays, la situation est telle que les enseignants ne sont pas suffisamment formés ou préparés pour
mener à bien leur travail en classe. De nombreux pays appliquent de nouveaux changements dans leur
programme d'enseignement. Ceci signifie qu’il faut modifier les programmes de formation initiale des
enseignants ainsi que leur recyclage afin de garantir une bonne mise en œuvre du programme
d'enseignement.
Même lorsque l’on ne tente pas de modifier le programme d'enseignement, les enseignants n’en sont
pas moins mal préparés ou sous qualifiés dans la majorité des écoles d’Afrique subsaharienne. Pour la
mise en œuvre d’un programme d'enseignement nouveau ou ancien, il est évident qu’en Afrique la
plupart des enseignants requièrent un complément de formation. En outre, il est clair que les
programmes de formation initiale ont besoin d’une refonte, de changements ou d’adaptation.
Continuer à dépenser pour des systèmes souffrant de dysfonctionnements constitue du gaspillage. Une
formation revigorée des enseignants est une priorité si l’on veut réaliser les buts de l’Education pour
Tous, en particulier s’agissant de la qualité.
Nous pouvons nous rendre compte de ce qui serait nécessaire pour préparer les enseignants, travaillant
actuellement dans le système, à mettre en œuvre le programme d'enseignement existant ou nouveau
visant à atteindre les buts de l’EPT. Nous pouvons le faire de façon comparative par rapport à chacun
168/180
des divers modèles de langue que nous avons examinés dans le présent rapport. Cet exemple est donc
axé sur le recyclage en cours d’activité.
100% des enseignants ont beaoin d’une formation et d’une remise à niveau du contenu et du programme
d’enseignement – cela coûte la même chose pour tous les modèles – le coût est le même
Résultat escompté Résultat Résultat escompté Résultat escompté Résultat escompté
par étudiant escompté par par étudiant 50% en par étudiant 60% en par étudiant 60%
20% en L260 étudiant L2 L2 en L2
30-35% en L2
Coût Valeur61 Coût Valeur Coût Valeur Coût Valeur Coût Valeur
Si l’objectif poursuivi est un système éducatif bien planifié et fonctionnant correctement, il s’ensuivra
des conséquences pour la formation/l’éducation des enseignants. Si l’offre d’éducation des enseignants
est prévue pour appuyer un système qui fonctionne et qu’elle est ensuite délimitée en fonction de
59
Ces pourcentages % sont utilisés pour illustrer des proportions. De toute évidence, il y aura toujours des
enseignants compétents et convenablement formés dans le système. Mais, proportionnellement, 100% de ceux
qui ne maîtrisent pas la L2 auront besoin d’un recyclage en L2, etc. Le même principe s’applique au reste de ce
tableau.
60
Résultat escompté selon la recherche évoquée dans un chapitre antérieur (Heugh), Tableau 4.
61
La valeur est déterminée ici par les niveaux d’acquis projetés ressortant de la recherche disponible.
169/180
divers modèles de langues, il devient alors évident que l’utilisation des langues africaines ne revient
pas plus cher que celle des modèles dominants anglais, français, portugais ou espagnol.
o En premier lieu, les exigences en matière de formation des enseignants s’agissant des études
sur le programme d'enseignement, les connaissances du contenu et les méthodes pédagogiques
en classe entraînent des coûts égaux pour tous les modèles de langue.
o En second lieu, cela ne coûte pas plus cher de former des enseignants en Afrique pour qu’ils
enseignent dans les langues qu’ils connaissent et parlent bien. En revanche, il coûte plus cher
de former des enseignants à utiliser une langue qu’ils ne maîtrisent pas encore
convenablement.
o Ces enseignants doivent d’abord apprendre la langue par le truchement de laquelle ils devront
enseigner et en avoir également un haut niveau de maîtrise théorique, ce qui demande du
temps (au moins 200 heures par enseignant)62 et, le temps c’est de l’argent.
En général, ceux qui prétendent que l’éducation en langue maternelle coûte trop cher ont totalement
sous-estimé l’incidence du médium d’instruction. Il supposent que les enseignants actuellement dans
le système sont compétents dans la langue qu’ils sont censés utiliser pour enseigner. Ils ne réalisent
pas ou ne comprennent pas suffisamment que les enseignants ne peuvent réaliser l’impossible, qu’ils
ne peuvent pas enseigner par le truchement de langues dans lesquelles ils n’ont pas le niveau
d’alphabétisation requis.
Un argument cité fréquemment, en ce qui concerne l’offre centralisée de formation des enseignants est
qu’il est difficile de les former par le truchement de plusieurs langues dans le même établissement.
L’option par défaut consiste à n’offrir une formation que dans la langue étrangère/LIGD. Une récente
lettre d’information de la Banque mondiale donne l’avis suivant sur cette question :
La décentralisation de l’éducation et du soutien aux enseignants ne devrait pas être uniquement liée
aux problèmes d’éducation en langues. Des problèmes se posent à chaque aspect du soutien aux
enseignants. Les approches actuelles, centralisées vis-à-vis de l’éducation, ne sont pas satisfaisantes.
Les enseignants de la périphérie ne reçoivent pas le soutien suffisant. D’autres débats sur le recyclage
et le soutien reconnaissent la nécessité d’avoir en place des structures régionales et locales. Celles-ci
sont susceptibles de mieux appuyer la poursuite d’une éducation de qualité et constituent des
conditions préalables au succès de la mise en œuvre et au suivi du programme d'enseignement. Elles
apporteraient également de meilleures ressources aux besoins des enseignants en matière
d’alphabétisation et de développement linguistique. Lier l’éducation et le soutien aux enseignants
uniquement aux questions de langue et d’alphabétisation ne serait pas valable.
Enfin, dans une étude sur le rapport coût-efficacité de l’éducation en langue maternelle en Afrique,
Komarek (1998) argue que le recyclage des enseignants et la production de manuels scolaires dans les
langues africaines ont un bon rapport coût-efficacité et sont efficaces, comme indiqué ci-dessus.
Cependant, ceci s’applique à la condition que les gouvernements ne changent pas de politique en cours
de route. En d’autres termes, dans des climats politiques instables, les initiatives appuyant l’ELM ne
fournissent pas de bon retour sur investissement. Ceci est dû à ce que les programmes d’ELM sont
souvent interrompus prématurément, c.-à-d. au début de la phase de démarrage. C’est là que l’on
anticipe les coûts initiaux d’investissement et l’interruption se produit avant que le retour sur
investissement puisse intervenir. De tels phénomènes ne devraient pas être utilisés comme arguments
pour nier le caractère abordable de l’ELM.
62
En Afrique du Sud, ceci signifierait qu’environ 280.000 des 350.000 cohortes d’enseignants auraient besoin
de 200 heures de cours de recyclage en langue. Il s’agit-là d’une entreprise gigantesque et coûteuse.
170/180
Plus on s’appuie sur une ancienne langue coloniale, plus il est difficile de trouver les ressources que
constituent des enseignants convenablement formés. En outre, les études internationales évoquées
dans le présent rapport nous apprennent que, plus on utilise les LIGD, plus le niveau d’acquis est bas.
Par conséquent, il est clair que plus les dépenses en faveur de l’ancienne langue coloniale sont élevées,
plus le retour sur investissement est faible.
Tout au plus, en suivant les calculs de Vawda & Patrinos, avons-nous des coûts initiaux estimés d’une
augmentation inférieure à 10% du budget de l’éducation consacré à la formation des enseignants et à
la production de matériels. Cependant, si nous prenons en compte les arguments mentionnés ci-dessus,
ce chiffre sera probablement moins élevé. Si l’on prend l’Afrique du Sud à titre d’exemple, étant
donné que moins de 10% du budget total de l’éducation sont consacrés aux matériels scolaires et à la
formation des enseignants, ceci signifierait, tout au plus, environ 1% supplémentaire de l’ensemble du
budget. Bien que cette discussion mette en avant les avantages pour l’industrie de la langue et des
publications autochtone et régionale, en revanche les coûts et les avantages dont bénéficieraient les
étudiants n’ont pas encore été explorés. Ces avantages dépasseront probablement tout investissement
initial.
Grin (2005) présente un exemple utile de tableau sous forme de simulation des coûts relativement
faibles de l’introduction du bilinguisme ou multilinguisme en général. Il identifie les lacunes des
études qui montrent éventuellement des coûts et des avantages détaillés de divers modèles d’éducation
linguistique, par exemple :
le médium linguistique dominant, avec ou sans enseignement d’autres langues en tant que matières ;
l’enseignement au moyen d’un médium linguistique minoritaire (ELM) ;
les filières bilingues avec certaines matières enseignées dans le médium dominant et d’autres dans le
médium de la minorité ou langue dominée (Grin :2005 :17).
En l’absence d’études chiffrant les scénarios, il met au point un modèle antérieur (Vaillancourt & Grin
2000) pour illustrer l’argument.
Dans le cadre d’hypothèses très générales, il est possible de montrer que l’éducation dans la langue de
plus grande diffusion (LGD) sera, en général, moins chère que celle en LM s’agissant de certaines
composantes du coût, telles la normalisation linguistique nécessaire et la production de matériels
éducatifs. L’activité d’enseignement et de formation elle-même coûterait, en gros, la même chose,
quelle que soit la langue utilisée ; ce dernier résultat s’étend à la formation des enseignants63. Dans
l’ensemble, la ventilation analytique des éléments de dépenses nous pousse à escompter que l’éducation
en LM soit légèrement plus chère que celle en LGD, ce qui correspond aux constatations, mentionnées
ci-dessus, selon lesquelles, passer d’un système éducatif unilingue (LGD) à un système bilingue (LGD
+ LM) représente un coût supplémentaire de l’ordre de 4 à 5%. Parallèlement, la LM aura un avantage
63
‘La formation d’enseignants en LM peut coûter plus cher si tout se fait dans la LGD et que seuls les futurs
enseignants en LM ont besoin de formation supplémentaire afin d’être en mesure d’enseigner par le truchement
de la LM. Ceci soulève alors la question de la raison pour laquelle la LGD est le médium de la formation de tous
les enseignants pour tous et illustre le fait que, fréquemment, les coûts qui paraissent plus élevés pour
l’enseignement dans la LM ou la langue minoritaire ne sont pas inévitables au plan technique, mais ne sont que
le simple résultat de certains dispositifs institutionnels (éminemment politiques)’. (Grin 2005 :20).
171/180
sur la LGD en tant que LOLT ?? en matière de résultats éducatifs, habituellement sous la forme de
notes plus élevées aux tests, de taux de redoublements et d’abandons moins élevés. Une autre
conséquence de l’utilisation de la LM en tant que LOLT ?? puisqu’elle indique une augmentation
globale du nombre d’années de scolarisation des élèves, est que le stock de capital humain va
s’accroître. Dans la mesure où ce dernier est annonciateur de productivité du travail, et, partant, des
rémunérations, mettre au point une filière éducative en LM débouchera finalement sur des revenus plus
élevés (Grin 2005 :20-21).
Utilisant une analyse simulée, Grin (2005) met en lumière les conséquences probables par
rapport aux coûts de l'enseignement primaire sur une période de cinq ans.
1re P 0 100
2me
P P 0 100
2me redoublée
P P 0 100
3rme
P 5 95
4me
P P 10 90
4tme redoublée
P 15 85
5me
P 15 85
Coût d’un diplômé 655
Ces tableaux illustrent le fait que le coût global de l’éducation d’un enfant utilisant la LM est
susceptible d’être moins élevé à moyen terme parce que l’ELM réduit l’incidence des redoublements
et des abandons. Même si l’ELM devait comporter une augmentation de 7,5%, comme prévu dans ces
tableaux (l’argument de Grin est qu’il s’agit plus probablement de l’ordre de 4-5% ; et si la discussion
antérieure de ce chapitre suggère des dépenses supplémentaires encore moins élevées d’environ 1%),
le coût cumulé du maintien d’un enfant à l’école jusqu’à la fin du programme de la 5ème année bilingue
ELM est inférieur à ce qu’il serait dans un programme utilisant la LGD (628,8 par rapport à 655).
172/180
Ainsi, il y a donc une économie de dépenses réelles pour le système, associée à des avantages à plus
long terme.
Une étude de la Banque mondiale au Mali a montré que bien que, à l’année, les programmes
uniquement en français coûtent moins cher en ressources, les taux de redoublement et d’abandon plus
élevés les rendent plus coûteux que les programmes qui sont bilingues-langue maternelle de
l'enseignement primaire :
… les programmes uniquement en français coûtent environ 8% de moins par an que ceux en langue
maternelle mais le coût total de l’éducation d’un élève pendant tout le cycle primaire de six ans est
d’environ 27% de plus, en grande partie en raison de la différence des taux de redoublement et
d’abandon. Des résultats similaires ont été enregistrés pour le Guatemala (Banque mondiale 2005).
…
L’étude mentionnée ci-dessus conclut ainsi :
L’enseignement bilingue au Guatemala constitue un investissement public efficace. Ceci est confirmé
par un exercice de coût-bénéfice assez grossier. Un passage vers l’enseignement bilingue au Guatemala
déboucherait sur des économies considérables de coût en raison d’une réduction des redoublements … Les
économies de coût imputables à l’enseignement bilingue, même en tenant compte d’un coût plus élevé, sont
estimés à plus de …5,6 millions $EU par an. Une réduction des abandons et ses effets sur les gains personnels
sont estimés en tant qu’augmentation des revenus annuels individuels, en moyenne à …33,8$EU (Patrinos et
Velez 1995 :2, cité par Woodhall 1998 :9).
Les avantages de l’investissement initial à long terme dans les langues africaines avec de meilleures
possibilités d’emploi et une imposition plus élevée déboucheraient sur des retours sur investissements
pour le trésor sous forme d’impôts. Le système national peut bénéficier d’autres avantages, sociaux,
éducatifs et de développement lorsque les étudiants restent plus longtemps à l’école. L’une des
conclusions clé de la recherche en matière de santé et, plus particulièrement en ce qui concerne le
VIH/SIDA, est que, plus les filles/femmes restent longtemps à l’école, plus son incidence et celle
d’autres problèmes sanitaires connexes sont faibles ; ce qui se traduirait, évidemment, par des
avantages économiques tout à fait positifs pour l’économie. Les bénéfices les plus évidents sont liés à
l’incidence des coûts moindres de santé, des revenus potentiels plus élevés et un soutien parental
amélioré pour la génération suivante d’écoliers.
Les arguments selon lesquels c’est le coût qui empêche l’utilisation de l’ELM s’appuient en fait sur
des perceptions fragiles plus que sur des preuves empiriques. Les détracteurs exigent, en général, des
preuves catégoriques du moindre coût de fonctionnement des programmes d’ELM ; cependant, ils ne
reconnaissent pas la nécessité de produire des preuves similaires des coûts réels à moyen et long terme
des système éducatifs qui génèrent des abandons précoces lesquels, comme le montre la présente
étude, sont conçus pour mener la majorité des apprenants à l’échec.
nouvelles provenant de l’extérieur de l’Afrique, mais nous devons replacer les compétences dont nous
disposons de façon plus intelligente.
L’Education pour Tous de l’UNESCO et les Objectifs de Développement du Millénaire, qui s’ajoutent
à de nombreuses autres initiatives, ont déjà donné la priorité à la nécessité de remettre à niveau la
formation des enseignants et de prévoir un recyclage ou une éducation continue pour les enseignants
africains. Il existe un nombre considérable d’enseignants qui n’ont reçu aucune formation ou qui sont
mal formés pour intervenir avec succès dans un modèle éducatif. Mazrui (2002) suggère qu’il y ait,
dans le cadre d’un plan en cinq points pour la transformation de l’éducation en Afrique, une
coopération et un partage de compétences beaucoup plus grands sur le continent lui-même.
La plupart des pays africains ont participé d’une manière ou d’une autre à la transformation du
programme d'enseignement depuis Jomtien mais de nouveaux programmes révisés de formation
d’enseignants sont nécessaires. De toute évidence, ils exigent que les formateurs soient eux-mêmes
convenablement formés aux nouvelles connaissances et compétences. Il y a également beaucoup à
apprendre et à partager entre les pays du continent et ceci s’impose si certaines des difficultés et des
erreurs décelées ci-dessus doivent être évitées à l’avenir.
Etant donné la nécessité d’effectuer un investissement initial dans les nouveaux programmes de
formation d’enseignants pour mettre en place le nouveau programme d'enseignement, ceux qui
comportent des exigences en matière de pédagogie bilingue et d’acquisition des langues sont peu
susceptibles de se traduire par des coûts supplémentaires au départ si on les compare à d’autres
programmes conçus pour préparer les enseignants aux changements devant intervenir dans les
programmes d’enseignement. Une fois conçus et expérimentés, leur tenue à jour fait partie des coûts
de fonctionnement normaux comme l’arguent Vawda et Patrinos (1999) et Grin (2005).
La documentation internationale a déjà fourni des données substantielles sur les besoins en formation
des enseignants en matière de modèles d’éducation bilingue. Ceci, associé aux preuves provenant des
recherches ainsi que de programmes d’éducation des enseignants conçus pour appuyer l’ELM, les
NLGD ?? et les LIGD, doit être mieux partagé et diffusé plus largement sur l’ensemble du continent.
Depuis 1988, le Projet d’étude d’Enseignement alternatif (PRAESA), par exemple, a participé au
recyclage des enseignants visant à leur permettre d’enseigner dans des contextes bi- et multilingues
par le truchement de l’Université du Cap. Il a également lancé un programme ‘Formation de
formateurs pour l’éducation multilingue’, en 2002, à titre de stratégie pour piloter un programme qui
pourrait être adapté de telle sorte qu’il puisse être utilisé dans toute la région.
L’objectif du programme de formation de formateurs est de doter les éducateurs d’enseignants et les
responsables de planification et de politique linguistique éducative des informations dont ils ont besoin
pour prendre les décisions qui seront les plus conformes aux besoins des étudiants en matière
d’apprentissage de langue et de compétences éducatives dans leurs pays africains respectifs. Ceci
correspond au Protocole sur l’Education de la SADC de 1997 qui donnait la priorité à la formation des
enseignants et au partage des compétences voire à la collaboration au sein de la région. Les
enseignements tirés d’initiatives telles que celles-ci peuvent s’avérer extrêmement utiles et les
programmes peuvent être adaptés avec peu de conséquences (voire même sans aucune implication) en
matière de coût de conception ailleurs sur le continent. Ceci ne signifie pas qu’il soit souhaitable qu’un
pays adopte des programmes conçus dans un autre pays. Il s’agirait plutôt de mettre l’accent sur le
partage et l’apprentissage à partir de compétences mutuelles et de prendre des décisions plus éclairées
susceptibles d’accélérer les processus, de réduire les coûts et d’utiliser les compétences dont nous
disposons de la manière la plus efficace possible.
174/180
64
J’aimerais remercier Hassana Halidou pour ce point
175/180
• utilisation et introduction au processus de mise au point d’une terminologie dans les LAs
(langues africaines) ;
• remise à niveau du contenu des connaissances et des compétences dans les différentes
matières ;
• introduction et utilisation des technologies de l’information ;
• éléments essentiels de la production des matériels de salle de classe ;
• recherche-action basée sur la classe ;
• éducation interculturelle.
Lorsque les évaluateurs ne satisfont pas à ces critères, les dépenses d’évaluation ou les évaluations du
système peuvent constituer du gaspillage.
65
Les pays dans lesquels il existe déjà des services de développement de l’orthographe et d’autres langues
peuvent s’attendre à une augmentation de 1% ; lorsque l’orthographe est inexistante, les coûts pourraient bondir
jusqu’à 5%.
178/180
6. Conclusion
Enfin, une théorie économique inadaptée permet aux gouvernements de revenir à des systèmes qui
offrent bien peu de retour sur investissement. Ce que nous savons c’est que les modèles actuels
d’éducation qui n’utilisent pas au mieux les langues et par le truchement desquels les enfants et leurs
enseignants comprennent le monde signifient que nous leur offrons une éducation dépourvue de sens,
dans son ensemble. Cette éducation est chère et a un très faible taux de rendement. Avec quelques
dépenses supplémentaires minimes (l’analyse actuelle indique que ce chiffre peut varier entre 1% et
5% sur l’offre complémentaire d’éducation qui utilise davantage les langues locales et offre un
meilleur enseignement des langues internationales), ceci sera recouvré en cinq ans grâce à des taux de
redoublement inférieurs66.
Dans un documentaire Sink or Swim (Se noyer ou nager) (Westcott 2004), Pai Obanya nous met au
défi de prendre en compte le coût que représenterait le fait de ne pas faire cet investissement initial.
Quelles sont les conséquences de la poursuite de l’offre d’une éducation chère n’enseignant pas aux
élèves à apprendre ? Quelles sont les conséquences de l’ignorance en matière de santé (en particulier
le VIH/SIDA) et l’incidence sociale d’une jeunesse désorientée ?
Nous savons très bien que, s’agissant de l’économie, plus les élèves restent longtemps à l’école, plus
leurs revenus potentiels seront élevés et ainsi, plus le remboursement éventuel sous forme d’impôts
dans les caisses de l’Etat le sera également (Grin 2005).
Recommandations
1. Chiffrer les conséquences budgétaires des différentes options sur 5-10 ans [coûts
supplémentaires initiaux, coûts récurrents, recouvrement des coûts, retour sur investissement]
2. Garantir que les économistes disposent de suffisamment d’informations en ce qui concerne les
questions de développement de l’alphabétisation et de la langue en éducation.
3. Développer un Plan d’Education en 10 points pour chaque pays africain.
4. Adapter le budget de l’éducation et identifier les sources intérieures et internationales pour les
investissements initiaux.
5. Engager la société civile dans les coûts et avantages sociaux, éducatifs et économiques des
divers modèles linguistiques et éducatifs.
6. S’engager dans des dispositifs bi et multilatéraux de coopération avec d’autres pays africains.
7. Contenir les coûts : optimiser l’utilisation des compétences en Afrique et en matière de
développement des langues africaines et de l’alphabétisation.
8. Prévoir de recouvrer les coûts et d’engranger les bénéfices à partir de 2010 – 2015.
66
Il est peu probable qu les coûts supplémentaires atteindraient 5%, même au départ. Dans l’éducation sud
africaine, les coûts les plus élevés sont les coûts salariaux. Seuls 7-8% sont consacrés à la formation
d'enseignants et aux matériels de formation.s
179/180
H. Ekkehard WOLFF
15 ans après la Conférence mondiale sur l’éducation pour tous à Jomtien en 1990 et au regard des
Objectifs d’Education du Millénaire à réaliser pour 2015, un des plus grands défis pour les
gouvernements en Afrique reste l’élaboration de politiques éducatives adéquates et leur mise en œuvre
réussie, ainsi que la gestion des réformes éducatives nécessaires qui permettront aux pays africains et
aux sociétés africaines d’exploiter pleinement leur capital en ressources humaines pour un
développement durable et un allègement de la pauvreté grâce à un enseignement de qualité et une
alphabétisation pour tous.
Les réformes éducatives si nécessaires devront être basées sur l’introduction de systèmes
d’enseignement bilingues ou trilingues au niveau national dont un élément fondamental est la L1
comme moyen d’instruction (Md’I) dans les modèles additifs bilingues ou trilingues. Dans ces
systèmes, « la première langue » de l’enfant, c.-à-d. la L1 (langue maternelle ou une langue que
l’enfant connaît assez bien à son entrée à l’école), reste –dans l’idéal- le Md’I dans tous les cycles de
l’éducation, la langue officielle (souvent étrangère ou ancienne langue coloniale) étant introduite
comme L2 (matière enseignée) à un moment dans le programme, et une langue nationale de grande
communication (si possible une langue transnationale de communication inter africaine) comme autre
L2 – si le profil sociolinguistique du pays laisse à penser que ceci est une solution possible et
acceptable pour les besoins de communication de la grande majorité de ses ressortissants.
Les réformes de l’éducation opportunes et adéquates demanderont non seulement une communication
stratégique hautement professionnelle, mais également une vision partagée basée sur une solide image
de marque de l’agence responsable ; en général, le Ministère de l’éducation (ME). Les ministères en
Afrique ont tendance à ne pas avoir de traditions de réseaux et de compétences de communication
exhaustifs. S’ajoutant aux déficits largement répandus de la communication interne au sein du
ministère (caractérisé par de solides structures hiérarchiques descendantes et l’absence d’image de
marque et d’engagement à une vision commune), nous n’avons vu que peu de stratégies de
communication externe adéquates en place, en termes de mise en réseau pour un partenariat
dynamique avec toutes les parties prenantes externes. Prendre en compte toutes les parties prenantes
avec leurs besoins et leurs aspirations spécifiques implique non seulement un plaidoyer réussi en
faveur de ces politiques, mais aussi la transparence des décisions et la responsabilité de toutes les
parties concernées, en particulier du côté du gouvernement et du ME en tant qu’organisme
responsable. Toute approche de partenariat dynamique multi-acteurs réussie de la communication
stratégique doit être basée sur l’idée que le domaine de l’éducation se caractérise par les intérêts en
partie conflictuels de nombreux acteurs (cf. la discussion au chapitre 2), le ME n’étant qu’un acteur
parmi d’autres.
Les réformes éducatives pour l’allègement de la pauvreté et le développement durable en Afrique sont
nécessairement liées à l’autonomisation des langues africaines indigènes qui seront utilisées dans tous
les cycles d’enseignement, et également à l’autonomisation de leurs locuteurs.
La maxime politique et philosophique qui devrait guider les gouvernements, les parlements et d’autres
parties prenantes serait comme dit le dicton, aller à l’idéal, tout en comprenant le réel, c.-à-d. viser
180/180
l’IDEAL tout en étant conscient du REEL. « L’idéal » dans notre cas étant un bi/trilinguisme dans tous
les cycles de l’éducation formelle et non formelle, le « réel » les éléments sociolinguistiques, socio-
historiques, sociopolitiques et socioculturels qui peuvent caractériser la situation de tout pays africain.
Ce chapitre de perspectives reconnaît les besoins et défis sus mentionnés ; il suggère une approche
interdisciplinaire exhaustive pour une mise en œuvre réussie des réformes éducatives dans les
conditions qui prévalent en Afrique. Cette approche offre des conclusions et des analyses théoriques
valables concernant les conditions préalables et les mécanismes nécessaires, et offre des outils
méthodologiques efficaces. Dans la littérature concernée, cette approche est connue sous le nom e
Marketing Social Intégré.
Il faut préciser que le Marketing dans le cadre du concept intégré de Marketing social fait référence à
un concept de leadership exhaustif pour les organisations non commerciales, et en dépit des
associations immédiates mais fausses qui pourraient traverser l’esprit du lecteur/de l’auditeur non
initié, n’a que peu ou rien à avoir avec les forces dictées par le marché qui caractérisent le secteur
commercial. Bien que la terminologie ait été en grande partie empruntée au secteur commercial, le
marketing social intégré fait référence à la gestion optimisée d’idées sociales, c.-à-d. qui concernent
les problèmes sociaux et qui visent des objectifs sociaux et qui apportent un changement social (pour
l’interrelation entre les politiques de langue et le changement social, aller au chapitre 2). Selon cette
approche, nous pouvons nous attendre à ce que de (nouveaux) problèmes sociaux soient résolus plus
efficacement et effectivement en utilisant les outils de gestion offerts par la théorie du Marketing
social intégré.
Comme l’a dit récemment Wolff (2004), le marketing social intégré (MSI) peut être appliqué avec
succès pour une gestion professionnelle des réformes de l’éducation, afin de réaliser l’objectif de
développement des ressources humaines et la réduction de la pauvreté en Afrique. Ces réformes
éducatives doivent être basées sur une conception appropriée et une mise en œuvre réussie de la
planification linguistique en général et des politiques de langues d’enseignement en particulier. Pour
bénéficier d’un soutien académique indispensable, « la Sociolinguistique africaine appliquée » doit
trouver sa place dans les programmes éducatifs au niveau tertiaire dans toute l’Afrique – comme le
prévoyait le Programme Principal spécial de l’ACALAN. Cette Sociolinguistique africaine
appliquée doit être innovante et doit intégrer la théorie du MSI pour les problèmes spécifiques du
marketing des langues d’enseignement, dans les conditions particulières qui s’appliquent à sa lise en
oeuvre opérationnelle et situationnelle en Afrique. Un tel programme innovant portant sur la
planification intégrée de la langue et la planification de l’éducation est basé sur les hypothèses
axiomatiques suivantes :
1. Un enseignement multilingue implique une planification linguistique.
2. La planification linguistique est à la fois stratégique et opérationnelle, implique une recherche de
données, l’élaboration (et la prise de décision du gouvernement), la mise en place et l’évaluation
d’une politique.
3. La planification linguistique et l’éducation formelle font toutes deux partie de la planification
sociale, l’objectif étant d’apporter des changements sociaux et culturels (désignés également par
« modernisation » de la société).
4. La planification linguistique, en particulier la planification de la langue d’enseignement, offre les
conditions préalables nécessaires au développement (individuel, social, culturel, économique,
politique), à la réduction de la pauvreté, et à l’application des droits de l’Homme.
181/180
5. La mise en place d’une éducation multilingue pour tous (« mise en oeuvre »), basée sur une
planification linguistique professionnelle et la mise en place de politiques éducatives et
linguistiques appropriées, peut bénéficier de l’application du cadre théorique du Marketing Social.
Ces hypothèses sont basées sur une interprétation particulière de ce que recouvre le Marketing Social
(MS). Le Marketing Social tel qu’il doit être compris dans le cadre de ce chapitre,
1. est la planification, l’organisation, la mise en place et le contrôle des stratégies et activités de
marketing des entreprises non commerciales, qui directement ou indirectement visent à trouver
une solution aux tâches/problèmes sociaux ;
2. affirme offrir une philosophie, des concepts, des stratégies et des instruments pour traiter les
problèmes sociaux, et enfin apporter les changements sociaux et culturels souhaités (vers une
« modernisation »);
3. concerne l’orientation des activités vers les besoins des groupes cibles, et une communication
professionnelle avec les groupes cibles ; les groupes cibles incluent le public en général, les
décideurs et les administrateurs, les médias, et les organisations professionnelles;
4. est possible pour les entreprises non commerciales /à but non lucratif comme les Ministères de
l’Education.
Le MSI porte sur la communication de (nouvelles) idées sociales (c.-à-d. le plaidoyer, la diffusion et
l’acceptation), et la négociation de réformes sociales comme les réformes de l’éducation, en particulier
pour créer le cadre social d’un partenariat multi-acteurs dynamique pour accroître les perspectives de
réussite de l’application de nouvelles politiques. Alors que le marketing en tant que tel est un concept
de direction, la régulation est un instrument d’appui à la direction. (« le contrôle de rendement » dans
la théorie du MS n’a pas grand-chose en commun avec le « contrôle » au sens habituel du terme.) La
gestion (le marketing) d’une éducation multilingue implique un ensemble de politiques
interdépendantes, comme la politique des groupes cibles, la politique de communication, la politique
de répartition, la politique économique, etc. En Afrique surtout, tout MS doit tenir compte de la culture
et être basé sur une recherche sérieuse sur les particularités historiques et socioculturelles de chaque
pays. Dans le cas de l’éducation, l’une des questions importantes concerne l’autonomisation de ceux
qui n’ont pas de pouvoir (tant pour les langues que pour les locuteurs), ce qui demande sensibilité,
transparence et responsabilité de tous les acteurs.
La gestion de l’éducation incombe aux Ministères nationaux de l’Education qui en général ne sont ni
habitués, ni équipés pour gérer cette tâche de façon exhaustive, effective et efficace. Les suggestions et
les arguments énoncés ci-dessous peuvent se révéler utiles pour proposer aux Ministères des idées et
des concepts sur la manière d’améliorer leur performance :
• l’éducation pour tous est un travail de marketing social qui vise des performances plus
élevées/meilleures des et dans les systèmes éducatifs ; le Ministère national de l’Education est
l’agence chargée de cette tâche.
• les Ministères de l’Education en tant qu’agences centrales de gestion et donc de marketing des
politiques éducatives doivent pouvoir répondre à des questions comme : « que peut apporter le
Ministère de l’Education en terme de développement et de réduction de la pauvreté, et qu’est ce
qu’on attend et peut attendre du Ministère de l’Education à cet égard ?»
• le Marketing peut se pratiquer dans les organisations gouvernementales comme dans les
Ministères de l’Education (contrairement aux idées préconçues et mal informées).
• le marketing social pour l’éducation requiert un niveau de professionnalisme élevé et une
compétence spéciale de gestion / de marketing.
• les Ministères de l’Education ont tendance à partager les mêmes déficits que les organisations
« bureaucratiques » au niveau de la gestion et du marketing ainsi que du flux d’informations et de
la structure organisationnelle, des qualifications et des exigences du personnel. Pour assumer ces
182/180
tâches, les Ministères doivent être « professionnalisés » au niveau du MS lorsque cela s’avère
nécessaire.
• les Ministères de l’Education sont confrontés à des problèmes spécifiques en raison des attitudes
négatives face à ce travail de changement social (« modernisation ») par le biais de l’éducation
aussi bien dans le grand public qu’au sein de l’organisation. Celles-ci vont de la résistance interne
à la gestion professionnelle rigide en termes de marketing et de contrôle du rendement, aux
schémas de comportements et d’attitudes externes négatives de la part de personnes appartenant à
différentes couches de la société ou à des générations venant de contextes sociaux et culturels
différents.
• les Ministères de l’Education sont confrontés à des problèmes de marketing spécifiques en raison
de l’efficacité à long terme innée de l’action éducative par opposition aux effets à relativement
court terme du marketing commercial et politique.
Par conséquent, pour dépasser les échecs notoires des systèmes éducatifs africains, nous devons
examiner les politiques éducatives sur tout le continent en termes de langues utilisées (en tant que
moyen d’instruction et matière d’enseignement) et de contenu enseigné, en combinaison avec une
formation appropriée et professionnelle des enseignants et la production de matériels pédagogiques. Et
nous devons également identifier et éliminer la bureaucratie inefficace, la médiocrité et l’absence de
professionnalisme des agences concernées par les réformes éducatives dans le cadre des changements
sociaux et culturels, c.-à-d. insister sur le renforcement des capacités et du professionnalisme au
niveau des Ministères nationaux de l’Education et des autorités concernées, en accordant une attention
particulière au marketing social intégré des nouvelles politiques éducatives, notamment la question de
la langue dans l’enseignement.
Le Marketing social prend comme hypothèse de base que les nouveaux problèmes sociaux (par
exemple ceux relatifs à l’éducation, aux questions sanitaires et de santé, la pollution de
l’environnement, la planification familiale, la délinquance juvénile, etc.) peuvent être résolus plus
efficacement en utilisant des instruments de marketing. On pourrait donc dire que :
« le marketing social est la planification, l’organisation, la mise en place et le contrôle des stratégies et
activités de marketing d’organisations non commerciales, qui directement ou indirectement visent à
trouver une solution aux tâches/problèmes sociaux » (Bruhn/Tilmes 1994 : 23 – traduction HEW).
Nous distinguons deux perspectives différentes dans le marketing social (Bruhn/Tilmes 1994 : 22 –
traduction HEW) :
¾ La perspective institutionnelle s’intéresse à la réalisation des objectifs sociaux du point de vue
d’une institution. Ceci fait du marketing social un concept de direction pour les institutions
sociales (par exemple le marketing pour les hôpitaux, les partis politiques, les musées, les
théâtres).
¾ La perspective dictée par les problèmes du marketing social met l’accent sur le type de techniques,
de méthodes et d’outils qui peut être utilisé pour résoudre les problèmes sociaux. Ceci se produit
indépendamment de l’organisation responsable de l’exécution de ces programmes (par exemple, le
marketing pour résoudre les problèmes de conservation de l’environnement naturel, la lutte contre
la xénophobie, le recyclage, le chômage).
La majorité des économies et des cultures politiques africaines sont considérées comme « sous-
développées » car leurs sociétés connaissent de gros problèmes sociaux comme la pauvreté et
l’analphabétisme, des normes d’hygiène et de santé médiocres, le VIH/SIDA, l’explosion
démographique en l’absence d’une planification familiale efficace, un chômage important, peu de
mobilité sociale verticale, le crime et la délinquance juvénile, l’éloignement des nouvelles « élites »
des « masses », des résultats médiocres du et dans le système éducatif comme par exemple les faibles
niveaux d’admission dans les écoles, une répartition inégale des filles et des garçons dans les écoles,
des niveaux d’enseignement médiocres, une faible motivation des enseignants et des élèves, un taux
élevé d’abandons et de redoublements, des résultats médiocres aux examens de fin d’études, un faible
183/180
taux de passage de primaire en secondaire (et de secondaire au tertiaire), les enfants quittant l’école
primaire pratiquement analphabètes, des enfants qui quittent l’école avec pas ou assez peu de
compétence dans la langue officielle utilisée comme moyen d’instruction à l’école, des élèves sortant
sans qualification pratique ou professionnelle pour devenir de meilleurs agriculteurs, jardiniers ou
artisans une fois l’école terminée, etc.
Le marketing social déclare offrir une philosophie, des concepts, des stratégies et des instruments pour
aborder ce type de problèmes sociaux, et finalement effectuer les changements sociaux et culturels
souhaités (vers « la modernisation » ou le « développement »).
Si on regarde l’éducation de plus près, en particulier l’éducation pour tous, le marketing social dans
une perspective dictée par les problèmes viserait par exemple, le développement et la réduction de la
pauvreté comme objectifs sociaux, et élaborerait des stratégies (notamment l’organisation d’un réseau
d’institutions et d’organisations sociales, gouvernementales et non gouvernementales) pour réaliser
l’(es) objectif(s). Un des « produits » sociaux conçus spécialement à cette fin et à vendre serait la
politique d’éducation de « l’enseignement primaire universel multilingue ». Dans une perspective
institutionnelle, le marketing social pourrait mettre l’accent sur le rôle du Ministère national de
l’Education (ME) en tant qu’organisation centrale pour gérer les politiques de l’éducation en général,
et de l’éducation primaire universelle multilingue en particulier.
Il en découle que nous devons parler de professionnalisme et de compétence spéciale en gestion aux
niveaux appropriés de l’administration, par exemple de tout Ministère de l’Education. Seule une bonne
dose de professionnalisme et de compétence permettrait aux gestionnaires des ministères de
fonctionner efficacement et effectivement dans le cadre du régime appelé cycle de gestion, i.e. un
processus de planification et d’application dynamique comportant les activités décrites dans la figure 1
ci-dessous.
Fig. 1. Cycle de gestion
Budgétisation
Il n’y a aucune raison pour que les institutions publiques et gouvernementales ne soient pas soumises
aux exigences de professionnalisme et de compétence en gestion. Comme les institutions privées, elles
doivent posséder une philosophie et une mission, doivent avoir des informations précises sur leur rôle
dans un environnement spécifique, être à même de définir précisément des objectifs, élaborer des
stratégies pour atteindre les objectifs, et mettre en place les mécanismes de contrôle qui permettront
d’évaluer les faits et si nécessaire de réorienter les objectifs et les stratégies. Tout ceci fait partie du
marketing. En ce sens, le marketing n’est rien d’autre qu’une philosophie de gestion professionnelle
visant à optimiser les processus fonctionnels dans lesquels l’organisation évolue. (Et ceci n’a que peu
ou même pas de similitude avec une publicité pour un nouveau shampoing ou une marque de
cigarettes, car le marketing est quelquefois interprété de façon trop restrictive et donc erronée.)
La sociolinguistique pose comme principe axiomatique que la planification linguistique est une
planification sociale. Une organisation sociale moderne et évoluée, et sa mise en place en Afrique ou
ailleurs dans le monde, ne peuvent plus exister sans la théorie du marketing social et son application
opérationnelle. Donc, si la planification linguistique est bien une forme d’organisation sociale, qu’en
67
Cette analyse suit en général une approche dite FFOM (Forces – Faiblesses – Opportunités – Menaces) dans
laquelle les forces et les faiblesses s’appliquent à l’environnement interne (i.e. l’organisation elle-même et ses
structures), alors que les Opportunités et les menaces s’appliquent à l’environnement externe.
184/212
est-il alors du marketing de la langue d’enseignement, ou plutôt : de la promotion d’un enseignement
multilingue avec une réelle reconnaissance du rôle des langues maternelles/L1 ?
Il n’est pas couramment accepté et n’est pas dans l’esprit de la sagesse traditionnelle que la gestion
professionnelle – notamment le marketing et le contrôle du rendement – est une nécessité conceptuelle
et organisationnelle dans les sous champs de la planification sociale, notamment la planification
linguistique. Ceci est surprenant en dépit du fait que, en terme de budget et des effectifs de personnel,
les institutions concernées comme les ministères et autres agences gouvernementales ou quelques
ONG, se comparent à des entreprises commerciales petites et moyennes. Même si l’éducation est
moins concernée par les « produits matériels » (matériel et marchandises stockables) que par les
« produits immatériels » (produits immatériels et non stockables), il existe néanmoins un besoin en
gestion et en marketing, essentiellement sous forme de « gestion des services ».
La gestion des services est confrontée à une série de problèmes particuliers qui se rapporte à la nature
« immatérielle » de ses produits. Nous faisons ici référence à des produits comme « une bonne
formation », « une éducation réussie » « des programmes adéquats », « une plus grande motivation et
un potentiel créatif plus fort » des enseignants et des élèves, etc. C’est pourquoi au lieu de cela,
lorsqu’il y a quelque chose, ce sont des histoires de réussite racontées aux médias à des fins de
propagande et portant sur un grand nombre de « produits matériels», comme les salles de classes
construites et les livres imprimés, le nombre d’enseignants formés et d’élèves sortants à divers
niveaux, le pourcentage de fréquentation des filles, etc. Le marketing de l’éducation porte sur la
modification des schémas d’attitude et de comportement de personnes de générations différentes,
venant d’un contexte social et culturel différent. Une nouvelle politique de l’éducation, ne peut en tant
que politique être considérée comme bien vendue parce qu’elle semble bien acceptée par le public,
comme le disent les médias - tout particulièrement dans le cadre d’une presse qui dans un certain
nombre de pays africains n’est peut-être malheureusement pas libre du tout. Il faut plutôt de longues
années et plusieurs cohortes d’élèves et d’étudiants perçus et reconnus comme « mieux formés » en
terme de leurs résultats immédiats qui peuvent être mesurés et liés à cette nouvelle politique, comme
par exemple de meilleures perspectives d’emploi. C’est là un des principaux problèmes de la
planification sociale et de l’éducation, à savoir les effets à long terme des actions par opposition aux
effets à relativement court terme du marketing politique pendant les campagnes électorales par
exemple.
L’agence centrale pour toutes les activités concernant les politiques de l’éducation, leur planification
et leur application, l’offre de locaux et de mobilier scolaires, le matériel pédagogique et les
consommables, la formation et l’emploi des enseignants, l’élaboration des programmes et
l’organisation des examens de fin d’étude, etc. est une sorte de Ministère de l’Education (ME).
Au cours des deux ou trois dernières décennies il y a eu quelques tentatives intéressantes d’élargir le
champ de la science du marketing pour englober les problèmes et les organisations non commerciales.
C’est ce qui a donné ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de Marketing Social. Cependant, il
serait juste d’ajouter qu’aucune des questions les plus importantes du marketing social n’a été traitée
de façon satisfaisante, ni même résolue (cf. Bruhn/Tilmes 1994 : 230 ff.).
Introduire un marketing professionnel dans le programme d’une institution gouvernementale comme
un ME en Afrique peut se heurter à un fort scepticisme. Dans notre conception bipartite traditionnelle
du « gouvernement et de l’administration publique » d’une part, et dans « l’économie et les activités
de marché » d’autre part, il semble – à première vue - qu’il y ait peu de place pour l’introduction
185/212
d’adaptations conceptuelles des secteurs économique et du marché des acteurs commerciaux dans la
routine du gouvernement et de l’administration. C’est peut-être là une partie du problème, et une des
diverses raisons expliquant les résultats médiocres obtenus par le gouvernement et les administrations.
En fait, les gouvernements utilisent déjà des concepts de marketing, ou au moins des éléments de
marketing :
¾ les médias, souvent sous contrôle du gouvernement, sont utilisés comme multiplicateurs de la
communication entre le gouvernement et le public, même avec les bailleurs de fonds ;
¾ certains des groupes cibles sont identifiés comme les destinataires d’une action occasionnelle
particulière, comme les programmes spéciaux pour la formation en cours d’emploi et en dehors du
temps de travail des enseignants et des administrateurs, l’élaboration de programmes, le pilotage
des actions expérimentales de l’éducation de base, etc.
¾ certains résultats des études de pilotage, et les modifications dans certains programmes sont
appliqués, alors que d’autres ne le sont pas.
Ce sont tous des éléments de marketing et ils font partie de la communication du ME avec son
environnement lorsque celle ci existe.
Cependant, on peut penser que dans ces cas nous sommes face à un marketing ad hoc et plutôt intuitif,
i.e. la majorité du temps il n’y aura pas de communication axée sur le marketing, mais de simples
décrets descendants, ou aucune communication. Cependant, on a besoin d’un marketing stratégique
systématique et à long terme qui implique une planification à long terme et systématique de la
communication. Les activités de marketing ad hoc et intuitives présentent des insuffisances évidentes,
notamment
¾ elles n’ont pas de perspective mobilisatrice à long terme, mais sont plutôt axées sur une solution
immédiate aux problèmes soulevés (plus en tant que stratégies de réparation);
¾ elles ne s’intéressent pas à la communication interne des objectifs (qui sont traités dans la
communication externe) dans les diverses sections du ME et à l’ensemble du personnel impliqué
dans des activités spécifiques, c.-à-d. que la majorité des membres du personnel ne participe pas à
l’identification des objectifs ou que les objectifs ne lui sont pas exposés de façon explicite même
si ses performances sur le plan administratif décideront de la capacité ou de l’échec à réaliser les
objectifs grâce à des opérations de marketing ;
¾ il n’y a pas d’analyse systématique des succès ou des échecs (il est très instructif de tirer des
leçons des échecs) ;
¾ si les activités à court terme semblent donner des résultats, on s’arrête là – l’envie de poursuivre
des activités à long terme n’existe que peu ou pas, même si elles semblent prometteuses.
Si la direction du gouvernement, et ici dans notre cas du ministère, signifie avant tout la
communication vers l’extérieur et la coordination de la communication à l’interne, il faudra de plus en
plus de professionnalisme. Ce qui ne veut pas simplement dire remplacer l’expérience pratique par des
connaissances théoriques pures, mais plutôt appliquer les connaissances structurelles à l’expérience, et
ainsi, intégrer systématiquement la théorie dans la pratique.
Il semble que l’on puisse dire sans controverse qu’un certain nombre de problèmes découlent de la
nature des institutions gouvernementales et du profil de leur personnel. Ceci est particulièrement vrai
pour les agences les plus au centre des questions de l’éducation, c'est-à-dire les Ministères de
l’Education. La majorité des membres du personnel, notamment et surtout ceux aux postes de
direction, ont de gros préjugés et d’importantes réserves sur l’introduction de méthodes et de principes
de marketing. Ils ont tendance à s’inquiéter de l’impact que le marketing aurait sur l’identité de
l’organisation et sur leur propre position à l’intérieur de l’organisation. Lorsqu’elles entendent le mot
« marketing », beaucoup de personnes pensent simplement à la publicité dans les médias et aux
annonces publicitaires, et se demandent ce que cela peut avoir avec leur travail en tant qu’institution
gouvernementale. Et enfin, les ministères et autres institutions gouvernementales ont tendance à avoir
des traditions de longue date et plutôt conservatrices basées sur des structures qui ne se changent pas
facilement (certaines sont solidement enracinées dans la période coloniale). Les concepts nouveaux
186/212
comme « le contrôle de rendement (interne)» plus encore que « l’évaluation externe » plus connue,
sont en principe assez négatifs au niveau de l’image qu’ils ont de leur propre organisation, de la façon
dont elle devrait être gérée, et de leurs propres responsabilités dans l’organisation.
Dans le cadre d’un concept plus large du marketing, les ME peuvent être considérés comme le pendant
d’entreprises commerciales dans une économie de marché, et donc fonctionnant selon des critères
économiques et nécessitant une gestion professionnelle. Cette équation peut paraître surprenante au
premier abord, mais revêt un sens lorsqu’on prend conscience des faits suivants 68 :
¾ Les ME organisent et coordonnent les activités de personnes ;
¾ Les ME acquièrent et utilisent des moyens financiers et autres et les transforment en facteurs
de production (intrants), en biens et services (produits) qui sont utilisés par d’autres
personnes ;
¾ Les ME se comparent à des entreprises commerciales en termes de l’importance de leur
budget et du nombre de personnes employées.
De plus, les ministères, comme les acteurs du secteur commercial – du moins en théorie –
permettraient
¾ un marketing intégré, c.-à-d. la coordination de toutes les activités de marketing dans tous les
secteurs et les sous -organisations;
¾ une flexibilité et une efficacité face aux et en dépit des données et des conditions en évolution
dans leur environnement;
¾ une créativité et un potentiel d’innovation;
¾ une qualification du personnel pour certaines fonctions
Cependant, Les ME ne limitent pas leur activité à la dimension économique, même si les
considérations économiques (comme la relation coûts-bénéfices) sont une condition préalable
également nécessaire pour les ministères pour contribuer efficacement et effectivement aux
réalisations dans le secteur de l’éducation. En ce sens, l’éducation est économiquement conditionnée
dans les deux sens du terme « condition », c.-à-d. il est d’abord « permis » qu’elle soit mise en place,
et elle est « restreinte » par des contraintes financières et autres.
Ainsi, et pour être efficace dans un système coûts-bénéfices, les ME ont besoin d’une gestion et d’un
marketing professionnels comme toute organisation commerciale de taille similaire. La gestion au sens
plus large est perçue comme « un ensemble de tâches de direction indépendantes du type
d’entreprise » (Schreyögg 1993, cité dans Benkert 1994). Ce qui est différent, et c’est pourquoi nous
avons besoin d’une théorie de gestion spécialisée pour le marketing social, c’est que avec les ME, les
objectifs économiques comme l’efficacité coûts-bénéfices concernant les réalisations quantitatives et
les “produits matériels ” (comme le nombre de salles de classes construites et de livres imprimés, le
nombre d’enseignants formés, les taux d’entrée et de sortie des écoles, le pourcentage d’inscription des
filles par rapport aux garçons, etc.) sont remplacés par les objectifs culturels/ de l’éducation de nature
qualitative qui sont des « produits immatériels » (comme une « bonne formation », une « éducation
réussie », « des programmes et schémas de cours adéquats », « un potentiel créatif accru » de
l’enseignant et de l’élève, etc.). il découle de ceci que la gestion de l’éducation doit permettre de servir
les besoins de la société plutôt que d’être dirigée par les profits au sens habituel du terme. De plus, les
ME ont tendance à être des monopoles publics sur le marché, sans ou avec très peu de concurrence
68
La section suivante est basée sur Benkert (1994). Nous allons appliquer le cadre général de marketing et de
contrôle du rendement de Benkert pour les institutions culturelles publiques avec autant de précision que
possible à un agent spécifique, c'est-à-dire un hypothétique Ministère de l’Education (ME) dans un contexte
africain généralisé. Les illustrations, lorsqu’il y en a, se rapportent à la situation au Niger, en Afrique de l’Ouest.
Le lecteur est invité à comparer ceci à la situation dans son propre pays et à la situation de l’éducation qu’il (ou
elle) connaît le mieux.
187/212
privée (monopolistes, et cependant de par leur position dans un marché presque inexistant, ils ont
tendance à considérer que l’efficience et le marketing sont largement inutiles).
Comme un ME dans son fonctionnement doit s’intéresser aux relations entre les tâches stratégiques
(c.-à-d. sa « mission » et les « objectifs » spécifiques à réaliser et qui ont été fixés par la politique du
gouvernement), les tâches opérationnelles pour la mise en place de politiques spécifiques, les moyens
disponibles (offerts par le Ministère des Finances ou des organismes non gouvernementaux, comme
les bailleurs de fonds étrangers), et l’environnement démographique et culturel dans lequel effectuer
ces tâches, il est nécessaire de disposer d’une compétence de gestion spécialisée impliquant
l’application de modèles de marketing et de contrôle interne, en plus d’autres « fonctions » de gestion
comme la budgétisation & les finances, la planification du personnel & le développement, etc.
Les institutions gouvernementales comme les ministères sont confrontées à des déficits au niveau du
flux d’informations et de la structure organisationnelle :
¾ Le Marketing n’est presque jamais considéré comme ayant une importance et encore moins une
importance primordiale. S’il a un statut, il est en général marginal. Ainsi, il n’y a pas d’unité
centrale de marketing dans la structure organisationnelle. On peut trouver quelques personnes
individuelles chargées du marketing et qui n’ont qu’une connaissance limitée des concepts de
marketing ; le marketing est souvent sous traité auprès de consultants extérieurs, si tant est que le
ministère s’y intéresse.
¾ Il n’y a pas eu de collecte continue et d’évaluation des informations sur les activités passées, de
sorte que c’est à peine s’il existe une base pour un marketing basé sur des informations
(planification) et un département marketing bien établi au sein de l’organisation et qui aurait un
accès immédiat au Conseil d’administration.
¾ Les plans de Marketing, s’ils existent, ne sont pas utilisés comme outils de direction, mais plutôt
traités comme matériel « d’archive ».
¾ Il n’y a presque jamais d’analyses coûts-bénéfices, et si on oblige les organisations à le faire, elles
sont suivies de peu ou pas d’effets.
¾ En Afrique, en particulier, les fréquents changements au niveau du gouvernement et donc de la
direction de l’organisation concernée, ont tendance à générer une discontinuité et des effets
négatifs sur la planification et sa mise en place, car les nouveaux gouvernements ont tendance à
changer de politiques presque systématiquement afin d’être publiquement reconnus comme étant
différents (et dans l’idéal « meilleurs » – une autre façon de faire du marketing sous forme de
relations de publiques, en termes « d’image », sinon de « propagande »).
¾ Contrairement aux ONG ou d’autres organisations (quelquefois volontaires) de la société civile,
les institutions gouvernementales possèdent des caractéristiques structurelles organisationnelles
qui contribuent à une absence générale de flexibilité.69
On peut se demander combien de ME en Afrique ont une section de gestion spécialisée qui peut ou
pourrait faire du marketing et du contrôle de rendement. Les organigrammes des ministères, par
69
Parmi ces caractéristiques : (a) la formalisation de la communication interne par opposition à une interaction
libre entre les membres; (b) les mécanismes de contrôle formel externe par opposition aux mécanismes de
contrôle informel et interne à l’intérieur des organisations; (c) la coordination : direction centrale avec
prédominance ou uniquement une communication descendante ; (d) l’organisation interne : axée sur le
« sujet/tâche » plutôt qu’en fonction du « rôle » avec une forte contribution de la communication « ascendante »;
(e) le recrutement du personnel : sélection externe, procédures de promotion fixes (automatiques); (f) la
motivation : présence physique plutôt que « affiliation » et satisfaction au travail ; (g) la structure globale :
hiérarchique plutôt que démocratique/participative.
188/212
exemple celui de l’ancien MEN au Niger (Bergmann/Yahouza 1992), laissent entendre qu’ils n’en ont
pas. Une section de marketing à part entière nécessiterait un minimum de personnel spécialisé à des
postes de direction, comme le montre le diagramme ci-dessous (Fig. 4).
Fig. 4. Illustration d’une unité de marketing générique intégrée dans la direction (modifiée et extraite de
Kotler 1978: 232f., citée dans Bruhn/Tilmes 1994: 222f.)
Conseil de Direction
Chaque case indiquant une fonction en italique représente des postes de gestion importants qu’il faut
examiner pour voir les défis et les exigences qu’ils comportent.
Les qualifications personnelles et les exigences concernant le personnel de l’unité de marketing, les
gestionnaires et autres qui valent pour les organisations commerciales ne sont certainement pas celles
normalement requises pour le recrutement dans une institution gouvernementale. La liste des critères à
réunir pour un tel poste et qui figure ci-dessous n’est pas celle des qualifications habituelles pour
l’embauche et la promotion des fonctionnaires dans les ministères :
o flexibilité, o ouverture générale,
o initiative individuelle, o sentiment de responsabilité sociale,
o capacités de prises de décision, o capacité d’apprentissage et volonté
d’apprendre,
o horaires de travail aménageables,
o capacités d’intégration,
o direction axée sur l’équipe,
o curiosité,
o capacités de résolution de problèmes,
o adaptabilité,
o capacité à gérer ouvertement les conflits,
o etc.
o créativité et nombreux intérêts
personnels,
Comme les ME semblent être des institutions où on peut trouver du personnel avec les qualifications
susmentionnées, il ne faut pas être surpris qu’on déplore souvent que les politiques d’éducation en
général, et certaines politiques innovantes de l’éducation en particulier soient si lentes à mettre en
place sur le terrain, si tant est qu’elles aient une chance d’être appliquées d’une façon sérieuse!
189/212
Peut-être est-il nécessaire de parler rapidement de l’étude de marché nécessaire (cf. Otte 1999 : 50ff.).
Etant une étude empirique au sens réel du terme, l’étude de marché doit être planifiée, respecter des
principes scientifiques et aboutir à des résultats reproductibles. Les experts font la distinction entre
l’obtention de données empiriques d’une part, et la recherche documentaire d’autre part. Pour
l’obtention de données, la méthodologie standard consiste à combiner l’analyse de marché et
l’observation du marché (en utilisant des instruments tels que les entretiens individuels et avec des
groupes témoins, l’observation, les expériences sur le terrain comme en laboratoire).
Comme le marketing est l’orientation des activités vers les besoins des groupes cibles, nous devons en
premier lieu identifier les groupes cibles correspondants pour nos ME, et les besoins de ces groupes
cibles. Cela ne suffira pas de dire que le groupe cible est « la société » et que ses besoins sont « une
éducation formelle organisée en cycles d’éducation ». Il est clair que nous devons peaufiner cette
analyse. Cependant, on néglige souvent le fait que non seulement sont concernés les groupes de
« consommateurs » des politiques de l’éducation (que nous identifions comme étant les élèves, les
parents et les enseignants), mais également d’autres personnes et institutions dans l’environnement
plus large de l’éducation, comme les responsables politiques et les décideurs à divers niveaux, les
administrateurs, les bailleurs de fonds, les médias, le grand public, les organisations professionnelles
et les syndicats, etc.
Comme le marketing est avant tout une communication avec les groupes cibles, nous devons identifier
les besoins des groupes cibles, les conditions dans lesquelles ces besoins peuvent être satisfaits, les
processus impliqués dans l’éducation, le contenu de l’enseignement, les modalités de l’offre
d’éducation, tout ceci dans le cadre offert par les politiques de l’éducation élaborées par le parlement
et/ou le gouvernement qui doivent déjà et de façon circulaire, être basées sur une étude de marché et
une communication intensive avec les groupes cibles, et à l’intérieur du ministère.
Il en découle que le marketing dans les ME doit être organisé comme une activité intersectorielle, non
pour avoir simplement une autre « direction » ou section parallèle aux autres directions ou sections,
mais avec une unité réellement intersectorielle qui a une incidence sur toutes les autres unités
administratives et tous les membres du personnel à l’intérieur du ME dans le sens des notions
modernes de gestion sociale intégrée. Autrement, nous courons le risque très grand de voir s’établir
des rivalités malheureuses entre des sections ou des directions individuelles qui iraient à l’encontre des
mesures proposées et mises en place par une unité de marketing qui ne serait qu’une unité parallèle de
plus parmi bien d’autres.
En plus de tout ceci, le dit marketing social intégré implique un fonctionnement ciblé des divers
instruments de marketing pour générer un maximum d’effets synergiques, avec – comme nous l’avons
déjà dit, une coordination interne intersectorielle des activités et de la communication dans
l’organisation concernée. Des programmes de marketing social efficaces supposent au préalable des
précisions sur (a) les conditions organisationnelles nécessaires, (b) la qualification du personnel, et –
bien sûr – (c) la mise en place d’un contrôle effectif du rendement.
Un argument relativement récent mais de poids en faveur du marketing social, concernant l’éducation,
découle de l’observation selon laquelle l’éducation devient de plus en plus un champ de
sociosponsoring, (socioparrainage) c'est-à-dire où les bailleurs externes exercent une influence plus
grande sur les questions de l’éducation.70 Le Sociosponsoring et le marketing social sont des
70
Les ONG et les agences internationales ont en fait mis assez longtemps à découvrir que “l’éducation” est un
des domaines les plus importants pour l’aide au développement, mais elles y accordent actuellement de plus en
190/212
instruments qui utilisés systématiquement et professionnellement, offrent des avantages à tous ceux
qui sont concernés par l’éducation au premier chef, c'est-à-dire les organisations et les groupes cibles.
Chaque groupe cible a des besoins ou des attentes spécifiques souvent implicites plutôt qu’énoncés
explicitement. Les groupes cibles peuvent être des institutionnels (par exemple des organismes
gouvernementaux, des ONG), des organisations de la société civile (par exemple des organisations
professionnelles, des syndicats), ou des personnes individuelles (décideurs, administrateurs,
enseignants, parents etc.). Chaque groupe cible se caractérise par des options restreintes en termes de
comportement social. Traiter avec différents groupes cibles implique donc d’avoir accès à un
ensemble d’outils de marketing.
plus d’attention. Un exemple en est la Coopération Technique Allemande, le GTZ (Gesellschaft für Technische
Zusammenarbeit), cf. leur brochure récente sur « l’Enseignement Primaire Universel dans les Sociétés
Multilingues » (GTZ 2003, auteur : Kurt Komarek) commandée par l’ADEA pour sa Biennale à Maurice,
décembre 2003.
191/212
conséquences économiques qui doivent également prendre en compte les critères que les groupes
cibles considèrent pertinents.
Pour la communication au sein du gouvernement et en direction des organes législatifs (autant que des
bailleurs de fonds externes, des ONG, etc.) particulièrement, une mission d’entreprise solide et
convaincante doit donner du ME l’image d’une agence essentielle pour le développement et la
réduction de la pauvreté et la jouissance des droits de l’Homme.
Regardons d’abord les sections « traditionalistes » du public qui ont des problèmes avec la
« modernisation » en général et requièrent des objectifs marketing spécifiques
Tableau 5. Cibles pour la campagne de promotion de l’éducation formelle parmi les sections
« traditionalistes » du grand public
Avant après
Crainte de la communauté musulmane que les La communauté musulmane n’a plus peur
71
EPU = Education Primaire Universelle
192/212
élèves ne soient « perdus » pour l’Islam que l’éducation formelle affecte
négativement l’Islam
Certains dignitaires religieux découragent La majorité des dignitaires religieux sont
l’éducation formelle en faveur de l’éducation formelle
Beaucoup de parents refusent l’éducation formelle Parents souhaitent scolariser tous leurs
pour leurs enfants enfants dans l’éducation formelle
Communiquer les avantages d’une éducation primaire de qualité réformée ( impliquant la langue
maternelle et la lingua franca comme moyen d’instruction, un contenu culturellement adéquat) aux
secteurs non traditionalistes du grand public, c'est-à-dire en grande partie ceux qui ont bénéficié d’une
certaine façon de l’éducation formelle de l’ancien système, a pour objectif d’entraîner des
modifications importantes des comportements qui ne peuvent se mettre en place que si et lorsque la
nouvelle politique de l’éducation enregistre des succès notables et radicaux et s’accompagne de
meilleures perspectives d’emploi, et ce même pour les membres de « l’élite » actuelle. Il en découle un
ensemble d’objectifs marketing, probablement les plus difficiles :
193/212
Si les deux campagnes de communication externe décrites ci-dessus, donnent de bons résultats
engendreront automatiquement une plus grande motivation et une meilleure éthique professionnelle
chez les enseignants :
Tableau 8. Objectifs de la campagne pour rehausser l’éthique professionnelle et la motivation chez les
enseignants
avant après
Enseignants du primaire avec une motivation faible forte motivation chez les enseignants du
primaire
Taux de fluctuation élevé chez les enseignants stabilité de l’emploi avec une faible
fluctuation chez les enseignants
Absence de motivation professionnelle (pour la élèves fortement motivés dans les instituts
formation des enseignants) chez de nombreux étudiants de formation des enseignants
Absence de motivation professionnelle chez beaucoup personnel enseignant fortement motivé
de formateurs d’enseignants dans les instituts de formation des
enseignants
formateurs d’enseignants avec une attitude négative Formateurs d’enseignants innovants et
envers les innovations pédagogiques créatifs par rapport aux innovations
pédagogiques
Tableau 9. Objectifs de la campagne pour rehausser les niveaux et améliorer les conditions de travail dans
l’éducation
avant Après
Conditions de travail des enseignants généralement Conditions de travail des enseignants
médiocres généralement bonnes
Conditions de travail des élèves généralement Conditions de travail des élèves généralement
médiocres bonnes (en classe)
nombre de classes/périodes réglementaires non donné Nombre de classes/périodes réglementaires
données
Pas d’exposition aux méthodes d’enseignement Méthodes d’enseignement innovantes et
réglementaires créatives
Niveaux d’enseignement médiocres (au mieux) niveau bon/élevé de l’enseignement
Certains enseignants ont recours aux punitions les enseignants en général considèrent les
corporelles punitions corporelles inappropriées
On peut supposer de façon circulaire que les changements d’attitude sus mentionnés s’exerçant sur le
long terme et les campagnes de marketing appropriées, auront un effet multiplicateur et accélérateur
sur les résultats généraux positifs visés par les nouvelles politiques réformées de l’éducation, tels que
Tableau 10. Objectifs pour des performances et résultats meilleurs dans l’éducation primaire
194/212
Programmes d’enseignement mieux adaptés à l’environnement social et culturel
Lien clairement établi avec l’environnement immédiat (milieu)
Niveaux toujours élevés des sortants de l’école avec une capacité d’alphabétisation élevée en L1, L2
Faible taux de redoublants
Taux d‘abandon proche de zéro
100% de fréquentation au 1er examen final
Taux de réussite toujours élevé au 1er examen final
Tableau 11. Objectifs pour une bonne efficacité et des relations coûts-bénéfices équilibrées dans le système
d’éducation
Avant après
Réduction de l’allocation de ressources à Allocation de ressources adéquate/suffisante à
l’éducation l’éducation
Répartition inadéquate des rares ressources à Répartition adéquate des ressources dans le système
l’intérieur du système d’éducation d’éducation
Absence de moyens Disponibilité des moyens nécessaires
Augmentation de la part des coûts de personnel au Répartition équilibrée entre les coûts de personnel et
détriment d’autres coûts par élève les frais généraux unitaires par élève
coûts-bénéfices : coûts par élève assez élevés
relation coûts-bénéfices particulièrement mauvaise Bon nivellement des coûts par élève grâce à une
dans les régions rurales (faible fréquentation car répartition égale des élèves par classe, au niveau
les enfants doivent travailler) urbain et rural
Efficacité interne du système assez faible Efficacité interne élevée
Efficacité externe (sur le marché de l’emploi) du Efficacité externe élevée
système assez faible
195/212
marketing. Nous savons que le marketing de l’éducation ne consiste pas simplement à « vendre » une
politique gouvernementale particulière au public et à l’appliquer au quotidien, mais est un processus
continu de communication bidirectionnelle complexe entre toutes les parties prenantes dans
l’environnement plus vaste de l’éducation (certains experts parlent d’une « approche de partenariat
dynamique avec de multiples acteurs »). Développer cette communication est une des caractéristiques
de la nature dynamique inhérente qui fait du marketing une mission stratégique pour une direction
efficace en termes de gestion sociale, et qui doit être suivie par l’identification des tâches
opérationnelles afin d’être appliquée avec efficacité. Une direction efficace cherchera à optimiser cette
communication tant dans sa dimension externe (c'est-à-dire marketing dans le sens limité du terme)
que dans sa dimension interne (c'est-à-dire le contrôle de rendement).
Le contrôle du rendement comme nous l’avons déjà dit, n’est pas vraiment un « contrôle » dans le sens
courant du terme, mais concerne plutôt la communication interne au sein de l’organisation basée sur
l’évaluation des objectifs et de l’efficacité. Si on regarde les structures organisationnelles des ME –
centralisées ou régionalisées/localisées – avec leurs diverses sections spécialisées baptisées
« inspections », on ne peut s’empêcher de penser que « le contrôle » est plus au cœur de ces
institutions que le « contrôle de rendement », c'est-à-dire un contrôle descendant pour s’assurer que la
législature descendante et les décrets sont bien respectés – plutôt que d’organiser un dialogue et de
permettre une communication ascendante, et donc un « retour d’informations » permanent de la base.
Si nous traduisons contrôle du rendement par « pilotage », le contrôle du rendement a pour mission
d’offrir et d’évaluer des données concernant les activités, les réalisations d’objectifs, les coûts-
bénéfices. Alors que le marketing est un concept de direction, le contrôle de rendement est un outil
d’appui à la direction. Le contrôle des rendements peut prendre la forme d’évaluations externes.
Cependant, si on comparait les évaluations externes au contrôle de rendement intégré, elles
sembleraient beaucoup moins efficaces pour la promotion globale de l’éducation, car elles ne font pas
partie du concept de direction du ME, et n’incluent pas la communication interne au sein du ME ni
l’évaluation continue. Les évaluations externes sont plutôt des exercices ponctuels effectués tous les 5
ou 10 ans. L’évaluation externe peut être une bonne chose et avoir des implications pour les parties
prenantes externes comme les agences de bailleurs de fonds, mais pour le gouvernement et le public,
en particulier notre ME, toutes les personnes concernées pourraient facilement tourner le dos à cette
évaluation externe et continuer « à faire comme d’habitude ».
196/212
¾ organiser un retour d’information interne de la pratique vers la planification stratégique pour
éviter des évolutions non prévues ;
¾ garder l’œil sur les relations coûts-bénéfices.
La planification et le contrôle des rendements sont les deux faces d’une même pièce ; la planification
précède le contrôle du rendement. La planification est proactive, a pour perspective des actions dans le
futur, alors que le contrôle du rendement a, du moins en partie, une perspective rétroactive, c'est-à-dire
s’intéresse aux écarts par rapport à la planification originelle, et est en même temps un système
d’alerte précoce au niveau des conséquences pour les actions futures (plan correctif). Au sens plus
étroit, le contrôle du rendement implique la recherche et la condensation des données, une analyse et
un rapport, l’interprétation des résultats. Au sens plus large, qui est quelquefois appliqué, le contrôle
du rendement inclue également les activités pré et post contrôle de rendement, c'est-à-dire la
planification (précédant le contrôle de rendement au sens le plus étroit) et une évaluation sous forme
de conseils à la direction concernant l’interprétation et les choix d’actions à mettre en place (suivant le
contrôle de rendement dans le sens plus restreint). Le contrôle de rendement ferait en particulier, une
analyse en terme d’évaluations continues (éventuellement aidées par des évaluations externes
occasionnelles et ciblées) de la planification (stratégique et opérationnelle), de l’application des plans
(et les correctifs), des relations coûts-bénéfices, de l’efficacité interne et externe, des stratégies de
gestion (notamment « le contrôle de rendement »). Un contrôle de rendement plus poussé et même
plus spécialisé devrait également porter sur le contrôle de rendement du personnel (c'est-à-dire, avoir
les bonnes personnes au bon endroit, en fonction des qualifications et des motivations), et le contrôle
du rendement de la logistique (c'est-à-dire l’offre de biens matériels aux divers endroits où se
déroulent des activités éducatives).
Le contrôle de rendement pourrait être fait à l’interne par l’unité de marketing centrale de
l’organisation, mais il pourrait également être sous-traité et être effectué par des consultants externes.
Les deux stratégies ont leurs avantages et leurs inconvénients en terme de bonne connaissance
(proximité contre distance), de canaux de communications courts par opposition à longs, de coûts, et
d’intérêts conflictuels.
Si les concepts modernes de marketing social intégré pourraient dans l’idéal être appliqués de façon
radicale et générale, ils pourraient, pour diverses raisons, ne pas donner de résultats dans de nombreux
contextes africains (par exemple, l’absence de « volonté politique » due à une absence de compétence
intellectuelle et politique ainsi qu’à la résistance dans les structures de l’administration, l’absence de
personnel qualifié, l’insuffisance des ressources, les problèmes de budget). Cependant, pour notre ME
modèle, il n’est pas nécessaire d’introduire le marketing et le contrôle de rendement de façon aussi
générale, mais on pourrait envisager une introduction de marketing et de concepts de contrôle de
rendement fragmentés. Ceci signifierait que l’unité de marketing nouvellement créée se concentrerait
par exemple sur le marketing et le contrôle de rendement de l’EPU multilingue et de l’alphabétisation
multilingue des adultes. Cette suggestion ressemble bien sûr quelque peu à ce qui est connu depuis
longtemps, en particulier chez les agents de l’aide étrangère à l’Afrique et leurs homologues locaux,
sous le nom de « gestion de projet ».72
La différence avec la gestion de projet est que la première vise une tâche particulière bien définie à
accomplir, alors que le marketing et le contrôle de rendement au sens de concepts de direction et
d’appui à la direction sont une caractéristique permanente de la gestion moderne avec une perspective
à long terme. L’introduction de concepts de marketing par « projets » serait possible lorsqu’elle
72
Souvent, la gestion de projet comprend déjà une unité de contrôle de rendement ou de suivi, partant de l’idée
générale que le contrôle de rendement comme le marketing est intersectoriel par nature.
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implique l’introduction par étapes de divers domaines d’intérêt sélectionnés (ou « projets ») pour créer
un réseau en expansion pour la planification stratégique – en parallèle à l’expansion du rôle de la
gestion stratégique en général.
Cette stratégie d’introduction par étapes d’une philosophie de marketing dans des institutions
traditionnellement très bureaucratiques serait probablement et également appropriée aux vues de
l’absence répandue de professionnalisme spécialisé (ou d’un degré de professionnalisme très faible) du
côté de la direction du ministère. Une unité de marketing hautement professionnelle serait d’une faible
utilité dans une institution dont la direction est incapable d’intégrer les résultats du contrôle de
rendement dans un type de gestion stratégique. En tout état de cause : les premières étapes doivent être
l’expression de la volonté politique d’englober les concepts modernes de langue et de gestion de
l’éducation par le gouvernement, et le « feu vert » pour une mise en œuvre sérieuse en créant une
« unité de marketing » hautement professionnelle (avec accès immédiat au niveau de la direction) qui
connaît bien et est capable de se conformer aux concepts modernes de marketing social intégré pour
les politiques éducatives en général, et les politiques de langue d’enseignement en particulier, au sein
du ministère ou des ministères responsables.
Cette unité de gestion centrale doit être guidée et sera guidée par des visions pour une société
démocratique dans laquelle le système éducatif permet à chaque citoyen de développer tout son
potentiel intellectuel et créatif grâce à l’utilisation continue de sa première langue (ou de toute langue
qu’il ou elle connaît bien en tant que L1) d’apprentissage dans tous les cycles de l’éducation, en plus
d’une ou deux autres langues (L2), dont l’une sera la langue officielle du pays si celle-ci est différente
de la L1.
Le bi et trilinguisme additif dans l’enseignement, comme le montre largement cette étude, est une base
incontournable dans la plupart des régions d’Afrique pour un développement socio culturel et politico
économique soutenu, une éradication de la pauvreté, et enfin pour briser les chaînes invisibles de la
colonisation mentale. Il y a peu d’espoir pour ne pas dire pas du tout, que ceci puisse se réaliser sans
politiques linguistiques et politiques de langue d’enseignement adéquates qui donnent à la (aux)
langue(s) africaine(s) indigène(s) la place qui lui (leur) revient de plein droit et comme jamais, en
complément d’un accès inévitable à un bon niveau dans la langue officielle que le système éducatif
doit également offrir. Les peuples africains devraient être encouragés à accepter que mieux vaut
développer ses points forts que compenser ses points faibles, ce qui concernant les politiques de
langue et d’éducation implique d’exploiter avec fierté et d’élargir les schémas hérités de
multilinguisme si répandu en Afrique plutôt que de copier fidèlement le prétendu monolinguisme qui
semble caractériser le pays de l’ancienne puissance coloniale. Le défi pour l’Afrique et les africains
consiste à échapper aux pièges du colonialisme :
On semble croire que ce qui est traditionnel est incompatible avec ce qui est progressif. Ceci est
essentiellement du au fait que ce qui vaut la peine d’être conservé dans les sociétés africaines dîtes
primitives a été tellement caricaturé, ridiculisé et même condamné et taxé de sauvagerie et de décadence
par les européens qui établissent les normes de l’acceptable. Ainsi, l’Africain est accidentellement pris
entre le dualisme de cultures tout aussi malveillantes militant l’une contre l’autre. De ce fait, il devient
soit une caricature de lui-même, soit un imitateur des autres. (Emeka Manuwuike 1978)
Les Africains ont toujours vécu leurs vies et leurs cultures. L’Académie africaine sera un instrument
décisif pour la libération totale du continent, et le retour des initiatives prises par les populations. Elle
contribuera à la diffusion d’une vision dynamique des langues, véhicules de culture et de valeurs morales,
bases des sociétés africaines, et facteurs incontournables d’intégration, de paix et de développement
endogène perpétuel dans le cadre d’un partenariat équilibré et dynamique avec les langues héritées du
colonialisme.
Il est aujourd’hui temps que l’Afrique arrête d’être le seul continent où un enfant scolarisé ne peut avoir
accès à la connaissance et à la science qu’au travers d’une langue autre que celle parlée dans sa famille !
(Adama Samassekou, Président de l’ACALAN, 2002)
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