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Elkhart I at MN 292014

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El Kharti ATM n° 29 2014

Research · April 2014

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Lahcen el Kharti
Université de Rouen
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Les déterminants de la viabilité des institutions de
microfinance au Maroc : une analyse en données de panel1
Lahcen EL KHARTI2

A u cours de ces dernières années, l'apparition de la microfinance comme un outil novateur pour
réduire la pauvreté des personnes économiquement actives mais financièrement contraintes et
vulnérables a attiré l'attention de plus en plus de décideurs politiques et de gouvernements de nombreux
pays dans le monde. En 2011, les institutions de microfinance (IMF) ont fourni des microcrédits à plus de
124 millions de ménages vivant dans l'extrême pauvreté, selon le rapport publié en 2013 par la Campagne
du Sommet du Microcrédit.
En particulier, le secteur du microcrédit marocain a connu l'une des croissances les plus rapides et
importantes observées dans le secteur de la microfinance. En quatre ans, de 2003 à 2007, le portefeuille de
prêts des IMF a été multiplié par 11 et le nombre de clients par quatre, selon le (MIX) Microfinance
Information Exchange. Ces résultats font du secteur de la microfinance au Maroc l'un des acteurs les plus
actifs et dynamiques du monde arabe. Ce succès a bénéficié de l'appui du gouvernement marocain qui a
promulgué la loi de la microfinance en 19993 et a créé le Fonds Hassan II pour fournir une première
assistance aux IMF.
Malgré cette croissance rapide, des signes d’inquiétude sont apparus en 2007. Les prêts non remboursés
ont commencé à augmenter de façon significative passant d’un des niveaux les plus bas du monde, 0,42%
en 2003 à 1,9% en 2007. Fin 2008, le risque portefeuille a dépassé 5% alors qu’il était inférieur à 1% entre
2003-2007. Il excédait 10% en 2009 et 2010. Les radiations constituent l'un des principaux coûts pour les
IMF et pèsent lourdement sur leur rentabilité et leur solvabilité. De nombreuses IMF ont été restructurées
afin d’assurer leur viabilité financière, de financer leur croissance et de garantir une diffusion à grande
échelle pour les pauvres sur une base à long terme4. Comme à ce jour, il n'existe aucune étude sur les
déterminants clés de la viabilité des IMF marocaines, cet article vise à combler cette lacune.
La littérature empirique sur la viabilité financière des institutions de microfinance est rare. Hartarska
(2005) analyse l'impact de la gouvernance sur la viabilité des institutions de microfinance (IMF) en Europe
orientale et centrale. Les résultats indiquent que la rémunération du gestionnaire basée sur la performance
n'est pas associée avec les plus performantes IMF, mais que l'expérience de gestionnaires améliore la
performance. Cull et al. (2007) ont examiné les tendances de la rentabilité, le remboursement du prêt, et la
réduction des coûts avec les données concernant 124 IMF de 49 pays. Leurs résultats montrent la
possibilité de réaliser des profits tout en servant les pauvres, mais un compromis se dégage entre assurer la
viabilité et servir les plus pauvres. Mersland et Strom (2009) explorent la relation entre la performance et la
gouvernance des IMF en utilisant un ensemble de données mondiales recueillies auprès d’agences de
notation. Ils étudient le type de propriété des entreprises, la relation entreprise-client, l’effet de la
concurrence et de la réglementation sur la viabilité financière et la sensibilisation de l'IMF aux clients
pauvres. Les résultats montrent que la viabilité financière s'améliore avec des dirigeants locaux plutôt
qu’internationaux, un conseil auditeur interne et une femme PDG. Mersland et al. (2011) examinent
comment les divers aspects de l'influence internationale agissent sur la viabilité financière et sociale des
IMF. Utilisant des données de 379 institutions de microfinance de 73 pays en développement (entre 2001
et 2008), ils constatent que l'internationalisation des IMF dans une large mesure améliore la performance
sociale mais pas la viabilité financière. Tchakoute (2010) étudie la relation entre le statut juridique des IMF

1
L'auteur remercie les professeurs C. Mayoukou, F. Mourji, M. Labie et P. Adair, ainsi que les participants des 29es
Journées du développement, Association Tiers Monde (ATM-Université de Paris-Est Créteil, 2013), de la 31e École d'été de
l'audit social (Université de Mons, Belgique, 2013), de la 7ème conférence internationale sur les transformations
institutionnelles structurelles de l'économie de la Méditerranée (Rabat, Maroc, 2013) et la 30e journée de l'Ecole doctorale de
gestion Economie Normandie (Rouen, 2013) pour leurs commentaires et suggestions très utiles.
2
CREAM, EA4702 Université de Rouen. lahcen.elkharti1@univ-rouen.fr
3
Cette loi exige une viabilité au bout de cinq ans.
4
Car le taux de bancarisation au Maroc ne dépasse pas 40%.

Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde n°29-2014


2 Lahcen EL KHARTI

et leur performance. Il montre que la performance des sociétés privées est meilleure que celle des
organisations non gouvernementales (ONG) si la qualité du portefeuille est utilisée comme un indicateur
pour mesurer la performance. En outre, il constate que les IMF bénéficiaires de subventions sont
socialement plus efficaces que les IMF sans but lucratif. L'approche commerciale de la microfinance ne
semble pas incompatible avec la mission sociale des IMF.
Cet article analyse la viabilité financière des IMF marocaines. Les résultats montrent que le volume de
crédit, le ratio de productivité et le ratio de fonds propres dans l'actif améliorent les performances
financières tandis que le portefeuille à risque de plus de 30 jours et le pourcentage des femmes parmi les
emprunteurs diminuent la viabilité financière.
La première partie présente une revue de la littérature qui met l'accent sur les questions et les hypothèses
de la viabilité financière. La seconde décrit la méthodologie et les données. Les résultats sont présentés et
discutés dans la troisième partie.

1. CONTEXTE ET HYPOTHÈSES

Il existe deux principales approches de la microfinance dans la littérature. La première met l'accent sur
l'exigence sociale de lutte contre la pauvreté (défendue par l'école Welfariste : Brody et al. 2003 ; Morduch
2000 ; Woller et al. 1999 ; Dunford 1998). Cette approche évalue le succès par la façon dont elle améliore
le bien-être immédiat des clients. Tandis que la seconde met l'accent sur l'exigence de la viabilité
économique de l'institution (défendue par l'école Institutionnaliste : Gonzalez-Vega 1993 ; De Briey 2005).
Elle évalue le succès de l'institution dans la réalisation de l'autosuffisance financière. En d'autres termes,
les IMF ne doivent pas seulement être en mesure de couvrir leurs frais opérationnels et financiers à travers
leurs activités, mais elles doivent également être en mesure de générer des profits pour assurer leur
viabilité financière.
Dans cette étude, nous nous sommes inspirés de l'approche des institutionnalistes afin de déterminer les
facteurs déterminants de la viabilité financière car les auteurs de cette école estiment que le meilleur moyen
de toucher la grande majorité des personnes pauvres sans accès aux services financiers est d'intégrer le
secteur de la microfinance dans le système financier formel.

1.1 Viabilité financière des IMF


La viabilité financière des IMF peut être définie comme leur capacité à couvrir leurs frais financiers et
opérationnels. En d'autres termes, c'est la capacité d'une IMF à mener ses activités sans subventions ni
prêts bonifiés (Définition du Bulletin Micro Bancaire, 2005). Dans la littérature elle est évaluée par des
indicateurs de rentabilité et de viabilité (Adair et Berguiga 2010 ; Mersland et Strøm 2009 ; Cull et al. 2007
; Lafourcade et al. 2006 ; Bruett 2005 ; Hartarska 2005).
L'indicateur commun de la viabilité financière est le rendement des actifs (ROA), qui reflète la marge
bénéficiaire ainsi que l'efficacité de l’institution. Bien qu'il ne prenne pas les subventions dans le calcul, le
ROA n'est pas réajusté au niveau des coûts des ressources. Les IMF offrent des prêts empruntés à des
taux bonifiés (en dessous du taux du marché) qui réduisent les charges financières et donc augmentent le
bénéfice net. Ces IMF subventionnés réalisent en même temps une forte rentabilité. Cependant, certaines
IMF appliquent des taux d'intérêt qui ne leur permettent pas de couvrir leurs coûts, les obligeant à
recevoir des subventions. Le risque est grand que les clients perçoivent ces crédits comme des dons et ne
parviennent pas à les rembourser. Selon de nombreuses études, la mise en œuvre de petits prêts est
couteuse et les bénéfices insignifiants de telle sorte que l'opération ne soit pas rentable.
Brau et Woller (2004) confirment cette hypothèse en montrant que, contrairement aux institutions
financières du secteur formel, la plupart des IMF ne sont pas viables financièrement. Selon eux, de
nombreuses IMF ne fonctionnerait pas sans les subventions reçues de leurs gouvernements ou d'autres
bailleurs de fonds. Cette idée est également défendue par Hermès et al. (2007) qui soutiennent que,
puisque les coûts associés à la fourniture de produits et de services de microfinance sont très élevés, la
plupart des IMF ne sont pas financièrement performantes et dépendent des subventions des bailleurs de
fonds. Cependant, Littlefield et Rosenberg (2004) soulignent que les IMF peuvent couvrir leurs dépenses
si elles offrent leurs services avec des marges d'intérêt adéquates, une recherche constante de l'efficacité et
une politique agressive de recouvrement des prêts. Morduch (2000) met l'accent sur la nécessité de
continuer à servir les “pauvres” avec des IMF financièrement viables, qui n’hésitent pas à innover pour
développer leurs capacités de gestion institutionnelle. Gibbons et Meehan (2000) estiment que les IMF

Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde n°29-2014


Les déterminants de la viabilité des institutions de microfinance au Maroc: une analyse en données de panel 3

doivent adopter des stratégies inspirées du modèle commercial afin de se libérer de la dépendance des
subventions et d’agir en conformité avec les normes bancaires.

1.2 Taux d'intérêt et fonds propres


D’après la littérature trois écoles s’accordent difficilement sur les niveaux des taux d'intérêt applicables en
microfinance. La première école composée des organisations non gouvernementales (ONG) du Nord et
de leurs partenaires du Sud, défend le principe que les pauvres ne peuvent pas payer des taux d'intérêt aux
prix du marché, par conséquent les IMF doivent emprunter à très faibles taux d'intérêt (comme les IMF
marocaines, soit environ 1 à 3%) pour être en mesure de prêter à un taux adapté à leurs clients (voir
tableau 1). Un tel modèle ne peut fonctionner qu'avec l'aide étrangère. La deuxième école est constituée
des mutuelles et des caisses d'épargne et de crédit qui adoptent des taux d'intérêt légèrement inférieurs à
ceux des banques commerciales. Elles peuvent le faire car elles n'ont pas à rémunérer ou très légèrement
les économies qu'elles recueillent, ou parce qu'elles bénéficient de lignes de crédit subventionnées ou de
l'aide internationale. La troisième école est composée d'organisations qui veulent gérer le microcrédit en
couvrant le taux réel afin de parvenir à la viabilité financière. L'objectif premier restant d'aider les pauvres
exclus du système bancaire, même si cela entraîne des coûts élevés en termes d’intérêt. Selon Morduch
(2000), le niveau élevé des taux d'intérêt est dû au fait que la demande de crédit des populations qui ont
toujours été rationnées n'est guère élastique (Stiglitz et Weiss 1981). Les jugements moraux et
économiques ne doivent pas être confondus, afin d'ouvrir le crédit à un grand nombre de personnes,
l’IMF doit suivre un point de vue financier, c'est-à-dire, veiller à définir le niveau des taux qui couvre ses
coûts. Les prêts de petite taille et de courte durée ne posent pas de problèmes aux micro-entrepreneurs
dans les pays en développement. Notamment le micro-crédit leur permet d'échapper à des usuriers qui
imposent des taux intolérables de 100 à 400%. C'est cette logique financière qui se traduit par l'application
de taux d'intérêt élevés adoptés par un certain nombre d'IMF dans le monde entier. À cet égard,
Acclassato (2006) rapporte qu’en Afrique de l’Ouest, les IMF financièrement viables doivent proposer des
taux d'intérêt se rapprochant de 84%. En Indonésie, Bri Unité Desa avait offert des taux compris entre
35% et 60%. En Bolivie, Banco Sol. Corposol a dû mettre en place un taux effectif de 52% pour un
rendement réel de 4,9% sur le total des actifs (CGAP, 1995). Au Maroc le taux d’intérêt des IMF est en
moyenne de 25%.
Tableau 1 : Taux d’intérêt moyen pondéré et durée des emprunts
type de prêteur taux d’intérêt (%) durée (mois)
IFD/Gouvernement 1.88% 111
institutions financières 4.00% 78
fonds 7.60% 77
autre 4.94% 60
moyenne pondérée 3.68% 80
Source : benchmark 2008.
Selon le CGAP (2006), tous ces facteurs justifient les niveaux élevés des taux d’intérêts en microfinance
par rapport à ceux des banques, mais reste largement inférieurs à ceux des usuriers. Ainsi, pour atteindre la
viabilité financière, les IMF sont-elles contraintes de facturer des taux d'intérêt élevés. Cette idée est
confirmée par Cull et al. (2007), qui montrent que lorsque les taux d'intérêt dépassent le seuil de 60%,
l’IMF n'est plus rentable parce qu'elle fait face à une baisse de la demande de crédit. Ceci est validé par des
études empiriques (Conning 1999 ; Robinson 1996) qui montrent que seules les IMF qui génèrent des
profits sont capables d'accumuler du capital, ce qui assure la durabilité et permet d'accroître l’aide aux
pauvres. Par conséquent, afin de parvenir à la viabilité financière, les IMF doivent fixer les taux d'intérêt
suffisamment élevés pour couvrir ses dépenses.
Hypothèse 1 : L'application de taux d'intérêt permettant d’augmenter les capitaux propres devrait
contribuer de manière significative à la réalisation de la viabilité financière des IMF. Nous nous attendons
à une relation positive entre la part des fonds propres dans l’actif et la viabilité financière.

Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde n°29-2014


4 Lahcen EL KHARTI

1.3 Qualité du portefeuille à risque


Les micro-entrepreneurs, principaux clients des IMF, ne fournissent ni garanties matérielles ni
comptabilités fiables aux IMF. De ce fait, elles doivent inventer des mécanismes de sélection de leurs
clients. Le prêt de groupe, avec des garanties conjointes et solidaires, est d’une part utilisé comme un
mécanisme permettant de minimiser le risque de défaillance et d'améliorer la performance des portefeuilles
des IMF (Armendariz de Aghion et Morduch 2000 ; Laffont et Nguessam 2000 ; Ghatak 1999 ; Pitt et
Khandker 1998). Pour Hermès et al. (2006) les grandes lignes qu’impose le chef du groupe de suivi jouent
un rôle clé dans l'amélioration des taux de remboursement. Ahlin et Townsend (2007) soulignent que la
sanction sociale constitue également un moyen de prévenir le défaut et contribue à maintenir la viabilité
financière des IMF. Dans la même ligne, Cull et al. (2007) notent que les prêts de groupe ont un impact
positif sur la qualité du portefeuille de prêts des IMF. Ils montrent que le risque de portefeuille augmente
le taux d'intérêt appliqué par la plupart des IMF utilisant des prêts individuels, et qu'au-delà du seuil de
60%, l’augmentation de ces taux n'est pas associée à des bénéfices à long terme. Ces résultats renforcent
l'idée que la surveillance et le contrôle des pairs (Stiglitz, 1990) minimisent l'aléa moral et que l'étendue des
relations sociales entre les membres du groupe et le personnel des IMF (Woolcock, 2001) contribue à la
viabilité des IMF.
D’autre part, le prêt de fréquence, permet de repérer les bons clients et donc, d'améliorer la qualité du
risque du portefeuille (Chowdhury, 2007). Ce mécanisme de sélection des clients permet d’éviter la
contagion perverse qui peut se propager parmi les emprunteurs à faible risque trouvant illogique de
rembourser leur crédit tandis que d'autres ne le font pas. En plus des prêts dynamiques, plusieurs
méthodes de gestion des risques sont essentielles. Entre autres, la notation de crédit (Schreiner, 2003) et le
défaut de remboursement (Lanha, 2004), basé sur la possibilité d'échelonner le remboursement du micro-
crédit. Pour Gibbons et Meehan (2000) c’est le portefeuille à risque et non le taux de prêt qui doit être
maîtrisé afin d'améliorer la qualité du portefeuille des IMF. Cette information permet aux gestionnaires de
prendre des décisions en toute connaissance de cause, notamment au regard des faiblesses de leur
institution susceptibles de causer une crise si les corrections nécessaires ne sont pas faites.
Hypothèse 2 : La réduction des risques de l'ensemble du portefeuille aurait un impact positif sur la
viabilité financière des IMF. Nous nous attendons à une relation négative entre le risque du portefeuille et
la viabilité financière.

1.4 La productivité du personnel


La recherche de la viabilité financière exige les IMF d'avoir une gestion personnelle et technologique
moderne et efficace qui leur permet de contrôler leurs coûts d'exploitation. La gestion technologique doit
être couplée avec un personnel de gestion formé pour développer une expertise technique reconnue dans
le domaine de la microfinance. Cette condition est nécessaire pour atteindre une viabilité financière
essentielle (CGAP, 2006) et procéder à la sélection et au suivi des projets à financer. En outre, les IMF
doivent se concentrer sur la relation client dans le but d'augmenter leur gestion de la performance
(Schreiner, 2003 ; Norell, 2001 ; Churchill, 2000). Ces pratiques comprennent la création du département
de marketing, les comités de vérification et l'identification des risques par la mise en place d'un système
efficace de contrôle interne. Cela nous amène à notre troisième hypothèse.
Hypothèse 3 : Une gestion efficace, grâce à des investissements dans les ressources humaines et
technologiques et des mécanismes d'incitation financière, devrait diminuer les coûts de personnel et
augmenter la productivité des agents de crédit. Par conséquent, nous nous attendons à une relation
positive entre le ratio de productivité personnelle et la viabilité financière.
Étant donné que la majorité des clients des IMF sont des femmes et que l'expérience des IMF au fil des
années peut les aider à affiner leurs stratégies de clientèle et de gestion de portefeuille à risque, nous avons
décidé d'évaluer l'impact de ces éléments sur les résultats financiers des IMF par l'hypothèse suivante.
Hypothèse 4 : L'âge des IMF, la portée de leurs actions (volume des crédits et nombre de clients) et le
pourcentage de femmes clientes devraient avoir un impact positif sur la viabilité financière des IMF.

Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde n°29-2014


Les déterminants de la viabilité des institutions de microfinance au Maroc: une analyse en données de panel 5

2. MÉTHODOLOGIE ET DONNÉES

2.1. Spécification du modèle


Ce papier est axé sur la viabilité financière des IMF marocaines (variable dépendante). Selon la littérature
en microfinance (Adair et Berguiga, 2010 ; Mersland et Strøm, 2008 et 2009 ; Cull et al., 2007 ; Lafourcade
et al., 2006 ; Bruett, 2005 ; Hartarska, 2005), le rendement de l'actif, l’auto-suffisance et l’autonomie
financière sont les principaux indicateurs de la viabilité financière (voir tableau A1 en annexe). Dans cette
étude, nous avons utilisé le rendement des actifs (ROA) et le rendement des fonds propres (ROE) pour
mesurer la viabilité financière comme proxy parce que l’intermédiation microfinancière au Maroc est
spécifique et que les IMF ont été subventionnées. Le ROA est un indicateur général qui mesure la
rentabilité indépendamment de la structure financière sous-tendant l’établissement. En outre, comme les
IMF marocaines sont fortement subventionnées, le ROE nous permet de saisir cette particularité. Le
ROA est un ratio qui indique la rentabilité économique d'une IMF. Il mesure la capacité de l'IMF à
générer des revenus en utilisant les actifs à sa disposition. Le rendement des capitaux propres (ROE) est
un ratio qui fournit des informations sur la façon dont a été dégagé le bénéfice net. En d'autres termes, le
ROE reflète combien l'IMF a gagné sur les fonds investis par les actionnaires/donateurs.
Nous intégrons sept variables indépendantes. La première est le portefeuille à risque plus de 30 jours
(PAR30). Il mesure le pourcentage de l'ensemble du portefeuille de prêts qui a au moins un retard de
paiement de plus de 30 jours. Rappelons que le fonctionnement des institutions de microfinance est
caractérisé par la logique des crédits renouvelables, c'est-à-dire les fonds prêtables sont restaurés presque
entièrement par des crédits. La deuxième variable est le ratio des capitaux propres sur l’actif total, qui
évalue la solvabilité des IMF. Il mesure la quantité de capital nécessaire pour couvrir les pertes imprévues
et pour s'assurer que l'IMF est bien capitalisée pour des chocs potentiels. La troisième variable est le ratio
de productivité, qui mesure le nombre de clients actifs par rapport au nombre de cadres ou d’employés.
Plus ce ratio est élevé, plus l’IMF est productive. Enfin les quatre dernières variables indépendantes sont
le pourcentage de femmes parmi les emprunteurs, la taille du crédit, l'âge des IMF et le nombre de clients
(voir tableau 2). Sur cette base, un modèle de la viabilité financière des IMF peut être estimé suivant les
deux spécifications (1 et 2) :
ROAit = f (Ratioass it + Lncredit it + Lnclient it + PFEM it + Empr_Ef it + Mature it + Par30 it) [1]
ROEit = g (Ratioassit + Lncredit it + Lnclient it + PFEM it + Empr_Ef it + Mature it + Par30 it) [2]
Où i = 1, ..., n pour chaque IMF du panel et t = 1, ..., t désigne la période de temps. Le tableau 2 présente
les variables.

Tableau 2 : Description des variables


variables définitions
variables dépendantes
ROA ratio de rentabilité des actifs : ROA= [résultat net d‘exploitation/total actif]
ROE ratio de rentabilité des fonds propres : ROE= [résultat net / fonds propres moyens]
variables indépendantes
ratioass part des fonds propres dans l’actif total
lncredit taille de crédit
lnclient nombre d’emprunteurs Actifs
PFEM pourcentage de femme emprunteuse
Empr_Ef ratio de productivité=Nombre d’emprunteurs /Effectif du personnel.
mature âge de l’IMF
PAR30 portfeuille à risque> 30 jours

2.2 Données
Le tableau 3 présente quelques indicateurs économiques et financiers du Maroc. En 2009, 8,8% de la
population marocaine est considérée comme pauvre contre 14,3% en 2006, proportion importante pour
un pays de 32 millions de personnes sans beaucoup de ressources naturelles. Le PIB par habitant a
augmenté de plus de 7% entre 2006 et 2009. Ce taux de croissance a contribué à la baisse du taux de
pauvreté au Maroc. Selon le Haut-Commissariat marocain de la Planification, une croissance économique
par habitant de 1% réduit le taux de pauvreté de 2,9%. En outre, les IMF ont joué un rôle important dans

Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde n°29-2014


6 Lahcen EL KHARTI

la réduction de la pauvreté par leurs activités dans le développement local grâce à des partenariats officiels
avec le gouvernement.

Tableau3: indicateurs macroéconomiques du Maroc


indicateurs / années 2006 2009
population (millions) 31, 224 31,276
PNB par habitant, PPP 3 890$ 4 167$
population en dessous du seuil de pauvreté (2$/ jour) (%) 14.3% 8.8%
nombre des IMF 11 10
nombre de clients actifs 1 045 310 915 839
Sources : Word bank databank, MIX Microfinance World: 2010 Arab Microfinance Analysis & Benchmarking
Report ; Haut-Commissariat à la Planification.
Notre analyse est basée sur un panel de 10 IMF couvrant la période 2003-2010. Ce sont Al Amana,
AMOS, AMSSF/MC, Al Karama, ATIL/ MC, FBPMC, Zakoura, FONDEP, INMAA et ARDI. Les
données proviennent de la base de données Microfinance Information Exchange (MIX)5.
Selon Morvant-Roux et al. (2014), quatre organisations ont dominé le secteur : Al Amana, Zakoura,
Fondation banque populaire de microcrédit (FBPMC), et la Fondation pour le développement local et le
partenariat (FONDEP). Ces quatre IMF partageaient 97% du portefeuille de prêts du secteur la fin de
2009, et se sont classé parmi les plus grandes institutions de microcrédit de l'Afrique du Nord.
Le tableau A2 (voir annexe) propose les moyennes et écarts types ainsi que les minimas et maximas, le
tableau A3 (voir annexe) présente les coefficients de corrélation des variables dépendantes et explicatives.
Les IMF marocaines ont un ROA de 3,44% sur l'ensemble de la période 2003-2010. La différence entre
Min et Max traduit les grandes différences de rentabilité entre les IMF marocaines. La même remarque
vaut pour le ROE qui s'élève à 4,53% en moyenne. Toutefois, comme indiqué par les valeurs Minimums,
la crise de 2008 a largement diminué la rentabilité des IMF. La valeur moyenne du ratio de capitaux
propres-actif est de 0,47. La moyenne du ratio PAR est de (3,33%) mais reste inférieure au seuil de 5%
(CGAP, 2006). Cela signifie, en moyenne, que le portefeuille de crédit de l’échantillon est sain. En
moyenne les femmes représentent près des deux tiers (64,51%) des emprunteurs, allant de seulement de
31,84% à 97,98%.
Selon Kennedy (2008), les corrélations ne doivent pas dépasser la valeur limite de 0,8 pour détecter la
colinéarité entre les variables ; les coefficients de corrélation dans le tableau A3 (voir annexe) sont
inférieurs à 0,8 : il n'y a donc pas de problème de multi-colinéarité.

2.3 Stratégie d'estimation


Avec des données panel de séries chronologiques, les modèles estimés sont généralement des modèles à
effets aléatoires et/ou des modèles à effets fixes. Les deux modèles sont basés sur l'hypothèse de la
variation de la constante (effet individuel). D'une part, le modèle à effet fixe suppose que les effets soient
indépendants du temps pour chaque observation et affirme la nécessité de contrôler l'hétérogénéité non
observée quand elle est constante dans le temps. D'autre part, le modèle à effet aléatoire est basé sur
l'hypothèse que les effets individuels sont distribués de façon aléatoire. En d'autres termes, alors que le
modèle à effet fixe utilise des variables muettes sur l'hypothèse qu'elle existe une corrélation entre la
variable indépendante et le terme d’erreur, le modèle à effet aléatoire suppose qu'il n'y a pas de corrélation
entre les deux.
Le test de Hausman sera utilisé dans le choix de la méthode d'estimation entre les deux modèles. Dans ce
cas, l'hypothèse nulle est que le terme d’erreur n'est pas lié à des variables indépendantes. Le modèle à
effets fixes sera sélectionné si l'hypothèse nulle est rejetée, tandis que le modèle à effets aléatoires sera
sélectionné si l'hypothèse nulle n'est pas rejetée.
Entre 2003 et 2007, le secteur marocain de la microfinance, caractérisé par des institutions performantes et
soutenu par les autorités locales et par les donateurs internationaux, a connu une phase de croissance et de
prospérité étonnante. Depuis la fin de 2007, il est confronté à une crise économique et de gestion induite
par des capacités institutionnelles des IMF dépassées par une croissance sans précédent. Cela s'est traduit

5MIX est une organisation sans but lucratif créée en Juin 2002 dont le siège est à Washington et disposant de bureaux
régionaux au Pérou, au Sénégal, en Inde et en Indonésie. Le MIX fournit des informations financières et sociales détaillées
issues des institutions de microfinance (IMF) ainsi qu’une information de marché provenant des organisations d’appui, des
principales agences de bailleurs de fonds et des investisseurs en microfinance.

Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde n°29-2014


Les déterminants de la viabilité des institutions de microfinance au Maroc: une analyse en données de panel 7

par des politiques de crédit laxistes, des systèmes d'information et de gestion obsolètes, des déficiences
dans le contrôle interne et une faible gouvernance. Par conséquent, il est essentiel de prendre en
considération la crise dans notre estimation du modèle. Pour cela, nous divisons notre période d'étude en
deux sous-périodes : une sous-période avant la crise (2003-2007), reflétant la phase de croissance et une
sous-période après la crise (2008-2012), caractérisée par la restructuration du secteur de la microfinance.
Dans cette seconde sous-période, le nombre d'IMF est de 9 car Zakoura (la deuxième plus grande IMF
dans le pays) a été reprise en mai 2009 par FBPMC (voir encadré 1). Pour cette raison, la durée totale de la
période pour l'échantillon va de 2003 à 2010, car les données de Zakoura n’existent plus après 2010.

3. LES RÉSULTATS EMPIRIQUES ET DISCUSSION

Le tableau 4 résume les résultats obtenus lors de la première régression du modèle pour l'ensemble de la
période étudiée de 2003 à 2010. En plus les résultats du test de Hausman montrent que le modèle à effets
aléatoires doit être choisi de préférence au modèle à effets fixes car la (Prob> chi2> 10%).
Tableau 4 : Résultats économétriques, période 2003-2010
variables ROE ROA
ratioass 0.49 (9.32) 1.18 (1.17)
lncredit -3.92 (3.68) -1.61*** (0.46)
lnclient 3.73 (5.12) 2.68*** (0.63)
PFEM -0.005 (0.006) -0.001** (0.0008)
Empr_Ef 0.0005 (0.005) 0.0001 (0.0007)
mature 6.63 (14.65) 0.014 (1.85)
PAR30 -4.65*** (1.37) -0.327** (0.17)
constante 37.84 (43.79) 1.6 (5.31)
nombre d’IMF 10 10
nombre d’observations 80 80
within 0.2 0.27
test de Hausman (Prob>chi2) 0.5082 0.4574
*** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1, Standard errors in parentheses. Le test d’Hausman indique le modèle à effets
aléatoires est pertinent pour l’estimation.
Les résultats ne prennent pas en charge l'hypothèse 1, puisque le coefficient (Ratioass) n'est pas significatif.
Ce résultat peut être expliqué par le fait que le volume des fonds propres des IMF n'est pas assez
important pour les premières années de la période étudiée.
Les résultats indiquent que le ratio de productivité et l'âge n'ont pas influencé les ROA et ROE des IMF.
Ces résultats s'expliquent par le manque de maturité des IMF et l'inefficacité des agents de crédit,
respectivement. En effet, dans la première période, la gestion technique et le personnel de gestion ne sont
pas suffisamment développés pour permettre aux agents de crédit d'acquérir une expertise technique
éprouvée dans le domaine de la microfinance.
Étonnamment, le coefficient de pourcentage de femmes emprunteuses (PFEM) impacte le ROA
négativement et significativement au seuil de 5%, ce qui traduit une baisse de la performance liée au poids
des femmes parmi les emprunteurs. Ce résultat est contraire à l'hypothèse 4. Rappelons que l'expérience
de microfinance a confirmé que les femmes font les meilleurs emprunteurs, et il a été confirmé par des
études que les femmes remboursent leurs prêts plus fidèlement que les hommes. Cet impact négatif pour
le cas du Maroc s'explique par le défaut de paiement de ces clients femmes. Selon le CGAP (2010), des
emprunts multiples des mêmes clients constituent un facteur aggravant de la forte hausse des prêts
improductifs.
Le résultat le plus fort de cette étude est celui qui justifie l'hypothèse 2, il est comparable à celui constaté
par Mersland et al. (2011) et Tchakoute (2010), mais contraire à celui suggéré par Mersland et Strom
(2009).
Le PAR30 affecte négativement le ROE ainsi que le ROA avec des coefficients respectifs de -4,65 et -
0,327. Cela implique qu'une augmentation de 1% du PAR30 entraine une baisse de la rentabilité financière
(ROE) et de la rentabilité économique (ROA) respectivement de 4,65% et de 0,327 %. Le grand impact
sur le ROE est expliqué par le fait que les crédits distribués au début des périodes sont principalement des
fonds originaires des subventions des bailleurs de fonds et du gouvernement. Ce résultat suggère que les
IMF avec portefeuille à risque élevé auraient pour effet de limiter l'argent à prêter, comme ce fut le cas
pour Zakoura (voir encadré 1 en dessous). Le coefficient de portefeuille à risque, de plus de 30 jours, a la
valeur absolue la plus élevée dans la régression (4.65). Cela implique que le portefeuille à risque est le

Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde n°29-2014


8 Lahcen EL KHARTI

facteur déterminant de la viabilité financière des IMF. Ces dernières doivent se concentrer sur la gestion
préventive du risque d'un portefeuille de qualité de crédit afin d'être financièrement autonomes. Il apparaît
que pour accroître leur viabilité financière, les IMF doivent favoriser la gestion proactive des risques en
tenant compte de leur capacité à anticiper les problèmes de recouvrement de crédit afin d'éviter la
contagion perverse parmi les emprunteurs. En effet, seule une petite fraction du PAR30 est sous-jacente à
l'autosuffisance financière des IMF dans le contexte de faibles niveaux de mobilisation de l'épargne et de
réduction des possibilités de financement externes. Cela devrait pousser à la professionnalisation des IMF
afin de parvenir à une gestion relativement efficace de leur risque de crédit.
Le coefficient du nombre de client est positif et significatif à 1%. Ce résultat est conforme avec
l'hypothèse 4. Cependant, l'impact du volume de crédit (Lncredit) sur la viabilité financière est négatif et
statistiquement significatif à 1%. Cela est dû au rationnement de crédit des IMF marocaine, conséquence
du taux élevé de défaut de paiement dans leurs opérations à la fin de la période de croissance (2003-2007).
Pour faire face à toutes ces difficultés et dans le cadre d’une bonne gestion des risques de crédits, les IMF
marocaines se sont regroupé pour créer un bureau de crédits (centrale de risque) afin de réduire
l’endettement croisées, de permettre l’échange et une meilleure circulation de l’information sur la
solvabilité des emprunteurs. En effet, lorsque les IMF commencent à se concurrencer et à se disputer la
clientèle, le taux de défaut de remboursement s’élève rapidement si elles n’ont pas accès à une base de
données affichant les éléments appropriés du comportement de leur clientèle. En l’absence du bureau de
crédit, un contrôle beaucoup plus accru des IMF sur les prêts individuels et les prêts de groupe avec la
caution solidaire des membres du groupe (Ahlin et Townsend et al 2007, Laffont et Nguessam 2000,
Conning 1999) devrait jouer un rôle prépondérant dans certains environnements marqués par une
solidarité de ses membres comme au Maroc par exemple. La caution solidaire est à la fois une garantie ex
ante et ex post pour lutter contre le risque de défaut (Stiglitz 1990, Gatak 1999). De ce fait, une bonne
gestion des risques de crédit entraînant un bon taux de remboursement des crédits pourrait permettre aux
IMF d’accroître leur portefeuille moyen de crédit pour un niveau de charges identiques et donc de baisser
éventuellement leurs taux d’intérêt effectifs, améliorant ainsi leur compétitivité.

Encadré 1 : IMF Zakoura


La « Fondation Zakoura » a été créée en 1995 à l’initiative d’un homme d’affaires marocain souhaitant participer au
développement de son pays par l’alphabétisation et le microcrédit. Soutenue essentiellement par des financements
nationaux, Zakoura a réussi en 6 ans à développer ses activités de façon considérable tout en conservant une
clientèle cible défavorisée, en milieu urbain, périurbain et rural. Zakoura a créé le Programme de tourisme rural en
2003 pour fournir les micro-entreprises par des prêts, environ entre 500 USD - 5000 USD, pour développer des
produits liés au tourisme axées sur la performance culturelle et environnementale. Zakoura offre ses crédits pour le
développement de l'hébergement, des restaurants, des produits locaux et les activités touristiques dans trois régions
rurales du Maroc. Zakoura a été repris en mai 2009 par FBPMC quand elle s'est avéré financièrement inefficace, en
raison d'un PAR insoutenable.

Comme nous l’avons indiqué dans la stratégie d'estimation, les deux spécifications du modèle seront faites
suivant la période de croissance (2003-2007) et la période de déclin (2008-2012) afin d'étudier les
déterminants de la viabilité des IMF marocaines en prenant en compte la crise de 2008. En effet, en
réponse à cette crise, les IMF se serrent leurs processus de crédit, en mettant ensemble des équipes
dédiées uniquement à la reprise des prêts, et de prendre des mesures judiciaires contre les emprunteurs
défaillants. Le tableau 5 présente les résultats de l'estimation.
Tableau 5 : Résultats économétriques, période 2003-2012 (avant et après la crise)
2003-2007 (avant la crise) 2008-2012 (après la crise)
variables ROE ROA ROE ROA
ratioass -0.81 (3.71) 0.22 (1.14) -0.86 (11.26) 6.94** (2.83)
lncredit -0.76 (3.10) -1.41 (0.95) 2.02 (1.46) 0.59** (0.36)
lnclient 6.98** (4.04) 3.03** (1.24) -6.32** (2.48) -1.55*** (0.53)
PFEM 0.08 (0.14) 0.08** (0.045) -0.005** (0.002) -0.0005 (0.0004)
Empr_Ef -0.002 (0.002) -0.0004 (0.0007) 0.36*** (0.09) 0.08*** (0.018)
mature -2.12 (8.65) -0.69 (2.67) 17.46 (12.43) 3.89** (2.26)
PAR30 0.26 (1.30) -0.62 (0.40) 1.03** (0.63) -0.16 (0.18)
constante -47.95 (29.93) -7.83 (9.24) -29.46 (25.45) -7.99 (7.07)
nombre d’IMF 10 10 9 9
nombre d’observations 50 50 45 45
within 0.16 0.04 0.4 0.55
test de Hausman (Prob>chi2) 0.2408 0.2350 0.1173 0.3661

Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde n°29-2014


Les déterminants de la viabilité des institutions de microfinance au Maroc: une analyse en données de panel 9

*** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1 ; écart-type entre parenthèses. Pour la période 2008-2012, nous avons retenu 9 IMF.

Le coefficient de ratio de fonds propres sur l'actif est positif et significatif à 5% pour la période (2008-
2012). Ce résultat met en évidence le changement de la structure de financement des IMF dans
l'augmentation de leur part de capitaux propres dans l’actif, ce qui suggère que la capacité de financement
des IMF est améliorée.
L'impact du nombre de clients et le pourcentage de femmes sur la viabilité financière des IMF est positif
et statistiquement significatif à 5% au cours de la période 2003-2007. En revanche, le nombre de clients et
le pourcentage de femmes affectent négativement la viabilité financière au cours de la période 2008-2012.
Ceci s'explique par le fait que les IMF ont considérablement ralenti leur croissance, réduit la taille de leurs
bilans, renforcé leurs méthodologies de crédit, constitué des équipes dédiées à la récupération de prêts et
aux poursuites judiciaires contre les emprunteurs défaillants. En outre, elles échangent régulièrement des
informations sur leur clientèle. Les IMF ayant réduit le risque à un niveau gérable, l'impact de PAR30 sur
le ROE est significativement positif après la crise.
Les résultats montrent également que l'âge des IMF et le ratio de productivité ont un impact positif et
significatif sur la viabilité financière des IMF pour la période 2008-2012. Ce résultat est attendu parce que
les IMF marocaines matures ont amélioré leur productivité. Il semble que la viabilité financière augmente
avec le nombre d'années d'existence de la structure (Cull et al., 2007). En outre, avec l'ancienneté, les IMF
ont tendance à changer leur relation avec les utilisateurs, en remplaçant la stratégie du client par la celle du
bénéficiaire et en donnant la priorité à l'établissement de règles claires pour la structuration d'un marché
efficace et stable.

CONCLUSION

L'objectif de cette étude est d'examiner les déterminants de la viabilité financière des IMF marocaines,
laquelle conditionne l'accès aux services financiers pour les pauvres et les exclus du secteur financier
traditionnel. Nos résultats d'estimation indiquent que le portefeuille à risque de plus de 30 jours et l'âge de
l'IMF sont les principaux déterminants de la viabilité financière. Ils montrent que la portée des
programmes de microfinance des IMF a un impact positif sur l'autonomie financière. En outre, nous
constatons un impact significatif du ratio des capitaux propres à l'actif, de la productivité du personnel,
ainsi que le pourcentage de femmes clientes sur la viabilité financière des IMF.
La crise marocaine a montré que le risque sur le marché existe, même dans le cas des établissements de
crédit. Comme les marchés de microcrédit concurrentiels conduisent souvent à des prêts multiples, les
IMF sont de facto connectées et les défauts de crédits peuvent se propager aussi vite que les rumeurs d'un
client à l'autre. Pour éviter une telle contagion, le cas marocain fournit de précieuses leçons en matière de
gouvernance, d’infrastructures et de surveillance du marché ainsi que la création d’un central de risque.
Rétrospectivement, nous pouvons noter que les IMF ayant réalisé une meilleure gouvernance sont celles
qui ont reçu les compétences techniques de leurs membres dans le secteur bancaire et financier. Elles se
sont concentrées sur la viabilité à long terme, plus surement que leurs homologues qui ont augmenté de
manière significative leur profil de risque, sans modifier leurs pratiques de gestion du risque de crédit.
De nouveaux défis se dessinent déjà pour le secteur du microcrédit marocain. À moyen terme, trouver le
créneau dans le système financier mondial sera crucial pour intégrer un marché de plus en plus diversifié.
Un sujet pour la recherche future serait l'élargissement de la portée de cette étude, à d'autres déterminants
de la viabilité financière en prenant ne considération les subventions et les aspects de gestion. En effet, les
données disponibles dans le MIX Market n'existent que pour quelques IMF. Il serait intéressant de
recueillir ces données au cours des enquêtes de terrain sur les IMF marocaines.

Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde n°29-2014


10 Lahcen EL KHARTI

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12 Lahcen EL KHARTI

Annexes

Tableau A1: Variables employées par les différents auteurs pour mesurer la viabilité.
auteurs variables définitions
Mersland et al. (2011) ; Adair & Berguiga Rentabilité des Ratio de Rentabilité des Actifs :
(2010) ; Lafourcade et al. (2006) ; Hartarska Actifs (ROA) ROA= [Résultat net
(2005) ; Mersland and Strøm (2008 and d‘exploitation/total actif], ce ratio
2009) ; Cull et al. (2007) ; Bruett (2005) ; mesure la façon avec laquelle l‘IMF
Tchakoute (2010 and 2011) ; Vanroose and. utilise ses actifs pour générer des
D’Espallier (2009) revenus.
Mersland et al. (2011) ; Adair & Berguiga Autosuffisance Ratio d‘Autosuffisance
(2010) ; Lafourcade et al. (2006) ; Hartarska Opérationnelle opérationnelle : OSS= [Produits
Viabilité (2005) ; Mersland and Strøm (2008 and (OSS) financiers/ (Charges
2009) ; Cull et al. (2007) ; Bruett (2005) ; financières+charges
Tchakoute (2010 and 2011) ; Vanroose and d‘exploitation+provisions pour
D’Espallier (2009) créances douteuses)], ce ratio
mesure la capacité de l‘IMF à
couvrir ses coûts à partir de ses
revenus d‘exploitations.
Tchakoute (2011 and 2010) ; Bruett (2005) ; Rentabilité des Ratio de Rentabilité des fonds
Vanroose and D’Espallier (2009) Fonds propres propres : ROE= [Résultat Net /
(ROE) Fonds Propres Moyens], ce ratio
mesure le retour sur leur
investissement effectué dans
l’institution.

Tableau A2: Statistiques descriptives


Variables observation moyenne variance min max
ROA 80 3.44 7.13 -19.18 18.37
ROE 80 4.53 49.92 -382.27 114.66
Ratioass 80 0.47 0.63 -0.5 4.29
Lncredit 80 14.92 2.57 9.55 19.39
Lnclient 80 9.93 1.82 6.12 13.06
PFEM 80 64.51 18.22 31.84 97.98
Empr_Ef 80 480.42 1108.2 0.005 6161.88
Mature 80 0.65 0.47 0 1
Par30 80 3.33 4.23 0 17.79

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Les déterminants de la viabilité des institutions de microfinance au Maroc: une analyse en données de panel 13

Tableau A3 : Matrice de corrélation


[1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9]
[1] ROA 1.0000
[2] ROE 0.4673 1.0000
[3] Ratioass 0.0796 0.0213 1.0000
[4] Logcredit -0.070 -0.054 -0.3657 1.0000
[5] Logclient 0.2638 0.0819 -0.3417 0.7719 1.0000
[6] PFEM -0.235 -0.109 -0.0454 -0.0302 -0.0900 1.0000
[7] Empr_Eff 0.1696 0.0993 -0.0834 0.2685 0.3722 -0.0574 1.0000
[8] Mature -0.082 -0.033 -0.3104 0.5514 0.4394 0.1162 -0.1026 1.0000
[9] PAR 30 -0.309 -0.391 0.0544 -0.0464 -0.1999 0.0311 -0.235 0.0368 1.0000

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