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Espace Vectoriel

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Exo7

19 Espaces vectoriels

1 Espace vectoriel (début)


2 Espace vectoriel (n)
3 Sous-espace vectoriel (début)
4 Sous-espace vectoriel (milieu)
5 Sous-espace vectoriel (n)
6 Application linéaire (début)
7 Application linéaire (milieu)
8 Application linéaire (n)

Vidéo ■ partie 1. Espace vectoriel (début)


Vidéo ■ partie 2. Espace vectoriel (fin)
Vidéo ■ partie 3. Sous-espace vectoriel (début)
Vidéo ■ partie 4. Sous-espace vectoriel (milieu)
Vidéo ■ partie 5. Sous-espace vectoriel (fin)
Vidéo ■ partie 6. Application linéaire (début)
Vidéo ■ partie 7. Application linéaire (milieu)
Vidéo ■ partie 8. Application linéaire (fin)

La notion d’espace vectoriel est une structure fondamentale des mathématiques modernes. Il
s’agit de dégager les propriétés communes que partagent des ensembles pourtant très différents.
Par exemple, on peut additionner deux vecteurs du plan, et aussi multiplier un vecteur par un
réel (pour l’agrandir ou le rétrécir). Mais on peut aussi additionner deux fonctions, ou multiplier
une fonction par un réel. Même chose avec les polynômes, les matrices,... Le but est d’obtenir des
théorèmes généraux qui s’appliqueront aussi bien aux vecteurs du plan, de l’espace, aux espaces de
fonctions, aux polynômes, aux matrices,... La contrepartie de cette grande généralité de situations
est que la notion d’espace vectoriel est difficile à appréhender et vous demandera une quantité
conséquente de travail ! Il est bon d’avoir d’abord étudié le chapitre « L’espace vectoriel Rn ».

1. Espace vectoriel (début)


Dans ce chapitre, K désigne un corps. Dans la plupart des exemples, ce sera le corps
des réels R.

1.1. Définition d’un espace vectoriel


Un espace vectoriel est un ensemble formé de vecteurs, de sorte que l’on puisse additionner (et
soustraire) deux vecteurs u, v pour en former un troisième u + v (ou u − v) et aussi afin que l’on
puisse multiplier chaque vecteur u d’un facteur λ pour obtenir un vecteur λ · u. Voici la définition
formelle :
362 Espaces vectoriels

Définition 104

Un K-espace vectoriel est un ensemble non vide E muni :


– d’une loi de composition interne, c’est-à-dire d’une application de E × E dans E :

E×E → E
(u, v) 7→ u+v

– d’une loi de composition externe, c’est-à-dire d’une application de K × E dans E :

K×E → E
(λ, u) 7→ λ · u

qui vérifient les propriétés suivantes :


1. u + v = v + u (pour tous u, v ∈ E)
2. u + (v + w) = (u + v) + w (pour tous u, v, w ∈ E)
3. Il existe un élément neutre 0E ∈ E tel que u + 0E = u (pour tout u ∈ E)
4. Tout u ∈ E admet un symétrique u0 tel que u + u0 = 0E . Cet élément u0 est noté − u.
5. 1 · u = u (pour tout u ∈ E)
6. λ · (µ · u) = (λµ) · u (pour tous λ, µ ∈ K, u ∈ E)
7. λ · (u + v) = λ · u + λ · v (pour tous λ ∈ K, u, v ∈ E)
8. (λ + µ) · u = λ · u + µ · u (pour tous λ, µ ∈ K, u ∈ E)

Nous reviendrons en détail sur chacune de ces propriétés juste après des exemples.

1.2. Premiers exemples

Exemple 208. Le R-espace vectoriel R2

Posons K = R et E = R2 . Un élément u ∈ E est donc un couple (x, y) avec x élément de R et y


élément de R. Ceci s’écrit
R2 = (x, y) | x ∈ R, y ∈ R .
© ª

– Définition de la loi interne. Si (x, y) et (x0 , y0 ) sont deux éléments de R2 , alors :

(x, y) + (x0 , y0 ) = (x + x0 , y + y0 ).

– Définition de la loi externe. Si λ est un réel et (x, y) est un élément de R2 , alors :

λ · (x, y) = (λ x, λ y).

L’élément neutre de la loi interne est le vecteur nul (0, 0). Le symétrique de (x, y) est (− x, − y),
que l’on note aussi −(x, y).
Espaces vectoriels 363

λ·u

u+v

0 v

−u

L’exemple suivant généralise le précédent. C’est aussi le bon moment pour lire ou relire le chapitre
« L’espace vectoriel Rn ».

Exemple 209. Le R-espace vectoriel Rn

Soit n un entier supérieur ou égal à 1. Posons K = R et E = Rn . Un élément u ∈ E est donc un


n-uplet (x1 , x2 , . . . , xn ) avec x1 , x2 , . . . , xn des éléments de R.
– Définition de la loi interne. Si (x1 , . . . , xn ) et (x10 , . . . , x0n ) sont deux éléments de Rn , alors :

(x1 , . . . , xn ) + (x10 , . . . , x0n ) = (x1 + x10 , . . . , xn + x0n ).

– Définition de la loi externe. Si λ est un réel et (x1 , . . . , xn ) est un élément de Rn , alors :

λ · (x1 , . . . , xn ) = (λ x1 , . . . , λ xn ).

L’élément neutre de la loi interne est le vecteur nul (0, 0, . . . , 0). Le symétrique de (x1 , . . . , xn )
est (− x1 , . . . , − xn ), que l’on note −(x1 , . . . , xn ).
De manière analogue, on peut définir le C-espace vectoriel Cn , et plus généralement le K-
espace vectoriel Kn .

Exemple 210

Tout plan passant par l’origine dans R3 est un espace vectoriel (par rapport aux opérations
habituelles sur les vecteurs). Soient K = R et E = P un plan passant par l’origine. Le plan
admet une équation de la forme :
ax + b y + cz = 0

où a, b et c sont des réels non tous nuls.

³x´
Un élément u ∈ E est donc un triplet (noté ici comme un vecteur colonne) y tel que ax + b y +
z
364 Espaces vectoriels

cz = 0. ³ ´ µ 0 ¶
x x
Soient y et y0 deux éléments de P . Autrement dit,
z z0

ax + b y + cz = 0,
et ax0 + b y0 + cz0 = 0.

x+ x0
µ ¶
Alors y+ y0 est aussi dans P car on a bien :
z+ z0

a(x + x0 ) + b(y + y0 ) + c(z + z0 ) = 0.


³0´
Les autres propriétés sont aussi faciles à vérifier : par exemple l’élément neutre est 0 ; et si
³x´ 0
y appartient à P , alors ax + b y + cz = 0, que l’on peut réécrire a(− x) + b(− y) + c(− z) = 0 et
z ³x´
ainsi − y appartient à P .
z
Attention ! Un plan ne contenant
³ 0 ´ pas l’origine n’est pas un espace vectoriel, car justement il
ne contient pas le vecteur nul 0 .
0

1.3. Terminologie et notations


Rassemblons les définitions déjà vues.
– On appelle les éléments de E des vecteurs. Au lieu de K-espace vectoriel, on dit aussi espace
vectoriel sur K.
– Les éléments de K seront appelés des scalaires.
– L’ élément neutre 0E s’appelle aussi le vecteur nul. Il ne doit pas être confondu avec l’élé-
ment 0 de K. Lorsqu’il n’y aura pas de risque de confusion, 0E sera aussi noté 0.
– Le symétrique − u d’un vecteur u ∈ E s’appelle aussi l’opposé.
– La loi de composition interne sur E (notée usuellement +) est appelée couramment l’addition
et u + u0 est appelée somme des vecteurs u et u0 .
– La loi de composition externe sur E est appelée couramment multiplication par un scalaire.
La multiplication du vecteur u par le scalaire λ sera souvent notée simplement λ u, au lieu
de λ · u.

Somme de n vecteurs. Il est possible de définir, par récurrence, l’addition de n vecteurs, n Ê 2. La


structure d’espace vectoriel permet de définir l’addition de deux vecteurs (et initialise le processus).
Si maintenant la somme de n − 1 vecteurs est définie, alors la somme de n vecteurs v1 , v2 , . . . , vn
est définie par
v1 + v2 + · · · + vn = (v1 + v2 + · · · + vn−1 ) + vn .
L’associativité de la loi + nous permet de ne pas mettre de parenthèses dans la somme v1 + v2 +
· · · + vn .
n
X
On notera v1 + v2 + · · · + vn = vi .
i =1

1.4. Mini-exercices
1. Vérifier les 8 axiomes qui font de R3 un R-espace vectoriel.
(
ax + b y + cz = 0
2. Idem pour une droite D de R3 passant par l’origine définie par .
a x + b0 y + c0 z = 0
0

3. Justifier que les ensembles suivants ne sont pas des espaces vectoriels : (x, y) ∈ R2 | x y = 0 ;
© ª

(x, y) ∈ R2 | x = 1 ; (x, y) ∈ R2 | x Ê 0 et y Ê 0 ; (x, y) ∈ R2 | −1 É x É 1 et − 1 É y É 1 .


© ª © ª © ª
Espaces vectoriels 365

4. Montrer par récurrence que si les v i sont des éléments d’un K-espace vectoriel E, alors pour
tous λ i ∈ K : λ1 v1 + λ2 v2 + · · · + λn vn ∈ E.

2. Espace vectoriel (fin)

2.1. Détail des axiomes de la définition


Revenons en détail sur la définition d’un espace vectoriel. Soit donc E un K-espace vectoriel. Les
éléments de E seront appelés des vecteurs. Les éléments de K seront appelés des scalaires.
Loi interne.
La loi de composition interne dans E, c’est une application de E × E dans E :

E×E → E
(u, v) 7→ u+v

C’est-à-dire qu’à partir de deux vecteurs u et v de E, on nous en fournit un troisième, qui sera noté
u + v.
La loi de composition interne dans E et la somme dans K seront toutes les deux notées +, mais le
contexte permettra de déterminer aisément de quelle loi il s’agit.

Loi externe.
La loi de composition externe, c’est une application de K × E dans E :

K×E → E
(λ, u) 7→ λ · u

C’est-à-dire qu’à partir d’un scalaire λ ∈ K et d’un vecteur u ∈ E, on nous fournit un autre vecteur,
qui sera noté λ · u.

Axiomes relatifs à la loi interne.

1. Commutativité. Pour tous u, v ∈ E, u + v = v + u. On peut donc additionner des vecteurs dans


l’ordre que l’on souhaite.
2. Associativité. Pour tous u, v, w ∈ E, on a u + (v + w) = (u + v) + w. Conséquence : on peut
« oublier » les parenthèses et noter sans ambiguïté u + v + w.
3. Il existe un élément neutre, c’est-à-dire qu’il existe un élément de E, noté 0E , vérifiant :
pour tout u ∈ E, u + 0E = u (et on a aussi 0E + u = u par commutativité). Cet élément 0E
s’appelle aussi le vecteur nul.
4. Tout élément u de E admet un symétrique (ou opposé), c’est-à-dire qu’il existe un élément
u0 de E tel que u + u0 = 0E (et on a aussi u0 + u = 0E par commutativité). Cet élément u0 de E
est noté − u.

Proposition 109

– S’il existe un élément neutre 0E vérifiant l’axiome (3) ci-dessus, alors il est unique.
– Soit u un élément de E. S’il existe un élément symétrique u0 de E vérifiant l’axiome (4),
alors il est unique.
366 Espaces vectoriels

Démonstration

– Soient 0E et 00E deux éléments vérifiant la définition de l’élément neutre. On a alors, pour tout
élément u de E :
u + 0E = 0E + u = u et u + 00E = 00E + u = u

– Alors, la première propriété utilisée avec u = 00E donne 00E + 0E = 0E + 00E = 00E .
– La deuxième propriété utilisée avec u = 0E donne 0E + 00E = 00E + 0E = 0E .
– En comparant ces deux résultats, il vient 0E = 00E .
– Supposons qu’il existe deux symétriques de u notés u0 et u00 . On a :

u + u0 = u0 + u = 0E et u + u00 = u00 + u = 0E .

Calculons u0 + ( u + u00 ) de deux façons différentes, en utilisant l’associativité de la loi + et les


relations précédentes.
– u0 + ( u + u00 ) = u0 + 0E = u0
– u0 + ( u + u00 ) = ( u0 + u) + u00 = 0E + u00 = u00
– On en déduit u0 = u00 .

Remarque

Les étudiants connaissant la théorie des groupes reconnaîtront, dans les quatre premiers
axiomes ci-dessus, les axiomes caractérisant un groupe commutatif.

Axiomes relatifs à la loi externe.

5. Soit 1 l’élément neutre de la multiplication de K. Pour tout élément u de E, on a

1 · u = u.

6. Pour tous éléments λ et µ de K et pour tout élément u de E, on a

λ · (µ · u) = (λ × µ) · u.

Axiomes liant les deux lois.

7. Distributivité par rapport à l’addition des vecteurs. Pour tout élément λ de K et pour tous
éléments u et v de E, on a
λ · (u + v) = λ · u + λ · v.

8. Distributivité par rapport à l’addition des scalaires. Pour tous λ et µ de K et pour tout
élément u de E, on a :
(λ + µ) · u = λ · u + µ · u.

La loi interne et la loi externe doivent donc satisfaire ces huit axiomes pour que (E, +, ·) soit un
espace vectoriel sur K.

2.2. Exemples
Dans tous les exemples qui suivent, la vérification des axiomes se fait simplement et est laissée
au soin des étudiants. Seules seront indiquées, dans chaque cas, les valeurs de l’élément neutre
de la loi interne et du symétrique d’un élément.
Espaces vectoriels 367

Exemple 211. L’espace vectoriel des fonctions de R dans R

L’ensemble des fonctions f : R −→ R est noté F (R, R). Nous le munissons d’une structure de
R-espace vectoriel de la manière suivante.
– Loi interne. Soient f et g deux éléments de F (R, R). La fonction f + g est définie par :

∀x ∈ R ( f + g)(x) = f (x) + g(x)

(où le signe + désigne la loi interne de F (R, R) dans le membre de gauche et l’addition
dans R dans le membre de droite).
– Loi externe. Si λ est un nombre réel et f une fonction de F (R, R), la fonction λ · f est
définie par l’image de tout réel x comme suit :

∀x ∈ R (λ · f )(x) = λ × f (x).

(Nous désignons par · la loi externe de F (R, R) et par × la multiplication dans R. Avec
l’habitude on oubliera les signes de multiplication : (λ f )(x) = λ f (x).)
– Élément neutre. L’élément neutre pour l’addition est la fonction nulle, définie par :

∀x ∈ R f (x) = 0.

On peut noter cette fonction 0F (R,R) .


– Symétrique. Le symétrique de l’élément f de F (R, R) est l’application g de R dans R
définie par :
∀ x ∈ R g(x) = − f (x).

Le symétrique de f est noté − f .

Exemple 212. Le R-espace vectoriel des suites réelles

On note S l’ensemble des suites réelles (u n )n∈N . Cet ensemble peut être vu comme l’ensemble
des applications de N dans R ; autrement dit S = F (N, R).
– Loi interne. Soient u = (u n )n∈N et v = (vn )n∈N deux suites appartenant à S . La suite u + v
est la suite w = (wn )n∈N dont le terme général est défini par

∀n ∈ N wn = u n + vn

(où u n + vn désigne la somme de u n et de vn dans R).


– Loi externe. Si λ est un nombre réel et u = (u n )n∈N un élément de S , λ · u est la suite
v = (vn )n∈N définie par
∀n ∈ N vn = λ × u n

où × désigne la multiplication dans R.


– Élément neutre. L’élément neutre de la loi interne est la suite dont tous les termes sont
nuls.
– Symétrique. Le symétrique de la suite u = (u n )n∈N est la suite u0 = (u0n )n∈N définie par :

∀n ∈ N u0n = − u n .

Elle est notée − u.


368 Espaces vectoriels

Exemple 213. Les matrices

L’ensemble M n,p (R) des matrices à n lignes et p colonnes à coefficients dans R est muni d’une
structure de R-espace vectoriel. La loi interne est l’addition de deux matrices. La loi externe
est la multiplication d’une matrice par un scalaire. L’élément neutre pour la loi interne est
la matrice nulle (tous les coefficients sont nuls). Le symétrique de la matrice A = (a i, j ) est
la matrice (−a i, j ). De même, l’ensemble M n,p (K) des matrices à coefficients dans K est un
K-espace vectoriel.

Autres exemples :
1. L’espace vectoriel R[X ] des polynômes P(X ) = a n X n + · · · + a 2 X 2 + a 1 X + a 0 . L’addition est
l’addition de deux polynômes P(X ) + Q(X ), la multiplication par un scalaire λ ∈ R est λ · P(X ).
L’élément neutre est le polynôme nul. L’opposé de P(X ) est −P(X ).
2. L’ensemble des fonctions continues de R dans R ; l’ensemble des fonctions dérivables de R
dans R,...
3. C est un R-espace vectoriel : addition z + z0 de deux nombres complexes, multiplication λ z
par un scalaire λ ∈ R. L’élément neutre est le nombre complexe 0 et le symétrique du nombre
complexe z est − z.

2.3. Règles de calcul

Proposition 110

Soit E un espace vectoriel sur un corps K. Soient u ∈ E et λ ∈ K. Alors on a :


1. 0 · u = 0E
2. λ · 0E = 0E
3. (−1) · u = − u
4. λ · u = 0E ⇐⇒ λ = 0 ou u = 0E

L’opération qui à (u, v) associe u + (−v) s’appelle la soustraction. Le vecteur u + (−v) est noté u − v.
Les propriétés suivantes sont satisfaites : λ(u − v) = λ u − λv et (λ − µ)u = λ u − µ u.
Démonstration

Les démonstrations des propriétés sont des manipulations sur les axiomes définissant les espaces
vectoriels.
1. – Le point de départ de la démonstration est l’égalité dans K : 0 + 0 = 0.
– D’où, pour tout vecteur de E , l’égalité (0 + 0) · u = 0 · u.
– Donc, en utilisant la distributivité de la loi externe par rapport à la loi interne et la définition
de l’élément neutre, on obtient 0 · u + 0 · u = 0 · u. On peut rajouter l’élément neutre dans le
terme de droite, pour obtenir : 0 · u + 0 · u = 0 · u + 0E .
– En ajoutant −(0 · u) de chaque côté de l’égalité, on obtient : 0 · u = 0E .
2. La preuve est semblable en partant de l’égalité 0E + 0E = 0E .
3. Montrer (−1) · u = − u signifie exactement que (−1) · u est le symétrique de u, c’est-à-dire vérifie
u + (−1) · u = 0E . En effet :

u + (−1) · u = 1 · u + (−1) · u = (1 + (−1)) · u = 0 · u = 0E .

4. On sait déjà que si λ = 0 ou u = 0E , alors les propriétés précédentes impliquent λ · u = 0E .


Espaces vectoriels 369

Pour la réciproque, soient λ ∈ K un scalaire et u ∈ E un vecteur tels que λ · u = 0E .


Supposons λ différent de 0. On doit alors montrer que u = 0E .
– Comme λ 6= 0, alors λ est inversible pour le produit dans le corps K. Soit λ−1 son inverse.
– En multipliant par λ−1 les deux membres de l’égalité λ · u = 0E , il vient : λ−1 · (λ · u) = λ−1 · 0E .
– D’où en utilisant les propriétés de la multiplication par un scalaire (λ−1 × λ) · u = 0E et donc
1 · u = 0E .
– D’où u = 0E .

2.4. Mini-exercices
1. Justifier si les objets suivants sont des espaces vectoriels.
(a) L’ensemble des fonctions réelles sur [0, 1], continues, positives ou nulles, pour l’addition et
le produit par un réel.
(b) L’ensemble des fonctions réelles sur R vérifiant lim x→+∞ f (x) = 0 pour les mêmes opéra-
tions.
(c) L’ensemble des fonctions sur R telles que f (3) = 7.
(d) L’ensemble R∗+ pour les opérations x ⊕ y = x y et λ · x = xλ (λ ∈ R).
(e) L’ensemble des points (x, y) de R2 vérifiant sin(x + y) = 0.
(f) L’ensemble des vecteurs (x, y, z) de R3 orthogonaux au vecteur (−1, 3, −2).
(g) L’ensemble des fonctions de classe C 2 vérifiant f 00 + f = 0.
R1
(h) L’ensemble des fonctions continues sur [0, 1] vérifiant 0 f (x) sin x dx = 0.
(i) L’ensemble des matrices ac db ∈ M2 (R) vérifiant a + d = 0.
¡ ¢

2. Prouver les propriétés de la soustraction : λ · (u − v) = λ · u − λ · v et (λ − µ) · u = λ · u − µ · u.

3. Sous-espace vectoriel (début)


Il est vite fatiguant de vérifier les 8 axiomes qui font d’un ensemble un espace vectoriel. Heureuse-
ment, il existe une manière rapide et efficace de prouver qu’un ensemble est un espace vectoriel :
grâce à la notion de sous-espace vectoriel.

3.1. Définition d’un sous-espace vectoriel

Définition 105

Soit E un K-espace vectoriel. Une partie F de E est appelée un sous-espace vectoriel si :


– 0E ∈ F,
– u + v ∈ F pour tous u, v ∈ F,
– λ · u ∈ F pour tout λ ∈ K et tout u ∈ F.

Remarque

Expliquons chaque condition.


– La première condition signifie que le vecteur nul de E doit aussi être dans F. En fait il
suffit même de prouver que F est non vide.
– La deuxième condition, c’est dire que F est stable pour l’addition : la somme u + v de
deux vecteurs u, v de F est bien sûr un vecteur de E (car E est un espace vectoriel), mais
ici on exige que u + v soit un élément de F.
370 Espaces vectoriels

– La troisième condition, c’est dire que F est stable pour la multiplication par un scalaire.

Exemple 214. Exemples immédiats

1. L’ensemble F = (x, y) ∈ R2 | x + y = 0 est un sous-espace vectoriel de R2 . En effet :


© ª

(a) (0, 0) ∈ F,
(b) si u = (x1 , y1 ) et v = (x2 , y2 ) appartiennent à F, alors x1 + y1 = 0 et x2 + y2 = 0 donc
(x1 + x2 ) + (y1 + y2 ) = 0 et ainsi u + v = (x1 + x2 , y1 + y2 ) appartient à F,
(c) si u = (x, y) ∈ F et λ ∈ R, alors x + y = 0 donc λ x + λ y = 0, d’où λ u ∈ F.
y

0 x

2. L’ensemble des fonctions continues sur R est un sous-espace vectoriel de l’espace vec-
toriel des fonctions de R dans R. Preuve : la fonction nulle est continue ; la somme de
deux fonctions continues est continue ; une constante fois une fonction continue est une
fonction continue.
3. L’ensemble des suites réelles convergentes est un sous-espace vectoriel de l’espace vec-
toriel des suites réelles.

Voici des sous-ensembles qui ne sont pas des sous-espaces vectoriels.

Exemple 215

1. L’ensemble F1 = (x, y) ∈ R2 | x + y = 2 n’est pas un sous-espace vectoriel de R2 . En effet


© ª

le vecteur nul (0, 0) n’appartient pas à F1 .


2. L’ensemble F2 = (x, y) ∈ R2 | x = 0 ou y = 0 n’est pas un sous-espace vectoriel de R2 .
© ª

En effet les vecteurs u = (1, 0) et v = (0, 1) appartiennent à F2 , mais pas le vecteur


u + v = (1, 1).
3. L’ensemble F3 = (x, y) ∈ R2 | x Ê 0 et y Ê 0 n’est pas un sous-espace vectoriel de R2 . En
© ª

effet le vecteur u = (1, 1) appartient à F3 mais, pour λ = −1, le vecteur − u = (−1, −1)
n’appartient pas à F3 .

F2 F3

0
0 0
F1
Espaces vectoriels 371

3.2. Un sous-espace vectoriel est un espace vectoriel


La notion de sous-espace vectoriel prend tout son intérêt avec le théorème suivant : un sous-espace
vectoriel est lui-même un espace vectoriel. C’est ce théorème qui va nous fournir plein d’exemples
d’espaces vectoriels.

Théorème 61

Soient E un K-espace vectoriel et F un sous-espace vectoriel de E. Alors F est lui-même un


K-espace vectoriel pour les lois induites par E.

Méthodologie. Pour répondre à une question du type « L’ensemble F est-il un espace vectoriel ? »,
une façon efficace de procéder est de trouver un espace vectoriel E qui contient F, puis prouver
que F est un sous-espace vectoriel de E. Il y a seulement trois propriétés à vérifier au lieu de huit !

Exemple 216

1. Est-ce que l’ensemble des fonctions paires (puis des fonctions impaires) forme un espace
vectoriel (sur R avec les lois usuelles sur les fonctions) ?
Notons P l’ensemble des fonctions paires et I l’ensemble des fonctions impaires. Ce
sont deux sous-ensembles de l’espace vectoriel F (R, R) des fonctions.

P = f ∈ F (R, R) | ∀ x ∈ R, f (− x) = f (x)
© ª

I = f ∈ F (R, R) | ∀ x ∈ R, f (− x) = − f (x)
© ª

P et I sont des sous-espaces vectoriels de F (R, R). C’est très simple à vérifier, par
exemple pour P :
(a) la fonction nulle est une fonction paire,
(b) si f , g ∈ P alors f + g ∈ P ,
(c) si f ∈ P et si λ ∈ R alors λ f ∈ P .
Par le théorème 61, P est un espace vectoriel (de même pour I ).
2. Est-ce que l’ensemble S n des matrices symétriques de taille n est un espace vectoriel
(sur R avec les lois usuelles sur les matrices) ?
S n est un sous-ensemble de l’espace vectoriel M n (R). Et c’est même un sous-espace
vectoriel. Il suffit en effet de vérifier que la matrice nulle est symétrique, que la somme
de deux matrices symétriques est encore symétrique et finalement que le produit d’une
matrice symétrique par un scalaire est une matrice symétrique. Par le théorème 61, S n
est un espace vectoriel.

Démonstration Preuve du théorème 61

Soit F un sous-espace vectoriel d’un espace vectoriel (E, +, ·). La stabilité de F pour les deux lois
permet de munir cet ensemble d’une loi de composition interne et d’une loi de composition externe, en
restreignant à F les opérations définies dans E . Les propriétés de commutativité et d’associativité de
l’addition, ainsi que les quatre axiomes relatifs à la loi externe sont vérifiés, car ils sont satisfaits dans
E donc en particulier dans F , qui est inclus dans E .
L’existence d’un élément neutre découle de la définition de sous-espace vectoriel. Il reste seulement à
justifier que si u ∈ F , alors son symétrique − u appartient à F .
Fixons u ∈ F . Comme on a aussi u ∈ E et que E est un espace vectoriel alors il existe un élément de E ,
noté − u, tel que u + (− u) = 0E . Comme u est élément de F , alors pour λ = −1, (−1) u ∈ F . Et ainsi − u
372 Espaces vectoriels

appartient à F .

Un autre exemple d’espace vectoriel est donné par l’ensemble des solutions d’un système linéaire
homogène. Soit A X = 0 un système de n équations à p inconnues :
    
a 11 . . . a 1 p x1 0
 . ..  .   . 
 .  .  =  . 
 . .  .   . 
a n1 . . . a np xp 0

On a alors

Théorème 62

Soit A ∈ M n,p (R). Soit A X = 0 un système d’équations linéaires homogènes à p variables.


Alors l’ensemble des vecteurs solutions est un sous-espace vectoriel de R p .

Démonstration

Soit F l’ensemble des vecteurs X ∈ R p solutions de l’équation A X = 0. Vérifions que F est un sous-
espace vectoriel de R p .
– Le vecteur 0 est un élément de F .
– F est stable par addition : si X et X 0 sont des vecteurs solutions, alors A X = 0 et A X 0 = 0, donc
A ( X + X 0 ) = A X + A X 0 = 0, et ainsi X + X 0 ∈ F .
– F est stable par multiplication par un scalaire : si X est un vecteur solution, on a aussi A (λ X ) =
λ( A X ) = λ0 = 0, ceci pour tout λ ∈ R. Donc λ X ∈ F .

Exemple 217

Considérons le système     
1 −2 3 x 0
 2 −4 6   y  =  0  .
    

3 −6 9 z 0

L’ensemble des solutions F ⊂ R3 de ce système est :

F = (x = 2s − 3t, y = s, z = t) | s, t ∈ R .
© ª

Par le théorème 62, F est un sous-espace vectoriel de R3 . Donc par le théorème 61, F est un
espace vectoriel.
Une autre façon de voir les choses est d’écrire que les éléments de F sont ceux qui vérifient
l’équation (x = 2y − 3z). Autrement dit, F est d’équation (x − 2y + 3z = 0). L’ensemble des
solutions F est donc un plan passant par l’origine. Nous avons déjà vu que ceci est un espace
vectoriel.

3.3. Mini-exercices
Parmi les ensembles suivants, reconnaître ceux qui sont des sous-espaces vectoriels :
1. (x, y, z) ∈ R3 | x + y = 0
© ª

2. (x, y, z, t) ∈ R4 | x = t et y = z
© ª

3. (x, y, z) ∈ R3 | z = 1
© ª

4. (x, y) ∈ R2 | x2 + x y Ê 0
© ª
Espaces vectoriels 373

5. (x, y) ∈ R2 | x2 + y2 Ê 1
© ª

6. f ∈ F (R, R) | f (0) = 1
© ª

7. f ∈ F (R, R) | f (1) = 0
© ª

8. f ∈ F (R, R) | f est croissante


© ª
© ª
9. (u n )n∈N | (u n ) tend vers 0

4. Sous-espace vectoriel (milieu)


4.1. Combinaisons linéaires

Définition 106

Soit n Ê 1 un entier, soient v1 , v2 , . . . , vn , n vecteurs d’un espace vectoriel E. Tout vecteur de la


forme
u = λ1 v1 + λ2 v2 + · · · + λn vn

(où λ1 , λ2 , . . . , λn sont des éléments de K) est appelé combinaison linéaire des vecteurs
v1 , v2 , . . . , vn . Les scalaires λ1 , λ2 , . . . , λn sont appelés coefficients de la combinaison linéaire.

Remarque : Si n = 1, alors u = λ1 v1 et on dit que u est colinéaire à v1 .

Exemple 218

1. Dans le R-espace vectoriel R3 , (3, 3, 1) est combinaison linéaire des vecteurs (1, 1, 0) et
(1, 1, 1) car on a l’égalité
(3, 3, 1) = 2(1, 1, 0) + (1, 1, 1).

2. Dans le R-espace vectoriel R2 , le vecteur u = (2, 1) n’est pas colinéaire au vecteur v1 = (1, 1)
car s’il l’était, il existerait un réel λ tel que u = λv1 , ce qui équivaudrait à l’égalité
(2, 1) = (λ, λ).
3. Soit E = F (R, R) l’espace vectoriel des fonctions réelles. Soient f 0 , f 1 , f 2 et f 3 les fonctions
définies par :
∀ x ∈ R f 0 (x) = 1, f 1 (x) = x, f 2 (x) = x2 , f 3 (x) = x3 .

Alors la fonction f définie par

∀x ∈ R f (x) = x3 − 2x2 − 7x − 4

est combinaison linéaire des fonctions f 0 , f 1 , f 2 , f 3 puisque l’on a l’égalité

f = f3 − 2 f2 − 7 f1 − 4 f0.
à !
1 1 3
4. Dans M2,3 (R), on considère A = . On peut écrire A naturellement sous la
0 −1 4
forme suivante d’une combinaison linéaire de matrices élémentaires (des zéros partout,
sauf un 1) :
à ! à ! à ! à ! à !
1 0 0 0 1 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0
A= + +3 − +4 .
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 1

Voici deux exemples plus compliqués.


374 Espaces vectoriels

Exemple 219
³1´ ³6´ ³9´
Soient u = 2 et v = 4 deux vecteurs de R3 . Montrons que w = 2 est combinaison linéaire
−1 2 7
de u et v. On cherche donc λ et µ tels que w = λ u + µv :

λ 6µ λ + 6µ
           
9 1 6
2 = λ  2  + µ 4 =  2λ  + 4µ =  2λ + 4µ  .
           

7 −1 2 −λ 2µ −λ + 2µ

On a donc 
 9 = λ + 6µ

2 = 2λ + 4µ
7 = −λ + 2µ.

Une solution de ce système est (λ = −3, µ = 2), ce qui implique que w est combinaison linéaire
de u et v. On vérifie que l’on a bien
     
9 1 6
2 = −3  2  + 2 4 .
     

7 −1 2

Exemple 220
³1´ ³6´ ³4´
Soient u = 2 et v = 4 . Montrons que w = −1 n’est pas une combinaison linéaire de u et
−1 2 8
v. L’égalité

4 = λ + 6µ
     
4 1 6 

−1 = λ  2  + µ 4 équivaut au système −1 = 2λ + 4µ
     

8 = −λ + 2µ.

8 −1 2

Or ce système n’a aucune solution. Donc il n’existe pas λ, µ ∈ R tels que w = λ u + µv.

4.2. Caractérisation d’un sous-espace vectoriel

Théorème 63. Caractérisation d’un sous-espace par la notion de combinaison


linéaire
Soient E un K-espace vectoriel et F une partie non vide de E. F est un sous-espace vectoriel
de E si et seulement si

λ u + µv ∈ F pour tous u, v ∈ F et tous λ, µ ∈ K.

Autrement dit si et seulement si toute combinaison linéaire de deux éléments de F appartient


à F.

Démonstration

– Supposons que F soit un sous-espace vectoriel. Et soient u, v ∈ F , λ, µ ∈ K. Alors par la définition


de sous-espace vectoriel : λ u ∈ F et µv ∈ F et ainsi λ u + µv ∈ F .
– Réciproquement, supposons que pour chaque u, v ∈ F , λ, µ ∈ K on a λ u + µv ∈ F .
– Comme F n’est pas vide, soient u, v ∈ F . Posons λ = µ = 0. Alors λ u + µv = 0E ∈ F .
– Si u, v ∈ F , alors en posant λ = µ = 1 on obtient u + v ∈ F .
Espaces vectoriels 375

– Si u ∈ F et λ ∈ K (et pour n’importe quel v, en posant µ = 0), alors λ u ∈ F .

4.3. Intersection de deux sous-espaces vectoriels

Proposition 111. Intersection de deux sous-espaces

Soient F,G deux sous-espaces vectoriels d’un K-espace vectoriel E. L’intersection F ∩ G est
un sous-espace vectoriel de E.

On démontrerait de même que l’intersection F1 ∩ F2 ∩ F3 ∩ · · · ∩ F n d’une famille quelconque de


sous-espaces vectoriels de E est un sous-espace vectoriel de E.
Démonstration

Soient F et G deux sous-espaces vectoriels de E .


– 0E ∈ F , 0E ∈ G car F et G sont des sous-espaces vectoriels de E ; donc 0E ∈ F ∩ G .
– Soient u et v deux vecteurs de F ∩ G . Comme F est un sous-espace vectoriel, alors u, v ∈ F
implique u + v ∈ F . De même u, v ∈ G implique u + v ∈ G . Donc u + v ∈ F ∩ G .
– Soient u ∈ F ∩ G et λ ∈ K. Comme F est un sous-espace vectoriel, alors u ∈ F implique λ u ∈ F . De
même u ∈ G implique λ u ∈ G . Donc λ u ∈ F ∩ G .
Conclusion : F ∩ G est un sous-espace vectoriel de E .

Exemple 221

Soit D le sous-ensemble de R3 défini par :

D = (x, y, z) ∈ R3 | x + 3y + z = 0 et x − y + 2z = 0 .
© ª

Est-ce que D est sous-espace vectoriel de R3 ? L’ensemble D est l’intersection de F et G, les


sous-ensembles de R3 définis par :

F = (x, y, z) ∈ R3 | x + 3y + z = 0
© ª

G = (x, y, z) ∈ R3 | x − y + 2z = 0
© ª

Ce sont deux plans passant par l’origine, donc des sous-espaces vectoriels de R3 . Ainsi D =
F ∩ G est un sous-espace vectoriel de R3 , c’est une droite vectorielle.
376 Espaces vectoriels

Remarque

La réunion de deux sous-espaces vectoriels de E n’est pas en général un sous-espace vectoriel


de E. Prenons par exemple E = R2 . Considérons les sous-espaces vectoriels F = (x, y) | x = 0
© ª

et G = (x, y) | y = 0 . Alors F ∪ G n’est pas un sous-espace vectoriel de R2 . Par exemple,


© ª

(0, 1) + (1, 0) = (1, 1) est la somme d’un élément de F et d’un élément de G, mais n’est pas dans
F ∪ G.

(1, 1)

(0, 1)
G
0 (1, 0)

4.4. Mini-exercices
µ ¶ µ p ¶
−2
p −4 2
1. Peut-on trouver t ∈ R tel que les vecteurs 2 et 4pt soient colinéaires ?
t 2 2
³1´ ³1´ ³ −1 ´
2. Peut-on trouver t ∈ R tel que le vecteur 3t soit une combinaison linéaire de 3 et 1 ?
t 2 −1

5. Sous-espace vectoriel (fin)


5.1. Somme de deux sous-espaces vectoriels
Comme la réunion de deux sous-espaces vectoriels F et G n’est pas en général un sous-espace
vectoriel, il est utile de connaître les sous-espaces vectoriels qui contiennent à la fois les deux
sous-espaces vectoriels F et G, et en particulier le plus petit d’entre eux (au sens de l’inclusion).

Définition 107. Définition de la somme de deux sous-espaces

Soient F et G deux sous-espaces vectoriels d’un K-espace vectoriel E. L’ensemble de tous


les éléments u + v, où u est un élément de F et v un élément de G, est appelé somme des
sous-espaces vectoriels F et G. Cette somme est notée F + G. On a donc
© ª
F + G = u + v | u ∈ F, v ∈ G .

F +G

F
Espaces vectoriels 377

Proposition 112

Soient F et G deux sous-espaces vectoriels du K-espace vectoriel E.


1. F + G est un sous-espace vectoriel de E.
2. F + G est le plus petit sous-espace vectoriel contenant à la fois F et G.

Démonstration

1. Montrons que F + G est un sous-espace vectoriel.


– 0E ∈ F , 0E ∈ G , donc 0E = 0E + 0E ∈ F + G .
– Soient w et w0 des éléments de F + G . Comme w est dans F + G , il existe u dans F et v dans G
tels que w = u + v. Comme w0 est dans F + G , il existe u0 dans F et v0 dans G tels que w0 = u0 + v0 .
Alors w + w0 = ( u + v) + ( u0 + v0 ) = ( u + u0 ) + (v + v0 ) ∈ F + G , car u + u0 ∈ F et v + v0 ∈ G .
– Soit w un élément de F + G et λ ∈ K. Il existe u dans F et v dans G tels que w = u + v. Alors
λw = λ( u + v) = (λ u) + (λv) ∈ F + G , car λ u ∈ F et λv ∈ G .
2. – L’ensemble F + G contient F et contient G : en effet tout élément u de F s’écrit u = u + 0 avec
u appartenant à F et 0 appartenant à G (puisque G est un sous-espace vectoriel), donc u
appartient à F + G . De même pour un élément de G .
– Si H est un sous-espace vectoriel contenant F et G , alors montrons que F + G ⊂ H . C’est clair :
si u ∈ F alors en particulier u ∈ H (car F ⊂ H ), de même si v ∈ G alors v ∈ H . Comme H est un
sous-espace vectoriel, alors u + v ∈ H .

Exemple 222

Déterminons F + G dans le cas où F et G sont les sous-espaces vectoriels de R3 suivants :

F = (x, y, z) ∈ R3 | y = z = 0 G = (x, y, z) ∈ R3 | x = z = 0 .
© ª © ª
et

F +G
F
G 0
y

Un élément w de F + G s’écrit w = u + v où u est un élément de F et v un élément de G. Comme


u ∈ F alors il existe x ∈ R tel que u = (x, 0, 0), et comme v ∈ G il existe y ∈ R tel que v = (0, y, 0).
Donc w = (x, y, 0). Réciproquement, un tel élément w = (x, y, 0) est la somme de (x, 0, 0) et de
(0, y, 0). Donc F + G = (x, y, z) ∈ R3 | z = 0 . On voit même que, pour cet exemple, tout élément
© ª

de F + G s’écrit de façon unique comme la somme d’un élément de F et d’un élément de G.

Exemple 223

Soient F et G les deux sous-espaces vectoriels de R3 suivants :

F = (x, y, z) ∈ R3 | x = 0 G = (x, y, z) ∈ R3 | y = 0 .
© ª © ª
et
378 Espaces vectoriels

z G

0
y

Dans cet exemple, montrons que F + G = R3 . Par définition de F + G, tout élément de F + G est
dans R3 . Mais réciproquement, si w = (x, y, z) est un élément quelconque de R3 : w = (x, y, z) =
(0, y, z) + (x, 0, 0), avec (0, y, z) ∈ F et (x, 0, 0) ∈ G, donc w appartient à F + G.
Remarquons que, dans cet exemple, un élément de R3 ne s’écrit pas forcément de façon unique
comme la somme d’un élément de F et d’un élément de G. Par exemple (1, 2, 3) = (0, 2, 3) +
(1, 0, 0) = (0, 2, 0) + (1, 0, 3).

5.2. Sous-espaces vectoriels supplémentaires

Définition 108. Définition de la somme directe de deux sous-espaces

Soient F et G deux sous-espaces vectoriels de E. F et G sont en somme directe dans E si


– F ∩ G = {0E },
– F + G = E.
On note alors F ⊕ G = E.

Si F et G sont en somme directe, on dit que F et G sont des sous-espaces vectoriels supplémen-
taires dans E.

Proposition 113

F et G sont supplémentaires dans E si et seulement si tout élément de E s’écrit d’une manière


unique comme la somme d’un élément de F et d’un élément de G.

Remarque

– Dire qu’un élément w de E s’écrit d’une manière unique comme la somme d’un élément
de F et d’un élément de G signifie que si w = u + v avec u ∈ F, v ∈ G et w = u0 + v0 avec
u0 ∈ F, v0 ∈ G alors u = u0 et v = v0 .
– On dit aussi que F est un sous-espace supplémentaire de G (ou que G est un sous-espace
supplémentaire de F).
– Il n’y a pas unicité du supplémentaire d’un sous-espace vectoriel donné (voir un exemple
ci-dessous).
– L’existence d’un supplémentaire d’un sous-espace vectoriel sera prouvée dans le cadre
des espaces vectoriels de dimension finie.
Espaces vectoriels 379

Démonstration

– Supposons E = F ⊕ G et montrons que tout élément u ∈ E se décompose de manière unique.


Soient donc u = v + w et u = v0 + w0 avec v, v0 ∈ F et w, w0 ∈ G . On a alors v + w = v0 + w0 , donc
v − v0 = w0 − w. Comme F est un sous-espace vectoriel alors v − v0 ∈ F , mais d’autre part G est
aussi un sous-espace vectoriel donc w0 − w ∈ G . Conclusion : v − v0 = w0 − w ∈ F ∩ G . Mais par
définition d’espaces supplémentaires F ∩ G = {0E }, donc v − v0 = 0E et aussi w0 − w = 0E . On en
déduit v = v0 et w = w0 , ce qu’il fallait démontrer.
– Supposons que tout u ∈ E se décompose de manière unique et montrons E = F ⊕ G .
– Montrons F ∩G = {0E }. Si u ∈ F ∩G , il peut s’écrire des deux manières suivantes comme somme
d’un élément de F et d’un élément de G :

u = 0E + u et u = u + 0E .

Par l’unicité de la décomposition, u = 0E .


– Montrons F + G = E . Il n’y rien à prouver, car par hypothèse tout élément u se décompose en
u = v + w, avec v ∈ F et w ∈ G .

Exemple 224

1. Soient F = (x, 0) ∈ R2 | x ∈ R et G = (0, y) ∈ R2 | y ∈ R .


© ª © ª

Montrons que F ⊕ G = R2 . La première façon de le voir est que l’on a clairement F ∩ G =


{(0, 0)} et que, comme (x, y) = (x, 0) + (0, y), alors F + G = R2 . Une autre façon de le voir est
d’utiliser la proposition 113, car la décomposition (x, y) = (x, 0) + (0, y) est unique.
y
G
G0

F
0 x

2. Gardons F et notons G 0 = (x, x) ∈ R2 | x ∈ R . Montrons que l’on a aussi F ⊕ G 0 = R2 :


© ª

(a) Montrons F ∩ G 0 = {(0, 0)}. Si (x, y) ∈ F ∩ G 0 alors d’une part (x, y) ∈ F donc y = 0, et
aussi (x, y) ∈ G 0 donc x = y. Ainsi (x, y) = (0, 0).
(b) Montrons F + G 0 = R2 . Soit u = (x, y) ∈ R2 . Cherchons v ∈ F et w ∈ G 0 tels que u = v + w.
Comme v = (x1 , y1 ) ∈ F alors y1 = 0, et comme w = (x2 , y2 ) ∈ G 0 alors x2 = y2 . Il s’agit
donc de trouver x1 et x2 tels que

(x, y) = (x1 , 0) + (x2 , x2 ).

Donc (x, y) = (x1 + x2 , x2 ). Ainsi x = x1 + x2 et y = x2 , d’où x1 = x − y et x2 = y. On trouve


bien
(x, y) = (x − y, 0) + (y, y),

qui prouve que tout élément de R2 est somme d’un élément de F et d’un élément de
G0.
3. De façon plus générale, deux droites distinctes du plan passant par l’origine forment
des sous-espaces supplémentaires.
380 Espaces vectoriels

Exemple 225

Est-ce que les sous-espaces vectoriels F et G de R3 définis par

F = (x, y, z) ∈ R3 | x − y − z = 0 G = (x, y, z) ∈ R3 | y = z = 0
© ª © ª
et

sont supplémentaires dans R3 ?

G
F

1. Il est facile de vérifier que F ∩ G = {0}. En effet si l’élément u = (x, y, z) appartient à


l’intersection de F et de G, alors les coordonnées de u vérifient : x − y − z = 0 (car u
appartient à F), et y = z = 0 (car u appartient à G), donc u = (0, 0, 0).
2. Il reste à démontrer que F + G = R3 .
Soit donc u = (x, y, z) un élément quelconque de R3 ; il faut déterminer des éléments v
de F et w de G tels que u = v + w. L’élément v doit être de la forme v = (y1 + z1 , y1 , z1 )
et l’élément w de la forme w = (x2 , 0, 0). On a u = v + w si et seulement si y1 = y, z1 = z,
x2 = x − y − z. On a donc

(x, y, z) = (y + z, y, z) + (x − y − z, 0, 0)

avec v = (y + z, y, z) dans F et w = (x − y − z, 0, 0) dans G.

Conclusion : F ⊕ G = R3 .

Exemple 226

Dans le R-espace vectoriel F (R, R) des fonctions de R dans R, on considère le sous-espace


vectoriel des fonctions paires P et le sous-espace vectoriel des fonctions impaires I . Montrons
que P ⊕ I = F (R, R).

1. Montrons P ∩ I = {0F (R,R) }.


Soit f ∈ P ∩ I , c’est-à-dire que f est à la fois une fonction paire et impaire. Il s’agit de
montrer que f est la fonction identiquement nulle. Soit x ∈ R. Comme f (− x) = f (x) (car f
est paire) et f (− x) = − f (x) (car f est impaire), alors f (x) = − f (x), ce qui implique f (x) = 0.
Ceci est vrai quel que soit x ∈ R ; donc f est la fonction nulle. Ainsi P ∩ I = {0F (R,R) }.
2. Montrons P + I = F (R, R).
Soit f ∈ F (R, R). Il s’agit de montrer que f peut s’écrire comme la somme d’une fonction
paire et d’une fonction impaire.
Analyse. Si f = g+ h, avec g ∈ P , h ∈ I , alors pour tout x, d’une part, (a) f (x) = g(x)+ h(x),
et d’autre part, (b) f (− x) = g(− x) + h(− x) = g(x) − h(x). Par somme et différence de (a) et
Espaces vectoriels 381

(b), on tire que

f (x) + f (− x) f (x) − f (− x)
g(x) = et h(x) = .
2 2
f ( x)+ f (− x)
Synthèse. Pour f ∈ F (R, R), on définit deux fonctions g, h par g(x) = 2 et h(x) =
f ( x )− f (− x )
2 . Alors d’une part f (x) = g(x) + h(x) et d’autre part g ∈ P (vérifier g(− x) = g(x))
et h ∈ I (vérifier h(− x) = − h(x)). Bilan : P + I = F (R, R).

En conclusion, P et I sont en somme directe dans F (R, R) : P ⊕ I = F (R, R). Notez que,
comme le prouvent nos calculs, les g et h obtenus sont uniques.

5.3. Sous-espace engendré

Théorème 64. Théorème de structure de l’ensemble des combinaisons linéaires

Soit {v1 , . . . , vn } un ensemble fini de vecteurs d’un K-espace vectoriel E. Alors :


– L’ensemble des combinaisons linéaires des vecteurs {v1 , . . . , vn } est un sous-espace vec-
toriel de E.
– C’est le plus petit sous-espace vectoriel de E (au sens de l’inclusion) contenant les
vecteurs v1 , . . . , vn .

Notation. Ce sous-espace vectoriel est appelé sous-espace engendré par v1 , . . . , vn et est noté
Vect(v1 , . . . , vn ). On a donc

u ∈ Vect(v1 , . . . , vn ) ⇐⇒ il existe λ1 , . . . , λn ∈ K tels que u = λ1 v1 + · · · + λn vn

Remarque

– Dire que Vect(v1 , . . . , vn ) est le plus petit sous-espace vectoriel de E contenant les vec-
teurs v1 , . . . , vn signifie que si F est un sous-espace vectoriel de E contenant aussi les
vecteurs v1 , . . . , vn alors Vect(v1 , . . . , vn ) ⊂ F.
– Plus généralement, on peut définir le sous-espace vectoriel engendré par une partie V
quelconque (non nécessairement finie) d’un espace vectoriel : Vect V est le plus petit
sous-espace vectoriel contenant V .

Exemple 227

1. E étant un K-espace vectoriel, et u un élément quelconque de E, l’ensemble Vect(u) =


{λ u | λ ∈ K} est le sous-espace vectoriel de E engendré par u. Il est souvent noté K u. Si
u n’est pas le vecteur nul, on parle d’une droite vectorielle.

K = Vect(u)

u
0
382 Espaces vectoriels

v u
0

Vect(u, v)

2. Si u et v sont deux vecteurs de E, alors Vect(u, v) = λ u + µv | λ, µ ∈ K . Si u et v ne sont


© ª

pas colinéaires, alors Vect(u, v) est un plan vectoriel.


³1´ ³1´
3. Soient u = 1 et v = 2 deux vecteurs de R3 . Déterminons P = Vect(u, v).
1 3
³x´ ³x´
y ∈ Vect(u, v) ⇐⇒ y = λ u + µv pour certains λ, µ ∈ R
z ³ xz ´ ³1´ ³1´
⇐⇒ y = λ 1 +µ 2
z 1 3
 x = λ+µ

⇐⇒ y = λ + 2µ
z = λ + 3µ

Nous obtenons bien une équation paramétrique du plan P passant par l’origine et
contenant les vecteurs u et v. On sait en trouver une équation cartésienne : (x − 2y + z =
0).

Exemple 228

Soient E l’espace vectoriel des applications de R dans R et f 0 , f 1 , f 2 les applications définies


par :
∀x ∈ R f 0 (x) = 1, f 1 (x) = x et f 2 (x) = x2 .

Le sous-espace vectoriel de E engendré par { f 0 , f 1 , f 2 } est l’espace vectoriel des fonctions


polynômes f de degré inférieur ou égal à 2, c’est-à-dire de la forme f (x) = ax2 + bx + c.

Méthodologie. On peut démontrer qu’une partie F d’un espace vectoriel E est un sous-espace
vectoriel de E en montrant que F est égal à l’ensemble des combinaisons linéaires d’un nombre
fini de vecteurs de E.
Exemple 229

Est-ce que F = (x, y, z) ∈ R3 | x − y − z = 0 est un sous-espace vectoriel de R3 ?


© ª

Un triplet de R3 est élément de F si et seulement si x = y + z. Donc u est élément de F si et


seulement s’il peut s’écrire u = (y + z, y, z). Or, on a l’égalité

(y + z, y, z) = y(1, 1, 0) + z(1, 0, 1).


© ª
Donc F est l’ensemble des combinaisons linéaires de (1, 1, 0), (1, 0, 1) . C’est le sous-espace
© ª © ª
vectoriel engendré par (1, 1, 0), (1, 0, 1) : F = Vect (1, 1, 0), (1, 0, 1) . C’est bien un plan vectoriel
(un plan passant par l’origine).
Espaces vectoriels 383

Démonstration Preuve du théorème 64

1. On appelle F l’ensemble des combinaisons linéaires des vecteurs {v1 , . . . , vn }.


(a) 0E ∈ F car F contient la combinaison linéaire particulière 0v1 + · · · + 0vn .
(b) Si u, v ∈ F alors il existe λ1 , . . . , λn ∈ K tels que u = λ1 v1 + · · · + λn vn et µ1 , . . . , µn ∈ K tels que
v = µ1 v1 + · · · + µn vn . On en déduit que u + v = (λ1 + µ1 )v1 + · · · + (λn + µn )vn appartient bien à F .
(c) De même, λ · u = (λλ1 )v1 + · · · + (λλn )vn ∈ F .
Conclusion : F est un sous-espace vectoriel.
2. Si G est un sous-espace vectoriel contenant {v1 , . . . , vn }, alors il est stable par combinaison li-
néaire ; il contient donc toute combinaison linéaire des vecteurs {v1 , . . . , vn }. Par conséquent F
est inclus dans G : F est le plus petit sous-espace (au sens de l’inclusion) contenant {v1 , . . . , vn }.

5.4. Mini-exercices

1. Trouver des sous-espaces vectoriels distincts F et G de R3 tels que

(a) F + G = R3 et F ∩ G 6= {0} ;

(b) F + G 6= R3 et F ∩ G = {0} ;

(c) F + G = R3 et F ∩ G = {0} ;

(d) F + G 6= R3 et F ∩ G 6= {0}.

2. Soient F = (x, y, z) ∈ R3 | x + y + z = 0 et G = Vect (1, 1, 1) ⊂ R3 .


© ª © ª

(a) Montrer que F est un espace vectoriel. Trouver deux vecteurs u, v tels que F = Vect(u, v).

(b) Calculer F ∩ G et montrer que F + G = R3 . Que conclure ?

3. Soient A = 10 00 , B = 00 01 , C = 00 10 , D = 01 00 des matrices de M2 (R).


¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢

(a) Quel est l’espace vectoriel F engendré par A et B ? Idem avec G engendré par C et D.

(b) Calculer F ∩ G. Montrer que F + G = M2 (R). Conclure.

6. Application linéaire (début)

6.1. Définition

Nous avons déjà rencontré la notion d’application linéaire dans le cas f : R p −→ Rn (voir le chapitre
« L’espace vectoriel Rn »). Cette notion se généralise à des espaces vectoriels quelconques.

Définition 109

Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Une application f de E dans F est une application
linéaire si elle satisfait aux deux conditions suivantes :
1. f (u + v) = f (u) + f (v), pour tous u, v ∈ E ;
2. f (λ · u) = λ · f (u), pour tout u ∈ E et tout λ ∈ K.

Autrement dit : une application est linéaire si elle « respecte » les deux lois d’un espace vectoriel.

Notation. L’ensemble des applications linéaires de E dans F est noté L (E, F).
384 Espaces vectoriels

6.2. Premiers exemples

Exemple 230

L’application f définie par


f : R3 → R2
(x, y, z) 7→ (−2x, y + 3z)

est une application linéaire. En effet, soient u = (x, y, z) et v = (x0 , y0 , z0 ) deux éléments de R3
et λ un réel.

f (u + v) = f (x + x0 , y + y0 , z + z0 ) f (λ · u) = f (λ x, λ y, λ z)
− 2(x + x0 ), y + y0 + 3(z + z0 ) = (−2λ x, λ y + 3λ z)
¡ ¢
=
et
= (−2x, y + 3z) + (−2x0 , y0 + 3z0 ) = λ · (−2x, y + 3z)
= f (u) + f (v) = λ · f (u)

Toutes les applications ne sont pas des applications linéaires !

Exemple 231

Soit f : R → R l’application définie par f (x) = x2 . On a f (1) = 1 et f (2) = 4. Donc f (2) 6= 2 · f (1).
Ce qui fait que l’on n’a pas l’égalité f (λ x) = λ f (x) pour un certain choix de λ, x. Donc f n’est
pas linéaire. Notez que l’on n’a pas non plus f (x + x0 ) = f (x) + f (x0 ) dès que xx0 6= 0.

Voici d’autres exemples d’applications linéaires :


1. Pour une matrice fixée A ∈ M n,p (R), l’application f : R p −→ Rn définie par

f (X ) = A X

est une application linéaire.


2. L’ application nulle, notée 0L (E,F ) :

f : E −→ F f (u) = 0F pour tout u ∈ E.

3. L’ application identité, notée idE :

f : E −→ E f (u) = u pour tout u ∈ E.

6.3. Premières propriétés

Proposition 114

Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Si f est une application linéaire de E dans F, alors :
– f (0E ) = 0F ,
– f (− u) = − f (u), pour tout u ∈ E.

Démonstration

Il suffit d’appliquer la définition de la linéarité avec λ = 0, puis avec λ = −1.

Pour démontrer qu’une application est linéaire, on peut aussi utiliser une propriété plus « concen-
trée », donnée par la caractérisation suivante :
Espaces vectoriels 385

Proposition 115. Caractérisation d’une application linéaire

Soient E et F deux K-espaces vectoriels et f une application de E dans F. L’application f est


linéaire si et seulement si, pour tous vecteurs u et v de E et pour tous scalaires λ et µ de K,

f (λ u + µv) = λ f (u) + µ f (v).

Plus généralement, une application linéaire f préserve les combinaisons linéaires : pour tous
λ1 , . . . , λn ∈ K et tous v1 , . . . , vn ∈ E, on a

f (λ1 v1 + · · · + λn vn ) = λ1 f (v1 ) + · · · + λn f (vn ).

Démonstration

– Soit f une application linéaire de E dans F . Soient u, v ∈ E , λ, µ ∈ K. En utilisant les deux


axiomes de la définition, on a

f (λ u + µv) = f (λ u) + f (µv) = λ f ( u) + µ f (v).

– Montrons la réciproque. Soit f : E → F une application telle que f (λ u + µv) = λ f ( u) + µ f (v) (pour
tous u, v ∈ E , λ, µ ∈ K). Alors, d’une part f ( u + v) = f ( u) + f (v) (en considérant le cas particulier
où λ = µ = 1), et d’autre part f (λ u) = λ f ( u) (cas particulier où µ = 0).

Vocabulaire.
Soient E et F deux K-espaces vectoriels.
– Une application linéaire de E dans F est aussi appelée morphisme ou homomorphisme
d’espaces vectoriels. L’ensemble des applications linéaires de E dans F est noté L (E, F).
– Une application linéaire de E dans E est appelée endomorphisme de E. L’ensemble des
endomorphismes de E est noté L (E).

6.4. Mini-exercices
Montrer que les applications suivantes f i : R2 → R2 sont linéaires. Caractériser géométriquement
ces applications et faire un dessin.
1. f 1 (x, y) = (− x, − y) ;
2. f 2 (x, y) = (3x, 3y) ;
3. f 3 (x, y) = (x, − y) ;
4. f 4 (x, y) = (− x, y) ;
¡p p
5. f 5 (x, y) = 23 x − 21 y, 12 x + 23 y .
¢

7. Application linéaire (milieu)


7.1. Exemples géométriques
Symétrie centrale.
Soient E un K-espace vectoriel. On définit l’application f par :

f :E → E
u 7 → −u

f est linéaire et s’appelle la symétrie centrale par rapport à l’origine 0E .


386 Espaces vectoriels

0
f λ (u) = λ · u
f (u) = − u
u
0

Homothétie.
Soient E un K-espace vectoriel et λ ∈ K. On définit l’application f λ par :

fλ : E → E
u 7 → λu

f λ est linéaire. f λ est appelée homothétie de rapport λ.


Cas particuliers notables :
– λ = 1, f λ est l’application identité ;
– λ = 0, f λ est l’application nulle ;
– λ = −1, on retrouve la symétrie centrale.
Preuve que f λ est une application linéaire :

f λ (α u + βv) = λ(α u + βv) = α(λ u) + β(λv) = α f λ (u) + β f λ (v).

Projection.
Soient E un K-espace vectoriel et F et G deux sous-espaces vectoriels supplémentaires dans E,
c’est-à-dire E = F ⊕ G. Tout vecteur u de E s’écrit de façon unique u = v + w avec v ∈ F et w ∈ G. La
projection sur F parallèlement à G est l’application p : E → E définie par p(u) = v.

w u

F
v = p(u)

– Une projection est une application linéaire.


En effet, soient u, u0 ∈ E, λ, µ ∈ K. On décompose u et u0 en utilisant que E = F ⊕ G : u = v + w,
u0 = v0 + w0 avec v, v0 ∈ F, w, w0 ∈ G. Commençons par écrire

λ u + µ u0 = λ(v + w) + µ(v0 + w0 ) = (λv + µv0 ) + (λw + µw0 ).

Comme F et G sont des un sous-espaces vectoriels de E, alors λv + µv0 ∈ F et λw + µw0 ∈ G.


Ainsi :
p(λ u + µ u0 ) = λv + µv0 = λ p(u) + µ p(u0 ).
Espaces vectoriels 387

– Une projection p vérifie l’égalité p2 = p.


Note : p2 = p signifie p ◦ p = p, c’est-à-dire pour tout u ∈ E : p p(u) = p(u). Il s’agit juste de
¡ ¢

remarquer que si v ∈ F alors p(v) = v (car v = v + 0, avec v ∈ F et 0 ∈ G). Maintenant, pour


¡ ¢
u ∈ E, on a u = v + w avec v ∈ F et w ∈ G. Par définition p(u) = v. Mais alors p p(u) = p(v) = v.
Bilan : p ◦ p(u) = v = p(u). Donc p ◦ p = p.

Exemple 232

Nous avons vu que les sous-espaces vectoriels F et G de R3 définis par

F = (x, y, z) ∈ R3 | x − y − z = 0 G = (x, y, z) ∈ R3 | y = z = 0
© ª © ª
et

sont supplémentaires dans R3 : R3 = F ⊕G (exemple 225). Nous avions vu que la décomposition


s’écrivait :
(x, y, z) = (y + z, y, z) + (x − y − z, 0, 0).

Si p est la projection sur F parallèlement à G, alors on a p(x, y, z) = (y + z, y, z).

G
(x, y, z)
F

0
p(x, y, z)

Exemple 233

Nous avons vu dans l’exemple 226 que l’ensemble des fonctions paires P et l’ensemble des
fonctions impaires I sont des sous-espaces vectoriels supplémentaires dans F (R, R). Notons
p la projection sur P parallèlement à I . Si f est un élément de F (R, R), on a p( f ) = g où

g:R → R
f (x) + f (− x)
x 7→ .
2

7.2. Autres exemples


1. La dérivation. Soient E = C 1 (R, R) l’espace vectoriel des fonctions f : R −→ R dérivables avec
f 0 continue et F = C 0 (R, R) l’espace vectoriel des fonctions continues. Soit

d : C 1 (R, R) −→ C 0 (R, R)
f 7−→ f 0

Alors d est une application linéaire, car (λ f + µ g)0 = λ f 0 + µ g0 et donc d(λ f + µ g) = λ d( f ) +


µ d(g).
2. L’intégration. Soient E = C 0 (R, R) et F = C 1 (R, R). Soit

I : C 0 (R, R) −→ C 1 (R, R)
Rx
f (x) 7−→ 0 f (t) dt
R x¡ Rx Rx
L’application I est linéaire car 0 λ f (t) + µ g(t) dt = λ 0 f (t) dt + µ 0 g(t) dt pour toutes
¢

fonctions f et g et pour tous λ, µ ∈ R.


388 Espaces vectoriels

3. Avec les polynômes.


Soit E = Rn [X ] l’espace vectoriel des polynômes de degré É n. Soit F = Rn+1 [X ] et soit

f : E −→ F
P(X ) 7−→ X P(X )

Autrement dit, si P(X ) = a n X n + · · · + a 1 X + a 0 , alors f (P(X )) = a n X n+1 + · · · + a 1 X 2 + a 0 X .


C’est une application linéaire : f (λP(X ) + µQ(X )) = λ X P(X ) + µ X Q(X ) = λ f (P(X )) + µ f (Q(X )).
4. La transposition.
Considérons l’application T de M n (K) dans M n (K) donnée par la transposition :

T : M n (K) −→ M n (K)
A 7−→ AT

T est linéaire, car on sait que pour toutes matrices A, B ∈ M n (K) et tous scalaires λ, µ ∈ K :

(λ A + µB)T = (λ A)T + (µB)T = λ A T + µB T .

5. La trace.

tr : M n (K) −→ K
A 7−→ tr A
est une application linéaire car tr(λ A + µB) = λ tr A + µ tr B.

7.3. Mini-exercices
1. Les applications suivantes sont-elles linéaires ?
(a) R −→ R, x 7−→ 3x − 2
4
(b) R −→ R, (x, y, x0 , y0 ) 7−→ x · x0 + y · y0
(c) C 0 (R, R) −→ R, f 7−→ f (1)
1 0
(d) C (R, R) −→ C (R, R), f 7−→ f 0 + f
R1
(e) C 0 ([0, 1], R) −→ R, f 7−→ 0 | f (t)| dt
(f) C 0 ([0, 1], R) −→ R, f 7−→ max x∈[0,1] f (x)
(g) R3 [X ] −→ R3 [X ], P(X ) 7−→ P(X + 1) − P(0)
T T
2. Soient f , g : M n (R) −→ M n (R) définies par A 7−→ A +2A et A 7−→ A −2A . Montrer que f et g sont
des applications linéaires. Montrer que f (A) est une matrice symétrique, g(A) une matrice
antisymétrique et que A = f (A) + g(A). En déduire que les matrices symétriques et les
matrices antisymétriques sont en somme directe dans M n (R). Caractériser géométriquement
f et g.

8. Application linéaire (fin)


8.1. Image d’une application linéaire
Commençons par des rappels. Soient E et F deux ensembles et f une application de E dans F.
Soit A un sous-ensemble de E. L’ensemble des images par f des éléments de A, appelé image
directe de A par f , est noté f (A). C’est un sous-ensemble de F. On a par définition :
© ª
f (A) = f (x) | x ∈ A .
Espaces vectoriels 389

Dans toute la suite, E et F désigneront des K-espaces vectoriels et f : E → F sera une application
linéaire.
f (E) s’appelle l’image de l’application linéaire f et est noté Im f .

Proposition 116. Structure de l’image d’un sous-espace vectoriel

1. Si E 0 est un sous-espace vectoriel de E, alors f (E 0 ) est un sous-espace vectoriel de F.


2. En particulier, Im f est un sous-espace vectoriel de F.

Remarque

On a par définition de l’image directe f (E) :


f est surjective si et seulement si Im f = F.

Démonstration

Tout d’abord, comme 0E ∈ E 0 alors 0F = f (0E ) ∈ f (E 0 ). Ensuite on montre que pour tout couple ( y1 , y2 )
d’éléments de f (E 0 ) et pour tous scalaires λ, µ, l’élément λ y1 + µ y2 appartient à f (E 0 ). En effet :

y1 ∈ f (E 0 ) ⇐⇒ ∃ x1 ∈ E 0 , f ( x1 ) = y1
y2 ∈ f (E 0 ) ⇐⇒ ∃ x2 ∈ E 0 , f ( x2 ) = y2 .

Comme f est linéaire, on a

λ y1 + µ y2 = λ f ( x1 ) + µ f ( x2 ) = f (λ x1 + µ x2 ).

Or λ x1 + µ x2 est un élément de E 0 , car E 0 est un sous-espace vectoriel de E , donc λ y1 + µ y2 est bien un


élément de f (E 0 ).

8.2. Noyau d’une application linéaire

Définition 110. Définition du noyau

Soient E et F deux K-espaces vectoriels et f une application linéaire de E dans F. Le noyau


de f , noté Ker( f ), est l’ensemble des éléments de E dont l’image est 0F :
© ª
Ker( f ) = x ∈ E | f (x) = 0F

Autrement dit, le noyau est l’image réciproque du vecteur nul de l’espace d’arrivée : Ker( f ) =
f −1 {0F }.

Proposition 117

Soient E et F deux K-espaces vectoriels et f une application linéaire de E dans F. Le noyau


de f est un sous-espace vectoriel de E.
390 Espaces vectoriels

Démonstration

Ker( f ) est non vide car f (0E ) = 0F donc 0E ∈ Ker( f ). Soient x1 , x2 ∈ Ker( f ) et λ, µ ∈ K. Montrons que
λ x1 + µ x2 est un élément de Ker( f ). On a, en utilisant la linéarité de f et le fait que x1 et x2 sont des
éléments de Ker( f ) : f (λ x1 + µ x2 ) = λ f ( x1 ) + µ f ( x2 ) = λ0F + µ0F = 0F .

Exemple 234

Reprenons l’exemple de l’application linéaire f définie par

f : R3 → R2
(x, y, z) 7→ (−2x, y + 3z)

– Calculons le noyau Ker( f ).

(x, y, z) ∈ Ker( f ) ⇐⇒ f (x, y, z) = (0, 0)


⇐⇒ ((−2x, y + 3z) = (0, 0)
−2x = 0
⇐⇒
y + 3z = 0
⇐⇒ (x, y, z) = (0, −3z, z), z∈R

Donc Ker( f ) = (0, −3z, z) | z ∈ R . Autrement dit, Ker( f ) = Vect (0, −3, 1) : c’est une
© ª © ª

droite vectorielle.
– Calculons l’image de f . Fixons (x0 , y0 ) ∈ R2 .

(x0 , y0 ) = f (x, y, z) ⇐⇒ ((−2x, y + 3z) = (x0 , y0 )


−2x = x0
⇐⇒
y + 3z = y0
0
On peut prendre par exemple x = − x2 , y0 = y, z = 0. Conclusion : pour n’importe quel
0
(x0 , y0 ) ∈ R2 , on a f (− x2 , y0 , 0) = (x0 , y0 ). Donc Im( f ) = R2 , et f est surjective.

Exemple 235

Soit A ∈ M n,p (R). Soit f : R p −→ Rn l’application linéaire définie par f (X ) = A X . Alors Ker( f ) =
X ∈ R p | A X = 0 : c’est donc l’ensemble des X ∈ R p solutions du système linéaire homogène
© ª

A X = 0. On verra plus tard que Im( f ) est l’espace engendré par les colonnes de la matrice A.

Le noyau fournit une nouvelle façon d’obtenir des sous-espaces vectoriels.

Exemple 236

Un plan P passant par l’origine, d’équation (ax + b y + cz = 0), est un sous-espace vectoriel
de R3 . En effet, soit f : R3 → R l’application définie par f (x, y, z) = ax + b y + cz. Il est facile
de vérifier que f est linéaire, de sorte que Ker f = (x, y, z) ∈ R3 | ax + b y + cz = 0 = P est un
© ª

sous-espace vectoriel.
Espaces vectoriels 391

Exemple 237

Soient E un K-espace vectoriel, F et G deux sous-espaces vectoriels de E, supplémentaires :


E = F ⊕ G. Soit p la projection sur F parallèlement à G. Déterminons le noyau et l’image de
p.

w u

F
v = p(u)

Un vecteur u de E s’écrit d’une manière unique u = v + w avec v ∈ F et w ∈ G et par définition


p(u) = v.
– Ker(p) = G : le noyau de p est l’ensemble des vecteurs u de E tels que v = 0, c’est donc
G.
– Im(p) = F. Il est immédiat que Im(p) ⊂ F. Réciproquement, si u ∈ F alors p(u) = u, donc
F ⊂ Im(p).
Conclusion :
Ker(p) = G et Im(p) = F.

Théorème 65. Caractérisation des applications linéaires injectives

Soient E et F deux K-espaces vectoriels et f une application linéaire de E dans F. Alors :


© ª
f injective ⇐⇒ Ker( f ) = 0E

Autrement dit, f est injective si et seulement si son noyau ne contient que le vecteur nul. En
particulier, pour montrer que f est injective, il suffit de vérifier que :
si f (x) = 0F alors x = 0E .
Démonstration

– Supposons que f soit injective et montrons que Ker( f ) = {0E }. Soit x un élément de Ker( f ). On
a f ( x) = 0F . Or, comme f est linéaire, on a aussi f (0E ) = 0F . De l’égalité f ( x) = f (0E ), on déduit
x = 0E car f est injective. Donc Ker( f ) = {0E }.
– Réciproquement, supposons maintenant que Ker( f ) = {0E }. Soient x et y deux éléments de E
tels que f ( x) = f ( y). On a donc f ( x) − f ( y) = 0F . Comme f est linéaire, on en déduit f ( x − y) = 0F ,
c’est-à-dire x − y est un élément de Ker( f ). Donc x − y = 0E , soit x = y.

Exemple 238

Considérons, pour n Ê 1, l’application linéaire

f : Rn [X ] −→ Rn+1 [X ]
P(X ) 7−→ X · P(X ).

Étudions d’abord le noyau de f : soit P(X ) = a n X n + · · · + a 1 X + a 0 ∈ Rn [X ] tel que X · P(X ) = 0.


392 Espaces vectoriels

Alors
a n X n+1 + · · · + a 1 X 2 + a 0 X = 0.

Ainsi, a i = 0 pour tout i ∈ {0, . . . , n} et donc P(X ) = 0. Le noyau de f est donc nul : Ker( f ) = {0}.
L’espace Im( f ) est l’ensemble des polynômes de Rn+1 [X ] sans terme constant : Im( f ) =
Vect X , X 2 , . . . , X n+1 .
© ª

Conclusion : f est injective, mais n’est pas surjective.

8.3. L’espace vectoriel L (E, F )


Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Remarquons tout d’abord que, similairement à l’exemple
211, l’ensemble des applications de E dans F, noté F (E, F), peut être muni d’une loi de composition
interne + et d’une loi de composition externe, définies de la façon suivante : f , g étant deux
éléments de F (E, F), et λ étant un élément de K, pour tout vecteur u de E,

( f + g)(u) = f (u) + g(u) et (λ · f )(u) = λ f (u).

Proposition 118

L’ensemble des applications linéaires entre deux K-espaces vectoriels E et F, noté L (E, F),
muni des deux lois définies précédemment, est un K-espace vectoriel.

Démonstration

L’ensemble L (E, F ) est inclus dans le K-espace vectoriel F (E, F ). Pour montrer que L (E, F ) est un
K-espace vectoriel, il suffit donc de montrer que L (E, F ) est un sous-espace vectoriel de F (E, F ) :
– Tout d’abord, l’application nulle appartient à L (E, F ).
– Soient f , g ∈ L (E, F ), et montrons que f + g est linéaire. Pour tous vecteurs u et v de E et pour
tous scalaires α, β de K,

( f + g)(α u + βv) = f (α u + βv) + g(α u + βv) (définition de f + g)


= α f ( u ) + β f ( v) + α g ( u ) + β g ( v) (linéarité de f et g)
= α ( f ( u) + g( u)) + β ( f (v) + g(v)) (propriétés des lois de F )
= α( f + g)( u) + β( f + g)(v) (définition de f + g)

f + g est donc linéaire et L (E, F ) est stable pour l’addition.


– Soient f ∈ L (E, F ), λ ∈ K, et montrons que λ f est linéaire.

(λ f )(α u + βv) = λ f (α u + βv) (définition de λ f )


λ α f ( u ) + β f ( v)
¡ ¢
= (linéarité de f )
= αλ f ( u) + βλ f (v) (propriétés des lois de F )
= α(λ f )( u) + β(λ f )(v) (définition de λ f )

λ f est donc linéaire et L (E, F ) est stable pour la loi externe.


L (E, F ) est donc un sous-espace vectoriel de F (E, F ).

En particulier, L (E) est un sous-espace vectoriel de F (E, E).

8.4. Composition et inverse d’applications linéaires


Espaces vectoriels 393

Proposition 119. Composée de deux applications linéaires

Soient E, F,G trois K-espaces vectoriels, f une application linéaire de E dans F et g une
application linéaire de F dans G. Alors g ◦ f est une application linéaire de E dans G.

Remarque

En particulier, le composé de deux endomorphismes de E est un endomorphisme de E. Autre-


ment dit, ◦ est une loi de composition interne sur L (E).

Démonstration

Soient u et v deux vecteurs de E , et α et β deux éléments de K. Alors :

( g ◦ f )(α u + βv) g f (α u + βv)


¡ ¢
= (définition de g ◦ f )
g α f ( u ) + β f ( v)
¡ ¢
= (linéarité de f )
= α g ( f ( u)) + β g ( f (v)) (linéarité de g)
= α( g ◦ f )( u) + β( g ◦ f )(v) (définition de g ◦ f )

La composition des applications linéaires se comporte bien :

g ◦ ( f1 + f2) = g ◦ f1 + g ◦ f2 (g 1 + g 2 ) ◦ f = g 1 ◦ f + g 2 ◦ f (λ g) ◦ f = g ◦ (λ f ) = λ(g ◦ f )

Vocabulaire.
Soient E et F deux K-espaces vectoriels.
– Une application linéaire bijective de E sur F est appelée isomorphisme d’espaces vectoriels.
Les deux espaces vectoriels E et F sont alors dits isomorphes.
– Un endomorphisme bijectif de E (c’est-à-dire une application linéaire bijective de E dans E)
est appelé automorphisme de E. L’ensemble des automorphismes de E est noté GL(E).

Proposition 120. Linéarité de l’application réciproque d’un isomorphisme

Soient E et F deux K-espaces vectoriels. Si f est un isomorphisme de E sur F, alors f −1 est


un isomorphisme de F sur E.

Démonstration

Comme f est une application bijective de E sur F , alors f −1 est une application bijective de F sur E .
Il reste donc à prouver que f −1 est bien linéaire. Soient u0 et v0 deux vecteurs de F et soient α et β
deux éléments de K. On pose f −1 ( u0 ) = u et f −1 (v0 ) = v, et on a alors f ( u) = u0 et f (v) = v0 . Comme f est
linéaire, on a
f −1 (α u0 + βv0 ) = f −1 α f ( u) + β f (v) = f −1 f (α u + βv) = α u + βv
¡ ¢ ¡ ¢

car f −1 ◦ f = idE (où idE désigne l’application identité de E dans E ). Ainsi

f −1 (α u0 + βv0 ) = α f −1 ( u0 ) + β f −1 (v0 ),

et f −1 est donc linéaire.


394 Espaces vectoriels

Exemple 239

Soit f : R2 → R2 définie par f (x, y) = (2x + 3y, x + y). Il est facile de prouver que f est linéaire.
Pour prouver que f est bijective, on pourrait calculer son noyau et son image. Mais ici nous
allons calculer directement son inverse : on cherche à résoudre f (x, y) = (x0 , y0 ). Cela corres-
pond à l’équation (2x + 3y, x + y) = (x0 , y0 ) qui est un système linéaire à deux équations et deux
inconnues. On trouve (x, y) = (− x0 + 3y0 , x0 − 2y0 ). On pose donc f −1 (x0 , y0 ) = (− x0 + 3y0 , x0 − 2y0 ).
On vérifie aisément que f −1 est l’inverse de f , et on remarque que f −1 est une application
linéaire.

Exemple 240

Plus généralement, soit f : Rn → Rn l’application linéaire définie par f (X ) = A X (où A est


une matrice de M n (R)). Si la matrice A est inversible, alors f −1 est une application linéaire
bijective et est définie par f −1 (X ) = A −1 X .
Dans l’exemple précédent,
à ! à ! à !
x 2 3 −1 −1 3
X= A= A = .
y 1 1 1 −2

8.5. Mini-exercices
1. Soit f : R3 → R3 définie par f (x, y, z) = (− x, y + z, 2z). Montrer que f est une application
linéaire. Calculer Ker( f ) et Im( f ). f admet-elle un inverse ? Même question avec f (x, y, z) =
(x − y, x + y, y).
2. Soient E un espace vectoriel, et F,G deux sous-espaces tels que E = F ⊕ G. Chaque u ∈ E
se décompose de manière unique u = v + w avec v ∈ F, w ∈ G. La symétrie par rapport à
F parallèlement à G est l’application s : E → E définie par s(u) = v − w. Faire un dessin.
Montrer que s est une application linéaire. Montrer que s2 = idE . Calculer Ker(s) et Im(s). s
admet-elle un inverse ?
3. Soit f : Rn [X ] → Rn [X ] définie par P(X ) 7→ P 00 (X ) (où P 00 désigne la dérivée seconde). Montrer
que f est une application linéaire. Calculer Ker( f ) et Im( f ). f admet-elle un inverse ?

Auteurs

• D’après un cours de Sophie Chemla de l’université Pierre et Marie Curie, reprenant des
parties d’un cours de H. Ledret et d’une équipe de l’université de Bordeaux animée par
J. Queyrut,
• et un cours de Eva Bayer-Fluckiger, Philippe Chabloz, Lara Thomas de l’École Polytech-
nique Fédérale de Lausanne,
• mixés et révisés par Arnaud Bodin, relu par Vianney Combet.
Exo7

20 Dimension finie

1 Famille libre
2 Famille génératrice
3 Base
4 Dimension d'un espace vectoriel
5 Dimension des sous-espaces vectoriels

Vidéo ■ partie 1. Famille libre


Vidéo ■ partie 2. Famille génératrice
Vidéo ■ partie 3. Base
Vidéo ■ partie 4. Dimension d'un espace vectoriel
Vidéo ■ partie 5. Dimension des sous-espaces vectoriels
Exercices  Espaces vectoriels de dimension finie

Les espaces vectoriels qui sont engendrés par un nombre fini de vecteurs sont appelés espaces
vectoriels de dimension finie. Pour ces espaces, nous allons voir comment calculer une base, c’est-
à-dire une famille minimale de vecteurs qui engendrent tout l’espace. Le nombre de vecteurs dans
une base s’appelle la dimension et nous verrons comment calculer la dimension des espaces et des
sous-espaces.

1. Famille libre
1.1. Combinaison linéaire (rappel)
Soit E un K-espace vectoriel.

Définition 111

Soient v1 , v2 , . . . , v p , p Ê 1 vecteurs d’un espace vectoriel E. Tout vecteur de la forme

u = λ1 v1 + λ2 v2 + · · · + λ p v p

(où λ1 , λ2 , . . . , λ p sont des éléments de K) est appelé combinaison linéaire des vecteurs
v1 , v2 , . . . , v p . a Les scalaires λ1 , λ2 , . . . , λ p sont appelés coefficients de la combinaison linéaire.

1.2. Définition

Définition 112

Une famille {v1 , v2 , . . . , v p } de E est une famille libre ou linéairement indépendante si


toute combinaison linéaire nulle

λ1 v1 + λ2 v2 + · · · + λ p v p = 0

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