266-Texte de L'article-758-1-10-20210415
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AMARHYOUZ Asmae
Doctorante
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Kenitra
Université Ibn Tofail - Maroc
Laboratoire des sciences de gestion des organisations
asmae.amarhyouz@gmail.com
AZEGAGH Jalal
Enseignant chercheur
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Kenitra
Université Ibn Tofail - Maroc
Laboratoire des sciences de gestion des organisations
jalal.azegagh@gmail.com
AMARHYOUZ A. & AZEGAGH J. (2021) « Entre ralentissement et relance : Un premier bilan des effets du
Covid-19 sur le tissu économique marocain », Revue Française d’Economie et de Gestion « Volume 2 :
Numéro 4 » pp : 137- 154.
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Résumé
S’agissant d’une crise inédite, le Covid-19 a impacté négativement l’activité économique.
Tous les pays du monde ont déployé beaucoup d’efforts pour alléger cet effet néfaste. Le
Maroc de son part a adopté des mesures draconiennes pour sauver son économie et préserver
sa résilience. Ceci a nécessité une participation et une mobilité de tous les acteurs aussi bien
publics que privés.
L’objectif de cet article est de dresser un premier bilan des effets du Covid-19 sur l’économie
marocaine. Nous discutons les impacts de la pandémie de Covid-19 sur l'économie mondiale
et marocaine. Dans la première partie, nous nous concentrons principalement sur l’évaluation
de l’effet de la crise sur les grandes économies du monde. La deuxième partie sera consacrée
à l’impact de la pandémie sur les secteurs vitaux soutenant l'économie marocaine notamment :
le tourisme, l'industrie et le secteur financier. Enfin, la troisième partie présentera les mesures
prises par le gouvernement marocain pour relancer l’économie et les éventuelles
recommandations pour accompagner et éclairer la prise de décision et l'établissement de
priorités d’action pour la période post-Covid-19.
Introduction
La pandémie du Covid-19 a commencé à se propager en Chine fin 2019. Depuis, elle a fait un
bilan de plus d’un million de morts. Cette pandémie a soudainement bouleversé l'économie
mondiale et a provoqué un choc global d'offre et de demande.
Il s’agit d’un choc d’offre causé par l’arrêt ou le ralentissement de la production des
entreprises et un choc de la demande causée par une consommation réduite.
L'impact du coronavirus sur l'économie mondiale se poursuivra certainement au-delà de 2020.
Selon les prévisions du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, d’ici la fin de
2021, le PIB par habitant dans la plupart des pays du monde sera toujours inférieur à celui de
décembre 2019. Nous pouvons prédire que l’économie mondiale post-coronavirus sera
caractérisée par des niveaux élevés de dette publique et privée, une accélération de
numérisation et un degré décroissant de mondialisation.
Cette période difficile entrainera des coûts très élevés pour l’économie mondiale, mais il y a
toujours des raisons d’espérer. En effet, les tests de dépistage se renforcent, les traitements
s’améliorent et les essais de vaccins s’accélèrent également. Certains en sont même à leur
phase finale. Toutes les autorités se mobilisent sur le plan aussi bien national qu’international
en supprimant les restrictions commerciales sur le matériel médical et en augmentant de l’aide
financière aux pays les plus touchés.
Par ailleurs, le Covid-19 a eu un impact négatif sur toutes les économies du monde. Ainsi,
tous les pays ont déployé de multiples efforts pour atténuer cet impact. Le Maroc ne faisant
pas l’exception, a pris toutes les mesures possibles pour sauver son économie et maintenir sa
résilience.
Ainsi, le Maroc a-t-il réussi à maintenir la résilience de son système économique face à
cette pandémie ? plus précisément, comment le Covid-19 a-t-il affecté l’activité économique
nationale ?
De cette problématique, plusieurs questions en découlent :
• Quel est l’impact du Covid-19 sur l’économie mondiale ?
• Quel est l’impact du Covid-19 sur l’économie nationale ?
• Quelles sont les recommandations envisagées pour relancer l’économie ?
De même, l’objectif principal de cet article est de dresser un premier bilan des effets du
Covid-19 sur l’économie marocaine.
A cet effet, une première partie sera consacrée à évaluer l’impact du virus sur l’économie
mondiale. Une deuxième partie présentera le bilan de l’effet du Covid-19 sur l’économie
marocaine à travers trois niveaux d’analyse : macroéconomiques, mésoéconomiques et
microéconomiques. Enfin, une troisième partie recensera les principales mesures prises par
l’Etat et le secteur privé et les éventuelles recommandations pour relancer l’économie au
Maroc.
Par ailleurs, la dette des gouvernements et des entreprises dans l'économie américaine a
fortement augmenté pour atteindre 26.900 milliards de dollars à fin septembre. A cet effet, le
déficit budgétaire a atteint son plus haut niveau en 2020 soit 3,132 milliards de dollars
américains, contre 984 milliards de dollars américains en 2019. Et ce, en raison des dépenses
destinées à aider l'économie à faire face à la crise provoquée par Covid-19.
0 0,0
2017 2018 2019 2020
Source : HCP
Durant le troisième trimestre 2020, la monnaie nationale s’est dépréciée de 0,25% vis-à-vis de
l’euro et s’est appréciée de 5,88% par rapport au dollar américain. Comparativement aux
devises des principaux pays émergents, le dirham s’est apprécié de 11,20% par rapport à la
livre turque, de 1,80% contre la livre sterling et de 3,33% face au yuan chinois. En définitive,
le taux de change effectif s’est apprécié de 1,83% en terme nominal et de 3,65% en terme
réel.
Source : BAM
En ce qui concerne les comptes extérieurs, les données de fin octobre ont montré une baisse
quasi générale des échanges de biens. Les exportations ont reculé de 10,1%, notamment à
cause de la baisse des ventes des industries automobile et textile, tandis que les importations
ont reculé de 16,6%, notamment en raison des achats de biens d'équipement, des niveaux de
consommation et de la réduction des coûts de l'énergie. Les transferts de MRE ont fait preuve
d'une grande résilience, augmentant ainsi de 1,7%. En conséquence, le compte courant devrait
afficher un déficit quasi maitrisé représentant 4,2% du PIB.
2.2. Analyse mésoéconomique :
2.2.1 Secteur agricole
La valeur ajoutée agricole diminuera de 6,2% au troisième trimestre 2020 au lieu de -6,8% au
trimestre précédent. Les mesures de confinement mises en place par le gouvernement
couteront une perte de 477 000 emplois agricoles. A cet effet, 32% des agriculteurs étaient en
arrêt d’activité, la commercialisation intérieure des productions végétales a baissé, à
l’exception des céréales et des fruits frais, dont les prix à la consommation auraient progressé
de 12,2% et 18,9% au troisième trimestre 2020. Les prix des productions animales quant à
elles, ont globalement baissé.
Au troisième trimestre 2020, les mesures de déconfinement progressif ont permis la reprise
des activités et la croissance commence à s’apprécier. L’économie nationale a reculé de 8,7%
au deuxième trimestre 2020 au lieu de -14,9% (1er trimestre). Cette évolution est due à la
réduction de la valeur ajoutée agricole de 6,2%, et à la baisse de 9% de celle hors agriculture.
Également, le Salon Agricole SIAM, qui devait être annulé en avril a engendré la perte de
plus de douze millions de dirhams pour les coopératives et les organisations économiques,
soit une perte en chiffre d'affaires de 60%.
Graphique N°3 : Evolution de la valeur ajoutée agricole depuis 2011
dirham pour l'hôtellerie, soit une chute globale de près de six millions de touristes (-98% par
rapport à 2019), qui coïncideront avec une perte totale de 11,6 millions de nuitées.
Graphique N°4 : Evolution de la valeur ajoutée de l’hébergement et de la restauration depuis 2011
De même, le transport aérien sera affecté par le déclin du tourisme. Il s’agit d’une perte
d'environ 4,9 millions de passagers et un manque à gagner de 728 millions de dirham.
2.2.3 Secteur de l'industrie et du commerce :
Pendant le confinement, la production automobile a fortement diminué en raison de l'arrêt
d’activité. Au troisième trimestre, suite à la reprise des exportations de voitures, la baisse
d'activité est moins prononcée. Au troisième trimestre, la forte baisse de la commande
internationale a impacté négativement les exportations de pièces d'avion et des composantes
électroniques chutant respectivement de -59,2% et -22,1%.
L’industrie manufacturière continuera d'être affectée par Covid-19 au troisième trimestre de
2020, le secteur continuera de pâtir suite à la faiblesse de la demande intérieure et à la baisse
des exportations. En effet, le secteur a fléchi de 5,7%, au quatrième trimestre 2020. La valeur
ajoutée de l'industrie baissera ainsi de -10,7%. Cette baisse est due au ralentissement des
industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques. La branche textile et cuir quant à
elle, continuera de pâti suite à l’arrêt partiel de la production lié aux perturbations de
l’approvisionnement en intrants.
Les autres industries, en particulier les ventes de matériaux de construction notamment le
ciment, ont enregistré une baisse d'activité de 8%. Les industries chimiques et
agroalimentaires devraient continuer à faire preuve de résilience, leurs valeurs ajoutées ont
augmenté respectivement de + 3,6% et + 1,3%.
cet effet, la capitalisation boursière est passée de -10,2% à -13% entre deux trimestres
consécutifs (2ème et 3ème trimestre).
Le volume des transactions aurait baissé de 49,9% au troisième trimestre 2020, après un repli
de 38,3% un trimestre auparavant. Le marché central aurait participé à hauteur de 93,6% du
volume globale ; les transactions y afférentes auraient régressé de -42,2%. Le chiffre
d’affaires sur le marché des blocs aurait reculé de 83,1% et n’aurait engendré que 6,4% du
chiffre d’affaires global.
Graphique N°6 : Evolution du volume des transactions
Suite aux mesures de confinement, les entreprises ont subi un arrêt brutal, la facturation a été
très perturbée et les retards de paiement se sont multipliés. A cet effet, une entreprise sur deux
a annoncé une augmentation des délais de paiement.
Les délais de paiement sont en principe mesurés par l'indicateur « DSO » (Days Sales
Outstanding). Au Maroc, la crise a eu un impact sur les délais de paiements avec une
augmentation en moyenne de 60 jours pour toute catégorie confondue d’entreprise. Cette
situation engendra automatiquement un affaiblissement de la trésorerie des entreprises.
Encore pour les TPE, la situation est très délicate en termes d’impact. À cet égard, il est à
noter que 99% des entreprises en faillite sont de très petites entreprises. Ainsi, en plus du délai
client de 212 jours pour les très petites entreprises,121 jours pour les PME et 90 jours pour les
grandes entreprises, initialement observé fin 2019, ces délais se sont encore prolongés de 60
jours.
2.3.2 Stocks :
Concernant la valorisation des stocks évaluée par l'indicateur « DIO » (Days Inventory
Outstanding), la plupart des entreprises étaient affectées par une baisse d’activité suite à la
baisse de la demande, la perturbation prolongée de la chaîne d'approvisionnement, ou encore
l’augmentation du taux d'absentéisme des employés. Tout ceci, fera grimper les stocks de +3
jours au second semestre 2020.
Les stocks restent au-dessus des niveaux normaux, ce qui indique une lente reprise de la
demande intérieure et extérieure. En outre, les chaînes d'approvisionnement resteront
probablement affectées au second semestre tant que la distanciation sociale et les restrictions
aux flux internationaux seront maintenues. Donc les niveaux de stocks continueront
d'augmenter, car les entreprises préfèrent éviter toute perturbation de la chaîne
d'approvisionnement en raison de futurs verrouillages ciblés.
Les contraintes de liquidité et de flux de trésorerie avec des retards de paiement accrus sur les
créances, qui se sont ajoutés et encore une augmentation des stocks – entraînent donc un
épuisement du fonds de roulement.
Ceci dit, le risque global de crédit augmente fortement. De nombreuses entreprises font de
plus en plus faillite.
Puisque quasiment toutes les entreprises ont connu un certain niveau de perturbation
d’activité, il était donc judicieux de penser à des moyens de financement pour relancer
l'économie.
3. Mesures prises par le gouvernement et les recommandations pour une relance de
l’économie marocaine :
3.1. Mesures prises par le gouvernement :
Le Maroc a été parmi les premiers pays à prendre la décision du confinement à cause du bilan
très lourd des morts dans le monde entier et la capacité restreinte des infrastructures des
hôpitaux (670 lits). À cet effet, le gouvernement a mis en place toutes les mesures nécessaires
pour atténuer l'impact du Covid-19 sur l'économie nationale.
✓ Mesures économiques : En termes de politique monétaire, la Banque centrale
marocaine a décidé le 17 mars d'abaisser son taux directeur à 2% puis à 1,5% pour
soutenir les activités économiques. Le Comité de Veille Economique (CVE) a
également été créé pour intervenir sur le plan économique, social et fiscal.
Sur le plan économique, le paiement des charges sociales (CNSS) a été suspendu pour
les entreprises du 1er mars à juin 2020. Les entreprises peuvent également bénéficier
d'un moratoire pour le remboursement des échéances des crédits bancaires et de
leasing jusqu'au 30 juin 2020 sans paiement de frais ni de pénalités.
Les TPE, PME et activités libérales en difficulté ont pu bénéficier du report des crédits
bancaires jusqu'à fin juin 2020 en plus d’une ligne supplémentaire de crédit de
fonctionnement octroyée par les banques et garantie par la Caisse centrale de garantie
(CCG) a été aussi activée.
✓ Mesures sociales : Les salariés en difficulté, ou en arrêt d'activité, affiliés à la Caisse
Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), ont bénéficié aussi d'une indemnité forfaitaire
mensuelle de 2000 dirhams nets en plus des prestations relatives à l'assurance maladie
obligatoire et aux allocations familiales pendant la période allant du 15 mars au 30
juin 2020. Cette indemnité a été versée par le Fonds spécial pour la gestion de la
pandémie du coronavirus. Ces salariés ont pu également bénéficier du report de
remboursement des échéances des crédits bancaires, à savoir le crédit à la
consommation et le crédit acquéreur jusqu'au 30 juin 2020. Le Comité a, en outre,
décidé d’activer un dispositif de paiement mobile pour transférer les aides aux
travailleurs opérant dans l’informel.
✓ Mesures fiscales : Les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel de 2019 est
inférieur à 20 M MAD de dirhams, ont aussi bénéficié d'un report de dépôt des
déclarations fiscales jusqu'à fin juin avec une suspension des contrôles fiscaux et des
avis à tiers détenteur (ATD) jusqu'au 30 juin 2020.
✓ Mesures commerciales et douanières : Tenant compte du déficit des réserves en
devises suite à la baisse des transferts MRE et des recettes touristiques. Sur le plan
douanier, il a été décidé de réduire les importations en négociant avec les fournisseurs
le report de celles-ci. Concernant les exportations, l’administration des Douanes a opté
pour une restriction quantitative à l’exportation de masques chirurgicaux, de
préparations antiseptiques et de masques de protection.
✓ Mesures financières : le Comité de Veille Economique (CVE) a proposé de baisser
le taux directeur à 1,5% et renforcer les instruments d’intervention de BAM avec
allégement des détails de refinancement.
En outre, la Caisse centrale de garantie (CCG) a opté pour un nouveau mécanisme de
garantie appelé « DAMANE OXYGENE » ; visant à mobiliser les ressources de
financement pour les entreprises dont la trésorerie s’est dégradée.
Ce produit est destiné aux PME dont le chiffre d'affaires est situé entre 200 et 500
millions de Dirhams. Il couvre 95 % du montant du crédit et permet ainsi aux banques
de mettre en place des découverts exceptionnels pour financer leurs besoins en fonds
de roulement. Ces financements bancaires couvrent jusqu'à 3 mois des charges
courantes liées à l'exploitation (les loyers, les salaires, les achats indispensables, etc.)
et peuvent aller jusqu'à 20 millions de Dirhams. Pour les cas des entreprises ne
disposant pas de lignes de financement à court terme, ce découvert peut atteindre 5
millions de Dirhams.
3.2. Recommandations pour relancer l’économie marocaine
Après avoir analysé les effets du Covid-19 sur la conjoncture actuelle et tant compte de la
situation critique de tous les secteurs, il est judicieux de formuler des recommandations pour
relancer l'économie nationale. Il s’agit de mobiliser tous les moyens nécessaires et prioriser
les actions et prendre la bonne décision pour la période post-Covid-19. Dans ce qui suit, les
principales recommandations envisagées :
✓ Renouveler les méthodes de la collecte et de traitement des données socio-
économiques marocaines afin d’éclairer la prise de décision. A cet effet, il
BIBLIOGRAPHIE
Confédération Générale des Entreprises Marocaines (CGEM), « Baromètre CGEM impacts
covid-19, rapport enquête 2 », juillet 2020.
Fadil, S., & Benazzi, L. (2020). Les retombées de la crise économique de COVID -19 sur les
entreprises. International Journal of Accounting, Finance, Auditing, Management and
Economics,1(2),375-383.