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Sélection Végétale Ière Partie

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2340TA

SÉLECTION VÉGÉTALE
Ière partie
Fonctions et bases génétiques
de la sélection végétale
par
Yves Hervé
Professeur, chaire de Phytotechnie, Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Rennes

SOMMAIRE ANALYTIQUE
I. Définition et organisation générale (1 à 3)
Liste
II. Importance et perspectives de la sélection créatrice (4 à 7)
III. Historique de l’amélioration des plantes (8 à 13)
Ta b l e A. Durée et conséquences principales (8)
B. Evolution des méthodes (9 à 13)

IV. Perspectives de la sélection végétale (14)


Index V. Bases biologiques de l’amélioration des plantes (15 à 35)
A. Préservation de la diversité (16 à 19)
B. Augmentation la diversité (20 à 33)
1. Mutation provoquée (21 à 26)
Glossaire 2. Hybridation interspécifique (27 à 30)
3. Polyploïdie (31 à 33)
C. Mise en œuvre de la variabilité génétique : principes généraux de la création variétale (34 et 35)

©Techniques Agricoles 2340

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE IÈRE PARTIE
TA 2340
INDEX ALPHABÉTIQUE

Acclimatation, 5 Hybridation, 9, 26, 35 Sélection améliorante, 2


– conservatrice, 2
Banque de gènes, 18 Mutagénèse, 22
– créatrice, 2, 35
Biotechnologie, 12, 30 Mutation, 21
– massale, 9
Catalogue officiel, 3 Obtention végétale, 3, 12 – (méthode de), 35
Certification, 3
Polyploïdie, 31 Traitement mutagène, 22
Colchicine, 32
Pool génétique, 16 Transfert de gènes, 30
Conservatoire génétique, 18
Productivité, 4 Variabilité génétique, 20
Cultivar, 2, 9
Rendement, 6
Diversité, 16
Résistance génétique, 6
Génie génétique, 30

Liste

Ta b l e

I n dex

Glossaire

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2340TA SÉLECTION VÉGÉTALE IÈRE PARTIE

I. DÉFINITION ET ORGANISATION GÉNÉRALE II. IMPORTANCE ET PERSPECTIVES


1.– L’amélioration génétique des plantes, encore com- DE LA SÉLECTION CRÉATRICE
munément appelée sélection végétale, est l’ensemble de 4.– L’amélioration des plantes est un ajustement généti-
la démarche scientifique et technique qui permet de met- que permanent des plantes au service de l’homme. Ce
tre à la disposition de l’agriculture des variétés de plus en progrès génétique se traduit essentiellement de 3 maniè-
plus performantes. res : l’acclimatation et l’amélioration quantitative et qua-
2.– Elle comporte en fait deux activités différentes mais litative des productions végétales.
étroitement dépendantes l’une de l’autre et dont l’ensem- • Introduction et acclimatation de nouvelles cultures
ble constitue la filière du progrès génétique en produc-
tion végétale : 5.– Les migrations humaines puis les voyages internatio-
naux ont pratiquement eu pour résultat d’offrir à chaque
• La sélection créatrice ou sélection améliorante, réalisée région la diversité botanique de la planète. Cependant la
dans des laboratoires de sélection, est une activité de sélection est toujours à la base de l’implantation durable
recherche visant à construire les unités génétiques fonc- et du développement de nouvelles cultures. Ainsi par
tionnelles que sont les variétés végétales. Dans la termi- exemple en France, de nombreuses productions végétales
nologie internationale, qui n’est pas encore couramment devenues importantes sont assurées par des espèces ayant
adoptée en France, une variété lorsqu’elle est effective- des origines géographiques très lointaines (pomme de
ment utilisée, s’appelle « cultivar », terme contracté de terre, maïs, tournesol, tomate…). Les transformations
l’expression « cultivated variety ». physiologiques des plantes, notamment par la sélection
Liste Cette sélection créatrice, produisant en permanence de pour la précocité, sont encore à l’œuvre de nos jours, par
nouvelles variétés chez les espèces cultivées, assure par exemple pour offrir peu à peu à l’ensemble des régions
conséquent une fonction d’innovation par la transfor- françaises, la possibilité de cultiver des espèces qui ne
mation génétique des plantes. pouvaient jusqu’alors se développer que dans certaines
d’entr’elles (ex. soja, tournesol, blé dur…).
Ta b l e Elle repose sur l’exploitation d’un certain nombre de
propriétés biologiques et génétiques générales, qui sont • Augmentation de la productivité
caractéristiques du monde vivant. Leurs applications aux 6.– Si l’on définit globalement la productivité comme le
plantes et particulièrement aux espèces cultivées seront bilan économique d’une production, la sélection appa-
présentées dans ce fascicule. raît comme essentielle pour les deux éléments du bilan,
Index Cependant les plantes d’intérêt agricole sont très diverses avec des effets variables selon les cultures :
puisqu’environ 200 espèces végétales sont cultivées dans – Accroissement des rendements
le monde. Du point de vue de leur amélioration généti-
que, elles peuvent cependant se classer en 3 grands grou- L’augmentation du rendement physique est très nette
pes justifiant pour chacun de méthodes conduisant à des pour la quasi-totalité des productions végétales, et est
Glossaire types différents de variétés. Elles seront traitées, dans sensiblement proportionnel à l’effort de sélection con-
leurs lignes principales, par le fascicule 2341. senti. Pour les grandes céréales (blé, orge, maïs), il est par
exemple de plus d’un quintal par hectare et par an depuis
• La sélection conservatrice assure la valorisation de la plus de trente ans. Cette augmentation globale rassemble
sélection créatrice : elle a pour objet la production de évidemment les effets des progrès réalisés par la sélection
semences ou des plants qui permettent aux utilisateurs et sur l’ensemble des facteurs de production (techniques
de bénéficier des progrès génétiques obtenus par les culturales, engrais, pesticides…).
sélectionneurs.
Pour les espèces les mieux étudiées (blé, maïs, colza,
Il s’agit donc d’une activité agricole, répétée chaque pomme de terre…), l’amélioration génétique est en
année pour chaque variété, pendant toute la durée de sa général considérée comme apportant la moitié des gains
carrière commerciale. Cependant, pour que les caracté- de productivité. Toutefois, l’identification de la part du
ristiques de la variété parvenant aux producteurs soient progrès dû à la sélection n’a qu’un intérêt relatif car
conformes à celles introduites par l’obtenteur, et qu’elles l’exploitation complète d’un potentiel génétique accru,
le demeurent au cours du temps, cette production doit par l’emploi des variétés les plus performantes, n’est pos-
être réalisée selon des principes imposés par des règle- sible qu’en l’accompagnant de l’usage optimal des autres
ments techniques, adaptés à chaque type variétal. éléments de la réussite d’une culture (préparation du sol,
3.– De plus, le caractère essentiel du progrès génétique dates et doses de semis, fertilisation…).
pour l’agriculture et les intérêts en jeu, compte tenu de – Diminution des frais culturaux et sécurité des rendements
l’importance économique du secteur de la production et
de la commercialisation des semences et plants, ont con- L’accroissement de la productivité agricole a été en
duit à développer des règlementations pour organiser grande partie acquis par la mécanisation des cultures et
l’introduction des seules nouveautés variétales intéres- l’augmentation de la précision des interventions cultura-
santes (Inscription au Catalogue Officiel), pour garantir les. Dans les deux cas, l’homogénéité des cultivars
les droits des obtenteurs (Protection des obtentions végé- modernes est un élément indispensable.
tales), et pour assurer aux agriculteurs les qualités généti- L’amélioration de la résistance génétique des plantes est le
ques et techniques qu’ils attendent des semences et plants moyen le plus approprié pour réduire les traitements
qu’ils utilisent (contrôle et certification). phytosanitaires. Pour certaines cultures, la sélection a

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permis de supprimer ou de réduire fortement le coût de Toutefois, l’époque contemporaine se caractérise par
certaines opérations (ex. monogermie de la betterave…). l’apparition de « besoins d’agrément » qui ont quelque
L’amélioration de la résistance au froid des cultures peu relancé la domestication et la sélection d’espèces
d’hiver, à la sécheresse des cultures d’été,… contribue à ornementales, forestières, condimentaires.
limiter les conséquences des fluctuations inévitables du
climat. B. Evolution des méthodes
• Amélioration qualitative des productions 9.– La longue phase de sélection empirique qui s’est,
pour la plupart des espèces, poursuivie jusqu’au siècle
7.– Une part croissante de la production végétale est dernier, a été, quel que soit le mode de reproduction des
transformée avant utilisation. Le produit récolté doit espèces, dominée par une méthode principale : la sélec-
donc présenter des aptitudes, de mieux en mieux préci- tion massale.
sées, à la conservation, au transport, à la transformation
Elle est essentiellement basée sur l’utilisation des
et à des utilisations finales parfois diverses.
meilleurs produits d’une récolte pour installer la culture
La transformation génétique des plantes est souvent le suivante. Cette technique de relai d’une génération à la
moyen privilégié pour faciliter l’utilisation des produits suivante, a été et demeure très efficace pour les caractères
et accroître le rendement final et la qualité des produits héritables, c’est-à-dire ceux pour lesquels une supériorité
obtenus. Dans certains cas, la sélection pour la qualité a apparente correspond effectivement à une constitution
complètement modifié les perspectives d’une culture et génétique supérieure et, au moins pour partie, transmis-
permis son extension rapide (ex. sélection du colza pour sible à la descendance.
l’amélioration de la qualité de l’huile et du tourteau). Liste
10.– L’avènement de la génétique par la connaissance des
mécanismes de l’hérédité, a permis depuis une centaine
III. HISTORIQUE DE L’AMÉLIORATION d’années, d’intensifier l’évolution. L’application de quel-
DES PLANTES ques concepts principaux a permis l’accélération du pro-
grès génétique : Ta b l e
A. Durée et conséquences principales • L’utilisation de l’hybridation dirigée pour créer une
diversité génétique accrue et orientée.
8.– La sélection végétale est aussi ancienne que l’agricul- • L’emploi de méthodes plus fines pour construire pro-
ture, dont elle a toujours été l’un des aspects essentiels. gressivement et mieux identifier les génotypes les
Elle a donc commencé à l’ère néolithique, 8 à 10 000 ans meilleurs (rôle de la consanguinité, suivi des descen- I n dex
avant J.C., lorsque les hommes, commençant à s’établir dances successives, séparation des effets génétiques et
en communautés sédentaires, ont cherché à ne plus être des actions du milieu par des méthodes statistiques…).
tributaires de la seule collecte des populations naturelles.
Ils ont d’abord identifié des populations naturelles • La reconnaissance de l’intérêt d’avoir pour cultivar un
d’espèces sauvages qui pouvaient offrir un produit utile génotype unique plutôt qu’un mélange de génotypes,
avec les deux conséquences principales : Glossaire
relativement nourrissant, assez facilement conservable et
dont le prélèvement d’une partie de la réserve permettait – généraliser les génotypes les meilleurs provenant d’une
d’installer une nouvelle production l’année suivante. opération de sélection ;
Quelques graminées à grains relativement gros sont – disposer de cultivars homogènes qui répondent le
devenues ainsi des céréales, et quelques légumineuses et mieux aux besoins de l’agriculture moderne. C’est
plantes à racines ou tubercules riches en énergie, ont été ainsi que 3 structures génétiques principales dominent
ainsi progressivement domestiquées. désormais la sélection végétale : ce sont les trois types
de variétés constituées par des génotypes uniques,
La sélection a donc été initialement un choix parmi les
c’est-à-dire pour lesquels toutes les plantes cultivées
espèces offertes par la nature. Les cultivateurs ont
d’une même variété sont identiques : la lignée pure,
ensuite, au cours des siècles, par le choix de plantes plus
l’hybride F1, le clône.
productives, plus précoces, ou plus résistantes… modelé
ces espèces cultivées et entraîné progressivement de pro- 11.– Il existe cependant des espèces pour lesquelles les
fondes modifications physiologiques et morphologiques. variétés sont constituées de mélanges de génotypes plus
Ces transformations ont été si importantes que les espè- ou moins proches (variétés synthétiques, populations…)
ces les plus productives et les plus anciennement domes- mais elles se limitent peu à peu à 2 situations :
tiquées, sont devenues de véritables impasses évolutives – lorsque les méthodes scientifiques ou techniques per-
et seraient incapables de se perpétuer sans le secours de mettant d’obtenir des variétés à un seul génotype ne
l’homme : le blé, le maïs, la betterave, la tomate… dispa- sont pas encore disponibles (ex. : contrôle imparfait
raîtraient rapidement si on les abandonnait à la nature. des croisements pour produire des hybrides…) ;
L’intérêt s’est progressivement concentré sur un nombre – lorsque les coûts de création ou de production de ces
réduit d’espèces : alors qu’il existe des milliers d’espèces variétés sont trop élevés au regard du prix admissible
végétales et que 1 500 d’entre elles ont connu au moins actuel des semences pour ces cultures (ex. : certaines
un début de domestication, il n’y a environ que 150 espè- espèces fourragères, forestières ou espèces d’impor-
ces réellement cultivées et sélectionnées de nos jours, et tance économique mineure).
une trentaine seulement couvrent les besoins nutrition- 12.– Le développement des biotechnologies végétales,
nels de l’humanité. méthodes qui favorisent ou accélèrent la création de

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nouveaux génotypes, ou facilitent leur multiplication 1. Les plantes cultivées sont généralement diploïdes: c'est-à-dire que les
rapide et conforme (cf. fasc. 2350) renforcent cette évo- chromosomes se ressemblent par paire: chaque gène, élément
lution vers des variétés mono-génotypes. fonctionnel élémentaire d'un chromosome peut présenter 2 allèles
(2 formes différentes d'un même gène).
La mise en œuvre de l’amélioration génétique, s’éloi-
ex.: gène a 2 allèles: a1 et a2
gnant de plus en plus de l’empirisme, a entraîné progres- gène b 2 allèles: b1 et b2
sivement la dissociation de la production agricole et de la
sélection désormais réalisée par des organismes spéciali- 2. Pour chaque gène, une plante diploïde peut avoir 2 ou 3 associations
sés. Le coût de la recherche variétale, et la nécessité de d'allèles, appelés génotypes:
disposer de vastes réseaux d’expérimentation tend à — si les 2 allèles sont identiques, le génotype est homozygote. Il y a
accroître la taille et la spécialisation des établissements de alors 2 génotypes possibles par gène: a1a1 ou a2a2
sélection. Les variétés lignées pures sont constituées de plantes homozygotes iden-
tiques, ayant donc l'un ou l'autre des 2 génotypes possibles.
Parallèlement, les revenus de l’innovation génétique — si la plante présente un état génétique quelconque, il y a alors 3
s’accroîssent : génotypes possibles par gène:
– par des dispositions réglementaires : la protection des • 2 homozygotes (ex. a1a1 et a2a2 + 1 hétérozygote (a2a2)
obtentions végétales, l’interdiction de reproduction des Les variétés clônes et les variétés hybrides sont constituées de plantes
variétés (hors du cadre de l’exploitation) garantissent identiques, ayant donc l'un ou l'autre des 3 génotypes possibles.
aux sélectionneurs la possibilité de valoriser leurs
3. Pour deux gènes différents, une plante diploïde peut avoir 4 ou 9
obtentions ; génotypes:
Liste – par des mécanismes techniques : le type de variété qui — si la plante est homozygote, elle présentera l'un des quatre génotypes
s’avère souvent le plus intéressant chez les espèces à possibles (ex. 2 gènes a et b):):
reproduction sexuée, l’hybride F1, ne peut être multi- a1 a1 a 1 a 1 a 2 a 2 a 2 a2
plié qu’en faisant retour chaque année, à ses parents b1 b1 b1 b1 b 2 b2 b 2 b2
détenus par l’obtenteur, lui assurant ainsi le contrôle — si la plante présente un état génétique quelconque (homozygote ou
Ta b l e de sa production. hétérozygote); 9 génotypes sont possibles:
13.– La sélection végétale est donc devenue une activité a 1 a 1 a 1 a1 a 1 a1 a 1 a2 a 1 a 2 a 1 a2 a 2 a 2 a 2 a 2 a 2 a2
spécialisée, de grande technicité, coûteuse et longue : la b1 b1 b 2 b2 b1b2 b 1 b1 b2 b2 b1 b 2 b 1 b1 b 2 b2 b 1 b2
création d’une nouvelle variété demande rarement
moins d’une dizaine d’années. Cependant, en cas de suc- 4. Pour un caractère complexe (ex. rendement, précocité...), conditionné
Index par un grand nombre de gènes, le nombre de génotypes possibles est
cès, le sélectionneur est à peu près assuré de recueillir le
très grand.
produit de son travail ; l’importance des investissements
de recherche et la marge de gain biologique encore possi- Nombre de gènes 1 2 3 10 100 n
ble, promet des progrès génétiques pour l’avenir. Nbre de génotypes
homozygotes
Glossaire
possibles 2 4 = 22 8 = 23 210 = 1024 2100 2n
IV. PERSPECTIVES DE LA SÉLECTION
Nbre de génotypes
VÉGÉTALE divers (homozygotes
14.– Bien que le potentiel biologique des plantes, et par + hétérozygotes)
conséquent, les possibilités de son exploitation par possibles 3 9=32 27=3 3 310 = 59049 Ò3100 3n
l’amélioration génétique ne soient pas illimités, la sélec- La sélection végétale, qui porte simultanément sur des centaines de
tion créatrice demeurera une source essentielle du pro- gènes, peut créer par conséquent des millions de génotypes différents:
grès agricole, pour trois raisons principales : seuls quelques génotypes deviendront des variétés cultivées.
• La diversité des caractères sur lesquels portent la sélec-
tion de chaque espèce, et la complexité (nombre de gènes Fig. 1. – Gènes, génotypes, diversité génétique
en jeu) de leur déterminisme génétique, sont tels qu’il et variétés cultivées
existe une quasi-infinité de combinaisons génétiques
possibles (fig. 1). Or, le sélectionneur choisit parmi le • A l’exception des sauts technologiques qui entraînent
nombre nécessairement limité de constructions généti- des augmentations du coût des semences (ex. passage des
ques qu’il peut créer et surtout expérimenter. Ainsi, par variétés populations ou des variétés lignées pures aux
un jeu de probabilités, même dans un contexte technico- hybrides F1), le progrès génétique est globalement peu
économique qui demeurerait inchangé, la meilleure coûteux : les semences d’une variété nouvelle perfor-
variété du moment sera un jour supplantée par une mante ne sont guère plus chères que celles d’un cultivar
variété supérieure. déjà dépassé. De plus, l’introduction d’une nouvelle
• Le contexte de production évolue, faisant apparaître des variété ne bouleverse pas un système de production et
besoins nouveaux qui sont à chaque fois de nouveaux n’induit généralement pas l’achat d’équipements nou-
défis pour les sélectionneurs (nouvelles races d’un para- veaux.
site, nouvelle région de production, nouvelles utilisations
du produit de la culture…). Ainsi, la variété idéale d’une Il s’agit donc d’un facteur de production d’emploi parti-
époque, vers laquelle se portent donc les efforts de sélec- culièrement facile et souple, expliquant l’intérêt perma-
tion, est une entité évolutive. nent des producteurs pour les nouveautés génétiques.

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Enfin, dans un contexte de préoccupation croissante à Les succès de la sélection et les progrès de l’agriculture
l’égard de l’environnement, le facteur variétal est relative- ont donc paradoxalement pour conséquence un appau-
ment moins exposé à critiques que d’autres intrants de la vrissement génétique global qui, outre sa signification
production végétale (ex. engrais azotés, pesticides). Certains culturelle (perte d’un patrimoine), présente aussi des ris-
des problèmes de la production végétale pourraient même ques graves pour les progrès génétiques futurs, dès lors
trouver des réponses génétiques (introduction accrue de que la diversité génétique n’est plus auto-entretenue.
résistances génétiques aux maladies, aux insectes…). 18.– Depuis une vingtaine d’années, la prise de
conscience de cette érosion génétique, accentuée par
V. BASES BIOLOGIQUES DE quelques catastrophes montrant les dangers de
L’AMÉLIORATION DES PLANTES l’uniformité variétale (épidémies sur maïs aux états-
15.– La sélection végétale est un choix, un repérage de Unis, sur mil en Inde, sur café au Brésil…), a conduit à la
génotypes supérieurs apparus naturellement ou créés par mise en place d’organisations de protection de la
le sélectionneur. Ce choix repose donc sur l’existence variabilité génétique : conservatoires génétiques, parfois
d’une diversité génétique, naturelle ou provoquée au sein appelés banques de gènes.
de l’espèce. L’amélioration des plantes est ainsi fonda- Ces structures se sont établies avec une certaine diversité
mentalement une gestion de la diversité génétique sous ses d’approches et de stratégies et à différents niveaux :
3 aspects : – au plan international, l’IBPGR (International Board for
– la préservation de la diversité génétique existante ; Plant Genetic Resources : Bureau International des
– l’accroissement de la diversité ; Ressources Phytogénétiques), coordonne et encourage
toutes les activités dans ce domaine ; Liste
– l’exploitation, par la sélection, de cette diversité génétique.
– certaines « banques de gènes » ont vocation à préserver
A. Préservation de la diversité les ressources de grandes régions du monde : ex. Izmir
(Turquie) pour le proche et moyen Orient ; Bari (Ita-
16.– La diversité génétique des plantes doit évidemment
lie) pour les pays méditerranéens ; Ta b l e
être raisonnée espèce par espèce en dépassant toutefois le
cadre de la plante cultivée elle-même pour l’étendre à – les Centres Internationaux de Recherches en Améliora-
tout matériel génétique qui lui est compatible et peut tion des Plantes, généralement installés dans les pays
donc servir à son amélioration. On peut définir ainsi en voie de développement (IRRI, CIMMYT, IITA,
trois niveaux génétiques concentriques : ICRISAT…) servent aussi de conservatoires génétiques
pour des espèces de leur compétence ; I n dex
• le pool génétique primaire (I) composé de l’ensemble
des variétés de l’espèce cultivée, des espèces très voisines – la plupart des pays développés ont une politique natio-
qui se croisent avec elles et dont les hybrides sont généra- nale de protection des ressources qui prend des formes
lement fertiles. variées, ex. Bureau des Ressources Génétiques en
ex. : blés cultivés et certains Triticum sauvages France, coordonnant différentes initiatives sans gérer
Glossaire
de conservatoire central… ;
• le pool génétique secondaire (II) utilisable par le sélec-
tionneur au prix de certaines difficultés, permettant tou- – les grandes entreprises de sélection entretiennent des
tefois des transferts de gènes par voie biologique. collections parfois importantes mais qui ne sont géné-
ralement pas « ouvertes ».
ex. : seigle pour le blé
19.– Quelle que soit sa structure, un conservatoire géné-
• le pool génétique tertiaire (III) présentant la limite de
tique a une triple vocation (figure 2):
compatibilité avec l’espèce cultivée : les hybrides avec elle
sont stériles et les transferts de gènes requièrent des tech- – recueillir la diversité génétique existante ;
niques spéciales (ex. : culture d’embryons…). – évaluer le matériel collecté ;
ex. : orge pour le blé. – multiplier et conserver ces ressources génétiques pour
17.– Pour la majorité des espèces, la diversité génétique les maintenir à disposition des sélectionneurs.
tend à se réduire sous l’effet de facteurs conjugués :
– l’évolution des sociétés, et en particulier la pression B. Augmentation de la diversité
démographique, tendent à réduire l’importance des 20.– La variabilité génétique d’ensemble d’une espèce, si
surfaces naturelles qui constituaient de vastes réser- elle a été correctement préservée, est généralement suffi-
voirs génétiques d’espèces sauvages souvent apparen- sante pour couvrir les besoins du sélectionneur. Son
tées aux espèces cultivées (pools génétiques II et III) ; amplification peut toutefois être utile dans deux circons-
– l’amélioration de l’agriculture s’accompagne, même tances :
dans les pays les moins développés, par le passage pro-
– lorsque pour un objectif particulier de sélection, la
gressif de très nombreuses variétés locales, sélection-
diversité existante apparaît insuffisante ;
nées par les agriculteurs et modelées par le milieu (éco-
types), à des variétés-populations moins nombreuses, – lorsqu’une variété déjà créée et de grand intérêt général
dans des contextes agricoles moins diversifiés ; présente cependant un défaut particulier, ou qu’il est
– la sélection moderne conduit à des génotypes homogènes, souhaitable de diversifier ses présentations.
sans diversité génétique interne, à aire d’extension large, L’accroissement de la diversité génétique pourra donc
améliorés selon les mêmes critères et souvent apparentés. aller de la correction ponctuelle d’un caractère codé par

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Centre d’origine et de dans toute opération de sélection, le problème majeur est


différenciation de donc l’identification de plantes mutantes intéressantes.
l’espèce :
a) Techniques de mutagénèse
– espèces sauvages 22.– Les méthodes de traitements mutagènes utilisent
apparentées à l’espèce
cultivée des agents physiques ou chimiques qui ont une action
– cultivars primitifs sur les matériaux génétiques constituant les chromoso-
mes (ADN).
• Les agents mutagènes physiques
Zones actuelles de
culture : CONSERVATOIRE 23.– Ce sont principalement des rayonnements de lon-
– anciennes variétés GÉNÉTIQUE gueurs d’onde variant de 0,01 à 2 000 nanomètres, et en
[ = Banque de gènes] particulier les radiations entraînant une altération du
locales
– cultivarsactuels matériel génétique par ionisation (rayons X, gamma,
ultra-violets…).
Etablissements
La conservation des aliments par ionisation repose sur les
de sélection : mêmes principes, en inactivant des systèmes enzymati-
ques ou en détruisant les bactéries responsabes de la
– mutants et anomalies
diverses dégradation des produits. L’un des traitements le plus
– matériel non cultivé utilisé est l’exposition aux radiations ionisantes de l’iso-
issu de sélection tope 60 du cobalt, également utilisé pour la lutte contre
Liste
Fig. 2. – Constitution d’un Conservatoire génétique certains cancers humains.
(Banque de Gènes) La mise au point des traitements est délicate, portant sur
la recherche de la dose, exprimée en r.a.d. (radiation
absorption dose = unité de dose absorbée) ou gray (gy),
Ta b l e Appauvrissement du (1 gray = 100 r.a.d.), du débit de dose, de la durée
contenu génétique
des variétés Accroissement d’exposition, sur la préparation de la cible qui peut être
cultivées de la diversité biologique constituée de semences, de plantes entières à l’état végé-
stockée dans les tatif, de fragments de plantes (boutures, bourgeons, cel-
conservatoires génétiques
lules…).
Index
L’emploi de la plupart des mutagènes physiques requiert
un seul gène, jusqu’à la création complète d’une espèce des installations particulières qui ne sont disponibles que
entièrement nouvelle. dans des Instituts spécialisés. Toutefois, les possibilités de
la culture in vitro chez certaines espèces ont permis de
Les moyens utilisés sont de deux natures : développer l’emploi du rayonnement ultra-violet, moins
Glossaire
– créer des modifications génétiques artificielles par dangereux car peu pénétrant, mais efficace sur les cultu-
mutagénèse ; res cellulaires facilement accessibles aux radiations.
– introduire du matériel génétique à partir d’une autre Les rayonnements agissent principalement en provo-
espèce, par croisement interspécifique, ou par transfert quant des cassures de l’ADN, suivies de délétions (pertes
de gènes. de fragment) et de remaniements divers.
• Les mutagènes chimiques
1. Mutation provoquée
24.– Une gamme assez vaste de produits chimiques peu-
21.– La source de toute variation génétique naturelle est la vent provoquer des altérations du matériel héréditaire,
mutation, qui est une modification héritable du matériel par exemple en modifiant par alkylation les constituants
héréditaire pouvant principalement intervenir par la modi- chimiques normaux de l’ADN, tels que le méthane sulfo-
fication des matériaux biologiques constituant les gènes (un nate d’éthyle, ou en provoquant, par leur analogie avec
gène est constitué d’une succession d’environ 1 000 bases certains constituants normaux des chromosomes, des
azotées), ou par des changements dans l’agencement des erreurs de copie lors de la reproduction de l’ADN (acri-
gènes provenant de petites altérations des chromosomes dines, acides nitreux, peroxydes organiques…).
(délétions, duplications, inversions…). Les mutations sont
donc de petits accidents génétiques dont la fréquence est D’emploi facile en laboratoire car ils ne demandent pas
rare : la probabilité moyenne de mutation pour chaque gène d’installations complexes, de nombreux mutagènes chimi-
varie entre 1 sur 100 000 et 1 sur 10 millions par génération. ques sont cependant très toxiques à forte concentration.
Elles se produisent à peu près au hasard sur les chromoso- b) Intérêt de la mutagénèse
mes et la plupart n’ont pas de conséquences immédiates, 25.– La mutagénèse, qui a connu une certaine vogue en
soit qu’elles ne produisent pas d’effet, soit qu’elles aient un amélioration des plantes, mais dont les résultats demeu-
effet défavorable sur les plantes qui les portent, entraînant rent néanmoins assez limités, est utilisable pour deux
progressivement la régression du gène muté. objectifs principaux :
La mutation provoquée par des techniques de mutagénèse – l’augmentation globale de la diversité, pour des carac-
cherche à augmenter la fréquence des modifications généti- tères complexes (précocité, teneur en protéines, rende-
ques, mais son action demeure aussi aléatoire : comme ment…).

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Les résultats ont été décevants sauf pour quelques espè- matériel génétique d’une espèce étrangère proche, géné-
ces à base génétique étroite ; ralement sauvage. Le principe est le suivant :
– la modification de caractères à contrôle génétique rela- – croisement initial de l’espèce cultivée par l’espèce sauvage ;
tivement simple (un ou quelques gènes). Un certain – recroisements successifs (backcross) durant 5 à 10 géné-
nombre de succès ont été acquis : mutants à grain long rations de l’hybride interspécifique par l’espèce cultivée,
chez le riz ; géniteur de paille courte chez les céréales ; pour retrouver ses caractères, accompagnés de sélection
couleurs de fleurs, de fruits ou de feuillage de nom- pour retenir un ou quelques traits de l’espèce sauvage.
breuses espèces ornementales ou fruitières… Cette technique est assez fréquemment utilisée chez cer-
Les principales réussites surviennent pour les espèces chez taines espèces cultivées, principalement pour infiltrer des
lesquelles les nouveaux caractères apparus sont facilement caractères à contrôle génétique simple, telles que certai-
fixables et aisément décelables : plantes sexuées autoga- nes résistances à des maladies.
mes, car les mutations peuvent être stabilisées en utilisant c) Difficultés de l’hybridation interspécifique
la consanguinité des descendances, et surtout les plantes à
reproduction végétative pour lesquelles toute modification 29.– L’espèce est la communauté biologique normale de
génétique est d’emblée stable et multipliable. reproduction. De nombreux systèmes naturels de régula-
tion s’opposent donc à l’hybridation interspécifique. Les
plus efficaces sont :
2. L’hybridation interspécifique
• Les barrières d’isolement par incompatibilité
26.– Les croisements interspécifiques peuvent être quel-
quefois utilisés pour créer de nouvelles espèces, mais le La pollinisation ou la fécondation entre espèces différen-
tes ne peut avoir lieu, ou donne naissance à des embryons Liste
sont plus souvent pour enrichir des espèces existantes.
qui avortent. Les progrès des biotechnologies végétales
a) Création de nouvelles espèces ont permis de reculer quelque peu les limites des hybri-
27.– L’hybridation interspécifique est, avec la mutation, dations éloignées :
l’une des principales voies de l’évolution naturelle. De nom- – les cultures d’embryons (fasc. 2350) permettant le sau- Ta b l e
breuses espèces d’importance agricole majeure comme le vetage précoce d’embryons avant dégénérescence ;
blé, le colza, le tabac, le fraisier, le rosier… proviennent ainsi – les fusions de protoplastes (fasc. 2350) contournant
du croisement naturel de 2 ou plusieurs espèces. certains mécanismes externes de l’incompatibilité en
L’origine de ces espèces est généralement antérieure à mettant directement en contact des cellules nues des
leur culture. Dans certains cas, les espèces parentales sont deux partenaires (hybridation somatique). I n dex
aussi devenues des plantes cultivées (ex. : parents du • La stérilité de l’hybride
colza : chou et navette ; certains parents du blé tendre : Lorsqu’un hybride interspécifique viable a pu être obtenu,
blé dur et engrain). Dans d’autres cas, seule l’espèce il est généralement stérile.
hybride est cultivée (tabac, fraisier).
En effet, la formation des gamètes (pollen et ovule) à la Glossaire
L’hybridation interspécifique artificielle a été également méiose commence par le jumelage des chromosomes
recherchée par l’homme, avec pour objectif d’associer homologues provenant des parents. Or, cet appariement
dans une nouvelle plante les qualités complémentaires de ne peut avoir lieu chez les hybrides interspécifiques
ses parents. L’exemple le plus réussi est le triticale, nou- puisqu’il n’y a pas de chromosomes homologues. Sa fer-
velle céréale cherchant à associer la qualité du blé (Triti- tilité est donc nulle ou extrêmement faible.
cum) à la rusticité du seigle (Secale). Pour les plantes
fourragères, le ray-grass hybride provient du croisement On peut remédier à cette stérilité en provoquant auparavant
de 2 espèces proches (ray-grass anglais et ray-grass d’Ita- le doublement des chromosomes par traitement avec une
lie) ; d’importants travaux sont en cours pour assembler drogue cellulaire : la colchicine, ou un produit équivalent.
dans une nouvelle espèce, le Festulolium, la rusticité de la Cette difficulté n’existe pas chez les espèces qui n’ont pas
fétuque élevée (Festuca) et la qualité fourragère des ray- de reproduction sexuée, et de nombreuses plantes à mul-
grass (Lolium). tiplication végétative ont une origine interspécifique.
Chez les plantes tropicales, le caféier arabusta cherche à d) Les transferts de gènes
combiner la rusticité du caféier robusta et la qualité du 30.– Les transformations génétiques représentent des cas
café produit par le caféier arabica. Le résultat obtenu n’a limites d’hybridation interspécifique, à la fois parce que
pas été très concluant pour le moment. D’une manière la source d’information génétique étrangère peut être
générale, il s’avère évidemment difficile de ne réunir dans très éloignée de la plante cultivée, et parce que la quantité
l’espèce composite que les qualités de ses progéniteurs et de matériel génétique étranger introduit est générale-
d’exclure leurs défauts. C’est pourquoi la création de ment jusqu’à présent très limitée (fasc. 2350).
nouvelles espèces, qui est de surcroît difficile, n’offre pas
Les méthodes du génie génétique visent à introduire
d’avantages décisifs par rapport à l’amélioration des
directement dans les plantes, sans faire appel au croise-
espèces existantes.
ment sexué ou somatique des partenaires, des gènes uti-
b) Amélioration d’espèces cultivées les recherchés dans le reste du monde bioogique : autres
28.– Une utilisation plus limitée de l’hybridation inters- espèces végétales, bactéries…
pécifique est réalisée par introgression ; il s’agit de Les résultats obtenus jusqu’à présent se limitent à l’intro-
l’introduction dans une espèce cultivée, d’une partie du duction de systèmes simples, tels que des gènes bacté-

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2340TA SÉLECTION VÉGÉTALE IÈRE PARTIE

riens de résistance à des herbicides, ou à des insectes…, Nombre de variétés par catégorie
mais les techniques d’obtention de plantes transgéniques Diploïdes Polyploïdes Total
sont récentes et se développeront à l’avenir.
Betterave sucrière 9 182 191
(160 triploïdes
3. Polyploïdie 22 anisoploïdes)
Betterave fourragère 12 22 34
31.– C’est une transformation de l’ensemble du génome, (14 triploïdes
8 tétraploïdes)
c’est-à-dire de l’équipement chromosomique global de la Ray-grass italien 15 20 (tétraploïdes) 35
plante : chaque chromosome, au lieu d’être en deux Ray-grass anglais 25 9 (tétraploïdes) 34
exemplaires comme chez la majorité des espèces supé- Ray-gras hybride 2 6 (tétraploïdes) 8
Trèfle violet 16 6 (tétraploïdes) 22
rieures (diploïdes), présente un effectif plus important.
Le nombre d’allèles par gènes peut donc être plus élevé, Fig. 3. – Variétés fourragères polyploïdes inscrites
augmentant la diversité génétique générale. au catalogue officiel français (1987)

10 % environ des espèces végétales sont naturellement


polyploïdes. Plusieurs espèces agricoles importantes sont C. Mise en œuvre de la variabilité
tétraploïdes (4 exemplaires de chaque chromosome au génétique : principes généraux
lieu de 2) : pomme de terre, luzerne, dactyle, poireau… de la création variétale
32.– La polyploïdie peut être provoquée par traitement de
34.– A la différence d’un ingénieur qui construit une
massifs cellulaires en division (bourgeons) par un alca-
machine, le sélectionneur ne bâtit pas une variété par la
Liste loïde extrait de la colchique d’automne, la colchicine, et
conception de pièces complémentaires suivie de leur
quelques autres substances (oxyde nitreux, éther). Ces
assemblage. Le fonctionnement génétique du monde
produits perturbent partiellement le processus de multi-
vivant ne permet pas d’élaborer spécifiquement une
plication cellulaire : ils permettent la duplication des chro-
variété particulière, même lorsque le sélectionneur con-
mosomes mais empêchent la formation de 2 cellules-filles :
Ta b l e naît précisément les caractéristiques qu’elle devrait avoir.
le nombre de chromosomes dans les cellules mères est
ainsi doublé ; celles-ci se multiplient ensuite normalement, 35.– La sélection créatrice comprend toujours deux
entraînant la formation d’un tissu polyploïde. aspects :
• La polyploïdie présente un certain intérêt en améliora- • La création d’une population de génotypes (plantes)
tion des plantes. Cependant, elle est rarement utilisée différents qui résulte d’un brassage génétique faisant
Index pour augmenter la variabilité génétique. Elle est surtout intervenir deux instruments biologiques :
provoquée chez certaines espèces pour son effet positif – l’hybridation qui permet de combiner la variabilité
sur le rendement. En effet, la taille des cellules, et par génétique apportée par des parents complémentaires ;
conséquent, celle des organes ou de plante entière, peut le sélectionneur a généralement un rôle actif dans le
se trouver accrue. La composition chimique des plantes, choix des parents et la réussite de leurs croisements ;
Glossaire
leur physiologie (vitesse de croissance, précocité) sont
parfois modifiées. – la recombinaison, phénomène biologique naturel et
automatique, qui assure des réarrangements entre les
• La polyploïdie entraîne toutefois toujours une baisse de gènes apportés par les parents et crée ainsi une popula-
fertilité, principalement à cause de désordres dans la dis- tion extrêmement diverse.
tribution des chromosomes, plus nombreux lors de la
formation des gamètes. D’autres effets indirects sont éga- • L’identification, au sein de cette population, des génoty-
lement peu intéressants : augmentation de la teneur en pes supérieurs. Cette opération est la véritable sélection :
eau des tissus, accroissement de la taille des semences Elle fait appel à des techniques d’expérimentation
entraînant des coûts plus élevés. d’autant plus délicates que les combinaisons génétiques
33.– Au total, la création de variétés polyploïdes est recherchées peuvent être très rares dans la population.
recherchée presqu’exclusivement chez les espèces exploi- Ces épreuves au champ sont donc fondamentales pour les
tées pour des organes végétatifs, et essentiellement chez sélectionneurs, expliquant l’importance des réseaux d’essais
des plantes fourragères : trèfle violet, ray-grass… (fig. 3). qu’ils doivent gérer et la qualité des mesures et des observa-
La betterave forme un cas particulier car le niveau tri- tions nécessaires pour discerner les génotypes supérieurs.
ploïde paraît être l’optimum agronomique chez cette
espèce : il ne peut être obtenu que par le croisement de Cette démarche générale de la sélection créatrice peut donc
parents diploïdes par des parents tétraploïdes, à l’aide paraître très empirique. Elle l’est en effet dans la mesure où
d’un système de stérilité mâle introduit chez l’un d’eux et le sélectionneur s’appuie sur des mécanismes naturels de
garantissant l’hybridation. En absence de stérilité mâle, la l’évolution, qui transforment le matériel vivant.
récolte des semences obtenues sur les parents produit des Il intervient toutefois, surtout pour organiser et accélérer
plantes anisoploïdes (mélange de plantes di, tri, et tétra- cette évolution, en l’orientant pour créer les structures
ploïdes, mais la variété est cependant dite polyploïde). génétiques qui, pour chaque espèce, lui paraissent les
La polyploïdie peut être également recherchée chez les plus adaptées aux besoins de l’agriculture : cette démar-
plantes ornementales pour laquelle la baisse de fertilité che des sélectionneurs, adaptée au fonctionnement bio-
peut être un avantage pour la persistance des pièces flora- logique de l’espèce végétale, constitue les méthodes de
les et la production plus rapide de nouvelles fleurs. sélection (fasc. 2341).

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