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Chapitre 2

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CHAPITRE 2 : Contexte de la réforme de la comptabilité publique en

Tunisie

A l’instar de plusieurs pays, la Tunisie a lancé une vaste réforme de sa


gestion des finances publiques qui vise à mener la gestion publique dans une
optique de performance, améliorer l’efficacité des politiques publiques,
concrétiser les principes de la gouvernance dans la gestion publique et renforcer
le contrôle parlementaire sur la gestion publique par le biais d’une reddition de
compte de qualité.
Ce processus de réforme de finances publiques s’est traduit par une
révision du cadre de gestion budgétaire et comptable de l’Etat, des collectivités
locales et des établissements publics administratifs.
Le présent chapitre vise à présenter le contexte de la réforme du cadre de
la comptabilité publique en Tunisie, la genèse de la création du CNNCP, son
cadre juridique et règlementaire, et la stratégies adoptées par le CNNCP eu
égard des normes IPSAS. Il a également pour objet de définir le référentiel
comptable de l’Etat, des collectivités locales ainsi que les établissements publics
administratifs et de présenter la procédure officielle adoptée par le CNNCP pour
l’élaboration des normes des comptes publics.
 La réforme de la comptabilité de l’Etat

Le ministère des finances s’est engagé ses dernières années dans une vaste
réforme qui vise la modernisation des finances publiques à travers la révision du
cadre de gestion budgétaire et comptable. Cette réforme couvre les trois axes
majeurs de l’activité financière de l’Etat à savoir le budget, la performance et les
comptes publics.
La révision du cadre de gestion budgétaire vise l’instauration d’une gestion axée
sur les objectifs et s’achemine par conséquent d’une optique budgétaire fondée
sur les moyens vers une focalisation sur les résultats au regard à des objectifs
stratégiques tracés sur une perspective triennale.
La gestion du budget par objectifs se traduit par une présentation des lois des
finances plus lisibles qui détaillent les ressources publiques allouées aux
différentes politiques publiques en les présentant en missions et programmes
assortis d'objectifs et d'indicateurs de mesure de performance chiffrés retraçant
les effets escomptés des dépenses publiques. Ainsi, les responsables de
programmes rendront compte non seulement de l’emploi des ressources mais
aussi des performances de leurs services.

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Le but recherché est de mener la gestion publique dans une optique de
performance, d’améliorer l’efficacité et l’efficience de l’action publique et de
concrétiser les principes de la gouvernance dans la gestion publique pour plus de
transparence et une reddition de qualité au profit des parlementaires.

Cette réforme a été couronnée par l’adoption en 2019 du la loi organique n°15 -
2019 du 13/2/2019 relative à la loi organique du budget.
Cette nouvelle loi constitue l’aboutissement d’un processus de réforme entamé
en 2004 à travers l’amendement de l’article 11 de la loi organique du Budget de
1967 pour introduire la possibilité de présenter le budget de l’Etat par
programme assorties d'objectifs et d'indicateurs de mesure de la performance. A
cet effet, l’article 11 dispose que « la loi de finances peut autoriser l’affectation
des crédits selon des programmes et missions. Les programmes comprennent les
crédits [...] en vue d’atteindre des objectifs déterminés et des résultats pouvant
être évalués. Les missions comprennent un ensemble de programmes concourant
à concrétiser une stratégie d’intérêt national. Les programmes et missions sont
fixés par décret ».
Cet amendement de l’article 11 de la loi organique du Budget de 1967 a permis
une mise en œuvre progressive de la gestion budgétaire par objectifs à travers
son expérimentation par des ministères pilotes à partir de l’année 2013
conformément à une circulaire de performance des politiques publiques validé
par un conseil ministériel en juin 2012. Cette circulaire a spécifié la démarche à
suivre par les ministères pilotes pour présenter leur budget au pouvoir législatif
en mode GBO.
Cette réforme budgétaire s’est accompagnée d’une nouvelle organisation
comptable de l’Etat afin de répondre aux principes de gouvernance exigés par le
nouveau mode de gestion budgétaire par objectifs notamment de performance,
de transparence et de reddition de qualité des comptes publics. C’est ainsi que la
divulgation d’une information financière qui représente une image fidèle de la
situation financière de l’Etat et de ses performances et qui revêt notamment les
qualités de pertinence, de fiabilité et de comparabilité est indispensable pour
atteindre ses objectifs et éclairer le parlement sur les moyens alloués aux
politiques publiques et sur l’évaluation de la performance à travers l’adoption
des indicateurs de mesure aussi bien qualitatifs que quantitatifs.

Pour y parvenir, il s’est avéré nécessaire de repenser la façon et la manière


d’élaborer, de préparer et divulguer et de présenter l’information financière et ce
conformément à un nouveau référentiel comptable qui se base sur le principe de
constatation des droits et des obligations.

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Cette réflexion a été concrétiser par l’adoption d’une nouvelle organisation de
la comptabilité de l’Etat qui cohabite trois types de comptabilité à savoir :

- une comptabilité budgétaire basé sur le principe d’encaissement et de


décaissement,
- une comptabilité générale tenue selon la méthode de la partie double et sur
la base du principe de constatation des droits et des obligations et ce,
conformément aux normes fixées par des arrêtés du ministre chargé des
finances,
- une comptabilité d’analyse des coûts permettant d’identifier et de
valoriser les coûts réels des programmes mis en place pour la réalisation
des objectifs des politiques publiques.

De cette nouvelle organisation comptable de l’Etat, la comptabilité générale


émerge comme étant une nouveauté majeure par rapport au système actuel qui
s’appuie exclusivement sur la comptabilité budgétaire.
La réforme structurelle de la comptabilité publique en Tunisie réside dans la
mise en place d'une comptabilité en droits constatés qui va enrichir une
comptabilité de caisse basée sur les flux financiers et constituera la pierre
angulaire de la mise en place d’une comptabilité d’analyse de coûts des
programmes.
L'adoption du principe des droits constatés introduit notamment l'optique
patrimoniale au niveau de la comptabilité générale de l'Etat, et permettra
surement de l'enrichir par la prise en compte des éléments d'actifs notamment les
immobilisations corporelles et incorporelles et financières et les éléments de
passifs intégrant les dettes, les risques potentiels et les engagements hors bilan,
ce qui confère une vision fidèle et plus exhaustive de la situation financière et
patrimoniale de l'Etat.
La création du conseil de normes des comptes publics a constitué le premier
pilier fondamental pour la concrétisation et la mise en œuvre de réforme de la
comptabilité de l'Etat.

Ce Conseil de Normes des Comptes Publics a pour une mission essentielle de


doter l'Etat d'un référentiel comptable pour une meilleure visibilité financière
pour plus de transparence et de redevabilité, et surtout, pour une amélioration
substantielle de la qualité de l’information financière véhiculée à travers les
nouveaux états financiers composés :
 du bilan ;
 de l’état de la performance financière ;
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 de l’état des flux de trésorerie ;
 de l’état des variations de la situation nette ;
 de l’état de rapprochement entre le solde budgétaire et le solde
comptable;
 et des notes.

L'élaboration du référentiel comptable de l'Etat doit prendre en compte non


seulement les spécificités de l’Etat qui résident dans l’exercice de la
souveraineté, mais aussi les spécificités de ses règles de gestion qui ne sont pas
forcément identiques aux celles appliquées par les entreprises du secteur privé.

Ce référentiel comptable doit permettre de normaliser les comptes publics et


s’appuie sur un cadre conceptuel et des normes comptables. Il doit être au
diapason avec les pratiques internationales dans ce domaine.

 Réforme de la comptabilité des collectivités locales


Ces dernières années, le pouvoir locale en Tunisie a connu un profond
changement dans son organisation institutionnelle et administrative.
Les nouveautés substantielles de la comptabilité des collectivités locales ont
pour objectif de répondre aux exigences de la bonne gouvernance à travers plus
de transparence financière et de redevabilité (reddition des comptes).
Dans ce cadre, les collectivités locales ont l’obligation de tenir une comptabilité
budgétaire pour le suivi de l’exécution du budget, une comptabilité générale en
droits constatés permettant notamment le suivi de la situation financière des
collectivités et donne une image fidèle sur son patrimoine et une comptabilité
matière.
Par ailleurs, l’article 68 du code de la comptabilité publique a prévu que la
comptabilité générale sera tenue conformément à des normes comptables
inspirées des normes internationales élaborées par le Conseil National des
Normes des Comptes Publics.
Aussi importante qu’elle soit la comptabilité budgétaire sera renforcée par une
comptabilité générale en droits constatés qui a la caractéristique d’être plus
standardisée et plus normalisée et inspirée du référentiel comptable
internationale et s’appuie sur des normes comptables qui définissent les règles
de sa tenue.

 Réforme de la comptabilité des établissements publics administratifs

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Le paysage organisationnel au niveau des ministères est varié et en vue d'assurer
l'efficience d'une politique publique, plusieurs acteurs interviennent notamment
des directions générales, des directions régionales, des établissements publics à
caractère administratif, des entreprises publiques...
A côté du tissu administratif relevant des ministères, les établissements publics à
caractère administratif jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre des politiques
publiques et la réalisation des objectifs fixés par la stratégie globale de l’Etat.
Dans ce cadre, l’article 34 du la loi organique du budget n°15 -2019 du 13/2/2019
affirme que les établissements publics à caractère administratif contribuent à la
réalisation des objectifs d’un ou de plusieurs programmes.
Cet article permet de compléter le schéma de déclinaison opérationnelle des
programmes en sous programmes, activités et unités opérationnelles.
De cette déclinaison, les établissements publics à caractère administratif sont
considérés des unités opérationnelles qui constituent la structure chargée de
l'exécution de certaines activités et sous activités d’un programme déterminé.
Partant de ce fait, l’information financière publiées par les établissements publics
à caractère administratif joue un rôle déterminant dans le processus d’évaluation
de performance et de calcul de coûts de programme et sous programmes d’où la
nécessité de doter ces établissements publics d’un cadre comptable permettant de
répondre aux principes de bonnes gouvernances exigées par la loi organique du
budget notamment la transparence, l’efficacité et l’efficience.
Dans ce cadre, l’article 68 du code de la comptabilité publique tel que modifié
par la loi des finances n °2013-54 du 30 décembre 2013 a prévu que les
opérations des établissements publics seront inscrites dans une comptabilité
générale conformément à des normes comptables inspirées du référentiel
international.
 Le Conseil National des Normes des Comptes Publics

a. Objectifs

L’objectif principal du CNNCP est l’élaboration d’un référentiel comptable pour


les différentes entités du secteur public.
Les principaux objectifs recherchés à travers l’élaboration d’un référentiel
comptable pour les différentes entités du secteur public sont les suivants :

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 établir des règles communes dans le double but d’uniformiser et de
rationaliser la présentation des informations comptables au service des
différents utilisateurs de l’information financière ;
 contribuer à l’harmonisation et l’amélioration des pratiques comptables ;
 aligner le système comptable des entités publiques sur les normes
comptables internationales en vigueur pour le secteur public ;
 contribuer à la démarche de la certification des comptes de l’Etat dans une
logique de comptabilité d’exercice ;
 œuvrer à la consolidation des données relatives aux entités du secteur
public.

b. Missions

Le CNNCP est un organe normatif indépendant, placé sous l’autorité du


ministère des finances. Il est composé de représentants de l’administration
publique (ministère des finances, autres ministères, corps de contrôle, etc.) ainsi
que d’universitaires et de professionnels en matière de comptabilité privée. Il a
pour mission essentielle d’émettre des avis préalables sur les projets des normes
des comptes de l’Etat, des collectivités locales et des établissements publics
soumis au code de la comptabilité publique.
Le conseil émet également un avis sur les consultations ayant trait à la
normalisation comptable, provenant des différentes structures de normalisation
comptable notamment internationales ainsi que sur les projets de textes
législatifs et réglementaires comportant des dispositions comptables relatives
aux entités publiques et les études y afférentes.
Présidé par le ministre des finances ou toute personne déléguée par le ministre
des finances, sa composition diversifiée favorise une approche participative
quant à l’élaboration de référentiels comptables pour l’Etat, des collectivités
locales et des établissements publics soumis au code de la comptabilité publique.

c. Stratégies adoptées par le CNNCP eu égard des normes IPSAS

Chaque norme du référentiel international IPSAS a été examinée de manière


détaillée lors de l’élaboration des normes des comptes de l’Etat, de la
collectivité publique et des établissements publics à caractère non administratif.
A travers cet examen, une analyse à été menée au regard des éléments suivant :

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- les IPSAS fondés sur les IFRS conçus pour le secteur privé, ne prennent
pas en compte de façon exhaustive toutes les spécificités des entités du
secteur public
- les spécificités de l’action publique en Tunisie et de son modèle
administratif, juridique et institutionnel
- les IPSAS prévoient divers choix pour le traitement comptable de
certaines opérations laissant aux normalisateurs nationaux le choix du
modèle à retenir
- le degré de développement des marchés en Tunisie et notamment du
marché financier
- le degré d’applicabilité des normes IPSAS est tributaire non seulement de
l’appréciation du rapport avantage / coût des dispositions normatives pour
l’Etat mais également de la culture comptable actuelle
- nécessité de prévoir des dispositions transitoires au niveau de certaines
normes pour tenir compte de la prédisposition organisationnelle,
technique et informatique des administrations concernées.
- motif pédagogique et d’appropriation

d. Les normes publiées, les projets en cours et les autres publications :

Les normes des comptes de l’Etat publiées :

- Le cadre conceptuel de l’information financière des entités du secteur


public approuvé par arrêté du ministre des finances du 26 novembre 2019,
portant approbation du cadre conceptuel de l’information financière des
entités du secteur public
- Norme des comptes de l’Etat, NCE 01 : présentation des états financiers :
approuvée par arrêté du ministre des finances du 27 décembre 2019,
portant approbation de la norme des comptes de l’Etat relative à la
présentation des états financiers
- Norme des comptes de l’Etat, NCE 02 : les immobilisations corporelles
approuvée par arrêté du ministre des finances du 12 septembre 2019,
portant approbation de la norme des comptes de l’Etat relative aux
immobilisations corporelles.
- Norme des comptes de l’Etat, NCE 03 : les immobilisations financières
approuvée par arrêté du ministre des finances du 12 septembre 2019,
portant approbation de la norme des comptes de l’Etat relative aux
immobilisations financières.
- Norme des comptes de l’Etat, NCE 04 : les dettes financières et les
instruments financiers à terme approuvée par Arrêté du ministre des
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finances du 12 septembre 2019, portant approbation de la norme des
comptes de l’Etat relative aux dettes financières et instruments financiers
à terme.
- Norme des comptes de l’Etat « NCE 05 : les charges » approuvée par
Arrêté du ministre des finances du 12 septembre 2019, portant
approbation de la norme des comptes de l’Etat relative aux charges.
- Norme des comptes de l’Etat « NCE 06 : les créances » approuvée par
arrêté du ministre des finances du 16 octobre 2019, portant approbation de
la norme des comptes de l’Etat relative aux créances
- Norme des comptes de l’Etat « NCE 07 : produits des opérations sans
contrepartie directe » approuvée par Arrêté du ministre des finances 2019,
portant approbation de la norme des comptes de l’Etat relative aux
produits des opérations sans contrepartie directe
Les projets de normes des comptes de l’Etat en cours de publication :

- Projet de norme des comptes de l’Etat « produits des opérations avec


contrepartie directe »
- Projet de norme des comptes de l’Etat « les stocks »
- Projet de norme des comptes de l’Etat « les immobilisations
incorporelles »
- Projet de norme des comptes de l’Etat « Les provisions, passifs éventuels
et actifs éventuels »

Les normes des comptes de collectivités locales publiées :


- Le cadre conceptuel de l’information financière des entités du secteur
public approuvé par arrêté du ministre des finances du 26 novembre 2019,
portant approbation du cadre conceptuel de l’information financière des
entités du secteur public
- Norme des comptes des collectivités locales NCCL 02 : les
immobilisations corporelles approuvée par arrêté du ministre des finances
du 12 septembre 2019, portant approbation de la norme des comptes de
l’Etat relative aux immobilisations corporelles.
- Norme des comptes des collectivités locales NCCL 03 : les
immobilisations financières, approuvée par arrêté du ministre des finances
du 12 septembre 2019, portant approbation de la norme des comptes de
l’Etat relative aux immobilisations financières.
- Norme des comptes des collectivités locales NCCL 04 : les dettes
financières et les instruments financiers à terme approuvée par Arrêté du
ministre des finances du 12 septembre 2019, portant approbation de la

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norme des comptes de l’Etat relative aux dettes financières et instruments
financiers à terme.
- Norme des comptes des collectivités locales NCCL 05 : les charges »
approuvée par Arrêté du ministre des finances du 12 septembre 2019,
portant approbation de la norme des comptes de l’Etat relative aux
charges.
- Norme des comptes des collectivités locales NCCL 06 : les créances »
approuvée par arrêté du ministre des finances du 16 octobre 2019, portant
approbation de la norme des comptes de l’Etat relative aux créances

Les projets de normes des comptes des collectivités locales en cours de


publication :

- Projet de norme des comptes des collectivités locales « produits des


opérations sans contrepartie directe »
- Projet de norme des comptes des collectivités locales « les stocks »
- Projet de norme des comptes des collectivités locales « les
immobilisations incorporelles »
- Projet de norme des comptes des collectivités locales « Les provisions,
passifs éventuels et actifs éventuels »
Les autres publications :
- Avis d’interprétation de la norme des comptes de l’Etat NCE 02 : « Les
immobilisations corporelles »

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