780-Article Text-2797-1-10-20211030
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ISSN: 2665-7473
Volume 4 : Numéro 4
EL YAACOUBI Youssef
Enseignant-chercheur
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Fès
Université Sidi Mohamed Ben Abdellah
Laboratoire de Recherche et d’Études en Management, Entreprenariat et Finance (LAREMEF)
Maroc
youssef.elyaacoubi@usmba.ac.ma
FARRAT Outmane
Doctorant
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Fès
Université Sidi Mohamed Ben Abdellah
Laboratoire de Recherche et d’Études en Management, Entreprenariat et Finance (LAREMEF)
Maroc
Farratoutmane@yahoo.fr
Résumé
Dans le cadre de cette contribution, nous avons exposé les trois dimensions de la communication
financière à savoir la dimension réglementaire, managériale de la gouvernance et marketing.
Chacune de ces dimensions a contribué au développement du contenu de la communication
financière. Le point de départ de la communication financière est la législation. Cette dernière
encadre les activités communicationnelles des organismes financiers dans le marché afin de
protéger les actionnaires contre le comportement opportuniste des dirigeants. Cependant, plusieurs
enquêtes ont montré que les besoins informationnels des parties prenantes dépassent largement les
informations demandées par la loi. Par la suite, nous avons exposé l’évolution du cadre théorique
de la gouvernance et son impact sur l’amélioration de la qualité de la communication financière.
Le dépassement du cadre réglementaire de la communication financière vers la publication des
informations qui ne sont pas demandées par les autorités financières avec une forte adoption des
mécanismes de fidélisation des actionnaires implique l’existence d’une volonté auprès des
émetteurs pour passer à un marketing boursier qui n’est pas basé uniquement sur la réglementation
mais aussi sur des outils de la fidélisation de différentes natures (financière, informationnelle,
managériale etc.)
Mots clés : Communication financière ; Règlementation ; Gouvernance ; Fidélisation des
actionnaires ; Marketing boursier.
Abstract
In this contribution, we have exposed the three dimensions of financial communication, namely
the regulatory, managerial and marketing dimension. The starting point for financial
communication is legislation. The latter supervises the communication activities of financial
organizations in the market in order to protect shareholders against the opportunistic behavior of
managers. We then explained the evolution of the theoretical framework of governance and its
impact on improving the quality of financial communication. Going beyond the regulatory
framework of financial communication towards the publication of information that is not requested
by the financial authorities with a strong adoption of shareholder loyalty mechanisms implies the
existence of a desire among issuers to switch to stock market marketing which is not based only
on regulations but also on loyalty tools of various kinds (financial, informational, managerial, etc.)
Introduction
La communication est caractérisée par l’existence de deux parties : un émetteur et un récepteur qui
échangent des messages à travers un canal, mais ce processus a connu plusieurs changements qui
ont influé sur son appareil définitoire. En effet le cadre théorique et conceptuel amène chaque
chercheur à développer son modèle théorique du phénomène de la communication en fonction de
sa perception.
L’entreprise, conçue comme composante fondamentale du tissu économique et social, doit
communiquer avec ses parties prenantes. Cette démarche a contribué à l’apparition de la
communication d’entreprise. Par ailleurs, dans la littérature, nous distinguons la communication
interne et la communication externe. La première forme de la communication d’entreprise est
mobilisée pour transmettre des messages à l’intérieure de la firme. La deuxième forme, portant sur
l’aspect externe de la communication d’entreprise, est multidisciplinaire puisqu’elle intègre
plusieurs dimensions et cherche également à satisfaire les besoins informationnels des différentes
parties prenantes. Parmi les principales branches de la communication d’entreprise, nous citons la
communication financière.
Cependant, la communication financière est un phénomène compliqué. Sa complexité réside au
niveau du nombre et l’intérêt de chaque intervenant dans son processus. Chacun de ces
intervenants dispose sa propre perception de la qualité de la communication financière (Elyaacoubi
et Farrat, 2021c).
L’objectif de ce manuscrit est de répondre à la question suivante : Comment la communication
financière a-t-elle passé d’une démarche purement obligatoire et juridique vers un outil de
fidélisation des actionnaires ? Pour répondre à cette question, nous avons construit notre
développement sur trois parties. La première est consacrée à la présentation de l’aspect
réglementaire de la communication financière au Maroc tout en exposant aussi les besoins
informationnels des parties prenantes suite aux enquêtes effectuées à l’échelle internationale. Dans
la seconde, nous présentons les différentes approches de la gouvernance et leurs impacts sur
l’évolution du contenu de la communication financière. La troisième est consacrée à la
présentation de la dimension marketing de la communication financière.
La communication financière est caractérisée par une dimension juridique importante (Chekkar,
2007). Durant les dernières années, la réglementation de la communication financière a connu
plusieurs mutations. Celles-ci sont expliquées par un contexte caractérisé par :
- Des crises internationales successives qui frappent les marchés financiers durant les dernières
années, ce qui rend le financement de plus en plus difficile.
- Les difficultés d’accès au financement bancaire : les banques exigent des conditions de plus en
plus contraignantes, ce qui pousse les sociétés à trouver des formes de financement plus favorables.
- La concurrence entre les émetteurs pour attirer les investisseurs.
- Les exigences informationnelles et financières des actionnaires.
Au Maroc, la communication financière est encadrée par les textes suivants :
• Le dahir portant la loi n° 1-93-212 du 4 rebia ii 1414 (21 septembre 1993) et relatif au
conseil déontologique des valeurs mobilières et aux informations exigées des personnes
morales faisant appel public à l’épargne (Modifié et complété par les lois 23-01, 36-05 44-
06).
• La circulaire du CDVM. (Version Janvier 2012). Modifiée le 08 avril 2013. Modifiée le
1er octobre 2013. Modifiée le 1 octobre 2014.
• Dahir n° 1-96-124 du 4 rabii II 1417 (30 août 1996) portant promulgation de la loi n°17-
95 relative aux sociétés anonymes (modifiée et complétée par les lois 81-99, 23-01, 20-05,
78-12)
• Le dahir n°1-13-21 du 1 joumada I 1434 (13 mars 2013) portant sur promulgation de la loi
n°43-12 relative à l'Autorité marocaine du marché des capitaux
• Le dahir n°1-12-55 du 14 safar 1434 (28 décembre 2012) portant sur promulgation de la
loi n° 44-12, relative à l'appel public à l'épargne et aux informations exigées des personnes
morales et organismes faisant appel public à l'épargne.
La consultation du cadre réglementaire de la communication financière au Maroc nous permet de
dire qu’il y a plusieurs types d’informations à publier. Chaque type dispose de ses propres
risques dans le marché à cause de leur sensibilité et leur caractère imprévu. En effet, L'article 18
du Dahir portant loi n° 1-93-212 « Les personnes morales faisant appel public à l’épargne sont
tenues de publier dans un journal d’annonces légales aussitôt qu’elles en ont pris connaissance,
tout fait intervenant dans leur organisation, leur situation commerciale, technique ou financière,
et pouvant avoir une influence significative sur les cours en bourse de leurs titres ou une incidence
sur le patrimoine des porteurs de titres ».
. Cet article présente une description détaillée des informations importantes à publier par les
sociétés cotées. De même, la communication de l’information privilégiée est une obligation à cause
de son impact sur la valeur des titres.
Comme nous l’avons indiqué dans la partie précédente, il existe plusieurs utilisateurs de
l’information comptable et financière. Chaque utilisateur a besoin d’un certain nombre
d’information pour bâtir une image claire sur l’entreprise en question, mais la nature de cette
information se différencie d’un utilisateur à un autre.
Au niveau international, plusieurs chercheurs ont tenté d’identifier les besoins informationnels des
intervenants dans le marché financier. Par contre, au Maroc nous n’avons pas des enquêtes
identifiant les besoins informationnels qui précisent les attentes des intervenants du marché
marocain.
Le rapport est intitulé : « Improving Business Reporting - A Customer Focus ». Pour Zéghal et
Maaloul (2011), ce rapport a proposé le remplacement du modèle financier traditionnel par un
autre basé sur la création de la richesse « Business Model ». Pour ces auteurs, le rapport de Jenkins
recommande :
- la publication des informations prévisionnelles.
- la concentration sur sources de la performance extra financière qui contribuent à la création de
richesse à long terme.
- et l’assurance de l’équité au niveau de la diffusion des informations entre le public et les
dirigeants des entreprises.
C’est une grille largement utilisée par les chercheurs pour évaluer la qualité de la communication
financière volontaire. Botosan (1997) a essayé de découvrir le lien entre le niveau de divulgation
dans les rapports annuels et le coût du capital dans le contexte américain, pour cela elle a construit
un indice composé de 5 rubriques, à savoir :
Ø Les informations générales.
Ø L’historique des informations financières.
Ø Les informations non financières.
Ø Les informations prévisionnelles.
Ø Les explications des changements.
Botosan a sélectionné ces items de trois sources :
- SRI : « Stanford Research Institute » (1987) sur la base d’une recherche effectuée pour détecter
les besoins informationnels des investisseur américains.
- CICA: «the Canadian Institute of Chartered Accountants» (1991).
- (AICPA): Les recommendations de the American Institute of Certified Public Accountants
(1994).
Malgré que la grille de Botosan soit constituée depuis une vingtaine d’année, elle reste souvent
utilisée par les chercheurs au sein de plusieurs contextes pour évaluer la qualité de la
communication financière volontaire ce qui implique que cette grille est crédible.
Il s’agit d’un rapport publié en 2001 par « the Financial Accounting Standards Board », intitulé «
Improving Business Reporting: Insights into Enhancing Voluntary Disclosure »1. Dans ce rapport
le comité a recommandé la publication d’un certain nombre d’informations pour améliorer la
qualité de la communication financière volontaire. Parmi ces recommandations nous citons :
- la publication des informations qui ont un caractère prévisionnel ;
- le point de vue de la direction par rapport aux facteurs de succès essentiels de l’entreprise ;
1
http://www.fasb.org/cs/BlobServer?blobkey=idetblobwhere=1175819611134etblobheader=application%2Fpdfetblo
bcol=urldataetblobtable=MungoBlobs. [Consulté le 19/06/2019].
A partir des données des paragraphes précédents, nous remarquons que l’autorité du marché et les
parties prenantes sont très exigeantes au niveau de la qualité et la quantité des informations
financières, mais la publication de certaines informations peut impacter négativement l’entreprise.
Parfois, l’entreprise a intérêt à ne pas publier des informations qu’elle détient afin d’éviter ses
conséquences négatives. Cela peut générer des conflits avec l’autorité de contrôle. À ce niveau,
l’entreprise doit comparer le coût de la publication et le coût de conservation de l’information. Dye
(1985) cité par Mahmoud (2012) a exposé des cas où l’entreprise préfère ne pas publier ses
informations. A titre d’exemple, nous citons :
L’entreprise opte pour la conservation de certaines informations qui font partie d’un corps
informationnel inséparable, car leur publication peut impacter négativement sa valeur financière
et sa situation concurrentielle.
En cas de dépendance entre les salaires des dirigeants et les résultats financiers des entreprises, il
est préférable de ne pas publier les informations car une telle diffusion peut aggraver la relation
d’agence entre les dirigeants et les propriétaires (actionnaires).
De même, les informations publiées par les sociétés font l’objet d’une utilisation stratégique par
les différentes parties prenantes (Darrough, 1995). Parmi ces cas, nous citons le positionnement
concurrentiel. Ce dernier est influencé en cas d’utilisation des informations stratégiques par les
concurrents par une intervention dans les prix, la quantité produite et le positionnement dans le
marché...etc.
Darrough (1995) confirme aussi que la relation avec les autorités publiques est influencée
négativement en cas de publication des résultats favorables. Cela peut inciter le gouvernement à
changer sa politique fiscale vers la création de nouveaux impôts et taxes. La diffusion de nouvelles
informations financières peut également inciter les salariés à demander des avantages sociaux et
améliorer les conditions de travail qui vont engendrer des conflits et des coûts additionnels pour
la société. Certes, la communication financière exerce un impact sur la valeur des titres, mais
l’impact se différencie d’une nouvelle à autre Guyot (2013).
Quel que soit le modèle adopté au sein de l’organisation, l’objectif principal de la gouvernance est
d’avoir des structures politiques, économiques et sociales rassemblant les meilleures pratiques de
gestion au sein de l’organisation (Dionne-Proulx et Larochelle, 2007).
Alchian et Demsetz (1972) considèrent la firme comme un ensemble des facteurs de production.
Jensen et Meckling (1976) définissent la firme comme un ensemble de contrats reliant la firme
avec les porteurs des capitaux. Cette définition donne naissance à deux relations : la première entre
la firme et les actionnaires la deuxième entre la firme et les créanciers financiers. Le courant
actionnarial de la gouvernance garde une grande importance à l’analyse de la relation entre la firme
et les actionnaires (Charreaux, 2004). Ainsi, la théorie d’agence représente un cadre solide pour
comprendre la nature de cette relation qui est souvent caractérisée par l’existence des conflits entre
le « principal » qui est l’actionnaire et l’agent qui est le « dirigeant ». Les conflits apparaissent à
cause de l’existence des divergences d’intérêts entre eux lors de l’exécution du contrat.
Ce modèle suppose que les actionnaires sont les garants d’une bonne gouvernance au sein de
l’organisation, puisqu’ils imposent l’atteinte des bons retours sur leurs capitaux employés, ce qui
nécessite la mise en place d’un système d’optimisation des outils de production (Gomez ,2009).
En effet, le modèle actionnarial de la gouvernance cherche à résoudre les conflits d’intérêt au sein
de la firme et de déduire les coûts d’agence particulièrement (Shleifer et Vishny 1997). Dans cette
perspective, Charreaux (1997b) présente la gouvernance comme un groupe de mécanismes
organisationnels et institutionnels cherchant à encadrer le pouvoir et la prise de décision au sein
d’une organisation. Meier et Schier (2008) confirment que la résolution des conflits d’agence passe
par la mise en place d’un certain nombre de mécanismes pour assurer la discipline des dirigeants
et sécuriser, par conséquent, l’investissement financier des actionnaires.
Charreaux (2004) distingue deux groupes de mécanismes de gouvernance à savoir les mécanismes
internes et les mécanismes externes : « les mécanismes « internes » tels que le droit de vote attribué
aux actionnaires, le conseil d’administration, les systèmes de rémunération, les audits décidés par
les dirigeants…ou « externes », comme le marché des dirigeants et celui des prises de contrôle,
sont des mécanismes qui sont apparus et ont survécu en vertu de leur capacité à réduire les coûts
d’agence nés des conflits entre dirigeants et actionnaires ».
La gouvernance actionnariale présente une vision pour avoir une organisation efficiente basée sur
le renforcement et la protection des actionnaires contre le comportement dit « opportuniste » des
dirigeants. Cela passe par la mise en place des mécanismes internes et externes de la gouvernance.
Selon Donaldson et Preston (1995), l’alignement des intérêts de la firme sur les intérêts des
actionnaires est improductif et menace en conséquence son développement durable.
Sur le plan empirique, plusieurs études montrent l’incapacité du model actionnarial à expliquer
l’efficience actionnariale (financière) des organisations à savoir les études de Bhagat et Black
(1999) et Larcker et al., (2007). Ces limites ont conduit à la prise en compte d’autres parties
prenantes (Meier et Schier, 2008).
Ce courant rejette l’hypothèse de la théorie actionnariale qui stipule que les actionnaires sont les
seuls créateurs de la richesse. La théorie partenariale de la gouvernance intègre les différentes
parties dans le processus de la création et la distribution de la richesse. La gouvernance influence
la création de valeur s’il y a une répartition et un partage de la richesse crée entre les partie prenante
(Zingales,1998). Cette vision dépasse la vision réductrice qui stipule que seuls les actionnaires
profitent de la rente créée par la firme.
Les limites de la théorie actionnariale et la théorie des Parties Prenantes (TPP) ont contribué à
l’apparition du modèle partenarial de la gouvernance. Il stipule que l’actionnaire n’est pas le seul
créateur de la richesse, mais il y a d’autres intervenants. Ce modèle est fondé sur la prise en compte
des intérêts des différents partenaires de l’entreprise (Solle, 2007). Par conséquent, la performance
est un résultat de l’intégration des partenaires de la firme dans le processus de la création de la
richesse (Freeman, 1984). Pour Khaldi (2014) « La formation de la valeur dans le modèle
partenarial se résume, pour l’essentiel, à la résolution des conflits d’intérêts portant sur la
répartition de cette valeur ». Cette dernière est intitulée « valeur partenariale » (Charreaux et
Desbrières, 1998).
Parmi les mécanismes sont utilisés pour limiter les conflits d’intérêts, augmenter la productivité,
et améliorer la performance de la firme, nous trouvons l’actionnariat salarié. Il s’agit d’un
mécanisme de gouvernance permettant de réduire les coûts d’agence à travers l’alignement des
intérêts des salariés sur ceux des actionnaires (Long, 1980 ; Gamble et al., 2002). Le présent
modèle de gouvernance porte une limite importante à savoir l’existence de plusieurs partenaires.
Chacun d’eux dispose un objectif spécial et par conséquent la multiplication d’objectifs
hétérogènes qui sont parfois difficiles à satisfaire (Meier et Schier 2008).
Pour Charreaux (2003), le gouvernement d’entreprise est « l’ensemble des mécanismes permettant
d’avoir le meilleur potentiel de création de valeur par l’apprentissage et l’innovation ». Dans cette
perspective cognitive, Charreaux suppose également que la gouvernance est un vecteur permettant
d’échanger et de construire la connaissance au sein de la firme. Il facilite la coordination et la
réduction des coûts des conflits cognitifs.
En effet, la théorie cognitive de la gouvernance accorde une grande importance aux compétences
de la firme et aux capacités de l’entreprise à innover et créer des opportunités d’investissement
(Dionne-Proulx et Larochelle, 2010). Autrement dit, le développement et la survie de
l’organisation dépend de la capacité de la firme à capitaliser les connaissances afin de construire
des compétences qui est un résultat d’échange, de coordination et d’interaction entre des individus
(actionnaires et dirigeants). Donc, la création de la richesse dépend de la capacité créative et de la
structure cognitive et subjective individuelle (Bessire et al., 2007).
A la lumière de ces données, la firme est considérée donc comme un « répertoire de
connaissance », comme créatrice de valeur d’une façon durable qui a la capacité également de
percevoir les nouvelles opportunités (Zoukoua, 2006), de créer et de protéger une rente
organisationnelle (Sellami, 2006). De leur part, Argyris et Schön (1997), fondateurs de la théorie
de l’apprentissage organisationnel, considèrent la firme comme une organisation « cognitive »,
recouvrant un ensemble ouvert et subjectif d’interprétations et de décisions contingentes aux
modèles cognitifs des différents acteurs.
Dans cette partie, nous allons exposer la contribution de l’évolution des approches de la
gouvernance au développement du contenu de la communication financière à la lumière des
travaux de Chekkar (2007).
En 1929, le monde a connu une crise qui a frappé les marchés financiers ce qui a donné lieu à
l’apparition du chômage, la diminution des valeurs boursière, des investissements, la destruction
du patrimoine des grands investisseurs, et la défaillance des firmes qui ont été marquées par une
concentration des capitaux entre les mains d’une minorité d’actionnaires ce qui a conduit les
chercheurs à explorer les causes et de présenter les solutions nécessaires.
Parmi ces travaux, nous citons un ouvrage incontournable paru en 1932 de deux auteurs américains
Adolf Berle et Gardiner Means :« The Modern Corporation and Private Property ». Ces auteurs
ont mis l’accent sur l’inefficacité des firmes en cas d’une séparation organisationnelle entre les
propriétaires et les managers, ce qui a conduit à l’apparition des conflits d’intérêts entre eux. Les
auteurs ont recommandé le contrôle des activités des managers. Ils ont recommandé aussi :
- Le renforcement de la réglementation afin de protéger les actionnaires minoritaires.
- La démocratisation de la firme pour éviter l’usage excessif du pouvoir par les managers.
- La transparence au niveau des activités financières.
- Le traitement équitable des parties prenantes de l’entreprise, internes et externes.
Ces travaux ont donné lieu à l’apparition de l’organisme fédéral américain le 6 juin 1934,
communément appelé « Securities and Exchange Commission » (SEC) qui est chargé de
réglementer et de contrôler les activités au sein de la bourse américaine. A travers ses lois, la SEC
oblige les sociétés à publier un certain nombre d’information. Cette réglementation a bien
contribué à l’apparition de la communication financière obligatoire dans le contexte américain.
L’année 1976 a connu l’apparition de la théorie d’agence qui décrit, explique et présente des
solutions aux conflits entre les propriétaires et les managers. Cette théorie stipule qu’il y a des
divergences d’intérêts entre l’agent (manager) et le principal (propriétaire), l’existence d’une
asymétrie d’information et le comportement opportuniste des dirigeants (Pochet, 1998 cité par
Chekkar 2007). De sa part, Charreaux (2002) confirme que la théorie actionnariale (financière) de
la gouvernance cherche « à protéger les intérêts des petits porteurs, notamment en incitant les
dirigeants non-propriétaires à retenir un objectif de maximisation de la valeur actionnariale ».
Pour atteindre les objectifs de la gouvernance et limiter les problèmes d’agence, Chekkar suppose
que l’une des meilleures solutions est d’inciter les dirigeants à publier l’information. Cela passe
par le renforcement du cadre réglementaire de la diffusion de l’information par les managers dont
le but est de réduire l’asymétrie de l’information et le suivi de la performance financière par les
actionnaires, ce qui a rendu la communication financière obligatoire (légale) comme un mécanisme
de contrôle des dirigeants.
Cette approche tient compte du caractère dispersé du capital. Elle est basée sur le renforcement
des actionnaires minoritaires face aux comportements opportunistes des dirigeants.
Pour Chekkar (2007), les années quatre-vingt ont été marquées par une forte présence des
investisseurs institutionnels (Banques, assurances, les organismes collecteurs d’épargne ...)
disposant d’un grand pouvoir financier, d’où leur capacité à participer dans la prise des décisions.
Donc, le passage d’un actionnariat dispersé avec une faible participation dans la prise de décision
à un actionnariat institutionnel (concentré) disposant la capacité de prendre les décisions au sein
de la firme. Les pouvoirs financiers détenu par ces investisseurs jouent un rôle important dans le
contrôle de gestion des sociétés et leur permettent de devenir des « investisseurs actifs » (Agrawal
et Mandelker, 1992). Pour Healy et al., (1999), les investisseurs institutionnels sont considérés
comme les agents les plus exigeants en termes d’informations financières régulières et publiées en
temps opportun.
Comme nous l’avons cité plus haut, l’approche cognitive ne limite pas le rôle de l’actionnaire dans
l’apport du capital et le cantonnement des risques financiers. Elle le considère aussi comme porteur
de ressources cognitives (Charreaux, 2002). Elle est capable aussi de résoudre les conflits
sociocognitifs dans une firme marquée par des différenciations de valeurs et de schémas mentaux
des différentes parties intervenantes.
Donc, face aux exigences informationnelles des investisseurs et à la nécessité de réduire les conflits
cognitifs dans la firme, la communication financière intervient pour atteindre ces objectifs. A ce
niveau, nous retenons la définition de la communication financière présentée par Guimard
(2007) : la « communication financière est un des reflets de la culture de l’entreprise dans la
mesure où elle dépasse les seules données objectives obligatoires en choisissant de mettre en avant
certains thèmes plutôt que d’autres ». Cette définition semble très importante dans la mesure où
elle ne limite pas la CF dans son cadre obligatoire, mais elle le dépasse vers la présentation d’autres
informations non citées dans le cadre réglementaire, ce qui a donné lieu à l’apparition de la
communication financière volontaire. Cette dernière n’implique pas la publication des
informations de nature comptable et financière, mais elle le dépasse vers des sujets tels que la
responsabilité sociétale des entreprises, des informations sur les recherches et le développement.
Nous constatons donc que le changement du cadre théorique de la gouvernance a impacté
positivement la qualité de la communication financière. Cela implique qu’un passage d’une CF
obligatoire (légale, réglementée) basée sur l’incitation des dirigeants à publier certaines
informations vers une CF volontaire caractérisée par une grande variété au niveau des informations
communiquées, est motivé par le changement du cadre théorique de la gouvernance qui a été basé
sur une vision limitée autour de la protection des actionnaires à un autre cadre théorique qui intègre
les différents acteurs dans le processus de la création de valeur.
Nous avons vu dans les paragraphes précédents les dimensions obligatoires de la communication
financière, cette partie est dédiée à la présentation de la dimension commerciale de ladite
communication.
Dans la littérature financière, nous avons trouvé plusieurs tentatives de définir le marketing
boursier, mais les auteurs utilisent d’autres expressions, à savoir le marketing financier, le
marketing actionnarial, le marketing des titres financiers, le marketing de l’information comptable
et financière…etc.
Léger (2010) présente la communication financière d’aujourd’hui comme une démarche claire du
marketing financier qui cherche à « expliquer et illustrer la stratégie, valoriser les produits ou les
services, souligner les spécificités par rapport à la concurrence, mettre en avant le capital humain,
commenter les résultats de l’entreprise indiquer les perspectives ». Gair et Azouaoui (2011)
définissent le marketing de l’information comptable et financière comme un processus de
diagnostic, de production et de diffusion de l’information comptable et financière afin de satisfaire
des objectifs tels que la vente des titres financiers, l’obtention d’un crédit bancaire, le regain de la
sympathie du public. Pour Rérolle (1999), le marketing actionnarial est une sorte de
professionnalisation des relations de l’entreprise avec le marché financier. Il consiste également à
mettre en place les moyens nécessaires pour identifier et satisfaire les besoins informationnels des
intervenants dans le marché financier.
Coûtton (2006) définit le marketing de l’actionnaire comme un mélange du marketing de services
et le marketing relationnel. Son objectif consiste à fidéliser l’actionnaire et éviter les fluctuations
massives des cours boursiers à travers la mise en place des processus nécessaire pour rendre les
actionnaires plus attachés à la société. Pesqueux (2006), cité par Duran (2011) définit « le
marketing de l’actionnaire comme un outil qui vise à attirer et retenir les actionnaires les plus
fidèles en vue de réduire le coût du capital de l’entreprise cotée afin qu’elle crée encore plus de
valeur économique ».
A partir de ces contributions, nous constatons que chaque chercheur dispose de sa propre
perception de la commercialisation des produits financiers, mais les objectifs restent les mêmes à
savoir la publication des informations nécessaires pour valoriser les actifs financiers, rendre
l’entreprise visible dans le marché financier, et la mise en place des mesures afin de fidéliser son
l’actionnariat.
Le produit offert sur le marché boursier est le titre financier, qui peut être une action, une obligation
ou autres. Sous certaines conditions, la valeur des titres financiers est déterminée par la
confrontation de l’offre et la demande, l’augmentation de la demande d’un produit financier et
augmente sa valeur et vice-versa.
2
http://www.bkam.ma/Publications-statistiques-et-recherche/Publications-institutionnelles/Rapport-annuel-presente-
a-sm-le-roi/Rapport-annuel-2017. [Consulté le 15/ 07/2019].
niveau des transactions réalisées qui sont passées de 40,8% en 2007 à 8,4%en 2015, ce qui
implique clairement qu’il y a des anomalies au niveau du marketing boursier des sociétés cotées
dans la bourse de Casablanca.
De leur part, les investisseurs institutionnels disposent d’une grande capacité à détenir les
différentes informations grâce à leur pouvoir financier. L’effet de ciblage de cette catégorie par
une les outils du marketing boursier semble donc limité.
- Les bais cognitifs : l’investisseur prend la décision sur la base de ses connaissances et de ses
croyances, ce qui génère des décisions incorrectes.
- Les bais émotionnels : l’investisseur prend la décision sur la base de ces émotions. La décision
diffère par la différenciation de la situation financière qui peut être un gain ou une perte.
Par rapport au comportement des investisseurs individuels, Léger (2008) distingue les actionnaires
sur la base de leur âge. Pour lui, les actionnaires âgés sont fidèles aux grandes capitalisations, plus
sensibles à l’attention et à la considération de la part des entreprises. Ils utilisent souvent des outils
de communication traditionnelles alors les jeunes actionnaires sont moins fidèles, influencés par
le moral et l’éthique de la firme et exigent des informations rapides et directes.
Entre les décisions basées sur les informations financières et extra financières et les décisions
affectées par des bais psychologiques, la société doit fidéliser son actionnariat pour éviter une
éventuelle volatilité excessive des cours boursier et séduire d’autres actionnaires.
La fidélisation des actionnaires est un outil indispensable pour assurer un financement durable de
la firme et améliorer sa réputation. Cela passe par la mise en place d’un système de fidélisation.
La communication est un outil indispensable pour réussir l’entrée à la bourse et fidéliser les
actionnaires (Arnone et al., 2010).
Guimard (2007) a défini plusieurs outils pour fidéliser l’actionnariat tes que la construction d’une
politique de rémunération attrayante qui s’articule autour de :
- La distribution des actions gratuites.
- La distribution des dividendes majorés.
- La possibilité d’une souscription préférentielle aux opérations financières.
Sa politique a proposé également la présentation des produits et services de l’entreprise aux
actionnaires avec des conditions préférentielles, sans oublier la mise en place d’un club
d’actionnaires pour faciliter la communication.
Dans son étude portant sur l’impact de la fidélisation des actionnaires sur la performance financière
des sociétés, Jahmane (2012) a défini une liste composée de 14 indices expliquant les décisions
d’investissement à savoir le dividende, la valeur de départ de l’action, PER ( Le price-earning
ratio), le rendement, l’image de l’entreprise, le taux d’intérêt, le taux d’inflation, l’historique de
l’action, les publications et les prévisions, l’équipe dirigeante, la répartition du capital, le bénéfice
net par action, la fiscalité, le secteur d’activité. D’ailleurs, cette liste est fixée par un groupe
d’utilisateurs dans le contexte français tels que les responsables commerciaux dans les cabinets
intermédiaires en bourse, les OPCVM et les analystes financiers.
Pour fidéliser l’actionnariat individuels, Léger (2008) propose une politique basée sur plusieurs
fondements :
- Répondre aux attentes des actionnaires que ça qu’elles soient informationnelles, financières ou
autres.
- La mobilisation des différents moyens d’information avec les actionnaires individuels comme la
presse générale ou spécialisée, les banquiers ou les conseillers financiers indépendants, documents
diffusés par la société…etc.
- La mobilisation des moyens de dialogue avec les actionnaires individuels, tels les assemblées
générales, les clubs et comités des actionnaires, les manifestions destinées aux actionnaires
individuels (réunions d’actionnaires, visites de sites, les salons). La présentation des lignes
téléphoniques gratuites aux actionnaires afin d’avoir un contact direct avec eux et faciliter l’accès
à l’information.
Dans cette partie, nous avons exposé les différents outils de la fidélisation des actionnaires
individuels. Ces outils sont résumés en trois rubriques :
- La rubrique financière : elle regroupe les outils de fidélisation de dimension financière tels que
les dividendes, le bénéfice par action ... etc.
- La rubrique informative : elle regroupe les différents outils d’information utilisés par la société.
- La rubrique « dialogue » : elle est composée des différents outils de dialogue mobilisés par la
société.
Conclusion
La communication financière vient d’apparaitre pour protéger les porteurs des capitaux contre le
comportement opportuniste des acteurs des marchés. Cette protection est traduite par la publication
des informations purement financières, avec une adoption massive des mécanismes de
gouvernance. Par la suite, la communication est devenue un outil indispensable utilisé pour attirer
les investisseurs et limiter le besoin en fonds de roulement. Plusieurs recherches ont essayé de
découvrir les besoins informationnels des parties prenantes tels que les analystes financiers, les
investisseurs institutionnels et individuels. Ces études ont montré l’importance de publier des
informations non citées dans la réglementation de la communication financière afin d’améliorer la
transparence, la confiance et la stabilité des cours boursiers dans le marché financier. En effet, la
communication financière réglementée a connu un développement considérable surtout dans les
pays développés. Ceci est expliqué d’une part par les exigences des intervenants dans le marché
financier et, d’autre part, par la volonté d’améliorer le volume de confiance auprès des
investisseurs. Les crises financières successives qui ont frappé dernièrement le monde ont poussé
les autorités financières à réformer leurs cadres réglementaires pour qu’ils soient au niveau des
exigences de la période et protéger les porteurs des capitaux. Au Maroc, personne ne peut nier
l’existence d’un effort considérable de la part des émetteurs des capitaux dans la bourse des valeurs
de Casablanca pour améliorer le contenu informationnel des supports de communication
mobilisés. Ces efforts semblent insuffisants en comparaison avec les autres pays du monde. À
l’échelle internationale (Europe et États-Unis), nous observons des tentatives pour réformer le
cadre réglementaire de la communication financière directement après l’apparition d’un vide
juridique ce qui nous permet de constater qu’il y a une volonté de protéger les marchés et d’éviter
la perte du temps. L’adoption d’une politique de communication volontaire est donc, considérée
comme un signe reflétant l’existence d’une volonté auprès des managers de partager l’information
avec les parties prenantes. La signalisation par le dépassement du cadre réglementaire de la
communication financière est une forme de publicité qui vise l’amélioration du volume de
transparence, de confiance, valorisation de l’image de la firme et la fidélisation des actionnaires.
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