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Revue Française d’Economie et de Gestion

ISSN : 2728- 0128


Volume 2 : Numéro 4

Entre ralentissement et relance : Un premier bilan des effets du


Covid-19 sur le tissu économique marocain

Between downturn and recovery : A first assessment of Covid-19


effects on the moroccan economy

AMARHYOUZ Asmae
Doctorante
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Kenitra
Université Ibn Tofail - Maroc
Laboratoire des sciences de gestion des organisations
asmae.amarhyouz@gmail.com

AZEGAGH Jalal
Enseignant chercheur
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Kenitra
Université Ibn Tofail - Maroc
Laboratoire des sciences de gestion des organisations
jalal.azegagh@gmail.com

Date de soumission : 19/02/2021


Date d’acceptation : 07/04/2021
Pour citer cet article :

AMARHYOUZ A. & AZEGAGH J. (2021) « Entre ralentissement et relance : Un premier bilan des effets du
Covid-19 sur le tissu économique marocain », Revue Française d’Economie et de Gestion « Volume 2 :
Numéro 4 » pp : 137- 154.

Author(s) agree that this article remain permanently open access under the terms of the Creative Commons
Attribution License 4.0 International License

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ISSN : 2728- 0128
Volume 2 : Numéro 4

Résumé
S’agissant d’une crise inédite, le Covid-19 a impacté négativement l’activité économique.
Tous les pays du monde ont déployé beaucoup d’efforts pour alléger cet effet néfaste. Le
Maroc de son part a adopté des mesures draconiennes pour sauver son économie et préserver
sa résilience. Ceci a nécessité une participation et une mobilité de tous les acteurs aussi bien
publics que privés.

L’objectif de cet article est de dresser un premier bilan des effets du Covid-19 sur l’économie
marocaine. Nous discutons les impacts de la pandémie de Covid-19 sur l'économie mondiale
et marocaine. Dans la première partie, nous nous concentrons principalement sur l’évaluation
de l’effet de la crise sur les grandes économies du monde. La deuxième partie sera consacrée
à l’impact de la pandémie sur les secteurs vitaux soutenant l'économie marocaine notamment :
le tourisme, l'industrie et le secteur financier. Enfin, la troisième partie présentera les mesures
prises par le gouvernement marocain pour relancer l’économie et les éventuelles
recommandations pour accompagner et éclairer la prise de décision et l'établissement de
priorités d’action pour la période post-Covid-19.

Mots clés : Covid-19 ; Economie marocaine ; Impacts ; perspectives ; Recommandations.


Abstract
Being an unprecedented crisis, the C ovid-19 has negatively impacted economic activity. All
countries in the world have made a lot of efforts to alleviate this effect.
Morocco has adopted drastic measures to save its economy and preserve its resilience. This
requires the participation of all actors, both public and private.
The objective of this article is to draw up a first assessment of the effects of Covid-19 on the
Moroccan economy.
In this article, we will discuss the impacts of the Covid-19 on the Global and Moroccan
economy. In the first part, we will mainly focus on assessing the effects of the crisis on the
world. The second part will be devoted to evaluate the impact of the pandemic on the most
important sectors supporting the Moroccan economy: tourism, industry and the financial
sector. Finally, the third part will present the measures taken by the Moroccan government to
reflate the economy and the recommendations to support decision-making and the
establishment of action priorities for the post-Covid-19 period.
Keywords : Covid-19 ; Moroccan Economy ; Impacts ; Outlooks ; Recommendations.

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Introduction
La pandémie du Covid-19 a commencé à se propager en Chine fin 2019. Depuis, elle a fait un
bilan de plus d’un million de morts. Cette pandémie a soudainement bouleversé l'économie
mondiale et a provoqué un choc global d'offre et de demande.
Il s’agit d’un choc d’offre causé par l’arrêt ou le ralentissement de la production des
entreprises et un choc de la demande causée par une consommation réduite.
L'impact du coronavirus sur l'économie mondiale se poursuivra certainement au-delà de 2020.
Selon les prévisions du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, d’ici la fin de
2021, le PIB par habitant dans la plupart des pays du monde sera toujours inférieur à celui de
décembre 2019. Nous pouvons prédire que l’économie mondiale post-coronavirus sera
caractérisée par des niveaux élevés de dette publique et privée, une accélération de
numérisation et un degré décroissant de mondialisation.
Cette période difficile entrainera des coûts très élevés pour l’économie mondiale, mais il y a
toujours des raisons d’espérer. En effet, les tests de dépistage se renforcent, les traitements
s’améliorent et les essais de vaccins s’accélèrent également. Certains en sont même à leur
phase finale. Toutes les autorités se mobilisent sur le plan aussi bien national qu’international
en supprimant les restrictions commerciales sur le matériel médical et en augmentant de l’aide
financière aux pays les plus touchés.
Par ailleurs, le Covid-19 a eu un impact négatif sur toutes les économies du monde. Ainsi,
tous les pays ont déployé de multiples efforts pour atténuer cet impact. Le Maroc ne faisant
pas l’exception, a pris toutes les mesures possibles pour sauver son économie et maintenir sa
résilience.
Ainsi, le Maroc a-t-il réussi à maintenir la résilience de son système économique face à
cette pandémie ? plus précisément, comment le Covid-19 a-t-il affecté l’activité économique
nationale ?
De cette problématique, plusieurs questions en découlent :
• Quel est l’impact du Covid-19 sur l’économie mondiale ?
• Quel est l’impact du Covid-19 sur l’économie nationale ?
• Quelles sont les recommandations envisagées pour relancer l’économie ?
De même, l’objectif principal de cet article est de dresser un premier bilan des effets du
Covid-19 sur l’économie marocaine.

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Afin de mieux comprendre et d’analyser profondément la situation sanitaire critique qui


touche tous les pays du monde, on va mettre en lumière la situation économique mondiale et
marocaine pour cerner l’impact du Covid-19. Ensuite, en se basant sur ses impacts, nous
clarifierons les mesures prises et les recommandations envisagées pour relancer l’économie
nationale.

A cet effet, une première partie sera consacrée à évaluer l’impact du virus sur l’économie
mondiale. Une deuxième partie présentera le bilan de l’effet du Covid-19 sur l’économie
marocaine à travers trois niveaux d’analyse : macroéconomiques, mésoéconomiques et
microéconomiques. Enfin, une troisième partie recensera les principales mesures prises par
l’Etat et le secteur privé et les éventuelles recommandations pour relancer l’économie au
Maroc.

1. Impacts sur l’économie mondiale :


L’évolution du PIB des grandes économies au premier trimestre 2020 ont montré l'impact
néfaste du Covid-19 sur l'activité économique et l'emploi. La récession mondiale actuelle est
pire que celle de la Grande Récession après la crise financière mondiale de 2008-09,
notamment pour les pays émergents et en développement. La profondeur et la vitesse de la
baisse du PIB rivaliseront avec celles de la Grande Dépression des années 1930.

1.1. Impacts du Covid-19 sur l’économie des États-Unis


Au deuxième trimestre de 2020, le PIB américain a enregistré une baisse historique de -
34,6%, entraînant la perte de plus de 20 millions d'emplois en raison de la fermeture de
nombreuses entreprises. En conséquence, le taux de chômage a augmenté fortement pour
arriver à 8,1%. Dans ce contexte, le taux d'inflation en novembre est resté stable à 1,2%.

Par ailleurs, la dette des gouvernements et des entreprises dans l'économie américaine a
fortement augmenté pour atteindre 26.900 milliards de dollars à fin septembre. A cet effet, le
déficit budgétaire a atteint son plus haut niveau en 2020 soit 3,132 milliards de dollars
américains, contre 984 milliards de dollars américains en 2019. Et ce, en raison des dépenses
destinées à aider l'économie à faire face à la crise provoquée par Covid-19.

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1.2. Impacts du Covid-19 sur l’économie européenne


La zone euro est un autre géant déchu. Depuis le début de 2020, la pandémie a eu un effet
dévastateur sur l'activité économique européenne. Par conséquent, le PIB devrait reculer de -
7,9% au deuxième trimestre. L'effondrement sans précédent des activités est dû aux effets
négatifs des mesures strictes de confinement mises en place par la plupart des pays de la zone
euro vers la mi-mars. Le fort soutien des politiques monétaires, budgétaires et du marché du
travail maintiendra le taux de chômage en septembre à 8,3%. Par pays, l'Allemagne a stagné à
4,5%, la France est passée de 7,5% à 7,9%, l'Italie est passée de 9,7% à 9,6% et l'Espagne de
16,7% à 16,5%.
Quant au taux d'inflation, il devrait être maintenu à un niveau bas de 0,3%.
1.3. Impacts du Covid-19 sur l’économie chinoise
Parmi les principales économies émergentes, la Chine fait exception. En raison de la demande
mondiale croissante d’équipements médicaux et de technologie de travail à distance, la
croissance de la Chine a affiché une croissance positive soit 4,9% le troisième trimestre au
lieu de 3,2% au trimestre précédent. Le taux d'inflation de la Chine est passé de 2,4% à 1,7%
au troisième trimestre.
Un contrôle strict a entraîné un arrêt à grande échelle des activités économiques telles que la
restauration et le divertissement, ce qui a entraîné une baisse de la consommation et des
investissements de plus de 20% et les exportations de près de 20%.
De plus, en raison de l'arrêt économique mondial conduisant à l'arrêt de la chaîne de
production, la valeur ajoutée industrielle a baissé de 13,5% et l'indice de production de
services a baissé de 13%.
1.4. Impacts du Covid-19 sur l’économie de la région MENA
Le Covid-19 a eu un impact très significatif sur l'économie du Moyen-Orient et de l'Afrique
du Nord, entraînant une baisse de la production pétrolière, du tourisme et des envois de fonds.
Egalement, les mesures de confinement adoptées par la plupart des pays du Moyen-Orient et
d'Afrique du Nord pour des raisons de santé ont baissé le niveau d’activité de nombreux
secteurs économiques, et ce, en réduisant la vitesse et le volume des transactions. Ainsi,
l'impact de la crise variera d'un pays à l’autre :
✓ Les économies exportatrices de pétrole seront les plus touchées par la baisse des prix
du pétrole, entraînant en effet une réduction de la consommation privée et des
investissements dans le secteur de l'énergie. En outre, les exportateurs de pétrole

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seront aussi négativement impactés à cause de la baisse du niveau de la production


pétrolière.
✓ Les économies importatrices de pétrole quant à eux, afficheront une contraction sévère
de leur PIB en raison de la baisse de la consommation privée et du niveau des
investissements.
✓ De nombreux pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord connaîtront une hausse du
taux de chômage, en particulier pour les jeunes et les femmes.
2. Impacts du Covid-19 sur l’économie du Maroc
Les impacts du Covid-19 sur l’économie marocaine seront analysés sur trois niveaux :
macroéconomiques, mésoéconomiques et microéconomiques.
2.1. Analyse macroéconomique
Au niveau national, les dernières données des comptes nationaux du deuxième trimestre 2020
mettent en évidence l'ampleur du choc causé par la pandémie et la succession des années de
sécheresse. En effet, le PIB s'est contracté de 14,9%. La valeur ajoutée non agricole quant à
elle, a aussi baissé de 6,9%.
Ces contreperformances se reflètent sur le marché du travail qui a affiché une perte nette de
581 000 emplois au troisième trimestre. Il s’agit d’une baisse structurelle du taux d’activité
soit 43,5%.
Après avoir affiché une tendance à la baisse au cours des trois dernières années, le taux de
chômage a grimpé de 3,3 points de pourcentage entre 2019 et le troisième trimestre de 2020,
passant de 9,4% à 12,7%.

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Graphique N°1 : Evolution de la population active, de la population active en chômage et du


taux de chômage (en %) aux troisièmes trimestres depuis l’année 2017

14 000 000 14,0


12,7
12 000 000 12,0
10,6
10 000 000 10,0
9,4
9,3
8 000 000 8,0

6 000 000 6,0

4 000 000 4,0

2 000 000 2,0

0 0,0
2017 2018 2019 2020

Population active Population active en chômage Taux de chômage

Source : HCP

Durant le troisième trimestre 2020, la monnaie nationale s’est dépréciée de 0,25% vis-à-vis de
l’euro et s’est appréciée de 5,88% par rapport au dollar américain. Comparativement aux
devises des principaux pays émergents, le dirham s’est apprécié de 11,20% par rapport à la
livre turque, de 1,80% contre la livre sterling et de 3,33% face au yuan chinois. En définitive,
le taux de change effectif s’est apprécié de 1,83% en terme nominal et de 3,65% en terme
réel.

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Graphique N°2 : Evolution du taux de change du dirham

Source : BAM
En ce qui concerne les comptes extérieurs, les données de fin octobre ont montré une baisse
quasi générale des échanges de biens. Les exportations ont reculé de 10,1%, notamment à
cause de la baisse des ventes des industries automobile et textile, tandis que les importations
ont reculé de 16,6%, notamment en raison des achats de biens d'équipement, des niveaux de
consommation et de la réduction des coûts de l'énergie. Les transferts de MRE ont fait preuve
d'une grande résilience, augmentant ainsi de 1,7%. En conséquence, le compte courant devrait
afficher un déficit quasi maitrisé représentant 4,2% du PIB.
2.2. Analyse mésoéconomique :
2.2.1 Secteur agricole
La valeur ajoutée agricole diminuera de 6,2% au troisième trimestre 2020 au lieu de -6,8% au
trimestre précédent. Les mesures de confinement mises en place par le gouvernement
couteront une perte de 477 000 emplois agricoles. A cet effet, 32% des agriculteurs étaient en
arrêt d’activité, la commercialisation intérieure des productions végétales a baissé, à
l’exception des céréales et des fruits frais, dont les prix à la consommation auraient progressé
de 12,2% et 18,9% au troisième trimestre 2020. Les prix des productions animales quant à
elles, ont globalement baissé.
Au troisième trimestre 2020, les mesures de déconfinement progressif ont permis la reprise
des activités et la croissance commence à s’apprécier. L’économie nationale a reculé de 8,7%
au deuxième trimestre 2020 au lieu de -14,9% (1er trimestre). Cette évolution est due à la
réduction de la valeur ajoutée agricole de 6,2%, et à la baisse de 9% de celle hors agriculture.

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Également, le Salon Agricole SIAM, qui devait être annulé en avril a engendré la perte de
plus de douze millions de dirhams pour les coopératives et les organisations économiques,
soit une perte en chiffre d'affaires de 60%.
Graphique N°3 : Evolution de la valeur ajoutée agricole depuis 2011

2.2.2 Secteur du tourisme et du transport :


Le tourisme est l'un des secteurs vitaux soutenant l'économie marocaine. En tant que source
importante de devises et bonne source de création d'emplois, ce secteur a grandement favorisé
le développement économique et social. C'est pourquoi le Maroc a placé les activités
touristiques au cœur de ses politiques de développement depuis deux décennies.
Cependant, en raison de l'impact de la propagation du Covid-19, le Maroc a pris l'une des
mesures préventives les plus coûteuses en fermant ses frontières terrestres et aériennes. Le
ministère des Affaires étrangères a annoncé que tous les vols internationaux à destination et
en provenance du Maroc seront suspendus à une date indéterminée.
Ces mesures draconiennes ont provoqué une forte baisse du PIB (environ 11%) et le taux de
chômage (environ 532 000 emplois), qui représentent environ 5% du taux d'emploi total du
Maroc. Outre les envois de fonds des Marocains résidants à l’étranger (qui représentent
environ 19% des ressources en devises de l'économie marocaine) ont aussi régressé.
Selon la Confédération nationale du tourisme (CNT), l'impact de la crise Covid-19 a couté
une perte en chiffre d'affaires touristiques de 34,1 milliards de dirham et de 14 milliards de

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dirham pour l'hôtellerie, soit une chute globale de près de six millions de touristes (-98% par
rapport à 2019), qui coïncideront avec une perte totale de 11,6 millions de nuitées.
Graphique N°4 : Evolution de la valeur ajoutée de l’hébergement et de la restauration depuis 2011

De même, le transport aérien sera affecté par le déclin du tourisme. Il s’agit d’une perte
d'environ 4,9 millions de passagers et un manque à gagner de 728 millions de dirham.
2.2.3 Secteur de l'industrie et du commerce :
Pendant le confinement, la production automobile a fortement diminué en raison de l'arrêt
d’activité. Au troisième trimestre, suite à la reprise des exportations de voitures, la baisse
d'activité est moins prononcée. Au troisième trimestre, la forte baisse de la commande
internationale a impacté négativement les exportations de pièces d'avion et des composantes
électroniques chutant respectivement de -59,2% et -22,1%.
L’industrie manufacturière continuera d'être affectée par Covid-19 au troisième trimestre de
2020, le secteur continuera de pâtir suite à la faiblesse de la demande intérieure et à la baisse
des exportations. En effet, le secteur a fléchi de 5,7%, au quatrième trimestre 2020. La valeur
ajoutée de l'industrie baissera ainsi de -10,7%. Cette baisse est due au ralentissement des
industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques. La branche textile et cuir quant à
elle, continuera de pâti suite à l’arrêt partiel de la production lié aux perturbations de
l’approvisionnement en intrants.
Les autres industries, en particulier les ventes de matériaux de construction notamment le
ciment, ont enregistré une baisse d'activité de 8%. Les industries chimiques et
agroalimentaires devraient continuer à faire preuve de résilience, leurs valeurs ajoutées ont
augmenté respectivement de + 3,6% et + 1,3%.

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2.2.4 Secteur financier :


Suite aux effets de Covid-19 sur la croissance économique nationale, la liquidité bancaire
continuera aussi de pâtir au troisième trimestre de 2020. Toutefois, les tensions sur le marché
monétaire seront maîtrisées tant que la banque centrale interviendra régulièrement pour
financer la demande croissante de liquidité bancaire.
En outre, les taux d'intérêt, la masse monétaire et les crédits à l'économie continueront de
baisser.
Durant le troisième trimestre de 2020, la croissance des créances sur l’économie a ralenti.
Bien que les crédits bancaires aient stagné. Les crédits de trésorerie des entreprises quant à
eux, ont enregistré une augmentation de 10,9%. A l'inverse, les crédits à l'équipement
entreprises et à l’immobilier ont affiché un ralentissement, tandis que les crédits à la
consommation des ménages ont baissé de -2,7%.
A partir du deuxième trimestre 2020, BAM a réduit le taux de réserve de change de 2% à
1,5%. En conséquence, le taux d'intérêt interbancaire baissera en moyenne de 1,5%. Le
financement net sur le marché des adjudications augmentera et les taux d’intérêt du marché
continueront de baisser.
Graphique N°5 : Evolution du taux interbancaire depuis 2014

Sur le marché de change, la fourchette de fluctuation de la monnaie nationale par rapport à


son taux de change de référence est passée de ± 2,5% à ± 5%. Au troisième trimestre 2020, le
dirham aurait subi une dépréciation par rapport à l’euro et une appréciation vis-à-vis du dollar.
Le marché des actions a intensifié ses pertes au troisième trimestre 2020 restant ainsi dans la
zone rouge. Après avoir baissé de 9,9% et 10,1% au 2ème trimestre, les indices boursiers
MASI et MADEX baisseront encore respectivement de 13,6% et 13,8% (3ème trimestre). A

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cet effet, la capitalisation boursière est passée de -10,2% à -13% entre deux trimestres
consécutifs (2ème et 3ème trimestre).
Le volume des transactions aurait baissé de 49,9% au troisième trimestre 2020, après un repli
de 38,3% un trimestre auparavant. Le marché central aurait participé à hauteur de 93,6% du
volume globale ; les transactions y afférentes auraient régressé de -42,2%. Le chiffre
d’affaires sur le marché des blocs aurait reculé de 83,1% et n’aurait engendré que 6,4% du
chiffre d’affaires global.
Graphique N°6 : Evolution du volume des transactions

2.3. Analyse microéconomique :

L'impact du Covid-19 a commencé à affecter négativement les entreprises à travers trois


principaux indicateurs : les délais de paiement, les stocks et les besoins en fonds de
roulement.

2.3.1 Délais de paiement

Suite aux mesures de confinement, les entreprises ont subi un arrêt brutal, la facturation a été
très perturbée et les retards de paiement se sont multipliés. A cet effet, une entreprise sur deux
a annoncé une augmentation des délais de paiement.

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Les délais de paiement sont en principe mesurés par l'indicateur « DSO » (Days Sales
Outstanding). Au Maroc, la crise a eu un impact sur les délais de paiements avec une
augmentation en moyenne de 60 jours pour toute catégorie confondue d’entreprise. Cette
situation engendra automatiquement un affaiblissement de la trésorerie des entreprises.

Encore pour les TPE, la situation est très délicate en termes d’impact. À cet égard, il est à
noter que 99% des entreprises en faillite sont de très petites entreprises. Ainsi, en plus du délai
client de 212 jours pour les très petites entreprises,121 jours pour les PME et 90 jours pour les
grandes entreprises, initialement observé fin 2019, ces délais se sont encore prolongés de 60
jours.

2.3.2 Stocks :

Concernant la valorisation des stocks évaluée par l'indicateur « DIO » (Days Inventory
Outstanding), la plupart des entreprises étaient affectées par une baisse d’activité suite à la
baisse de la demande, la perturbation prolongée de la chaîne d'approvisionnement, ou encore
l’augmentation du taux d'absentéisme des employés. Tout ceci, fera grimper les stocks de +3
jours au second semestre 2020.

Les stocks restent au-dessus des niveaux normaux, ce qui indique une lente reprise de la
demande intérieure et extérieure. En outre, les chaînes d'approvisionnement resteront
probablement affectées au second semestre tant que la distanciation sociale et les restrictions
aux flux internationaux seront maintenues. Donc les niveaux de stocks continueront
d'augmenter, car les entreprises préfèrent éviter toute perturbation de la chaîne
d'approvisionnement en raison de futurs verrouillages ciblés.

2.3.3 Besoins de fonds de roulement (BFR) :

Les contraintes de liquidité et de flux de trésorerie avec des retards de paiement accrus sur les
créances, qui se sont ajoutés et encore une augmentation des stocks – entraînent donc un
épuisement du fonds de roulement.

Ceci dit, le risque global de crédit augmente fortement. De nombreuses entreprises font de
plus en plus faillite.

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Puisque quasiment toutes les entreprises ont connu un certain niveau de perturbation
d’activité, il était donc judicieux de penser à des moyens de financement pour relancer
l'économie.
3. Mesures prises par le gouvernement et les recommandations pour une relance de
l’économie marocaine :
3.1. Mesures prises par le gouvernement :
Le Maroc a été parmi les premiers pays à prendre la décision du confinement à cause du bilan
très lourd des morts dans le monde entier et la capacité restreinte des infrastructures des
hôpitaux (670 lits). À cet effet, le gouvernement a mis en place toutes les mesures nécessaires
pour atténuer l'impact du Covid-19 sur l'économie nationale.
✓ Mesures économiques : En termes de politique monétaire, la Banque centrale
marocaine a décidé le 17 mars d'abaisser son taux directeur à 2% puis à 1,5% pour
soutenir les activités économiques. Le Comité de Veille Economique (CVE) a
également été créé pour intervenir sur le plan économique, social et fiscal.
Sur le plan économique, le paiement des charges sociales (CNSS) a été suspendu pour
les entreprises du 1er mars à juin 2020. Les entreprises peuvent également bénéficier
d'un moratoire pour le remboursement des échéances des crédits bancaires et de
leasing jusqu'au 30 juin 2020 sans paiement de frais ni de pénalités.
Les TPE, PME et activités libérales en difficulté ont pu bénéficier du report des crédits
bancaires jusqu'à fin juin 2020 en plus d’une ligne supplémentaire de crédit de
fonctionnement octroyée par les banques et garantie par la Caisse centrale de garantie
(CCG) a été aussi activée.
✓ Mesures sociales : Les salariés en difficulté, ou en arrêt d'activité, affiliés à la Caisse
Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), ont bénéficié aussi d'une indemnité forfaitaire
mensuelle de 2000 dirhams nets en plus des prestations relatives à l'assurance maladie
obligatoire et aux allocations familiales pendant la période allant du 15 mars au 30
juin 2020. Cette indemnité a été versée par le Fonds spécial pour la gestion de la
pandémie du coronavirus. Ces salariés ont pu également bénéficier du report de
remboursement des échéances des crédits bancaires, à savoir le crédit à la
consommation et le crédit acquéreur jusqu'au 30 juin 2020. Le Comité a, en outre,
décidé d’activer un dispositif de paiement mobile pour transférer les aides aux
travailleurs opérant dans l’informel.

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✓ Mesures fiscales : Les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel de 2019 est
inférieur à 20 M MAD de dirhams, ont aussi bénéficié d'un report de dépôt des
déclarations fiscales jusqu'à fin juin avec une suspension des contrôles fiscaux et des
avis à tiers détenteur (ATD) jusqu'au 30 juin 2020.
✓ Mesures commerciales et douanières : Tenant compte du déficit des réserves en
devises suite à la baisse des transferts MRE et des recettes touristiques. Sur le plan
douanier, il a été décidé de réduire les importations en négociant avec les fournisseurs
le report de celles-ci. Concernant les exportations, l’administration des Douanes a opté
pour une restriction quantitative à l’exportation de masques chirurgicaux, de
préparations antiseptiques et de masques de protection.
✓ Mesures financières : le Comité de Veille Economique (CVE) a proposé de baisser
le taux directeur à 1,5% et renforcer les instruments d’intervention de BAM avec
allégement des détails de refinancement.
En outre, la Caisse centrale de garantie (CCG) a opté pour un nouveau mécanisme de
garantie appelé « DAMANE OXYGENE » ; visant à mobiliser les ressources de
financement pour les entreprises dont la trésorerie s’est dégradée.
Ce produit est destiné aux PME dont le chiffre d'affaires est situé entre 200 et 500
millions de Dirhams. Il couvre 95 % du montant du crédit et permet ainsi aux banques
de mettre en place des découverts exceptionnels pour financer leurs besoins en fonds
de roulement. Ces financements bancaires couvrent jusqu'à 3 mois des charges
courantes liées à l'exploitation (les loyers, les salaires, les achats indispensables, etc.)
et peuvent aller jusqu'à 20 millions de Dirhams. Pour les cas des entreprises ne
disposant pas de lignes de financement à court terme, ce découvert peut atteindre 5
millions de Dirhams.
3.2. Recommandations pour relancer l’économie marocaine
Après avoir analysé les effets du Covid-19 sur la conjoncture actuelle et tant compte de la
situation critique de tous les secteurs, il est judicieux de formuler des recommandations pour
relancer l'économie nationale. Il s’agit de mobiliser tous les moyens nécessaires et prioriser
les actions et prendre la bonne décision pour la période post-Covid-19. Dans ce qui suit, les
principales recommandations envisagées :
✓ Renouveler les méthodes de la collecte et de traitement des données socio-
économiques marocaines afin d’éclairer la prise de décision. A cet effet, il

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s’agit de multiplier les efforts de digitalisation des outils et adopter le


télétravail pour survivre en cette période de crise.
✓ Prendre la crise comme une formidable occasion pour renforcer la
régionalisation avancée qui garantira le développement du pays et luttera
contre les disparités territoriales et sociales, tout en optimisant la répartition de
l’effort de l’Etat sur l’ensemble de ses régions.
✓ Valoriser le rôle de la société civile pour faciliter la compréhension des
décisions du gouvernement et fournir aussi aux citoyens les compétences
nécessaires pour exprimer leurs préoccupations, et agir ainsi collectivement.
✓ Accéder à l'information concernant les actions du gouvernement pour suivre
les actualités liées à la crise du Covid-19, telles que les dispositions du
confinement, d’éducation, du bilan des nouveaux cas et des morts, les tests de
dépistage de virus, de matériel médical et les aides économiques et
éventuellement les plans de relance. Et ce, pour atténuer l’effet de panique sur
les citoyens.
✓ Investir dans la continuité des services publics de santé, d’éducation et
d’administration durant et après la crise. Les services publics essentiels
constituent l’unique filet social pour certaines populations, les plus
vulnérables. Il est donc recommandé de multiplier les efforts déployés en
temps de crise pour investir davantage dans la résilience des services publics
afin qu’ils puissent assurer une continuité de l’offre, quelle que soit la situation
sanitaire ou économique.
✓ Revoir les accords de libre-échange de manière à valoriser la production
nationale et freiner d’une manière ou une autre les produits provenant de
l’extérieur.
✓ Renforcer la valeur ajoutée du secteur primaire et du secteur secondaire avant
de passer aux secteurs tertiaires qui bénéficient plus à l’étranger. Il faut
impérativement revenir sur le secteur agricole et industriel.
Conclusion
Malgré tous les efforts déployés par l’ensemble des acteurs publics et privés en vue de booster
et relancer l’économie nationale en cette année exceptionnelle, marquée par la gravité de cette
nouvelle crise et ses conséquences néfastes, et accentuée par la succession de deux années de

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sécheresse, les équilibres macroéconomiques nationaux ont été négativement impactés en


2020.
En effet, plusieurs mesures ont été prises par le Comité de Veille Economique (CVE) et ont
permis d’amortir un peu le double choc d’offre et de demande. Il s’agit d’un choc d’offre
causé par l’arrêt ou le ralentissement de la production des entreprises et un choc de la
demande causée par une consommation réduite.
Cependant, la spécificité de cette nouvelle crise, qui est d’ordre économique, touchant
directement le système productif, notamment les consommateurs et les producteurs, devrait
rendre plus difficile la reprise de la productivité et le rétablissement de l’environnement
macroéconomique.
L’économie post-coronavirus est désormais caractérisée par des niveaux élevés de dette
publique et privée, une accélération de numérisation et un degré décroissant de
mondialisation.
De plus, cette crise a également engendré des effets néfastes sur le plan de la stabilité du
système financier et monétaire marocain. A cet effet, les répercussions d’inhibition du
système productif auront inévitablement un impact sur la qualité du portefeuille des crédits.
En outre, la dépréciation de la valeur des actifs financier et immobilier, va exacerber le
déséquilibre des caisses de retraite et bouleverser l'équilibre entre les recettes et les dépenses
de l’Etat.
Sur le plan monétaire, en raison de l’augmentation du déficit de liquidité et le repli des
réserves de change, BAM se trouvera dans l’obligation d’opter pour une politique monétaire
expansionniste à travers la baisse du taux d’intérêt ce qui engendra impérativement l’inflation.
La pandémie du Covid-19 encours un risque systémique créant beaucoup des inégalités, mais
souligne aussi les failles déjà existantes. Ainsi, le Maroc devra multiplier ses efforts pour
sauver son économie et atténuer l’ampleur des effets néfastes de ce virus.

BIBLIOGRAPHIE
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covid-19, rapport enquête 2 », juillet 2020.
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du Plan, Note stratégique « Impact social et économique de la crise covid-19 au Maroc »,
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Haut-Commissariat du plan, « Reprise d’activité des entreprises suite à la levée du
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of the COVID-19 Pandemic on Firm Performance, Emerging Markets Finance and Trade,
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rectificative 2020 ».
Ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, « Projet de Loi
de finance 2021 ».
Ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, « note de
conjoncture n 284/octobre 2020-direction des études et prévisions financières ».
Oudda, Y., Assaad, I. M., &Bennis, L. (2020). Les retombées de la crise sanitaire Covid-19
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