Métropole de Lyon. Bac de Philo 2023 - Le Sujet Du Bonheur
Métropole de Lyon. Bac de Philo 2023 - Le Sujet Du Bonheur
Métropole de Lyon. Bac de Philo 2023 - Le Sujet Du Bonheur
Dans la voie générale, le coefficient de l'épreuve écrite de philosophie est de 8 (sur 100). Dans la
voie technologique, il est de 4 (sur 100). Archives Le Progrès/Philippe TRIAS
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Dans l'Académie de Lyon, ils sont 19 951 candidats au bac général répartis
ainsi : 3 419 dans l’Ain, 3 904 dans la Loire et 12 628 dans le Rhône. Pour la
filière technologique, ils sont 8 050 (1 409 dans l’Ain, 1 729 dans la Loire et
4 912 dans le Rhône) et 8 499 pour le bac pro (1 383 dans l’Ain, 2 250 dans la
Loire et 4 866 dans le Rhône).
Dans la voie générale, le coefficient de l'épreuve écrite de philosophie est de 8 (sur 100). Dans la
voie technologique, il est de 4 (sur 100).
Introduction
Il ne faudra qu’une rencontre à William Everhart, le héros de L’Océan est
mon frère, pour tout plaquer, partir loin de chez lui, loin de son confort
bourgeois de petit professeur d’université et s’engager comme simple
matelot sur un cargo. Dans son roman, l’écrivain américain Jack Kerouac se
plaît à décrire l’opposition entre le marin Wesley, gaillard au teint hâlé,
celui qu’ont bien connu la mer arrosée et les soirées houleuses, et William
Everhart, « avec ses théories érudites et le teint terreux de celui qui
enseigne la vie… et non de celui qui la vit. »
Si le bonheur est la satisfaction de nos désirs les plus chers, alors les
contours qu’il prend chez Wesley sont ceux du pont du navire, au petit
matin, quelque part sur l’Atlantique. Et il n’aura suffi que d’une rencontre,
et de quelques verres, pour que William Everhart se réveille un beau matin
dans un cabine sur l’eau, après la plus déraisonnable de ses décisions.
Nous verrons dans un premier temps, que pour être heureux, il faut se
méfier des passions, atteindre le calme équilibre du sage. Dans un
deuxième temps, il faudra reconnaître qu’il est bien rare, cet équilibre, et
qu’une sagesse plus tempérée serait plus raisonnable, une sagesse qui
admet les passions et les modère.
Dans un dernier temps, nous verrons qu’il ne s’agit pas du tout d’une
concession, et que la raison est bien principe et fin de la vie bienheureuse.
Le bonheur, dans cette optique, ne serait pas tant à faire qu’à attendre,
parce qu’il n’est pas notre affaire. Cette conception-là du bonheur se
renforce dès lors qu’on définit le bonheur, de manière rapide, comme la
satisfaction de nos désirs les plus profonds. Qui ne voit que ces désirs
profonds découlent de circonstances que nous ne maîtrisons pas ? Un tel
aime les fruits de la passion qui vit dans un pays tempéré : ces fruits
coûteront beaucoup plus chers que s’il vivait dans un pays tropical. Tel
autre aime les grosses Chevrolet et vit dans une ville qui les interdit parce
qu’elles sont polluantes. Vivre en Beaujolais, à Paris ou à Sao Paulo, c’est
encore une question de chance.
B. Quel est ce bonheur que nous promet la vie ordonnée, organisée? Le bien,
dès lors, c’est la perfection de l’être raisonnable. Il s’agit en se défaisant
des passions, de se défaire de ce qu’il y a d’animal en l’homme. Ce faisant,
l’homme se divinise, il gagne en autonomie, en détermination.
Au lieu de faire la fête, le stoïcien s’entraîne dur : Sénèque courait ainsi tous
les jours jusqu’à un âge avancé. Le stoïcien d’aujourd’hui aurait une montre
connectée, à n’en pas douter. Ainsi, il pourrait calculer son effort pour le
maximiser, s’optimiser soi-même dans le but de vivre à la perfection. Le
stoïcien ferait ses devoirs, à la place qu’il a reçue dans le grand tout. Mais le
stoïcien ne s’attache à rien ni personne en particulier, cela serait un risque
pour son impassibilité.
Les Feux de l’amour, très peu pour Marc Aurèle, qui décrit l’amour comme
un « frottement de bas-ventres et une excrétion de morve accompagnée
d'un spasme » (Marc Aurèle, Pensées pour moi-même). Les défenseurs
d’une morale rationnalisante sont donc rarement de joyeux drilles. Aussi, si
le bonheur est dans la raison pure, comment pourrait-il tenir ? D’ailleurs,
les stoïciens reconnaissaient eux-mêmes que les sages, seuls hommes
heureux, sont rares, et qu’il en surgit un tous les cinq cents ans à peu près.
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En effet, Épicure voit bien que la raison peut être aussi bien une source de
malheur que la manière de s’en écarter. En ce sens, la raison est à la fois
poison et remède. Car c’est rationnellement que nous nous tourmentons :
les dieux (Zeus et autres) sont-ils vengeurs ? La mort est-elle
douloureuse ? La douleur est-elle interminable ? Le plaisir, inatteignable ?
Ces quatre sources d’inquiétude rationnelles, ou quatre poisons, trouvent
dans la philosophie d’Épicure un quadruple remède.
D’abord, l’étude de la matière montre que tout est fait de vide et de plein, et
qu’ainsi les dieux ne sont rien pour nous, car ils sont des astres lointains,
faits d’atomes.
Ensuite, « la mort n’est rien pour nous », puisque comme les dieux, notre
âme n’est qu’un composé d’atomes particulièrement mobiles, qui se
délient lors de la mort. La mort est donc la disparition de notre conscience :
pourquoi, dès lors, la craindre, puisque « quand nous vivons, elle n’est pas
là, et que quand elle arrive, c’est nous qui ne sommes plus là ? ». Dit en
termes d’aujourd’hui : nous ne pouvons être conscients de la cessation de
notre conscience.
Troisième remède : si une peine est trop lourde, elle ne dure pas car elle
provoque la mort, et si elle dure, c’est qu’elle n’est pas trop importante.
Quant aux plaisirs, pourvu qu’on s’en tienne au strict nécessaire, il n’y a
pas d’inquiétude à avoir : ils sont faciles à atteindre. On le voit, ce
quadruple remède est constitué de raisonnements permettant d’éviter une
souffrance psychologique : la raison se guérit alors elle-même et atteint
l’absence de trouble de l’âme (ataraxie, dans le vocabulaire d’Épicure). La
raison se met donc au service du plaisir définit minimalement comme
l’absence de trouble de l’âme.
Une fois cela fait, il convient de ne s’occuper que des premiers. Et on le voit,
si un peu de pain, un peu d’eau, un chauffage à 17 degrés suffisent au
bonheur, la quantité de peine que nous aurons à prendre pour nous les
procurer (par le travail, mais aussi par le temps passé dans les magasins)
est moindre que si nous mangions du caviar au petit déjeuner, un casque de
réalité virtuelle au bout du nez, dans un vol transatlantique pour New York.
Le calcul des plaisirs et des peines que met en place Épicure permet donc de
minimiser les peines et de maximiser les plaisirs.
C. On le voit, si le plaisir est bien « principe et fin de la vie bienheureuse »,
la raison est omniprésente pour équilibrer les plaisirs et se défendre contre
les peines psychologiques. Si bien que chez Épicure, la raison tient une
drôle de place : le bonheur y est certes affaire de raison, mais à titre
secondaire, comme un outil.
Si nous parlons et pensons, c’est parce que nous avons une bouche et un
cerveau, mais aussi un larynx et des poumons. Autrement dit, notre
appareil respiratoire (commun avec les autres animaux) est complètement
lié aux organes qui permettent chez nous de parler (ce qu’il y a en nous de
proprement animal).
Aristote remarque ainsi dans son Éthique à Nicomaque, mais aussi dans
son Traité de l’âme, que les fonctions humaines rationnelles reprennent et
assument, en les dépassant, les fonctions que l’homme possède en
commun avec les autres animaux. Et c’est dans le perfectionnement de ces
fonctions humaines (et donc animales), que réside le bonheur.
L’homme juste est ainsi celui qui peut se mettre en colère pour les bonnes
raisons, et qui désire spontanément faire justice quand il le faut et comme il
faut. Contrairement à l’homme injuste qui peut s’énerver pour un rien, par
exemple pour « quand [il] marche en chaussettes dans la salle de bain et
qu'y a de l'eau partout » (Ça m’vénère, Palmashow), l’homme juste, lui, se
met en colère seulement pour les injustices réelles, comme « tous les
échecs scolaires, les familles déchirées » (Ça m’vénère, encore).
Conclusion
En conclusion, la raison est bien principe et fin du bonheur. Elle ne l’est pas
au sens stoïcien, au sens où elle serait la stabilisation des passions, où elle
ne dépendrait aucunement de l’occasion. Elle ne l’est pas non plus au sens
épicurien, car elle est trop noble pour servir les passions.
Si le bonheur comporte une part d’aléa, cette part reste minime et est
corrigée par la vertu. La vertu comme disposition fruit de la répétition
réconcilie l’impulsivité et la raison, car elle est une bonne délibération
automatique.
Cela nous invite à reconsidérer le cas d’Everhart, celui qui se découvre sur
le tard une âme d’aventurier. On peut considérer qu’il se l’était préparée
rationnellement pendant longtemps, en lisant de bons livres. Sa vertu de
courage était donc tapie dans l’ombre, elle n’attendait que l’occasion pour
faire affaire.
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