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Sujet CAP FR 2007

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Annie Emaux raconte sa jeunesse dans un petit village de Normandie à la fin des

années 1950. Jeune fille, elle a aimé les études, ce qui n’a pas été compris par
son père, petit commerçant.

Il s’énervait de me voir à longueur de journée dans les livres, mettant sur leur
compte mon visage fermé et ma mauvaise humeur. La lumière sous la porte de ma
chambre le soir lui faisait dire que je m’usais la santé. Les études, une souffrance
obligée pour obtenir une bonne situation et ne pas prendre un ouvrier1. Mais que
5 j’aime me casser la tête lui paraissait suspect. Une absence de vie à la fleur de
l'âge. Il avait parfois l'air de penser que j’étais malheureuse.
Devant la famille, les clients, de la gêne, presque de la honte que je ne gagne
pas encore ma vie à dix-sept ans, autour de nous toutes les filles de cet âge allaient
au bureau, à l'usine ou servaient derrière le comptoir de leurs parents. Il craignait
10 qu'on ne me prenne pour une paresseuse et lui pour un crâneur. Comme une
excuse : « On ne l'a jamais poussée, elle avait ça dans elle. » Il disait que j'apprenais
bien, jamais que je travaillais bien. Travailler, c'était seulement travailler de ses
mains.
Les études n'avaient pas pour lui de rapport avec la vie ordinaire. Il lavait la
15 salade dans une seule eau, aussi restait-il souvent des limaces. Il a été scandalisé
quand, forte des principes de désinfection reçus en troisième, j'ai proposé qu'on la
lave dans plusieurs eaux. Une autre fois, sa stupéfaction a été sans borne, de me
voir parler anglais avec un auto-stoppeur qu'un client avait pris dans son camion.
Que j'aie appris une langue étrangère en classe, sans aller dans le pays, le laissait
20 incrédule2. […]
La dispute éclatait à table pour un rien. Je croyais toujours avoir raison parce
qu'il ne savait pas discuter. Je lui faisais des remarques sur sa façon de manger ou
de parler. J'aurais eu honte de lui reprocher de ne pas pouvoir m'envoyer en
vacances, j'étais sûre qu'il était légitime3 de vouloir le faire changer de manières. Il
25 aurait peut-être préféré avoir une autre fille.
Un jour : « Les livres, la musique, c'est bon pour toi. Moi je n'en ai pas besoin
pour vivre. »
Le reste du temps, il vivait patiemment. Quand je revenais de classe, il était
assis dans la cuisine, tout près de la porte donnant sur le café, à lire Paris -
30 Normandie, le dos voûté, les bras allongés de chaque côté du journal étalé sur la
table. Il levait la tête: « Tiens voilà la fille »

La Place, Annie Ernaux, 1984, Folio, Gallimard.

1
Ne pas prendre un ouvrier : ne pas se marier avec un ouvrier.
2
Incrédule : le père est très étonné; il a du mal à croire à cette idée.
3
Il était légitime : la fille considère que son attitude est juste, normale.

Durée : Session
C.A.P. Spécialité : TOUTES SPÉCIALITÉS
2h 2007
Folio
Épreuve : FRANÇAIS
1/2
QUESTIONS
COMPÉTENCES DE LECTURE (10 points)

1 Dans cet extrait, l’auteur raconte sa jeunesse.


a) Relevez, dans les deux premiers paragraphes, deux éléments qui prouvent que c’est une
femme qui s’exprime.
b) Qui est désigné par le pronom « il » à la ligne 1 ? 1,5 point

2 Pour le père, les études sont à la fois positives et négatives.


Recopiez le tableau ci-dessous et complétez chaque colonne en indiquant deux éléments du
premier paragraphe qui le montrent.

Les éléments positifs des études Les éléments négatifs des études

- -

- -

2 points

3 A la ligne 5 de l’extrait, on trouve l’expression « la fleur de l’âge ».


a) Parmi les définitions ci-dessous, recopiez sur votre copie celle qui correspond, pour
vous, le mieux, au sens de cette expression dans le texte :
- Le plus bel âge de la vie
- La vieillesse
- La jeunesse
b) Justifiez votre réponse 2,5 points

4 a) Dans les lignes 14 à 27, retrouvez les reproches que la fille adresse à son père.
b) Définissez l’attitude de la fille envers son père. 3 points

5 Annie Ernaux, lorsqu’elle écrit, s’interroge sur son comportement envers son père.
Citez une phrase des lignes 21 à 31 qui le montre. 1 point

COMPÉTENCES D’ÉCRITURE (10 points)


15 à 20 lignes
« Les livres, la musique, c’est bon pour toi. Moi je n’en ai pas besoin pour vivre. » dit à la fin de
l’extrait, le père à sa fille.
Imaginez la suite de la conversation qu’ils auraient pu avoir à ce sujet. Vous vous efforcerez de
développer les arguments de chacun.
Une attention particulière sera accordée à la présentation, à l’orthographe et à la syntaxe.

Durée : Session
C.A.P. Spécialité : TOUTES SPÉCIALITÉS
2h 2007
Folio
Épreuve : FRANÇAIS
2/2

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