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Constructivisme Et Évaluation

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Formation et pratiques d’enseignement en questions

Constructivisme : quelle place pour l’évaluation ?1

Britt-Mari Barth2,
Institut Catholique de Paris, France

L’évaluation et le socio-constructivisme : un exemple


Une question de recherche au cœur de mon propre enseignement est de comprendre com-
ment l’évaluation peut devenir un lieu authentique de participation au bénéfice de l’étu-
diant, où il puisse s’investir avec ce qu’il sait, avec ce qu’il est, pour approfondir sa com-
préhension, prendre conscience de ses compétences intellectuelles et les faire évoluer.
C’est ce que certains appellent évaluation formatrice. Je vais donner un exemple extrait de
mon cours en pédagogie, intitulé Une approche socio-cognitive de l’apprentissage. Mes étu-
diants sont pour la plupart des enseignants de tous niveaux et disciplines qui préparent un
diplôme universitaire à leur propre initiative, pour continuer à faire évoluer leur métier. Ils
enseignent aussi bien à la maternelle qu’à l’école primaire, au collège ou au lycée. Le cours
se déroule sur 14 semaines et dure deux heures chaque fois. La taille des groupes est de 20
à 30 étudiants : nous sommes une petite faculté.
Le contenu de mon cours s’appuie sur un cadre théorique transdisciplinaire qui permet de
comprendre la pédagogie en fonction d’une certaine conception de ce qu’est l’acte d’ap-
prendre. Ce sont donc des concepts choisis par moi que je souhaite transmettre aux étu-
diants. Ce cadre se réfère à des auteurs choisis, comme les psychologues Lev Vygotski,
Jérôme Bruner et Howard Gardner, les neurobiologistes Francisco Varela et Antonio
Damasio, les philosophes Nelson Goodman et Jean Ladrière, l’anthropologue Clifford
Geertz. Ils ont en commun de concevoir l’homme qui apprend comme un être situé sociale-
ment, historiquement et culturellement. A la fin du cours, je souhaite que mes étudiants
aient acquis une compréhension approfondie des trois questions suivantes : « Que veut dire
apprendre ? », « Comment peut-on conceptualiser ce qu’est le savoir ? » et « Quel est le rôle
de l’enseignant ? »
Une compréhension approfondie veut dire qu’on sait discerner et utiliser les concepts
étudiés pour répondre aux questions posées, dans un contexte donné. Cela pourrait se
traduire par la capacité à analyser des séquences réelles d’apprentissage à la lumière des
concepts du cours et de porter un jugement argumenté sur le processus enseigner/appren-
dre. Par exemple : « Qu’est-ce qui permet de dire que les élèves ont appris ? » ou « Quelles
conditions ont été mises en œuvre ? »

1. Notes d’une conférence donnée à l’occasion de l’Assemblée générale de la FIUC (Fédération


Internationale des Universités Catholiques), tenue à Fremantle, West Australia en 2000.
2 Contact : bmbarth@hotmail.com

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J’obtiens l’adhésion des étudiants sur ces objectifs dès le premier cours, en leur expliquant
la finalité de celui-ci. C’est donc le transfert des connaissances (savoir utiliser le savoir
appris dans un contexte non-familier) qui va guider notre travail, c’est-à-dire non seule-
ment la maîtrise (mémorisation) des savoirs et des savoir-faire considérés, mais leur appli-
cation à des situations diverses dans des contextes nouveaux. Il est important que tous les
étudiants comprennent les questions et la finalité du cours dès le départ pour que les acti-
vités proposées prennent sens pour eux. Nous visons des objectifs de connaissances, mais
il faut aussi s’imaginer ce qu’on peut faire de ce qu’on sait, comment permettre au savoir de
se manifester, comment faire la démonstration de sa compréhension. Cette anticipation
guide et stimule l’apprentissage.
Mon cours n’est pas un cours magistral, car j’ai besoin d’un échange plus étroit avec les
étudiants pour comprendre ce qu’ils comprennent par rapport aux idées étudiées. Cela me
permet d’ajuster mon cours et de proposer des lectures ou d’autres activités de réflexion.
J’utilise donc différents modes d’exposition pour transformer le contenu en diverses situ-
ations permettant la réflexion. Cela permet d’approcher les concepts dans des contextes
variés, accessibles. Cela peut être une situation vécue d’apprentissage que nous analysons,
une mini-expérience à mener sur place et à analyser. Ou alors une question de fond que
nous explorons et discutons, par exemple : « En quoi peut-on soutenir que l’apprentissage
précède le développement ? » ou « Quel est le rôle des outils culturels dans la formation de
l’esprit ? » Pour répondre à de telles questions, les étudiants ont besoin des concepts
étudiés dans le cours, ils les utilisent et les apprennent dans le même temps.
Les étudiants travaillent un temps ensemble en sous-groupes pour formaliser leur réflexion
et pouvoir ensuite la présenter aux autres. Je vais de groupe en groupe pour partager le
cheminement de leur pensée et veiller à ce que l’enjeu de la question posée soit montré et
que chaque opinion énoncée soit argumentée. Toutes ces activités ont en commun de créer
une attention commune à partir d’un objet d’attention partagé, joint attention selon le terme
de Jérôme Bruner, ce qui est une condition de participation. On ne peut pas penser ensem-
ble dans le vide, on a besoin d’un support commun. Pour en garder une trace, je rédige des
notes de synthèse qui complètent les notes de synthèse rédigées par les étudiants.
L’évaluation commence dès le premier cours. Je me réfère à ce genre d’évaluation forma-
trice par le terme utilisé à l’Université de Harvard : process-folio, variante de portfolio dans
lequel les étudiants collectent les productions de leur choix pendant la durée du cours et
qui témoignent de leur progression. L’idée ici est que les étudiants commencent à réfléchir
sur le contenu du cours en le rapprochant du contexte qui est le leur. La règle est de
pouvoir mettre ce qu’on souhaite dans ce dossier, à condition d’expliquer le lien entre le
document et le cadre théorique que nous étudions. Ce qui est au centre de cette évaluation
formatrice est le processus lui-même par lequel l’étudiant va entrer progressivement en
contact avec le savoir enseigné et se l’approprier. L’étudiant n’est pas dans une position de
soumission où il doit dès le départ se conformer à des réponses déjà prévues, il a le droit
de commencer par sa propre interprétation, d’explorer les idées à partir de son histoire
personnelle.
Avec les étudiants, nous avons décidé que ce dossier ne donnerait pas lieu à des notes
chiffrées pendant la période d’apprentissage, seulement à une appréciation de ma part sur
la pertinence de leurs productions. Parfois, il s’agit de quelque chose de bref, surtout au
début du cours, comme par exemple des questions posées par rapport à son propre con-
texte ou des tentatives de rapprochements avec ce qu’on sait déjà à ce sujet. Pour chaque
rencontre, j’examine les dossiers, je fais des commentaires précis et je propose des lec-
tures ou de questions nouvelles. Cela devient un lieu d’échanges. Progressivement, le

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volume et la diversité augmentent, je trouve des notes de lectures commentées, des


extraits d’un journal de classe, des préparations de cours et des séquences d’apprentis-
sage entièrement analysées, parfois sous forme de vidéo-cassette, etc. Nous approchons du
but du cours : savoir utiliser les concepts enseignés pour réfléchir et agir dans le contexte
de l’objet d’étude, soit le processus enseigner-apprendre. Si l’on n’a pas le temps dans le
cadre scolaire d’examiner un dossier par élève, on peut prévoir d’autres arrangements. Un
dossier pour deux ou trois élèves, même un dossier pour la classe.
Les productions de ces dossiers peuvent également servir de support pour le cours ; de
cette façon, ce sont les étudiants eux-mêmes qui apportent les éléments de réflexion et
reçoivent en retour des commentaires multiples de tous les membres de cette communauté
d’apprenants. La collaboration prime sur la compétition et une sensibilité se développe
dans le groupe qui permet de mieux apprécier les apports variés et divers.
Le type de travail requis peut donc varier. Les uns, plus habitués à travailler à partir de lec-
tures, ont plus de facilité pour rédiger des commentaires, des topos, des notes, des analy-
ses de textes. D’autres, étant davantage tournés vers leur expérience, peuvent faire un tra-
vail intellectuel aussi important par des voies différentes ; par exemple par l’analyse des
situations vécues ou par l’élaboration d’outils pédagogiques. Ne pas exiger la même forme
d’évaluation de tout le monde permet une plus grande équité et une plus grande prise en
compte des différences ; celles-ci ne sont pas à mesurer en terme de supériorité ou d’infériorité,
elles doivent être appréciées selon les critères qu’on s’est donnés. Si l’on n’a pas eu cette
expérience pendant ses études, on risque de perpétuer une vision trop unilatérale du
savoir à évaluer.
Parfois, les étudiants arrivent, inquiets, en me disant que certains documents qu’ils ont mis
au début ne seraient pas très conformes, et me demandent s’ils peuvent les retirer. Je leur
propose de garder le document en y ajoutant les critiques qu’ils souhaitent y apporter. On
sent cette crainte, sans doute conditionnée par l’expérience scolaire, de ne pas avoir donné
« la bonne réponse » ; ou également par l’idée que l’erreur n’est pas permise, ni le tâton-
nement, ni le doute. J’espère que cette expérience leur donnera la confirmation que le
savoir se construit progressivement, en passant par l’exploration, par des interrogations,
par des approximations ; que les questions sont aussi importantes que les réponses, surtout
les siennes propres ; qu’il n’y a pas une bonne réponse universelle à laquelle tous doivent
se conformer, que le savoir a beaucoup de facettes. Le savoir est contextualisé, comme le
philosophe Ludwig Wittgenstein nous l’a appris, et ce qui vaut dans un contexte peut être
différent dans un autre contexte. Je sens un grand soulagement de leur part et une nouvelle
énergie jaillit, personnelle. Ils ressentent alors le besoin d’aller plus loin dans leurs
recherches et me demandent souvent des conseils pour des lectures supplémentaires ou
en proposent eux-mêmes que nous ajoutons à la bibliographie.
Selon nos règles universitaires, le dossier de chacun doit compter pour 40% dans la note
finale. J’ai donc également l’obligation de donner un examen final sur table. C’est à ce
moment que le travail du dossier va trouver son utilité : les étudiants sont tous préparés à
passer cet examen. Comme convenu, celui-ci va consister à étudier et à analyser la trans-
cription d’une séquence d’apprentissage, réussie ou non, où il faudra se servir de ses nou-
velles « lunettes conceptuelles ». Certaines questions guident l’analyse, mais il y a une
assez grande souplesse pour choisir les éléments qu’on souhaite analyser.
Les étudiants savent, dès le premier cours, qu’ils ont le droit d’apporter leurs notes person-
nelles à l’examen. C’est pour les rassurer que je le leur permets, car je sais qu’ils ne vont ni
avoir le temps ni le besoin de les consulter : en effet, il ne s’agit pas de recopier des

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réponses mais d’utiliser le savoir acquis pour porter un jugement critique. C’est cet
examen que je dois noter ; je donne ensuite la même note au dossier qui a servi à se pré-
parer à l’épreuve. Cette façon de valoriser le process-folio après-coup me paraît juste et
correspond à une conception de l’apprentissage qui intègre l’évaluation en cours de route.
En effet, dans le système que je viens de décrire, les étudiants ont la possibilité tout au long
du cours de vérifier leur compréhension, de rectifier le tir, si nécessaire, sans être jugés en
cours d’apprentissage. Ceci est vrai également pour l’enseignant : on a le temps et la possi-
bilité de partager le cheminement de la pensée de ses élèves, de les accompagner réelle-
ment dans leur apprentissage, de faire et de penser avec eux. On leur prête en quelque
sorte sa conscience, « ses lunettes conceptuelles », pour un bout de chemin, afin qu’ils
acquièrent des outils pour interpréter la réalité et qu’ils puissent s’en servir seuls en temps
utile. C’est les armer pour éviter qu’ils ne deviennent des voiceless, des sans voix, selon le
terme de Carol Gilligan à l’Université de Harvard, qui se réfère à ceux qui ne font plus con-
fiance à leur propre voix et qui ne s’expriment qu’à travers la voix des autres.
L’épreuve sur table se déroule non pas à la dernière séance – elle serait sans appel – mais à
l’avant-dernière séance. Ainsi elle contribue à la formation des étudiants et nous avons le
temps de les faire participer à la notation. Voilà comment nous procédons : je consacre un
temps entre l’examen et le dernier cours pour lire les copies et y choisir quelques réponses
particulièrement pertinentes. Je fais attention à choisir des réponses variées.
Au dernier cours, je propose aux étudiants de se grouper par trois. A présent, nous nous
connaissons et un climat de confiance et de solidarité règne dans le groupe. Je parcours les
questions posées à l’examen et je demande aux étudiants qui ont proposé des éléments
d’analyse particulièrement pertinents de les lire à haute voix. Cela nous donne des échan-
tillons à apprécier selon les critères donnés au départ. Quand nous avons abordé toutes les
questions et les exemples justifiés, je leur propose, dans chaque groupe de trois, d’échan-
ger leurs copies et de proposer des notes chiffrées pour chaque question selon les critères
et le barème donnés. Faire cela à trois facilite l’objectivité et permet ni de se sous-estimer
ni de se surestimer. Bien entendu, je suis responsable de la notation finale, mais je peux
constater que nous partageons une compréhension des critères d’évaluation et que, s’il y a
une différence, c’est que l’étudiant est plutôt trop sévère avec lui-même. Voici un exemple
de critères que nous avons utilisés pour porter une note chiffrée :
1. Qualité de l’analyse : 12 points sur 20
- Utilisation correcte des concepts
- Mise en relation pertinente des concepts et apports théoriques avec le matériau
empirique
- Références explicites
- Profondeur/élaboration des analyses
2. Qualité du recul critique : 5/20
- Recul critique par rapport au modèle théorique
- Explicitations des implications pédagogiques
- Liens explicités avec d’autres référents théoriques
3. Qualité de l’écriture : 3/20
- Présentation formelle
- Structuration de l’exposé
- Concision
- Clarté, intelligibilité

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Formation et pratiques d’enseignement en questions

Ce travail permet aux enseignants que sont mes étudiants – ainsi qu’à moi-même – de con-
tinuellement nous poser la question de l’équité et de l’objectivité de la note finale qui va
compter pour l’accès à la suite des études. Est-ce que chacun a eu la possibilité de com-
prendre ce qui est demandé et l’occasion de s’entraîner pour savoir le faire ? La conception
qui sous-tend de telles pratiques est que le savoir n’est pas un produit statique mais plutôt
une façon de connaître, quelque chose qui est de l’ordre d’un faire : ce qu’on fait quand on
connaît, un savoir-connaître. Je pense qu’il s’agit également d’une façon d’être, d’une atti-
tude. Si c’est une telle conception du savoir qu’on souhaite valoriser, il faut que le mode
d’évaluation soit cohérent. Bien entendu, ce qu’on évalue est lié à la conception de dif-
férentes cultures du rapport au savoir.
Pour finir, je demande aux étudiants d’évaluer l’examen lui-même : « Pensent-ils qu’il est
cohérent avec les objectifs du cours ? Qu’il est juste ? Qu’il leur a permis d’apprendre ? »
Cela permet de prendre du recul et de devenir conscient de ce qu’exige la construction
des connaissances. Notre propre pensée devient l’objet de notre pensée ; c’est ce qu’on
nomme la métacognition qui a pour objet de nous rendre conscients de notre propre fonc-
tionnement intellectuel. Ce qui me touche le plus, c’est que tant d’étudiants (tous des
adultes professionnels) me disent que c’est la première fois qu’ils sont allés à un examen
sans peur et avec l’idée de montrer ce qu’ils savent plutôt que de se faire contrôler sur ce
qu’ils ne savent pas. Cela témoigne bien de l’importance de la confiance en soi pour réussir
quelque chose. Je pense qu’ils vont transmettre cette attitude à leurs propres élèves.
Je ferai en conclusion deux remarques. En fait, le process-folio – qui, bien entendu, n’est
qu’une voie parmi d’autres pour aller dans ce sens – suffit pour évaluer les étudiants, et il
faut sans doute revoir certains types d’examens qui sont devenus caduques par rapport à la
conception que nous avons aujourd’hui de l’apprentissage. Les pratiques évaluatives du type
« contrôle de connaissances » ne prennent pas en compte la nature contextualisée et
« distribuée » (Perkins, Salomon) du fonctionnement cognitif, c’est-à-dire la façon dont la
pensée humaine se déploie dans le contexte social et culturel réel. On n’apprend donc pas
seul (et l’on n’enseigne pas seul non plus !) et le fonctionnement cognitif n’est pas sépara-
ble du contexte particulier, social et affectif, dans lequel il se déroule.
Ma dernière remarque concerne les enjeux de la pédagogie et de l’évaluation en général.
Pour que l’évaluation contribue à la construction de la personne, elle doit impliquer, engager
les étudiants à la fois cognitivement et affectivement. L’activité cognitive naît dans des espaces
relationnels qui la rendent possible. Il est indispensable qu’ils adhèrent au projet et y par-
ticipent. Cette participation suppose une clarification des enjeux personnels, qui passe par
l’établissement de l’intersubjectivité, c’est-à-dire une entente explicite non seulement sur
l’objet de l’apprentissage mais aussi sur les enjeux relationnels et sociaux ; ceci pour qu’ils
s’y engagent. La pensée ne se déploie pas dans le vide, nous revenons donc sur l’impor-
tance de l’interaction de l’individu avec son milieu. L’intelligence, dit le biologiste
Francisco Varela, « c’est la capacité de pénétrer un monde commun ». Ce monde commun,
il faut l’établir.
Penser l’apprentissage comme un acte intellectuel pur qui se passe d’émotions est
dépassé. On sait aujourd’hui que le bon fonctionnement intellectuel dépend de la percep-
tion de nos émotions, notamment de la façon dont nous percevons la place qui nous est
réservée dans la société ou dans un groupe, de la confiance que nous pouvons avoir dans la
relation pédagogique, de l’image de nous-même qui nous est renvoyée par autrui. Il faut
donc, à mon sens, oeuvrer pour mettre l’évaluation en accord avec les avancées de la
pédagogie, et ceci d’autant plus qu’on se situe dans la perspective d’une formation
i n t é g r a l e, une formation de la personne. Cette formation concerne la personne dans son

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Constructivisme : quelle place pour l’évaluation ?

intégralité, c’est-à-dire dans son rapport aux savoirs, aux valeurs, aux autres et à soi. Elle
devrait alors rompre avec le formalisme et l’individualisme à l’œuvre dans certaines formes
traditionnelles de l’enseignement universitaire pour se fonder sur une conception plus
complexe de l’apprentissage et du développement humain.
Connaître est donc une façon d’être au monde. On ne peut séparer les connaissances de la
personne : une pédagogie qui est centrée sur la personne doit nécessairement en même
temps être centrée sur la construction de son savoir lequel peut donner sens à sa vie en lui
permettant de participer à une communauté ; con-naître, dans le sens de Paul Claudel,
naître avec d’autres, ensemble. Œuvrant avec enthousiasme pour l’épanouissement de
leurs élèves, les jeunes enseignants – qui sont mes étudiants – expriment souvent le désir
« d’opter pour la personne plus que pour des connaissances. » Cette option sous-estime
l’importance des connaissances dans la construction de la personne. Si l’on considère les
connaissances comme inséparables de la capacité d’agir et de participer dans une culture,
elles sont indispensables pour être créatif et autonome, pour se comprendre soi-même et
les autres et pour comprendre le monde dans lequel nous vivons. Peut-on alors séparer les
connaissances de la personne ? N’est-ce pas former la personne elle-même que de lui ren-
dre les connaissances accessibles, utilisables ? Cela implique un choix de ce qui vaut la
peine d’être enseigné, et aussi une clarification mutuelle des modes d’évaluation qui per-
mettent de manifester la compréhension de ces savoirs.
Le sens de chaque savoir est d’être au service de l’humanité : aider non seulement chaque
individu mais également les générations à venir. Chaque individu représente un moment
dans le développement de la société et sa façon de connaître va influencer celui-ci.
L’évaluation peut alors devenir un moyen de faire prendre conscience au sujet de ses pro-
pres qualités et de lui donner l’espoir, l’espérance, d’un avenir digne de ses aspirations.
Notre exemple a cherché à analyser les conditions qui permettent à l’évaluation de devenir
un lieu authentique de participation et de communication et où le dialogue permet à chacun
d’avancer sur le chemin de l’autoévaluation et, in fine, à l’autonomie.

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