Bib B3aa3ce75171.p001
Bib B3aa3ce75171.p001
Bib B3aa3ce75171.p001
DOI: 10.7202/1037501ar
Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir.
Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique
Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à
Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents
SOMMAIRE
SOMMAIRE
Francis Langevin et Raphaël Baroni.
01 University of British Columbia et Université de Lausanne
Julie LeBlanc. Université de Toronto
Introduction
Présentation
Alain Rabatel. Université de Lyon 1
13Liliane Louvel. Université
L’énonciation de Poitiers : en dialogue avec
problématisante
Déclinaisons et figures
Le Royaume ekphrastiques
d’Emmanuel Carrère: quelques modestes propositions
Laurence Petit.
Émilie Université
Goin. PaulduValéry
Université – Montpellier 3
Luxembourg
39Sublime et abjection
Analyse dans «d’action
d’un discours The Chinese Lobster
collective mis»en
derécit.
A. S. Byatt
L’Anarchie dans Les Cloches de Bâle d’Aragon
Cécile Meynard. Université Stendhal – Grenoble 3
L’Africain
Davidde Le Clézio
Bélanger. : une quête
Université des origines
du Québec entre images et mots
à Montréal
54 En contre-jour : la représentation évanescente de l’écrivain
Kirstydans
Bell.le
Université Mount Allison
roman québécois contemporain
Des ateliers et arbres : traces d’artistes dans Le livre des branches de Louise Warren
Raphaël Baroni. Université de Lausanne
72Julie St-Laurent. Université delaToronto
Comment débusquer voix d’un auteur dans sa fiction ?
« J’écris
Uneavec mes
étude deyeux » : écriture
quelques du soi etde
provocations photographie chez Nicole Brossard
Michel Houellebecq
NancyLiesbeth
Pedri. Memorial University
Korthals Altes. of Newfoundland
Rijksuniversiteit Groningen
94Re-Visualizing the Map in
Actes de cadrage, Guy Delisle’s
narratologie Pyongyang Cartoon
et herméneutique Maps de
— à propos
l’indétermination énonciative dans Sujet Angot de Christine Angot
Anthony J. Wall. Université de Calgary
Hubert Robert
Marion et la notion
Sauvaire deFalardeau.
et Érick crise (essai de « lecture
Université Laval » avec Mikhaïl Bakhtine)
121
Susciter le moment critique. De l’investissement de ressources axiologiques
Marion Colas-Blaise. Université du Luxembourg
Le verbal
FranketWagner.
l’iconique : le sens
Université et ses
Rennes 2 déplacements
148 Quand le narrateur boit(e)… (Réflexions sur le narrateur non fiable
et/ou indigne de confiance)
50. Les voix des acteurs d’un vieux film muet sont doublées
d’après les dialogues qu’ils ont réellement prononcés, que des
sourds décryptent sur leurs lèvres. Le doublage n’a de rapport
ni avec les images ni avec les intertitres.
Arborescences
Revue d’études françaises
ISSN: 1925-5357 1
Langevin et Baroni Introduction
Quand un homme dit à sa femme : « ce n’est pas toi, c’est ta mère qui
parle », il témoigne, premièrement, du fait que les significations que
l’on attribue aux mots varient suivant le locuteur auquel ils sont
assignés et, deuxièmement, du fait que les mots ne vous disent pas qui
est ce locuteur. (Fish 2007 : 135)
On notera que dans le cas mentionné par Fish, le problème n’est pas limité au
marquage linguistique de la polyphonie – ce que Jacqueline Authier-Revuz
(1982) appellerait l’hétérogénéité montrée du discours – mais inclut également
une hétérogénéité constitutive, propre à la nature même du langage humain.
En effet, tout énoncé peut être rattaché à une instance énonciative différente
de la personne qui l’articule sans que le texte et le contexte – qui certes
orientent l’interprétation – suffisent à confirmer de manière absolue cette
attribution : la femme pense probablement s’exprimer en son nom propre,
mais son mari n’est pas de la même opinion, car il prétend avoir déjà entendu
ces paroles ailleurs. Ainsi, l’hétérogénéité du discours dépend autant, en
amont, de l’origine dialogique de la parole, qu’en aval, de la manière plus ou
moins imprévisible dont elle sera interprétée dans un contexte singulier. Ce
qui, dans la conversation et les communications quotidiennes, débouche
souvent sur des malentendus plus ou moins malheureux, produit au contraire,
en littérature, de riches problématisations. Car il faut rappeler que le récit
fictionnel est d’emblée placé sous le signe de la complexité et de l’équivoque,
ce qui a amené Umberto Eco à décrire le roman comme une « machine
paresseuse » (1985 : 29) qui requiert, pour signifier quelque chose, la
coopération d’un lecteur plus ou moins modèle, ou au contraire rebelle. Et
l’hétérogénéité des interprétations se vérifie non seulement dans la manière de
Arborescences
Revue d’études françaises
ISSN: 1925-5357 2
Langevin et Baroni Introduction
Le sujet racontant, par cela même qu’il raconte, et surtout par le fait
même de raconter, en mettant en scène des centres de perspective
différents, ouvre potentiellement une boîte de Pandore d’où sortent des
voix autorisées et d’autres qui le sont moins, mais qui néanmoins
sapent l’autorité des premières, en sorte que le récit, loin d’être
l’illustration d’une vérité préétablie, ouvre sur les possibles infinis de
l’interprétation. (Rabatel 2009 : 17)
Arborescences
Revue d’études françaises
ISSN: 1925-5357 3
Langevin et Baroni Introduction
appui sur des énonciations problématisantes. Cette réflexion dialogique sur les
valeurs, la vérité et la relativité permet en définitive de « mieux entrer dans la
complexité des choses », écrit Alain Rabatel, dont la posture interprétative,
comme celle de Carrère dans Le Royaume, s’apparente à l’éthos de Luc, puis à
celui de Jésus que dessine petit à petit le romancier : « figure d’un honnête
homme toujours en recherche, qui prend en compte la relativité des choses,
des vérités, et s’oblige à d’incessantes, inconfortables synthèses ». C’est aussi la
conciliation des contraires, une ouverture aux « plusieurs manières d’accéder à
Dieu, au salut, à la vérité, à la sagesse ».
Si Le Royaume se présente d’emblée comme un foisonnement heureux
de pistes interprétatives au sein d’un cadre qui en relance les énergies
divergentes, le roman Les Cloches de Bâle (1934) de Louis Aragon, abordé
dans une perspective énonciative par Émilie Goin, ne jouit pas de la même
réputation. L’étiquette de « roman à thèse » pèse sur l’interprétation de ce
roman jugé trop esthétique par le Parti communiste et trop politique par la
critique littéraire… Goin prend le parti d’explorer le dispositif du collage qui,
dans le roman d’Aragon, donne lieu à un déplacement axiologique du cadre
interprétatif initial. La transposition étudiée est la citation (sans trace), dans le
discours d’un personnage, du texte de l’annonce d’un meeting, parue en 1906
dans le journal L’Anarchie. L’article d’Émilie Goin montre que la radicalité du
positionnement politique du journal (anarchiste et antisyndicaliste, négation
de la lutte des classes) d’où est tirée cette annonce, est en contradiction avec
ce qu’elle annonce : une mobilisation. Le personnage de Libertad, dans Les
Cloches de Bâle, devient le locuteur individuel d’un discours collectif qui
s’exprime à travers lui. L’analyse fine des points de vue de Libertad se déroule
au croisement de contradictions de voix et de valeurs qui sont ici mises en
relation avec l’image de l’écrivain Aragon qui, au début des années 1930,
« cherche à rompre avec son passé surréaliste et anarchiste pour s’engager dans
le communisme ». Si la mise en récit des points de vue de Libertad illustre
une critique du discours anarchiste, elle présente aussi un éthos qui n’est pas
sans rappeler la posture d’Aragon lui-même, parfois ambivalente, et du
programme politique et esthétique du réalisme socialiste qu’il théorise et
souhaite mettre en pratique.
Jérôme Meizoz a bien décrit ces postures qui sont aptes à modifier
l’interprétation des textes : externes à l’œuvre, elles résultent d’une
« présentation de soi dans des contextes où la personne incarne la fonction-
auteur » ; internes à l’œuvre, elles sont le résultat d’une « construction de
l’image de l’énonciateur dans et par le texte » (Meizoz 2007 : 23). Tant
Emmanuel Carrère que Louis Aragon jouissent d’un éthos d’écrivain qui les
précède et que leur œuvre nourrit, ces rôles préconstruits et toujours en
construction. C’est parce qu’elles peuvent être plurivoques que ces postures
retiennent l’attention, qu’elles peuvent générer une adhésion et qu’elles
peuvent aussi pointer en direction des valeurs. Qu’il s’agisse de fictions ou des
formes variées de l’autobiographie ou de l’essai personnel, les stratégies
Arborescences
Revue d’études françaises
ISSN: 1925-5357 5
Langevin et Baroni Introduction
Arborescences
Revue d’études françaises
ISSN: 1925-5357 6
Langevin et Baroni Introduction
prétendant excéder l’espace qu’elles ont pour fonction de fonder ».1 Dans Le
discours littéraire, il insiste sur la productivité du paradoxe de l’auctorialité :
1
Définition tirée du glossaire que l’on trouve sur le site de Dominique Maingueneau. URL :
http://dominique.maingueneau.pagesperso-orange.fr/glossaire.html#Para. Page consultée le
16 août 2016.
Arborescences
Revue d’études françaises
ISSN: 1925-5357 7
Langevin et Baroni Introduction
C’est sur ces « sujets lecteurs » que se penchent Marion Sauvaire et Érick
Falardeau dans leur article, qui présente les résultats d’une étude empirique
visant à observer quelles ressources axiologiques des élèves de lycée (France) et
de cégep (Québec) mettent en œuvre pour interpréter la nouvelle fantastique
« La plage des songes » de Stanley Péan (1998). Il s’agit plus précisément
d’observer comment ces lecteurs en formation « prennent conscience
réflexivement du caractère subjectif de leur lecture et en particulier des
présupposés idéologiques et axiologiques qui influencent leurs
interprétations ». Cette compétence « métaherméneutique », pour reprendre
le terme employé dans ce numéro par Korthals Altes, est analysée dans des
textes réflexifs rédigés par les élèves. Les travaux antérieurs de Sauvaire (2013)
Arborescences
Revue d’études françaises
ISSN: 1925-5357 8
Langevin et Baroni Introduction
2
En français, l’« implied reader » de Booth est tantôt traduit par « auteur implicite » (ce qui
semble être la traduction la plus littérale, et c’est d’ailleurs le terme que l’on trouve dans le
seul article de Booth publié en version française dans la revue Poétique) tantôt par « auteur
impliqué » (terme utilisé notamment par Genette dans Nouveau discours du récit).
Arborescences
Revue d’études françaises
ISSN: 1925-5357 10
Langevin et Baroni Introduction
Références bibliographiques
Arborescences
Revue d’études françaises
ISSN: 1925-5357 11
Langevin et Baroni Introduction
Arborescences
Revue d’études françaises
ISSN: 1925-5357 12