Manon Lescaut L'enterrement
Manon Lescaut L'enterrement
Manon Lescaut L'enterrement
Introduction
Le passage proposé fait suite à la mort de Manon, épuisée, dans les bras de des Grieux en
Louisiane. Ce récit de des Grieux constitue un sommet de la dimension pathétique du roman.
L’intérêt de ce passage se situe donc à double niveau:
- Au niveau de l’histoire: nous assistons à une scène dont le pathétique est redoublé par
l’attitude du héros devant la mort de son amante.
- Au niveau de la narration, ce récit permet au narrateur de rendre hommage à son amante. C’est
également pour lui l’occasion d’expliquer pourquoi il a survécu à son amante et donc de se
justifier. Enfin, il accomplit par ce récit un deuil commencé à la mort de Manon et poursuivi au-
delà de son ensevelissement.
Ce récit vise finalement à partager sa souffrance avec le lecteur. Nous verrons ainsi comment il le
fait.
Mouvements du texte:
1- L1 à L.4 « Mon âme……plus heureuse »: introduction où le narrateur fait le point sur sa
situation présente
2- L.5 à L.9 « Je demeurai…..sur sa fosse »: le projet d’ensevelissement conduit le héros à
s’arracher progressivement à son état de prostration (= accablement)
3- L.9 à L.23 « J’étais déjà si proche…..aimable »: la scène d’ensevelissement
4- L.23 à L.26 « Je me couchai….avec impatience »: retour à l’état de prostration initial
(La structure de ce passage est donc circulaire. La fin du passage renvoie au début de la scène.
De plus , les derniers mots « j’attendis la mort avec impatience » font écho au début du texte
« Mon âme ne suivit pas la sienne ».)
Lecture Linéaire
-L.2 à 4: « Il a voulu………heureuse ».
« Il a voulu »: châtiment divin
« traîné, depuis une vie languissante et misérable »: dévaluation de la vie terrestre
« je renonce volontairement »: sacrifice de soi dans un refus délibéré d’un possible bonheur à
venir (sacrifice accentué par l’adverbe modalisateur)
Le projet d’ensevelissement est à la fois un acte d’amour (refus de la dégradation d’un corps qui
deviendrait « pâture ») et une acceptation de l’évidence cruelle de la mort (le corps est devenu
cadavre).
Le nom « fosse » L.9 souligne cette évidence cruelle.
3ème mouvement: L.9 à 23:« J’étais déjà si proche de ma fin……………….et de plus aimable ».
- L.9 à 12: « J’étais déjà si proche……….que j’avais apportées ».
Le narrateur met l’accent sur le caractère héroïque de son effort. L’extrême affaiblissement fait de
lui une sorte de mort-vivant: « si proche de ma fin », « affaiblissement », « j’eus besoin de
quantité d’efforts », « je fus obligé de »
L’hyperbole accentuée par l’adverbe intensif « si » souligne l’héroïsme de son action et
participe à la valorisation du personnage.
Obligation: boire des « liqueurs » pour se donner de la force!
- L.13 à 16: « Il ne m’était pas difficile………..fosse »: le caractère pathétique de la scène est lié à
la simplicité des gestes et au dénuement du paysage.
Le cadre: lieu de désolation: « une campagne couverte de sable »L.14
L’objet: l’épée qui symbolise l’état de chevalier devient instrument de fossoyeur: « je rompis mon
épée » L.15
L’usage des mains pour creuser implique, de la part du personnage, un ultime don de soi dans
l’amour.
- Enfin, en employant le verbe « ensevelir »L.22, le narrateur évoque avec délicatesse la réalité
trop douloureuse de l’enterrement.`
Conclusion
Le récit de des Grieux sublime Manon et révèle l’amour exceptionnel des amants. L’émotion
suscitée par la mort de Manon inscrit cette dernière dans la lignée d’héroïnes comme Iseut ou
Juliette, mais ici, l’amant survit à la disparition de la belle. Cet hommage funèbre permet de mieux
comprendre la dimension mélancolique du roman de Prévost. Cette introduction de la sensibilité
dans le roman fait de Manon Lescaut un texte précurseur du courant romantique.