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Cours Droit Des Entreprises en Difficultã© 2023-2024

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Faculté des sciences juridiques et politiques

Département des sciences juridiques

Module : Droit des entreprises en difficulté


(S5)
- La prévention des difficultés
-La procédure de sauvegarde
- Le redressement judiciaire
- La liquidation judiciaire

Pr. Abdelaziz EL IDRISSI

Année universitaire : 2023-2024


1- Présentation de la matière

- La notion des entreprises en difficulté :

Qu’est-ce qu’une entreprise en difficulté ? Comment expliquer que de plus en plus


d’entreprises connaissent aujourd’hui des difficultés ? Comment se traduisent concrètement
ces dernières au sein d’une société ? Les entreprises sont des structures commerciales, des
individus du monde des affaires qui, comme tout être humain, naissent, vivent et meurent.
Dynamiques, elles s’épanouissent sans grand encombre. Fébriles, elles sont souvent victimes
de difficultés internes et externes dont le traitement, à titre préventif ou curatif, a de tout
temps appelé l’intervention constante du législateur. Les entreprises constituent le poumon du
développement aussi bien économique que social de tout pays. En effet, tous les pays que l’on
désigne aujourd’hui sous le nom de pays développés doivent leur puissance au dynamisme du
secteur privé.

L’entreprise est au cœur de l’activité économique d’un pays. Quelque soi sa forme
juridique, son mode de fonctionnement ou encore son objet, elle contribue à la croissance
d’un pays dans lequel elle exerce. Le contexte actuel regorge de difficultés qu’elles soient
financières, techniques ou encore managériales. Aucune structure n’est épargnée même si
chaque cas est différent. Les premières à être touchées sont les petites et les moyennes
entreprises car elles sont en général sous capitalisées et n’ont pas les compétences pour les
confronter. Le contexte de crises et de récession économique par lequel est passée notre
économie et qui a marqué cette dernière décennie a redu vulnérable nombre d’entreprises
marocaines, pour la plupart des PME et PMI, pour lesquelles leur activité et continuité repose
essentiellement su le crédit. En pratique, ces entreprises, qui constituent la trame du tissu
économique national, rencontrent quotidiennement des incidents de fonctionnements, tel
qu’ils risquent d’avoir un impact financier irrémédiable sur leur exploitation.

L’endettement est la principale source de financement externe des entreprises.


Lorsqu’une entreprise débitrice n’apparaît plus en mesure de faire face à ses engagements, sa
dette doit être renégociée et l’entreprise peut être liquidée. Ce processus est mené par le juge
judiciaire et encadré par le droit des entreprises en difficulté. Les modalités de gestion des
défaillances d’entreprises sont un enjeu essentiel pour les entreprises marocaines. D’une part,
elles doivent permettre aux entreprises défaillantes de se réorganiser rapidement en vue de

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redéployer efficacement leurs ressources et leur capital humain. D’autre part, les anticipations
initiales des prêteurs potentiels quant à la résolution d’éventuelles défaillances sont un
déterminant important de l’offre de crédit, et donc de la capacité de financement des
entreprises.

A l’image de toutes les crises mondiales, la question de l’économie est au centre des
priorités de tous les Etats. Par ailleurs, les principales théories des cycles économiques
défendent une alternance entre croissance et crise. Bien évidemment le point critique se
trouve ici : les entreprises doivent trouver les capacités pour passer les phases de la dépression
à la phase de la reprise. Ce cheminement peut être plus au moins long selon les compétences
du personnel, les moyens financiers dont l’entreprise dispose, et le contexte juridique
régissant le domaine.

Une entreprise en difficultés ne rime pas obligatoirement avec dépôt de bilan


(exemples : accès difficile au crédit bancaire, incompétence des dirigeants, etc.) Cette
qualification est attribuée lorsqu’une entreprise est face à des obstacles plus au moins
importants. Les entreprises peuvent subir ce que l’on appelle la défaillance. Cette situation est
la conséquence d’un nombre élevé d’obstacles auxquels la société doit faire face. Le
processus de la défaillance est progressif. En ce sens, une société est tout d’abord défaillante
économiquement puis financièrement et enfin juridiquement.

En quelques mois, le déferlement imprévisible et irrésistible de l'épidémie de


coronavirus à travers le monde a contraint le gouvernement à adopter des mesures d'urgence
provoquant un ralentissement de notre économie en raison du confinement de la population et
de la fermeture massive de la plupart des établissements recevant du public. Les conséquences
de la pandémie sur l’économie marocaine sont très difficiles à évaluer pour le moment mais il
est certain que l’on peut d’ores et déjà prévoir une baisse drastique du PIB, puisque l’on
assiste à une baisse du chiffre d’affaires pour de nombreux secteurs de l’économie. Les
mesures sanitaires prises pour enrayer la prolifération du Coronavirus se sont traduites pour
les entreprises par l'arrêt ou la réduction de leur activité. Afin de limiter ces défaillances,
l’Etat a déjà pris plusieurs mesures en faveur des entreprises pour leur permettre de surmonter
les difficultés existantes : report des échéances sociales et/ou fiscales, report des loyers et

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charges ainsi que des factures de fournisseurs d’énergie, dispositif de garanties permettant de
soutenir le financement bancaire des entreprises.

Les actions gouvernementales destinées à soutenir les entreprises sur le plan


économique, financier et social ont rapidement montré leurs limites. Une entreprise peut ne
pas être éligible aux prêts aidés/garantis par l'État lorsqu'elle est en difficulté au sens de la
législation. La nécessité d'un traitement judiciaire – au mieux préventif – mais spécifique au
contexte sanitaire et à l'urgence économique s’est rapidement imposée. C’est dans ce contexte
qu’il faut évaluer les mesures de soutien prises par l’Etat afin de savoir si elles sont adaptées
aux différents secteurs d’activités pleinement touchés (tourisme, transport, restauration, etc.)

-L’intérêt du droit des entreprises en difficulté :

L’entreprise, centre de création de richesses ou de services, est apparue


comme un support de l’emploi et un élément du tissu économique. Sa disparition risquerait
alors d’avoir de graves conséquences dans la vie économique, sociale et politique. La
dégradation de la situation de l’entreprise s’accroit le plus souvent de façon exponentielle. Si
les organes sociaux ne réagissent pas assez vite, les mesures prises auront toujours un temps
de retard par rapport aux besoins. En outre, la société se privera des outils de sauvetage
amiables dont le succès repose souvent sur la célérité. Il faut favoriser une intervention aussi
prompte que possible : « mieux vaut prévenir que guérir ». Le législateur marocain ne
s’éloigne de cette grille de lecture. Le temps est un facteur déterminant : plus les difficultés
s’amoncellent, s’intensifient et deviennent au fils du temps difficiles à juguler voire à
absorber. Les chances de préserver l’entreprise paraissent alors minces voire compromises et
en général, dans ce cas, le spectre de la liquidation judiciaire est inévitable.

Le droit des entreprises en difficultés est une matière particulière ou s’exprime avec
force cette formule du doyen Carbonnier. C’est un droit qui poursuit une finalité composite
faite d’un alliage entre intérêts très souvent divergents se caractérisant par un certain
antagonisme. La nécessité de trouver un équilibre subtil et simultané de tous les impératifs en
l’occurrence, la sauvegarde des entreprises viables, le maintien des emplois et l’apurement du
passif constitue un lourd fardeau pour le législateur. Il s’agit de trouver des compromis entre
intérêts contradictoires. Si la pérennité de l’entreprise doit être assurée, les droits des
créanciers doivent également être pris en compte, dans la mesure où ils restent les moteurs de

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la croissance économique. Sacrifier, en toute circonstance, les droits des créanciers, c’est
priver d’autres secteurs de l’économie de sources de financement dont elles ont un besoin
nécessaire. Ce dilemme plus facile à formuler qu’à traduire rend le droit des entreprises en
difficulté une législation complexe.

Il est vrai qu’en cette matière, à la croisée des chemins entre plusieurs intérêts
légitimes qu’il appartient au législateur d’assurer un équilibre entre les contraintes de
l’économie et les besoins de l’intérêt général. Si le maintien des emplois doit être assuré, les
droits des créanciers doivent être également pris en compte, dans la mesure où ils restent les
moteurs de la croissance économique et les apporteurs de fonds d’autres entreprises.

La continuité des entreprises est importante au tissu économique et la réalisation de cet


objectif doit être assurée par une législation évolutive et fonctionnelle. Ainsi, les textes
juridiques ne doivent pas avoir un caractère liquidatif. Il faut donc intensifier les solutions afin
de donner plus de chance au redressement de l’entreprise. A l’inverse, il est tout aussi inutile
de maintenir en vie une entreprise lorsque sa situation financière est irrémédiablement
compromise.

Le droit des entreprises en difficulté est articulé sur quatre étapes (prévention,
sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation) mais chaque système conserve son
autonomie et dispose de ses propres règles de mise en œuvre.

2- L’évolution historique du droit des entreprises en difficulté :

La place accordée dans la relation juridique entre un débiteur et ses créanciers a varié
au cours de l’histoire. De tout temps, il a existé des débiteurs et des créanciers et, de tout
temps aussi, il a existé des débiteurs qui ne peuvent plus faire face à leurs dettes. Le droit a
toujours réagi à cette situation. A l’origine, sa réaction était entièrement tournée en faveur du
créancier et au détriment du débiteur.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, toute la réglementation était caractérisée par une idée
de répression et d’exclusion du débiteur défaillant. L’explication en était que celui-ci, s’il
n’exécute pas ses engagements, porte atteinte à l’équilibre social et à l’ordre économique. En
effet, un débiteur qui n’exécute pas ses engagements risque de mettre en péril à son tour ses

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propres créanciers qui comptaient sur le paiement de leur créance. Si ce dernier ne paye pas,
le vendeur pourra lui-même se retrouver menacé et risque à son tour de ne pas exécuter ses
propres engagements. C’est d’ailleurs ce que l’on appelle l’ordre public économique et social
qui a pour but notamment d’assurer une stabilité du marché économique. La réaction de cet
ordre public, économique et social devrait donc consister à éliminer les commerçants qui ne
remplissent pas leurs engagements.

Cette vision juridique est nourrie par des récits historiques qui permettent de tracer les
métamorphoses du droit des procédures collectives. En général, cette évolution du droit des
entreprises en difficulté peut être résumée en quelques dates caractéristiques. Dans l’antiquité,
le débiteur était réduit à un état d’esclavage, il était soumis corps et bien à ses créanciers. Au
moyen âge, le débiteur toujours dans une situation infamante était condamné à des peines
afflictives. En effet, celui qui avait failli à ses engagements était présumé être un fraudeur. Il
pouvait faire de la prison. Les peines étaient prononcées en fonction de la gravité de la faute
commise, les sanctions qui en résultaient pouvaient l’être aussi. Le XIX siècle était marqué
par une tendance dans laquelle prévalait une volonté d’indulgence à l’égard des faillis.
Progressivement ce droit s’est humanisé, atténuant la sévérité de la loi. En même temps fut
ébauchée l’organisation d’une procédure collective pour régler la situation patrimoniale créée
par le débiteur.

Le droit de la faillite organisait donc pour ses créanciers une procédure collective qui a
pour objet la saisie et la vente forcée de tous les biens du débiteur afin d’en répartir le produit.
Il s’attachait à protéger les intérêts des créanciers et à satisfaire leurs droits suivant la règle de
l’égalité. Ainsi, durant des siècles, la faillite était une procédure d’exécution forcée contre les
biens. Il fallait faire peur au dirigeant en l’incitant à adopter des comportements conformes
aux attentes de la société.

Par ailleurs, il n’est pas sans intérêt de préciser que le droit musulman traitait avec
clémence les débiteurs. Cette vision islamique du traitement de la défaillance du débiteur se
fonde sur deux textes de base. Dans ce sens, le verset du Sourat Al Bakarat précise : « si un
homme est insolvable il faut lui donner un délai jusqu’à ce que ces affaires s’améliorent ».
Dans un autre verset : « si vous vous désister c’est Dieu qui vous le remboursera, Dieu est
généreux ». Ce qu’a fait de cette institution une source d’inspiration pour les législations
étrangères notamment européennes.

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Dans la deuxième moitié du siècle dernier, on voit émerger le droit des entreprises en
difficulté en France avec la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 qui marque un important tournant
dans l’évolution des entreprises. Ainsi, une nouvelle phase s’ouvre après « la faillite-
sanction » et la procédure collective, apparaît le droit des entreprises en difficulté dont la
finalité est d’assurer la permanence de l’entreprise viable et de faciliter l’élimination des
entreprises économiquement condamnées.

Au Maroc, le Code de commerce terrestre du 12 Août 1913 régissait l’insolvabilité des


commerçants par un dispositif sanctionnateur qui prenait en considération l’intérêt du
créancier au détriment de l’entreprise. Plusieurs praticiens déploraient le droit de la faillite. Ils
n’hésitaient pas à parler de « la faillite du droit de la faillite ». Ils avançaient des propositions
pour adopter une vision plus indulgente et moins coercitive. Cela à travers la mise en place
d’un dispositif préventif qui vise à anticiper les difficultés des entreprises une fois les signes
avant-coureurs apparus et débusqués. Face à l’échec séculaire de cette législation inadaptée à
la réalité socio-économique de l’entreprise, le législateur a introduit le premier Août 1996 le
droit des entreprises en difficulté en abandonnant purement et simplement le concept de la
faillite et en le remplaçant par un nouveau concept « entreprises en difficulté ». Nous sommes
donc passés à un droit beaucoup plus attractif. Il s’agit de traiter immédiatement les difficultés
du débiteur, mais de prévenir et de détecter lesdites difficultés. L’appréciation n’est alors plus
portée sur l’attitude du débiteur mais aussi sur les perspectives économiques de l’entreprise.

Face à une telle action, le législateur marocain manifestait ici encore la nécessité de
sauver les entreprises en difficulté notamment à travers la mise en place d’un système
permettant un redressement curatif contre toutes les formes de la cessation des paiements.
Cette nouvelle orientation en la matière apporte un nouveau souffle à l’environnement
économique.

Par ailleurs, la doctrine marocaine pense de son côté que la réforme de 1996 contient
des insuffisances d’où la nécessité « de réformer la réforme ».

3- Le nouveau cadre normatif :

Depuis la première réforme sur le droit des entreprises en difficultés,


l’interventionnisme de l’Etat pour soutenir l’entreprise défaillante n’a pas abouti à des succès

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palpables. Le nombre annuel de disparition d’entreprises n’a pas diminué depuis la première
réforme issue de la loi n° 15-95 du 1 août 1996. Les dernières statistiques du Ministère de la
justice ont démontré que la plupart des entreprises en difficultés déposent leur bilan et mettent
les clés sous la porte. Pire, un autre constat conforte ce bilan décevant : sur l’ensemble des
affaires soumises aux tribunaux de commerce, plus de 95°/° des procédures judiciaires
(redressement et liquidation) sont déclenchées directement sans passer par la phase de
prévention. En effet, les études publiées par la Banque mondiale (Doing business) et l’Agence
des Etats Unis pour le développement international (USAID) ont constaté les limites de la
législation marocaine applicable en la matière. L’objectif que s’était donné le législateur
marocain en 1996 n’a donc pas était atteint.

Ainsi, le besoin d’une refonte se fait ressentir, en particulier dans les milieux des
affaires qui exigent plus de transparence et de sécurité juridique. Le rôle de la loi est
déterminant dans la création d’un cadre favorable à l’investissement comme l’a préconisé le
Comité national de l’environnement des affaires. Ce défi a été concrétisé par le législateur en
adoptant définitivement le Dahir portant loi n° 73.17 du 19 avril 2018 abrogeant le livre V
issu de la loi n° 15-95 formant code de commerce (Bulletin officiel n° 6732 du 6
décembre 2018, page : 1879).

La réforme du Code de commerce est inscrite dans la révision des règles de


l’organisation judiciaire. La loi n° 53-95 promulguée par le Dahir 1-97-65 du 4 Chaoual 1407
(12 février 1997) instituant les juridictions de commerce détermine que les tribunaux de
commerce sont les seuls compétents pour connaître des procédures judiciaires de traitement
des difficultés de l’entreprise. Ces procédures rentrent dans le cadre des actions entre
commerçants à l’occasion de leurs activités commerciales. Il convient de mentionner que la
réforme issue de la loi n° 38.15 du 30 juin 2022 entrée en vigueur le 14 janvier 2023 (Bulletin
officiel n° 7108 du 14 juillet 2022, page 4568, version arabe) a modifié l’organisation
judiciaire du Royaume. Ainsi, selon les articles 44, 55 et 68 de ladite loi, outre les juridictions
commerciales du premier et du second degré, les tribunaux de première instance et les cours
d’appel comprennent désormais des sections spécialisées dans le contentieux commercial.

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Partie 1 : La prévention et le traitement des défaillances des entreprises

Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard, tel pourrait être le maitre mot des
professionnels des entreprises en difficulté, qu’ils soient avocats, experts comptables,
commissaires aux comptes, banquiers spécialisés. Un seul mot d’ordre permettra de
sauvegarder les entreprises « c’est la prévention ». Ainsi, le Pr. Yves GUYON avait considéré
dans ce sens que « les difficultés des entreprises, comme celles des personnes physiques, sont
d’autant aisément curables qu’elles sont prises dès leurs débuts ». De ce point de vue, comme
le précise le Pr. Éric KERCKHOVE que « la politique la meilleure consiste à maitriser les
créations d’entreprises ; surveiller la gestion et réagir à temps en cas des difficultés ». Quant
aux professeurs Jean PAILLUSSEAU et Gérard PETITEAU, la prévention est un concept
culturel et économique dont la réussite dépend d’une volonté politique : l’entreprise ne pourra
donc prospérer que si l’environnement économique et social y est favorable. Autrement dit,
pour l’ensemble de ces auteurs, la prévention est exclusive du droit. C’est un concept plus
politique que juridique dont le succès dépendrait de la bonne volonté des gouvernants.

Le nouveau livre V du Code de commerce adopte des solutions tenant compte de la


finalité de prévenir l’avènement des difficultés insurmontables. Il s’agit de réagir contre des
faits qui ne nécessitent pas un traitement radical de problèmes impliquant un véritable
redressement. En écho de ce point, il apparait donc nécessaire d’accorder l’importance à des
outils et des méthodes d’anticipation basés sur l’information pour sensibiliser les organes de
direction de l’entreprise en question.

Fondamentalement, la prévention-détection se réalise par l'information économique


des dirigeants sur la situation de l'entreprise et par l'existence de procédures de réaction aux
difficultés de nature à permettre la continuité de l'exploitation. Cette dernière s'est traduite
par le souci de donner aux dirigeants une meilleure information économique grâce à
l'élaboration de documents comptables et de leur diffusion dans l'entreprise.

Avant d’étudier les deux types de prévention : interne et externe de l’entreprise en


difficulté, il convient d’étudier les personnes soumises aux procédures des difficultés de
l’entreprise.

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Chapitre 1 : L’entreprise débitrice doit avoir la qualité de commerçant

Les difficultés que l’entreprise peut connaître sont de même nature que celles que
connaissent tous les débiteurs, quels qu’ils soient. Il revient donc au législateur de déterminer
les personnes qui sont soumises à la réglementation des entreprises en difficulté. Le droit
comparé révèle l’extrême diversité des solutions dans ce domaine. Certains systèmes, comme
le système anglais, soumettent à ce droit toutes les personnes, qu’elles soient physiques ou
morales, qu’elles exercent ou non une activité professionnelle, tandis que, à l’autre extrémité,
certains systèmes, et c’est le cas du droit marocain, réservent les règles sur les entreprises en
difficulté à une catégorie limitée de débiteurs, à savoir les commerçants.

L’article 546 du Code de commerce précise la notion d’entreprise qui comprend aussi
bien les commerçants personnes physiques que les sociétés commerciales. A travers la lecture
de cet article, nous constatons que le traitement des difficultés des entreprises s’applique aux
artisans et à certaines personnes morales exerçant des activités commerciales.

Pour déterminer le champ d’application de l’article 546 du Code de commerce issu de


la nouvelle réforme, il convient de préciser la notion du commerçant ? La réponse à cette
question nécessite d’étudier le commerçant en tant que personne physique et personne morale.

Section 1 : Le débiteur commerçant : personne physique

Les commerçants personnes physiques sont soumis aux procédures des difficultés de
l’entreprise. Par contre, sont exclues les personnes qui exercent une activité libérale tels que :
les avocats, les médecins car il ne s’agit pas d’une activité commerciale. Le Code de
commerce pose des conditions légales pour la mise en œuvre du plan de prévention liées à la
qualité de commerçant. Il faut exercer son activité à titre professionnel ou habituel et avoir la
capacité commerciale et enfin être inscrit au registre de commerce.

Paragraphe 1 : L’exercice à titre professionnel ou habituel

L’article 6 alinéa 1 du Code de commerce dispose : «…la qualité de commerçant


s’acquiert par l’exercice habituel ou professionnel des activités suivantes… » D’après les
termes de ce texte, il est nécessaire de relever la distinction entre le fait d’exercer

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habituellement des actes de commerce, et le fait d’en faire sa profession à titre professionnel.
En effet, l’exigence de l’habitude signifie est commerçant toute personne qui exerce son
activité commerciale d’une manière fréquente et régulière ce qui exclu celui qui exerce le
commerce à titre isolé. Cependant, la notion de profession suggère que celui qui accomplit les
actes de commerce, cherche à en tirer un bénéfice pour vivre.

Paragraphe 2 : La capacité commerciale et l’inscription au registre de


commerce

Pour avoir la qualité de commerçant, il faut être majeur 18 ans révolus pour exercer
ses droits et répondre de ses obligations. Sur ce point, il convient de mettre en exergue une
autre modification récente du Code de commerce. La loi n° 54-17 du 22 février 2018 a
modifié les dispositions de l’article 15 concernant les étrangers qui souhaiteraient exercer le
commerce au Maroc : « est réputé majeur pour exercer le commerce tout étranger ayant
atteint dix huit ans révolus, même si sa loi nationale prévoit un âge de majorité supérieur à
celui qui est édicté par la loi marocaine ». Le législateur a unifié au même titre que les
nationaux l’âge de la majorité légale aux commerçants étrangers (Bulletin officiel n° 6655 du
12 mars 2018, page 1438).

L’inscription au registre de commerce constitue une présomption de commercialité.


Par conséquent, on peut dire que l’immatriculation constitue une condition supplémentaire
pour l’acquisition de la qualité de commerçant. Dans la mesure ou toute personne qui exerce
habituellement ou professionnellement une activité commerciale de l’article 6 doit
obligatoirement, sous peine de sanctions, être immatriculée au registre du commerce.

Section 2 : Le débiteur commerçant : personne morale

Les sociétés commerciales de droit marocain ou étranger ayant au Maroc soit leur
siège social, soit une filiale deviennent désormais les sujets de droit des entreprises en
difficulté. La dernière réforme a eu le mérite de déterminer les structures commerciales
concernées par cette législation pour exclure les succursales et les agences d’entreprise
marocaine et étrangère, les coopératives et les établissements publics à caractère industriel et
commercial.

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Paragraphe 1 : Les sociétés commerciales

Il est admis que toutes les sociétés au Maroc sont commerçantes par la forme à
l’exception de la société en participation. De ce fait, les sociétés en nom collectif, les sociétés
à responsabilité limitée, les sociétés en commandite simple et les sociétés en commandite par
action et aussi les sociétés anonymes peuvent faire l’objet d’une procédure de redressement
judiciaire. L’existence juridique de la société commerciale commence à partir de
l’immatriculation au registre de commerce en vertu de l’article 7 de la loi 17-95 relative aux
sociétés anonymes qui dispose : « Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité
morale à dater de leur immatriculation au registre de commerce… »

Paragraphe 2 : Les groupements d’intérêt économique

Institués au Maroc par la loi n° 13-97 publiée du 5 février 1999, ces derniers ne
jouissent de la personnalité morale qu’à partir de leur immatriculation au registre de
commerce par l’application de l’article 48 du Code de commerce. Mais, cette condition n’est
pas suffisante car l’article 5 de la même loi prévoit que c’est l’objectif du groupement qui doit
être pris en compte. Par conséquent, si son but est commercial, il acquiert la qualité de
commerçant et pourrait faire l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaire. Il convient de noter que la tendance doctrinale actuelle exclue le GIE du champ
d’application du droit des entreprises en difficultés.

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Chapitre 2 : La prévention des difficultés de l’entreprise (articles 545-559
du Code de commerce)

Il se peut que l'entreprise, durant son fonctionnement, confronte des risques qui
peuvent entraver son activité. Il en résulte, soit l'entreprise nait équilibrée et sa situation va se
déséquilibrer en cours d'existence, soit l'entreprise est créée déséquilibrée et des problèmes
sont présents dès le départ. La notion de « difficultés » est aussi problématique en l’absence
de toute précision légale, ce qui rend du coup difficile la maîtrise de l’expression « prévention
des difficultés ». Le concept de « difficultés de l’entreprise » a tendance à concurrencer sinon
à remplacer celui de défaillance. Or selon la doctrine, ces deux expressions constituent les
deux attributs du droit économique des entreprises en difficulté. Mais la notion de difficultés
des entreprises revêt un domaine plus large. Elle accueille non seulement le débiteur défaillant
mais aussi l’entreprise qui, bien ses dettes soient honorées, voit pourtant son avenir menacé
par ses propres difficultés.

La prévention se définit comme l’ensemble des mesures destinées à empêcher la


survenance d’un état de cessation des paiements. C’est une méthode qui permet de
désamorcer les difficultés rencontrées par les chefs d’entreprises, de façon précoce, pour les
aider à passer un cap difficile de la vie de leur entreprise et également de préserver l’emploi.
Il s’agit de trouver un remède au mal pour provoquer une prise de conscience chez les chefs
d’entreprises. Appliquer au droit la prévention, selon le Professeur Pierre-Michel LE CORRE,
consiste à prendre des mesures destinées à éviter que les difficultés des entreprises deviennent
si graves qu’elles ne permettent plus d’échapper au traitement judiciaire et à l’ouverture de la
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Il s’agirait alors, en phase de
prévention, d’intervenir avant que la gravité des difficultés n’ait atteint un degré de gravité
qu’il n’y ait plus qu’une seule solution : placer l’entreprise en redressement ou en liquidation
judiciaire ou en liquidation des biens du débiteur.

La question du développement du concept de la prévention, passe souvent par une


politique de sensibilisation des chefs d’entreprise qui, souvent insuffisamment informés ou
conseillés, nourrissent de vains d’espoirs sur l’évolution d’une situation dégradée et, en
définitive réagissent trop tard. Or, la donnée fondamentale des défaillances d’entreprise réside
dans leur vulnérabilité financière, liée à la sous capitalisation et à l’insuffisance des fonds

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propres. D’autres part, ces défaillances sont généralement prévisibles et pourraient être évitées
à temps par un contrôle de gestion plus rigoureux.

En effet, le déséquilibre de la structure financière d’entreprise est souvent d’origine


complexe, et généralement l’aboutissement des pressions de l’environnement de l’entreprise
et/ou d’erreur de stratégie dans la gestion. A cet état de fait, le législateur a mis à la charge
des entreprises des documents comptables plus raffinés pour prendre conscience rapidement
de l’évolution de la situation financière.

Le législateur adopte dans cette phase une prévention tournée essentiellement verts le
chef d’entreprise. Cependant, la dernière réforme comme sa précédente n’a pas intégré les
représentants du personnel (le comité d’entreprise et les délégués des salariés) dans la
procédure de prévention malgré la place qu’ils occupent dans la gestion des conflits sociaux et
leurs intérêts pour la sauvegarde de l’entreprise. Eventuellement, l’intervention de ces
derniers pourrait susciter des avis contradictoires qui pourraient retarder la mise en route
d’une prévention efficace.

Le premier alinéa de l’article 545 du Code de commerce distingue deux sortes de


mesures : il y’a d’une part, les mesures préventives internes et d’autres part, les mesures
préventives externes de l’entreprise en difficulté.

Section 1 : La prévention interne (articles 547-548 du Code de commerce)

Pour que le changement de perspective s’accompagne d’une amélioration de


l’application de ce système de prévention interne, il faut que tous les concernés à la vie
d’exploitation de l’entreprise soient convaincus de l’utilité d’un diagnostic permanent des
activités et du recours aux diverses mesures de détection des difficultés.

Il est dès lors essentiel que les chefs d’entreprise aient connaissance le plus tôt
possible de la situation financière réelle de leur entreprise. A défaut, l’expérience montre que
les mesures engagées tardivement sont généralement vouées à l’échec. Prévenir les difficultés,
c’est donc avant tout amener les dirigeants à prendre conscience de la situation actuelle et de
l’évolution financière de l’entreprise. C’est ensuite, le rôle des dispositifs d’alerte lorsque
l’évolution défavorable se confirme.

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Par ailleurs, la principale caractéristique de la phase de prévention interne est la
confidentialité, du moins au niveau des premières étapes qui précèdent la convocation d’une
assemblée générale des associés, le cas échéant. Cette caractéristique permet de préserver
entièrement les chances de traitement des difficultés par la recherche de nouveaux partenaires
(créanciers, fournisseurs, etc.) et d’éviter d’éveiller la méfiance des anciens partenaires. Selon
le législateur marocain, les premiers signes des difficultés doivent être dissimulés afin de
protéger d’avantage les intérêts de l'entreprise. En effet, dans ce processus préventif
ambitieux, il a préféré conserver à la prévention un caractère interne et maintenir une
confidentialité de principe. L’objectif est aussi de préserver entièrement les chances de
redressement de la situation de l’entreprise et d’éviter d’éveiller la méfiance de ses partenaires
(fournisseurs, clients, banques, etc.)

Ce traitement extrajudiciaire suppose que l’entreprise n’est pas encore en cessation de


paiements. D’un côté, à ce stade, il a toutes les chances d’être efficace, car il est plus facile de
prévenir que de guérir. De ce point de vue, la meilleure politique consiste à surveiller la
gestion et réagir à temps en cas de difficulté. Dans cette phase délicate, deux impératifs
doivent être respectés si l’on veut que le traitement extrajudiciaire permette le rétablissement
des entreprises.

Le premier impératif est la rapidité : la situation financière d’une entreprise risque de


se dégrader très vite c’est pour cette raison la loi a instauré des mécanismes d’alerte souples
susceptibles d’être mis en œuvre rapidement par tout intéressé (associés, commissaires aux
comptes).

Le second impératif est la discrétion : la révélation d’une difficulté passagère ou


secondaire risque de porter atteinte au crédit de l’entreprise et de créer un mouvement de
panique chez les salariés, les fournisseurs, etc. Les mesures de prévention doivent donc être
confidentielles surtout à leur début. Avant le déroulement de la procédure de prévention
interne, il est primordial de soulever l’importance des mécanismes d’information et d’alerte
pour détecter dans les meilleurs délais les difficultés de trésorerie de la société.

14
Paragraphe 1 : La prévention par l’alerte

« Tirer la sonnette d’alarme » c’est l’idée pivot sur laquelle repose la procédure
d’alerte. Sa finalité est de mettre en demeure un dirigeant inconscient de l’apparition de
quelques signes déclencheurs de difficulté. Selon certains auteurs mieux vaut diagnostiquer et
traiter le mal à temps, plutôt que d’assister impuissant à l’irrémédiable déchéance du malade,
à son agonie et à sa mort.

L’objectif principal des procédures d’alerte est d’assister les dirigeants dans
l’identification des difficultés et la détermination de leur ampleur. Mais, quelques moyens de
pression peuvent également être exercés sur ceux-ci pour prendre les décisions nécessaires à
la continuité de l’exploitation. Il s’agit de la diffusion de l’information en raison de
l’aggravation des difficultés. Le chef d’entreprise ne peut pas redresser une situation qui
commence à se dégrader s’il ignore l’origine et la nature de difficultés. Incontestablement,
l’information précède l’action et constitue ici un outil de gestion indispensable dans la
conduite des affaires économiques.

La prévention-détection consiste à découvrir les indices de difficultés, afin d’organiser


rapidement et discrètement les mesures appropriées pour assurer une résistance efficace.
Pratiquement, l’alerte doit être donnée lorsqu’il y a une rupture de l’équilibre des flux
financiers, c'est-à-dire lorsque les recettes normalement prévisibles ne permettront pas de
régler les dettes qui vont venir à échéance dans un avenir relativement proche. Mais, bien
entendu, l’alerte suppose que la cessation des paiements n’est pas encore intervenue et peut
être évitée, car qui dit alerte dit organisation de la résistance et non constatation de la défaite.
L’alerte doit notamment être déclenchée en cas d’altération des conditions d’exploitation
(résultat déficitaire, accroissement excessif des charges, baisse anormale d’activité…)

Parallèlement, les entreprises sont dorénavant tenues d’élaborer des documents de


gestion plus détaillés et prévisionnels1. En outre, la législation comptable exige une obligation
de tenir une comptabilité régulière sincère ainsi de dresser les comptes annuels. Ce système
d’anticipation aussi rétrospectif que prospectif se mesure à travers des outils de la

1
Dahir n°1-92-138 du (30 joumada II 1413) portant promulgation de la loi n° 9-88 relative aux obligations
comptables des commerçants, Bulletin officiel n°4183 du 30 décembre 1992.

15
comptabilité capable de détecter les anomalies. L’information comptable permet de décrie le
passé d’entreprise et aussi son avenir.

A titre d’exemple, l’établissement de la situation de l’actif réalisable ou disponible et


du passif exigible : l’entreprise peut ainsi savoir si elle est ou non menacée par une cessation
de paiement, c'est-à-dire par l’impossibilité de régler le passif exigible avec l’actif disponible.
Le plan de financement (permet de s’assurer que les besoins prévisibles seront couverts par un
financement adapté et que l’entreprise ne risquera pas de se trouver dans une situation
difficile). Le compte de résultats prévisionnels : (constitue des comptes de résultat qui
récapitulent les produits et les charges de l’exercice écoulé). Le tableau de financement ou
tableau des emplois et des ressources : (décrit la manière dont au cours de l’exercice écoulé
les ressources de l’entreprise ont permis de faire face à ses besoins.) A l'instar du bilan, le
compte des produits et charges fait ressortir les montants de l'exercice précédent ce qui
facilite, l'analyse de l’évolution de l'activité de l'entreprise. Aux termes de l’alinéa 2 de
l’article 10, loi n° 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants qui dispose que
« le compte des produits et charges récapitule les produits et les charges de l’exercice, sans
qu’il soit tenu compte de leurs dates d’encaissement ou de paiement ». Et, encore plus, il
traduit de manière précise la façon dont l'entreprise a gagnée ou perdue les montants affichés
au bilan. Ce système d'anticipation de gain ou de perte donne au chef d'entreprise des
informations sur la situation exacte de son entreprise.

Il convient de signaler que l’établissement des documents prévisionnels est une tâche
qui n’est pas aisée et délicate. Car le dirigeant peut se tromper sur les prévisions qui peuvent
paraitre parfois trop optimistes. Il s’agit donc de dresser ces documents pour une périodicité
courte afin d’offrir un temps optimal au dirigeant pour les rectifier.

Ces documents sont transmis pour observation aux organes de contrôle de la société.
En fonction de tous ces éléments, les dirigeants doivent savoir si, à court terme, l’entreprise
disposera de ressources suffisantes pour faire face à ses dettes. Mais, ils doivent aussi se
préoccuper de la continuité de l’exploitation à moyen et à long terme en gérant correctement
leur endettement. Ce système d’anticipation se mesure à travers des outils de la comptabilité
capable de détecter les anomalies.

16
La prévention interne a également pour but de créer un dialogue entre les organes de
contrôle et les dirigeants, et de permettre une action concertée, alors qu’il est encore possible
d’intervenir. Rappelons tout d’abord, que dans cette démarche préventive, le législateur, à
l’instar du législateur français, adopte une prévention interne tournée essentiellement vers le
chef d’entreprise. Car, c’est ce dernier qui doit prendre les décisions nécessaires afin de
redresser la situation de l’entreprise. En effet, comme le précisent les termes de l’article 545
du Code de commerce :« l’entreprise est tenue par elle-même, à travers la prévention interne
des difficultés, au redressement permettant la continuité de l’exploitation ». Dans les sociétés
anonymes ou en commandite par action, le conseil de surveillance peut demander des
explications au directoire en raison de sa mission du contrôle générale de la marche des
activités sociales, car il pourrait éventuellement proposer la révocation des dirigeants, et ce,
notamment en cas de l'existence des anomalies d'exploitation injustifiables. Aux termes du
premier alinéa de l'article 104, loi n°17-95 sur les sociétés anonymes dispose que « le conseil
de la surveillance exerce le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire».

Le Code de commerce autorise plusieurs organes de la société pour déclencher la


procédure de prévention lorsque le chef d’entreprise n’a pas pris lui-même l’initiative à
redresser la situation financière de l’entreprise aux termes de l’article 547 du Code de
commerce.
- Le commissaire aux comptes (article 547 du Code de commerce) :

En plus des fonctions reconnues aux commissaires aux comptes par la loi n°17-95 du
30 août 1996 régissant les sociétés anonymes et la loi n°5-96 du 13 février 1997 régissant les
autres sociétés commerciales, le législateur leur a ajouté une mission supplémentaire,
consistant à déclencher l'alerte au sein des sociétés où ils exercent leur mission. L’article 547
du Code de commerce ainsi modifié prévoit : « …le commissaire aux comptes, s’il en existe,
ou tout associé dans la société informe le chef de l’entreprise des faits de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation… » La notion de continuité d’exploitation de
l’entreprise est utilisée, afin de qualifier les événements présentant des éventuels risques sur la
vie de l’entreprise. Cette notion est d’origine comptable et trouve sa place parmi les principes
posés par le manuel comptable marocain. En effet, la continuité d’exploitation de l’entreprise
est l’un des principes identifiés par la norme comptable, comme nécessaire à l’équilibre et à la
pertinence du système comptable. Ce qui signifie que, l’entreprise est présumée établir ses
documents comptables dans la perspective d’une poursuite normale de ses activités. Le même

17
article prévoit que ces faits peuvent être juridiques, économiques, financiers et sociaux.
Certains auteurs pensent qu’avec cette formule « vague », le législateur souhaite laisser aux
commissaires aux comptes la liberté d’apprécier les faits et de juger si la situation nécessite
réellement le déclenchement d’alerte.

Le commissaire aux comptes est chargé du déclenchement de l’alerte en raison de sa


mission permanente de contrôler les comptes de la société. Pour ce faire, le commissaire aux
comptes peut s’appuyer sur toute sorte d’information révélée à l’occasion de l’exercice de sa
mission. Il peut s’agir des informations contenues dans les comptes annuels, dans l’état de
solde de gestion, le livre d’inventaire. Toutefois, il n’est pas tenu de procéder de manière
systématique à la recherche des difficultés de l’entreprise dont il contrôle les comptes. Il doit,
néanmoins, adopter une démarche très vigilante à l’égard d’évènements et des situations
porteuses de risques. Autrement dit, le commissaire aux comptes n’est pas tenu d’adopter une
approche active pour la recherche des difficultés. Son obligation d’alerte se limite aux faits, et
informations dont il prend connaissance dans le cadre de l’exercice de ses responsabilités
professionnelles. Sa responsabilité ne peut être recherchée par défaut d’investigations
spéciales sur des actes affectant la continuité de l’exploitation. Par ailleurs, étant tenu par
l’interdiction de s’immiscer dans la gestion des entreprises contrôlées, le commissaire aux
comptes doit se limiter à révéler les faits constatés dans le cadre de sa mission. Autrement dit,
il ne doit pas déclencher l’alerte si les dirigeants prennent des décisions inopportunes sans
pour autant compromettre la stabilité de l’entreprise. Sa responsabilité est délicate car s’il
alerte précipitamment risque d’alarmer inutilement et de provoquer des effets négatifs. S’il
tarde à avertir il ne risque pas moins de permettre une évolution problématique de l’entreprise.
En conséquence, sa décision doit toujours se fonder sur une appréciation objective et
suffisamment mûrie.

La question de la responsabilité du commissaire aux comptes évoque celle de son


impartialité. En effet, le législateur a pris soin de prévoir toutes les mesures nécessaires pour
assurer cette qualité sur laquelle repose la confiance des partenaires de l’entreprise. Ainsi,
certaines incompatibilités ont été édictées par les textes législatifs et réglementaires
applicables en la matière. Il s’agit, à titre d’exemple, de l’interdiction de prendre, de recevoir
ou de conserver directement ou indirectement un intérêt auprès de la personne dont il est
chargé de certifier les comptes ou auprès d’une personne qui a le contrôle ou qui est contrôlée
par elle au sens de la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes telle qu’elle a été modifiée

18
et complétée. S’ajoutent à cela les liens familiaux entre le commissaire aux comptes et toute
personne occupant une place sensible au sein de l’entreprise dont les comptes sont certifiés
par lui.

Il existe d'autant des infractions qui sont relatives spécialement à l'exercice des
missions du commissaire aux comptes. Il suffit ici juste de rappeler qu'ils sont soumis au
respect du secret professionnel, ou bien encore qu'ils ne sauraient donner des informations
mensongères sur la situation d'une société. Le ou les commissaires aux comptes sont
responsables sur le plan civil, tant à l'égard de la société que des tiers, des conséquences
dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions.
Ce texte prête à des interprétations. C'est à première vue, qu'une interprétation s’impose ici et
qui exonère totalement le commissaire aux comptes, lorsqu'ils interviennent dans le cadre de
la procédure d'alerte. Il n'y aurait pas à rechercher s'il est intervenu à bon escient. Autrement
dit, la responsabilité du commissaire aux comptes ne pourrait engager que dans le cas où il
s’est abstenu de révéler des faits compromettants, alors qu'il eut connaissance lors de
l'exécution de leur mission. Cette interprétation est exagérément large. C'est comme le
considère ici un membre de la doctrine française qu' «une fausse alerte vaut mieux qu'un
dépôt de bilan». Or, comme écrivait déjà le professeur Yves CHAPUT : « le déclenchement
d'une alerte, s'elle peut être évidement utile, risquerait aussi par les révélations qu'en
découlement, de causer un préjudice ». Priorité est ainsi donnée à l'alerte. C'est l'inaction qui
entraine la responsabilité du commissaire aux comptes pour certains auteurs. Néanmoins, on
peut adopter une autre position sur le sujet. En effet, la situation est plus délicate lorsque le
commissaire aux comptes commet une erreur d'appréciation liée à sa négligence dans les
investigations qui l'a conduit à des révélations tronquées. Bien entendu, le juge judiciaire doit
procéder ici à une appréciation in abstracto et rechercher par référence au comportement d'un
professionnel normalement diligent, c'est-à-dire un homme de l'art avisé et compétent
confronté à une situation identique. Elle n'est génératrice de dommage et intérêts que si sont
établies le lien de causalité entre la faute ou la négligence commise et le préjudice causé, la
preuve qu'au regard des éléments auxquels le commissaire aux comptes estime que la
continuité d'exploitation n'était pas compromise. La diligence du commissaire aux comptes
doit être d'autant plus active que la situation de l'entreprise devait lui paraitre délicate. On peut
retenir un partage de responsabilité entre le commissaire aux comptes et les dirigeants. Car
l'absence de déclenchement de l'alerte ou son déclenchement à mauvais escient a pu ne pas

19
être l'unique source de paralysie de l'activité sociale et, par conséquent, de la cessation des
paiements.

Pour les sociétés autres que la société anonyme, le fait que le commissaire aux
comptes soit désigné volontairement ne réduit pas la portée de l’obligation d’alerte mise à sa
charge. En outre à cela, en cas de pluralité de commissaires aux comptes, ces derniers
devraient normalement se concerter sur la qualification des faits avant d’en informer le chef
d’entreprise. Ils assument solidairement les obligations qui pèsent sur eux dans le cadre de
toutes les procédures des difficultés de l’entreprise.

Pour les personnes morales cotées à la bourse des valeurs, il convient de préciser que
le Dahir n° 1-13-21 du 13 mars 2013 portant promulgation de la loi n° 43-12 relative à
l’Autorité marocaine du marché des capitaux dans son article 27 a rajouté une autre obligation
supplémentaire à la charge des commissaires aux comptes qui consiste à « signaler
immédiatement à l’AMMC tout fait ou décision dont ils ont connaissance au cours de
l’exercice de leur mission auprès d’une personne ou d’un organisme soumis au contrôle de
l’AMMC qui sont de nature, notamment:
- à affecter la situation financière de ladite personne ou organisme ;
- à mettre en danger la continuité de l’exploitation où ;
- à entraîner une réserve ou un refus de certification des comptes ».

Par ailleurs, pour prévenir ce risque, le Manuel des Normes de l’Audit Légal et
Contractuel prévoit, à l’attention des commissaires aux comptes, un certain nombre de
critères d’ordre financiers, d’exploitation pouvant les aider dans l’appréciation de la situation
compromise ou non de l’entreprise. Le Manuel prévoit, en parallèle, des situations qui
permettent d’atténuer le risque.

- L’associé non dirigeant (article 547 du Code de commerce):

Les dispositions de l’article 547 du Code de commerce visent « tout associé » dans la
société. L’on pense qu’il s’agit particulièrement, des associés dans les sociétés à
responsabilité limitée, dans les sociétés en nom collectif et dans les sociétés en commandite
simple. Cette limitation se justifie, à notre sens, par l’absence d’un commissaire aux comptes

20
dans ces sociétés de personnes, notamment lorsqu’elles ne remplissent pas les conditions
imposées par la loi. Les actionnaires des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par
actions ne sont pas visés par le texte. En effet, on considère que le législateur ne voit pas
l’intérêt d’intégrer ces actionnaires dans la mesure où la désignation d’un commissaire aux
comptes est obligatoire dans ces sociétés. Néanmoins, ces actionnaires ne seront pas privés de
leur droit d’alerte, car ils pourront, dans le cadre de leur droit d’information prévu par la loi
n°17-95 du 30 août 1996 les régissant, poser des questions écrites aux dirigeants de la société
deux fois par exercice sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de
l’entreprise. En revanche, les associés des sociétés civiles et ceux des sociétés publiques ne
sont pas concernées par la procédure d’alerte, puisque ces sociétés ne sont pas régies par les
procédures collectives.

La législation applicable aux sociétés octroie aux associés ou aux actionnaires un droit
de communication temporaire et permanent de tous les documents de la société. En effet, ils
peuvent demander la consultation des documents comptables, des rapports des commissaires
aux comptes voire des procès verbaux des assemblées, mis à leur disposition au siège social.
On constate qu’aucune condition n’est attachée à la place que détient l’associé dans la société,
lui accordant ainsi la possibilité de déclencher une procédure d’alerte. Par ailleurs, la
législation ne précise pas si l’associé peut agir seul ou en association avec les autres. Ce vide
juridique n’est pas sans intérêt, car il laisse aux associés et actionnaires la possibilité d’agir
collectivement, surtout s’ils s’accordent sur la gravité des faits de nature à compromettre la
continuité de l’exploitation de l’entreprise et sur l’urgence à déclencher l’alerte. Selon le
professeur Paul LE CANNU : « l’associé n’est pas limité par les faits qu'il aurait constaté, il
peut ouvrir son cœur sur tout ce qui menace la continuité de l’exploitation, quelque soit la
source de son information ».

D’après l’article 547 du Code de commerce, en matière de déclenchement de la


procédure d’alerte, tout associé, comme le commissaire aux comptes, informe le chef
d’entreprise dès qu’il découvre des faits de nature à compromettre la continuité d’exploitation
de l’entreprise. On constate que les faits qui doivent interpeller les associés sont de la même
nature que ceux prévus pour le commissaire aux comptes. Cela est motivé par le fait que les
commissaires aux comptes et les associés ont les mêmes intérêts dans la société, qui sont
principalement d’ordre financier. Le commissaire aux comptes a pour mission de contrôler
tout fait qui peut troubler la situation financière de l’entreprise. Toutefois, les associés sont

21
adressés par ces faits parce qu‘ils doivent protéger les intérêts de leur entreprise, à savoir les
capitaux qu’ils ont apportés au moment de la constitution de la société.

Ce contrôle de l’associé est très important dans le dépistage des difficultés de


l’entreprise surtout pour les sociétés qui ne sont pas obligatoirement soumises au contrôle des
commissaires aux comptes comme la société au nom collectif ou la société en commandite
simple. L’intervention de l’associé serait donc une alternative dans ces sociétés.
Théoriquement, une telle attitude de la loi n’a pas de raison d’être dans l’entreprise
individuelle dont le propriétaire ou le dirigeant sont les seuls exposés à la perte et que les tiers
ne tardent généralement pas à poursuivre en justice.

Cependant, la grande difficulté se pose au niveau de leur appréciation, surtout que ces
derniers ont généralement une origine financière. Il est important de préciser que les associés
n’exercent pas une fonction particulière dans la gestion de la société ce qui rend la tache de
détection des difficultés encore plus difficile. Néanmoins, cela n’exclut pas que ces derniers
peuvent avoir des sources d’informations importantes, notamment par les relations qu’ils
peuvent nouer avec les partenaires de l’entreprise en question (fournisseurs, clients, etc.)
Cependant, on craint que ces informations, non obtenues d'une source fiable, puissent
conduire à des réponses inappropriées. Certes, il n’est pas exclu que les associés puissent faire
appel à un conseiller pour l’examen des documents comptables. Ce dernier peut être un expert
en matière de gestion, un commissaire aux comptes, ou tout simplement une personne ayant
les capacités d’apprécier les faits d’une manière objective pour éclairer les associés sur les
décisions à prendre. Cette démarche si elle est prise à temps peut de ce fait constituer, à côté
de l'alerte, une mesure supplémentaire de détection des difficultés des entreprises. Toutefois,
ce droit accordé aux associés doit être demandé lorsque son utilité est justifiée. L’objet de
l’alerte des associés est en effet la recherche de l’intérêt social.

Il convient de préciser que la possibilité de demander aux dirigeants de s'expliquer sur


une opération ou un fait suspect peut provoquer un conflit entre les associés et les dirigeants,
surtout si les faits en cause ne constituent pas une réelle menace pour la continuité d'activité
de l'entreprise. Cette liberté peut poser d'autres problèmes, notamment dans certaines
entreprises où le nombre d’associés est élevé.

22
Il convient de préciser que les partenaires externes occupent aussi une place
importante dans la vie de l'entreprise. Cette question de la communication conduit à une autre
plus complexe, celle notamment relative à la confidentialité des opérations effectuées par
l'entreprise et à la sécurité juridique des tiers qui veulent entretenir des relations d'affaires
avec l'entreprise. De telles informations peuvent profiter aux tiers, car les documents
comptables permettent, en effet, d'évaluer la capacité financière de l'entreprise à couvrir des
engagements, ainsi que d'examiner en même temps la cohérence des documents publiés, c'est
donc d'établir un diagnostic global sur sa situation. Par ailleurs, ces documents sont très
précieux, une banque pourra même juger prudent d'exiger, souvent, la subordination d'octroi
du crédit à la communication des documents comptables, afin d'être certaine de ne pas se voir
reprocher d'avoir artificiellement maintenu une entreprise en état de difficulté.

Paragraphe 2 : Le déroulement de la procédure de prévention interne

La nouvelle réforme a déterminé les différentes catégories de faits qui peuvent être
juridiques économiques et sociales de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.
La qualification de ce déséquilibre pèse évidemment sur les personnes chargées de déclencher
la procédure. Par ailleurs, le déclenchement de la prévention interne ne devrait pas nécessiter
la réunion de plusieurs faits compromettants, la constatation d’une seule dette serait suffisante
à déclencher la procédure. En raison de la vaste portée de ce critère légal de déclenchement de
la procédure de prévention interne, la pratique prévoit toute une série de critères qui semblent
nécessaire au déclenchement de la prévention interne. Un examen de la littérature spécialisée
en la matière permet d’identifier deux catégories de facteurs de défaillance : les facteurs
externes provenant de l’environnement macro-économique de l’entreprise et les facteurs
internes qui représentent le risque spécifique à l’entreprise. La classification la plus dominante
est celle faisant apparaître une distinction entre les facteurs endogènes et les facteurs
exogènes. On peut citer un certain nombre d’exemples de faits, qui ne sont pas forcément de
nature financière et qui peuvent mettre en péril la vie de la société :

- Les faits d’ordre juridique : la forme sociale inadaptée de la société (le choix de la forme
de la société au nom collectif alors que la réalisation de l’objet social peut nécessiter des
fonds importants et donc une forme sociale telle que la société anonyme qui permet une
augmentation de capital par un appel public à l’épargne. La perte d’un procès judiciaire

23
important dont il peut résulter des difficultés financières. La rupture d’un contrat
indispensable au maintien de l’activité : contrat de sous-traitance.

- Les faits de nature sociale : les grèves répétitives, sous encadrement du personnel, etc.

-Les faits d’ordre financier : les difficultés d’obtention de prêt auprès des établissements
financiers (incapacité d’autofinancement). Le non paiement des cotisations fiscales et
sociales, l’accroissement des charges, chiffre d’affaires en baisse constante, etc.

- Les faits de nature économique : le renchérissement des prix de matières premières,


dévaluation de la monnaie. Par ailleurs, la position concurrentielle est définie comme la place
d’une entreprise, d’une marque ou d’un produit analysé dans son espace concurrentiel en
termes de parts de marchés, d’image, de forces et de faiblesses, d’opportunités et de. D’après
les termes de cette définition, toute perte de parts de marché résulte à un positionnement
défavorable pour l’entreprise. Ainsi, les entreprises les plus innovantes sont les moins
soumises aux contraintes concurrentielles du marché. Elles sont aussi les moins défaillantes.
Alors que les entreprises les plus traditionnelles, suiveuses en termes d’innovation
technologique, sont les plus vulnérables. D’autres auteurs avaient montré que le maintien
d’une capacité d’innovation favorisait la survie des entreprises). On peut élargir ces faits aux
difficultés liées à l’environnement managérial. Lorsqu’on évoque la question de problèmes de
management, on se penche d'abord sur le défaut d'expérience dans la gestion de l'entreprise,
ce manque d’expérience favorise en conséquence les risques d'erreurs et donc le risque de
déclin de l’entreprise.

Afin d’avoir une interprétation plus large de la nature de ces faits, on s’est référé aux
définitions avancées par la doctrine. Selon le professeur Abdelilah BARJANI les faits pouvant
compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise sont généralement constitutifs
d’un ensemble d’événements dans la vie d’une entreprise ayant un caractère, suffisamment
préoccupants, pour attirer l’attention du commissaire aux comptes.

Dès que ces faits sont constatés, le déclenchement de la procédure de prévention


interne se fait par la transmission au chef d’entreprise, dans les 8 jours qui suivent la
découverte des faits par une lettre recommandée avec accusé de réception l’invitant à prendre
les mesures nécessaires pour redresser la situation financière de l’entreprise. La nouvelle loi
sur le droit des entreprises en difficultés prévoit expressément que la lettre d’alerte doit
contenir une description détaillée des faits et de leur risque pour la continuité de l’exploitation
de l’entreprise. L’objectif est d’attirer son attention sur les signes révélateurs des premières

24
difficultés. Cette information repose essentiellement sur la volonté de mettre
les dirigeants devant leurs responsabilités et les pousser à trouver par eux même des solutions
rapides et positives. Ainsi, on peut qualifier cette information de demande d’explication, car
l’associé qui découvre des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de
l’entreprise, cherche avant tout à avoir une explication rassurante. Certains auteurs pensent
que l’information du commissaire aux comptes pourrait constituer une véritable mise en
demeure. Selon l’avis de Mme Saida BACHLOUCH l’alerte du commissaire aux comptes ne
devrait pas être une source de conflits. Pour arriver à une solution satisfaisante, l’information,
ou la demande d’explication, ne doit pas être un moyen de pression et d’intimidation de la
part du commissaire aux comptes. Cette attitude pourrait avoir des conséquences négatives,
car les dirigeants pourraient rejeter toutes formes de collaborations, ce qui conduirait à la
dégradation de la situation de l’entreprise.

Lorsque le chef d’entreprise ou les organes internes (conseil d’administration ou le


conseil de surveillance, les commandités) n’arrivent pas ou ne peuvent pas dans les 15 jours
suivant l’alerte qui lui est faite par le commissaire aux comptes ou par l’associé, il est tenu de
convoquer dans les 15 jours la prochaine assemblée générale pour statuer sur ce sujet sur
rapport du commissaire aux comptes s’il en existe. Le rôle de l’associé dans la prévention
interne s’arrête à l’information du dirigeant des faits de nature à compromettre la continuité
de l’exploitation. Cependant, l’associé peut inviter le chef d’entreprise à convoquer une
assemblée générale, pour délibérer sur les difficultés soulevées, sur la base de l’article 71 de
la loi n°5-96 du 13 février 1997, si les conditions prévues par le texte sont réunies,
notamment, lorsque ce dernier détient des parts sociales importantes sur l’ensemble des parts
sociales. Toutefois, si le gérant ne convoque pas une assemblée générale, cet associé peut
demander au président du tribunal, la désignation d’un mandataire chargé de convoquer
l’assemblée générale et de fixer son ordre du jour.

L’examen de cette procédure permet de constater que le chef d’entreprise devrait


analyser les faits et trouver des solutions adéquates. Il arrive parfois que les dirigeants ne
donnent pas suite à la demande d’explication du commissaire aux comptes. L’absence de
réponse remet en cause la finalité de la prévention interne, car elle empêche le dialogue entre
les dirigeants de l’entreprise et les autres organes. Dans le même ordre d’idées, l’article 547
du Code de commerce ne précise pas, si la réponse doit être adressée personnellement à
l’associé qui a posé la question. Il ne précise pas non plus, si la réponse doit être adressée à

25
l’associé individuellement ou si elle doit être affichée ou déposée au siège de la société. En
revanche, le retard ou l’absence de réponse du gérant, ne ferait que confirmer les doutes sur le
danger qui menace la continuité de l’exploitation.

Dans cette situation, on doit signaler qu’il n’existe aucune sanction relative à cette
obligation de réponse. En effet, l’absence de réponse ne laisse aucun pouvoir d’appréciation
au dirigeant car il faut passer à l’étape suivante à savoir l’invitation des organes de direction
de l’entreprise sous forme d’une séance spéciale. Si toujours aucune solution n’a été
envisagée pour mettre fin aux difficultés, le commissaire aux comptes rédige un rapport
spécial qu’il présentera à l’assemblée générale des actionnaires. On regrette que la nouvelle
réforme n’ait pas prévu la forme de l’assemblée (ordinaire ou extraordinaire). La convocation
d’une assemblée générale, est l’occasion d’informer les autres associés sur les difficultés
soulevée, et le cas échéant sur les solutions proposées. Pour cela, il doit exposer les faits
soulevés, et expliquer quelles sont les conséquences qu’ils peuvent entraîner si aucune
solution n’est trouvée. L’objectif étant de décider en collectivité des mesures ou décisions à
prendre (augmentation du capital, recherche de moyens de financement pour l’investissement,
révocation du gérant, etc.)

Il n’est pas sans intérêts de préciser à ce niveau que le comité d’entreprise2, le cas
échéant, doit être consulté lorsque les mesures de redressement envisagées emporteront des
transformations structurelles et technologiques au sein de l’entreprise. Son avis n’est requis
qu’à titre consultatif, en ce sens qu’il n’oblige pas le chef d’entreprise. Néanmoins, ce dernier
est tenu de mettre à la disposition des membres du comité d’entreprise toutes les données et
tous les documents pour leur permettre de statuer sur les mesures proposées (articles 466 à
469 du Code du travail).

Il importe de noter que la mission de prévention interne ignore les créanciers. En


effet, les dispositions légales visées ne leur accordent aucune attention et par conséquent les
privent de toute protection à ce stade. En réalité, les faits pratiques démontrent le contraire.
Très souvent, les créanciers sont aussi des associés ou ont des rapports réguliers avec les
autres associés, ou encore sont des banquiers au courant des réalités quotidiennes de

2
La constitution du comité d’entreprise est requise dans toutes les entreprises employant habituellement au
moins cinquante salariés. Il comprend l’employeur ou son représentant, deux délégués des salariés élus par les
délégués des salariés de l’entreprise et un ou deux représentants syndicaux dans l’entreprise le cas échéant. Voir
les dispositions des articles 464 et 465 du Code du travail.

26
l’entreprise. Cependant, à la différence du législateur français, le législateur marocain n’a pas
souhaité intégrer les représentants du personnel (délégués des salariés) dans la procédure
interne, malgré la place qu'ils occupent dans la gestion des conflits sociaux, et leurs intérêts
pour la sauvegarde de l'entreprise. Sans doute, le but étant d'éviter les conflits entre les
dirigeants et les représentants du personnel. L’intervention de ces derniers pourrait susciter
des avis contradictoires, qui pourraient retarder la mise en route d'une prévention efficace.

Section 2 : La prévention externe

Selon les dispositions de l’article 548 du Code de commerce, la prévention externe ne


peut débuter qu’après l’échec de la prévention interne. Lorsque l’assemblée générale des
associés ne délibèrent pas à ce sujet, ou ne réussissent pas à prendre une décision permettant
de redresser la situation financière de la société, le président du tribunal de commerce dans le
ressort duquel l’entreprise à son siège social doit être informé par le chef d’entreprise, le
commissaire aux comptes ou par l’associé.

Le système de la prévention externe a été qualifié de judiciaire, car il est lui-même a


été judiciarisé par la dernière réforme du livre V du Code de commerce, puisqu'il est exercé
par l'autorité judiciaire préventive. Ce système a été encore qualifié d'interventionniste,
puisqu'il est déclenché par l'intervention du président du tribunal de commerce à travers la
prévention externe. La prévention externe se caractérise également par sa nature non
conflictuelle ou non contentieuse. En effet, elle constitue une procédure judiciaire dénuée des
pouvoirs naturels du juge, de dire le droit et de prononcer des sanctions. Le président du
tribunal de commerce n’intervient pas en tant qu’organe judiciaire, mais plutôt en tant que
professionnel de la vie des affaires. Il a un simple rôle d’assistance préventive. Selon le
professeur Paul LE CANNU pense que « l’intervention du président du tribunal a une utilité
psychologique, plus que de faire planer une menace qui plus nette sur ceux qui ne réagissent
pas assez vigoureusement aux difficultés, sans toutefois les contraindre immédiatement ».

Cette étape soulève plusieurs observations :

- Aucun délai légal, n’est prévu pour la saisine du président du tribunal. Il est possible
d’en déduire, compte tenu de l’urgence qui caractérise ces situations, que cette saisine soit
faite immédiatement et sans délai.

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- La nouvelle loi ne précise pas clairement la procédure de saisine du président par le
commissaire aux comptes. Celui-ci devrait-il le faire dès constatation de l’échec de la phase
de prévention interne ou devrait-il aviser au début le chef d’entreprise avant de requérir le
président du tribunal ? La deuxième solution semble la plus judicieuse car elle respecte plus
sa qualité de représentant de l’entreprise.

- La nouvelle loi octroie, désormais, à l’associé le droit d’informer le président du


tribunal de commerce pour déclencher la procédure de prévention externe et ce, quelle que
soit sa représentativité dans le capital de la société. Cette extension permet dorénavant le
renforcement du rôle de l’associé dans le processus de prévention externe. Le législateur ne
pose aucune condition à la place que détient l’associé dans la société. Le texte vise
expressément « tout associé » abstraction faite du nombre des parts qu’il détient dans la
société.

Paragraphe 1 : Le déclenchement de la procédure de prévention externe

Le président du tribunal de commerce est seul compétent pour déclencher la procédure


de prévention externe. Il le fait, soit sur information du chef d’entreprise ou du commissaire
aux comptes, soit à l’initiative de l’associé. La prévention externe peut être ouverte d’office.
Cette dernière hypothèse est envisageable lorsque le président du tribunal constate qu’il
résulte de tout acte, document ou procédure qu’une entreprise connaît des difficultés de nature
à compromettre la continuité de son exploitation. L’objectif est d’envisager des mesures de
redressement de la situation de l’entreprise (article 549 du Code de commerce).

Pour permettre au président du tribunal de décider de la suite à donner, en toute


connaissance de cause, le législateur lui a reconnu le droit de convoquer le chef d’entreprise
pour recueillir toutes les explications nécessaires sur la situation financière de la société et
toutes les solutions envisageables. Toutefois, nous pensons que cette dernière peut se faire par
le greffier conformément à l’article 37 et suivant du Code de procédure civile. La forme de la
convocation est importante : des précautions doivent être prises pour que cette convocation ait
un caractère confidentiel et que l’entretien se déroule dans un climat de confiance.
Remarquons toutefois que, les dirigeants n’encourent pas de sanction à ne pas se rendre à la
convocation.

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Il est important de préciser que l’entretien a pour objectif principal d’aider le chef
d’entreprise à prendre réellement conscience de la situation dans laquelle il se trouve
(conséquences juridiques). Le président devrait éviter de proposer des résolutions, lesquelles
par la suite, pourraient se révéler inefficaces ou inopportunes. Il ne dispose d’aucun pouvoir
de contraindre le dirigeant à lui donner des solutions immédiates pour redresser la situation de
l’entreprise. Il agit en dehors de toute autorité judicaire.

L’ouverture de la prévention externe peut déboucher, soit sur la désignation d’un


mandataire spécial, soit sur le déclenchement du processus de conciliation (conciliateur). Le
président du tribunal de commerce détermine à l’avance les honoraires de ses derniers qui
sont à la charge de l’entreprise en difficulté pour éviter les abus. Une fois versés à la caisse du
tribunal, le président ouvre la procédure de prévention externe. Le coût de la procédure de
prévention externe n’est pas négociable entre les parties (chef d’entreprises, mandataire
spécial ou conciliateur). La rémunération devrait être fixée sur la base du temps passé sur le
dossier.

Paragraphe 2 : La désignation d’un mandataire spécial (article 550)

En pratique, malgré la généralité des termes de la loi, la difficulté traitée par ces
procédures revient à un besoin financier. L’intervention du président du tribunal permet au
chef d’entreprise de trouver d’autres financements et de renégocier ses dettes par l’obtention
de remises ou de délais de paiement de la part de ses créanciers. Quand la difficulté peut être
ajustée grâce à l’aide d’un tiers afin de réduire les oppositions des partenaires habituels de
l’entreprise, le président le désigne comme « mandataire spécial » et détermine librement sa
mission et le délai pour l’accomplir. Or, le texte ne détermine ni la nature de la difficulté ni le
délai à impartir au mandataire chargé de la résoudre ni la nature de sa mission. Cette
souplesse s’explique par l’extrême variété des cas d’espèce et la nécessité de laisser au
président du tribunal de commerce la liberté d’apprécier concrètement la mesure à prendre. Le
texte se limite à exiger que la solution de ladite difficulté dépende de l’aide, de l’assistance
« d’un tiers ». Aucun texte de loi ne permet au débiteur de demander au président du tribunal
de mettre fin à la mission du mandataire spécial. Il semble que le contenu de cette mission
doit être déterminée en accord avec le débiteur, à la fois parce que ce dernier le rémunère
mais également parce que la mise en place de ce dispositif repose sur la seule finalité, c'est
que de sauver l'entreprise en difficulté. De surcroit, la réussite du mandat spécial parait peu
probable sans sa participation. Pour autant le mandataire doit rester indépendant des parties.

29
L'ordonnance de désignation du mandataire spécial doit préciser les critères sur la base
desquels la rémunération est arrêtée, son montant maximal et le montant des éventuelles
provisions. Lorsqu’il intervient plus particulièrement dans le cadre de la prévention des
difficultés financières d’une entreprise. Il s’agira essentiellement pour le mandataire
d’analyser les difficultés et d’apporter une mission d’assistance au débiteur. Généralement sa
mission consiste :
-à l’assister dans ses négociations, à rapprocher les parties et à rechercher, sans formalités
impératives, un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers (banques, fournisseurs,
etc.) pour mettre au point un plan de financement prévisionnel satisfaisant à cour terme et à
moyen terme.
- à organiser l’entrée dans le capital social de nouveaux investisseurs.
-à assister le chef d’entreprise dans la mise en place d’un plan de restructuration : après avoir
bien défini les contraintes qui pèsent sur l’entreprise, le dirigeant doit prendre des mesures qui
visent la réorganisation du travail, la réorientation stratégique ou délocalisation d’une activité
etc.
La loi ne prévoit également aucune mesure de publicité pour la désignation du
mandataire spécial. Ceci se justifie par la volonté du législateur de maintenir l’information sur
les difficultés de l’entreprise dans un cercle fermé, de manière à préserver les chances de son
sauvetage. Dans la même perspective, l’article 549 du Code de commerce dispose : « La
procédure de prévention externe et tous ses actes doivent être tenus secrets ». Par ailleurs, la
dernière réforme prévoit qu’en cas d’échec dans sa mission, il rédige un rapport pour le
communiquer immédiatement au président du tribunal de commerce. Deux hypothèses se
présentent, dans un premier temps, le débiteur à la possibilité de demander au président du
tribunal de commerce de mettre fin à la mission du mandataire spécial, parce que leur
rémunération lui parait trop élevée, ou encore parce que ses difficultés se sont estompées ou
parce qu'il pense pouvoir les résoudre seul. Il peut aussi préférer une procédure de
redressement judiciaire afin de bénéficier la suspension des poursuites de ses créanciers.

Quand au statut du mandataire spécial, l’article 550 du Code de commerce n’y fait
aucune référence. La doctrine marocaine, peu étendue sur ce sujet, y apporte quelques
précisions. Ce dernier peut donc être un conseiller juridique, un homme d’affaire expérimenté,
etc. L’absence de statut particulier conduit à penser que l’unique critère de désignation d’un
mandataire spécial est celui de sa compétence. La dernière réforme est silencieuse sur le
régime d’incompatibilité du mandataire spécial. Ainsi, le concept « d’un tiers » signifie que la

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mission de mandataire spécial ne peut être exercée par une personne ayant une relation directe
ou indirecte avec le débiteur intéressé. C’est ainsi par exemple un expert-comptable ne peut
être désigné mandataire spécial s’il a fourni des prestations rémunérées au cours des années
précédentes. Ici encore, le concept « d’un tiers » s’applique également aux personnes ayant
une relation directe ou indirecte avec l’un des créanciers du débiteur.

Quoique la nouvelle réforme pose la règle de l’indépendance du mandataire spécial à


l’égard des parties, ces dispositions ne prévoient aucun texte spécifique permettant d’assurer
le respect de ces incompatibilités. Constatant que le président du tribunal ne dispose a priori
d’aucun moyen pour avoir connaissance de l’existence de relation de candidat mandataire
avec le débiteur ou le créancier. Certains auteurs de droit comparé ont souhaité mettre en
place une formalité en vue de pallier cette difficulté : attestation sur l’honneur de l’absence
d’aucun lien avec les parties concernées.

Dans le cas où le président de commerce décide la désignation d’un mandataire


spécial. Cette décision doit être notifiée au chef d’entreprise ce qui suppose que ce mandataire
a accepté la mission qui lui a été confiée. Contrairement à son homologue français, la
jurisprudence n’a pas encore répondu à la question de recours contre la décision de
désignation. Face à ces failles législatives, il reste ici à la pratique de rechercher les solutions
adaptées à la situation afin de pallier ces lacunes législatives. De son côté, la doctrine
marocaine penche que la mise en place des voies de recours serait de nature à compliquer la
procédure de prévention externe, ce qui aggrave par la suite la situation de l’entreprise.

Paragraphe 3 : La conciliation (articles 551 à 559)

Lorsqu’une entreprise perçoit les premiers signes de difficulté, elle tente d’abord
d’améliorer sa trésorerie, souvent par le biais d’efforts financiers. Quand ces solutions
internes ne sont pas suffisantes, le dirigeant aura recours à un soutien extérieur en négociant
emprunts et délais avec ses principaux partenaires. Dès lors que la situation s’aggrave,
l’entreprise peut être dans l’incapacité d’y remédier seule. Afin de maintenir l’activité et
l’emploi, le législateur s’est attaché à renforcer ces outils en permettant un traitement négocié
des difficultés avant un état de cessation de paiement.

31
La conciliation est ouverte à toute entreprise commerciale qui, sans être en cessation
de paiement éprouve une difficulté économique ou financière ou des besoins ne pouvant être
couverts par un financement adapté à ses possibilités. Il s’agit d’une technique de conciliation
des intérêts en présence, couronnée par un véritable arrangement entre les parties, sous le
contrôle du juge. L’insertion de la conciliation dans le cadre des procédures de traitement des
difficultés marque l’intérêt reconnu au compromis comme ultime outil volontaire de
redressement avant le déclenchement des procédures judiciaires contentieuses. La conciliation
traduit une phase de redressement conventionnel de l’entreprise.

1- Les attributions du président du tribunal de commerce

La procédure de conciliation peut être spontanément décidée par le président du


tribunal suite à l’information donnée par le commissaire aux comptes ou l’associé. Elle peut
aussi avoir lieu sur demande du chef d’entreprise sous forme de requête pour saisir le
président du tribunal. En effet, l’article 551 du Code de commerce le permet par une requête
exposant sa situation financière, économique et sociale, ses besoins de financements ainsi que
les moyens qu’il envisage pour y faire face.

Le président convoque en son cabinet, le chef d’entreprise pour collecter les


informations. Selon l’article 552 du Code de commerce, le président du tribunal de commerce
dispose des pouvoirs d’investigations larges. Ce dernier peut, nonobstant toutes dispositions
législatives contraires, obtenir communication des documents par les banques, les
administrations publiques, etc. Toute institution du secteur privé ou public ne peut pas
opposer le secret professionnel ou bancaire.

La loi permet aussi au juge de désigner un expert afin d’établir un rapport sur la
situation financière de l’entreprise. Il réunit ainsi les éléments nécessaires pour avoir une
appréciation objective globale de la situation de l’entreprise avant de prendre sa décision. S’il
lui apparaît que le sauvetage de l’entreprise est encore possible parce que l’entreprise n’est
pas en cessation des paiements, et en raison des propositions de son chef tendant à les
résoudre, il ouvre la procédure de conciliation en désignant un conciliateur.

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2- La mise en œuvre de la conciliation

En fonction des propositions du chef d’entreprise, le président ouvre la procédure de


conciliation et désigne un conciliateur. Celui-ci a un délai de 3 mois, prorogeable une seule
fois à la demande de ce dernier pour exécuter sa mission. L’encadrement de la durée de la
conciliation permet d’encourager les parties à la négociation à ne pas perdre de temps et
favorise, de ce fait, les chances de succès du traitement amiable .

Par l’application de l’article 554 du Code de commerce cette mission consiste à


rechercher la conclusion d’un accord avec les créanciers. Le conciliateur demeure un tiers. La
loi n’exige aucune qualité professionnelle particulière. Sa rémunération est à la charge de
l’entreprise en difficultés. Le conciliateur n’intervient nullement en tant que partie et ne peut
faire aucune immixtion dans la gestion comme il ne peut imposer aucune mesure aux parties.
Il se limite à rapprocher leurs positions et à les aider de conclure un règlement amiable de leur
différend. Il doit faire preuve d’un grand professionnalisme et d’une grande habileté certaine
pour les convaincre de leur intérêt commun à accepter des concessions réciproques en vue
d’éviter l’aggravation de la situation. Parmi les qualités requises, on peut citer : la capacité à
respecter la confidentialité, le sens de la transaction, la capacité à comprendre les solutions
des parties. Il s’agit donc de proposer aux créanciers des reports ou des délais de paiement
compatibles avec la capacité d’autofinancement de l’entreprise. C’est dire ici que la mission
du conciliateur s’apparente à celle d’un médiateur facilitateur de l’émergence d’un accord.
Les moyens à la disposition du conciliateur sont de natures diverses. De nature contractuelle,
l’accord a un contenu souple et librement défini par le chef d’entreprise et ses principaux
créanciers avec le soutien du conciliateur.

D’une part, le conciliateur doit faire recours à des informations que possède le
président de la juridiction de commerce. Dans sa rédaction, l’alinéa 2 de l’article 554 du Code
de commerce dispose : « Le président du tribunal communique au conciliateur les
renseignements dont il dispose et, le cas échéant, les conclusions de l’expertise visées à
l’article 552 ci-dessus. » Le conciliateur ne dispose pas de pouvoir personnel d’investigation.
Pour mener à bien sa mission, il a simplement la faculté d’obtenir toute information utile
auprès du débiteur et du président de la juridiction. Autrement dit, le conciliateur n’est pas
non plus doté de pouvoirs d’informations propres.

33
Le conciliateur est donc un véritable « chef d’orchestre ». Il faut toutefois compter sur
l’honnêteté et la transparence du débiteur. En effet, le succès de la conciliation étant fondé sur
le dialogue, il se doit d’être le plus transparent possible. Aussi, le succès de cette procédure
amiable s’explique par les compétences des différents intervenants. La réussite de la mission
du conciliateur dépendra donc également en grande partie de son savoir-faire. Il doit réunir de
nombreuses qualités comme celle d’être un connaisseur du droit, des entreprises et des
marchés ainsi qu’être un professionnel capable de mettre en confiance les différentes parties à
l’accord.

D’autre part, dans le but de faciliter la conciliation, la loi autorise le conciliateur de


demander une restriction temporaire de certains droits des créanciers. En contre partie, le
président du tribunal de commerce peut prononcer une interdiction de certains paiements de la
part du débiteur (article 555 du Code de commerce).

A- La suspension provisoire des poursuites

Les créanciers inquiets par la situation de l’entreprise débitrice et soucieux de


récupérer leur dû avant son aggravation, sont tentés d’exercer des poursuites judiciaires dans
ce but. Mais, ces poursuites constituent des pressions incompatibles avec l’esprit de
conciliation qui bloquent la mission du conciliateur. L’article 555 du Code de commerce
permet à ce dernier de demander au président d’ordonner leur suspension provisoire s’il
estime qu’une telle suspension favorise l’aboutissement positif de sa mission. Même si le
texte ne le précise pas expressément, la demande de suspension provisoire émanant du
conciliateur doit être faite par requête. Elle doit également comporter tous les éléments
nécessaires pouvant éclairer le président du tribunal sur la situation réelle du débiteur,
notamment la liste des créanciers du débiteur, le montant de leurs créances exigibles et la
réponse et la demande d’avis sur les mesures envisagées. Néanmoins, la suspension provisoire
des poursuites apparaît comme une mesure facultative, car le conciliateur ne la demande que
s’il estime qu’elle est susceptible de contribuer à faciliter la conclusion de l’accord amiable.
La suspension provisoire des poursuites peut également être utilisée comme une arme de
dissuasion contre certains créanciers récalcitrants désireux de profiter de la situation difficile
de l’entreprise pour engager des poursuites contre le débiteur.

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Le président après avoir recueilli l’avis des principaux créanciers (créances les plus
élevées) peut rendre une ordonnance fixant la suspension pour une durée n’excédant pas le
délai de la mission du conciliateur. Sur ce point, le législateur ne semble donner aucune
autorité juridique à l’avis des créanciers, le président du tribunal reste libre pour suivre leur
avis favorable ou défavorable. Toutefois, en pratique, il doit en tenir compte pour préserver
les chances d’aboutir à un accord entre l’entreprise débitrice et ses créanciers.

Par ailleurs, il est regrettable que le législateur n’exige pas l’avis de l’ensemble des
créanciers. Certes, cette exigence aurait alourdi le processus de conciliation.

L’ordonnance prise par le président suspend et interdit toute action en justice de la part
de tous les créanciers dont les créances sont antérieures à la date de la décision du magistrat.
En pratique, en l’absence d’une procédure de déclaration de créance, c’est le conciliateur qui
devra renseigner le juge. Le but est de restreindre les droits des créanciers par le biais de la
suspension afin de préserver les ressources financières de l’entreprise nécessaires à son
redressement.
Les poursuites et les voies d’exécution touchées concernent principalement les
immeubles ou les meubles :

- Les actions en justice qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme
d’argent. A titre d’exemple, les dispositions de l’article 155 et suivants du Code de procédure
civile prévoient l’injonction de payer qui est une procédure judiciaire peu coûteuse utilisée par
le créancier lorsqu’il n’existe aucune contestation sur la créance, et généralement pour des
créances d’un montant peu élevé dépassant mille dirhams.
- L’action résolutoire ou l’action de résolution judiciaire d’un contrat pour défaut de paiement
d’une somme d’argent. Le demandeur après sa requête au juge judiciaire demande
l'annulation des effets obligatoires d'un engagement en raison principalement de l'inexécution
fautive par l'une des parties, des obligations mises à sa charge par la loi ou par le contrat. La
résolution a un effet rétroactif. Il en découle que les parties sont remises dans l'état où elles se
trouvaient à la date de la conclusion du contrat.
- L’ordonnance arrête et interdit également toute voie d’exécution forcée prononcée par le
juge judiciaire de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles
conformément aux dispositions du Code de procédure civile (saisie conservatoire, saisie
d’exécution).

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En revanche, la suspension n’a pas d’effet sur les poursuites tendant à la revendication
d’un droit sur un bien détenu par le débiteur (droit de propriété), à la nullité d’un acte ou bien
à la reconnaissance d’une créance sur l’entreprise débitrice dès lors que la poursuite se limite
à l’admission de la prétention et ne tend pas à obtenir paiement de ladite créance.

B- Les interdictions de paiement

Parallèlement, sauf autorisation du président du tribunal, la suspension provisoire des


poursuites interdit au débiteur, à peine de nullité, de payer en tout ou en partie une créance
quelconque née antérieurement à cette décision ou de faire un acte de disposition étranger à la
gestion normale de l’entreprise ou de consentir une hypothèque ou un nantissement.

Il convient de préciser que cette interdiction de payer ne s’applique pas aux créances
résultant du contrat de travail. Une question pourrait être soulevée : que faut-il entendre par
créances résultant du contrat de travail ? Est-ce qu’uniquement les salaires des employés ? Ou
bien cette expression comprendrait-elle également, toutes les charges sociales y afférentes
(cotisations sociales, taxes professionnelles…) Nous penchons pour la seconde lecture. La
lettre de la loi est claire. Le législateur a utilisé l’expression « créances résultants du contrat
de travail » et non pas « salaires ».

3- Les effets de la conciliation

L'accord amiable peut être conclu avec tous les créanciers. Mais, il peut aussi réunir «
les principaux créanciers », ainsi que si le conciliateur l'estime utile « ses contractants
habituels ». La détermination de ceux-ci dépendra de l'activité et du secteur économique dans
lequel évolue l'entreprise et, selon les cas, prédomineront des fabricants, des grossistes, des
sous-traitants. A l'instar de ces créanciers et quelle que soit la nature de l'entreprise concernée,
les créanciers institutionnels peuvent aussi participer à l'accord de conciliation : le trésor
public, l'administration fiscale, la CNSS, les banques. L'accord ne sera viable que si le
conciliateur parvient à les inciter à aider l'entreprise en difficulté. En tout état des causes, la
participation des créanciers à l'accord sera libre, volontaire. Certes, il n'y a pas ici une égalité
entre ces créanciers, car les sacrifices consentis ne sont pas les mêmes pour tous les
partenaires à l'accord et doivent avoir été voulus par les créanciers. Or, l'ensemble de ces
créanciers n'accordent pas les mêmes efforts financiers. Puisque la négociation sera effectuée

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séparément avec chacun d'eux. Cela veut dire ici que la procédure n'est pas égalitaire et
collective.

La nature amiable de cette procédure produit d’autres conséquences sur les droits des
créanciers. En premier lieu, ceux-ci ne sont jamais obligés ou forcés de conclure le procès
verbal de conciliation. Ils sont libres de le rejeter en bloc ou d’en refuser certaines conditions
notamment pour des raisons de mauvaise foi du débiteur. En fait, l’exercice de cette
prérogative de rejet dépend de l’appréciation faite par les créanciers de pouvoir obtenir des
meilleures solutions. Dans cette perspective, ils doivent disposer d’éléments solides quant à la
capacité financière du débiteur.

La mission du conciliateur peut se solder, soit par un échec, se traduisant par la


constatation de l’impossibilité d’une conciliation entre l’entreprise en difficulté et ses
créanciers, soit par la conclusion d’un accord de conciliation. Si les créanciers sont tous
consentants, la conciliation sera homologuée par le président du tribunal. S’il n’est accepté
que par certains d’entre eux, l’homologation devient simplement facultative. La finalité de
l’homologation est la reconnaissance de l’accord amiable par une procédure judiciaire lui
donnant une expertise juridique et surtout lui conférant force exécutoire.

On doit relever que l’accord signé par le conciliateur et les parties est déposé au greffe.
Le président du tribunal doit statuer avant le terme de la procédure de conciliation. Il produit
plein effet sur les créanciers qui l’ont signé et sur le débiteur. De plus, il confère au débiteur
une protection contre les actions inconsidérées des créanciers qui ont refusé la signature en
rejetant tout ou partie de ses clauses. Cette interdiction permet aussi de protéger les créanciers
signataires du règlement amiable en évitant le risque d’être « doublés » par ceux qui ont
refusé l’accord.

Aux termes de cette protection, et en application de l’article 556 du Code de


commerce le président accorde au débiteur les délais de paiements prévus par les textes en
vigueur pour les créances non inclues dans l’accord. L’application de cet article nous semble
fait allusion à l’article 243 alinéa 2 du DOC qui dispose : « Les juges peuvent, néanmoins, en
considération de la position du débiteur et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve,
accorder des délais modérés pour le paiement et surseoir à l’exécution des poursuites, toutes
choses demeurant en l’état. »

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Dans le même esprit, suivant l’article 559 du Code de commerce, la conciliation
suspend, pendant la durée de son exécution toute action en justice, toute poursuite individuelle
tant sur les meubles que sur les immeubles du débiteur dans le but d’obtenir le paiement des
créances qui en font l’objet. En revanche, le débiteur doit exécuter l’accord de conciliation de
bonne foi. Le dernier alinéa de l’article 559 précise qu’en cas d’inexécution des engagements
résultant de l’accord, le président prononce la résolution de celui-ci ainsi que la déchéance de
tout délai de paiement accordée. Il en résulte que le débiteur sera surveillé par les créanciers.
Il va de soi que ces derniers se montrent plus exigeants et n’hésiteront pas à saisir le président
du tribunal de commerce à l’occasion d’une défaillance de l’entreprise en difficulté. Il
convient de remarquer que l’ordonnance de résolution de l’accord de conciliation ne peut faire
l’objet d’aucune voie de recours. Le président du tribunal de commerce qui prend cette
décision définitive transmet le dossier au tribunal pour ouvrir le redressement ou la liquidation
judiciaire.

La question s’est également posée de savoir si la sanction de l’inexécution de l’accord


est réellement une résolution ou si elle s’apparente davantage à une résiliation ? L’enjeu est
important car la résolution produit un anéantissement rétroactif du contrat lorsque la
résiliation ne produit d’effets que pour l’avenir. La complexité du régime de la sanction en cas
d’inexécution de l’accord est aussi illustrée par les difficultés liées à la rétroactivité de la
résolution. Dès lors, en raison de la résolution de l’accord et de ses effets rétroactifs, le
débiteur se voit déchu des délais de paiement et des remises de dettes consentis par ses
créanciers.

La nouvelle réforme a instauré un droit de préférence pour les créanciers qui ont
accepté la conciliation et continuent d’entretenir des relations commerciales avec l’entreprise
en difficulté. Autrement dit, tous les biens et services rendus par ces derniers à crédit seront
remboursés en priorité par rapport à toute forme de créance. ». Ce privilège a été étendu,
notamment à travers les termes de l'alinéa 2 de l'article 558 de la loi : « personnes qui
fournissent, dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite
d'activité de l'entreprise et sa pérennité, sont payés pour le prix de ce bien ou de ce service,
bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service ». Cette exception au
principe de l’égalité des créanciers permet d’encourager les partenaires commerciaux et
d’éviter l’isolement de l‘entreprise en question.

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Comme la phase de prévention interne, le législateur essaye toujours de préserver la
discrétion de la procédure pour assurer les chances de redressement de la situation de
l’entreprise en difficulté. Ceci résulte de deux éléments. D’abord, en dehors du pouvoir
judiciaire à qui l’accord et le rapport d’expertise peuvent être communiqués, ces deux
documents ne peuvent être transmis qu’aux parties signataires de l’accord (article 557 du
Code de commerce). Ensuite, aucune publicité légale n’est prévue pour les procédures
réalisées au cours de toute la phase de prévention externe. Ainsi, les articles 43 et 46 du Code
de commerce, applicables respectivement aux commerçants personnes physiques et morales,
exigent l’inscription au registre de commerce des décisions judiciaires en matière de
redressement ou de liquidation judiciaire. Tant que ces phases ne sont pas entamées, aucune
publicité légale n’est requise.

En somme, l’intervention du conciliateur n’est plus liée au fonctionnement de


l’entreprise mais permet seulement aux parties de s’entendre en vue de l’adoption d’une
solution amiable. Dans l’ensemble, cette procédure demeure primordiale pour la protection
des intérêts en présence. Elle suppose une vigilance particulière des créanciers dans la
négociation des conditions de l’accord.

39
Partie 2 : Le traitement judiciaire des difficultés de l’entreprise

Les difficultés des entreprises mettent en jeu une pluralité d’intérêts. Il y a ceux des
parties, débiteur et créanciers, en raison de l’inexécution de l’obligation, aussi, des intérêts
publics considérant les conséquences de la défaillance de l’entreprise pour la collectivité et,
encore, l’intérêt général et l’ordre public, car la cessation des paiements conduit à éprouver le
caractère contraignant de la règle de droit au fondement de la vie en société. Diverses qualités
sont par conséquent attendues de l’autorité de traitement des difficultés des entreprises. Elles
doivent répondre à l’ensemble de ces exigences, tout en se distinguant des insuffisances des
modes privés de traitement des entreprises en difficulté.

Malgré l’utilité de la phase préventive pour ajuster la situation financière de la société


en difficulté, celle-ci intervient souvent en retard ce qui donne lieu à d’autres procédures de
nature judiciaire soit pour sauver l’entreprise en cause, soit pour l’éliminer dans l’hypothèse
ou sa situation est définitivement condamnée. En effet, la gravité de la situation financière de
la société impose une intervention judiciaire pour ordonner les mesures nécessaires, les
superviser, les contrôler et en garantir l’efficacité. Avant d’exposer les modalités de
traitement, il importe d’abord d’étudier les conditions légales d’ouverture des procédures
judiciaires et ensuite, de préciser les règles de préparation des solutions permettant la décision
du traitement la plus approprié de la difficulté.

40
Chapitre 1 : Les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde ou
de redressement judiciaire

En droit marocain, le commerçant dispose d’un seul patrimoine. Une seule procédure
peut être ouverte à son encontre. Ainsi, l’unicité du patrimoine interdit que vis-à-vis d’un
même commerçant, puisse être ouvertes deux ou plusieurs procédures collectives
simultanément, ou successivement lorsque la première procédure n’est pas encore clôturée.
En revanche, plusieurs procédures peuvent être entamées lorsque le commerçant exerce
plusieurs activités distinctes à travers des fonds de commerce distincts (Cour d’appel de
commerce de Fès, décision du 17 décembre 2003).

Dans sa rédaction issue de la loi n°73.17 du 19 avril 2018, l’article 560 du Code de
commerce prévoit l’institution de la procédure de sauvegarde qui devrait bénéficier à tout
commerçant en difficultés financières. Il faut donc supposer que le commerçant se trouve
dans une situation tellement difficile qu’elle nécessite un certain répit et la prise de mesures
appropriées, mais la situation n’est pas pour autant désespérée puisque l’on compte sur ce
répit et sur ces mesures appropriées pour aider le commerçant débiteur à les surmonter.

Section 1 : La procédure de sauvegarde

En principe, le redressement judiciaire est centré autour de la notion de cessation des


paiements car il signale la fin de la procédure de prévention. La cessation des paiements est
une institution ancienne en droit des entreprises en difficulté, où elle joue un rôle important en
ce qu’elle a toujours été un évènement de référence pour la détermination du sort de
l’entreprise et, par ricochet, de celui des créanciers. La survenance de la cessation des
paiements dans la vie d’une entreprise crée la panique chez le chef d’entreprise - parce que
cela suppose la mise éventuelle sous contrôle judiciaire de l’entreprise - et l’angoisse chez les
créanciers- qui redoutent un paiement dérisoire. Ce climat anxiogène est le fait de
l’immédiateté des conséquences à la fois factuelles et juridiques de cet état de cessation des
paiements a suscité l’ouverture d’une procédure plus souple.

Le législateur à travers l’article 561 du Code de commerce permet l’ouverture de la


procédure de sauvegarde à toute entreprise lorsque sa situation est proche de la cessation des
paiements. Cette procédure se situe à mi-chemin entre les procédures purement préventives et

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celle du redressement judiciaire. Elle suppose que l’entreprise souffre de difficultés
économiques ou financières mais sans arriver à un état de cessation de paiement, sinon elle
serait sujette à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. La finalité de cette
disposition est d’accélérer le traitement judiciaire pour ouvrir une procédure plus appropriée
et adaptée au besoin de l’entreprise. De ce point de vue, le dirigeant ne doit pas attendre que
la difficulté atteigne un niveau plus grave. Cette précision législative n’est pas sans intérêt.
Elle a pour but d’encourager les dirigeants de saisir le tribunal de commerce pour trouver une
solution aux difficultés. Au demeurant, cette souplesse comporte un autre avantage
notamment d’écarter la responsabilité du chef d’entreprise, en considérant comme une faute
de gestion, la demande tardive d’ouverture du redressement judiciaire.

La démarche préventive ne passe pas toujours comme prévu, certaines entraves


peuvent bloquer l’adoption d’une restructuration de l’entreprise. On parle du cas où certains
créanciers financiers expriment leur objection, empêchant, ainsi toute amélioration du sort de
l’entreprise et de son dirigeant. Ainsi, la procédure de sauvegarde peut constituer une
alternative pour débloquer la situation.

Paragraphe 1 : Les conditions d’ouverture

Dans sa rédaction issue de la loi n° 73-17, l’article 561 du Code de commerce exige
l’existence des difficultés insurmontables que le chef d’entreprise ne peut pas à lui seul les
résoudre. Ainsi pour analyser ces difficultés, il faut analyser non seulement le bilan
comptable, mais, aussi, les capacités financières dont elle dispose. De même, il faut évaluer
les chances de sauvegarde de l’entreprise ce qui suppose d’évaluer l’état du marché.

La procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise


afin, notamment, de permettre la poursuite de l’activité économique. Son but est d’éviter au
débiteur les poursuites de ses créanciers dans l’espoir qu’il puisse parvenir au redressement de
la situation, autrement dit à sauver l’entreprise et l’emploi. Toute cette procédure repose donc
sur l’entreprise elle-même qui cherche la sauvegarde. Il est alors légitime de laisser à
l’entreprise elle-même et, plus précisément, au chef de cette entreprise, le soin de demander
l’ouverture d’une sauvegarde. Il appartiendra au juge judiciaire d’apprécier l’opportunité de
l’ouverture de la procédure. Mais, pour la demande d’ouverture elle-même, le monopole est
réservé au chef d’entreprise. Si l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire est

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donc susceptible d’être imposée au chef d’entreprise en difficulté, l’ouverture de la procédure
de sauvegarde, elle, relève de sa seule initiative. La sauvegarde est une procédure purement
volontariste. Cependant, elle constitue dans le même temps une procédure collective au sens
strict du terme, qui soumet à ses règles l’ensemble des acteurs de l’entreprise concernée et est
placée jusqu’à son terme sous le contrôle du juge judiciaire. Son déroulement est, par
conséquent, marqué par ces différents aspects, et guidé par l’objectif qui lui est assigné par la
loi, à savoir la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du
passif.

Le législateur a retenu que seules les conditions d’ouverture de la sauvegarde, que sont
l’absence de cessation des paiements et la présence de difficultés insurmontables suffisent à
justifier son ouverture. En pratique, ces difficultés sont surtout d’ordre économique comme
une baisse des commandes, une fermeture temporaire, la dégradation de la trésorerie,
l’impossibilité de régler des factures, d’honorer des mensualités de prêts, etc. Parmi les
grandes caractéristiques de la procédure de sauvegarde c’est qu’elle est facultative, en ce sens
que l’opportunité de sa mise en œuvre est laissée à la discrétion du chef d’entreprise pour
éviter la cessation des paiements. La demande d’ouverture de cette procédure se fait au greffe
du tribunal de commerce. Des pièces justificatives obligatoires sont jointes à cette demande
d’ouverture conformément aux dispositions de l’article 577 du Code de commerce pour
faciliter au tribunal le traitement de la requête : les états de synthèses, le tableau des charges,
l’énumération de tous les biens sociaux, la liste des créanciers et les débiteurs de l’entreprise
en difficulté, etc. Une provision est fixée par le président du tribunal de commerce. Elle
englobe les frais engagés à la charge de l’entreprise en difficultés (moyens de la publicité du
jugement de sauvegarde…) A noter que l’absence d’un des documents doit être justifiée. De
ce fait, le chef d’entreprise doit convaincre le tribunal qu’il se trouve dans une situation
insurmontable. Les raisons qui justifient cette position c’est d’éviter que le dirigeant profite
des avantages de cette procédure au détriment des autres créanciers, car la sauvegarde
présente pour ces derniers un inconvénient non négligeable.

Bien plus, le chef d'entreprise est appelé à présenter au tribunal un projet de plan de
sauvegarde, sous peine d’irrecevabilité de la demande (article 562 du Code de commerce). Ce
projet doit contenir tous les éléments nécessaires à éclairer le tribunal, notamment la mention
de tous les engagements nécessaires à la sauvegarde de l’entreprise, les moyens de maintenir
l’activité, les modalités d’apurement du passif ainsi que les garanties accordées pour

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l’exécution du plan. En d’autres termes, le chef d’entreprise doit élaborer un projet de plan
susceptible de pérenniser l’entreprise. C’est donc le plan d’action qui définit les étapes à
suivre afin de redresser l’entreprise en difficulté. Le plan a pour but de présenter les
perspectives de redressement de l’entreprise en fonction des possibilités et des modalités
d’activité, de l’état du marché et des moyens financiers disponibles. Il contient notamment :

 Les mesures économiques de réorganisation telles que l’arrêt, l’adjonction ou la


cession d’une ou plusieurs activités par exemple.
 Les modalités de règlement des créances et les éventuelles garanties données par le
débiteur pour ces remboursements.
 Les perspectives d’emploi et conditions sociales pour la poursuite d’activité : il est
nécessaire de mentionner les mesures sociales qui sont déjà intervenues ainsi que les
actions à prendre et les perspectives d’emploi.
 L’éventuelle réorganisation des statuts si besoin : par exemple une augmentation du
capital social.

Le plan de sauvegarde doit être le plus complet possible et présenter tous les moyens à
mettre en place pour le rétablissement de l’entreprise. Il est ensuite présenté au juge de la
procédure.

Le tribunal statue sur l'ouverture de la procédure dans les quinze jours de sa saisine
après avoir entendu le dirigeant de la société en chambre du conseil. Il peut recueillir toutes
les informations nécessaires et utiles sur la situation globale de l’entreprise en difficultés. Le
tribunal peut lui-même se faire assister d'un expert de son choix (article 563 du Code de
commerce).

Paragraphe 2 : Les effets du jugement de sauvegarde

Le jugement d'ouverture désigne les acteurs de la procédure (syndic, juge commissaire,


contrôleurs). Ce dernier n’est pas dessaisi de ses prérogatives, il poursuit son activité,
éventuellement surveillé par la justice (syndic, juge commissaire). Le dirigeant ne peut être
dessaisi de ses prérogatives de direction de l’entreprise, le maintien en place du dirigeant est
justifié, il sera anodin de procéder au bouleversement de la direction d’une entreprise qui n’est
pas véritablement défaillante. L’idée qui prédomine ici est de surveiller ou d’assister le
débiteur. Le syndic ne va donc pas représenter le dirigeant, autrement dit, il ne lui appartient
pas de remplacer le dirigeant dans l’accomplissement des actes. Il s’agit seulement d’une

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mission de surveillance et d’assistance. La mission de surveillance devrait signifier que le
syndic intervient pour vérifier si la gestion faite par le dirigeant n’encourt pas la critique.
Donc, les actes sont accomplis par le dirigeant lui-même et, à ce titre, ils sont valables. La
mission d’assistance soulève quand même un certain nombre de difficultés concrètes. Par
exemple, on se demande quelle est la mesure de l’intervention du syndic ? Doit-il intervenir
dans tous les actes qui sont accomplis par le dirigeant ? C’est ainsi que les actes de gestion
courante restent de sa seule compétence (commande de marchandises en vue de leur vente,
conclusion d’un contrat de transport...). Des actes de disposition sont permis dès que ces actes
constituent des actes de gestion courante.

Concernant la situation économique de l'entreprise, les règles communes des


procédures judiciaires, qui assurent la protection de l'activité de l'entreprise sont conservées :
arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution pour les créances nées avant le
jugement de sauvegarde. C’est la date du fait générateur ou de l’origine de la créance qui doit
être prise en compte, et non la date d’exigibilité de la créance. Ce qui fait comprendre qu’une
créance née avant mais exigible après l’ouverture de la procédure est visée par l’interdiction
de payer. Cette discipline imposée aux créanciers antérieurs se manifeste dans l’immédiat en
provoquant le gel des créances antérieurs et sur la durée en définissant un régime assez strict
de déclaration et de vérification des créances. Ce principe d’arrêt des poursuites individuelles
manifeste le caractère égalitaire et collectif de la procédure, il s’agit en effet d’une nécessité
pour permettre à l’entreprise de surmonter ses difficultés alors même qu’elle n’est pas en
cessation des paiements donc en plus de ces restrictions le caractère collectif de la procédure
de sauvegarde impose le traitement collectif des créances à travers la procédure de déclaration
et vérification des créances.

On peut citer d’autres conséquences juridiques du jugement de sauvegarde :


interdiction de paiement de toute créance née avant le jugement de sauvegarde, arrêt du cours
des intérêts, impossibilité pour les créanciers d'exiger le paiement immédiat de leurs dettes,
déclaration des créances dans les délais légaux sous peine de forclusion (articles 670 à 735 du
Code de commerce). La volonté du législateur est de faire bénéficier le débiteur en difficulté,
avant de se retrouver dans la cessation de paiement, d’une protection de la justice, sous
l’égide de laquelle, il va s’abriter contre les poursuites de ses créanciers, jusqu’à ce qu’il

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parvienne à élaborer un accord avec ces derniers3. Par ailleurs, les formalités d'inventaire sont
confiées au chef d’entreprise4.

Certes pour que l’entreprise puisse trouver des partenaires contractuels et financiers en
période d’observation, il faut leur accorder un statut particulier et en tout cas plus favorable
que celui des créanciers antérieurs à l’ouverture de la procédure de sauvegarde. Notons que
cette préférence économique et financière est accordée par le législateur en pratique à certains
créanciers postérieurs à l’ouverture de la procédure de sauvegarde et dont l’engagement est
nécessaire à la continuité de l’exploitation et qui s’exprime selon des mécanismes originaux
faisant exception à l’unité du patrimoine, ces mécanismes sont prévus dans le cadre de
l’article 565 du code de commerce qui reconnait un privilège aux créanciers de la période
d’observation et qui en précise le régime 5.

Durant la période d'observation (8 mois maximum), le chef d’entreprise continue à


gérer son entreprise et il revient au syndic avec le concours de ce dernier d'en dresser un bilan
détaillé sur la situation financière, économique et social afin de présenter un schéma de la
situation de l’entreprise avec sa situation active et sa situation passive. La période
d'observation prend fin lorsque le tribunal arrête le plan de sauvegarde. Le tribunal est
également compétent pour prononcer le remplacement d'un ou de plusieurs dirigeants, si cela
lui semble nécessaire.

La durée du plan de sauvegarde ne peut excéder 5 ans (article 571 du Code de


commerce). Il indique d'abord les mesures économiques de réorganisation de l'entreprise qui
peut comporter l'arrêt, l'adjonction d'une ou plusieurs activités. Le plan de sauvegarde prévoit
les modalités de règlement des dettes, déduction faite des délais et remises consentis par les
créanciers. En cas d'inexécution du plan, il revient au tribunal de décider d'y mettre un terme.
En cas de survenance de la cessation des paiements durant cette période, le tribunal doit
ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Par conséquent, le
placement de l’entreprise en difficulté dans une nouvelle procédure collective (redressement
judiciaire) en raison de l’échec du plan de sauvegarde pour cause de cessation des paiements

3
Nahid LYAZAMI, Le nouveau mécanisme de sauvegarde des entreprises en difficulté : Une vraie bouée de
sauvetage pour les entreprises naufragées ? Revista de Estudios Jurídicos y Criminológicos, nº 2, Universidad de
Cádiz, 2020.
4
Samira ERRABIH, Les mécanismes de réussite de la procédure de sauvegarde, Revue droit § société, n 10,
Juillet-Septembre 2023.
5
Samira ERRABIH, Les mécanismes de réussite de la procédure de sauvegarde, Revue droit § société, n 10,
Juillet-Septembre 2023.

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implique aussi la remise en cause des mesures qui étaient destinées à permettre le
rétablissement du débiteur. Ainsi, lorsque le plan de sauvegarde est résolu par le tribunal de
commerce, toutes les opérations de celui-ci prennent fin, tout comme la procédure encore en
cours, et les mesures prises pour faciliter les paiements cessent. Les délais de paiement et les
remises de dettes sont anéantis entièrement.

Quel bilan peut-on tirer de la procédure de sauvegarde, cinq ans après son
introduction dans le droit marocain ? Le constat n’est pas clair faute de statistiques empiriques
en la matière.

Section 2 : La procédure de redressement judiciaire

La procédure de redressement judiciaire, qui doit être mise en œuvre par toute
entreprise en cessation des paiements dont le redressement est jugé possible, permet la
poursuite de l'activité de l'entreprise, l'apurement de ses dettes et le maintien de l'emploi.
Cette procédure est particulièrement lourde de conséquences. En présence d’une situation
aussi préoccupante, l’intervention du tribunal est la dernière chance de redressement. Mais
seules des mesures énergiques pourront réussir là ou ont échoué des mécanismes plus légers
comme notamment la prévention. La profonde dégradation de l’entreprise nécessite des
remèdes drastiques.

Paragraphe 1 : La cessation des paiements

C’est ce que l’on appelle couramment le « dépôt de bilan », la cessation des paiements
est définie au moyen de termes empruntés à la comptabilité pour regrouper certains postes de
bilan. Ainsi, dans le bilan, l’actif disponible correspond aux valeurs liquides, notamment les
sommes détenues en caisse ou figurant sur un compte bancaire. Le passif exigible désigne les
dettes, par opposition aux capitaux permanents. Il s’agit là d’une erreur car la définition
légale de la cessation des paiements est une définition juridique et non une définition
comptable. Ses termes ne doivent pas être pris dans le sens qu’ils revêtent en comptabilité, si
bien que l’état de cessation des paiements ne saurait apparaître à la seule lecture d’un bilan.

La notion de cessation des paiements reste la pierre angulaire du droit des entreprises
en difficulté. Il y a plus de 15 ans, certains auteurs parlaient déjà de clé de voûte des
procédures collectives. Elle est une situation dans laquelle se trouve un commerçant ou une
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entreprise qui ne dispose plus d'une trésorerie suffisante pour faire face à ses dettes liquides et
exigibles et elle est donc une situation de fait. Elle se distingue de l'insolvabilité qui est un état
de droit. L'insolvabilité est perçue comme une forme aggravée de l’arrêt matériel des
paiements. C'est l'état d'une personne dont le passif dépasse l'actif. La constatation de
l'insolvabilité d'une personne nécessite l'inventaire de l'actif et du passif, et l'insolvabilité va
se révéler par la balance de ces deux postes. Sans doute, il arrive très souvent que l'état
d'insolvabilité et l'état de cessation de paiement coïncident. C'est le cas lorsque le débiteur qui
refuse de payer ce qu'il doit, a un passif qui dépasse son actif. Mais il n'est pas nécessaire que
ces états coïncident parce que précisément ils différent. L'insolvabilité ne se confond pas avec
la cessation de paiement. La cessation de paiement est l'impossibilité pour un commerçant, un
artisan ou une personne morale de droit privé, de faire face au passif exigible avec son actif
disponible, cause d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

L’évolution de la notion de la cessation des paiements a connu trois stades. Pendant


longtemps, les tribunaux en France, avaient adopté une conception purement matérielle
retenant essentiellement comme critère l’arrêt du service de caisse ou l’arrêt de l’activité de
l’entreprise. Il n’y avait pas cessation des paiements lorsque le débiteur payait ses dettes à
l’échéance, par contre, elle existait lorsque les paiements n’étaient plus régulièrement assurés.
Par la suite, la jurisprudence a évolué pour considérer que le refus de paiement était un signe
parmi d’autres de la défaillance. Dans cette perspective, les juges exigeaient que le débiteur se
trouve dans une situation financière « désespérée sans issue », « irrémédiablement et
inéluctablement compromise ». Tant qu’il n’existait rien qui soit de nature à compromettre la
vie de l’entreprise ou à empêcher définitivement le débiteur de faire face à ses engagements,
et tant que les difficultés ne présentaient pas un caractère insurmontable et traduisaient
seulement un embarras passager dont le débiteur était capable de triompher, il n’y avait pas
cessation des paiements. Depuis 1978, la Cour de cassation française se contentait
uniquement de l’insuffisance d’actif par rapport au passif exigible (Chambre commerciale de
la Cour de cassation française, Décision du 14 février 1978). Cette position correspond à la
conception du législateur marocain à la notion de la cessation des paiements. La procédure de
traitement des difficultés de l’entreprise est applicable à tout commerçant en état de cessation
des paiements. Selon l’expression du nouvel article 575 du Code de commerce, le fait pour
une entreprise qui se trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif
disponible y compris celles nées de ses engagements conclus dans le cadre de l’accord
amiable.

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Ce texte de loi se base pour définir la cessation des paiements sur la notion
d’impossibilité. A priori, cette impossibilité se trouverait dans l’incapacité pour le débiteur de
régler ses dettes et, normalement, on doit comparer si le passif exigible dépasse l’actif
disponible. Mais, en réalité, il n’a jamais été aisé de comprendre avec précision quand une
telle impossibilité existe. Par exemple, existe-t-elle dans l’hypothèse où le débiteur pourrait
recourir à un procédé de financement, tel l’emprunt, pour payer ses dettes. Le recours à un
procédé de financement ne serait peut-être pas la solution s’il s’avère particulièrement
onéreux et le débiteur sera considéré en état de cessation des paiements même s’il ne recourt
pas à ce procédé alors qu’il aurait pu théoriquement le faire.

La nature des dettes ou passifs exigibles : La cessation des paiements est


matérialisée par l’impossibilité ou le refus d’une entreprise de payer à l’échéance ses dettes
exigibles constitue une condition d’ouverture de la procédure de redressement. Cette cessation
dénote un symptôme de la dégradation de la situation financière de l’entreprise qui nécessitera
une intervention rapide afin de rechercher la solution adéquate. Cependant, tout refus de
paiement de la part d’une entreprise ne peut être assimilé à une cessation de paiements et
partant justifier l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. Il en est de même de
simples retards répétés dans le paiement d’une ou plusieurs dettes ne caractérisent en aucun
cas une situation de cessation des paiements de l’entreprise débitrice. Par ailleurs,
l’intervention prématurée du pouvoir judiciaire dans la gestion de l’entreprise peut avoir des
conséquences néfastes sur son sort dans la mesure où la liberté du chef d’entreprise subira
certaines restrictions du fait de l’intervention judiciaire. De même une intervention tardive
rend impossible toute faculté de redressement de l’entreprise en difficultés étant donné que la
situation de cette dernière devient inéluctablement compromise. D’où la nécessité de
déterminer avec exactitude les composantes de la cessation des paiements.

Les dettes qui sont prises en considérations sont celles qui n’ont pas été payé, alors
qu’elles auraient dues l’être. Il s’agit des dettes arrivées à terme et qui ne soulèvent pas de
contestations du débiteur quant à leur existence ou à leur montant (Tribunal de commerce
d’Agadir, décision du 15 mars 2000). Ses dettes doivent répondre à certaines conditions
obligatoires :

1-La dette doit être exigible, c'est-à-dire échue et susceptible d’exécution forcée. Il faut que le
paiement ait été demandé par le biais de la mise en demeure pour constater la défaillance du

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débiteur. Pour les dettes publiques, le Code de recouvrement des créances publiques prévoit
une exigibilité automatique soit immédiate soit après un certain temps : tout dépend de la
nature de l’impôt. A contrario, les simples retards répétés dans le paiement d’une ou plusieurs
dettes ne caractérisent en aucun cas une situation de cessation des paiements de l’entreprise
débitrice ou lorsque le chef d’entreprise débitrice bénéficie des moratoires de paiements de
ses créanciers.

2- La dette doit être certaine, c'est-à-dire indiscutée dans son existence. Ainsi, il a été décidé
qu’elle n’est pas en cessation des paiements l’entreprise qui a réglé ses dettes, auparavant
contestées, au sujet desquelles des décisions judiciaires définitives ont été rendues (Tribunal
de commerce d’Agadir, décision du 03 mars 2000).

3- Les dettes peuvent être de nature commerciale ou civile (Tribunal de commerce de


Marrakech, décision du 07 février 1999 et la décision du Tribunal de commerce de Rabat du
29 décembre 1998). Dans le même sens, la procédure peut être ouverte sur l’assignation d’un
créancier quelle que soit la nature de sa créance. Cette règle permet à certains organismes
publics n’ayant pas la qualité de commerçant de réclamer leurs dettes dans le cadre de la
procédure de redressement. On peut citer à titre d’exemple, la Caisse nationale de sécurité
sociale.

La disponibilité de l’actif : la capacité de remboursement : L’actif disponible est


constitué par les sommes dont l’entreprise peut immédiatement disposer pour assurer le
paiement immédiat, dès l’échéance d’une dette quel qu’en soit le montant. Ainsi, la
disponibilité de l’actif se traduit par la disponibilité de la trésorerie de l’entreprise. Il est
constitué par les sommes dont l’entreprise peut disposer immédiatement soit parce qu’elles
sont liquides, soit parce que leur conversion en liquide est possible à tout moment et sans
délai et ce, sans compromettre la poursuite de l’entreprise. Ainsi, il n’est pas possible de
vendre des biens essentiels à l’activité pour gonfler artificiellement l’actif disponible. Si ces
sommes ne permettent pas de couvrir le passif exigible, la cessation des paiements est
constituée. Autrement dit, la capacité du commerçant débiteur à rembourser ses dettes est
appréciée par rapport aux liquidités disponibles (sommes d’argent disponibles dans le compte
bancaire) ou immédiatement mobilisables (facilités de caisses accordés par la banque), ainsi
que par rapport aux actifs immédiatement monnayables (titres côtés en bourse, …) A
contrario, ne sont pas pris en compte les actifs difficilement réalisables : fonds de commerce,

50
immeubles, etc. (Tribunal de commerce d’Agadir, décision du 15 mars 2000). Dans le second
cas, la doctrine considère depuis assez longtemps que la procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire peut s’ouvrir lorsque le débiteur, tout en faisant face à ses échéances,
utilise des moyens factices, ruineux ou frauduleux pour se procurer des liquidités. Par
exemple, il émet des effets de complaisance ou vend ses marchandises à perte ou encore
contracte des emprunts qu’il ne pourra manifestement pas rembourser. Ces procédés ne font
que retarder une défaillance dont les conséquences seront d’autant plus graves qu’elles se
produiront plus tard. Il faut assimiler la cessation des paiements déguisée à la cessation des
paiements apparente.

La cessation des paiements vise le débiteur qui ne peut pas payer, à la différence de
celui qui ne veut pas. Cependant, tout refus de paiement de la part d’une entreprise ne peut
être assimilé à une cessation de paiements que si le refus est justifié par l’incapacité financière
immédiate de l’entreprise en difficulté. Il résulte de ces développements que les éléments
constitutifs de la notion de cessation des paiements ne sont pas toujours faciles à cerner même
s’il demeure nécessaire d’en faire une approche réaliste. La jurisprudence se montre
particulièrement exigeante sur la nécessité de les caractériser.

Paragraphe 2 : Le moment de la constatation de la cessation des paiements

Très souvent, la cessation des paiements existe non pas à compter du jour de la saisine
du tribunal ou dès sa décision, mais depuis un certain temps. Dans tous les cas, la Cour
d’appel de commerce de Casablanca dans son arrêt du 16 mars 2000 avait décidé ne pas
ordonner l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire que s’il est certain qu’il y’a
cessation de paiement. De ce fait, il appartient au tribunal de procéder à la détermination du
jour à partir duquel elle a pris naissance. En effet, il arrive que le commerçant débiteur soit
déjà en état de cessation des paiements et que, pour une raison ou une autre, aucune procédure
n’ait encore été ouverte. Les raisons de ces retards sont multiples : il se peut que le dirigeant
ne veuille pas avouer sa situation. Il peut croire qu’il peut encore la redresser tout seul, etc.

Par conséquent, la procédure ne peut être ouverte si le débiteur a désintéressé le


créancier demandeur entre la date de l’ouverture du procès et celle du jugement en premier
ressort, voire en appel (tribunal de commerce de Marrakech, décision du 22 décembre 1999).

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En outre à cela, il ne suffit pas qu’un créancier invoque le défaut de paiement de sa créance
pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l’entreprise débitrice. Le créancier doit
prouver que le défaut de paiement de sa créance est dû à la situation financière compromise
de l’entreprise débitrice (Chambre commerciale de la Cour suprême, décision du 29 décembre
2004). Parmi ces éléments de preuves, on peut citer à titre d’exemple : la fermeture du
magasin, l’arrêt de l’activité, la pluralité des créanciers impayés, la perte du capital de la
société, etc.

La date de la cessation des paiements est fixée par le jugement d’ouverture des
procédures de traitement des difficultés. La date ainsi fixée n’est pas définitive. Elle peut être
reportée en arrière une ou plusieurs fois à la demande du syndic avant l’expiration d’un délai
de 15 jours suivant le jugement qui fixe le plan de continuation ou de cession ou de
liquidation. Dans tous les cas, la date de cessation des paiements ne peut être antérieure à 18
mois à celle de l’ouverture de la procédure. Généralement, les tribunaux fixent ce délai
lorsqu’il n’y a aucun élément permettant de fixer la date réelle de la cessation des paiements.
A défaut de sa détermination, la date de cessation des paiements par le jugement d’ouverture
est réputée être intervenue à la date de jugement. La date de la cessation des paiements est
importante dans la procédure de traitement des difficultés de l’entreprise, compte tenu de ses
effets juridiques sur la période suspecte (article 713 du Code de commerce).

Section 2 : Le jugement de redressement judiciaire

Le traitement judiciaire des difficultés de l’entreprise applicable aux commerçants


relève de la compétence des juridictions commerciales en vertu de l’article 5 de la loi n° 53-
95, instituant les juridictions de commerce, qui dispose : « les tribunaux de commerce sont
compétents pour connaître…des actions entre commerçants à l’occasion de leurs activités
commerciales… ». Pour désigner le tribunal territorialement compétent, il est important de se
référer à l’article 581 du Code de commerce qui précise la compétence du tribunal du lieu du
principal établissement du commerçant ou du siège social de la société.

Paragraphe 1 : La saisine du tribunal

Le tribunal peut être saisi par une assignation d’un créancier quelle que soit la nature
de sa créance. Il faut savoir que l’action du créancier a un caractère particulier parce qu’elle

52
sert à faire constater la situation financière du débiteur qui aura des conséquences juridiques.
Par dérogation, le tribunal peut se saisir d’office à l’occasion d’une instance où il découvre les
difficultés de l’entreprise. Il peut être saisi également par le ministère public ou par le
président du tribunal de commerce notamment en cas d’inexécution des engagements
financiers conclu dans la procédure de conciliation. Il peut également appeler à connaître de
l’affaire par une demande du débiteur lui-même ou ses héritiers. En revanche, on relève que,
parmi les personnes énumérées par les textes, ne figurent pas les salariés. Cela veut dire qu’en
tant que salariés, ceux-ci ou encore leurs représentants ne peuvent pas demander directement
l’ouverture du redressement judiciaire. Néanmoins, il convient de souligner que la possibilité
pour les salariés de demander l’ouverture de la procédure en leur qualité de créancier et non
pas en celle de salariées est parait-il valable et ce pour la raison suivante : la formulation de
l’article 578 du Code de commerce est absolue et générale et permet au créancier quel que
soit la nature de sa créance de demander l’ouverture de la procédure de redressement
judiciaire. Une question mérite d’être posée et qui vise plus particulièrement le créancier dont
la créance n’est pas certaine et exigible : est ce qu’il a le droit d’assigner l’entreprise débitrice
pour ouvrir la procédure de redressement judiciaire ?

Par ailleurs, pour faciliter l’accès au tribunal de commerce, la nouvelle réforme a


introduit la possibilité d’effectuer les différentes procédures ou démarches par voie
électronique. Cette nouvelle approche de la justice numérique aura pour but de faciliter le
traitement de ces affaires. De surcroit, la digitalisation de la justice commerciale permettra
également de rapprocher la justice des professionnels et des justiciables.

La demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire doit être déposée


par le chef d’entreprise débitrice au greffe du tribunal de commerce au plus tard dans les 30
jours qui suivent la date de la cessation de paiement. Il s’agit là d’une obligation qui est faite
au dirigeant de déclarer l’état de cessation des paiements. S’il ne le fait pas, il sera exposé à la
réparation civile. En effet, sa responsabilité civile pourra être engagée car en retardant la
constatation de la cession des paiements, ce dernier a maintenu artificiellement son entreprise
en difficulté, ce qui aurait pu porter préjudice aux tiers qui ont traité avec cette entreprise.
Dans ce cas, le dirigeant pourra être condamné personnellement à des dommages et intérêts au
profit de ces tiers.

53
Il doit énoncer selon les termes de l’article 577 du Code de commerce les causes de la
cessation des paiements et doit être accompagnée des documents suivants :

- Les états de synthèses certifiés par le commissaire aux comptes s’il en existe du
dernier exercice comptable (le bilan, le compte de produits et charges, l’état des
soldes de gestion, le tableau de financement et l’état des informations
complémentaires)6.
- L’énumération et l’évaluation de tous les biens mobiliers et immobiliers de
l’entreprise.
- La liste des créanciers et des débiteurs avec l’indication de leur résidence, le
montant de leurs droits, créances et garanties à la date de cessation des paiements
- Le tableau des charges fixes et variables : sociales, fiscales, financières.
- La liste des salariés et éventuellement les représentants de ces derniers.
- La copie du modèle n° 7 du registre de commerce : cette attestation est la véritable
carte d’identité de l’entreprise car elle énonce les caractéristiques de cette dernière.
- Le bilan de l’entreprise (sa situation financière) des trois derniers mois qui résume
l’actif et le passif de l’entreprise.
- Le paiement immédiat des frais de la procédure de redressement judiciaire
(publicités) tels qu’ils sont fixés par le président du tribunal de commerce. Ils
doivent être versés sans délai dans la caisse du tribunal par l’entreprise.

Ces documents doivent être datés, signés et certifiés par le chef d’entreprise. Dans le
cas ou l’un des documents ne peut être fourni, la déclaration doit contenir l’indication des
motifs qui empêchent cette production. Le défaut de production de l’un de ces documents
justifie le rejet de la demande d’ouverture des procédures de traitement. La règle étant d’ordre
public ou impératif. Il convient de préciser que lorsque la demande d’ouverture de la
procédure est initiée par le chef d’entreprise contre sa société côté en bourse, celle-ci est tenue
de publier un communiqué de presse portant l’information aux actionnaires et au public. Cette
obligation rentre dans le cadre de la publication de l’information importante, exigée par
l’article 15 du dahir portant loi n° 44-12 du 28 décembre 2012 relative à l’appel public à
l’épargne et aux informations exigées des personnes morales et organismes faisant appel
public à l’épargne. Cet article dispose que « Les personnes morales ou organismes faisant

6
Voir le Dahir n° 1-92-138 du 25 décembre 1992 portant promulgation de la loi n° 9-88 relative aux obligations
comptables des commerçants.

54
appel public à l’épargne sont tenus de publier dans un journal d’annonces légales et surtout
autre support de publication exigé par le CDVM, aussitôt qu’ils en ont pris connaissance,
toute information portant sur leur organisation, leur situation commerciale, technique ou
financière, et pouvant avoir une influence significative sur les cours en bourse de leurs titres
ou une incidence sur le patrimoine des porteurs de titres ». Une telle publication doit être
observée par la société cotée en bourse lorsque la procédure est initiée par une autre partie,
dès qu’elle en prenne connaissance.

Si la demande ou la requête de l’ouverture d’une procédure de traitement émane d’une


autre personne que le chef d’entreprise, la preuve de la cessation des paiements de l’entreprise
débitrice est à la charge du demandeur. La preuve de la cessation peut être rapportée par tous
moyens, elle est libre. La demande du créancier reste soumise à certaines conditions de fond
notamment relatives à la créance, d’une part, et, d’autre part, à la forme de l’assignation sous
peine d’irrecevabilité de celle-ci. L’article 578 du Code de commerce précise sans son
premier alinéa que la procédure peut être ouverte sur l’assignation d’un créancier. Le montant
nominal de la créance importe également peu en ce sens. Le créancier devra justifier des
procédures ou voies d’exécution engagées contre l’entreprise en difficulté restées
infructueuses.

Le tribunal de commerce peut aussi être saisi sur requête du ministère public pour
ouvrir la procédure de redressement judiciaire. Le ministère public est considéré comme le
défenseur de l’intérêt général et de l’ordre public économique. Le droit des entreprises en
difficulté est destiné à la sauvegarde de l’entreprise et des emplois. L’ordre public et l’intérêt
général sont ainsi directement en cause. C’est ce qui explique le pouvoir donné par les textes
au ministère public de demander l’ouverture de la procédure collective. Contrairement à la
demande formée par un créancier, c’est la voie de la requête qui est empruntée. Une fois que
le tribunal est saisi par cette requête, le président du tribunal convoque le débiteur et la
requête du ministère public sera jointe à cette convocation.

L’état de cessation des paiements est une condition sine qua non pour l’ouverture des
procédures de traitement des difficultés de l’entreprise. Le demandeur devrait convaincre le
tribunal que l’entreprise visée est en état de cessations des paiements. En effet, pour que le
tribunal puisse décider valablement l’ouverture de la procédure de traitement ou de

55
liquidation, il faut s’assurer de l’état de cessation des paiements et vérifier la situation
financière de l’entreprise.

Paragraphe 2 : Le déroulement de la procédure du jugement de


l’ouverture

L’ouverture d’une procédure collective est une mesure d’une importance particulière,
tant les impératifs en cause sont nombreux. Il s’agit du sort d’une entreprise avec toutes les
conséquences que la mesure emporte à l’égard du débiteur et de l’emploi. Mais il s’agit aussi
de la crédibilité et de l’assainissement du marché économique. Il convient de préciser que le
jugement ne puisse être rendu sans une étude sérieuse de la situation de l’entreprise et qu’une
fois le jugement rendu, il doit présenter des caractères énergiques qui le distinguent des autres
jugements.
Après la saisine du tribunal, ce dernier statue en chambre du conseil sur l’ouverture de
la procédure dans les quinze jours de sa saisine. Pendant cette période le tribunal recueille
toutes les informations nécessaires sur l’entreprise en difficulté. Après sa convocation, il
procède à une audition du chef d’entreprise en chambre du conseil et de toute personne
(salarié, commissaire aux comptes…) Il peut également requérir l’avis de toute personne
qualifiée. En pratique, le tribunal désigne d’office un expert pour l’éclairer sur la situation
financière exacte de l’entreprise débitrice chaque fois que les déclarations des parties sont
contradictoires ou peu convaincantes.

Quand les informations réunies suffisent pour constituer la conviction du tribunal sur
le bien-fondé de la saisine, il prononce l’ouverture des procédures et désigne en même temps
les organes chargés de sa mise en œuvre lorsque la situation de l’entreprise n’est pas
irrémédiablement compromise. Il faudrait comprendre par cette expression que les actifs, les
moyens de l’entreprise peuvent encore apurer son passif par des solutions financières
adaptées. Dans le cas contraire, il peut prononcer la liquidation judiciaire. Le jugement
d’ouverture est mentionné immédiatement au registre de commerce local et central. Pour
renforcer le régime du jugement d’ouverture, les effets de ce jugement sont considérés
commencer dès son prononcé et non pas à compter de mesures de publicité dont il doit faire
l’objet.

56
Dans les huit jours de la date du jugement, un avis de la décision (redressement ou
liquidation) est publié dans un journal d’annonces légales et au Bulletin officiel édition
annonces légales et judiciaires. L’avis affiché au tribunal par le greffier porte invitation aux
créanciers de l’entreprise débitrice à déclarer leurs créances au syndic. Dans le même délai, le
jugement est notifié au débiteur par le greffier et aussi aux créanciers titulaires d’une sûreté
ayant fait l’objet d’une publication (hypothèque inscrite sur le titre foncier, nantissement
inscrit sur le registre de commerce).

Les articles 762 et 766 du Code de commerce prévoient la possibilité de déclencher les
voies de recours contre les décisions de justice rendues en matière de redressement judiciaire
devant la cour d’appel et la Cour de cassation. A cet effet, le législateur pose des délais très
courts de 10 jours à compter de la notification de la décision sauf disposition contraire
contenue dans la présente loi ou à partir de la date de la décision.

A- La période suspecte (article 712 du Code de commerce)

Pour la reconstitution de capital, l’un des moyens des plus efficaces paraît celui de
remettre en cause les actes qui ont été accomplis par le débiteur et qui semblent défavorables
à l’entreprise. La loi met en place tout un système de nullités de ces actes. Si la nullité de
ces actes est prononcée avec l’effet rétroactif on peut espérer que cela permettra de
reconstituer tant soit peu le patrimoine de l’entreprise. Seul le syndic est compétent pour
exercer les actions de nullité. Un créancier n’a pas le droit de demander l’annulation des actes
suspects même en cas de carence du syndic. De même, la nullité ne peut être soulevée par le
parquet ou d’office par le tribunal (article 718 du Code de commerce).

La période suspecte est qualifiée ainsi en raison de la suspicion qui pèse sur la
régularité des actes du chef d’entreprise débitrice. Ce dernier convaincu de l’état de cessation
des paiements de son entreprise, serait tenté de passer des actes pour les faire échapper au
patrimoine qui sera affecté par la procédure. La période suspecte s’étend de la date de
cessation des paiements jusqu’au jugement d’ouverture de la procédure. Il convient de
préciser que la marge du juge pour l’appréciation de certains actes est inexistante comme les
actes conclus à titre gratuit au sens de l’article 714 du Code de commerce. Dans cette
hypothèse, le seul pouvoir laissé au juge est de vérifier qu’il s’agit d’un acte à titre gratuit, que

57
cet acte a opéré transfert de propriété mobilière ou immobilière et que cet acte est intervenu
pendant la cessation des paiements. Le tribunal peut, en outre, annuler les actes à titre gratuit
faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements. En revanche, pour les
autres catégories d’actes conclues à titre onéreux pendant la période suspecte, le juge garde
plus au moins un pouvoir d’appréciation s’il y’ a un excès dans la prestation du chef
d’entreprise.

Concernant les effets de la période suspecte, le tribunal peut annuler tout acte à titre
onéreux, tout paiement, toutes garanties de sûreté lorsqu’ils ont été effectués par le débiteur
après la date de cessations des paiements (article 715 du Code de commerce). A titre
d’exemple, la cour d’appel de commerce de Marrakech, dans sa décision du 18 septembre
2001, a déclaré nulle la caution hypothécaire constituée pendant la période suspecte pour
garantir une créance née deux ans auparavant, sans que ce décalage puisse être valablement
justifié. Toutefois, certaines garanties ou actes ne sont pas annulés comme le chèque, la lettre
de change, le billet à ordre sauf si les personnes concernées savaient que l’entreprise était en
cessation des paiements (article 717 du Code de commerce). Le tribunal peut également
annuler tous les actes à titre gratuit (la donation) ou les actes injustifiés comme la vente d’un
actif à un prix dérisoire, le remboursement d’une dette non encore échue, la constitution de la
garantie après naissance de la créance. Grosso modo, l’action en nullité vise à reconstituer le
patrimoine de l’entreprise.

L'échec de l'entreprise peut constituer un contexte propice à la commission d'actes


illicites constituant un danger pour la société, mais aussi pour les intérêts de tous ceux qui y
participent. L'entrepreneur peut être tenté, lorsqu'il presse que le redressement et la liquidation
judiciaire seront inévitables, de porter atteinte au patrimoine social dont il a encore la
disposition. Cette période communément appelée période suspecte débute à partir de la
cessation des paiements de l’entreprise prononcée par le tribunal de commerce. Le droit pénal
réprime ces agissements frauduleux qui sacrifient les intérêts en présence sur le fondement de
la banqueroute, et des délits assimilés. Dans cette perspective, les dispositions de l’article 754
et suivant du Code de commerce répriment ce délit.

58
B- La désignation des organes de la procédure

Le jugement d’ouverture du redressement judiciaire donne lieu à la surveillance étroite


de l’entreprise en difficulté sous le contrôle de la justice. De nombreux organes auront à
intervenir au cours du déroulement de cette procédure. Il s’agit d’étudier les organes qui
auront à intervenir sous le contrôle du tribunal en vue de réaliser les objectifs poursuivis par la
procédure mise en place. Le jugement du tribunal de commerce désigne le syndic et le juge
commissaire. Ce dernier désigne, à son tour, les contrôleurs (article 678 du Code de
commerce).
1 - Le juge commissaire (article 671 et 672 du Code de commerce) : est un magistrat
chargé de la mise en œuvre des procédures de traitement et de liquidation des entreprises en
difficultés. Il est chargé également de veiller au déroulement rapide de la procédure et la
protection des intérêts en présence. Il statue sur les demandes, contestations et revendications
formulées contre les actes du syndic. Contrairement, au syndic dont le remplacement est
prévu par les dispositions du Code de commerce, aucune disposition n’est similaire pour ce
juge. Néanmoins, les parties peuvent demander l’application des dispositions du Code de
procédure civile relatives à la récusation des juges (articles 295 et suivants du Code de
procédure civile). Le juge commissaire autorise le chef d’entreprise et le syndic à consentir
une hypothèque ou un nantissement ou à transiger si l’objet du compromis ou de la
transaction est d’une valeur indéterminée ou excède la compétence en dernier ressort du
tribunal.

Cette disposition soulève une difficulté depuis l’entrée en vigueur le 15 septembre


2002 de la loi n° 18-02 du 13 juin 2002 complétant la loi n° 53-95 du 1é février 1997
instituant les juridictions de commerce. Les dispositions de l’article 6 ainsi rédigé : « Les
tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des demandes dont le principal
excède la valeur de 20.000 dirhams. Ils connaissent, également, toutes demandes
reconventionnelles ou en compensation qu’elle qu’en soit la valeur ». Dans ce cadre,
l’homologation du tribunal devient obligatoire quelle que soit la valeur du compromis ou de la
transaction.

2 - Le syndic (article 673 à 677 du Code de commerce): Normalement, il faut un


décret d’application qui déterminera à la fois les compétences requises et les honoraires, ce
dernier est désigné parmi les secrétaires greffiers ou les tiers. Généralement, les tribunaux

59
désignent en qualité de syndic les experts comptables dont la formation aussi bien juridique
que financière, leur permet de mieux appréhender les difficultés de l’entreprise. Toutefois, un
expert comptable ou un commissaire aux comptes d’une société contre laquelle est ouverte
une procédure de traitement judiciaire ne peut pas assurer la fonction de syndic au sein de
cette société, l’immixtion dans sa gestion.

Le syndic exerce plusieurs attributions. D’une part, il est chargé de mener les
opérations de redressement et de liquidation judiciaire à partir du jugement d’ouverture jusqu’
à la clôture de la procédure. Il a pour mission de surveiller les actes de gestion de l’entreprise.
Il reçoit et vérifie les créances déclarées. D’ autre part, au niveau de la gestion de l’entreprise,
le syndic surveille et assiste les opérations de gestion effectuées par le chef d’entreprise. En
pratique, lorsque l’équilibre économique de l’entreprise débitrice n’est pas affecté par ses
difficultés financières (décrochage de nouveaux marchés…), sa mission se limite à contrôler
les opérations de gestion réalisées par les dirigeants (Tribunal de commerce d’Agadir,
décision du 15 mars 2000, n° 09/2000).

Dans tous les cas, le syndic est tenu de respecter les obligations légales et
conventionnelles du chef d’entreprise. Le syndic peut être remplacé par le tribunal à la
demande du juge commissaire ou par l’assemblée des créanciers, soit par le ministère public,
soit sur réclamation du débiteur ou d’un créancier (article 677 du Code de commerce). La
question qui se pose est de savoir est ce que le syndic peut demander son propre
remplacement ?

Le tribunal de commerce de Rabat a décidé le 16 mai 2001 que « le remplacement du


syndic sur sa propre demande est possible, lorsque ce dernier, après confirmation du juge
commissaire, invoque des relations professionnelles qu’il a avec l’un des créanciers de
l’entreprise débitrice, ce qui le met dans une situation de conflit d’intérêts nuisible à
l’exercice convenable de ses missions ». Dans tous les cas, la loi ne précise pas les motifs
pour demander le remplacement d’un syndic. Mais, il reste légitime de soutenir que le
remplacement du syndic puisse être motivé par une situation de conflit d’intérêt dans laquelle
il se trouve sans qualification intellectuelle et scientifique nécessaire à la mission de syndic ou
par des fautes professionnelles (Cour d’appel de commerce de Casablanca, Arrêt du 24 mai
2002 n° 1407/2002). Le tribunal reste tout de même libre dans son appréciation de tous motifs
évoqués.

60
La responsabilité du syndic est tributaire de sa qualification professionnelle. Il s’ensuit
conformément aux dispositions des articles 79 et 80 du Dahir formant code des obligations et
contrats relatifs à la responsabilité de l’Etat pour les faits commis par ses agents lorsque la
fonction de syndic est assurée par le greffier, étant donné que ce dernier est fonctionnaire du
Ministère de la justice. Dans le cas contraire, c’est le régime de droit commun de la
responsabilité civile délictuelle qui est applicable (articles 77 et 78 du Dahir formant code des
obligations et contrats).

3- Les contrôleurs : Le juge commissaire désigne un à trois contrôleurs parmi les


créanciers (personnes physiques ou morales) qui en font la demande. Ces derniers sont
désignés parmi les créanciers privilégiés et les créanciers chirographaires. En pratique, cette
fonction est assurée par la banque ou par celui qui détient la plus importante créance à
l’encontre de l’entreprise débitrice. A titre de garantie supplémentaire l’article 678 du Code
de commerce précise que leur révocation ne peut avoir lieu que par le tribunal.

Les contrôleurs peuvent jouer un rôle important dans la préservation des intérêts des
créanciers. Ils assistent le syndic et le juge commissaire dans leurs fonctions de surveillance
de l’administration de l’entreprise en cours de redressement. Dans ce cadre, ils peuvent
prendre connaissance de tous les documents transmis au syndic par le tribunal, le juge
commissaire, le débiteur, les créanciers, les organismes publics et privés les experts…A
l’issue de ces informations, ils rendent compte aux autres créanciers à chaque étape de la
procédure.

Les fonctions de contrôleur sont gratuites. Sa révocation est ordonnée par le tribunal à
la demande du syndic ou du juge-commissaire qui reste libre dans l’appréciation de la
proposition. Cette règle implique également que le contrôleur ne peut être révoqué d’office
par le tribunal sans aucune proposition du syndic ou du juge-commissaire.

4-L’assemblée des créanciers (articles 606 et suivant): est constituée après l’ouverture
du redressement judiciaire concernant toute société assujettie obligatoirement au contrôle du
commissaire aux comptes ou pour les autres sociétés lorsque le chiffre d’affaires annuel de la
société dépasse 25 millions de dirhams et emploient plus de 25 salariés dans l’année qui a
précédé l’ouverture du redressement judiciaire. L’assemblée des créanciers peut également
être créée sur demande du syndic judiciaire même si les conditions énoncées ci-dessus font

61
défaut. Dans ce cas là, la décision du tribunal n’est susceptible d’aucun recours. L’assemblée
des créanciers délibère notamment sur le projet de redressement judiciaire proposé par leur
soin. Elle peut aussi « modifier les objectifs et les moyens » utilisés pour préserver la
continuité de l’activité de l’entreprise. Le changement du syndic judiciaire ou la vente d’un ou
plusieurs actifs de l’entreprise en difficulté relèvent aussi de ses prérogatives. L’assemblée
des créanciers compte le syndic comme président, le chef d’entreprise et les créanciers
figurant sur la liste des créances déclarées au syndic.

Section 3 : Les effets du jugement de redressement judiciaire

Le jugement prend effet à partir de sa date. Il produit des effets juridiques immédiats
selon que le jugement ait prononcé le redressement ou la liquidation judiciaire (article 761 du
Code de commerce). A l‘opposé de la procédure de sauvegarde ou le chef d’entreprise est in
bonis, la procédure de redressement judiciaire prévoit une prise en charge accrue de
l’entreprise par les organes de la procédure.

Paragraphe 1 : Les effets sur le patrimoine de l’entreprise débitrice

Le syndic est tenu de requérir du chef d’entreprise ou s’il est habilité de faire lui-même
tous actes nécessaires à la conservation des droits de l’entreprise et à préserver ses capacités
de production (article 679 du Code de commerce). A cet effet, le législateur lui a attribué
plusieurs prérogatives sur les biens sociaux de l’entreprise :
1-Il a qualité pour inscrire au nom de l’entreprise toutes sûretés (hypothèque, nantissement,
gage…) que le chef d’entreprise aurait négligé de prendre ou de renouveler.
2- Il se fait remettre par le chef d’entreprise ou par un tiers détenteur les documents et les
livres comptables en vue de leur examen. Dans le cas ou les comptes annuels n’ont pas été
établis le syndic dresse à l’aide de tout document ou renseignement disponible un état de la
situation. Les pièces comptables mises à la disposition des organes judiciaires sont d’une
extrême importance pour contrôler la situation financière de l’entreprise. En ce sens, le syndic
doit avoir les comptes à partir desquels il va connaitre l’actif et le passif de l’entreprise en
question.
3- Le juge commissaire peut prescrire au syndic l’apposition des scellés sur les biens de
l’entreprise et de procéder à l’inventaire des biens.

62
4- La poursuite de l’activité de l’entreprise ne se conçoit pas sans la continuation des contrats
que cette entreprise avait conclus. Un contrat de fourniture qui porte sur des produits
nécessaires à la marche de l’entreprise doit être maintenu puisque, sans ce contrat, c’est
l’activité elle-même qui est menacée. Ainsi, le contrat prend une valeur patrimoniale en ce
sens qu’il devient un élément de l’activité. Mais il faut tenir compte aussi de la situation du
cocontractant qui peut craindre que la continuation du contrat lui soit défavorable dans la
mesure où son propre cocontractant se trouve dans une situation délicate. C’est ce qui
explique le principe qui subordonne le maintien des contrats en cours à l’institution d’un
équilibre des intérêts en présence, équilibre auquel des aménagements sont apportés. Deux
séries de règles doivent être conciliées alors qu’elles paraissent contradictoires. D’une part, la
liberté contractuelle en vertu de laquelle l’une des parties peut mettre fin au contrat si l’autre
partie n’exécute pas ses obligations. En droit commun des contrats, l’exception d’inexécution,
nommée exceptio non adimpleti contractus, est le droit qu’a chaque partie à un contrat
synallagmatique de refuser d’exécuter la prestation à laquelle elle est tenue tant qu’elle n’a
pas reçu la prestation qui lui est due. D’autre part, les exigences de la procédure collective et
la nécessité de la poursuite de l’activité de l’entreprise et ces exigences peuvent avoir pour
conséquence la nécessité d’assurer une continuation du contrat. La conciliation de ces deux
règles ne peut être assurée qu’en respectant un certain équilibre dans les intérêts des parties en
présence. Ce principe de l’équilibre des intérêts permet de comprendre quels sont les contrats
qui sont soumis à la continuation et ensuite le régime de la continuation.

Encore faut-il que les contrats soient en cours. La loi n’en donne pas une définition
précise. L’idée générale est que l’on doit se trouver en présence d’un contrat qui doit être
exécuté normalement après le jugement d’ouverture. Par exemple, un contrat conclu avant le
jugement mais qui n’a pas été ou n’a pas été complètement exécuté avant le jugement. Le
contrat en cours est donc nécessairement un contrat qui a été conclu avant le jugement
d’ouverture et non pas un contrat qui était en cours de formation lorsque le jugement
d’ouverture est intervenu. Dans la pratique, le contrat en cours est souvent un contrat à
exécution successive.

Le principe, le syndic a seul la prérogative d’exiger l’exécution des contrats en cours


conclus par l’entreprise débitrice (exemple : un contrat de distribution, contrat de bail
commercial…) La volonté du syndic de continuer l’exécution du contrat ne résulte pas

63
exclusivement d’un échange de correspondance, dans lequel il exprimerait expressément cette
volonté mais également de la continuation de l’exécution normale des obligations mises à la
charge de l’entreprise. Par contre, la résiliation de droit peut résulter du refus express du
syndic de poursuivre le contrat, sans qu’il soit besoin de faire constater la résiliation par le
juge commissaire.

Parallèlement, le contractant de ladite entreprise qui désire résilier son contrat, doit
faire une mise en demeure au syndic. Une mise en demeure adressée au chef d’entreprise n’a
aucun effet juridique. Le contrat est résilié de plein droit si la mise en demeure est restée plus
d’un mois sans réponse à partir de sa date d’envoi (article 588 du Code de commerce). La
rupture du contrat de travail présente une certaine particularité, lorsque le redressement de la
société nécessite le licenciement d’une partie du personnel de l’entreprise pour alléger ses
charges. Dans cette hypothèse de licenciement économique, sont applicables les dispositions
de la section VI du Code de travail relatives aux licenciements pour motifs technologiques,
structurels ou économiques (article 66 et suivants du Code du travail). Une autorisation du
Gouverneur de la préfecture ou de la province est donc ce cas est indispensable. Le contrat de
travail soulève la question de savoir s’il est soumis ou non à la règle de la continuation des
contrats en cours ? La réponse est posée dans l’article 588 alinéa 4 qui exclut les contrats de
travail du régime juridique des contrats en cours.

Paragraphe 2 : Les effets sur les dirigeants (article 683)

A compter du jugement d’ouverture, les dirigeants ne peuvent, à peine de nullité, céder


les parts sociales, actions ou certificats d’investissement ou de droit de vote que dans les
conditions imposées par le tribunal. Ces valeurs sont virées à un compte spécial bloqué ouvert
par le syndic. Aucun mouvement ne peut être effectué sur ce compte sans l’autorisation du
juge commissaire. L’incessibilité prend fin de plein droit à la clôture de la procédure. Le
syndic mentionne sur les registres de la société l’incessibilité des parts des dirigeants.

En principe, le dirigeant ne peut lui-même décider seul du versement de sa


rémunération ni même de son montant. Dans les sociétés anonymes, la rémunération du
président est fixée par le conseil d’administration (article 65 de la loi n° 17-95) et par l’acte de
nomination pour les membres du directoire (article 82 de la même loi). La difficulté qui se
pose concerne les rémunérations excessives. La rémunération est jugée excessive eu regard à

64
son montant intrinsèque aux résultats de l’exploitation de la société, aux services rendus par
les dirigeants. De ce fait, lorsque la rémunération dépasse la capacité financière de l’entreprise
en redressement judiciaire, le juge commissaire fixe la rémunération afférente aux fonctions
exercées par le chef d’entreprise ou les dirigeants de la personne morale.

Paragraphe 3 : Les effets sur les droits des créanciers

Le jugement d’ouverture porte des effets divers sur les droits des créanciers de
l’entreprise débitrice :

1-Arrêt des poursuites individuelles (article 686 du Code de commerce) : Dans cette
procédure, il y a toujours l’espoir que l’entreprise trouve une solution aux difficultés qu’elle
rencontre et qu’elle se réorganise. A cet effet, il est nécessaire que l’entreprise ne soit pas
exposée aux poursuites de ses créanciers. De là vient la nécessité de protéger l’entreprise
contre ses créanciers. Cette règle s’inscrit dans le cadre de la recherche d’un éventuel plan de
continuation qui ne peut se réaliser qu’en empêchant les créanciers d’exercer séparément des
poursuites contre le débiteur pour obtenir ce qui leur est dû. La règle est d’ordre public. Ainsi,
la volonté du législateur exprimée dans la dernière réforme, de laisser à l’entreprise le répit
nécessaire à l’établissement d’un bilan et à l’élaboration d’un plan de redressement.

Il s’agit évidemment des créanciers antérieurs nés avant le jugement de redressement


judiciaire. Le jugement d’ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de
tous les créanciers dont la créance est antérieure audit jugement et tendant à la condamnation
de l’entreprise débitrice au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat
pour défaut de paiement. Le caractère général de la règle veut que tous les créanciers dont la
créance a pris naissance avant le jugement d’ouverture soient soumis à l’arrêt des poursuites.
Aucune exception n’est prévue en ce sens. Les créanciers titulaires de sûretés spéciales, le
trésor public et la sécurité sociale, etc. C’est ce que l’on appelle le gel des droits des
créanciers. Avec ce gel, il faut se fixer sur le passif de l’entreprise au jour où le jugement est
rendu, ce qui permettra de savoir s’il est possible d’assurer ou non le redressement de
l’entreprise à l’issue de la période d’observation. La notion de paiement est essentielle pour
déterminer les actions visées par la règle de l’article précité. Si l’action a un autre fondement
que le paiement d’une somme d’argent, cette action devrait être considérée comme recevable.
On dit d’une manière générale que toute action qui se rapporte à une obligation de faire est

65
irrecevable du moment qu’elle tend à un paiement ou à une résolution pour défaut de
paiement.

Pour les actions en justice exercées par les salariés créanciers, il y a lieu de distinguer,
à cet égard, entre deux sortes d’actions, à savoir entre les actions tendant au paiement du
salaire et les actions tendant au paiement des indemnités de licenciement. Pour le premier type
d’actions, le salarié n’a pas besoin d’intenter une action en justice parce qu’il peut préserver
ses droits en s’adressant directement au syndic. Ce dernier procède seulement à l’inscription
du montant du salaire sur la liste des créances qui doit être déposée au secrétariat greffe du
tribunal (article 728 du Code de commerce). Quant à la deuxième catégorie fondée sur un
licenciement abusif, le salarié ayant perdu son emploi ne doit pas être interdit d’exercer ses
poursuites contre l’entreprise en difficulté. La solution qui parait logique, en ce sens, est de
permettre au concerné d’exercer ses actions judiciaires. Une fois que le juge judicaire
prononcera définitivement des indemnités voire des dommages-intérêts, les décisions passées
en force jugées sont portées sur l’état des créances par le greffier du tribunal à la demande de
l’intéressé.

Le principe de l’article 686 du Code de commerce signifie aussi qu’il arrête


l’exécution de certaines décisions : un jugement qui est rendu avant l’ouverture de la
procédure de redressement judiciaire et qui condamne le débiteur à titre provisoire au
paiement d’une somme d’argent, si le dirigeant forme appel et, à ce moment, la procédure
collective est ouverte, le jugement qui l’avait condamné à titre provisoire va subir le principe
de la suspension. Il en résulte que l’instance doit être suspendue quel que soit le stade auquel
la procédure est arrivée tant qu’une décision de justice passée en force de chose jugée n’aura
pas été prononcée. Cette solution parait bien logique car la suspension est liée à la notion
même de l’instance en cours c'est-à-dire celle-ci n’a pas pris fin.

Les instances en cours sont suspendues jusqu’à ce que le créancier déclare sa créance
au syndic, soit au maximum deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture
au bulletin officiel pour les créanciers domiciliés au Maroc, soit quatre mois pour les
créanciers domiciliés à l’étranger. Après cette durée, les créanciers reprennent de plein droit la
possibilité d’ester en justice contre le syndic et non pas contre les représentants de
l’entreprise. La preuve de la déclaration est apportée par le créancier demandeur par la
production d’une copie de sa déclaration de sa créance. Les instances en cours sont alors

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reprises devant les tribunaux auprès desquels l’instance a été introduite et non devant celles
qui ont ouvert la procédure de redressement judiciaire. Il convient de rappeler que la reprise
de l’instance suspendue n’a qu’un seul but, celui de constater l’existence de la créance, d’en
fixer le montant (article 687). Cette reprise ne peut donc pas aboutir à la condamnation de
l’entreprise débitrice. Quant au tribunal, il doit s’assurer que la créance avait bien été déclarée
ne serait-ce qu’à titre provisoire et doit s’assurer si l’instance a été régulièrement reprise. Il
convient de signaler que l’article 686 du Code de commerce ne s’applique pas aux procédures
arbitrales. En effet, cet article vise expressément « les actions en justice », ce qui exclut les
procédures arbitrales. En principe, les demandes de référé faites au président du tribunal ne
sont pas concernées par la suspension des poursuites judiciaires car elles ne tendent pas
directement à la condamnation sur le fond de l’affaire.

2- Interdiction de payer les dettes antérieures au jugement d’ouverture (article 690 du Code de
commerce) : L’interdiction est donc générale en ce sens qu’elle couvre toutes les créances
nées antérieurement et en ce sens aussi qu’elle s’applique que la créance soit chirographaire
ou garantie par une sûreté. Elle est automatique puisqu’elle est de plein droit et il n’est nul
besoin d’une formalité particulière pour qu’elle trouve application. L’explication du principe
de l’interdiction des paiements prévu à l’article précité est simple. Elle se trouve dans un autre
principe, celui de l’égalité des créanciers puisque ceux-ci ne peuvent être payés que selon des
règles très précises c'est-à-dire l’ordre dans lequel les créanciers peuvent être payés. On
reconnaîtra aussi à ce principe le mérite de permettre au chef d’entreprise de bénéficier d’un
temps de répit afin qu’il trouve des solutions auxquelles il se heurte.

Cette mesure a pour objet de figer le passif par un moratoire forcé dans l’attente des
conclusions à tirer de la période d’observation. La règle est, néanmoins, sévère et peut mettre
certains créanciers en difficulté, provoquant ainsi des difficultés en chaine. Dans ce cas c’est
la date de la créance qui est déterminante et non pas celle de sa revendication. Cette
interdiction tend à prévenir toute tentative de la part du débiteur de favoriser un créancier par
rapport aux autres. Exceptionnellement, le juge commissaire peut autoriser le syndic à payer
des créances antérieures au jugement pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue,
lorsque ce retrait est nécessaire à la poursuite de l’activité de l’entreprise. Exemple : un
garagiste qui a réparé des camions nécessaires à la poursuite de l’activité et n’ayant pas été
payé exerce son droit de rétention sur ces véhicules.

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L’interdiction de paiement des dettes antérieures concerne aussi la compensation
prévue dans l’article 357 et suivants du Dahir formant code des obligations et contrats. Le
mécanisme de la compensation est présenté comme un double paiement lorsque deux
personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre. Il s’opère entre elles une compensation
qui éteint les deux dettes et c’est la raison pour laquelle l’on parle d’un double paiement.

Cette interdiction de payer soulève une question importante liée au paiement de


chèques ? La banque peut-elle payer un chèque émis avant la date du jugement d’ouverture du
tireur ? La réponse est affirmative puisque le chèque ne matérialise pas une créance, mais une
provision dont la propriété est transférée au bénéficiaire le jour de l’émission et non le jour du
paiement.

Par ailleurs, tout acte de paiement passé en violation de l’interdiction posée par
l’article 690 du Code de commerce est annulé à la demande de tout intéressé présentée dans
un délai de 3 ans à compter de la conclusion de l’acte ou du paiement de la créance ou de la
publicité de l’acte lorsqu’elle est exigée par la loi. En effet, le législateur parait avoir voulu
ouvrir l’action en nullité à tous les organes de la procédure qui sont associés à la défense de
l’intérêt de l’entreprise.

3- Arrêt du cours des intérêts (article 692 du Code de commerce) : cette mesure est logique
dans la mesure où l’intérêt qui n’est que l’accessoire de la créance doit obéir au même régime
que celle-ci. Si les intérêts continuaient à courir à des taux différents, la prolongation de la
procédure profiterait à certains et porteraient préjudice à autres. Il faut aussi préciser que pour
faciliter le traitement du passif, les intérêts doivent ainsi être arrêtés à un certain moment.
Le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels et également
tous les intérêts en retard et majorations dans le paiement des impôts. En effet, l’arrêt du cours
des intérêts, perçu comme une solution traditionnelle dans les procédures de redressement
judiciaire, se justifie, d’un côté positif, par le principe d’égalité des créanciers. L’arrêt du
cours des intérêts pose une restriction sévère aux droits des créanciers, qui constitue une
condition pernicieuse pour le débiteur. L’aggravation des dettes résulte particulièrement de
l’accroissement du montant des intérêts, des pénalités de retard et de leur capitalisation. La
volonté du législateur en imposant l’arrêt du cours des intérêts à ce stade de la procédure est
bien clair : cette règle tend à limiter les droits des créanciers antérieurs au jugement en

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allégeant le passif pour favoriser le redressement de l’entreprise en difficulté, évitant le risque
de surendettement.

L’arrêt des cours des intérêts continue à produire des effets contre toutes les autres
personnes engagées avec ce débiteur pour le paiement de la créance née avant l’ouverture de
la procédure de redressement judiciaire notamment la caution solidaire ou non et ce sur la
base de l’article 695 du Code de commerce. Il convient de préciser que l’article 693 du Code
de commerce énonce que les intérêts reprennent leur cours à a la date du jugement arrêtant le
plan de continuation. Ce texte de loi a bien déterminé la durée de l’arrêt du cours des intérêts
de manière expresse.

4-Interdiction des inscriptions : cette règle a une portée extrêmement large car elle concerne
toutes les sûretés tant mobilières qu’immobilières. L’article 699 du Code de commerce
prévoit que les hypothèques conventionnelles (loi n° 39-08 sur les droits réels du 22
novembre 2011), nantissements (outillages et du matériel d’équipement) et privilèges ne
peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de
redressement judiciaire. L’interdiction s’applique également à l’hypothèque forcée qui
appartient au trésor public pour le recouvrement des impositions fiscales (l’article 114 de la
loi n° 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques du 3 mai 2000). Le
dirigeant ne doit plus le droit de consentir volontairement des sûretés sur ses biens à la fois
pour ne pas compromettre la continuation de l’exploitation et pour la protection des créanciers
car cela serait contraire au principe de l’égalité des créanciers. Le but de l’interdiction des
inscriptions consiste aussi à empêcher la publication de nouvelles causes de préférence entre
les créanciers. La méconnaissance de cette règle donne lieu à des sanctions sévères. Le
dernier alinéa de l’article 757 du Code de commerce dispose : « […] est puni également des
mêmes peines, le créancier qui après le jugement d’ouverture de la procédure de
redressement judicaire ou de liquidation judiciaire a passé un ou plusieurs contrats lui
accordant des avantages particuliers au détriment des autres créanciers […] ».

5-Les créances nées régulièrement après le jugement de redressement sont payées en priorité à
toute autre créance assortie ou non de privilège ou de sûreté à condition qu’elles soient
indispensables à la poursuite de cette procédure ou à l’activité de l’entreprise. : Durant la
période d’observation, l’activité se poursuit et, pour faciliter cette poursuite, le législateur a
institué le principe de la continuation des contrats en cours. Mais, il se peut que ces contrats

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en cours ne soient pas suffisants pour assurer la poursuite de l’activité et que l’entreprise soit
amenée à conclure d’autres contrats, notamment des contrats qui permettent le financement de
la poursuite de l’exploitation. Or, il est bien évident qu’une entreprise qui se trouve déjà en
difficulté pourra difficilement trouver de nouveaux cocontractants qui acceptent de conclure
des contrats avec elle et s’exposer ainsi au risque que leurs créances ne soient jamais
honorées. C’est la raison pour laquelle le législateur confère aux créanciers dont la créance est
née après le jugement d’ouverture une priorité de paiement. Il décide même de faire bénéficier
ces créanciers d’un véritable privilège qui leur permet de garantir le paiement de leur créance.
Alors que les créanciers antérieurs sont soumis au principe de l’égalité, ceux dont la créance
naît après le jugement d’ouverture vont être payés et même bénéficier d’un privilège qui
garantit leur paiement prioritaire. La généralité des termes de l’article 590 du Code de
commerce ne permet d’exclure aucune créance quelque soit sa nature. Cette règle réservée à
l’ouverture d’une procédure de redressement, est une mesure d’encouragement des créanciers
à soutenir l’effort de redressement de l’entreprise en difficulté.

Pour se prévaloir du privilège de l’article 590 du Code de commerce, le titulaire de la


créance doit justifier de son origine postérieure au jugement de redressement. Il en résulte
qu’une revendication faite après le jugement ne peut rentrer au privilège de l’article 590 du
Code de commerce si elle est contractée antérieurement au jugement. La date de naissance de
la créance peut, toutefois, être différente de celle de la conclusion du contrat. La question se
pose notamment à propos des créances nées à l’occasion de la continuation des contrats en
cours. La majorité de la doctrine marocaine considère que le bénéfice du privilège revient à la
détermination de la date de naissance de la créance et non à celle de la conclusion du contrat
qui résulte de cette créance. Il faut de ce fait rechercher quel est le fait générateur de la
créance et non pas la date de la conclusion du contrat. Il est nécessaire afin de déterminer la
postériorité de la créance de comparer la date du jugement d’ouverture avec la date de la
créance. La date du jugement de redressement judiciaire est connue au public par le biais de la
publicité effectuée au bulletin officiel édition annonces légales et judiciaires. Il appartient
donc au créancier d’apporter la preuve de la naissance de sa créance.

La précision apportée par l’article 590 ne s’applique que s’il s’agit d’un redressement
judiciaire en cours. Autrement dit, si le tribunal prononce la liquidation judiciaire, en même
temps, il met fin à ce privilège. Concernant le classement des créanciers, le Code de
commerce n’institue aucun ordre de priorité entre les créanciers bénéficiant du privilège de

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l’article 590 du Code de commerce. Il s’ensuit que ceux-ci doivent être classés en fonction de
la date d’échéance de la créance et des garanties qui y sont attachées. La règle est donc que les
créanciers qui sont concernés par un privilège verront leurs créances payées au fur et à mesure
qu’elles arrivent à échéance. Elles ne sont pas non plus soumises à la procédure de déclaration
des créances. S’il n’y a pas de fonds suffisants, la question se pose de savoir si les créanciers
peuvent exercer des poursuites individuelles pour parvenir au paiement de leurs créances ? La
doctrine l’a admis et a décidé que le titulaire d’une créance qui bénéficie du privilège et qui
reste impayé peut exercer librement son droit de poursuite individuelle.

Une autre catégorie de créancier bénéficie des avantages du droit des entreprises en
difficulté, il s’agit des créanciers revendiquant des biens meubles au sens des dispositions de
l’article 700 à 709 du Code de commerce. L’action en revendication permet au propriétaire
d’une chose ou des biens fongibles détenue par le débiteur en état de redressement judiciaire
de faire reconnaitre son droit de propriété et de soustraire ainsi de la convoitise des autres
créanciers. Le maintien des actions en revendication malgré la suspension poursuites
individuelles traduit la supériorité de la situation du propriétaire. Ainsi, il faut le rappeler la
suspension des poursuites n’affecte pas les droits de revendication du fait que l’action ne tend
pas au paiement d’une somme d’argent, ni à la résolution d’un contrat pour défaut de
paiement d’une somme d’argent. Cependant, la déclaration de la créance demeure utile pour
que l’intéressé garantisse ses droits. Dans le même ordre d’idées, la déclaration de créance
n’est pas une condition de recevabilité de l’action en revendication, elle ne vaut non pas
renonciation à l’action.

L’action en revendication des marchandises ne peut être exercée que dans le délai de
trois mois suivant la publication du jugement du redressement judiciaire ou à partir de la date
de la résiliation (article 588 du Code de commerce) ou du terme du contrat en cours. Dans le
cas de la résolution du contrat pour une cause autre que le défaut de paiement du prix avant le
jugement de redressement judiciaire, le créancier peut exercer son action en revendication
après le jugement du redressement judiciaire.

Deux problèmes majeurs pour l’action en revendication. Premièrement, si on est


présence de plusieurs revendiquants sur les mêmes biens surtout fongibles (blé, charbon, etc.)
comment les départager ? Il semble que le conflit posé par la pluralité des revendiquants sera
tranché en faveur de celui qui va apporter la preuve de sa propriété des biens semblables à

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ceux qu’il a livré. Secondairement, La clause de réserve de propriété est une sûreté
suspendant l'effet translatif de propriété du contrat de vente jusqu'à complet paiement du prix
et une telle suspension ne remet pas en cause le caractère ferme et définitif de la vente
intervenue dès l'accord des parties. Elle s'analyse comme une vente sous condition suspensive,
laquelle n'est réalisée qu'au règlement de la dernière échéance du prix convenu. La clause de
réserve de propriété permet de retenir la propriété d’un bien jusqu’au paiement intégral du
prix, même si le bien a déjà été transféré à l’acheteur. Les biens vendus avec une clause de
réserve de propriété peuvent être revendiqués s’il se trouvent en nature au moment de
l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Il convient de rappeler que les créanciers revendiquants qui bénéficient d'un droit de
propriété, échappent à la plupart des contraintes de la procédure collective puisqu'ils peuvent
exercer leur droit directement auprès des organes de la procédure collective. L’exercice de
l’action en revendication se traduit par l’envoi du créancier propriétaire d’une demande en
revendication au syndic. En cas d’acquiescement du syndic à ladite demande en revendication
avec l’accord du chef d’entreprise la procédure prend fin. Le syndic procède à cet effet à la
restitution en nature des biens revendiqués au propriétaire. Au cas contraire, la demande est
adressée au juge commissaire qui statue sur le bien-fondé de la revendication. La demande de
revendication adressée au syndic ne suit aucun formalisme particulier. Le législateur est muet
sur ce point précis mais on peut considérer que le créancier revendiquant par lettre explicative
doit fournir les pièces justificatives en identifiant les biens concernés. La dernière réforme a
omis de fixer un délai au syndic pour répondre à la demande adressée par le créancier
revendiquant. Les mêmes remarques sont valables pour les demandes en revendication
contestées devant le juge commissaire. Ce dernier ainsi saisi de la demande doit vérifier
l’existence d’une demande de revendication déjà adressée au syndic, l’absence d’accord et
enfin les documents prouvant la propriété du bien meuble. Lorsque toutes les conditions sont
remplies, il décide la restitution en nature des biens revendiqués au créancier. Donc, il peut
récupérer le bien dans le patrimoine de l’entreprise en difficulté. Il se peut que la restitution
soit partielle parce que les marchandises ont disparu ou dans d’autres cas elles ont été
transformées, le créancier doit déclarer sa créance au syndic.

De ce point de vue, la multiplication de ces procédures constitue un obstacle majeur


au redressement de l’entreprise car le vendeur reprend le bien vendu et bénéficie de la priorité
par rapport aux autres créanciers privilégiés.

72
Chapitre 2 : La détermination du passif de l’entreprise

L’ouverture du redressement judiciaire permet au syndic d’établir la situation


financière de l’entreprise pour donner la solution appropriée. Dans ce cas, il doit déterminer le
passif exact de l’entreprise en difficulté et vérifier toutes les déclarations de créances. Ce qui
donne à cette formalité procédurale une importance capitale pour les créanciers dont les droits
sont nés avant le jugement d’ouverture de la procédure. En effet, la procédure de déclaration
des créances est très formaliste. C’est pourquoi les créanciers doivent être avertis de
l’obligation qui leur incombe de déclarer leurs créances afin d’éviter la forclusion. Une fois
avertis, ils doivent respecter les modalités ordinaires de la déclaration des créances. A
première vue, la détermination du passif devrait être simple, une créance suppose l’existence
d’un titre qui indique son montant et sa nature. Or, en réalité la situation est plus complexe du
fait qu’entre commerçant la preuve est libre.

Section 1 : La déclaration de créances

Après l’ouverture de la procédure par un jugement il est permis à tous les créanciers,
excepte les salariés, sans distinction de la nature de la créance civile ou commerciale ou de sa
base chirographaires ou privilégiées et même sans titre de créance de participer au passif de
l’entreprise. Cette participation collective de tous les créanciers est à l’origine de l’appellation
spécifique « procédure collective ». La doctrine est intervenue, en ce sens, pour déterminer la
nature juridique de la déclaration des créances. Certains auteurs considèrent que cette
démarche est comme une demande en justice parce qu’elle en possède les traits
caractéristiques. Elle exprime une prétention juridique du créancier auprès du juge
commissaire et ouvre une véritable instance. Il convient d’indiquer, à cet égard, qu’une partie
de la doctrine critique cette analyse et voit, cependant, dans la déclaration des créances un
acte conservatoire. Le créancier ne réclame pas nécessairement un paiement, il manifeste son
intention de participer à la procédure en faisant valoir ses droits.

La déclaration des créances au syndic permet de déterminer le montant exact de toutes


les créances contractées avant le jugement de redressement pour apprécier la capacité
financière de l’entreprise en difficultés. Le domaine d’application de ce principe est très vaste
en ce sens que toutes les créances, dès lors qu’elles sont antérieures, sont soumises au principe
de la déclaration. Le législateur a réglementé d’une façon scrupuleuse les différentes

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modalités de déclarations. Le caractère égalitaire affirmé dans la dernière réforme ne peut
cependant suffire à l’établissement d’un sort égalitaire. Il convient de rappeler que l’issue
propre à chaque créancier restera conditionnée par la situation de la catégorie à laquelle il
appartient. Il en résulte que les créanciers titulaires d’un privilège général comme la trésorerie
général du Royaume et la caisse nationale de la sécurité sociale doivent se soumettre à
l’obligation de déclaration dans le délai légal. La tendance jurisprudentielle est constante à ce
sujet. Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16/02/2005 avait considéré que même
si la caisse de la sécurité sociale est un établissement public qui bénéficie d`un privilège pour
le recouvrement de ses créances, sa créance a pour origine des cotisations de salariés qui ne
peuvent être assimilées à des salaires insusceptibles de forclusion.

Le livre V du Code de commerce cherche à garantir une égalité entre les créanciers
d’une entreprise en difficulté a crée une situation ou il n’a pas garanti la protection des
créanciers publiques ayant une importance capitale pour la communauté en général. Cette
position est critiquée par la doctrine qui considèrent que les créances de l’Etat et des
organismes publics doivent avoir un traitement particulier dans la procédure de déclaration
des créances.

Paragraphe 1 : La déclaration des créances par le débiteur (article 722 du


Code de commerce)

Le débiteur remet au syndic la liste certifiée de ses créances et du montant des dettes
huit jours au plus tard après le jugement d’ouverture de la procédure. La liste comporte les
noms ou dénominations, les sièges ou les domiciles de chaque créancier, la nature de la dette
et les régimes de sûreté. Aucune sanction n’est prévue pour le chef d’entreprise qui omet la
déclaration de toutes les créances. Par contre, les créanciers peuvent chercher sa
responsabilité civile s’ils démontrent que le chef d’entreprise a agit de mauvaise foi pour
perdre à ces derniers le privilège de récupérer leurs dettes.

Paragraphe 2 : La déclaration des créances par les créanciers

Dans un arrêt n° 1269 en date du 12 novembre 2003, la Cour de cassation a jugé que
l’obligation du débiteur de remettre au syndic la liste de ses créanciers et du montant de ses
dettes n’exonère pas les créanciers de l’obligation de déclarer leurs créances. Loin de

74
constituer un banal élément formel, la déclaration de sa créance par le créancier va lui ouvrir
la possibilité de devenir un créancier reconnu de l’entreprise en difficulté. Les créanciers
connus du syndic ainsi que ceux inscrits sur la liste fournie par le débiteur et les créanciers
titulaires d’une sureté ayant fait l’objet d’une publication sont avertis pour déclarer les
créances. Tous les créanciers dont la créance est établie avant le jugement de redressement
doivent déclarer leur créance quelque que soit leur nature (2 ou 4 mois à compter de la
publication de l’avis du jugement au Bulletin officiel). Particulièrement, les créanciers
résidant à l’étranger sont notifiés individuellement par le tribunal qui doit prendre toutes les
mesures appropriées pour aviser tout créancier dont l’adresse n’est pas encore connue
(commission rogatoire ou autre formalité similaire).

Il en est de même pour les créances non encore nées mais pouvant potentiellement
naitre par simple mise en jeu comme les engagements par signature : la caution. La
méconnaissance de cette règle donne lieu à l’exclusion des distributions de dividendes ou des
répartitions à moins que le juge commissaire ne les relève que leur forclusion s’ils établissent
que leur défaillance n’est pas due à leur fait. En ce cas, ils ne peuvent concourir que pour la
distribution des répartitions postérieures à leur demande. La défaillance du créancier donne
lieu à la forclusion c'est-à-dire à la perte de leurs droits sauf en cas d’une maladie grave du
créancier (Décision de la Chambre commerciale de la Cour suprême, 4 février 2004). Il en est
ainsi lorsqu’un créancier titulaire d’une sûreté publiée n’est pas avisé de l’ouverture de la
procédure. Dans ces cas exceptionnels, le créancier doit intenter une action en relevé de la
forclusion (article 723). Le même texte issu de la réforme pose l’obligation de déclaration
même si la dette n’est pas établie par un titre. L’intérêt de cette disposition s’explique par le
fait que cette étape n’est que préparatoire pour la détermination du passif de l’entreprise qui
ne sera définitive qu’après vérification de toutes les déclarations.

La déclaration peut être faite par le créancier ou par tout mandataire de son choix
compte tenu des dispositions de l’article 719 du Code de commerce. Ainsi, s’il s’agit d’une
personne physique, c’est en principe le créancier qui déclare lui-même sa créance. Cela ne
soulève guère de difficultés. S’il s’agit d’une personne morale, ne peuvent déclarer leurs
créances que les représentants légaux de cette dernière dans la mesure où ils peuvent seuls
l’engager. Le mandat pose également ici le problème de savoir la nature du mandat général
qui confère à un tiers le droit d’agir à la place du créancier. Est-ce que le tiers doit avoir un

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mandat spécial (article 891 du DOC) pour seulement déclarer la créance ou il suffit qu’il soit
titulaire d’un mandat général (article 893 du DOC) ?

L’article 721 du Code de commerce précise que toute déclaration émanant d’un
créancier doit comporter les éléments de nature à prouver l’existence de la créance, le montant
des intérêts et l’indication de la juridiction si la créance fait l’objet d’un litige. Lorsqu’il s’agit
de créances en monnaie étrangère, la conversion en dirhams marocains a lieu selon le cours de
change à la date du jugement d’ouverture de la procédure. Les fluctuations postérieures du
taux ne seront pas prises en considération.

Le créancier joint à cette déclaration sous bordereau tous les documents justificatifs
utiles qui peuvent être produits en copie notamment les contrats, bon de commande, etc.
Toutefois, le syndic peut à tout moment demander la production des originaux et de
documents complémentaires. L’irrégularité des informations indiquées dans l’article cité ci-
dessus n’entraine pas la nullité de la déclaration de créances et qu’il est possible à tout
moment de les rectifier sous le contrôle du syndic. En réalité, il est difficile d’admettre la
nullité de la déclaration de créances à cause de l’absence de l’une des informations surtout
que le législateur n’a pas consacré expressément cette sanction. En effet, la solution la plus
appropriée est que le syndic procède à l’information du créancier ayant omis l’une ou
plusieurs des indications que doit contenir la déclaration en vue de la compléter. Cependant, si
un créancier procède à une fausse déclaration inventer une créance fictive, ce dernier sera
passible des mêmes sanctions de banqueroute conformément à l’article 757 du Code de
commerce : « ceux qui ont frauduleusement déclaré dans la procédure, soit en leur nom, soit
par les interpositions de personne, des créances fictives ».

Le créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai imparti ne pourrait se
prévaloir, pour demander la levée de la forclusion, de la mauvaise foi du débiteur qui n’a pas
mentionné sa créance dans la déclaration faite au syndic. Le créancier ayant demandé
l’ouverture de la procédure n’est pas dispensé de cette déclaration. A titre indicatif, la
déclaration de la créance dans le délai légal ouvre le droit au créancier de devenir membre de
l’assemblée des créanciers. Les créanciers postérieurs, à la différence des créanciers
antérieurs, bénéficient d’un traitement de faveur et ne sont pas astreints à l’obligation de
déclaration. Cependant, les salariés sont dispensés de cette déclaration. La dispense de cette
catégorie de créanciers de procéder à la déclaration de sa créance peut être justifiée par la

76
situation sociale de cette dernière ainsi que par le caractère alimentaire du salaire, soumis
notamment au privilège de l’article 1248 du DOC.

En somme, la position invariable du législateur par le biais de la forclusion parait


sévère puisque l’objectif de la déclaration est tout simplement de faire connaitre la créance au
syndic et de permettre l’établissement du passif total.

Section 2 : La vérification des créances (articles 726 à 727 du Code de


commerce)

Cette étape nécessite préalablement la tenue d’un registre spécial coté et paraphé par le
juge commissaire afin d’inscrire les déclarations selon l’ordre de leur réception. La
vérification est faite par le syndic en présence du chef d’entreprise et les contrôleurs. Si une
créance est contestée par le débiteur, le syndic avise le créancier concerné par lettre
recommandée avec accusé de réception. Cette lettre doit préciser l’objet de la contestation et
le montant de la créance afin d’inviter le créancier à donner ses explications. Le défaut de
réponse dans un délai de 30 jours interdit toute contestation ultérieure. Par conséquent, les
créanciers doivent se montrer vigilants quant aux délais de réponse.

Paragraphe 1 : La proposition du syndic

Dans un délai de 6 mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure, le syndic


établit la liste des créanciers après avoir sollicité les observations du chef d’entreprise au fur
et à mesure avec ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi au Tribunal. Il transmet
la liste au juge commissaire. Ce formalisme ou cette procédure est d’ordre public. En effet, il
a été jugé que la liste établie par le syndic et le juge commissaire sans la consultation du chef
d’entreprise est nulle de plein droit (Cour d’appel de commerce de Casablanca, décision du 12
janvier 2001).

Les propositions du syndic ne peuvent faire l’objet d’aucun recours, ni auprès du juge
commissaire, ni toute autre instance. Contrairement, la décision du juge commissaire sur le
rejet ou l’acceptation de la créance peut faire l’objet d’un recours judiciaire (tribunal de
commerce de Marrakech, décision du 5 juin 2000).

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Paragraphe 2 : La décision du juge commissaire

Suite aux propositions du syndic, le juge commissaire décide de l’admission ou le rejet


de la créance. Il peut également constater si l’instance est en cours notamment en cas d’une
action en nullité contre une créance admise par le syndic, le juge commissaire n’est pas lié à
sa proposition et il peut ne pas retenir cette créance et de déclarer la constatation de
l’existence d’une instance en cours. L’admission de la créance est décidée par le juge
commissaire chaque fois que la créance n’a pas été contestée par le débiteur et qu’elle
correspond à ce qui est porté sur les livres comptables. Il en est de même pour les créances
constatées par des décisions de justice (article 418 du DOC). Les décisions d’admission sans
contestation sont notifiées par lettre simple aux créanciers. Cette notification précise, d’une
part, le montant pour lequel la créance est admise, et d’autre part, les sûretés et privilèges dont
elle est assortie (article 730 alinéa 3 du Code de commerce). Par contre, le juge commissaire
décide le rejet de la créance lorsque l’existence de celle-ci a été contestée par le débiteur et
que le créancier n’a pas pu en apporter la preuve.

Il existe des cas ou le juge commissaire prend des décisions d’incompétence notifiées
aux parties par le greffier dans les huit (8) jours par tout moyen légalement disponible. La
jurisprudence a décidé, à cet effet, que le juge commissaire n’a pas le droit de procéder à la
vérification d’une créance publique qui relève de la compétence du tribunal administratif. En
effet, ce cas se présente lorsque la contestation porte sur une créance appartenant notamment
au Trésor public ou à la CNSS (Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du
15 mars 2012).

Le greffier publie au Bulletin officiel, sans délai, que l’état des créances est déposé au
greffe pour permettre aux créanciers de contester et de faire des réclamations dans un délai de
15 jours à compter de cette publication. Le recours est porté devant la cour d’appel de
commerce soit par le débiteur, le créancier ou le syndic.

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Chapitre 3 : La période d’observation

La période d’observation est une innovation majeure de la réforme. La procédure


s’ouvre par une phase préparatoire et conservatoire qui permet d’élaborer le bilan économique
et social de l’entreprise, afin de savoir si celle-ci est susceptible de se redresser. A l’issue de
cette période toutes les éventualités demeurent possibles : continuation, cession ou
liquidation.

Section 1 : La préparation de la solution

Au cours de cette phase, le syndic commence à chercher des solutions et établir un


rapport sur la situation de l’entreprise. Puis, il propose au tribunal soit, un plan de
redressement, soit de liquidation. Le tribunal statue sur ces propositions par un jugement qui
met fin à la période d’observation (article 622 du Code de commerce).

Paragraphe 1 : Le bilan financier économique et social de l’entreprise

Le syndic avec le concours du chef d’entreprise et l’assistance éventuelle d’un ou


plusieurs experts, doit dresser un bilan financier, économique et social de l’entreprise. Ce
bilan doit avoir un caractère global. Le mécanisme d’élaboration est précisé par les articles
595 et suivants du Code de commerce. Il en résulte qu’un bon diagnostic suppose à la fois un
certain recul par rapport à la situation de l’entreprise et des connaissances techniques sur les
causes des difficultés.

Le syndic peut entendre toutes les personnes dont l’audition lui parait utile.
Notamment, il consulte le ou les commissaires aux comptes de l’entreprise, les représentants
des créanciers, les organismes publics… conformément aux dispositions de l’article 597 du
Code de commerce. La contribution également des experts est essentielle car seuls les
professionnels spécialisés peuvent déterminer les raisons de la cessation des paiements
d’entreprise importantes. Enfin, la nouvelle loi ne précise pas les modalités de la collaboration
du débiteur. Mais, le chef d’entreprise de bonne foi a intérêt à se montrer coopérant pour
élaborer un bilan plus précis de la situation de l’entreprise.

79
Il convient de préciser que la consultation du chef d’entreprise et les contrôleurs pour
l’élaboration du rapport est déterminante pour sa validité juridique. La cour d’appel de
commerce de Casablanca a annulé le rapport élaboré par le syndic sans avoir participé le chef
d’entreprise dans l’établissement du bilan économique social et financier de cette dernière et
sans même le consulter, ni informer les contrôleurs des propositions du syndic pour le
règlement des dettes (arrêt du 24 mai 2002).

La question qui se pose : est ce que le syndic est tenu de consulter le comité
d’entreprise, au cas où celui-ci existe ? Le Code de commerce est muet sur le sujet, aucune
action n’est requise dans ce sens. Toutefois, le Code du travail prévoit expressément dans son
article 469, sous peine de sanction pénale, que le comité d’entreprise est chargé dans le cadre
de sa mission consultative d’être informé de toute les mesures de transformations structurelles
et technologiques au sein de l’entreprise. Il en résulte que lorsque le rapport comprend des
propositions sociales, le syndic a pour obligation de demander l’avis du comité. Cet avis doit
être mentionné dans son rapport et remis au tribunal.

Le bilan doit avoir un caractère aussi global que possible. Il doit être :

- Economique et comptable : c'est-à-dire à la fois comptable, patrimonial et financier. Le


premier aspect sera facilité si l’entreprise a tenu une comptabilité régulière et si celle-ci a été
contrôlée par un commissaire aux comptes. D’une part, l’aspect financier est l’élément le plus
important dans le rapport élaboré par le syndic, ce bilan doit donner une vision claire et nette
aux juges, qui vont prononcer le jugement de continuation, de cession ou encore de
liquidation, sur la situation financière de l’entreprise en difficulté. Il comporte les éléments
suivants : la comptabilité annuelle des dernières années; la situation effective des dettes de
l’entreprise; les noms des créanciers, le montant de leurs dettes, les dates d’exigibilité de
celle-ci ainsi que les hypothèques et nantissement qui leur ont été accordés; l’actif réel dont
dispose l’entreprise; les dettes envers l’administration des impôts; les dettes envers les
organismes de sécurité sociale. D’autre part, l’aspect économique présente une analyse
portant sur les éléments ci-dessous: le secteur d’activité et le niveau d’activité; la production
de l’entreprise, sa nature et s’elle produit un ou plusieurs produits; le niveau des ventes et leur
évolution; la situation du secteur d’activité dont opère l’entreprise; le marché dont opère
l’entreprise; les parts de marché de l’entreprise dans le marché interne; le niveau
d’exploitation des capacités productives; la situation concurrentielle du secteur

80
(dénombrement des concurrents de l’entreprise et de leurs tailles); le niveau de compétitivité
de l’entreprise (une analyse de ses forces et faiblesse); les bailleurs de fonds à l’entreprise,
leur nationalité et le type de relation avec eux; la structure de l’entreprise, sa stratégie et ses
perspectives d’avenir; l’organigramme de l’entreprise; les difficultés de l’entreprise en termes
de financement. Le bilan économique s’intéresse le plus à la structure du marché, la situation
concurrentielle de l’entreprise dans ce marché. Cette analyse stratégique étudie donc
l’environnement interne et externe de l’entreprise en dégageant les forces et les faiblesses de
cette dernière.
- Social : le contenu de ce bilan doit prendre en considération la situation de l’emploi, nombre
de salariés, rentabilité par poste, ambiance sociale générale, etc.
- Juridique : Il s’agit d’exposer ou de démontrer si juridiquement l’entreprise est saine ou
vulnérable (nombres de litiges…)

Parallèlement, le bilan doit préciser :

- L’origine et la nature des difficultés : en effet, selon que les difficultés ont une origine
accidentelle ou structurelle. Le syndic a pour mission de déterminer l’environnement
économique source du blocage et les éléments qui ralentissent la dynamique du secteur
d’activité.
- L’importance de ces difficultés, il faut entendre par là l’importance respective de chaque
difficulté et ses conséquences sur la continuité de l’exploitation de l’entreprise.

Le bilan n'est pas seulement une analyse comptable, il doit permettre de fournir des
éléments d’information sur le passé et l’avenir de l’entreprise. L’essentiel est que le rapport
dressé par le syndic donne une image fidèle de la situation de l’entreprise. Ce rapport ne doit
pas s’arrêter au jour du jugement de redressement judiciaire mais suivre l’évolution de
l’entreprise. En effet, dans ce domaine qui est très évolutif, une information ancienne est
presque toujours une information inexacte.

Paragraphe 2 : Le projet de plan de continuation ou de cession

Le projet de plan est la projection du bilan vers l’avenir puisqu’il précise les
conditions d’un éventuel redressement. Le bilan et le plan demeurent juridiquement distincts.

81
Le projet de plan doit envisager plusieurs séries de questions :

Le projet détermine les modalités de règlement du passif, car le but des procédures collectives
est le règlement du passif (article 596 du Code de commerce). Le projet précise les délais qui
pourront être imposés aux créanciers et les remises de dettes. Ces derniers consistent
généralement dans l’abandon d’une partie du capital des créanciers, l’abandon des intérêts, la
prolongation du délai de paiement de la dette. A cet effet, le syndic recueille par écrit les
propositions de règlement du passif. Aux termes de ces consultations le syndic dresse un état
de réponses fait par les créanciers ou par l’assemblée des créanciers (articles 601 à 605 du
Code de commerce).

Le deuxième volet économique, le projet indique pour l’avenir quelles seront les structures et
l’activité de l’entreprise compte tenu des perspectives de redressement et des sources de
financement que dispose l’entreprise. Il s’agit là de la partie importante du projet car le syndic
expose les mesures de réorganisation qu’impose le redressement notamment la nécessité
d’augmenter le capital de l’entreprise (article 599 du Code de commerce).

La loi permet aux tiers également de soumettre au syndic des offres tenant à son maintien,
notamment par son acquisition. Les offres faites ne peuvent être ni modifiées ou retirées après
la date du dépôt du rapport sauf si elles ont pour but d’améliorer les conditions de
l’acquisition. Elles lient leurs auteurs jusqu’à la décision du tribunal arrêtant le plan de
continuation (article 598 du Code de commerce).

Le dernier volet comporte l’aspect social c'est-à-dire les perspectives d’emploi ainsi
que les conditions sociales envisagées pour la poursuite de l’activité. Avant la transmission du
projet de continuation au tribunal, le syndic doit le communiquer à l’assemblée des créanciers.
L’article 615 du Code de commerce issu de la nouvelle réforme pose deux éventualités :

-Première éventualité : si l’assemblée des créanciers approuve le plan de continuation proposé


par le syndic, ce dernier doit le soumettre dans le jour suivant au tribunal de commerce.

-Seconde éventualité : si l’assemblée des créanciers réfute le plan de continuation, les


créanciers qui ont refusé doivent dans ce cas présenter un plan alternatif comportant les
mesures de réadaptions de l’entreprise en difficultés. Ainsi, la signature de la majorité des

82
créanciers de ce projet de substitution est indispensable pour sa validité. Le syndic le renvoie
au tribunal de commerce pour son approbation.

Il convient de préciser que l’assemblée se réunit valablement en présence des


créanciers titulaires des deux tiers au moins des créances déclarées. Les décisions de
l’assemblée des créanciers sont valablement prises lorsqu'elles sont approuvées par les
créanciers, présents ou représentés, détenant des créances dont le montant constitue la moitié
du montant global des créances détenues par les créanciers présents ou représentés ayant
participé au vote. Les décisions prises par une assemblée valablement tenue sont opposables
aux créanciers absents.

Par ailleurs, le projet de plan constitue donc un ensemble détaillé et contraignant. Il


faut donc celui qui exécute le plan sache à quoi il s’engage. Il faut également que les
créanciers connaissent les reports d’échéances qui leur seront imposés. Le tribunal ne peut se
prononcer que sur un projet précis. Si le redressement n’apparaît pas possible, le syndic
n’établi pas un projet de plan, il se borne à constater la situation et à demander l’ouverture de
la liquidation de l’entreprise (article 587 du Code de commerce).

Le rapport et les propositions du syndic doivent être remis au juge commissaire à


l’expiration d’un délai maximum de 4 mois suivant la date du jugement d’ouverture de la
procédure. Ce délai peut être renouvelé une seule fois par le tribunal, à la requête du syndic
(article 595 du Code de commerce). Ce délai peut être suffisant pour les petites entreprises
mais est nettement insuffisant pour les entreprises d’une certaine taille.

Section 2 : La continuation et la cession de l’entreprise

Le jugement définitif intervient à l’issue de la période d’observation. La phase


définitive s’ouvre par un jugement qui contient deux séries de dispositions. A titre principal, il
fixe le sort de l’entreprise et arrête en conséquence les modalités de paiements des créanciers.
Il décide soit la continuation de l’entreprise par le débiteur lui-même, soit sa cession à un tiers
ou sa liquidation judiciaire. Le débiteur a une dernière chance pour redresser son entreprise et
mettre fin à son passif.

83
Paragraphe 1 : Le plan de continuation de l’entreprise

Le tribunal décide de la continuation de l’entreprise lorsqu’il existe des possibilités


sérieuses de redressement et de règlement du passif. Les dispositions de l’article 624 du Code
de commerce imposent au tribunal une analyse approfondie des potentialités de l’entreprise.
Les possibilités de redressement doivent être appréciées de manière prioritaire : la référence
au règlement du passif, la réalisation des bénéfices, les compétences des dirigeants. Il en
résulte que le jugement doit prendre en considération tous ces aspects pour assurer le
redressement de l’entreprise.

Paragraphe 2 : La durée du plan de l’entreprise

Le tribunal décide de la continuation sur rapport du syndic et après avoir entendu le


chef d’entreprise, les contrôleurs et les délégués des salariés. En pratique, le tribunal ne
dispose pas de la compétence financière lui permettant d’analyser profondément le rapport du
syndic qui donne généralement une suite favorable au plan proposé à moins qu’il soit rejeté
par l’ensemble des créanciers. La durée du plan est fixée par le tribunal sans excéder dix ans
conformément aux dispositions de l’article 628 du Code de commerce.

Paragraphe 3 : Le contenu du plan de l’entreprise

En général le plan de continuation comporte deux volets :

Le règlement du passif : le plan doit prévoir les modalités d’apurement du passif et organiser
le financement de l’entreprise pendant la période du plan. Dans ce cas, le règlement prévu par
le plan de continuation distingue deux catégories de créanciers.
1- Créances nées antérieurement au jugement de redressement judiciaire.
2- Créances nées entre le jugement de redressement judiciaire et le jugement du plan de
continuation.

Cet article fait bénéficier du droit de priorité les seules créances nées régulièrement après
le jugement d’ouverture. A cet égard, les créances de ces derniers doivent être payées à leurs
échéances si non elles bénéficient d’une priorité par rapport à toutes les autres créances

84
assorties ou non de privilèges ou sûretés. Enfin, les créances déclarées, antérieures au
jugement d’ouverture. L’article 630 du Code de Commerce distingue deux situations :
Pour les créanciers qui ont accepté les délais et remises, le tribunal ordonne dans ce cas leur
respect. En revanche, les créanciers qui n’ont pas consenti aucun sacrifice, le plan impose des
délais de paiement uniformes. Le même article précise que le premier paiement doit intervenir
dans le délai d’un an.

- Le remplacement des dirigeants : le plan peut ainsi imposer certaines contraintes aux
dirigeants. En effet, la présence de dirigeants médiocres, maladroits ou malhonnêtes empêche
le redressement judiciaire, ce qui suppose leur éviction judiciaire. Le tribunal peut prononcer
l’incessibilité des titres de capital des dirigeants et de droit de vote pour une durée fixée par le
mandataire judiciaire désigné à cet effet. Il faut préciser que le remplacement intervienne sans
difficultés aux dirigeants des personnes morales. Contrairement, ce remplacement ne paraît
pas possible dans le cas ou l’entreprise est exploitée par un seul commerçant personne
physique.

- La modification des statuts (article 627 du Code de commerce) : le plan prévoit également la
modification des statuts de la personne morale. Le changement le plus fréquemment envisagé
est une augmentation de capital pour assurer la liquidité nécessaire au fonctionnement et aux
activités de la société. Le syndic se voit conférer la mission de convoquer l’assemblée pour
une décision soit prise par les associés portant sur l’entrée de nouveaux souscripteurs qui vont
contribuer à reconstituer le capital de la personne morale par la prise de participation.
L’augmentation du capital peut être souscrite par des créanciers, ce qui promettrait de
remplacer leurs créances par des droits sociaux. Mais si l’assemblée extraordinaire ne vote
pas l’augmentation du capital à la majorité requise, le tribunal prononcera la résolution du
plan de continuation. Néanmoins, d’autres mesures de restructuration sont concevables,
notamment lorsque la forme de la société ne correspond pas aux besoins de l’entreprise.
D’autres modifications statutaires peuvent également être prononcées comme l’extension de
l’objet social, etc.

La nouvelle réforme permet aux organes de la procédure d’interjeter un appel contre le


jugement qui arrête le plan de continuation dans les dix jours à compter de sa notification par
le débiteur, le syndic, l’assemblée des créanciers, le ministère public. Par ailleurs, le débiteur
a le droit de demander au même tribunal la modification de ces objectifs sur rapport du

85
syndic. Parallèlement, si l’entreprise exécute le plan, le tribunal prononce la clôture de la
procédure. Par contre, si l’entreprise n’exécute pas ses engagements fixés par le plan, le
tribunal peut, à la demande du débiteur, du créancier ou de l’assemblée des créanciers,
prononcer la résolution du plan de continuation et décider la liquidation judiciaire (article 762
du Code de commerce).

Section 3 : Le plan de cession

Comme le disait si bien le professeur Françoise PEROCHON : « la cession


d’entreprise recherche à guérir le patient, la survie de ses organes sains, greffés sur un
meilleur porteur ». La cession de l’entreprise a pour objet la transmission à un tiers qui en
paye le prix et prend des engagements en vue de son redressement. La cession de l’entreprise
peut être totale ou partielle, dans ce cas elle comprend tous les biens affectés à l’activité du
commerçant. Le plan de cession se différencie du plan de continuation dans la mesure où dans
le premier cas le débiteur lui-même qui assure la continuité. Dans le second cas, la charge de
l’entreprise est transférée à un tiers. La reprise d’entreprise en difficulté permet de donner une
seconde vie à l’entreprise cédée. Le tribunal aura la lourde tâche de choisir l’offre
d’acquisition la plus adaptée afin d’assurer la pérennité de l’entreprise.

Cette cession a pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation


autonome de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif au sens du
premier alinéa de l’article 635 du Code de commerce. Alternative à la continuation de
l’entreprise, la cession est par nature une solution de repli, voire de facilité quant au doute sur
les réelles capacités de redressement de l’entreprise en difficultés.

Les dispositions relatives au plan de cession sont énoncées aux articles 635 à 650 du
Code de commerce, l’importance quantitative des textes consacrés démontre l’intérêt qu’elle
présente pour le législateur.

Paragraphe 1 : Les conditions de fond de la cession

Avant toute acquisition, le repreneur doit faire un diagnostic complet de l’entreprise.


Cette analyse de l’entreprise permet de mieux cerner les forces et les faiblesses de cette
dernière ainsi que son positionnement sur le marché grâce aux informations transmises par les
86
organes de la procédure. Avant tout, le repreneur doit élaborer une stratégie, en déterminant le
profil de l’entreprise à reprendre, mais également le moment et les modalités de la reprise.
Les objectifs du repreneur peuvent être divers et variés, il peut s’agir d’augmenter ses parts
sur un marché, de se diversifier au sein d’un autre marché ou bien encore de faire l’acquisition
d’une technologie particulière. Une fois que la cible a été sélectionnée et le marché identifié,
un diagnostic préalable de l’entreprise est nécessaire. En effet, il permet d’avoir une vision
globale de l’entreprise et de confirmer ou d’infirmer l’opportunité de la reprise. Le diagnostic
de l’activité a essentiellement pour but d’estimer le potentiel de l’entreprise, sa compétitivité.

Les conditions de fond de la cession sont posées par l’article 635 alinéa 1 du Code de
commerce : « la cession a pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles
d’exploitation autonome de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le
passif ». Ainsi, dès l’ouverture de la procédure, les tiers sont admis à soumettre au syndic des
offres tendant au maintien de l’entreprise c'est-à-dire des offres qui tendent à la survie des
outils de production et le maintien de l’emploi. Parmi les conditions de fond de la cession :
1- La cession totale ou partielle doit avoir un caractère global. Par conséquent, elle doit
porter non sur des biens isolés mais sur des ensembles fonctionnels, c'est-à-dire des
branches d’activités complètes et autonomes (chaînes de productions, usine…)
conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 635 dudit Code,
permettant la continuité de l’entreprise. A cet effet, le troisième alinéa du même article
prévoit qu’en absence de plan de continuation de l’entreprise les biens non compris
dans le plan de cession sont vendus comme en matière de liquidation judiciaire et que
les droits et actions de l’entreprise sont exercées par le syndic selon les modalités et
les formes prévues pour la liquidation judiciaire.
2- A la différence de la continuation, la cession ne porte que sur les actifs. Par
conséquent, le repreneur fait démarrer son affaire dès lors sans passif.
3- L’entreprise doit logiquement être susceptible de cession. En ce sens, la cession doit
permettre le redressement définitif de l’entreprise et veiller à la préservation des
emplois. Il en est autrement si le cessionnaire n’entend faire qu’une opération
spéculative immobilière. D’autres conditions de fond peuvent se joindre à ces
dernières : il s’agit de l’impossibilité pour le débiteur de continuer l’exploitation. En
effet, la cession de l’entreprise se fait sans l’accord de ses propriétaires par
conséquent, toute entreprise mise en redressement judiciaire serait une entreprise à
vendre.

87
Paragraphe 2 : Les conditions de forme

Généralement, l’offre est la manifestation de volonté selon laquelle une personne se


déclare prête à conclure un contrat déterminé à des conditions précisées50. En principe, elle
peut être rétractée jusqu’à son acceptation par le destinataire. Toutefois, l’offre formulée dans
le cadre d’une procédure collective est différente en raison des règles particulières qui la
gouvernent. Elle est ainsi intégrée dans des mécanismes institués par le législateur afin
d’assurer la finalité qui est la sienne, le sauvetage de l’entreprise. C’est donc un moyen qui
permet à une tierce personne de l’entreprise de formuler des propositions ayant pour objet
l’acquisition partielle ou totale de l’entreprise selon la procédure ouverte. Ainsi, l’offre de
cession est soumise à des règles d’ordre public qui apportent des restrictions au principe de la
liberté contractuelle, de même qu’aux modalités de l’opération et à ses effets. A ce titre,
n'importe quelle personne ne peut formuler une offre de reprise. De plus, la rédaction de
l’offre fait l’objet d’une attention toute particulière de la part du législateur. En effet, elle est
vouée à représenter le devenir de l’entreprise, elle ne peut donc laisser place à des offres
hasardeuses sans aucune perspective d’avenir 7.

La cession est une opération à la fois volontaire et judiciaire. Le législateur a posé des
règles procédurales à respecter pour apprécier la pertinence de celle-ci. Il convient d’étudier la
procédure à respecter pour déposer une offre valide au greffe du tribunal de commerce et les
voies de recours.

Le premier volet : la procédure d’offre est soumise à des modalités très strictes qui
prennent en considération quatre points importants :

1-L’auteur de l’offre : aux termes des dispositions des articles 598 et 636 alinéa 1 du
Code de commerce les tiers à l’entreprise sont admis à soumettre au syndic des offres tendant
au maintien de l’entreprise. Au sens général, est un tiers toute personne étrangère par rapport
au débiteur personne physique et morale soumise à la procédure de redressement judiciaire.
Dans le même ordre d’idées, pour garantir une reprise conforme à la morale des affaires,
l’article 598 du Code de commerce dispose que les dirigeants de l’entreprise en difficultés ne
sont pas admis directement ou par personne interposée à formuler une offre. Cela évitera

7
Alexia PAYER, La notion de reprise d’entreprise en difficulté, Mémoire de recherche en droit fondamental des
affaires, 2016-2017, p.24.

88
comme le dit le professeur Pierre-Michel LE CORRE que « le défaillant ne soit pas le
profiteur ». A la lecture de l’article 598 du Code de commerce, il est possible de souligner
que les associés ne figurent pas sur la liste des interdictions. Cela signifie-t-il, pour autant, que
ces derniers peuvent formuler une offre de reprise ? A l’heure actuelle, aucun texte juridique
ne précise si ces derniers sont habilités à intervenir comme repreneurs dans le cadre d’une
cession. Face au silence du législateur sur la situation des associés, les interprétations à leur
sujet ont divergé. La doctrine estime que les associés ou actionnaires ne puissent pas formuler
une offre de reprise. Ils devaient être écartés car ils n’avaient pas une indépendance suffisante
par rapport à l’entreprise défaillante. A ce titre, un associé majoritaire n’a pas cette
indépendance car il influe de manière décisive sur les décisions de l’entreprise. Pour autant,
certains auteurs s’accordent à dire que la liste est limitative, de sorte que toute personne non
mentionnée peut faire l’objet d’une offre de reprise. Dans le même sens, le professeur Jean-
Christophe PAGNUCCO pense également qu’il est opportun de ne pas trop réduire le cercle
des repreneurs potentiels. Comme beaucoup de personnes, il pense que les associés peuvent
être des repreneurs très sérieux danse sens où ils connaissent l’entreprise de l’intérieur.

2-Les caractères de l’offre : La rédaction de l’offre de reprise est une étape très
importante pour un repreneur intéressé. C’est en effet cette offre qui obtiendra les faveurs ou
défaveurs du tribunal lors de son choix. Cette offre doit respecter un formalisme contraignant
et comporter des mentions obligatoires telles que mentionnées à l’article 636 du Code du
commerce, sous peine qu’elle ne soit écartée. De plus cette offre tend à plus de transparence,
dans le but de moraliser la cession d’entreprise. Ainsi, toute décision judiciaire de cession de
l’entreprise intervient sur le fondement d’une offre qui doit être simple et non conditionnelle.
Il convient de préciser qu’elle doit comporter plusieurs mentions obligatoires :

- La nécessité d’un écrit : Bien que la loi ne mentionne pas l’exigence d’un écrit mais le
recours au support écrit est indispensable pour déterminer l’objet de l’offre, la date, la
signature, le prix, etc. En plus, la demande doit être un véritable engagement pour acquérir
l’entreprise et non pas une simple lettre intention ou demande de renseignement. L’offre doit
présenter le périmètre de la reprise, c’est à dire les éléments d’actifs notamment les éléments
corporels : l’outillage, les immeubles, les véhicules, etc. Il convient de préciser que les actifs
incorporels sont aussi concernés par la cession : la marque.

89
Ce choix n’est pas totalement libre, notamment lorsqu’il s’agit d’un bien nécessaire à
l’entreprise.

- Les indications obligatoires : Selon les dispositions de l’article 636 du Code de commerce,
l’offre concernée doit comporter plusieurs indications, nous retenons les plus importantes :
- Le prix de la cession ainsi que les modalités de règlement
- La date de la réalisation de la cession
- Le niveau et les perspectives de l’emploi
- Les garanties souscrites en vue d’assurer l’exécution de l’offre (comptes bancaires,
cautionnement, etc.)
-Les prévisions d’activité et de financement établies par l’acquéreur qui doivent être
précises et chiffrées. Il faut déterminer les besoins et recenser les encaissements et les
décaissements de l’entreprise. L’objectif est d’estimer la trésorerie disponible à chaque
fin de mois.
-Les prévisions de cession d’actifs au cours des 2 années suivant la cession
-L’auteur de l’offre de cession doit annexer les comptes annuels des 3 derniers
exercices lorsqu’il est tenu de les établir.

Tous éléments seront instruits par le tribunal de commerce pour apprécier le caractère
sérieux de l’offre. Ce travail de vérification est important et complexe. Il oblige à apprécier
non seulement l’offre elle-même mais les capacités et la compétence de son auteur. Cette
mission est donc plus économique que juridique.

3-Le dépôt des offres au greffe : La remise de l’offre est soumise à un certain délai,
l’article 598 alinéa 1 du Code de commerce précise dès l’ouverture de la procédure de
redressement judiciaire les tiers sont admis à soumettre au syndic les offres. En revanche, le
second terme c'est-à-dire la date à laquelle il expire dépend de la décision du syndic car il
rentre dans ses attributions de fixer le délai de la communication des offres afin de les
transmettre dans les 15 jours au minimum avant le déroulement de l’audience au cours de
laquelle le tribunal l’examinera (Article 636 du Code de commerce). Le but de législateur est
de laisser le temps au tribunal d’examiner attentivement la véracité et la pertinence de l’offre.

4-La modification de l’offre : Selon l’article 598, l’offre est intangible ainsi faite ne
peut être modifiée ou retirée après la date du dépôt du rapport du syndic mais le tribunal peut

90
accepter une modification de l’offre si celle-ci présente une amélioration incontestable. En
réalité, la position du législateur est contestable car on ne contraint pas une personne contre sa
volonté à diriger une entreprise même s’elle s’est engagée à le faire avant le jugement de
cession de l’entreprise en difficultés.

En tout état de cause, le tribunal ne doit opter pour la solution facile. Il doit apprécier
l’intérêt global de l’entreprise tant au niveau économique que social et également le
recouvrement des créances (article 637).

Le second volet : Le plan de cession est déterminé sur décision du tribunal, il est donc
normal de rechercher dans quelles conditions et sous quelles formes, il pourrait être attaqué.
Les voies de recours sont réglementées de l’article 762 à 764 du Code de commerce.
Principalement, l’appel contre les décisions rendues en matière de cession est formé par le
débiteur, le créancier, le syndic, le ministère public et le cessionnaire dans le cas où le tribunal
lui impose des charges qui dépassent ses engagements par déclaration au greffe du tribunal de
commerce dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision. Le même
délai est retenu pour le pourvoi en cassation conformément aux dispositions de l’article 766
du Code de commerce.

Paragraphe 3 : Les effets translatifs de la cession

Le plan de cession produit généralement des effets à l’égard du cessionnaire lui-même


et des parties concernées par le plan. En principe, la cession effective de l’entreprise en
difficulté ne peut se réaliser que si le cessionnaire a payé l’intégralité du prix de la cession.
Cependant, le tribunal peut autoriser le transfert immédiat des biens sociaux pour assurer la
continuité de la gestion de l’entreprise en fonction des garanties déposées par le cessionnaire.

- Les effets obligatoires de la cession à l’égard du cessionnaire : l’article 642 du Code


de commerce impose plusieurs obligations à la charge du cessionnaire. D’une manière
générale, le cessionnaire doit exécuter les engagements mis à sa charge par le plan de cession.
Parmi ces obligations légales, le cessionnaire doit payer le prix de cession et selon les délais
prévus par le plan de cession : très souvent une partie est payable immédiatement. Une fois
l’entreprise cédée aux termes de l’article 643 du Code de commerce le tribunal rend les biens
concernés inaliénables dans un souci de moralisation de la cession. Sa violation entraîne selon

91
l’article 644 du Code de commerce la nullité de l’aliénation pour tout intéressé dans le délai
de trois ans à compter de la conclusion de l’acte ou de sa publication.

Par ailleurs, si le cessionnaire ne respecte ses engagements tels qu’ils sont prescrits
dans le jugement de cession, le tribunal peut ordonner la résolution de la cession pour
prononcer la liquidation judiciaire (article 645 du Code de commerce).

- Les effets de la cession à l’égard des créanciers : le législateur marocain inspiré de la


loi française du 25 janvier 1985, a prévu des effets de la cession à l’égard des créanciers.
Deux catégories de créanciers sont concernées par la cession. Pour la première catégorie : les
créanciers chirographaires, le prix de la cession sert à apurer le passif aux termes de l’article
615 du Code de commerce sans aucune autre précision. Normalement, ces derniers devraient
être payés si le prix de la cession est égal ou supérieur au montant du passif. Parallèlement, les
créanciers privilégiés ou titulaires de sûretés sont payés en principe en priorité. A cet effet, le
tribunal réserve une partie de la cession (647 et 650 du Code de commerce)
.
- Les effets de la cession à l’égard des contrats en cours : malgré le caractère personnel
du lien contractuel, seuls les contrats utiles à la continuité de l’exploitation de l’entreprise qui
seront maintenus et transmissibles au cessionnaire sur décision du tribunal. L’article 638 du
Code de commerce détermine les différents contrats susceptibles de cession : le crédit bail, de
location ou de fourniture nécessaire au maintien de l’activité de l’entreprise, le contrat de bail.
Par conséquent, le syndic conclu tous les contrats indispensables à la continuité de l’entreprise
pour le nouvel acquéreur (article 640 du Code de commerce).

- Les effets de la cession à l’égard des contrats de travail : ils sont transmis avec
l’entreprise cédée car le but des plans de cessions est notamment le maintien de l’emploi.
Cette transmission est automatique avec tous les droits inhérents aux contrats de travail. A
juste titre, l’article 19 du Code du travail maintient la protection du salarié en cas de vente ou
de fusion par le nouvel employeur. La jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de
cassation confirme également cette tendance pour préserver les droits inhérents au salarié :
anciennetés, salaires, congés payés, etc.

- Les effets à l’égard du débiteur : il joue un rôle purement passif dans les opérations
de cession, son consentement n’est pas pris en considération. Il est en réalité exproprié de son

92
entreprise. Une fois que la cession judiciaire est faite entièrement d’une société commerciale,
celle-ci est dissoute (article 641 du Code de commerce).

93
Chapitre 4 : La liquidation judiciaire

Au Maroc, le régime de la faillite a été introduit par le Dahir de 1913 formant Code de
commerce. Il a été ensuite réformé par la loi n° 15-95 abrogée et la loi n° 73.17 du 19 avril
2018 en vigueur. Désormais, la liquidation judiciaire a remplacé la faillite lorsque le plan de
continuation a échoué.

La liquidation judiciaire intervient sur décision du tribunal qui constate d'une part la
cessation de paiements c'est-à-dire lorsque le passif exigible est supérieur à l'actif disponible
de l'entreprise, et l'impossibilité de son redressement. Elle constate juridiquement
l’élimination d’une entreprise qui ne peut plus continuer ou qui ne résiste plus aux règles du
marché. Cette situation est exprimée par l’article 651 du Code de commerce à travers la
formule de la situation irrémédiablement compromise de l’entreprise. C’est pourquoi toujours
les tribunaux rejettent toujours les demandes de liquidation judiciaire dans lesquelles il n’est
pas établi que la situation de l’entreprise en cessation de paiement est caractérisée.

Section 1 : Le dessaisissement du débiteur

Il convient de préciser que le jugement de liquidation judiciaire produit des effets


rigoureux pour le débiteur parce que ses effets dessaisissent totalement le débiteur de toute
activité professionnelle. La liquidation judiciaire emporte immédiatement la dissolution de
l’entreprise. La personnalité morale n’existe que pour les besoins de la liquidation jusqu’à la
publication des comptes de la clôture des opérations de la liquidation.

Paragraphe 1 : Le principe du dessaisissement

Certes, le débiteur est dessaisi du droit d'administrer ou de vendre ses biens tant que la
liquidation judiciaire n'est pas clôturée par un jugement du tribunal. Sans nul besoin d’une
mention spéciale, le débiteur perd tout droit où pouvoir d’administration et de disposition sur
ses biens, même ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit, tant que la liquidation
judiciaire n’est pas clôturée. Donc, tous les biens de l’entreprise y compris ses propres biens
sont affectés.

On constate que le jugement de liquidation judiciaire place l’entreprise condamnée


sous main de justice, met fin à ses activités et bloque l’ensemble de ses actifs composant son

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patrimoine. Ainsi, la loi essaye de préserver au maximum les biens susceptibles de contribuer
à l’apurement du passif pour payer les créanciers. Toues ses opérations sont assurées par le
syndic (l’article 651 et suivant du Code de commerce).

Paragraphe 2 : L’atténuation du dessaisissement

Le principe est l’arrêt de l’activité de l’entreprise dès le prononcé du jugement.


Seulement cela est impossible en pratique. L’article 652 du Code de commerce permet au
tribunal d’autoriser la poursuite de l’activité si l’intérêt l’exige. La notion d’intérêt est à
analyser du point de vue du public et des créanciers.

Dans le même ordre d’idées, le prononcé de la liquidation n’entraîne pas de plein droit
la résiliation du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise de l’entreprise. Seul le
syndic peut le continuer ou y mettre fin en fonction de l’intérêt de l’entreprise (article 653 du
Code de commerce). La résiliation du contrat de bail prend effet à partir de la demande du
syndic.
Section 2 : La réalisation de l’actif et l’apurement du passif

En cas de liquidation judiciaire, tous les biens mais seuls les biens du débiteur,
peuvent être vendus. Ne sont pas concernés par la liquidation judiciaire les biens appartenant
en propre à son conjoint contrairement aux biens communs ou indivis entre les époux. En ce
sens, le conjoint du débiteur soumis à une procédure de liquidation judiciaire établit la
consistance de ses biens personnels conformément aux régimes matrimoniaux (article 49 du
Code de la famille). Cependant, le syndic, peut en prouvant par tous les moyens que les biens
appartenant au conjoint du débiteur ou à ses enfants ont été acquis par des valeurs fournies par
celui-ci, demander que les acquisitions ainsi faites soient réunies à l’actif (article 711 du Code
de commerce). Par ailleurs, la vente des biens du débiteur suppose préalablement une
ordonnance du juge-commissaire. Il appartient à, ce dernier de déterminer la forme de la
vente.

La vente des immeubles se fait conformément aux règles du Code de procédure civile
relatives à la saisie immobilière. Les conditions de la vente et le prix d’ouverture sont
déterminés par le juge commissaire après avoir reçu les observations des contrôleurs et
entendu le chef d’entreprise et le syndic. Pour la vente des immeubles, le principe est posé par

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l’article 654 du Code de commerce. La priorité est accordée à la vente aux enchères publiques
c’est à dire que le dernier enchérisseur est déclaré adjudicataire. En effet, ce principe garantit
une concurrence parfaite entre les acquéreurs pour la vente des différents éléments de l’actif
de l’entreprise. Seulement l’expérience a montré que les ventes aux enchères ne rapportent
pas toujours le meilleur prix et qu’aussi certaines unités de production peuvent avoir encore
une certaine valeur si elles ne sont pas démantelées. Exceptionnellement, le juge commissaire
peut autoriser la vente par adjudication amiable ou de gré à gré si elle est avantageuse pour les
créanciers. Le législateur marocain prévoit au niveau du troisième alinéa de l’article 654 du
Code du commerce que « le juge-commissaire peut autoriser la vente soit par adjudication
amiable sur la mise à prix qu’il fixe, soit de gré à gré aux prix et conditions qu’il détermine »,
sauf que ce type de vente est subordonné à deux conditions principales, à savoir,

l’approbation du juge-commissaire dument justifiée et un retour financier meilleur. La vente


en liquidation judiciaire n’est pas juridiquement une vente volontaire, mais une vente faite par
autorité de justice.

Paragraphe 1 : La vente des biens de l’entreprise

Les dispositions du Code de commerce organisent la vente des biens en tenant compte
de trois situations distinctes : la vente d’immeuble par unité, la vente de l’ensemble de biens
meubles et immeubles constituant des unités de production, la vente d’autres biens de
l’entreprise (article 655 du Code de commerce).

La publicité du jugement permet d’en informer le grand public du déroulement de la


saisie afin de déposer dans les délais prescrits les offres. L’offre doit être écrite et comprendre
les indications exigées dans les offres en matière de cession (article 636 du Code de
commerce). Elle est déposée au greffe du tribunal ou tout intéressé peut en prendre
connaissance dans le but éventuel de surenchérir ou de révéler des informations utiles. Elle est
aussi communiquée au juge commissaire. Toutefois, ni le débiteur, ni les dirigeants de droit
ou de fait de l’entreprise, ni aucun de leurs parents ou alliés ne peuvent se porter acquéreur
(655 du Code de commerce). Le syndic reçoit les offres d’acquisition puis le juge
commissaire autorise aux prix et conditions qu’il détermine.

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Paragraphe 2 : L’apurement du passif

L’apurement du passif est une phase de la procédure de liquidation judiciaire qui


comporte la vérification des créances déclarées contre le débiteur, classement des créanciers
et répartitions du produit de la liquidation. L’article 668 du Code de commerce prévoit que le
juge commissaire dresse l'état de collocation relatif au prix de vente d'un immeuble. Cet
état détermine l'ordre des créanciers et les sommes qui seront versées à chacun. L'état est
publié au Bulletin officiel par le secrétaire greffier, de telle manière que les créanciers
puissent exercer des recours dans les 15 jours à partir de la date de publication devant la
cour d’appel de commerce.

Le paiement des créanciers constitue le but essentiel de la liquidation judiciaire. Il est


aussi une opération moins avantageuse pour l’ensemble des créanciers en raison de la
dépréciation de la valeur des biens de l’entreprise en liquidation et par conséquent du risque
encouru pour par ces derniers de ne pas recevoir qu’une proportion souvent dérisoire de leur
dû. Le règlement se fait en plusieurs fois, l’égalité des créanciers n’est donc plus respectée à
ce moment de la procédure.

Il convient de préciser que le livre V prévoit des cas particuliers qui pourraient donner
lieu à la liquidation judiciaire. En effet, l’article 740 du Code de commerce dispose : en cas de
redressement ou de liquidation judiciaire d’une société, le tribunal doit ouvrir le redressement
ou de liquidation judiciaire contre tout responsable contre lequel a été relevé l’un des faits :

1- L’utilisation des biens de la société à des fins personnelles,


2- La conclusion des contrats commerciaux dans un intérêt privé,
3- Le fait de s’accorder par la société un cautionnement pour des raisons personnelles
contraires à l’intérêt social,
4- Le fait de poursuivre abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait
conduire qu'à la cessation des paiements de la société,
5- Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaitre des documents comptables
de la société ou s’est abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait
l’obligation,
6- Le détournement ou dissimulation tout ou partie des actifs ou l’augmentation
frauduleuse du passif,

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7- Avoir détenu d’une manière manifeste une comptabilité incomplète ou
irrégulière,

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