ENSEIGNEMENT
ENSEIGNEMENT
ENSEIGNEMENT
C hronique internationale
Introduction
La Côte d’Ivoire a placé depuis 1960 l’éducation au rang de
priorité nationale et affiche la ferme volonté de scolariser
la totalité des enfants du pays (Mian Bi, 2014). Ainsi, la
loi d’orientation no 95-696 du 7 septembre 1995 relative
à l’enseignement stipule, dans son article premier, que
« l’éducation est garantie à chaque citoyen... » (Nebout-
Arkhurst et al., 2012, p. 21). La constitution du 1er août 2000
consacre l’obligation pour l’État d’assurer un accès égal à
l’éducation à tous les enfants du pays. Dans cette perspective,
l’État a instauré la gratuité de l’éducation du CP1 (cours
préparatoire 1re année) à la classe de 6e. Et depuis 2015,
un décret a été signé rendant la scolarité obligatoire de 6 à
16 ans.
L’article 3 de la loi d’orientation mentionnée stipule que le
service public de l’enseignement est conçu et organisé en vue de
permettre l’acquisition des savoirs (savoir-faire et savoir-être),
des méthodes de travail et d’acquisition des connaissances,
la formation de l’esprit critique et le développement de la
sensibilité et de la curiosité.
Pour mettre en œuvre ce service public, l’État de la Côte
d’Ivoire recrute et forme le personnel enseignant au niveau de
chaque degré. La présente contribution, après une présentation
sommaire du système éducatif, traite de la formation pratique
des enseignants du préscolaire, du primaire et du secondaire
en Côte d’Ivoire.
Méthodologie
Pour atteindre les objectifs de la présente étude, nous avons fait une analyse documentaire. Cette
analyse a été enrichie par des entrevues semi-dirigées organisées avec les responsables des différentes
structures de formation que sont le CAFOP et l’ENS d’Abidjan. Dans le cadre de cette recherche,
nous nous sommes inspiré des démarches proposées par Van der Maren (1995) en privilégiant une
approche de type « analyse de contenu ». Elle nous a permis de faire une description sommaire du
système éducatif de la Côte d’Ivoire et de la formation pratique des enseignants.
Pour la formation des enseignants du préscolaire et du primaire, depuis 2013, l’admission se fait sur
concours directs organisés par la Direction des examens et concours (DECO), avec le BAC toutes
séries. Avant cette année, l’admission se faisait avec le BEPC pour la formation des instituteurs adjoints
et avec le BAC pour la formation des instituteurs ordinaires. Ainsi, depuis l’année 2013, les CAFOP
ne forment plus que des instituteurs ordinaires. La durée de formation est de deux années dont la
première dans les CAFOP et la seconde en stage à responsabilité dans les écoles primaires publiques
(EPP) d’application. La première année de formation au sein du CAFOP dure environ trente semaines
et se déroule en deux périodes de formation théorique alternée par deux stages en tutelle de 21 jours
chacun dans les EPP d’application (Nebout-Arkhurst et al., 2012).
La formation théorique de type pluridisciplinaire (Nebout-Arkhurst et al., 2012) se fait dans cinq
domaines disciplinaires pour un volume horaire annuel de 1248 heures :
– le domaine des langues est composé de la discipline du français;
– le domaine des sciences est composé des mathématiques, de la formation scientifique et des
TICE;
– le domaine de l’univers social est composé de la psychopédagogie, de l’histoire-géographie,
de la communication audiovisuelle (CAV) et de l’éducation aux droits de l’Homme et à la
citoyenneté (EDHC);
– le domaine des arts est composé de la discipline activité d’expression et de création (AEC);
– le dernier domaine, développement éducatif sportif et physique est composé de l’éducation
physique et sportive (EPS) et des activités coopératives.
La formation théorique pluridisciplinaire est basée sur le renforcement des compétences disciplinaires,
mais également sur la formation dans la didactique de la discipline.
Les stages en tutelle sont organisés dans les EPP d’application sous la responsabilité d’un maître
d’application pour l’encadrement de la pratique pédagogique et d’un formateur disciplinaire de CAFOP.
Avant la mise en stage de tutelle, la cellule de stage du CAFOP rencontre les maîtres d’application
pour échanger avec eux sur le stage et recenser leurs besoins. Durant les 21 jours que dure le stage
d’application, le formateur du CAFOP effectue des visites de classe. La première visite qui s’effectue
une semaine après la prise en main de la classe par le stagiaire est une visite d’observation et la seconde,
une visite d’évaluation. Les visites des formateurs sont des occasions de faire des remédiations sur
la pratique pédagogique et aussi didactique. En effet, pendant ces visites, le formateur du CAFOP
observe, à partir d’une grille préétablie, l’élève-maître pendant une séance de cours. Cette observation
est suivie d’une séance d’autocritique de la part de l’élève-maître. Le maître d’application qui participe
à cette séance propose aussi des remédiations. Le formateur du CAFOP, après une synthèse, apporte
les éclairages et ajustements nécessaires. Pour l’organisation pratique de ces stages, le CAFOP dispose
d’un cahier de suivi de tous les stagiaires. Chaque élève-maître dispose d’un cahier de critique qu’il doit
renseigner chaque jour. Le maître d’application a aussi un cahier de suivi de la pratique quotidienne
de l’élève-maître. Le formateur du CAFOP dispose, en plus du bulletin d’évaluation de la seconde
visite, un imprimé qui résume les compétences liées à l’organisation, à l’animation et à l’évaluation du
maître avec les remédiations. À la fin du stage, le maître d’application rédige un rapport qui porte sur
la ponctualité, la personnalité et les activités pédagogiques du stagiaire.
Au cours de la première année de formation théorique, chaque formateur du CAFOP encadre deux ou
trois élèves-maîtres pour la production d’un dossier pédagogique ou d’un document de projet éducatif.
Le volume horaire alloué à cette activité est de 50 heures. La première année est sanctionnée par le
Diplôme d’instituteur stagiaire (DIS). À la fin de cette année théorique, les notes de stages et de
soutenance des dossiers pédagogiques sont transmises à la DECO tandis que les bulletins de visites
sont transmis aux Inspections de l’enseignement primaire (IEP).
Pour les métiers de l’éducation et de la formation, la formation des enseignants du secondaire général
et des formateurs de CAFOP se déroule sur deux années à l’ENS d’Abidjan dans le domaine des
sciences de l’éducation et de la formation selon la nomenclature du Conseil africain et malgache pour
l’enseignement supérieur (CAMES). Si l’accès à la formation des enseignants se fait par concours directs
ou par concours professionnels, celui des formateurs des CAFOP se fait exclusivement par concours
professionnel. Les futurs enseignants des lycées et collèges issus des concours directs sont des étudiants
diplômés des universités publiques dans les matières disciplinaires : mathématiques, français, langues
(anglais, espagnol, allemand), sciences de la vie et de la Terre, sciences physiques et histoire-géographie.
Les futurs enseignants des lycées et collèges issus des concours professionnels sont généralement des
enseignants déjà en poste qui entrent à l’ENS d’Abidjan pour évoluer dans le métier. Quant aux futurs
formateurs des CAFOP, ils sont instituteurs ordinaires. Depuis la généralisation de la réforme LMD
dans l’enseignement supérieur ivoirien en 2012, l’ENS d’Abidjan forme au grade de Licence et Master
dans le domaine des sciences de l’éducation.
Avec la nouvelle réforme des collèges en Côte d’Ivoire, les futurs enseignants du secondaire premier
cycle entrent avec le niveau L2 ou Licence et préparent la Licence de professeur bivalent de collège.
Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2014-2015, la formation des professeurs bivalents du collège se fait
dans cinq blocs :
– le bloc 1 est composé du français et de l’histoire-géographie;
– le bloc 2 est composé du français et de l’éducation aux droits de l’Homme et à la citoyenneté
(EDHC);
– le bloc 3 est composé de l’anglais et l’EPS;
– le bloc 4 comprend les mathématiques et les TICE;
– le bloc 5 comprend les sciences physiques et les sciences de la vie et de la Terre (SVT).
Les formateurs de CAFOP préparent la Licence de professeur de CAFOP dans différentes options
en fonction des matières enseignées dans les CAFOP : mathématiques, formations scientifiques,
psychopédagogiques, histoire-géographie et activité d’expression et de création (AEC). Les futurs
enseignants du secondaire second cycle entrent avec le Master 1 et préparent un Master de professeur
de lycée dans différentes options en fonction des disciplines enseignées au secondaire général :
mathématiques, français, anglais, histoire-géographie, allemand, espagnol, SVT, sciences physiques et
chimie, etc.
Contrairement à la formation des enseignants du primaire, la formation des enseignants du secondaire
et des formateurs des CAFOP est une formation disciplinaire. Elle se déroule en quatre semestres
dont les trois premiers au sein de l’ENS d’Abidjan pour une formation théorique et le dernier,
consacré au stage de responsabilité dans les lycées, collèges et CAFOP de Côte d’Ivoire. Il faut noter
qu’un semestre fait 60 crédits et qu’un crédit fait 25 heures selon la norme LMD appliquée à l’ENS
d’Abidjan. Quelle que soit la discipline, le programme de formation théorique comprend des cours
de renforcement disciplinaire et des cours de sciences de l’éducation (didactique, pédagogie générale,
psychopédagogie, évaluation, philosophie de l’éducation,TICE, législation scolaire, etc.). Contrairement
à l’année théorique de formation des enseignants du primaire, l’année théorique de formation à l’ENS
d’Abidjan n’est pas ponctuée par des stages de tutelle. L’année de stage se fait sous la supervision
d’un encadreur de l’ENS d’Abidjan et d’un professeur conseiller dans le lycée, collège ou CAFOP.
L’encadreur de l’ENS est un enseignant disciplinaire de même que le professeur conseiller qui est
désigné par l’administration de l’établissement. Avant la mise en stage, les étudiants suivent des séances
de pré-stage. La séance de pré-stage débute par des renforcements didactiques qui portent sur des
simulations de cours basé sur le programme en vigueur dans les établissements, l’élaboration des fiches
de planification pédagogique et l’utilisation des grilles d’évaluation d’une séance d’enseignement. À la
fin de la séance de didactique débutent les microenseignements qui portent souvent sur un élément
d’un cours normal et ont pour objectif par exemple la maîtrise d’une habileté précise ayant été présentée
en cours de didactique : le questionnement, la variation des stimulus, l’utilisation du tableau, etc. Ces
séances, avec des pairs jouant le rôle d’apprenants, sont enregistrées dans un studio d’enregistrement. À
la fin des enregistrements, le formateur remet la cassette à l’étudiant pour faire son autoscopie à partir
d’une grille déjà préétablie. Ensuite, le formateur et les étudiants passent à la phase d’exploitation dans
la salle dédiée. Pendant cette séance d’exploitation, l’apprenant fait son autocritique, suivi des pairs qui
font des critiques et observations et enfin le formateur fait la synthèse. À la phase de la remédiation,
le formateur demande à un autre futur enseignant de présenter la même séquence de cours après
avoir suivi la séance d’exploitation. En phase de microenseignement, tout le programme scolaire doit
être vu. Et vers la fin du microenseignement, il est demandé aux futurs enseignants de faire des cours
entiers, cette fois devant des élèves, avec ses pairs qui l’observent en utilisant une grille préétablie. Cette
séance avec les élèves est filmée, suivie d’une autoscopie et une phase d’exploitation comme dans le
microenseignement. À la fin du microenseignement, le futur enseignant est capable de tenir une classe
de façon autonome.
Le pré-stage fini, les étudiants sont envoyés avec l’accord de la DELC du MENET dans leurs différents
lieux de stage. Ce stage est un stage en responsabilité. En effet pendant ce stage, l’étudiant donne
des cours, évalue les élèves et participe à toutes les activités pédagogiques au sein de l’établissement.
Toutefois, ce stage en responsabilité se fait sous la supervision d’un formateur de l’ENS d’Abidjan et
d’un professeur encadreur dans l’établissement.
Conclusion
Le présent article avait pour objectif de présenter la formation pratique des enseignants de la Côte
d’Ivoire. Pour répondre à cet objectif, nous avons fait une analyse documentaire qui a été enrichie
par des entrevues semi-dirigées des responsables de la formation à l’ENS d’Abidjan et des CAFOP.
L’analyse des données montre que le cadre institutionnel de la formation de façon générale est une
réelle force. De plus, la formation pratique des enseignants intègre une bonne dimension de sciences
de l’éducation et une bonne organisation des stages dans les établissements d’enseignement. Pour
une meilleure organisation, il serait indiqué de la mise en œuvre d’une étroite collaboration entre
l’ENS d’Abidjan et la DPFC du MENET pour la prise en compte des innovations pédagogiques
dans les programmes de formation à l’ENS d’Abidjan. Et pour améliorer la qualité de formation, il est
souhaitable de mettre en place une plateforme de formation en ligne dans le domaine de l’intégration
des TIC et des sciences de l’éducation de façon générale.
Références
Gervais, C et Desrosiers, P. (2005). L’école, lieu de formation d’enseignants. Questions et repères pour l’accompagnement de
stagiaires. Québec, QC : Presses de l’Université de Laval.
Mian Bi, S. A. (2014). Côte d’Ivoire. Intégration des TIC aux systèmes d’éducation et de formation en Afrique. Dans
Association pour le développement de l’éducation en Afrique (dir.), Intégration des TIC dans les systèmes d’éducation et
de formation en Afrique : Expériences de l’Argentine, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Paraguay, du Sénégal, de la
Tunisie et de l’Uruguay (p. 89-128). Repéré à http://www.adeanet.org/portalv2/sites/default/files/etudes_web_fr.pdf
Nebout-Arkhurst, P., M’Boua, P. A., Atta, G. K. Y., Kouame, P. K., Likpa, S. H. et Kouakou, F. G. (2012). La formation des
enseignants en Côte d’Ivoire. Dans Commission internationale de l’enseignement mathématique (dir.), La formation
des enseignants en Afrique francophone subsaharienne. Cinq études de cas : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal
(p. 18-30). Repéré à http://www.mathunion.org/fileadmin/ICMI/docs/Rapport_final._10_2012_website.pdf
Sato, A., Manso, L. et Adiko, A. (2003). Inventaire de l’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire. Repéré à
http://www.ide.go.jp/English/Publish/Download/Ars/08.html
Van der Maren, J.-M. (1995). Méthodes de recherche pour l’éducation. Montréal, QC : Presses de l’Université de Montréal.