GFR 2022-23 C1
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Partie théorique
Michel Berré
2022-2023
0. Introduction
Préliminaires
Le parti pris du cours est de donner le gout de la réflexion sur la langue
(et sur les langues) ; son objectif est de former des « questionneurs »,
c’est-à-dire des étudiants qui soient capables de repérer des
phénomènes, qui aient envie de formuler des questions, de s’attaquer
aux problèmes et de trouver, quand c’est possible (et cela l’est
souvent), des explications et des solutions.
Aucun enfant n’a jamais découvert naturellement et par simple induction
les notions de nom, verbe, sujet, complément, voyelle, détermination,
etc. Faire de la grammaire – c’est-à-dire réfléchir sur la langue pour
essayer d’en comprendre le fonctionnement – est une activité réflexive
qui implique une capacité de raisonnement et d’abstraction et donc une
certaine maturité d’esprit ainsi que l’intégration d’une série de notions
(avec la terminologie et les définitions) – comme pour toute discipline à
visée scientifique.
Certes, la sagesse populaire dit que « c’est en forgeant que l’on devient
forgeron » ; mais il arrive toujours un moment où le « faire » perd sa
primauté et doit, pour ainsi dire, être mis en suspens et à distance, pour
faire place à la structuration de la langue, ce qui passe nécessairement
par la réflexion et la conceptualisation.
La maitrise raisonnée de sa langue maternelle est une nécessité pour les
traducteurs, les interprètes et les enseignants 1.
Contenu et évaluation
Cf. la table de matières.
L’évaluation se fait via des questions fermées (Vrai ou faux, QCM, etc.) ;
les copies sont corrigées au moyen d’un logiciel de reconnaissance
optique. Ces dispositions sont susceptibles d’être modifiées en fonction
de l’évolution de la situation sanitaire.
1
En Fédération Wallonie-Bruxelles, le français est considéré comme langue d’enseignement ;
le futur enseignant doit en avoir une parfaite maitrise et son évaluation est constante tout au
long de la formation. Les traducteurs/interprètes ont aussi la possibilité de devenir
professeurs de français langue étrangère (FLE).
3
• Remarques
2
Ces règles sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.renouvo.org/regles.php
4
1. La linguistique et la description
grammaticale
Lecture conseillée : Riegel (2009) Introduction (pp. 1-47)
3
[Note informative] – Communiquer langagièrement est une activité qui suppose, elle-même,
une perpétuelle activité épilinguistique (définie comme une « activité métalinguistique non
consciente »), ainsi qu’une relation entre un modèle (la compétence, c’est-à-dire
l’appropriation et la maîtrise acquise d’un système de règles sur des unités) et sa réalisation
(la performance) dont nous avons la trace phonique ou graphique (à savoir, des textes).
5
4
Pour la référence précise, cf.la bibliographie.
6
1.2.1 Variation
La variation (le changement linguistique) est un phénomène inhérent à
toute langue vivante. Une langue évolue dans le temps, change, se
diversifie dans l’espace, connait des variétés socialement définies, varie
selon les circonstances et le canal utilisé (oral vs écrit).
5
Les régionalismes appelés « belgicismes » sont bien entendu des variations de type
diatopique. Le dernier dictionnaire recensant les belgicismes (avec des indications de
diffusion et de vitalité des termes) est celui dirigé par M. Francard, Dictionnaire des
belgicismes, Bruxelles, De Boeck-Duculot, 2010 (1re édit.). Une troisième édition vient de
paraitre.
6
[Note informative] On peut y voir une flexion (pluriel) interne. Plus généralement, sur la
question du pluriel des noms composés soudés (entresol, gentilhomme, gendarme, etc.),
cf. le BU (2007, § 533).
7
Parfois la variation est enregistrée dans les dictionnaires : après-midi est ainsi donné pour les
deux genres. Il y a aussi les mots qui changent de genre selon qu’ils sont au singulier (un
bel amour, un orgue, un cruel délice) ou au pluriel (de belles amours, des délices cruelles).
Cf. aussi le BU pour plus de détails, notamment sur « orgue ».
7
8
[Note informative] Ce mot a lui-même été emprunté à l’ancien français esplen (XIIIe s.), issu
du latin splen, calque du mot grec signifiant rate (la rate est considérée par la
médecine de l’époque comme le siège des « humeurs »).
9
Cf. aussi la prononciation de « subside » ([sybzid] → [sypsid]), phénomène qui n’apparait pas
avec « subvention ».
10
[Note informative] Les évolutions phonétiques obéissent en partie à des lois [règles] que la
linguistique historique et comparée peut établir alors que les évolutions sémantiques sont
plus aléatoires et peu « régulières.
8
Les arguments utilisés pour fixer le bon usage sont de plusieurs ordres :
le sentiment de la langue (qui n’est reconnu qu’à certains), la clarté, la
logique du rapport pensée-expression, l’histoire de la langue
(étymologie), l’esthétique… La plupart de ces arguments ont peu de
fondement scientifique : le plus souvent une forme est considérée
comme vulgaire parce qu’elle est employée par un groupe socialement
dévalorisé ou stigmatisé, insuffisamment scolarisé (cf. universitaire
parisien vs ouvrier marseillais ou pêcheur sénégalais). P. ex. les formes
« pallier à un inconvénient » ou « se rappeler de quelque chose » sont
les plus répandues, mais condamnées car estimées non conformes au
« bon usage ».
Plusieurs Selon que l’on envisage toutes les langues, un groupe de langues ou une
"linguistiques" seule langue, l’on parle de linguistique synchronique vs
diachronique, de linguistique contrastive ou comparée, voire de
typologie des langues et de linguistique particulière ; la
particularisation est habituellement signalée par l’ajout du nom de la
langue : linguistique française par exemple.
11
[Note informative] Notion empruntée à S. Auroux (La révolution technologique de la
grammatisation, Mardaga, Liège, 1994).
12
Rappelons que dans de nombreuses parties du monde, les enfants parlent plusieurs langues
(celle de la mère, celle de la localité, celle de la première scolarité (souvent une langue
indigène suprarégionale), celle d’une scolarité plus longue (souvent une langue
internationale, comme le français, l’anglais, l’espagnol, plus ou moins héritée de la
colonisation…).
13
Il n’est pas non plus nécessairement synonyme de progrès !
10
La grammaire comparée (cf. infra) telle qu’elle a été pratiquée aux XIXe
et XXe siècles a largement été une grammaire comparée diachronique.
La linguistique contrastive (cf. infra) a une visée plus synchronique.
14
Nederlandse Grammatica voor Franstaligen, par W. Van Belle, B. Lamiroy, W. Van
Langendonck, K. Lahousse, P. Lauwers, I. Van Canegem-Ardijns & K. Van Goethem –
http://www.arts.kuleuven.be/ling/project/ngf
11
Il s’agit évidemment ici d’une première règle très générale, qui sera
suivie de toute une série de cas particuliers.
Les langues romanes sont nées du latin vulgaire, langue parlée dans
l’ensemble de l’Empire romain ; en Gaule elle s’est progressivement
substituée à la langue gauloise d’origine celte. Suite aux invasions
« barbares » (à partir du 3e s. ap. J.-C. et à la chute en 476 de l’empire
romain d’Occident), la « romania » (on désigne par ce terme l’ensemble
géographique où sont parlées des langues issues du latin vulgaire) s’est
fragmentée sous l’influence de divers facteurs et le latin parlé soit a
disparu (en Grèce, dans le nord de l’Afrique, au Moyen-Orient, etc.), soit
a donné naissance à une série d’idiomes dont certains se sont
progressivement transformés en langues dites « nationales » (propres à
une nation – cf. la liste citée supra).
15
Sont ici citées les 6 langues romanes les plus importantes, reconnues comme
la langue de certains États. Il en existe bien d’autres (avec le statut de
langues régionales – sarde, romanche, corse, francoprovençal, picard,
berrichon, wallon…) non comptabilisées ici.
13
etc.). Cette étude se fait sur base de textes anciens (très souvent
manuscrits) datant pour la plupart du Haut Moyen Age jusqu’à
l’apparition en Occident de l’imprimerie (Gutenberg, 1455).
16
[Note informative] Le terme latin ed-ere comprend la racine indoeuropéenne « ed » que l’on
retrouve dans les langues germaniques (anglais to eat ; néerlandais eten ; allemand essen ; à
noter que l’anglais edible a la même origine que son équivalent français comestible (qui
vient de comestum, supin [forme verbale] de comedere).
14
17
La langue des textes religieux hindous.
15
Note
Cette carte ne tient évidemment pas compte de la diffusion ultérieure de
ces langues (l’espagnol et le portugais sont parlés en Amérique du Sud, le
français dans une série de pays africains, l’anglais en Australie et en
Amérique du Nord, etc.).
18
Aux 19e et 20e siècles, les études indo-européennes ont en effet été exposées à une
instrumentation idéologique identifiant le peuple (et plus seulement la langue) indo-
européen à une race – les « Aryens » – avec des dérives nationalistes et racistes. Il vaut
mieux dans ce domaine s’en tenir à une lecture d’ouvrages strictement scientifiques. Soyez
prudents dans vos éventuelles recherches sur Internet !
16
Remarque
Le morphème se définit comme le plus petit élément significatif, isolé
par segmentation d’un mot. Travail = un mot, un morphème. Travailleur
= un mot, deux morphèmes ([travaj] + [œr]). Le morphème ne se
confond pas avec la syllabe. Nous y reviendrons dans le cours de
Lexicologie (BAB2) (les termes entre crochets sont transcrits en
alphabet phonétique international).
Le cas est une catégorie syntaxique qui marque dans la forme même du
mot son rapport aux autres mots. Par exemple, le nominatif exprime la
fonction syntaxique de sujet. C’est la déclinaison de cas qui donne aux
langues comme l’allemand et le russe (ou le latin) leur réputation de
17
Remarques
Note
Les traits d’union dans les exemples qui suivent sont destinés à
mettre en évidence la segmentation du mot (ou plutôt le processus
d’agglutination) ; ils ne sont bien entendu pas présents dans
l’écriture ordinaire des mots en mari.
→ chien = pi
19
[Note informative] Pour plus d’informations, cf. E. Bonvini, J. Busuttil et A. Peyraube,
Dictionnaire des langues, Paris, PUF (Quadrige), 2011.
18
→ pi-em-län-ßlä = _____________
Remarque
Un affixe est un élément qui s’associe à une racine pour lui adjoindre
une information, de type lexical ou grammatical. En français, l’on
distingue généralement deux types d’affixes : les préfixes, qui se
placent avant la racine (verrouiller → dé-verrouiller) et les suffixes, qui
se placent après la racine (verrou → verrouiller). Certaines langues font
usage d’infixes qui s’insèrent à l’intérieur de la racine pour modifier le
sens du mot ou sa valeur grammaticale (cf. Questions de lexicologie,
BA2).
20
L’on notera qu’en français dans la plupart des noms et adjectifs le pluriel n’est marqué qu’à
l’écrit (ami, amis). À l’oral, ce sont les « déterminants » (les, mes, ces, vos, etc.) – avec
éventuellement la marque obligatoire de liaison (lɛzami] – qui signale à l’oral le pluriel).
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Alors qu’en français un seul morphème « mes » fusionne les catégories de personne et de
nombre.
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Remarque similaire à la précédente ; au (appelé article contracté) fusionne l’article défini le
et la préposition à (à + le → au). Il en va de même pour la forme aux qui intègre encore une
marque pour la catégorie du nombre (non audible sauf liaison ; cf. Je pense aux enfants [o-
z-ãfã]) vs Je pense aux défunts).
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Synthétique signifie ici que la langue « synthétise » plusieurs catégories en une seule marque
formelle rendant impossible la corrélation mécanique entre une marque formelle et une
catégorie grammaticale.
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1.我 听 他 说
2. 他 听 我 说
24
[Note informative] Je remercie M. Guoxian Zhang, ancien professeur de langue chinoise à la
Faculté, qui a bien voulu me fournir ce double exemple.
25
COD (complément d’objet du verbe) ou CDV (complément direct du verbe) désigne ce que
nous appellerons plus loin CV1 (premier complément du verbe répondant aux questions
qui ? Quoi ?).
26
Le terme créole sert à désigner un parler issu des transformations subies par une langue
utilisée comme moyen de communication (p. ex. le français, anglais, portugais, espagnol,
etc.) par une communauté importante (p. ex. les esclaves, les indigènes, etc.), ces
transformations résultant de l’influence des langues maternelles originelles des membres de
cette dernière communauté.
20
27
[Note informative] Ce qui suit est fondé sur l’introduction de l’ouvrage d’E. Bonvini, J.
Busuttil et A. Peyraube, Dictionnaire des langues, Paris, PUF, coll. Quadrige, 2011.
22
28
Deux-cent-septante-quatre en orthographe réformée.
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