Chapitre 3
Chapitre 3
Chapitre 3
Exercice 1
Sur le long terme, la Révolution industrielle a fait basculer l’humanité dans une nouvelle période de
son histoire. En effet, depuis celle-ci, nous connaissons une croissance économique permanente. En
2000, les humains sont, en moyenne, 12 fois plus riches qu’en 1800 : les seuls Européens sont 20 fois
plus riches. Au XXe siècle, cette croissance s’est accélérée : le PIB/hab mondial a doublé de 1800 à
1900, il a été multiplié par 6 entre 1900 et 2000.
Doc 1 : PIB par habitant entre l’an 1 et 2008 (en dollars de 1990)
25 000
Monde
20 000 Europe
Asie
15 000
10 000
5 000
0
0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000
Source : A. Maddison
Nous avons analysé au premier chapitre, les causes de la croissance économique. Nous avons
négligé un élément : la nature. En effet, les activités économiques utilisent des ressources naturelles :
ressources énergétiques, matières premières, etc. En outre, les activités économiques ont des
conséquences sur la nature par les pollutions qu’elles dégagent.
L’augmentation de la production économique a eu pour conséquence que l’utilisation des ressources
naturelles n’a pas cessé d’augmenter ; de la même façon, les pollutions que rejettent les activités
économiques n’ont pas cessé de s’accroître depuis deux siècles, particulièrement depuis 50 ans.
Cela pose une question essentielle : la croissance économique peut-elle durer éternellement ? Y a-t-
il une limite écologique à l’augmentation de la production économique ? Pouvons-nous avoir
éternellement de la croissance si nous dégradons en permanence l’environnement ?
Nous verrons que les économistes sont partagés sur la question. Toutefois, tous sont d’accord sur le
fait que l’État doit mettre en place des politiques environnementales pour faire face à l’impact
croissant des activités économiques sur la nature.
Toutefois, avant cela, nous allons analyser en détail l’impact croissant des activités économiques sur
la nature.
Question : Quelles sont les principales problématiques du chapitre ? Formulez les sous la forme de
questions.
1
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Document 1
Question 1 : Que veut dire l’auteur lorsqu’il parle de « prospérité énergétique » (début du texte) ?
Question 2 : Pourquoi peut-on considérer le pétrole, le gaz et le charbon (ce que l’on appelle les
énergies fossiles) comme des ressources « non renouvelables » ?
Question 3 : Expliquez les phrases soulignées.
Question 4 : Que va-t-il se passer à partir de maintenant pour la production du pétrole ? (document 1
et 2)
Question 5 : Quel impact cela va-t-il avoir sur la production économique ?
2
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Six décennies de pêche industrielle ont porté l’exploitation des mers et des océans à des
niveaux insoutenables. Alors que le monde prélevait 13 millions de tonnes de poissons des
milieux marins en 1950, ses ponctions atteignent désormais chaque année 70 millions de
tonnes. Signe de l’épuisement de ces écosystèmes, les prises stagnent depuis les années
1980. Les trois quarts des stocks de poissons du monde seraient aujourd’hui exploités au
maximum de leurs capacités, et bien souvent au-delà : en témoigne l’effondrement soudain
de certaines pêcheries multiséculaires, à l’instar de celle de la morue au large de Terre-
Neuve dans les années 1990. Les populations de grands prédateurs, comme le thon ou le
cabillaud, sont aujourd’hui largement décimées et la pêche se tourne désormais vers des
espèces jugées moins nobles, parce que situées à un maillon inférieur de la chaîne
alimentaire. Malgré de nombreux signes alarmants, cette surexploitation ne faiblit pas. De
plus en plus consommé dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud (particulièrement
en Chine), le poisson occupe en effet une place importante dans les régimes alimentaires : il
représente ainsi aujourd’hui 20 % de l’apport moyen de protéines pour 1,5 milliard de
personnes dans le monde. […] On estime que la flotte mondiale de bateaux de pêche
possède actuellement une capacité 2,5 fois supérieure à ce que l’océan peut “produire” de
manière durable.
Le développement impressionnant de l’aquaculture plus d’un tiers de la production
mondiale de poissons aujourd’hui, contre 15 % au début des années 1990 constitue
paradoxalement une pression supplémentaire sur les écosystèmes marins : un quart des
poissons pêchés en mer sert en effet à l’alimentation de poissons d’élevage carnivores.
Marc Chevallier, « Les sept plaies d’une planète durable », Alternatives Économiques Hors-série,
n° 083, décembre 2009
Graphique : Pourcentage des prises totales de poissons effectuées dans les eaux maritimes
européennes et considérées comme au-delà des limites biologiques de sécurité (en%)
Lire ainsi : 51 % des prises d’espèces comme le cabillaud, le haddock, etc., s’effectuent au-delà des limites
biologiques de sécurité. Au-delà de ces limites, les risques de réduction des capacités reproductrices du
stock deviennent très élevés.
3
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 4 :
Les forêts sont des puits de carbone naturels : comme les océans, elles absorbent le CO2
contenu dans l’atmosphère et le stockent. La lutte contre la déforestation est donc un enjeu
important pour limiter le réchauffement climatique, en particulier dans les zones tropicales où
les forêts sont les plus gourmandes en CO2. À l’échelle mondiale, la déforestation serait
actuellement responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre.
L’autre raison de sauvegarder les forêts de l’intervention humaine, c’est leur caractère
essentiel pour la préservation de la biodiversité : à elle seule, l’Amazonie représenterait
50 % de la biodiversité mondiale.
Marc Chevallier, « Les sept plaies d’une planète durable », Alternatives Économiques Hors-série,
n° 083, décembre 2009
Exercice 5
4
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 6 :
PIB/Habitant et empreinte écologique en 2007
12
Emirats Arabes Unis
Empreinte écologique (hectares/habitant)
10
Etats-Unis
8
6 France Suisse
4 Pays-Bas
Inde
0
10 000 20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 70 000 80 000 90 000
PIB/habitant (en $ PPA)
L’empreinte écologique, exprimée en hectare par habitant, est la surface terrestre moyenne qui est
nécessaire à un individu d’un pays donné pour obtenir et renouveler les ressources naturelles qu’il
utilise chaque année. Par exemple, un Américain a besoin de l’équivalent 8 hectares de planète
chaque année pour obtenir et renouveler les ressources naturelles dont il a besoin.
Synthèse des exercices 2 à 6 : Pourquoi les ressources naturelles posent-elles une limite à la
croissance économique ?
Exercice 7 :
Document : Évolution du PIB mondial et d’indicateurs environnementaux (base 100 = 1990)
200
PIB mondial
190
Émissions mondiales de CO2
180
Émissions mondiales de mé-
170 thane
160
150
140
130
120
110
100
90
1990
1991
1992
1995
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2009
1993
1994
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2008
5
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
La production économique, depuis la Révolution industrielle, s’appuie prioritairement sur les énergies
dites fossiles (gaz, pétrole, charbon) : voiture, centrale électrique (au charbon), usines, etc. utilisent
toutes ces énergies fossiles. Or, leur utilisation a pour conséquence le relâchement de gaz dans
l’atmosphère, en particulier du CO2.
Exercice 8 :
6
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 9
Question 1 : Pourquoi le réchauffement climatique va-t-il avoir un coût économique futur très
important ?
Exercice 10
C’est un fait peu connu, mais une majorité de biologistes considèrent que la Terre avance à
grands pas vers la sixième crise d’extinction massive des espèces de son histoire. Un
événement comparable à l’extinction des dinosaures, à la nuance près que, cette fois, c’est
l’homme qui est responsable de cette catastrophe.
Concrètement, le taux d’extinction d’espèces est estimé entre cent et mille fois plus élevé à
l’heure actuelle que ce que l’on a connu jusqu’ici au cours de l’évolution de la vie sur Terre.
Chaque année, entre 17 000 et 100 000 espèces disparaîtraient de la planète. L’homme en
est directement responsable, en particulier par la fragmentation des habitats, l’exploitation
directe des espèces ou encore la destruction des écosystèmes les abritant. […] Que la
planète se réchauffe de plus de 3,5 °C et ce sont alors 40 % à 70 % des espèces qui
pourraient disparaître.
La préservation de la biodiversité n’est pas seulement un souci pour les amis de la faune et
de la flore. Elle est la condition même de la vie de l’Homme sur la Terre. L’alimentation
humaine repose pour une partie importante sur le bon fonctionnement des écosystèmes.
Sans parler du rôle joué par les océans, plus de 70 % des cultures, dont presque tous les
arbres fruitiers, les légumes, les oléagineux, les protéagineux, les épices, le café ou le cacao
soit 35 % du tonnage de ce que nous mangeons dépendent fortement ou totalement d’une
pollinisation animale. D’où l’inquiétude légitime que la disparition des abeilles peut susciter.
Marc Chevallier, « Les sept plaies d’une planète durable », Alternatives Économiques Hors-série,
n° 083, décembre 2009
7
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 11
La mondialisation marque une nouvelle rupture dans l’échelle des problèmes créés par
l’homme. Le seul fait de la croissance chinoise bouleverse l’équilibre entre l’offre et la
demande de ressources naturelles. Pour les cinq matières premières de base que sont les
céréales, la viande, le pétrole, le charbon et l’acier, la Chine est quatre fois en tête de la
consommation mondiale, la seule exception restant, provisoirement, le pétrole, où elle reste
dépassée par les États-Unis . […]
Si la Chine devait se caler sur les habitudes de consommation américaines, elle pourrait
consommer, dès 2030, les deux tiers du niveau de production mondiale de céréales telle
qu’elle est disponible aujourd’hui. Si sa consommation de papier rejoignait celle des États-
Unis, elle en consommerait 305 millions de tonnes : de quoi engloutir l’ensemble des forêts
de la planète. Comme le résume Lester Brown : « Le modèle économique occidental est
inapplicable à une population de 1,45 milliards de Chinois (en 2030) ». Et pas davantage
évidemment à l’Inde dont la population sera à cette date supérieure à celle de la Chine.
Si les Chinois devaient posséder un jour, à l’exemple des Américains, trois véhicules pour
quatre habitants, […] elle pourrait alors consommer 99 millions de barils par jour. Or, la
production est actuellement de 84 millions de barils par jour, et elle ne devrait pas tarder à
se réduire. […]
Daniel Cohen, La Prospérité du vice, Albin Michel, 2009
8
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 12
Nous avons vu que notre mode de croissance fait face à des limites écologiques importantes : ils
épuisent les ressources naturelles sur lesquelles il se fonde ; il détruit l’environnement dans lequel
prennent place les activités humaines. Il n’est donc pas durable.
La prise de conscience de son caractère non durable débute véritablement à partir de 1972 avec la
publication du rapport « Halte à la croissance », dit rapport « Meadows » (ou rapport du Club de
Rome), qui dresse des prévisions catastrophiques pour l’avenir (chute importante de la population vers
2100 en raison de la pollution et de l’épuisement des ressources). Les chocs pétroliers achèvent cette
prise de conscience : le pétrole apparaît à leur suite comme une ressource rare, dont le prix est destiné
à augmenter. Les accidents écologiques majeurs durant les années 1980, en particulier l’explosion de
la centrale électrique nucléaire de Tchernobyl en 1986, qui contamine plus du tiers du territoire de la
Biélorussie, montrent les destructions environnementales que peut provoquer notre mode de
production.
En 1987 les Nations Unies publient le rapport « Brundtland » (du nom de Gro Harlem Brundtland,
ancien premier ministre norvégien, qui dirigea la commission qui l’écrivit). C’est dans ce rapport
qu’est défini la notion de développement durable (ou développement soutenable, en fonction de la
traduction que l’on adopte du terme anglais : sustainable development) :
Le développement durable est le développement qui répond aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins.
Cette définition pointe l’enjeu essentiel auquel est confronté notre mode de croissance actuel : dans
sa forme actuelle, il n’est pas durable puisque les générations futures ne pourront pas satisfaire leurs
besoins comme nous le faisons, puisque nous leur léguerons un monde avec un environnement
dégradé et doté de moins de ressources naturelles. Le développement durable a donc un premier
pilier : le respect de l’environnement.
Mais il a également un pilier social : il s’agit que les besoins de tous soient satisfaits. De trop
grandes inégalités économiques et sociales conduisent à ce que aujourd’hui le niveau de bien-être des
plus pauvres soit faible. Enfin, le développement a un pilier économique : sans production
économique, il n’y aurait aucun bien ou service disponible pour satisfaire nos besoins. Le
développement durable fixe donc un objectif : produire et répartir les richesses de manière à satisfaire
les besoins de tous aujourd’hui, tout en léguant aux générations suivantes suffisamment de capital
naturel pour qu’elles satisfassent les leurs. Ces objectifs sont également résumés en anglais par les « 3
P » : Planet, People, Profit.
9
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 13
Une autre manière d’analyser les dimensions du développement durable est de s’intéresser aux
différents « capitaux » (ici défini dans un sens large, proche de celui des théories de la croissance
endogène) nécessaires au bien être des populations. Le bien être passe par ce que Amartya Sen appelle
les « capabilités », c’est-à-dire des possibilités réelles d’accomplir ce que l’on souhaite. La richesse
matérielle est nécessaire pour accomplir beaucoup d’activité, mais elle ne suffit pas. On peut
considérer que ces « capabilités » impliquent que les individus disposent de cinq types de
« capitaux », qui sont en interaction les uns avec les autres.
Deuxième type de capital : le capital humain, c’est-à-dire l’ensemble des savoirs, des
compétences, des savoirs-faire, des expériences qu’a accumulés un individu. Son accumulation
conduit à accroître la production et le bien-être des individus. Comme on l’a vu au chapitre 1, le
capital humain permet d’être plus productif : il offre ainsi à un individu des carrières professionnelles
beaucoup plus variées et enrichissantes. Ainsi, une année d’étude supplémentaire se traduit par un
salaire supérieur (5 % en plus par année, dans le cas de la Suède par exemple). La formation permet
d’échapper aux emplois non qualifiés, marqués par un chômage et une précarité élevés.
En outre, par les externalités positives que dégage le « capital humain », toute l’économie devient
plus productive : tous les autres individus profitent de l’accroissement des compétences d’une
personne donnée.
Mais il y a plus : de nombreuses études montrent que plus les individus ont de « capital humain »,
meilleur est leur bien être. Par exemple, ils sont en meilleure santé, car ils ont une meilleure hygiène
de vie (meilleure alimentation, moindres pratiques à risque : alcool, cigarette, surpoids, etc.). Une
meilleure instruction rend, en effet, les individus davantage capables de comprendre les risques
qu’impliquent ces pratiques, et d’être attentifs aux conseils médicaux.
Le capital humain est étroitement lié au capital technologique que l’on a vu au chapitre précédent :
l’ensemble des connaissances, innovations et savoir-faire que les hommes possèdent collectivement.
C’est grâce à ce capital technologique que les hommes produisent plus : c’est lui qui est à l’origine de
la croissance intensive. Il permet également l’apparition d’innovation de produit. Il accroît donc le
bien être matériel des hommes.
10
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
institutions formelles sont des conditions à toute production économique. En outre, le capital
institutionnel permet le développement de relations sociales riches entre individu (appelées « capital
social ») : une société pacifiée par l’État (pas de violence), où la justice fait respecter le droit
(notamment de propriété), où les individus se font confiance est une société où les individus
interagissent les uns avec les autres. Ils y trouvent donc la possibilité de créer des relations
marchandes (accroissement de la production), mais également des relations de solidarité entre les
individus (ce qui accroît donc le bien être des individus). C’est par exemple le cas des sociétés
scandinaves où ce « capital social » est important : ce qui se traduit par l’ existence de nombreuses
associations (le taux d’adhésion à des organisations volontaires est le plus fort du monde), des fortes
relations entre voisins dans un quartier, etc. Il y a donc un lien fort entre ce capital institutionnel et le
capital social : les deux notions sont parfois regroupés sous le terme de « capital social et
institutionnel ».
Il y a, enfin, le capital naturel. Comme on l’a vu, la nature fournit les éléments à la base de toute
production économique (énergie, matières premières). Les conditions environnementales jouent
également un rôle essentiel dans l’état de santé des individus (et donc leur bien-être) : la qualité de
l’air, de l’eau, le niveau de bruit ont un impact direct sur la santé physique ou psychologique. Selon
l’Organisation Mondiale de la Santé, un quart des maladies dans le monde ont ainsi des causes
environnementales. La nature forme le socle de notre environnement, même en milieu urbain : une
nature dégradée nous conduit à vivre dans un environnement dégradé. Et elle nous offre des éléments
essentiels de nos loisirs : forêts, parcs, lacs accroissent nos possibilités de loisirs, et influent donc sur
notre qualité de vie.
11
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 14 :
Ces cinq formes de capital sont en interaction entre elles : elles se complètent et se renforcent entre
elles. En outre, elles peuvent, au moins en partie, se substituer l’une à l’autre (on verra que le fait de
savoir à quel point elles sont substituables est une question cruciale).
C’est, par exemple, parce que nous disposons de plus de capital « physique » que nous pouvons
produire plus avec moins de temps de travail. Cela libère du temps pour que nous nous formions
davantage, ce qui permet d’accroître le capital humain. Réciproquement, c’est le capital humain qui
permet à l’économie d’innover et de mettre en œuvre ces innovations : il faut, en effet, pour cela des
personnes qui ont une formation suffisante pour faire de la R&D et une main d’œuvre suffisamment
qualifiée pour utiliser les innovations. De la même façon, le capital social et institutionnel est
indispensable pour qu’une économie soit efficace : les activités économiques sont handicapées par une
absence de confiance entre les individus. Réciproquement, une économie efficace grâce à un abondant
capital physique permet aux individus de consacrer du temps à leurs relations sociales.
Les capitaux sont partiellement substituables entre eux. Le capital naturel peut être partiellement
remplacé par du capital technologique et du capital physique. Le capital technologique peut, en effet,
permettre de mettre au point des innovations qui sont susceptibles de remplacer une ressource
naturelle. Par exemple, il est possible de produire des fruits et légumes de climat chaud dans des pays
au climat tempéré grâce à des techniques comme les serres, ou la création de nouvelles variétés et,
inversement, il est possible d’avoir une agriculture dans des climats semi-désertiques, grâce à des
techniques de culture comme l’arrosage au goutte à goutte et de nouvelles variétés.
Nous verrons que la question de savoir à quel point le capital naturel est substituable est une
question cruciale pour évaluer la possibilité que nous avons de poursuivre notre mode de
développement.
12
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 15 :
Pour que le bien-être économique des générations futures soit, au minimum, égal à celui des
générations précédentes, il importe que le stock de capital à disposition de la société reste intact
d’une génération à l’autre. Celui-ci est composé d’équipements, de connaissances et de
compétences, ainsi que de ressources tirées de la nature. […] L’hypothèse que les néoclassiques
retiennent est celle de la substituabilité entre les différentes formes de capital : une quantité accrue
d’équipements, de connaissances et de compétences doit pouvoir prendre le relais de quantités
moindres de capital naturel pour assurer le maintien, à travers le temps, des capacités de production
et satisfaction du bien-être des individus. […] Les ressources naturelles ordinaires, qui ne nous
intéressent que pour leur capacité à produire des biens et des services, doivent pouvoir être
remplacées. Il y a ainsi un échange qui s’effectue dans le temps : la génération présente consomme
des services environnementaux et des ressources naturelles, mais elle lègue en contrepartie aux
générations futures davantage de capacités de production créées par les hommes. […]
[Certains] travaux empiriques semblent corroborer ces propositions : la substitution entre les
ressources naturelles qui se raréfient et celles qui sont abondantes s’est parfaitement réalisée ;
l’accumulation des connaissances, les compétences et le savoir-faire acquis dans les domaines
concernés ont joué un rôle important ; la disponibilité de certaines ressources s’est même accrue ;
l’équité intergénérationnelle, mesurée en termes des disponibilités des ressources et de productivité,
aurait été respectée.
On le voit, dans cette version de la soutenabilité, qui est qualifiée de « faible », les contraintes qui
pèsent sur la dynamique du système économique ne sont pas très importantes : réaffirmation du
primat de la croissance, confiance dans le progrès technique […].
Question 1 : Pourquoi pour ces théories la disparition d’une partie du capital naturel n’est-elle pas
nécessairement incompatible avec le développement durable ?
Question 2 : Quel est le mécanisme essentiel qui permet la substitution entre capitaux ?
Question 3 : Pourquoi ces théories réaffirment le « primat de la croissance » ?
Exercice 16
Question 1 : Identifiez les trois mécanismes par lesquels le progrès technique permet de pallier à la
diminution de la quantité de pétrole.
Question 2 : Généralisez : en quoi le capital technologique est-il substituable au capital naturel ?
13
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 17
Intensité énergétique
Exercice 18
14
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 19
Un premier argument qui met en doute les théories de la soutenabilité faible est l’effet rebond. Cet
effet rebond tient dans le fait que la baisse de l’usage des ressources naturelles et de la pollution que
permet le progrès technique est le plus souvent, par la suite, rapidement éliminée par une hausse de la
consommation de ces ressources naturelles. Par exemple, une baisse de la consommation de carburant
par kilomètre des automobiles, qui permet d’utiliser moins de pétrole et de polluer moins, peut voir
ses effets annulés si elle s’accompagne d’une augmentation de l’usage de la voiture (plus de voitures
vendues et/ou plus de kilomètres parcourus).
Il y a le plus souvent effet rebond parce que la technologie, en permettant d’utiliser moins de
ressources naturelles, rend leur usage moins coûteux. Et comme l’usage est moins coûteux, les acteurs
vont en accroître la consommation. Par exemple, si le progrès technique permet de consommer moins
de pétrole par kilomètre parcouru, cela veut dire que chaque kilomètre en voiture coûte moins cher
qu’auparavant, ce qui va pousser les acteurs à en parcourir davantage, pour un budget identique.
De fait, si l’on regarde le document de l’exercice 7, on constate que les émissions de CO2 n’ont pas
cessé d’augmenter dans le monde : elles ont moins augmenté que le PIB mondial, ce qui montre que le
progrès technique a permis une meilleure efficacité énergétique et une baisse de la pollution, mais
elles ont néanmoins augmenté, ce qui montre que l’effet rebond a été le plus fort.
Exercice 20 :
15
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 21 :
L’accident survenu en 1986 à la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) constitue la plus grande
catastrophe de toute l’histoire de l’industrie nucléaire et probablement aussi le plus grave accident
industriel à ce jour.
Le 26 avril 1986, suite à une série d’erreurs humaines, le réacteur n° 4 de la centrale de Tchernobyl
explosait. Les deux explosions successives, ainsi que l’incendie qui s’en est suivi et qui s’est prolongé
pendant dix jours, ont projeté dans l’atmosphère une énorme quantité d’éléments radioactifs. Ces
derniers se sont répandus sur une zone très étendue, touchant principalement la Biélorussie, l’Ukraine
et la Russie […]. Les deux principaux (mais non les seuls) éléments en cause sont l’iode 131 à durée
de vie courte et qui se fixe sur la glande thyroïde, et le césium 137 dont on considère que l’effet ne se
sera estompé notablement que d’ici 300 ans.
Outre la zone d’exclusion de trente kilomètres délimitée autour de la centrale et totalement interdite,
55 000 km2, dont 25 000 de forêts, ont été contaminés par le Césium 137 en Ukraine, soit 4,8 % du
territoire, regroupant 12 oblasts (régions) et 2 300 villes et villages et abritant environ deux millions
de personnes. […]
En Biélorussie, 2,1 millions de personnes, soit 20 % de la population dont 700 000 enfants, vivent
sur les 18 000 km2 les plus contaminés. 485 villages ont été évacués dont 70 ont été rasés et enfouis
sous une couche de terre.
Exercice 22 :
Le dernier argument de la théorie de la soutenabilité forte peut se résumer dans une phrase : une
croissance infinie est impossible dans un monde aux ressources naturelles finies. En effet, il y a
toujours une base matérielle à notre production : nous avons toujours recours au capital technique, qui
est fabriqué grâce à de la matière et de l’énergie et qui utilise de la matière et de l’énergie pour
fonctionner. Or, la quantité de matière totale et d’énergie totale dans notre monde est limitée, même
pour les ressources renouvelables.
En outre, elle se dégrade et devient moins utilisable pour les hommes : c’est ce que l’on appelle
« l’entropie ». Ce terme renvoie à une théorie physique, qui explique qu’il y a dégradation qualitative
de l’énergie dès que l’on met en œuvre un processus de transformation énergétique, comme c’est le
cas avec la production économique. Pour reprendre un des exemples de Georgescu-Roegen, les
particules de gomme laissés sur les routes par les pneus des automobiles n’ont pas disparu, mais elles
sont devenues inutilisables pour les sociétés humaines. C’est au prix d’un temps infini et d’une
quantité énorme d’énergie que l’on pourrait récupérer et réutiliser cette matière dispersée dans la
nature.
D’après Franck-Dominique Vivien, Le développement soutenable, La Découverte, 2005
Question 1 : Pourquoi le fait que notre production prenne appui sur du capital physique impose une
limite à la croissance économique, selon les tenants de la soutenabilité forte ?
Question 2 : Donnez un autre exemple d’une ressource recyclable qui se dégrade avec son usage.
16
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 23
Pour les économistes favorables à la théorie de la soutenabilité forte, le progrès technique n’est pas
suffisant pour remplacer éternellement les ressources naturelles épuisées, pour notamment trois
raisons :
1. L’effet rebond limite notre capacité à limiter la pollution et à substituer du capital technologique
au capital naturel grâce au progrès technique.
2. Certains biens naturels ont une valeur intrinsèque : leur destruction entraîne donc une perte
irréversible. On ne peut pas les remplacer grâce au progrès technique.
3. Il y a une base matérielle à toute notre production économique, et la quantité de matière totale
dont nous disposons est limitée (et se dégrade).
Par conséquent, pour que les générations futures puissent satisfaire leurs besoins aussi bien que
nous, il faut respecter plusieurs principes, notamment :
1. Ne pas utiliser les ressources renouvelables au-delà de leur capacité de régénération parce que
l’on espère que le progrès technique nous permette, un jour, de nous en passer.
2. Ne pas émettre plus de polluants dans l’environnement que celui-ci n’est capable d’en assimiler.
3. Préserver absolument toutes les ressources naturelles qui ont une valeur « intrinsèque ».
La conséquence est que, pour les économistes favorables à cette « soutenabilité forte », la croissance
économique actuelle n’est pas soutenable, puisqu’elle ne respecte aucun de ces principes. Et le progrès
technique ne va pas nous permettre de trouver des solutions dans l’avenir à tous les problèmes que
pose notre mode de croissance actuel. Il nous faut donc limiter notre taux de croissance, voire
accepter une économie « stationnaire », où il n’y aurait plus de croissance.
Exercice 24
17
Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 25
Notre mode de production détruit le capital naturel. Notre croissance n’est pas, sous sa forme
actuelle, soutenable. Et, pourtant, les acteurs économiques n’en tiennent pas compte. Pourquoi ? Parce
que le marché est défaillant : il ne régule pas efficacement les comportements. Le marché ne parvient
pas à coordonner le comportement des acteurs en matière environnementale. Il ne conduit pas à
l’optimum social. En effet, la destruction des ressources naturelles et la pollution relève de deux
défaillances du marché : les externalités (négatives) et les biens publics (et communs).
Les externalités sont les effets qu’a l’action d’un acteur sur d’autres acteurs, sans que ces effets ne
donnent lieu à une transaction marchande (comme un paiement). La pollution est un cas d’externalité
négative. L’acteur qui pollue inflige aux autres agents un coût. Il n’a pourtant pas à indemniser ces
agents qui sont victimes de sa pollution. Pour l’acteur qui pollue, la pollution n’a donc aucun coût.
Par conséquent, quand il agit, cet acteur ne prend pas en compte sa pollution, puisqu’il n’en paye pas
le coût. La recherche de son intérêt individuel ne coïncide donc pas avec l’intérêt collectif, parce que
le marché ne lui fait pas payer le prix de sa pollution et qu’il ne la prend donc pas en considération.
Par exemple, une entreprise dont la production rejette des polluants dans l’atmosphère (qui
provoquent, par exemple, des maladies) n’en tient pas compte : le marché ne lui oblige pas à payer le
coût de ces maladies. La conséquence est qu’elle produit plus que si on lui imposait de payer le coût
total de sa production, qui est constitué du coût privé (celui qu’elle paye), mais aussi du coût qu’elle
impose aux autres, mais qu’elle n’a pas à payer. De la même façon, les consommateurs
consommeraient moins, s’ils devaient payer le coût social de leur consommation, qui intègre les
pollutions qu’elle entraîne : ils rouleraient moins avec leur voiture ; ils utiliseraient moins
d’électricité, etc.
Demande
Question 1 : Pourquoi le marché est-il défaillant pour réguler le comportement des acteurs en matière
de pollution ?
Question 2 : Sur le graphique, indiquez la quantité que va produire l’entreprise polluante, et celle
qu’elle produirait si on lui faisait payer le coût de sa pollution.
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Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
exclusion non-exclusion
Rivalité Bien privé Bien commun (bien public impur)
Bien de club ou Bien à
Non rivalité Bien public (bien public pur)
péage
Les raisons de la non exclusion peuvent être multiples, mais le cœur du problème est qu’il est a) difficile (ou impossible)
d’attribuer des droits de propriété b) et/ou qu’il est difficile (ou impossible) de faire respecter ces droits de propriété.
Exercice 26
Les problèmes environnementaux résultent, pour une grande part, du fait que le marché est
défaillant pour organiser les activités économiques au regard de leurs conséquences
environnementales. Il ne fait pas payer les effets externes de la pollution et il ne régule pas la
consommation des biens publics et communs.
Face à ces deux défaillances majeures du marché, l’État doit donc mener une politique
environnementale. Cette politique ne s’oppose pas nécessairement totalement au marché : comme on
va le voir, il est possible de s’appuyer sur des mécanismes de régulation marchande pour mener une
politique environnementale. Il y a trois grands types de politique possibles : la réglementation ; la
création de quotas d’émission et, enfin, la taxation.
Le but de la politique environnementale est de pousser les acteurs à diminuer leur impact sur
l’environnement : à diminuer leur pollution et leur usage de ressources non renouvelables et, au
contraire, à les pousser à avoir recours à des ressources renouvelables. Indirectement, cela pousse
également à l’apparition d’un progrès technique qui permet de substituer aux ressources non
renouvelables des ressources renouvelables et/ou qui diminue les pollutions. En effet, si les acteurs
sont incités à moins utiliser de ressources non renouvelables, ou à diminuer leur pollution, ils se
tourneront vers des solutions techniques qui leur permettent de le faire.
Question 1 : Pourquoi est-il nécessaire que l’État mène des politiques environnementales ?
Question 2 : Quel est le but de la politique environnementale ?
Exercice 27
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Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Pour cette raison, elle est donc le moyen à privilégier lorsque l’on veut interdire des comportements
qui sont extrêmement dangereux (gaz CFC, amiante, etc.)
Exercice 28
La mesure la plus anciennement proposée par les économistes est la taxation. On parle parfois de
« taxe Pigou » ou « taxe pigouvienne » en l’honneur de A.C Pigou, l’économiste qui l’a proposée le
premier, en 1920, dans son livre The Economics of Welfare. (On trouve parfois également le terme
d’écotaxe). Le principe de la taxe Pigou est celui du pollueur-payeur. Le but de cette taxe est, en effet,
de faire payer au pollueur le coût social total de sa pollution. En plus du coût privé qu’il supporte déjà,
il s’agit, ainsi, de lui faire payer le coût externe (l’externalité négative) qu’il impose à la société sans
avoir à l’assumer.
Si le pollueur doit payer le coût de sa pollution, alors il va changer de comportement : dans la
mesure où le coût est plus élevé, il va diminuer sa consommation jusqu’à atteindre le niveau qui serait
celui qui correspondrait à une situation où les payeurs payent le coût de leur pollution. Autrement dit,
le taux optimal de la taxe devrait refléter le dommage marginal (c’est-à-dire le coût marginal externe)
provoqué par les émissions ou résultant de l’utilisation de produit polluant.
Un exemple de taxe Pigou est la taxe carbone, qui fait payer un prix pour chaque tonne de CO 2
émise. Cette taxe n’a pas été adoptée en France, mais l’émission de CO 2 est déjà taxé, à travers une
taxe spécifique pour le pétrole (TIPP), le gaz naturel (TICN) et le charbon (TICC). La TIPP taxe, par
exemple, chaque litre de carburant d’un certain montant (qui dépend du type de carburant : par
exemple, chaque litre de super sans plomb est taxé 0,6 €, ce qui représente à peu près 40 % du prix
total du litre). Ces taxes ont pour effet de pousser les Français à moins consommer de produits
pétroliers et à chercher des alternatives dans les ressources renouvelables. Par exemple, cela va les
pousser à faire des économies de chauffage, en isolant mieux leur domicile, et à utiliser pour se
chauffer d’autres énergies que le pétrole (comme l’électricité).
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Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 29
Pourquoi vaut-il mieux imposer une taxe sur le carbone, plutôt que de réglementer
directement ses émissions ? Tous les économistes connaissent la réponse : les efforts pour
réduire les émissions peuvent avoir lieu en beaucoup de « marges », et nous devons faire
en sorte de donner des incitations aux individus qui les poussent à exploiter toutes ces
marges. Est-ce que les consommateurs doivent utiliser moins d’énergie eux-mêmes ?
Doivent-ils transférer leur consommation vers des produits dont la production nécessite
relativement moins d’énergie ? Doit-on produire l’énergie à partir de sources à faibles
émissions (par exemple le gaz naturel) ou des sources qui n’émettent aucune émission (par
exemple l’éolien) ? Doit-on s’efforcer de retirer le CO2 de l’air une fois que le carbone a été
brûlé, par exemple grâce à des usines de recapture et de séquestration ? La réponse est :
toutes les solutions ci-dessus. Et mettre un prix au carbone donne, de fait, aux individus une
incitation pour adopter toutes les solutions ci-dessus.
Par contre, il serait très difficile de définir un ensemble de règles qui permettent d’accomplir
tous ces objectifs. Même comparer les émissions de deux alternatives aussi simples que
conduire ou prendre l’avion vers une ville distante de quelques centaines de miles n’est en
rien un problème facile. Par conséquent, taxer le carbone est la solution que l’on doit
adopter.
Paul Krugman, « Gambling with Civilization », The New York Review of Book, novembre 2013
Question 1 : Pourquoi une taxe sur le carbone pousse les individus à chercher toutes les solutions
possibles ?
Question 2 : Pourquoi est-ce que cela fait de la taxation une solution généralement plus efficace que
la réglementation ?
Exercice 30
Les économistes préfèrent souvent les taxes aux réglementations, parce qu’elles sont souvent plus
efficaces, c’est-à-dire capable d’atteindre le but poursuivi à un moindre coût. Il en est ainsi notamment
parce qu’elles s’appuient sur un mécanisme propre à la régulation par le marché : le prix. En effet, la
réglementation s’applique de la même manière pour tous. Par exemple, la circulation alternée
s’impose de la même manière à celui pour qui il est très difficile d’aller au travail sans voiture et à
celui qui prend sa voiture alors qu’il pourrait prendre le métro. Au contraire, si l’on impose un péage à
l’entrée de la ville (comme le fait Londres), les efforts seront répartis en fonction des coûts de chacun.
Ceux qui peuvent s’adapter à faible coût (par exemple ceux qui peuvent facilement prendre le métro)
le feront ; tandis que ceux qui ne le peuvent pas prendront leur voiture et payeront le péage. En fait, la
taxation conduit chacun, en fonction de ses préférences, à diminuer sa pollution jusqu’à ce que le coût
qu’il y a à moins polluer soit égal à la taxe (plus précisément que le coût marginal qu’il y a à moins
polluer soit égal à la taxe). Autrement dit, la taxe s’adapte à la situation de chacun.
Le défaut de la taxation est qu’elle n’est souvent pas assez élevée pour refléter l’ensemble du
dommage marginal qu’impose la pollution. Autrement dit, l’incitation n’est pas assez forte. Il en est
ainsi notamment pour des raisons politiques. Les ménages estiment cette taxe injuste, notamment
parce qu’elles frappent les bas revenus comme les ménages les plus riches. Les entreprises dénoncent
cette taxe parce qu’elles l’accusent de leur faire perdre en compétitivité par rapport aux entreprises
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Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 31
Taxes et quotas d’émission sont, du point de vue théorique, absolument équivalents. En effet,
lorsque l’on fixe une taxe, c’est-à-dire que l’on met un prix à l’émission de carbone (par exemple une
taxe de 20 € la tonne de CO2), cela va pousser les acteurs à baisser leur production (ou leur
consommation) jusqu’à un certain niveau (par exemple des émissions de 130 millions de tonnes de
CO2).
Avec les quotas d’émissions, c’est l’inverse : on fixe un certain niveau de pollution (par exemple
130 millions de tonnes de CO2). Et, en fonction de ce niveau maximum de pollution, les quotas
d’émission vont se fixer à un certain prix (ici, 20 € la tonne).
Par conséquent, si l’on fixe un niveau de pollution identique à celui obtenu avec la taxe, alors les
quotas d’émission auront la même valeur que la taxe. Ainsi, pour 130 millions de tonnes de CO2
d’émission, on aura des quotas qui coûteront 20 € la tonne. Et, réciproquement, pour une taxe à 20 € la
tonne, on obtiendra, logiquement, une pollution de 130 millions de tonnes. C’est ce que montre le
graphique 1 (au-dessus) : à un prix correspond un certain niveau de production. Et à un certain niveau
de production correspond un certain prix.
Toutefois, en pratique, taxes et quotas ne sont pas toujours équivalents. En effet, le régulateur ne
connaît pas toujours le prix du CO2 qu’il faut adopter pour obtenir un certain niveau de pollution. Si
c’est le cas, alors il est préférable de choisir les quotas d’émission, plutôt que la taxe : ainsi, on est
certain d’obtenir le niveau d’émission que l’on souhaite. Par ailleurs, leur acceptabilité n’est pas, non
plus, équivalente. Ainsi, il a été, jusqu’à aujourd’hui, impossible d’instaurer une taxe au niveau
international, alors qu’il existe plusieurs systèmes de quotas internationaux (notamment en Europe).
Les quotas ne sont pas des impôts : ils ne posent pas de questions de souveraineté (qui va récolter la
taxe ? Qui répartira les revenus de la taxe ? A qui iront-ils ?)
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Chapitre 3 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?
Exercice 32 :
Avantages
Inconvénients
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