La Vierge Marie
La Vierge Marie
La Vierge Marie
Saint AUGUSTIN.
Lettre à Consentius et Sermon 43.
La Vierge Marie
dans la vie de saint Louis-Marie
Grignion de Montfort
Introduction
S
AINT LOUIS-MARIE GRIGNION DE MONTFORT est né en 1673
à Montfort-sur-Meu à vingt kilomètres de Rennes. Après ses
études à Rennes, il part en 1693 à Paris pour suivre sa formation
ecclésiastique. Il est ordonné prêtre le 5 juin 1700. Après quelques années
de ministères divers, le 6 juin 1706, il consulte le pape Clément XI sur sa
vocation apostolique. En 1707, il se sépare de Dom Leuduger qui l’a initié
à l’apostolat des missions paroissiales. C’est probablement en 1712, à La
Rochelle, qu’il rédige son maître livre : le Traité de la vraie dévotion à la sainte
Vierge 1. Après dix ans de missions paroissiales, il meurt le 28 avril 1716, à
Saint-Laurent-sur-Sèvre, en Vendée.
En 1942, paraissait un livre écrit par le père Louis Le Crom, montfor-
tain, intitulé Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, un apôtre marial 2. Le
titre de cette biographie, publiée en vue de la canonisation du saint, justifie
la place de cette conférence dans ce colloque marial qui a pour thème « La
1 — Toutes les citations tirées des œuvres de Montfort, sauf mention contraire, sont re-
prises des Œuvres complètes [OC], Éd. du Seuil, 1966.
2 — Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, un apôtre marial, Éd. Les Traditions Françai-
ses, Tourcoing, 1942. Cette biographie a été rééditée une première fois en 1946 avec quelques
légères corrections, principalement au sujet du testament du père de Montfort. C’est la
réédition de Clovis en 2003 [LC] qui est citée dans cette étude.
LA VIERGE MARIE ET SAINT LOUIS-MARIE GRIGNION 21
Vierge Marie dans la vie et les écrits des saints ». Il s’agit donc de décou-
vrir le rôle que la sainte Vierge a tenu dans la vie du saint : rôle dans sa vie
intérieure et rôle dans sa vie apostolique.
Outre la biographie du père Louis Le Crom, qui sera d’un précieux se-
cours, les Œuvres Complètes, éditées par Le Seuil en 1966, seront largement
mises à contribution. D’autres documents moins connus, quelquefois
introuvables ou plus difficilement accessibles, jetteront une lumière parti-
culière sur le sujet :
– le mémoire, intitulé Abrégé de la vie de Louis-Marie Grignion de Mont-
fort 1, de Jean-Baptiste Blain, un ami personnel de Louis Grignion ;
– la plus ancienne biographie, intitulée La Vie de Messire Louis-Marie
Grignion de Montfort 2, écrite par Joseph Grandet en 1725 ;
– le Cahier de notes, totalement inédit 3 ;
– Le Livre des Sermons du père de Montfort 4 ;
– les Cantiques 5 du bienheureux de Montfort ;
– une étude, intitulée Le bienheureux père de Montfort, statuaire 6, de Mau-
rice Laurentin ;
– quelques traditions orales, reçues de vive voix des Montfortains
d’aujourd’hui, trouveront aussi place dans les considérations qui sui-
vent.
soins, temporels aussi bien que spirituels, et qu’il se tenait assuré, par la grande
confiance qu’il avait en ses bontés, de les obtenir, que jamais ni doute, ni in-
quiétudes, ni perplexité, ne l’embarrassaient sur rien. Tout, à son avis, était fait
quand il avait prié sa bonne Mère ; et il n’hésitait plus 1.
Qu’est-ce qui lui a jamais manqué, avec le secours de la reine du Ciel ? Ceux
qui ont connu M. Grignion à fond, comme moi, savent que les miracles de sa
providence maternelle sur lui se multipliaient avec ses jours et que, si quelque-
fois elle paraissait le délaisser pour quelques heures, ce n’était que pour animer
sa confiance envers elle et l’exercer dans la pratique des plus difficiles vertus.
Aussi, comme une bonne mère qui prend plaisir à se dérober, quelques mo-
ments, aux yeux de son enfant, pour lui rendre ensuite sa présence plus douce et
plus sensible, la divine Marie paraissait parfois oublier le plus zélé et le plus
tendre de ses dévots, mais, après avoir éprouvé sa vertu, elle ne tardait plus guè-
re de faire éclater sa tendresse pour lui, par quelque preuve nouvelle de sa bonté.
Il faudrait faire un journal de sa vie, si on voulait marquer, par le détail, tous
les soins que la bonne Mère paraissait en prendre. Il semble qu’il apprenait
d’elle tout ce qu’il avait à faire dans les choses même les plus obscures et les
plus embarrassées, telles que peut être la vocation à un état. M. Grignion, sur cet
article si délicat et si difficile, n’eut pas plus d’embarras que sur les autres.
L’état ecclésiastique fut le seul pour lequel son cœur parla, le seul que Dieu lui
montrait 2…
1 — B, p. 14-15.
2 — B, p. 15-16.
3 — VD 106.
pouvait lui ôter des mains l’image de sa bonne Mère, on ne pourrait jamais la lui
arracher du cœur 1.
Louis Grignion communique à ses confrères ses dévotions préférées
comme le saint esclavage 2 et le psautier de saint Bonaventure 3. Avant la
fin de son séminaire, il est choisi pour faire le pèlerinage de Chartres 4.
Avant d’entrer dans les ordres sacrés, il fait le vœu de chasteté entre les
mains de Marie à Notre-Dame de Paris 5. Enfin, pour sa première messe, il
choisit l’autel de la sainte Vierge à Saint-Sulpice 6.
1 — B, p. 79-80.
2 — B, p. 77-78.
3 — B, p. 78-79.
4 — B, p. 184-186.
5 — B, p. 186-191.
6 — B, p. 197-198.
7 — LC, p. 114-115.
8 — VD 118.
9 — Note 1, se rapportant à VD 118, de la p. 561 des Œuvres Complètes, Le Seuil, 1966.
10 —VD 41.
11 —La rédaction du Cahier de notes s’est certainement poursuivie au-delà du séminaire,
mais c’est ici qu’il trouve sa place. Tous les séminaristes ont un jour ou l’autre commencé un
recueil de citations dès les premières années de leur formation…
12 — CN nº 7 de la Présentation éditoriale.
LA VIERGE MARIE ET SAINT LOUIS-MARIE GRIGNION 25
1 — VD 26.
a tenu à le rééditer afin qu’il ne tombe pas dans l’oubli 1. Ce n‘est pas peu
dire… Il est possible, de ce fait, de tirer cette conclusion : Montfort avait
connaissance des meilleures publications mariales de son époque.
En recopiant toutes les citations des livres qu’il lisait, Louis Grignion
avait-il un but ?
Il est plutôt probable que son amour à la sainte Vierge et l’opposition – vraie
ou simulée – de ses condisciples, l’aient poussé à rassembler des matériaux pour
la défense de la dévotion qui lui était si chère… Cette hypothèse est confirmée
par la méthode suivie au commencement de ce travail : faire une analyse et un
résumé des ouvrages qui traitent de cette dévotion, comme par exemple la Tri-
ple Couronne de Poiré, ou La Communion de Marie, Mère de Dieu, de Bernar-
din de Paris. Mais, peu à peu, l’influence de la critique se fait sentir davantage.
Nous constatons que le pieux séminariste, lorsqu’il étudie les ouvrages du jésui-
te Crasset ou du franciscain d’Argentan, s’intéresse presque uniquement aux
questions plus controversées. Et alors on est tenté de découvrir un plan pré-
conçu, quand on s’aperçoit que l’auteur utilise ses textes dans les premiers cha-
pitres de son Traité. […] Mais, en résumant, il faut admettre que le pieux sémi-
nariste n’avait pas établi le plan en commençant son travail. Cependant, quand
le missionnaire referma ce Cahier, le plan très précis de sa spiritualité avait
grandi en son cœur, pendant que sa plume rassemblait les matériaux 2.
L’étude du Cahier de notes fait ressortir un aspect essentiel de la person-
nalité mariale du saint. Comme il l’enseignera plus tard dans son Traité de
la vraie dévotion à la sainte Vierge, sa dévotion est « intérieure, c’est-à-dire
elle part de l’esprit et du cœur, elle vient de l’estime qu’on se fait de la
sainte Vierge, de la haute idée qu’on s’est formée de ses grandeurs, et de
l’amour qu’on lui porte 3 ». C’est précisément dans l’étude des bons livres
de son temps qu’il a cherché à se faire une haute idée de la Vierge Marie,
afin d’augmenter, en proportion, son amour pour elle.
1 — Dom Guéranger a tenu à le rééditer au milieu du 19e siècle car il ne voulait pas qu’il
tombe dans l’oubli. Il estimait préférer cet ouvrage à celui de saint Alphonse DE LIGUORI
intitulé Les Gloires de Marie : « Les Gloires de Marie de saint Alphonse de Liguori, sa paraphra-
se du Salve Regina ont été accueillies avec faveur parmi nous ; mais on ne peut, en aucune manière,
comparer ces touchants monuments de la science et de la piété du saint évêque avec la Somme mariale
que nous reproduisons aujourd’hui. » La Triple Couronne… Nouvelle édition par les révérends
pères bénédictins de Solesmes, Paris, Jacques Lecoffre, 1849. Préface des éditeurs, par Fr.
Prosper Guéranger, Abbé de Solesmes, p. 28. Lire son appréciation p. 9. Parue pour la
première fois en 1630, le saint a connu l’édition de 1639 qui se trouvait dans la bibliothèque
de Saint-Sulpice (OC, p. 500 ; note 1 de VD 26).
2 — CN, nº 6 de la Présentation éditoriale.
3 — VD 106.
LA VIERGE MARIE ET SAINT LOUIS-MARIE GRIGNION 27
Physionomie mariale
de la vie spirituelle du père de Montfort
Si on part du principe général 1 que Montfort, en tant que chef de file de
la parfaite dévotion mariale 2, a reçu un charisme spécial de Dieu pour
expérimenter et pratiquer tout ce qu’il a enseigné et qui se rapporte à la
sainte Vierge, alors, il suffira de scruter son enseignement marial pour
découvrir la place que Marie a tenue dans sa vie. Or, cet enseignement se
trouve dans le Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge.
En parcourant le Traité, on peut conclure que sa dévotion mariale a été
intérieure, tendre, sainte, constante et désintéressée 3 ; qu’il ne s‘est pas
contenté d’une véritable dévotion à la sainte Vierge, mais qu’il a embrassé
la plus parfaite qui consiste à se consacrer à elle en qualité d’esclave 4 et à
agir en toutes choses par elle, avec elle, en elle et pour elle, afin de mieux
agir par, avec, en et pour Jésus-Christ 5, notre fin dernière 6 ; que Montfort
a dû, toute sa vie, recourir à Marie
« En tous ses besoins de corps et d’esprit, avec beaucoup de simplicité,
de confiance et de tendresse » ; qu’il a imploré
l’aide de sa bonne Mère en tout temps, en tout lieu et en toute chose : dans
ses doutes, pour en être éclairci ; dans ses égarements, pour être redressé ; dans
ses tentations, pour être soutenu ; dans ses faiblesses, pour être fortifié ; dans ses
chutes, pour être relevé ; dans ses découragements pour être encouragé ; dans
ses scrupules, pour en être ôté ; dans ses croix, travaux et traverses de la vie,
pour [en] être consolé. Enfin, [qu’]en tous ses maux de corps et d’esprit, Marie a
été son recours ordinaire 7,
qu’il a bénéficié de tous les bons services que la sainte Vierge rend à ses
bons et fidèles serviteurs : elle les aime, elle les entretient de tout, elle les
conduit et dirige, elle les défend et protège, elle intercède pour eux 8 ; qu’il
1 — VD 213-221.
2 — VD 213-221.
3 — VD 154.
4 — VD 197 et 205.
5 — SAR 227.
6 — Sa vocation semble relever du premier temps de l’élection, dont parle saint Ignace,
à ce sujet, dans ses Exercices spirituels : « Le premier temps est lorsque Dieu, Notre-Seigneur,
meut et attire tellement la volonté, que, sans douter ni pouvoir douter, l’âme pieuse suit ce
qui lui est montré ; comme le firent saint Paul et saint Matthieu, en suivant Notre-
Seigneur. » Exercices spirituels, nº 175.
7 — Le Bienheureux L.-M. Grignion de Montfort, par l’abbé LAVEILLE, Lib. Ch. Poussiel-
gue, Paris, 1907, ch. II, p. 33 et ch. IV, p. 87. Le Père Le Crom donne ces précisions : « Tous
les biographes affirment en effet que la sainte Vierge lui a indiqué sa vocation, avec une telle
évidence qu’il n’eut jamais aucun doute à ce sujet. Mais ni Blain, ni Grandet, ni Besnard ne
précisent le lieu où le jeune homme reçut cette révélation. Le Père de Clorivière est plus
affirmatif : toutes les fois qu’il allait en classe, il ne manquait jamais d’entrer dans l‘église
des Carmes pour y faire ses prières, et il s’y tenait souvent un temps considérable, devant
une image de la sainte Vierge. Il n’est point douteux que cette Mère de miséricorde ne
LA VIERGE MARIE ET SAINT LOUIS-MARIE GRIGNION 29
Durant son séminaire, à Paris, il jouit d’une grâce particulière que l’on
pourrait appeler un « instinct marial » :
Le premier sacrifice de M. Grignion, aux approches et à l’entrée de Paris, fut
celui de la curiosité. Il fit un pacte avec ses yeux de ne leur laisser rien voir de
ce qui eût pu leur faire plaisir. […] Et il faut dire qu’il garda cette résolution
comme un vœu, avec autant de fidélité que de fermeté. […] Il sortit, dix ans
après, de la capitale de France, comme il y était entré, sans avoir vu rien qui pût
satisfaire les sens, comme s’il eût été aveugle. Ceux qui l’y ont vu savent qu’il
portait les yeux si forts baissés, qu’il ne pouvait voir qu’à ses pieds. On
s’étonnait même qu’il pût se conduire dans les rues ; et, ce qui était le plus éton-
nant, c’est qu’il savait où toutes les images de la sainte Vierge étaient placées,
dans les carrefours et sur les portes des maisons, en sorte qu’en marchant avec
M. Grignion, dans les rues de Paris, ce qui m’est arrivé plusieurs fois aussi bien
qu’à d’autres, on était également surpris et édifiés de voir un homme qui ne le-
vait jamais les yeux, ôter souvent son chapeau pour saluer les images de la sain-
te Vierge qui ne frappaient les yeux de personne. Un jour, étonné de le voir si
souvent ôter son chapeau sans voir à qui, je lui demandais qui il saluait. Et il me
répondit qu’il saluait des images de la sainte Vierge sur les portes des maisons,
qui y étaient effectivement, mais si obscures que je ne pus les apercevoir
qu’avec une recherche des yeux 1.
Durant sa carrière apostolique, le père de Montfort a bénéficié de nom-
breuses apparitions de la sainte Vierge au cours de son ministère. Voici les
principaux lieux concernés : Landemont, La Viaudrie (près de Pontchâ-
teau), La Garnache, Roussay, Nuaillé, Taugon la Ronde, Mervent, Fonte-
nay-le-Comte, Saint-Laurent-sur-Sèvre.
Il faut faire remarquer ici que ces apparitions commencent vers 1708,
après qu’il se soit séparé de son chef et pédagogue apostolique, Dom Jean
Leuduger 2. A partir de cette époque, il sera son propre chef de mission,
tout en restant dans l’obéissance aux évêques, 3 comme le lui avait com-
mandé le pape Clément XI le 6 juin 1706. Mais à partir de cette époque, il
récompensât son serviteur du zèle qu’il montrait pour sa gloire, et qu’elle n’obtînt pour lui
de très grandes grâces. Une des plus signalées fut celle qu’il reçut en cet endroit-là même,
comme il le découvrit quelques années après à un des compagnons de ses travaux, par la
connaissance qui lui fut donnée que Dieu l’appelait à l’état ecclésiastique. Et depuis, la
tradition s’est fidèlement conservée. C’est aux pieds de Notre-Dame de la Paix que Montfort
dirigea définitivement sa vie vers le sacerdoce : il y aspirait de toute son âme ; c’était la seule
vocation pour laquelle son cœur parla, la seule que Dieu lui montrait, par l’entremise de la
Vierge Marie. » L’auteur précise : « Mgr Laveille dit que c’est à l’église Saint-Sauveur que
Montfort eut la connaissance de sa vocation. Aucun biographe, avant lui, n’avait émis cette
opinion. Blain [ami de Grignion] parle de l’église Saint-Sauveur, mais sans établir de lien
avec l’appel au sacerdoce. » LC, p. 59, note 1.
1 — B, p. 26-27.
2 — LC, p. 270-271. Montfort se sépare de Dom Leuduger vers la fin août 1707 ; la pre-
mière apparition connue semble s’être produite en automne 1708.
3 — LC, p. 223-224. G, p. 100.
1 — Il s’agit de son ami, Jean-Baptiste Blain. Voir plus bas : sa vie mystique.
2 — Certains estiment que le Traité de la vraie dévotion est trop long pour être écrit en
trois jours. Il pourrait s’agir du Secret de Marie, assez court pour être rédigé en trois jours.
3 — Monsieur des Bastières fut l’un des collaborateurs du Père Grignion. A la demande
de Monsieur Grandet, il a consigné par écrit ses souvenirs de missions. LC p. 583-584.
1 — LC, p. 442-443. C’est à Rouen que le Père Grignion a reçu ce surnom qui lui a été
donné par les religieuses du Sacré-Cœur d’Ernemont. Voici le récit le plus ancien de M.
Blain : « Le soir, je le fis parler dans une communauté de maîtresses d’école. Son discours fut
sur les avantages de la virginité, matière que son grand amour pour la pureté lui rendait
agréable et délicieuse à traiter ; aussi le fit-il dans l’esprit et avec les termes des Ambroise et
des Jérôme qui en ont si divinement parlé. ]…] Après son entretien, il leur parla du rosaire,
une de ses plus chères dévotions et, à leur prière, il dit le chapelet en sa manière, mais d’un
air si dévot et si tendre pour Marie, qu’il l’inspirait à l’entendre. Aussi lui donnèrent-elles le
nom du Père au grand chapelet. En effet, son chapelet était fort grand, car il était composé
de quinze dizaines qu’on appelle le rosaire, qu’il disait tous les jours et qu’il recommandait
fort de dire. » B, p. 342-343.
2 — Montfort était tertiaire dominicain depuis le 10 novembre 1710 (LC, p. 332). Tandis
qu’il prêchait à La Sallertaine, c’est-à-dire en mai 1712, il adressa une requête au Maître
général des dominicains afin de pouvoir agréger à la Confrérie du très saint rosaire le plus
grand nombre de personnes possible. Le père Le Comte, provincial de France, appuya lui-
même sa demande par une lettre du 2 mai 1713. La permission fut accordée (LC, p. 380-381).
3 — LC, p. 409.
4 — LC, p. 414-415. L’auteur a puisé dans le père BESNARD, ancien biographe, t. II de
son manuscrit, p. 210-211.
5 — Le Secret admirable du très saint Rosaire pour se convertir et se sauver [SAR] est un des
plus beaux résumés de la tradition sur le sujet. Après quatre petites exhortations aux prédi-
cateurs de l’Évangile, aux pauvres pécheurs, aux âmes mystiques et aux enfants, Montfort
expose l’excellence du rosaire en cinq grandes parties : excellence dans son origine et son
nom, dans les prières dont il est composé, dans la méditation de la vie et de la Passion de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans les merveilles que Dieu a opérées en sa faveur et dans la
manière sainte de le réciter. L’opuscule se prolonge dans les célèbres Méthodes saintes pour
réciter le saint Rosaire et attirer sur soi la grâce des mystères de la vie, de la passion et de la gloire de
Jésus et de Marie (MR 1 à 50).
1 — VD, 110. La doctrine mariale de saint Louis-Marie Grignion de Montfort se trouve
consignée, dans ses écrits, dans trois lieux parallèles. Les voici par ordre d’importance, avec
mention de leur particularité propre . Le premier lieu marial est le Traité de la vraie dévotion à
la sainte Vierge (écrit en 1712). Montfort y traite in extenso des fausses et vraies dévotions à la
sainte Vierge, puis, parmi les véritables, il traite la plus parfaite qu’est le Saint Esclavage. Le
traité se termine par une Manière de pratiquer cette dévotion dans la sainte Communion en VD
266-273. Cet appendice ne se trouve pas dans les autres lieux. Le deuxième lieu reprend et
résume la doctrine du Traité de la vraie dévotion sous forme de lettre à une religieuse. Nette-
ment plus court, il se termine par La culture et l’accroissement de l’arbre de vie, autrement, la
manière de faire vivre et régner Marie dans nos âmes en SM 70-78. Il s’agit d’une suite de conseils
pour persévérer dans la dévotion du Saint Esclavage qui ne se trouve pas dans le Traité de la
vraie dévotion. Le troisième lieu se trouve dans le traité sur Jésus-Christ, intitulé L’Amour de la
Sagesse éternelle (œuvre de jeunesse, écrit probablement vers 1703). Ce traité se termine, en
ASE 203-222, par l’exposition des quatre moyens pour acquérir la divine sagesse. Le qua-
trième moyen, c’est Une tendre et véritable dévotion à la sainte Vierge, ASE 203-222. C’est un
condensé de la doctrine du Traité de la vraie dévotion. La formule de consécration de soi-
même à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, par les mains de Marie, se trouve à la fin de cet
opuscule de l’Amour de la Sagesse éternelle et non pas à la fin du Traité, comme on aurait
pu l’attendre. ASE 223-227.
2 — Ces sermons ont la forme de canevas, sauf le deuxième qui est beaucoup plus déve-
loppé que les autres.
3 — Les pages 147 à 150 du manuscrit. S. 214 à 223.
LA VIERGE MARIE ET SAINT LOUIS-MARIE GRIGNION 35
1 — Ce sermon est plus développé. Le plan est celui-ci : les motifs, ou nécessité de la
dévotion mariale, puis les pratiques.
2 — S 641 à 644. Suit un brouillon de sermon sur la Compassion de la sainte Vierge inséré
par M. Mulot, premier successeur de M. de Montfort aux numéros 650-651. Ce sermon n’est
pas de Montfort, bien qu’il figure sur son manuscrit. Les Loca sanctorum Patrum sont des
suites de citations latines tirées des Pères de l’Église sur les sujets traités dans les sermons
qui les précèdent.
3 — Le père Fradet, dans son étude critique des cantiques du père de Montfort, a recen-
sé 166 cantiques manuscrits, auxquels il faut ajouter, pour avoir l’œuvre complète du saint, 9
cantiques remaniés et 30 cantiques qu’on lui attribue par tradition, soit un total de 205
cantiques. Le calcul le plus consciencieux lui a permis de porter à 21 091 le nombre des vers
de ses manuscrits. Si l‘on ajoute les 390 vers des cantiques remaniés et les 1937 vers des
cantiques traditionnels, on arrive au total de 23 418 vers composés par le père Grignion. F,
notes 2 et 3, p. 16 de l’étude critique.
des gens, pour l’ordinaire, simples et grossiers, il s’étudiait moins à les faire beaux et
polis qu’à les rendre dévots. Il consultait plus, en les composant, l’Esprit de Dieu que
les règles de l’art. Aussi a-t-il réussi à y répandre un sel de dévotion, une grâce, une
onction, qu’on ne trouve point, au même degré, dans les autres. Son cœur s’y est
exprimé avec des termes si tendres et si touchants pour Jésus et sa Mère, qu’on a peine
à retenir ses larmes quand on les chante dévotement, et qu’on sent son âme adopter et
entrer dans tous ses pieux sentiments 1.
Une section entière du manuscrit porte sur la Vierge Marie 2. Voici
l’exposé du père Fradet :
Nous y trouvons 24 cantiques sur la sainte Vierge. Aucun, sauf un peut-être, n’est
le doublet d’un autre. 24 cantiques, 23 sujets différents, quelle richesse ! En voici
l’inventaire :
– 9 sur les prières en l’honneur de Marie (l’Ave et ses composés – c’est-à-dire
la petite couronne et le chapelet – le Magnificat, le Regina Cœli, le Memorare –
le Souvenez-vous –, le Stabat, l’Oraison Jésus vivant en Marie : 2 cantiques) ;
– 1 sur ses beautés (le cantique donné par la sainte Vierge au Bienheureux
Godric) ;
– 7 sur la vraie dévotion à Marie et ses degrés (La louange de l’enfant de
Marie, La louange du véritable dévot de Marie, La louange du dévot intérieur,
La louange du dévot zélé, La louange du dévot esclave. Autres : L’oraison de
l’esclave pour demander la sagesse par Marie, Notre offrande ou consécration
totale à Marie, et celle de Jésus à son Père par les mains de Marie).
– 6 en l’honneur de divers vocables de la Vierge (les cantiques en l’honneur
du Nom de Marie, de N.-D. de Toute-Consolation, de N.-D. de Toute-Patience,
de N.-D. des Dons, de N.-D. des Ombres, de Notre-Dame).
–1 enfin sur la conversion d’un pécheur par l’intercession de Marie.
L’auteur fait encore remarquer les cantiques marials que le plan ne fait
pas ressortir explicitement :
Encore convient-il de rappeler que nous avons de Montfort :
– 1°) une magnifique pièce sur Marie et la sainte Eucharistie (incluse dans
son poème sur le Saint-Sacrement (nº 36) ;
– 2°) un autre cantique sur les Désirs de la Sagesse, qu’il demande par Marie
(classé dans le chapitre spécial sur les désirs de la Sagesse, nº 74) ;
– 3°) enfin, dans les cantiques traditionnels : un cantique d’invocation à Ma-
rie pour lui demander secours et un autre en l’honneur de N.-D. du Bel
amour.
A ces 28 cantiques, il faut encore signaler un cantique entièrement ma-
rial qui semble avoir échappé au regard du père Fradet : le 7° Noël, celui
« des Enfants de Marie 3 ». Ceci porte le nombre des cantiques marials à 29.
1— B, p. 116-118.
2— Paragraphe 6 de la 1ere partie de la première section : Les grands objets d’amour de
notre âme. F. p. 38 de l’étude critique. Les cantiques se déroulent p. 133 à 184.
3 — Cantique nº 16 dans l’édition de Fradet.
LA VIERGE MARIE ET SAINT LOUIS-MARIE GRIGNION 37
Si Marie tient dans le plan divin la place que, avec la Tradition, lui assigne le
bienheureux, il est logique qu’on la retrouve en tous les sujets ; aussi vient-elle
partout, alors même qu’on l’attend le moins. Un ou plusieurs couplets, sous
forme d’allusion ou de prière, sont la conclusion habituelle des cantiques, quel-
que soit le sujet traité… Il y a, dans l’étude des cantiques, une mine précieuse
pour les prêtres désireux de prêcher Marie. Dans ce livre, elle est rappelée à tou-
tes les pages. Cette prédication continuelle de la Virgo praedicanda ne pouvait
passer inaperçue 1.
Un fait curieux, qui n’a jamais été remarqué, est à signaler ici : les lieux
où l’on peut voir ces statues montfortaines sont précisément ceux où le
saint eut une apparition de la Vierge. C’est le cas à Saint-Amand-sur-Sèvre,
La Séguinière et Landemont. Ces gestes artistiques se placeraient dans le
sillage de grâce mystique dont Montfort a été gratifié 1. M. Laurentin
remarque très justement :
Les Vierges du père de Montfort sont d’abord des centres de prières…
L’œuvre d’art était pour lui un moyen d’action, le signe durable de sa doctrine
spirituelle et l’instrument d’une réforme intérieure 2.
Montfort avait aussi de grands talents de peintre. Dans le domaine des
œuvres mariales, on peut voir à La Chèze, au diocèse de Saint-Brieuc, un
tableau qui lui est attribué : une Vierge ouvrant son manteau qui couvre
une douzaine de missionnaires 3.
1 — Sans aller jusqu’à affirmer que le saint aurait représenté la Vierge telle qu’elle lui
est apparue.
2 — M. LAURENTIN, ibid., p. 30-31.
3 — Thème cher à Montfort qui avait offert une statue de ce genre au séminaire du
Saint-Esprit de Paris fondé par son ami, Claude Poullart des Places, Voir LC, p. 410.
4 — LC, p. 496-497. Ceci est un récit historique et non pas imaginé. La châsse du saint
qui se trouve au lieu même de sa mort, chez les Filles de la Sagesse à Saint-Laurent-sur-
Sèvre, le représente dans ce dernier combat.
Conclusion
Le 23 mai 1718, soit deux ans après sa mort, le père de La Tour, jésuite,
écrivait à M. Grandet qu’il était « ravi de rendre justice à la vertu et à la
sainteté de ce grand serviteur de Dieu ». Et il ne manquait pas de souli-
gner : « Surtout une dévotion pour la sainte Vierge, qui passait tout ce
qu’on a de tendresse et de dévouement pour elle 1. »
Et, en effet, Montfort a été, toute sa vie, conduit par la très sainte Vier-
ge, que ce soit par ses grâces ordinaires ou extraordinaires ; il l’avait gra-
vée au fond de son cœur, comme il l’a révélé à son ami M. Blain ; il ne se
mouvait que par elle, avec elle, en elle, et pour elle ; il l’a aimée, prêchée,
chantée, sculptée et représentée… En un mot, toute sa vie, il a rayonné la
Vierge Marie.
C’est donc avec raison que saint Louis-Marie Grignion de Montfort a
été honoré du titre d’Apôtre marial.