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Les Petits Ne Veulent Pas

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LES « PETITS » NE VEULENT PLUS ETRE ESCLAVES

Dans l’après-midi à l’heure de la sortie, mon


père vint comme il l’avait annoncé.

Le directeur était dans la cour, entouré des


maîtres. Mon père se dirigea vers lui et, sans seulement

Prendre la peine de le saluer, lui dit :

- Sais-tu ce qui se passe dans ton école ?


- Rien que de très bien, certainement, dis
le directeur.
- Ah ! c’est ce que tu crois ? dit mon père.
Tu ne sais pas que les grands battent les petits, leur extorquent leur
argent et mangent leurs repas ? Es-tu aveugle ou le fais-tu exprès ?
- Ne t’occupe pas de ce qui ne te regarde
pas ! Dit le directeur.
- Cela ne me regarde pas ? dit mon
père. C2ela ne me regarde pas que l’on traite chez toi mon fils comme
un esclave.
- Non !
- Voilà un mot que tu n’aurais pas dû
prononcer ! dit mon père. Et il marcha sur le directeur.
- Espères-tu me rosser comme tes
apprentis ont rossé un de mes élèves, ce matin ? cria le directeur.

Et il lança ses poings en avant ; mais


bien qu’il fut plus fort, il était grand et plus embarrassé

Qu’aidé par sa graisse ; et mon père qui était


mince, mais vif, mais souple, n’eut pas de peine à esquiver ses points et à
tomber durement sur lui. Je ne sais pas trop comment cela fût terminé, car
mon père avait fini par terrasser le directeur, si les assistants ne les eussent
séparés.

Le directeur à présent tâtait ses joues et


ne disait plus un mot. Mon père épousseta se

Genoux, puis me prit par la main. Il quitta la


cour de l’école sans saluer personne, et je regagnais fièrement notre
concession en sa compagnie. Mais vers la soirée, quand j’allais faire un tour
dans la ville.

J’entendis sur mon passage les gens qui


disaient : « Regardez ! Voici l’écolier dont le père est allé rosser le directeur
dans son école même ! ». Et je me sentis brusquement beaucoup moins
fier… Je revins en hâte à notre concession et je dis à mon père :

- Pourquoi l’as-tu battu ? Maintenant on


ne voudra certainement plus de moi à l’école.
- Ne m’as-tu pas dit que tu ne voulais plus
y aller ? dit mon père, Et il rit bruyamment.
- Père, il n’y a pas de quoi rire ! dis-je
- Dors sur tes deux oreilles, nigaud. Si
demain, nous n’entendons pas le ronflement d’une certaine moto
bécane devant la porte de la concession, je porterais plainte à
l’administrateur du cercle.

Mais mon père n’eut pas à formuler sa


plainte, et je ne fus pas exclu car, le lendemain, un peu avant la tombée de
la nuit, la moto bécane du directeur ronflait devant la porte de la
concession. Me directeur entra, et tous, mon père comme les autres virent
au-devant de lui, disant aimablement :

- Bonsoir, monsieur.

On offrit une chaise au directeur, et mon


père et lui s’assirent, tandis que, sur un geste, nous nous retirions et les
observions de lion. L’entretien me parut des plus amicaux et il le fut en
vérité car, dès lors, ma sœur et moi fûmes dispensés de toutes les
corvées…

Et les élèves de dernière année


cessèrent de nous brimer.

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