Mugisha 4796-18-00 2023
Mugisha 4796-18-00 2023
Mugisha 4796-18-00 2023
Mugisha, Dieudonné
ABSTRACT
Ce mémoire a pour thématique l’éducation aux valeurs morales et à la citoyenneté dans les écoles
primaires du réseau catholique en FWB. Les premières parties du mémoire se sont articulées
successivement sur la présentation contextuelle de l’histoire de l’enseignement catholique, sur la situation
du réseau catholique dans le système scolaire belge et sur la mise à plat de la littérature scientifique en
circonscrivant les concepts clés (valeurs, citoyenneté, compétence, minimalisme et transversalité) devant
nous permettre de situer notre propos en nous appuyant largement sur les recherches de Maeyer &
Wynants (2016), de Prairat (2019), de Galichet (1998), d’Ogien (2008). Cette recherche à visée explicative
et interprétative s’est réalisée au travers d’une analyse de contenu en deux phases. Nous avons d’abord
soumis les documents publiés par le SeGEC à l’analyse actancielle (Greimas, 1966) pour ressortir les
rôles de tout un chacun des acteurs engagés dans les établissements catholiques. Nous avons ensuite
analysé la communication du SeGEC grâce aux fonctions du langage de Roman Jakobson (1960) et
montré l’idéologie sous-jacente. Nous avons en outre décortiqué les documents publiés par le SeGEC à
destination de toutes les écoles de l’enseignement catholique pour répondre à notre question de départ
« Le SeGEC promeut-il une éducation aux valeurs et à la citoyenneté ? Si Oui, quelles valeurs et quel
modèle de citoyenneté ? Comment cette éducation est-elle appliquée dans les communautés éducatives
catholique...
Mugisha, Dieudonné. Éducation aux valeurs morales et à la citoyenneté par l’enseignement primaire
catholique dans la Fédération Wallonie-Bruxelles. Analyse de contenu des publications du SeGEC et
des projets d’établissements scolaires.. Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, Université
catholique de Louvain, 2023. Prom. : Pourtois, Hervé. http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:38931
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DEDICACE
A ma fille Emma-Raïssa,
Je dédie ce mémoire.
4
REMERCIEMENTS
Je désire profondément remercier Monsieur Hervé Pourtois, mon promoteur, qui a accepté
de me prendre par la main pour faire ce cheminement de bout en bout. Pour tous les
nombreux sacrifices consentis dès le début avec mes doutes et questionnement jusqu’à
l’aboutissement du présent mémoire qu’il a su diriger avec patience, bienveillance, doigté
et expertise, je lui rends le témoignage de toute ma reconnaissance.
Grand merci à Monsieur Guy Zelis pour l’intérêt qu’il a porté à mon travail et surtout pour
tous les documents qu’il a mis à ma disposition.
Merci à Madame Maurille Vermeulen et à Madame Zoila Rodriguez, pour leur accueil,
leur patience et leur professionnalisme pendant mes recherches documentaires. Merci à
Monsieur Alain Moriau et à Monsieur Frédéric Duprez, pour leurs encouragements, leurs
conseils et leur accompagnement tout au long de mon stage.
Mes vifs remerciements vont en outre aux membres de notre sous-groupe. Merci à vous
toutes pour ces bons moments passés ensemble depuis notre première rencontre, pour des
engagements pris et honorés, pour des échanges riches et fructueux effectués et, bien sûr,
pour des tempêtes inlassablement traversées afin que nos travaux se réalisent avec succès.
Merci à mon épouse Marie-Josée Alice de m’avoir laissé consacrer un temps fou à ce
projet d’études en portant beaucoup plus que moi le poids de notre famille pendant toutes
ces années.
5
INTRODUCTION GÉNÉRALE................................................................................................8
1. CONTEXTUALISATION...........................................................................................................12
1.1. Du monopole religieux à l’entrée en jeu de l’Etat......................................................................12
1.2. Des tensions entre mouvance catholique et mouvance laïque au pacte scolaire........................10
1.3. Principaux évènements de l’entre-deux guerres en matière de politique éducative...................16
1.4. De la seconde guerre scolaire et du pacte scolaire.....................................................................17
1.5. De la pacification idéologique à la communautarisation de l’enseignement ............................18
1.6. De la coupole : de la Rue Guimard à l’Avenue Mounier...........................................................20
1.6.1. L'histoire du SeGEC : du SNEC au SeGEC en passant par les fédérations........................ 20
1.6.2. Missions et organes constitutifs............................................................................................22
3. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE..............................................................................66
3.1. Problématique, questions de recherche.......................................................................................67
3.2. Méthodologie d’analyse de contenu...........................................................................................70
3.2.1. Notre design de recherche.....................................................................................................70
3.2.2. Délimitation du champ et de la population............................................................................72
BIBLIOGRAPHIE.........................................................................................................................104
7. ANNEXES...................................................................................................................................112
7.1. Table des abréviations, des initiales et des sigles......................................................................112
7.2. Expressions, termes se référant à notre thématique dans les documents...................................113
7.3. Analyse des documents du SeGEC et des projets d’établissements..........................................117
7.4. Spécificité de l’enseignement catholique, 1975........................................................................121
7.5. Mission de l’école chrétienne, 1995..........................................................................................135
7.6. Mission de l’école chrétienne, 2007..........................................................................................149
7.7. Mission de l’école chrétienne, 2014..........................................................................................177
7.8. Mission de l’école chrétienne, 2021..........................................................................................192
7.9. Projet d’établissement de l’Institut de l’Instruction chrétienne de Flône..................................204
7.10. Projet d’établissement du Centre scolaire St-Benoît St-Servais..............................................222
8
L'éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde.
Nelson Mandela, Homme d'Etat, Président (1918 - 2013)
INTRODUCTION GENERALE
Les jeunes d’aujourd’hui ! Cette généralisation que j’ai toujours entendue traduit bien la
vision et la déception des adultes à l’égard des comportements violents, déviants,
irréfléchis, incontrôlables et rebelles de certains jeunes. Conflit des générations ou non, ce
qui est sûr c’est que les adultes émettent ce jugement à l’égard des plus jeunes surtout ceux-
là qui passent leur temps à en découdre avec les adultes qui assurent leur éducation, à
braver le système de lois, d’interdits, de codes et de valeurs déjà en place et à s’adonner à
des comportements contraires aux principes moraux indispensables au vivre-ensemble. Les
jeunes, quant à eux, pensent que les adultes sont dépassés par les mutations du monde,
qu’ils restent coincés dans leur vision traditionnaliste pour asseoir leur autorité sur eux.
Mais quels que soient les positionnements des uns et des autres, notre monde fait
aujourd’hui face à de multiples crises (d’autorité, économique, environnementale,
sanitaire...), à une consommation immodérée des biens, à l’individualisme sans pareil et
aux violences et intolérance ethniques, raciales et religieuses.
Des voies et moyens pour sortir de ces crises sont à repenser et c’est peu de dire que les
changements doivent s’opérer non seulement à tous les niveaux de nos structures sociales et
économiques, mais aussi et surtout dans l’exemplarité de nos existences en tant qu’adultes,
dans nos pratiques professionnelles en tant acteurs de changement et dans les orientations
que nous donnons, dans les décisions que nous prenons et dans les projets que nous
mettons en place en tant qu’acteurs politiques pour l’avènement d’un vivre-ensemble
meilleur. Ce changement de comportement peut se réaliser si toutes les institutions de
socialisation s’y attèlent de façon interdépendante. Parmi ces institutions, l’école dans son
ensemble, qui assume un double rôle, celui de transmettre les connaissances et celui de
faire partager les valeurs morales et civiques, peut contribuer à commencer par le niveau le
plus bas à asseoir les balises et les socles d’une éducation aux valeurs morales et à la
citoyenneté même si le consensus sur les positionnements au sujet de la transmission des
valeurs reste à trouver.
De fait, des débats autour des valeurs sont nombreux et parfois nourris. Ils tournent tour à
tour autour du concept même de valeur, de la valeur de l’enseignement, de la valeur de
l’enseignant, des valeurs à transmettre (Prairat, 2018, 2019) et veulent savoir qui de la
9
famille et de l’école est à même de les transmettre. Ce dernier débat oppose les défenseurs
de la transmission des valeurs par l’école et les opposants soutenant que l’école ne doit
qu’inculquer des aptitudes et des dispositions, des capacités à dialoguer et à délibérer. Pour
ces derniers, c’est à la famille que la transmission des valeurs revient et c’est à l’école de
développer les compétences discursives qui sont nécessaires à l’exercice de la citoyenneté.
Malgré ce constat amer au sujet du manque de consensus quant au contenu et à la manière
d’inculquer les valeurs morales, beaucoup de voix s’élèvent de toutes parts pour que l’école
prenne à bras le corps l’éducation à ces valeurs et beaucoup de recherches actuelles tendent
à montrer l’engouement et l’importance que portent les acteurs tant politiques
qu’éducateurs à cette problématique. Comme ces débats et ces préoccupations autour des
valeurs sont au goût du jour, d’aucuns se demanderaient si la transmission des valeurs et
l’éducation à la citoyenneté sont absentes des programmes scolaires.
Cette question a éveillé notre curiosité et a suscité d’autres questions au sujet de l’éducation
aux valeurs et à la citoyenneté. Pourquoi déjà ces débats autour des valeurs ? Qu’est-ce
qui est en jeu dans ces notions d’éducation aux valeurs morales et dans leur transmission ?
Que nous dit la littérature scientifique sur le sujet ? Quelles sont aujourd’hui les
conceptions les plus prisées et les plus en vogue ? Comment pouvons-nous nous
positionner par rapport à ces conceptions ? Comment les politiques éducatives de la
Fédération Wallonie-Bruxelles conçoivent-elles cette éducation aux valeurs morales et à la
citoyenneté à travers les injonctions adressées aux réseaux respectifs composant son
système scolaire ? Comment les enseignants-acteurs de terrain-s’approprient-ils ces
injonctions et les mettent-ils en œuvre dans leurs propres apprentissages et contextes où les
idées différentes et les cultures diverses sont en présence ? On l’a compris c’eût été mission
difficile voire impossible de répondre à toutes ces interrogations dans le cadre de ce travail.
Aussi s’est-il avéré pragmatique de restreindre le champ en nous intéressant, de façon
générale, à l’un des réseaux du système scolaire belge, le réseau catholique et, en
particulier, à son enseignement fondamental.
En effet, c’est à l’école primaire qu’on peut poser les jalons devant permettre la
reconnaissance des particularités culturelles, sociales et politiques, le respect de l’altérité,
l’union de tous au nom des mêmes principes et des mêmes valeurs, grâce à l’obligation
scolaire, à la volonté des éducateurs-trices et grâce au temps que les enfants passent à
l’école. Les écoliers sont-ils enseignés et éduqués aux valeurs morales pour pouvoir se
10
Cette étude ancrée dans l’actualité d’une société plus que jamais multiculturalisée et
pluralisée s’intéressera alors aux écoles primaires catholiques situées dans la Fédération
Wallonie-Bruxelles en tentant de répondre non à toutes les questions posées, mais à la
question suivante : l’école primaire catholique doit-elle inculquer les valeurs morales et
assurer une éducation à la citoyenneté ? Quelles valeurs et quel modèle de
citoyenneté ? Pourquoi et comment ?
Ce mémoire tentera de ressortir des représentations, des conceptions et des idéologies sous-
jacentes qui prévalent en matière d’éducation morale dans les établissements primaires
catholiques de la FWB, qui accueillent les enfants de 5 à 12 ans et de diverses sensibilités,
au travers d’une analyse de contenu des documents émis par le Secrétariat Général de
l’Enseignement Catholique (SeGEC) et des Projets d’établissements primaires catholiques.
Il s’articulera sur quatre parties.
Dans la deuxième partie, nous tâcherons de circonscrire les concepts de valeurs morales, de
compétences (Leleux, 2014 ; Perrenoud, 2000), d’éducation à la citoyenneté (Audigier,
2008, 2009 : Galichet, 1998, 2002,2005) de minimalisme (Ogien, 2007, 2008, 2014) et de
transversalité (Kim, 2021). Nous pourrons montrer à travers une revue de la littérature
11
La dernière partie proposera une discussion et une interprétation des résultats à la lumière
de la théorie et sera suivie d’une conclusion qui donnera en peu de mots les éléments
essentiels du mémoire, en soulignera les limites et dressera les perspectives de cette
recherche.
12
Parler de l’enseignement catholique belge, sans retracer ses débuts, ses trajectoires et son
actualité, c’est omettre son essence même. En effet pour comprendre ce qu’il est devenu
aujourd’hui et suivre l’évolution de l’éducation aux valeurs morales et à la citoyenneté en
son sein, nous avons trouvé nécessaire de présenter le contexte dans lequel s’inscrit ce
mémoire. Il s’agira concrètement de suivre l’évolution de cet enseignement à travers le
temps, de pointer les moments forts, de mettre en évidence les acteurs clés et les
organisations à travers leurs engagement et contributions respectifs.
Au Moyen Âge, il existe déjà deux sortes d’écoles : une Petite école où le chant, les prières,
les rudiments d’écriture, de lecture et de calcul sont enseignés dans la langue du peuple et
une Grande école où le curé du village, le bedeau ou un lettré assurent l’enseignement en
latin. Dans les deux écoles, une part belle est consacrée à la discipline et à la religion. C’est
au niveau du contenu, de la façon d’enseigner et des moyens comme outils – grâce surtout à
l’avènement de l’imprimerie – que des changements vont s’opérer pendant la Renaissance.
L’école vise toujours à former des scribes, tant les besoins en ce sens se sont bien fait sentir
surtout au niveau des villes 1 à telle enseigne que les écoles collégiales, cathédrales et
monastiques s’y attèlent. Pendant tout le Moyen âge et tout au long de la Renaissance
jusqu’au XVIIIème siècle, l’Eglise catholique exerce le monopole de l’enseignement aussi
bien dans les campagnes que dans les villes. Elle assure l’alphabétisation pour les besoins
du catéchisme.
Dès le XVIIe siècle, est créée dans chaque paroisse une petite école où sont instruits les
enfants jusqu’à l’âge de 14 ans. Les maîtres d’école, quelles que soient leurs compétences,
sont engagés par les autorités ecclésiastiques en tenant compte principalement de leurs
convictions religieuses. Durant ce siècle, les congrégations religieuses d’enseignants
opèrent un travail de structuration de l’enseignement : les élèves de plus en plus nombreux
sont classés selon leur âge et les classes très peuplées. L’éducation est très stricte et les
maîtres d’école recourent aux châtiments corporels pour sanctionner les "mauvais élèves".
Durant ce siècle, l’Église perd peu à peu son monopole en matière d’enseignement et l’État
entre petit à petit dans ce domaine.
1.2. Des tensions entre mouvance catholique et mouvance laïque au Pacte scolaire
Dans son article 17 alinéa 1, la Constitution belge du 7 février 1831 consacre la liberté
d’enseignement : « L’enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite ; la
répression des délits n’est réglée que par la loi ». L’alinéa 2 du même article dit :
« l’instruction publique donnée aux frais de l’Etat est également réglée par la loi ». Selon
Wynants & Byls (2016)2, l’ordre de priorité à accorder à ces deux alinéas fait l’objet de
controverses entre les catholiques et les libéraux. Pour les premiers, l’initiative doit primer
en matière d’offre scolaire. L’État se bornerait à jouer un rôle supplétif. Les baptisés
constituant la grande majorité de la population, cette initiative serait principalement
1
https://ligue-enseignement.be/assets/ETUDE2014.pdf
2
Le cadre législatif et institutionnel par Paul Wynants & Henk Byls avec la collaboration d’Arthe Van Laer.
14
catholique. Pour les libéraux, l’État se doit d’assurer une formation intellectuelle au plus
grand nombre possible des citoyens et de développer son réseau d’enseignement avec les
communes et les provinces. Selon les catholiques, l’école publique devrait être régie par les
normes du culte dominant et soumise à l’influence du clergé. Pour les libéraux, en
revanche, elle devrait être accessible aux jeunes de toutes opinions, en pratiquant une stricte
neutralité religieuse et philosophique.
Malgré ces désaccords, la première loi organique de l’instruction primaire est votée le 23
septembre 1842. Les libéraux se félicitent de ce que la commune est reconnue comme un
des pouvoirs organisateurs de l’enseignement élémentaire, les catholiques, eux, se
réjouissent, entre autres, de ce que l’instruction religieuse est obligatoire et donnée sous le
contrôle exclusif de l’autorité ecclésiastique ou de ses délégués. Les auteurs ajoutent que,
dans la pratique, la loi du 23 septembre est infléchie, qu’elle tend à devenir
« confessionnelle et cléricale » dans la mesure où « elle approprie son enseignement aux
croyances de la seule religion catholique » et où cette imprégnation de catholicisme confère
au clergé « une influence directe, constante et privilégiée » dans tout l’enseignement
primaire. En tout cas, l’enseignement de la religion catholique, de la morale et des autres
branches est placé sous la direction exclusive du clergé (De Maeyer & Wynants, 2016).
Grooters (1998), elle, affirme qu’après 1850 certains acteurs–d’abord, les libéraux
progressistes (les radicaux) et, ultérieurement, les socialistes et les démocrates-chrétiens–
revendiquent l’instruction primaire pour tous comme moyen d’émancipation sociale,
donnant accès à la citoyenneté.
« Nous n'avons qu'une seule arme, mais elle est magique ; elle doit nous assurer la victoire.
Cette arme, c'est l'éducation, c'est l'instruction, c'est la science. Ici, toutefois, se présente
(...), un premier obstacle : la législation. La législation qui a livré nos écoles à un clergé
ennemi de la liberté, ennemi des lumières ».
Les évêques belges réagissent énergiquement et font lire le jour de Noël dans toutes les
églises du royaume leur lettre pastorale contenant leur réquisitoire contre la politique menée
jadis par les libéraux et contre les projets qui leur sont prêtés pour l’avenir. Cette lettre
interdit aux fidèles de placer leurs enfants dans une école officielle si un établissement
catholique existe dans le voisinage. Les parlementaires catholiques exigent le maintien de
l’ancienne loi organique de 1842, les sermons du clergé attaquent la politique
gouvernementale, les associations proches de l’Eglise se mobilisent diffusant des pétitions,
organisant meetings et manifestations. Pendant cette période, la Belgique a environ 3400
écoles élémentaires catholiques.
Malgré toutes les mesures qui sont prises pour affaiblir l’opposition et l’influence
catholiques, la guerre scolaire de 1879-1884 consacre l’existence d’un réseau
d’enseignement catholique, porteur d’une identité idéologique et placé sous l’autorité des
évêques et sous le contrôle du clergé. Parmi les acteurs principaux, Charles Woeste est le
défenseur le plus farouche de la position catholique et l’orateur le plus éloquent et le plus
redouté. Il sera avec Franz Schollaert à l’origine de la loi organique de l’enseignement
primaire de 1895 qui remet l’enseignement de la religion à l’honneur, rétablit l’inspection
diocésaine et améliore la situation financière de l’enseignement libre. Cette loi reflète sa
vision du monde conservatrice, lui qui considère que l’enseignement remplit avant tout une
fonction morale, avec l’Eglise comme fondement.
16
La loi du 31 décembre 1889 interdit le travail des enfants de moins de 12 ans et limite la
durée du travail des jeunes de 12 à 16 ans (21 ans pour les filles) à 12 heures par jour.
Plusieurs lois viendront compléter cette dernière jusqu’au début de la Première Guerre
mondiale. Le vote de la loi du 19 mai 1914 résulte, d’après Jan De Maeyer et Paul Wynants
(2016), d’un compromis interne des catholiques. Elle introduit quatre innovations dans le
système éducatif belge : l’obligation scolaire jusqu’à l’âge de quatorze ans, la mise en place
d’un quatrième degré au primaire à tendance professionnalisante, la gratuité de l’instruction
obligatoire pour tous les élèves et l’augmentation du barème des traitements versés aux
instituteurs et institutrices. L’interdiction totale du travail des enfants de moins de 14 ans
sera validée par la loi du 26 mai 1914 afin d’accompagner la loi sur l’obligation scolaire.
Sans mésestimer les évolutions ni trop nous attarder sur les décisions et les lois relatives à
l’enseignement qui marquent l’entre-deux guerres, nous estimons important de souligner au
moins quatre faits :
La loi du 18 octobre 1921 définit les mesures contraignantes pour combattre
efficacement l’absentéisme dans l’enseignement obligatoire, pour renforcer les
contrôles et pour limiter les dérogations.
La loi du 25 mars 1931 relative à l’instruction obligatoire des
élèves dits « anormaux »si un établissement scolaire approprié leur est rendu accessible.
La loi du 14 juillet 1932 consacrant le principe de territorialité sur l’emploi des langues
dans l’enseignement primaire et moyen : le néerlandais devenant la seule langue
véhiculaire dans les écoles officielles et subsidiées de Flandre, le français en Wallonie,
l’allemand dans les communes germanophones, alors qu’à Bruxelles et dans les
communes bilingues de la frontière linguistique, la liberté de choix de langue reste
maintenue et est soumise à la décision du père de famille.
La loi du 16 juillet 1932 relative à l’enseignement maternel donne aux communes une
latitude plus grande que dans l’enseignement primaire, celle de créer ou d’adopter une
ou plusieurs écoles maternelles, de les maintenir ou de les supprimer à condition que les
chefs de famille comptent ensemble trente enfants.
Les première et seconde guerres mondiales posent des problèmes pratiques et matériels à
l’enseignement catholique. Sous les feux des bombardements et des régimes d’occupation,
17
certaines écoles ferment, d’autres connaissent une pénurie de nourriture et /ou de charbon.
La vie scolaire est perturbée. Et même si les Allemands font tout pour influencer et
contrôler à la fois le contenu et le développement du système d’enseignement belge,
l’activité pédagogique ne se modifie pas fondamentalement. Les directions des écoles
catholiques et surtout des prêtres enseignants qui ne souhaitent pas voir disparaître la
spécificité de l’enseignement confessionnel opposent une résistance farouche aux
occupants.
Les deux conflits ont toutefois contribué à des réflexions et à des réformes, notamment en
s’interrogeant sur la façon dont l’enseignement a pu contribuer au conflit mondial et en
voyant dans l’enseignement et dans la jeunesse une raison d’espérer en un avenir meilleur.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, il y eut un engouement pour l’éducation au
civisme. Un mouvement international se fixe pour objectif de favoriser l’entente entre les
nations et les peuples. Les manuels scolaires sont révisés, les excursions sont organisées
dans des régions qui ont connu des fronts, la citoyenneté internationale et l’éducation à la
paix sont de plus en plus à l’agenda après 1945. Une voie de l’unification et de la
démocratisation de l’enseignement prend de l’ampleur jusqu’autour des années 1950.
1.4. De la seconde guerre scolaire et du Pacte scolaire
Ainsi, de 1950 à 1959, nous assistons à une deuxième guerre scolaire en Belgique. Cette
fois-ci, les catholiques et les laïcs s’opposent sur les questions relatives aux subventions
octroyées à l’enseignement libre et à l’enseignement officiel. Ce conflit fait apparaître le
concept de liberté d’enseignement (De Maeyer & Wynants, 2016), à la fois une liberté de
l’offre d’enseignement et un « droit des parents au nom de la liberté du père de famille, de
pouvoir trouver une école, confessionnelle ou non-confessionnelle, à proximité du domicile
familial sans que ce choix ait d’incidence sur le coût de la scolarité de leurs enfants »
(Draelants, Dupriez et Maroy, 2003). Pierre Harmel, devenu ministre de l’instruction
publique en 1950, sera le personnage le plus en vue, lui qui fut considéré comme largement
favorable à l’enseignement libre et en qui les « gauches » voyaient le bras politique du
cardinal Van Roey.
A l’issue de cette guerre, le Pacte scolaire fut signé le 20 novembre 1958 entre grands partis
nationaux de l’époque (le Parti social-chrétien, le Parti libéral et le Parti socialiste belge) et
traduit légalement dans la loi du 29 mai 1959. Cette loi s’applique à l’enseignement
gardien, primaire, moyen, normal, technique et artistique. (Alinéas a, b, c et d de cette loi).
Le pacte définit la neutralité dans l’enseignement officiel, prône la gratuité de
l’enseignement et encadre les cours philosophiques. Il garantit pour l’enseignement
catholique une liberté pédagogique en matière de programmes, de méthodes et d’horaires
moyennant le respect du socle prévu par la loi. De Maeyer et Wynants (2016, p. 44) disent
que, pour la société belge, ce Pacte consacre la pilarisation de l’enseignement, sous forme
d’une coexistence de réseaux idéologiquement différenciés et concurrents, réseaux
auxquels une page sera consacrée dans le chapitre suivant relatif aux concepts
"enseignement et offre".
1.5. De la pacification idéologique à la communautarisation de l’enseignement
De 1958 à 1975 la Belgique vit une période de pacification qui fait suite au compromis du
Pacte scolaire. La loi du 30 juillet 1963 sur l’emploi des langues dans l’enseignement
renforce l’unilinguisme régional. La révision du Pacte scolaire par la loi du 11 juillet 1973
maintient le cloisonnement du champ éducatif, chaque réseau recevant des garanties pour la
poursuite de son expansion grâce à un financement accru.
La Constitution est révisée en 1970. Elle consacre l’existence de trois communautés, dotées
de compétences décrétales dans le domaine de l’instruction. Cette scission des
administrations par régime linguistique débouche sur un dédoublement progressif du
ministère de l’éducation nationale. Au début des années 1970, l’idée de l’’école pluraliste
prônée par le mouvement laïc est en marche et la Ligue s’en empare et concrétise ce projet
par la publication d’une Charte en avril 1973 synthétisant les idées maîtresses. La création
d’écoles pluralistes sera rendue théoriquement possible par la loi du 14 juillet 1975.
N’en déplaise à ses critiques, le chanoine avait ouvert la voie et, plus encore, anticipé
l’avenir surtout sur deux aspects : s’adapter à une société industrielle et complexe et
pouvoir comparer les résultats de l’enseignement par des tests standardisés
indépendamment du lieu et de l’école. Et comme l’Etat manifeste clairement ses ambitions
au niveau de l’enseignement, les évêques, les instituts religieux -chacun de son côté-
défendent leur position historique, renforcent la situation antérieure, s’accrochent à leur
autonomie dans le domaine de l’enseignement.
21
Dès sa création jusque dans les années 1990, la rue Guimard n’a eu de cesse de définir
l’identité de l’enseignement catholique, de s’atteler à cette tâche qui se faisait désormais
ressentir dans le contexte de la sécularisation, à partir du Pacte scolaire. Au lendemain de
la communautarisation de l’enseignement sont créés le 9 décembre 1993 deux organes de
coordination constitués en ASBL, le SeGEC, Secrétariat Général de l’Enseignement
Catholique, ayant les compétences pour les Communautés française et germanophone (en
allemand : SKU, Sekretariat des Katholischen Unterrichtswessens) antérieurement dévolues
au SNEC et le VSKO, Vlaams Secretariaat van het Katholiek Onderwijs, compétent pour la
Communauté flamande.
Bien avant cette création, les directions d’établissements s’étaient déjà regroupées en
fédérations selon les secteurs d’enseignements. On a assisté successivement à la création
des fédérations entre 1900 et 1940 comme avec le Conseil Central de l’Enseignement
Primaire Catholique et la Fédération Nationale de l’Enseignement Moyen Catholique en
1911, la Fédération Nationale de l’Enseignement Technique Catholique en 1919, la
Fédération Nationale de l’Enseignement Normal Catholique en 1920 et la Fédération
Nationale de l’Enseignement Spécial Catholique en 1931. Plus tard, en 1979, une
22
Sans trop nous attarder sur sa structure organisationnelle, le SeGEC est composé de
l’assemblée générale, du Conseil d’administration, du comité des secrétaires généraux, des
Fédérations de l’enseignement fondamental, secondaire, supérieur, de promotion sociale et
des centres PMS libres. Ci-joint son organigramme3 : Figure (1)
3
http://lenseignement.catholique.be/segec/fileadmin/DocsFede/SeGEC/structure.pdf
24
les enfants à leur image et, à cet égard, l’école, qu’ils disent libre, l’école confessionnelle,
leur est apparue comme devant être leur œuvre magistrale. » (Barnich, Le régime clérical
en Belgique, cité par Jan de Maeyer & Paul Wynants dans leur introduction générale à
l’ouvrage L’enseignement catholique en Belgique, Des identités en évolution 19è-21ème
siècles). Si le document publié en 1975 s’intitule à juste titre ‘Spécificité de l’enseignement
catholique’, cet enseignement n’a pas qu’une spécificité mais bien des caractéristiques qui
lui sont propres et inhérentes à sa vision, sa pratique, sa culture et son évolution à travers
ces deux siècles.
Sans prétendre les décrire de façon exhaustive ni entrer dans les détails, nous reproduisons,
« fidèlement », dans cette partie les qualificatifs propres à caractériser de façon sans
équivoque l’enseignement catholique, qualificatifs utilisés par De Maeyer &Wynants
(2016) sous forme de dichotomie tant le paysage scolaire catholique est complexe, à la fois
divers et homogène, local et global, flexible et doté d’une culture organisationnelle vivace,
fort de sa dynamique évolutive de la tutelle vers son émancipation au fil du glissement des
priorités et des changements de rythme.
1.7.1. Diversité et homogénéité
Divers, le réseau d’enseignement catholique rassemble les différentes tendances tirant leur
origine des différents initiateurs ou pouvoirs organisateurs (diocèses, paroisses, instituts
religieux, laïcs et organisations sociales), du public cible et du type d’enseignement
prodigué. Mais quoiqu’il en soit, l’enseignement catholique a trouvé en Belgique son
ancrage naturel non dans l’Etat mais dans la famille et dans la société civile, dont l’Eglise
représentait la pierre d’angle « surnaturelle ». L’intervention de l’Etat a été, en Belgique,
fortement limitée par une culture politique historiquement marquée par l’idéologie libérale,
caractérisée par un fort attachement à la liberté individuelle et à l’autonomie du pouvoir
local. Comme il s’est formé de manière organique, l’enseignement catholique belge offre
un reflet fidèle d’une société en évolution et de la diversité des communautés qui la
composaient. Les développements qu’il a connus, les valeurs et les attentes qu’il a
cultivées, ont évidemment trouvé un écho dans la culture organisationnelle, le projet
pédagogique et les programmes des établissements catholiques et ce, avec un certain retard
mais quelquefois aussi avec une rapidité et une aisance suggérant même une anticipation.
à la rue Guimard et, après la communautarisation, à l’« avenue Mounier » connue sous le
nom de SNEC/NSKO (Secrétariat National de l’enseignement catholique), laquelle
deviendra plus tard le SeGEC (Secrétariat Général de l’enseignement Catholique).
1.7.2. Local et global
L’enseignement catholique dispose d’un ancrage local fort. Son développement a été porté
depuis 1830 par des réseaux et par les comités locaux, liés aux communautés au sein
desquelles les laïcs et le clergé se rencontraient et collaboraient. En plus des garanties
institutionnelles et financières suffisantes, ces comités locaux ont permis à l’enseignement
catholique de répondre adéquatement aux besoins locaux. Enfin, les communautés locales
ont appris à s’identifier à l’enseignement auquel elles contribuaient du point de vue
organisationnel et financier.
sobriété matérielle nourrie d’une grande confiance dans le principe de subsidiarité et d’une
méfiance à l’égard de l’Etat et des autorités publiques, compétentes en matière
d’enseignement et d’éducation, même si parfois on en faisait abstraction en érigeant des
chapelles et des complexes immobiliers de prestige pour exprimer à la fois la force et la
modernité du réseau scolaire catholique. Enfin, par cette foi solide dans le bon droit et le
succès de l’approche propre au réseau et à ses composantes.
1.7.4. Entre tutelle et émancipation : l’identité chrétienne
Dynamique, la culture religieuse de l’enseignement et de l’éducation en Belgique a évolué
de la tutelle à l’émancipation au fil du glissement des priorités et des changements de
rythme. Les acteurs de cette quête et de ce vécu identitaire ont varié au cours du temps.
Jusqu’au début des années 1960, une identité religieuse très marquée, centrée sur
l’identification avec l’Eglise et avec la religion, a déterminé le profil de l’enseignement
catholique. Même s’il n’y avait pas d’instance centrale, clergé, membres des instituts
religieux et surtout évêques ont formaté, distribué et construit cet espace mental fort, voire
dominant. La grande guerre scolaire de 1879-1884 a consolidé la position des évêques
comme leaders de résistance et d’arbitres. Leurs mandements, lettre de carême et
allocutions ont indiqué la marche à suivre, fixé les lignes en termes de contenu. Les congrès
nationaux, diocésains et régionaux ont représenté des grands moments de mise au point et
des lieux durables d’harmonisation de la culture scolaire catholique (De Maeyer
&Wynants, 2016, p. 17).
Au XIXème siècle, cet espace mental a acquis une dimension sociale tutélaire.
L’enseignement catholique s’est d’abord caractérisé par un conservatisme social allant
jusqu’au paternalisme : il devait conforter la société hiérarchique existante et préparer les
enfants des deux sexes à assumer plus tard, comme adultes, un rôle au sein de la classe à
laquelle ils appartenaient. Ce conservatisme a abouti sur un certain climat de méritocratie
où seuls les meilleurs (une petite minorité) se voyaient promus, où le développement des
enfants du peuple et du public féminin de toutes catégories sociales n’était finalement pas si
important et où l’adoption d’attitudes sociales « correctes », dans la société de classes, était
jugée plus importante. Autour des années 1900, ce parti pris est remis en question sous la
pression de clercs et de laïcs engagés pour qui l’enseignement pouvait jouer un rôle
important dans l’émancipation sociale. Malgré tout, la culture religieuse dominante et
fermée aux influences extérieures va persister jusque dans les années 1950-1960. Pendant
ce temps, les mutations culturelles profondes remettent en question certaines positions.
D’après Herman Lombaerts et Leo Kenis (cité dans De Maeyer et Wynants (2016)
27
affirment que les évêques s’adressent, dans leur lettre de 1964, à leurs ouailles en formulant
une lecture actualisée de ce contexte.
Pour ces évêques, une école catholique se distinguait, en tant que milieu d’éducation et de
formation, en offrant aux jeunes la possibilité de se hisser à un mode de vie chrétien, dans
une société où croyants et non croyants devaient cohabiter. Et comme nous l’avons
souligné plus haut, après le Concile Vatican II (1962-1965) et la concertation entre
pouvoirs organisateurs, représentants du personnel enseignant et parents, la mission de
l’école catholique évoquée dans leur lettre apostolique de 1964 est cette fois inscrite dans
un contexte pluraliste, celle non seulement de viser l’épanouissement intellectuel et culturel
de chaque élève, quelles que soient son origine sociale et sa croyance et celle de proposer
une formation religieuse.
1.8. Missions de l’école chrétienne
A la suite de la communautarisation de l’enseignement, une remise en question menée au
sein des conseils de l’enseignement flamand et francophone a permis de réécrire et de
remplacer la lettre épiscopale de 1964 et le document ‘Spécificités de l’école catholique’ de
1975 par un nouveau document intitulé cette fois-ci ‘Mission de l’école chrétienne’ publié
en 1995. Il sera suivi d’autres révisions successives en 2007, en 2014 et plus récemment en
2021. Comme nous le verrons dans le chapitre consacré à l’analyse interne de ces
documents, ces conseils reprennent une bonne partie de la vision de 1974, la remettent à
jour en fonction des changements intervenus dans le climat social et éducatif. Ils exhortent
toutes les écoles catholiques à engager une réflexion sur la mission éducative et
pédagogique de leur institution et à convertir celle-ci en mesures concrètes.
Depuis les années 1980, les PO se sont attelés à traduire les valeurs et les objectifs de leurs
communautés scolaires dans les projets d’établissements, dans les projets éducatifs et
pédagogiques. Ces projets décrivent l’identité chrétienne, s’ancrent dans les contextes
sociaux qui les concernent et rendent compte de la diversité idéologique qui n’a cessé de
grandir au sein de la population scolaire ressentie d’ailleurs comme une pluralité religieuse
surtout au regard du nombre croissant de musulmans fréquentant les établissements
catholiques.
Ils sont très variés et même s’ils suivaient les grandes lignes des conceptions de leur
organisme coupole, ils différaient fortement dans leur contenu concret. Les nouveaux
28
programmes pédagogiques ont opté pour une référence plus affirmée à la foi chrétienne et à
la tradition catholique, comme fondement de l’enseignement religieux, mais avec une
attention explicite à pluralité idéologique croissante de la société. C’est en dialoguant avec
l’autre que le jeune pouvait apprendre à former sa propre identité. Le débat d’idées et le
dialogue interreligieux sont ainsi devenus une composante intrinsèque d’un processus
d’apprentissage, fournissant aux élèves la capacité réflexive suffisante pour développer
leurs propres convictions, en partant de l’offre de sens qu’offre la foi chrétienne. Mais de
l’extérieur aussi, la religion, comme branche idéologique, a été remise en question. Le
débat a été avant tout porté sur les cours de religion confessionnelle dans l’enseignement
officiel.
Dans le contexte flamand, on a plaidé pour l’introduction, comparable, d’un cours général
intitulé « Idéologie, éthique, citoyenneté et philosophie » qui serait obligatoire dans tous les
réseaux scolaires. La discussion sous-jacente montre que ce thème soulève aussi,
implicitement, la question de la raison d’être et de la signification des écoles
confessionnelles, notamment catholiques. Dans ce contexte, l’enseignement catholique
belge relève manifestement le défi, en affirmant la valeur intrinsèque de l’école catholique.
Conclusion
En retraçant l’histoire de l’enseignement belge, notre intention n’était pas de rentrer dans
les détails. A travers son évolution, l’enseignement belge est parcouru par les réformes, les
lois et les idées qui modifient son paysage, par des oppositions entre catholiques et laïcs et
surtout par le rôle manifeste de l’Eglise Catholique. Nous avons pu mettre en exergue les
moments et les événements les plus marquants de cette histoire, les acteurs et les
organisations qui ont contribué de façon indélébile à asseoir les fondements de sa vision et
les tribulations qu’a connus l'histoire belge.
29
Aujourd’hui plus que dans le passé, l’enseignement belge est complexe par ses réseaux qui
trouvent leurs racines dans l’histoire et la politique belge. C’est un enjeu socio-politique
crucial : il véhicule les valeurs de la société et forme les futurs citoyens. Deux
communautés linguistiques ont chacune leur propre réseau scolaire mais à l’intérieur de ces
deux grandes communautés, il existe encore toute une série de subdivisions : d’un côté,
l’enseignement officiel (dont le pouvoir coordinateur est directement la communauté
française, mais aussi les communes et les provinces) et, de l’autre, l’enseignement libre
confessionnel (dont le principal pouvoir coordinateur est le SeGEC mais pas seulement) et
non confessionnel (dont le Felsi). C’est l’enseignement libre confessionnel qui attire notre
attention, autrement dit le catholique.
Comme nous le verrons par la suite dans les analyses externes et internes des documents
produits par l’instance supérieure de l’enseignement catholique –appelée ici « coupole » –
en l’occurrence le SeGEC, ces documents au nom évocateur ‘Mission’ dressent les contours
de cet enseignement, adressent les injonctions les plus pertinentes aux PO, leur laissent une
certaine marge de manœuvre s’agissant de la traduction, de l’actualisation et de l’adaptation
de ces injonctions aux besoins éducatifs propres à leurs populations respectives.
Il est alors intéressant d’analyser non seulement le contenu de ces documents, pour ressortir
les constances, les évolutions et les adaptations significatives, mais encore et surtout de voir
comment tout cela est traduit dans les projets d’établissement par les PO pour être adressé
aux parents sous forme d’offre d’éducation, proposée aux enseignants pour leur adhésion et
finalement transmise aux enfants au travers des matières enseignées à l’école.
30
Dans le chapitre suivant, nous circonscrivons les différents concepts qui tournent autour des
pratiques mises en place par l’enseignement primaire catholique au sein de la FWB pour
réaliser une éducation aux valeurs morales et à la citoyenneté.
Quand nous disons « éducation aux valeurs morales et à la citoyenneté dans l’enseignement
primaire catholique », nous focalisons notre attention sur la formation morale des enfants
âgés de 5 à 12 ans, formation assurée par les acteurs de l’école primaire (comme institution)
dans le réseau libre confessionnel catholique. Dit ainsi, d’aucuns se poseraient un certain
nombre de questions que suscite cette éducation. Dans son cours de « Philosophie de
l’éducation et de la formation », le professeur Pourtois (2019) s’emploie à faire une
typologie des questions philosophiques relatives à l’éducation en générale et relève trois
registres de questions philosophiques, celles de la raison et du but de l’éducation (enjeux
anthropologiques et éthiques), celles du sens des savoirs ou des connaissances et de la
manière dont l’éducateur éduque (enjeux épistémologiques) et celles relatives aux formes
respectives que peuvent prendre la relation entre éducateur-éduqué et entre les institutions
d’éducation. Ce sont ces enjeux autour de l’éducation, autour de l’école comme institution,
comme lieu de rencontre, de vie et de socialisation dans une société démocratique, plurielle
et, de plus en plus, multiculturelle qui nous intéressent.
morales ? (Cette question, nous l’empruntons à Mr Pourtois dans son article inédit ainsi
titré) ? Ou vice-versa ? L’école doit-elle ou non transmettre les valeurs morales ?
Lesquelles ? Quels renseignements trouvons-nous dans les orientations édictées par le
SeGEC et publiées dans les fameuses Missions de l’école chrétienne en 1975, revisitées en
1995 et en 2007, actualisées et adaptées aux contextes respectifs de 2015 et de 2021 ?
Comment l’école catholique, ancrée dans un contexte pluraliste, démocratique et dans un
multiculturalisme s’y prend-elle pour assurer la transmission des valeurs ou des
compétences et dispenser tout simplement l’éducation citoyenne ? De quelle vision
d’éducation citoyenne s’inspire l’enseignement catholique ? Respecte-t-elle ou non le
principe de l’éthique minimale à laquelle nous oblige la société démocratique actuelle ?
Cette partie se compose de quatre chapitres. Dans le premier chapitre, il s’agira se situer
l’enseignement catholique dans le réseau de l’enseignement de la Fédération Wallonie-
Bruxelles. Nous tenterons dans le deuxième chapitre de tirer profit de la mise à plat de la
vaste littérature scientifique sur les concepts de valeur, d’éducation morale, de transmission
des valeurs morales ou des compétences en prenant principalement appui sur l’éclairage de
Prairat (2019). Dans le troisième, c’est le concept de citoyenneté qui sera abordé. Nous
présenterons les principales caractéristiques des modèles de citoyenneté tels que décrits par
Galichet (2002). Nous terminerons dans le dernier chapitre avec le minimalisme moral
défendu par Ogien (2008). Ces cadres théoriques seront-le temps venu-mobilisés dans
l’analyse des documents produits par le SeGEC en direction des écoles catholiques et de
quelques projets éducatifs mis en place par les PO des établissements catholiques tirés au
sort.
En Belgique, l’école est obligatoire pour les enfants de 6 à 18 ans depuis 1983. A la fin de
leur cursus scolaire, ces jeunes gens doivent avoir maîtrisé les compétences de base
appelées par ailleurs « socles de compétences »et « compétences terminales », ces savoirs
requis définis et introduits par le Décret Mission du 24 juillet 1997. Selon Draelants,
Dupriez et Maroy (2003), l’école obligatoire vise à unifier la nation en formant les
individus alphabétisés, pour en faire des citoyens responsables et des travailleurs efficaces
remplissant au moins deux grandes missions complémentaires : instruire et socialiser. Elle
les remplit en participant à l’acquisition des savoirs, des savoir-faire et des savoirs-être.
Aussi est-il intéressant de comprendre comment l’enseignement catholique pense
33
En outre, les écoles catholiques qui étaient habituées depuis toujours à accueillir des enfants
catholiques issus des milieux et des horizons variés, en sont venues depuis peu à accepter
des enfants aux cultures et obédiences religieuses dans un espace plutôt complexe où les
éducateurs doivent à la fois respecter les croyances des enfants qu’ils/elles prennent en
charge et l’esprit même de leurs institutions respectives tout en gardant pour eux leur
positionnement politique et religieux en vue d’assurer leur mission d’éducation en toute
neutralité. Et cette neutralité est qualifiée d’inclusive pour ce qui est de l’enseignement
belge, dans la mesure où elle laisse la pluralité des croyances et toutes les confessions
s’exprimer aussi longtemps que la neutralité du service est garantie. La neutralité est de
mise dans l’enseignement officiel, mais tel n’est pas le cas pour l’enseignement libre
confessionnel.
Enfin, nous remarquons que beaucoup de parents ont un certain engouement pour des
écoles catholiques. Ils y envoient en masse leurs enfants. Et c’est justement cette situation
qui nous amène à nos questions de départ : Qu’est-ce qui pousse un parent non catholique
à choisir une école catholique ? Quelles valeurs conseillées, quelles injonctions émanant
34
des instances supérieures (le SeGEC et les PO) font de cet enseignement ce qu’il est, un
enseignement spécifique ?
A la question de savoir pourquoi nous nous intéressons à l’école primaire dans son rôle de
d’éducation aux valeurs morales et à la citoyenneté, les réponses peuvent être multiples.
Nous nous contenterons d’en apporter au moins trois dont deux ont été longuement
discutées par Durkheim dans son ouvrage intitulé à juste titre l’éducation morale.
L’auteur évoque en premier lieu le fait que les années de l’école primaire constituent la
période favorable pour asseoir les bases nécessaires qui seront affirmées et affinées tout au
long de la vie. C’est un moment critique pour la formation du caractère moral, moment
situé au carrefour entre la sortie du cercle familial où l’enfant se sera mis à se socialiser
grâce à une éducation domestique et la découverte d’une mini-société qu’est l’école dans sa
mission éducative avec la plupart du temps un-e éducateur-rice comme référent-e tout au
long de l’année . En veillant à considérer les différences d’âge et le contexte en présence,
l’éducation morale à ce moment du développement (de 5 à 12 ans) ne sera donc
qu’opportune et décisive pour rejoindre voir compléter l’éducation familiale et solidifier les
balises du devenir moral de l’enfant.
IL affirme en deuxième lieu qu’avant l’école primaire, c’est trop tôt d’assurer l’éducation
morale. « La vie intellectuelle de l’enfant est encore trop rudimentaire et sa vie affective
trop pauvre et trop simple », nous dit Durkheim (2012). L’éducation familiale et maternelle
(école maternelle) met le curseur sur d’autres priorités. Après l’école primaire, arrive
l’adolescence, une période sensible où le jeune se cherche et s’affirme. C’est à ce moment
que l’éducation morale commencée de façon préliminaire en famille et délicatement assise
au niveau primaire se trouvera affirmée et pénétrée d’intelligence. Pétry (2014) affirme en
effet que les racines de la morale sont présentes à la naissance, que l’entourage dans lequel
l’enfant grandit joue un rôle essentiel dans le développement de cette morale et que parfois
la composante acquise de la morale remporte sur la partie innée.
En dernier lieu, dans le respect de l’obligation scolaire, beaucoup d’enfants sont scolarisés
et exposés à la culture scientifique et à la rationalité. Ils arrivent inconsciemment ou non à
se poser des questions relatives au bien et au mal et font l’expérience d’une discussion
relative à ces questions avec les pairs. L’école primaire a le privilège de toucher ce public
35
très large et pècherait par omission en ne leur donnant pas ce qui vaut vraiment la peine
d’être appréhendé en vue d’un vivre-ensemble que tout le monde appelle de ses vœux.
Prairat (2019) classe ces débats en trois catégories. La première catégorie relève de la
philosophie morale - la méta-éthique et englobe les débats autour de la définition de la
valeur, du fondement des valeurs (entre les subjectivistes et les objectivistes), la querelle
entre les tenants de l’approche internaliste et ceux de celle externaliste et les discussions au
sujet de l’accès à la valeur. Les débats sur la valeur d’enseignement, les valeurs à
promouvoir et les valeurs requises voire l’acte d’enseigner rentrent dans la deuxième
catégorie et concernent la philosophie de l’éducation (la morale normative). La troisième
4
Valeur : un concept clef dans la réflexion morale (Archive)
37
que nous la désirons, c’est-à-dire que les valeurs sont le résultat et le reflet de nos désirs
collectifs. Les existentialises (Sartre, Camus, Arendt, Marcel, Husserl, Heidegger...)
soutiennent cette seconde approche et affirment que les valeurs sont la création des
individus qui, grâce à leur engagement personnel, sont capables de critiquer et de
transformer les valeurs dominantes du moment.
D’après les penseurs de la psychologie expérimentale, nos décisions s’appuieraient sur des
émotions (empathie émotionnelle) et des principes d’équité universels (empathie cognitive)
selon les concepts défendus par Jonathan Hadi (2007) dans son étude sur les émotions
morales. Et comme les émotions sont personnelles, on peut avancer que dans les valeurs se
trouvent combinés le côté relativiste émanant de notre singularité et le côté universaliste de
notre humanité. Nous naviguons toujours entre émotion et raisonnement, nous dit Hadit
pour qui « les justifications explicites ne permettraient que de rationaliser « après coup »
des décisions qui auraient été prises de façon moins consciente qu’on ne le croit ».
Cette relativité des valeurs est réelle non seulement entre les différents peuples et sociétés
mais aussi à l’intérieur d’une même société. Les valeurs sont relatives comme le sont
devenus tout ce qui nous paraissait hier comme vérité évangélique, éternelle et
incontestable. Elles appartiennent à toutes et à tous et font partie intégrante de leur
quotidienneté au travers de leurs choix personnels. Elles changent au gré des évolutions
historiques, des rapports de force ou de coopération entre les gens vivant dans un même
espace, des effets produits par les événements instituant sur les éléments institués. Cette
conception du relativisme des valeurs n’ôte en rien à certaines valeurs leur caractère
universaliste du fait qu’elles sont partagées par toutes et tous. Les valeurs telles que le
respect , la liberté, la bienveillance, la paix et beaucoup d’autres sont communes à toutes
les sociétés humaines au point que nous pouvons les qualifier d’universaux de valeur en
faisant un clin d’œil à l’expression « universaux de langage » empruntée aux linguistes.
Nous aboutissons ainsi au débat entre les relativistes et les universalistes sur la question des
valeurs. Ce relativisme et cet universalisme des valeurs rendent difficile le travail de mise
en place d’une éducation morale. D’essence historique, sociale et culturelle, les valeurs
évoluent. Elles sont objet des débats et des controverses qui rendent compte de la
subjectivité individuelle, de la multiplication des idées, de la diversité des valorisations et
des préférences.
39
Il va sans dire que les objectivistes et les universalistes soutiennent que les valeurs ont
vocation à être partagées voire à être universelles et militent à ce qu’elles soient transmises,
contrairement aux relativistes et subjectivistes qui préfèrent qu’on s’abstienne de
transmettre des valeurs. De ces débats nait encore un autre, celui qui oppose aujourd’hui les
réalistes affirmant que les valeurs sont réelles et les antiréalistes niant leur existence
(Mackie, 1977, p. 15 cité par Prairat, 2019). La théorie de la survenance viendra sous forme
de juste milieu entre les deux oppositions pour pallier à la fois aux difficultés du
subjectivisme et celles du naturalisme (les valeurs sont ont les propriétés naturelles). Elle
affirme que la valeur, sans pour autant être assimilable à une propriété naturelle des choses,
est objective dans la mesure où elle survient et vient s’ajouter aux propriétés naturelles sans
être elle‑même une propriété naturelle (Prairat, 2019). McDowell (1985) et David Wiggins
(1987), eux, proposeront d’associer la valeur à une qualité seconde. Ces formes de réalisme
modéré qui donnent une objectivité à la valeur sans la naturaliser intéressent les
philosophes de l’éducation qui veulent tenir à distance le relativisme et le naturalisme de
tout procès éducatif (Prairat, 2019 p.305).
S’agissant de la multiplication des valeurs, Alain Renaut (cité par Dortu, 2008) affirme
qu’il existe encore des représentations du bien et du juste à partir desquelles se peuvent
définir des règles d’existence inspirant les individus dans ce choix des possibles que la vie
impose quotidiennement, ces règles sont incontestablement plus différenciées qu’autrefois,
selon les tranches d’âge, les milieux ou les secteurs d’activité. Loin qu’il n’y ait plus (…)
de valeurs, il y a en réalité (…) des systèmes concurrents de valeurs, voire des systèmes
contradictoires » (Renaut, 1998 p.115). Pour sortir de l’impasse d’un monde apparemment
anomique, Renaut propose une piste : celle d’une nouvelle forme d’universalité. Celui qui
veut cheminer sur cette piste-là doit admettre que les valeurs ne peuvent plus se contenter
de la tradition pour se justifier, elles réclament l’argumentation pour donner sens à
l’autonomie et pour éviter les effets pervers du relativisme que suscite l’individualisme. Si
la démocratie doit légitimer son pouvoir par l’argumentation, il en est de même pour les
valeurs qu’elle véhicule. Nous y reviendrons dans la partie réservée aux compétences
discursives.
2.2.1.4. L’accès a la valeur
Dans le monde des vivants, règne la lutte de tous contre tous, avec la morale une énergie
nous pousse à agir, à respecter autrui, à prendre des initiatives de façon désintéressée et à
nous conformer à une loi invisible et étrangère aux considérations de survie. La morale
40
relève donc d’un domaine spécial. Cela est d’autant plus vrai que les autres espèces
animales vouent instinctivement leur temps à leur survie et à la protection de leurs
descendants. Mais d’où nous vient cette morale ? Pourquoi sommes-nous devenus moraux
? Comment avons‑nous conscience des valeurs ? Comment celles‑ci nous sont‑elles
révélées ? Ce sont là des questions auxquelles tentent de répondre les discussions au sujet
de l’accès aux valeurs.
Sur ces questions, les travaux de Christine Tappolet ouvrent des perspectives intéressantes.
Tappolet (2000) défend notamment l’idée que les émotions (l’admiration, le dégoût, la
surprise, la peur) sont des modes d’accès privilégiés aux valeurs. Les émotions joueraient à
l’égard des valeurs le même rôle que les expériences perceptuelles à l’égard des formes et
des couleurs (Tappolet, 2000, p. 167). Les émotions et les expériences perceptuelles
partagent en effet un grand nombre de traits comme leurs propriétés phénoménales, le fait
de ne pas être directement soumises à la volonté, le fait d’être appropriées ou encore celui
d’être causées par des réalités environnantes. Ces analogies donnent une grande plausibilité
à la thèse selon laquelle les émotions sont des perceptions de valeurs. Or, pour que
l’émotion nous ouvre à la valeur, elle ne doit être ni pure sensation, ni une simple
représentation. Aussi Christine Tappolet (2000) défend-elle une position médiane entre
ceux/celles qui prennent l’émotion pour une simple sensation (les conceptions dites
phénoménalistes) et ceux/celles pour qui elle est tout simplement une forme de croyance
(les conceptions intellectualistes parfois nommées cognitivo‑conatives).
Les émotions ont un contenu, mais ce contenu n’est pas d’ordre conceptuel puisqu’on peut
très bien, par exemple, faire l’expérience de la peur tout en ignorant le concept de danger.
Si les émotions ont un contenu et si celui‑ci n’est pas de nature propositionnelle, alors elles
ne sont ni de simples attitudes réactives (sans contenu) ni de simples croyances (toujours
identifiées à un contenu propositionnel), mais des perceptions. Les résultats de ces
recherches ont le mérite d’amener les philosophes de l’éducation à repenser la place des
émotions dans l’éducation aux valeurs morales, de réfléchir sur l’utilisation du cinéma et de
la littérature dans les pratiques éducatives. A ce sujet, Prairat (2019) questionne : N’a‑t‑on
pas fait une place trop belle aux lectures rationalistes ? N’a‑t‑on pas, en formation, accordé
trop de place à la justification, au raisonnement et à la délibération ? N’a‑t‑on pas, en
somme, oublié de faire une place à la sensibilité ? Ces travaux nous invitent, plus
fondamentalement, à nous déprendre d’un trop grand intellectualisme et, conséquemment, à
41
ouvrir notre regard à d’autres modalités pédagogiques (Cavell, 2011, Murdoch, 2005,
Nussbaum, 2010 cités par Prairat, 2019).
Les réponses à ces questions nourrissent la querelle entre les tenants d’une nécessaire
hétéronomie pour fixer des valeurs et les défenseurs de l’autonomie. Ainsi que le dit Guillot
(2008), les premiers, qui supposent que, sans une instance extérieure et transcendante,
l’homme ne peut se fixer de valeurs stables, sont des externalistes. Dans cette querelle, les
débats se nouent autour du lien entre jugement et engagement. Les défenseurs de la vision
externaliste défendent la notion de « la faiblesse de la volonté » (voir le bien à faire et ne
pas le faire) et nient du coup la force intrinsèquement motivante des jugements moraux
qu’ils considèrent comme des représentations inertes qui requièrent un élément externe
pour incliner à l’action. Qualifiés d’internalistes, les seconds, eux, soutiennent que
l’homme n’obéit pas aux valeurs dictées par une quelconque autorité et conçoivent, aux
dires de Prairat (2019), que nos jugements moraux sont intrinsèquement motivants dans le
sens où ils nous inclinent à agir conformément à ce qu’ils nous indiquent. Et Nagel
d’affirmer qu’ « on ne peut pas accepter ou affirmer sincèrement une quelconque
proposition éthique sans avoir, à première vue, au moins, une motivation à agir
conformément à cette proposition » (Nagel, 1999, p. 363). Mais comment alors expliquer le
lien interne qui relie le jugement à l’action ? Plusieurs explications ont été proposées : on
42
peut opter pour un internalisme conatif hérité de Hume (les jugements moraux expriment
des désirs ou des préférences) ou pour un internalisme cognitif d’inspiration platonicienne
(les jugements moraux expriment des croyances contraignantes), ou encore pour un
internalisme « mixte » de tradition aristotélicienne (les jugements moraux expriment des
croyances qui engendrent des désirs) (Ogien, 1999, p. 102).
Nos sociétés démocratiques sont principalement fondées sur des principes d’égalité et de
liberté. Plus aucune vérité révélée ne semble guider les choix axiologiques. L’autonomie
favorise le pluralisme des convictions aussi bien religieuses que philosophiques. Mais
l’autonomie n’a pas que des bons côtés. Elle court le risque de multiplier des
particularismes ou d’exacerber l’individualisme du moment où chaque personne dans sa
sphère privée se voit autorisée d’estimer la meilleure façon de donner du sens à ses actes.
Malgré ces mauvais côtés, l’autonomie est de loin préférable au relativisme.
Les quatre premiers débats nous ont permis d’exposer et de croiser les arguments donnés
dans les débats relatifs à définir la valeur, au fondement de la valeur, à l’accès à la valeur et
à la fameuse querelle entre les internalistes et les externalistes. Comme l’a bien exposé
Prairat (2019), c’est la méta-éthique, branche de la philosophie morale qui s’intéresse à ces
questions et n’a pas ambition de dire ce qu’il faut faire. Place dans les paragraphes suivants
aux débats qui touchent les questions dites « substantielles » et qui font faire intervenir la
philosophie de l’éducation, plus précisément l’éthique normative. Cette fois-ci, sous l’angle
et l’éclairage de l’éthique normative, nous allons tenter de synthétiser les trois débats et
controverses constituant la deuxième catégorie (débats traditionnels de la philosophie de
l’éducation), ceux en rapport avec la valeur de l’enseignement, les valeurs à promouvoir et,
enfin, avec l’acte d’enseigner et les valeurs requises.
43
Que vaut l’enseignement dispensé ? Tout enseignement, dans une société donnée, obéit à
une nécessité anthropologique de perpétuation. Perpétuer la société, perpétuer la
communauté dans laquelle les nouveaux venus viendront à leur tour s’inscrire pour y laisser
leur marque. En termes arendtiens, l’enseignement est requis par le souci d’assurer «
la continuité de la civilisation constituée ». Toutefois, nous dit Prairat, dans les démocraties
libérales, où l’individu est reconnu pour lui-même, où il vaut comme sujet singulier,
comme fin en soi dirait Kant, la considération anthropologique de perpétuation ne saurait
suffire.
5
Philippe Foray (conférence « L’école peut‑elle être juste», revue Skholè, 8 novembre
2014)
44
l’éducation (Pourtois, 2020). Et c’est peu de dire que le consensus entre les trois est loin
d’être trouvé.
Est abstentionniste la position du libéralisme radical qui consiste à dire qu’en régime libéral
il n’y a ni religion d’État, ni morale d’État. L’État est non seulement tenu à la neutralité
religieuse, mais il est également soumis à l’exigence de neutralité axiologique. Dès lors,
l’école publique n’a pas à proposer d’éducation morale, elle doit s’abstenir, un point c’est
tout.
L’approche procédurale est défendue par les procéduraux proprement dits, par les libéraux
soucieux de réduire l’influence de la puissance publique, par les instructionnistes qui
souhaitent voir l’école s’en tenir à la seule tâche d’instruction et par les disciples
d’Habermas qui défendent que les seules valeurs morales qui puissent être transmises sont
celles qui sont impliquées dans l’exercice d’une discussion et qu’un enseignement digne de
ce nom prend toujours la forme d’une discussion, d’une authentique discussion dans
laquelle l’accord repose sur la libre et commune reconnaissance du meilleur argument. Les
valeurs morales devant être transmises sont donc celles impliquées par l’acte d’enseigner si
celui‑ci reste fidèle à la logique argumentative de la discussion et aux présupposés moraux
que celle‑ci implique (Prairat, 2019 ; Pourtois, 2020).
Inutile de dire qu’il est difficile - voire impossible - d’inventorier les valeurs à promouvoir
car les sociétés occidentales démocratiques et pluralistes sont marquées par ce que l’on
appelle à la suite de Rawls « le fait du pluralisme », c’est‑à‑dire par l’idée que ces sociétés
admettent en leur sein plusieurs conceptions de la vie bonne (Prairat, 2019 cité par Pourtois,
2020). Ce pluralisme entraîne divers débats et conceptions au sujet des choix existentiels à
45
faire et des choix des valeurs à prioriser selon les préférences et les sensibilités de tout un
chacun, entre ceux/celles qui prônent que l’école doit se contenter de transmettre une
morale du bien et ceux/celles qui veulent qu’elle ne se limite qu’à une morale du juste
(morale du vivre-ensemble) avec la transmission des seules valeurs pouvant permettre la
coexistence des libertés dans un espace public. Il en découle le débat entre libéraux et
républicains en matière des valeurs absolues qu’on aimerait bien promouvoir (Prairat,
2019).
Parlant des enjeux de la mission de transmission de l’école, Guillot (2008) assigne à l’école
trois enjeux qu’elle saurait tout autant s’occuper: la vérité, la liberté et l’égalité. La vérité
en référence à la raison, au savoir et à l’histoire, à la validité scientifique d’une hypothèse
ou des hypothèses. La liberté qui n’est point celle des pulsions ou des désirs, mais une
conquête, une libération progressive et permanente des déterminismes d’origine et
environnementaux pour atteindre la véritable autonomie. Celle-ci équivaut à une forme
supérieure de liberté consistant, selon Montaigne, à penser et à juger par soi-même, en
référence à l’humaine condition et, selon Kant, en la capacité de se donner à soi-même sa
propre loi, à condition qu’elle soit universalisable sans contradiction (...). Le troisième
enjeu de l’école serait la poursuite de l’égalité, notion de droit juridique et politique. Elle y
parviendra en étant le rempart contre le fatalisme, l’individualisme, la course effrénée à la
main d’œuvre en réponse aux besoins du marché de travail où évaluation et compétitions
constituent les règles d’or. Cette mission est au demeurant délicate et difficile au regard
des différences découlant des paramètres psycho socio-économiques et des défis
précédemment évoqués. Mais l’école peut réduire ou minimiser ces différences en veillant à
donner autant qu’elle peut toutes les chances aux jeunes enfants en travaillant l’équité et en
promouvant la solidarité.
6
Wittgenstein, Conférence sur l’éthique (2008).
46
Il convient de remarquer avec Prairat (2019) que le mot Valeur dans la deuxième catégorie
de débats n’a pas les mêmes acceptions. Dans « la valeur de l’enseignement », il est
mobilisé comme un critère d’évaluation puisqu’elle répond à la question : « Quelle valeur
confère de la valeur à l’enseignement ? », dans l’expression « Les valeurs à promouvoir »,
il s’agit de répondre à la question : « Quelles valeurs doit‑on faire advenir ? » La valeur est
alors pensée comme un horizon. « L’acte d’enseigner et les valeurs requises » : le mot « la
valeur » est appréhendée comme une condition de possibilité. Ceci veut dire, en définitive,
que la valeur peut être appréhendée comme un critère, une visée ou un réquisit.
Place dans les paragraphes suivants à la dernière catégorie, celle des débats actuels (sur
l’éthique professionnelle et sur la transmission des valeurs) qui, d’après Prairat (2019), en
appellent tant à la philosophie morale (la méta-éthique) qu’à la philosophie de l’éducation
(l’éthique normative) et accaparent aujourd’hui l’attention et l’énergie des philosophes de
de l’éducation.
2.2.1.9. L’éthique professionnelle
Nous touchons ici la grande problématique qui a fait couler ces dernières années beaucoup
d’encre et de salives. Que de manifestations, de conférences, de colloques, de conférences
et de débats organisés pour débattre de ce sujet ! Que d’ouvrages, d’articles et de travaux
académiques écrits et réalisés sur le sujet ! Que soit dit en passant, ces travaux et ces débats
concernaient aussi le domaine de l’enseignement mais aussi d’autres domaines ou d’autres
métiers.
En ce qui concerne l’éthique des enseignants ou la morale professorale, deux camps
s’opposent celui des défenseurs d’une morale perfectionniste inspirée par les travaux de
47
Williams (1990, 1994) ou par ceux de MacIntyre (1981/2006) et celui des tenants d’une
approche néokantienne (morale du devoir) qui sait adoucir l’impérativité du devoir par la
prise en compte raisonnée des conséquences.
Prairat (2019) affirme que la norme donne non seulement consistance aux engagements en
explicitant le « ce sur quoi » les concernés peuvent tomber d’accord, elle donne aussi la
possibilité de consensus dans des univers socioprofessionnels marqués par le pluralisme et
la diversité. Selon le même auteur, l’important, dans un groupe marqué par le pluralisme,
est de trouver des accords pratiques sans avoir à souscrire à des justifications communes, de
trouver un terrain d’entente pour agir de concert et non de rendre les néokantiens des
perfectionnistes ou vice versa. L’idée déontologique en offrant la possibilité d’adhésions
normatives partagées dans des univers marqués par le pluralisme illustre le caractère
stabilisant de ce que Rawls appelle « un consensus par recoupement » (Rawls, 1997,
p.427). Autrement dit, le concept de norme engloberait à la fois toutes les normes et toutes
les valeurs.
Du moment où les valeurs ne peuvent qu’être librement choisies et sont donc subjectives vu
leur dimension affective, que l’école n’a pas la capacité d’assurer un enseignement des
valeurs de façon personnalisée et que le besoin de transmettre les valeurs aux enfants se
fait sentir, nous nous butons sur un paradoxe. Pour résoudre ce paradoxe, Prairat (2019)
propose de rendre la valeur désirable. D’après cet auteur, il n’y a pas de transmission de
valeurs sans exemplarité. Cela étant, les valeurs « passent » aussi par les contenus
d’enseignement, elles «passent» enfin et surtout par les situations scolaires, par les formes
d’organisation et de régulation institutionnelles, par ce que l’on appelle aujourd’hui la
forme scolaire. Transmettre des valeurs, ce n’est donc pas seulement donner à les connaître
intellectuellement, c’est aussi et surtout les rendre désirables et, par là même, préférables à
d’autres car elles sont, par définition, plurielles. Weber parlait, il y a un siècle déjà (1919),
de « guerre des dieux » pour souligner la pluralité conflictuelle des valeurs dans le monde
moderne (Weber, 2002).
Encore que le contexte obligeant, il y a une multiplicité et une grande variabilité des
jugements moraux selon les cultures, les époques et les individus du fait qu’en entrée les
informations pertinentes recueillies vont être interprétées de façon plurielle et conditionner
les jugements moraux « en sortie » (output). Même si ce processus n’exclut pas l’existence
d’un sens moral universel, il crée souvent des conflits de valeurs qui ne peuvent être gérés
ou résolus de manière froide et rationnelle. D’aucuns diront que les valeurs ne s’enseignent
pas, elles se vivent et font l’objet d’une appropriation par l’individu. Ceux qui s’engagent à
les transmettre créent des situations sur le fond des valeurs cibles et l’ambiance permettant
de susciter la réflexion des élèves sur ces situations en vue de mettre en évidence des
valeurs adaptées à leur vie, à leur univers et respectueuses de l’essentielle humanité. D’où
le nécessaire devoir de vigilance éthique et d’exemplarité dans les comportements
quotidiens qui doit rester de mise chez tous les acteurs de la communauté éducative
(Dupont, 20087)
Quoi qu’il en soit, Condorcet et ses partisans ont beau soutenir que les valeurs sont d’ordre
privé et donc transmissibles dans un cadre familial et s’opposer à la transmission des
valeurs par l’école en arguant qu’en les transmettant on endoctrine, O. Reboul (2008), lui,
pense que l’on « endoctrine tout autant quand on abandonne ceux que l’on éduque au
laisser-faire, à l’illusion du choix, puisqu’en faisant ainsi on laisse aux camarades, aux
7
CIFEN • Centre interfacultaire de formation des enseignants • Bulletin n° 25 • Décembre 2008
49
médias, à la langue courante de s’en charger. En renonçant à initier ceux qu’on éduque à la
culture et aux valeurs qu’elle comporte, on ne les laisse pas libres de choisir, on les livre à
une sous-culture (…) »
Sur ces questions de partage des valeurs dans nos sociétés pluralistes et celle de la
transmission de ces valeurs dans l’éducation à la citoyenneté, Pourtois (2020) apporte deux
réponses philosophiques à la première question. D’abord, la réponse du républicanisme
classique qui est d’application en France où le pacte républicain, garant de la cohésion
nationale, ne peut se comprendre en dehors du partage des valeurs (liberté, fraternité,
égalité, laïcité...) et, par voie de conséquence, en dehors de leur transmission en vue de
l’intégration des citoyens français sur le plan national, continental et mondial. Ensuite, la
seconde solution mentionnée par le même auteur, c’est le libéralisme du modus vivendi
dont on peut trouver les influences dans l’enseignement de la FWB. Ce modèle exclut la
transmission des valeurs partagées et milite pour un système scolaire admettant en son sein
les différentes conceptions de la vie bonne dans le respect de la liberté des parents en
matière de choix de l’école pour leurs enfants et des convictions du réseau concerné. Pour
pouvoir dépasser le risques encourus par les deux réponses, celui de sacraliser les valeurs
en les considérant comme des évidences (approche républicaine) et celui du scepticisme à
l’égard de la possibilité de faire partager des valeurs (libéralisme du modus vivendi),
Pourtois 2020) propose une approche pragmatiste de l’éducation et des valeurs. Dans cette
approche, l’école doit fonctionner comme une communauté de recherche qui stimule
l’apprentissage et le développement des individualités et qui forme à la citoyenneté
démocratique grâce à la participation à des pratiques coopératives requises par la
dynamique des apprentissages et en vue de la résolution des problèmes (Pourtois, 2020).
Après avoir fait le tour d’horizon des débats autour de la valeur tels qu’analysés
principalement par Prairat (2019), il nous a semblé important de discuter des
caractéristiques communes à toutes les valeurs et de la problématique de la crise des
valeurs.
Aux trois caractéristiques déjà évoquées-le cognitif, l’affectif et le conatif-, Perron (1987)
ajoute la hiérarchisation (les valeurs forment une sorte de système), la stabilité (elles durent
dans le temps et à travers des situations), la généralité (elles dépassent un objet précis ou
une situation particulière), le caractère explicite-implicite (elles sont parfois reconnues,
exprimées ou parfois latentes), le désir ou l’obligation(elles se situent soit dans le
prolongement d’un besoin ressenti, soit comme une réponse à une pression extérieure) et la
propriété du sujet ou de l’objet (elles sont analysées soit à partir des personnes soit à partir
des objets ou des situations). Sur la caractéristique de hiérarchie, beaucoup d’auteurs se
rejoignent en affirmant que certaines valeurs sont considérées comme supérieures et
d’autres inférieures, mais que ce n’est pas pour cela que les secondes sont moins
importantes que les premières, mais en cas de conflit, certaines prévalent sur d’autres.
Claudine Leleux (2014), par exemple, affirme que seul le contexte peut justifier les
contenus de valeurs et leurs préférences selon des points de vue intra et extra muros.
Aujourd’hui, certains auteurs avancent que la crise des valeurs se manifeste sous l’aspect
d’une perte des valeurs humaines. Ils trouvent les signes de cette crise dans les
manifestations de l’égoïsme, de l’individualisme, de la haine, de la cruauté, de la violence,
du non-respect des personnes les plus vulnérables, de la criminalité, de la prostitution, de la
mise à mal de l’autorité, de la perte de confiance en ces systèmes qui ont longtemps
51
structuré l’organisation de nos sociétés. Lheureux (2012) cite Prairat (2010) et dit que
"nous assistons, dans cette période postmoderne, à une érosion de l’autorité éducative sous
peine de rompre le lien entre autorité des éducateurs et éducation morale". Il s’emploie à
décliner les indices de cette étosion, tels que l’invasion d’une société de consommation et
de l’idéologie du profit qui entraîne indirectement des formes nombreuses et diverses de
délinquance (fraudes, endettements, détournements de fonds, délinquance civile...),
l’évolution rapide des techniques qui brouillent le jugement, la violence dans les médias,
les rues, l’école, la société, le retour de l’intolérance et du fanatisme religieux, la circulation
des drogues avec des conséquences physiques et morales sur les jeunes.
D’après Tardif & coll., cités dans Paquay (2008-2009), la compétence est un savoir agir
complexe prenant appui sur la combinaison et la mobilisation efficace d’un ensemble de
ressources internes d’un individu et des ressources externes pour faire face efficacement à
une famille de situations-problèmes. La compétence fait référence à des capacités, à des
habiletés, à des attitudes, à des aptitudes de nature à permettre à celui qui en dispose de
réaliser les tâches, de résoudre des situations-problèmes et d’aboutir à un résultat
fonctionnel porteur de sens dans l’ensemble des pratiques d’une communauté humaine
(Rey & Kahn, 2001 p 43). Le Boterf (1994) définit la compétence comme la capacité
acquise de mobiliser un certain nombre de ressources cognitives pour faire face
adéquatement à une famille de situations. Nous pouvons ressortir de ce concept l’idée de
s’appuyer sur les acquis de connaissances pour généraliser et résoudre des situation-
problèmes, l’idée de faire des liens avec les matières vues et de tirer avantage de leur
éclairage dans la vie de tous les jours. Meirieu, Delay, Durant et Mariani (1996), Develay
(1996) et Perrenoud (2000) insistent sur la nécessité du transfert des connaissances et de la
mobilisation des ressources cognitives dans le quotidien pour faire valoir nos droits et
libertés. Cependant, selon Tardif (1999), une partie des élèves qui apprennent ne
parviennent pas à mobiliser leurs savoirs dans les nouveaux contextes. Ils disposent en
quelque sorte des capitaux "dormants" qu’ils ne parviennent pas à réinvestir. C’est pour
cela qu’il faut donner à la compétence (savoir faire des liens) la part qui lui revient, surtout
en matière de discussion et d’argumentation avec des conditions nécessaires égales pour
tous les interlocuteurs en présence.
52
La question de compétence dans le cadre de l’école est doublement intéressante. Elle nous
permet non seulement de nous rendre compte de la mobilisation des acquis d’apprentissage
dans notre vie quotidienne, mais aussi et surtout de prendre en compte des dimensions de la
scolarisation qui ne renvoient pas à la formation et à l’activité professionnelle, telles que la
citoyenneté, la protection de l’environnement, l’aide humanitaire, l’adaptation au
changement climatique, la négociation, la coexistence pacifique avec des gens très
différents, la coopération dans différents contextes, l’attention portée à sa santé. Travailler
le transfert ou développer les compétences accroît le sens des apprentissages notionnels ou
méthodologiques du simple fait qu’ils sont reliés à des pratiques, à des décisions à prendre
ou à des problèmes à résoudre.
Au travers de cette approche par compétences, Rey (1996) assigne à l’école 8 missions.
D’après cet auteur, l’école devrait contribuer à développer (1)8 une exigence de sens, (2)
un rapport pragmatique et irrévérencieux au savoir comme outil pour agir sur le monde, (3)
des intentions transversales, autrement dit la recherche active d’analogies et de transferts,
voire un désir de transfert, (4) un esprit de recherche, de définition et de résolution des
problèmes qui aille au-delà d’une vague "curiosité",( 5) la volonté et la capacité de "co-
opérer" puisqu’on est plus efficace à plusieurs,(6) une posture métacognitive et méta-
communicative, (7) la prise de conscience de l’importance des langages symboliques et des
conventions et, enfin, (8)le goût de débattre, d’argumenter, de défendre un point de vue.
Dans le contexte d’éducation à la citoyenneté, nous pensons que les missions 4,5,6,7,8 sont
essentielles à quiconque voudra assumer sa citoyenneté dans un contexte multiculturel,
démocratique et pluraliste. Mais c’est au niveau de la mission 8 qui concerne le goût de
débattre, d’argumenter, de défendre un point de vue que tout doit converger pour permettre
au citoyen en devenir d’être préparé pour faire face en son âme et conscience aux enjeux
qui l’attendent. Ainsi il est raisonnable que chaque personne apprenne à faire ce qu’elle a le
droit de faire et parfois l’obligation de faire, de revendiquer le droit de ce qu’elle sait faire
(Bosman, Gerard et Roegiers, 2000).
8
C’est nous qui numérotons pour des raisons de facilité rédactionnelle
53
démocratique. C’est le modèle défendu dans sa thèse par Lefrançois (2006, p314), pour
qui, ce qui importe davantage et ce à quoi l’éducation doit s’atteler, c’est la formation de
l’esprit critique, à l’argumentation, à l’usage de la logique, à la délibération, à la discussion
pour pouvoir assumer son rôle de citoyen, apprendre à distinguer discours scientifique et
prise de position idéologique et/ou éthique.
A ce sujet, Leleux (2000) décline l’éducation à la moralité selon un processus évolutif qui
va de l’apprentissage de l’autonomie individuelle (autonomie intellectuelle et autonomie
morale) à l’apprentissage de la participation publique en passant par l’apprentissage de la
coopération sociale comme nous le voyons dans le tableau synthétique ci-après :
l’avénement du face-à-face en aval"9. Et tout compte fait, il n’y aurait pas de choix à faire
entre la transmission des valeurs dites "substantielles" et celle des compétences discursives
(du point de vue de la forme et du fond), puisque-on l’a bien compris-la transmission des
unes n’exclut absolument pas celle des autres : elles ne sont pas exclusives, elles sont
complémentaires, interdépendantes.
2. 3. De l’éducation à la citoyenneté
Dans les lignes qui suivent, nous nous contenterons de brièvement définir les concepts de
citoyenneté et d’éducation à la citoyenneté, de nous focaliser sur les modèles de citoyenneté
tels que décrits par Galichet (1998; 2002) et de soulever le débat autour de l’éducation à la
citoyenneté qui est d’actualité en Belgique, plus précisément dans la Fédération Wallonie-
Bruxelles.
Les acceptions de la citoyenneté dans le débat public peuvent être différentes selon le
contexte et les sensibilités. Elle peut signifier « pour les uns, une sorte de morale civique ;
pour d’autres, un ensemble de droits dont l’individu bénéficie quels que soient ses mérites
personnels ; pour d’autres encore, le ciment de l’identité collective, un jalon essentiel pour
la participation de tous ou le triomphe de la modernité politique sur l’Ancien Régime. Pour
d’autres, enfin, la citoyenneté est, au contraire, un indispensable contrepoids aux dérives de
l’individualisme contemporain » (Pitseys, 2017, p1).
Mais approchée dans sa relation avec la nationalité, la citoyenneté est un statut qui confère
à son titulaire un ensemble de droits et d’obligations par ce qu’il est membre d’une
communauté politique. D’après Pitseys (2017), la citoyenneté désigne un statut juridique,
politique et social. En effet, le citoyen est à la fois celui qui a droit de cité dans la
communauté politique dont il fait partie, celui qui qui dispose de droits civils et politiques,
et à qui peuvent également échoir des devoirs, celui qui détient une part de la souveraineté
politique et celui qui participe au renforcement du lien social. A cela il faut ajouter la
dimension affective qui découle du sentiment d’appartenance à une communauté de destin
qui lie présent, passé et avenir. Dans un espace démocratique, la citoyenneté est, selon
Alexis Tocqueville, caractérisée par l’« égalité des conditions » que l’on cultive dans toutes
les formes de vie sociale (monde du travail, de la vie associative ou des pratiques de
politesse...
9
Selon l’expression d’Edgar Morin
56
L’UNESCO recommande dans son Agenda 2030 publié en 2016 que cette éducation cible
les questions de citoyenneté principalement relatives à la connaissance et à la pratique de la
gestion de la « cité », à la connaissance des religions et des courants philosophiques. Elle
inclut également l’éducation au bien-être, l’éducation aux relations affectives et
l’acquisition de comportements de prévention en matière de santé et de sécurité pour soi et
autrui. Elle aborde les questionnements concernant les systèmes démocratiques, les liens
entre ces différents éléments, les compétences à promouvoir pour viser des
10
Pourquoi l’éducation à la citoyenneté ? http://www.enseignement.be/index.php?page=27451&navi=4105
57
Ces thématiques sont abordées au sein des établissements sous une approche globale,
interculturelle, systémique et plurielle et, dans une certaine mesure, par des pratiques
citoyennes de nature à amener les jeunes à comprendre le monde dans lequel ils et elles
évoluent, à y saisir les enjeux, à prendre des décisions réfléchies et à être de vrais acteurs,
de vraies actrices de la solidarité à échelle locale et globale. C’est un enjeu colossal qu’est
cette éducation à la citoyenneté mondiale et solidaire. L’éducation à la citoyenneté incite à
un engagement individuel et collectif, vise à éveiller et à former les élèves aux
interdépendances mondiales et les incite à s’enrichir mutuellement, à contribuer à un monde
plus juste et plus durable et à agir en personnes citoyennes responsables, conscientes de
l'importance de la solidarité aussi bien nationale qu’internationale 12 L’objectif global de
cette éducation consiste à « transformer la société en apprenant aux jeunes gens de tirer des
avantages que l’échange de visions, le débat et la réflexion critique procurent au bien-être
de tous13 ».
Les institutions qui se chargent de cette éducation peuvent être analysées en recourant à
une grille de lecture des phénomènes collectifs (en partant non seulement des événements,
des modes de fonctionnement et les valeurs qui y sont à l’œuvre, mais encore et surtout en
décortiquant des situations pour déceler leurs significations symboliques). La littérature
scientifique nous fournit des modèles de citoyenneté ( modèles de citoyenneté de Marshall
(1963), d’Audigier (2000), de Weinstock (2000), Marzouk et al.(2000), de Pagé (2001), de
Habermas cité par Dupeyrix (2005) et de Schnapper (1965) décrit par Olui dans sa thèse de
doctorat défendue en 2015) sous l’angle desquels nous pouvons analyser ces institutions.
De ces modèles, nous avons choisi de circonscrire celui de Galichet (2002) pour ressortir
quel modèle est privilégié dans les établissements catholiques.
11
http://www.enseignement.be/index.php?page=0&navi=4033
12
http://www.enseignement.be/index.php?page=0&navi=4033
13
http://www.enseignement.be/index.php?page=0&navi=4033
58
D’après Galichet (2002), le paradigme familial insiste sur la mise en évidence des liens
affectifs de convivialité ou les valeurs à connotation familiale (la fraternité, l’égalité,
l’entraide, le respect de l’autorité du père de la nation) comme si la communauté des
citoyens fonctionnait comme une vraie famille. Les références à la communauté ethnique,
linguistique, culturelle sont de mise. La citoyenneté s’exerce selon les agencements et le
fonctionnement de ce que Boltanski et Thevenot (2021) qualifient de cité domestique où la
grandeur des gens dépend de leur position hiérarchique dans une chaîne de dépendances
personnelles. Chacun est relié à un supérieur, dont il reçoit une puissance d’accès à la
grandeur, et à des inférieurs qu’il englobe et incarne. De la même façon, l’autorité s’exerce
d’une personne de rang supérieur directement sur une personne de rang inférieur.
Par rapport à l’idée de citoyenneté démocratique, cette vision a des limites qu’on retrouve
dans le paternalisme avec ses dérives qui consacre l’affectivité aux dépens de la
délibération rationnelle et la hiérarchisation des relations sociales à l’instar de la hiérarchie
familiale (Père, mère, enfants, aîné, cadet), ce qui est contraire à l’idéal républicain, celui
d’égalité.
division du travail a toujours été comprise comme l’origine du lien social et le plus sûr
garant de sa cohésion. Le travail comporte enfin un aspect moral dans la mesure où il
génère toutes sortes de vertus que l’on trouve aussi dans le civisme : sens de l’effort, esprit
de solidarité, patience, dévouement (Galichet, 2002).
Les pratiques pédagogiques à l’école qui se réfèrent aux trois modèles sont toujours et plus
que jamais nécessaires. Mais sont-elles suffisantes ? Les difficultés que rencontrent ces
60
pratiques pédagogiques est que sous le concept de citoyenneté se trouvent compris deux
types différents de relations sociopolitiques. En effet, à la base de l’idée de citoyenneté
démocratique se trouve celle d’égalité et, par conséquent, toute éducation à la citoyenneté
doit d’abord être une éducation à l’égalité (Galichet, 2002) pour - et c’est en définitive sa
raison d’être- assurer la stabilité et la viabilité de l’ordre politique dans l’Etat moderne où
l’Etat de droit, l’Etat-nation et la représentation politique se vivent dans les faits par la mise
en place des conditions nécessaires permettant d’observer le principe d’équité et par là
d’aspirer à l’égalité. Autrement dit, sans équité préalable, l’égalité ne peut être atteinte.
Par ailleurs, Galichet (1989) distinguait 5 différents niveaux dans le processus d’éducation
à la citoyenneté : une approche informative, à base de savoirs sur les institutions
(l’instruction civique comme discipline) ; un modèle mimétique (inculquer les valeurs et
représentations communes qui caractérisent la “nation”) ; un modèle analogique (vivre au
niveau scolaire la démocratie via délégués élèves et conseils et pédagogie coopérative ou
institutionnelle en les préparant pour la démocratie réelle de la société) ; un modèle
réaliste(où les élèves s’expriment sur l’actualité ou se confrontent directement aux réalités
socio-politiques du moment) et l’intérêt pour l’altérité (développer l’intérêt mutuel entre
pairs, comme apprenants et personnes). L’heure de vie de classe dans le cadre de l’emploi
du temps, la mise en place d’instances de médiation, le tutorat des élèves entre classes de
différents niveaux, l’inscription dans les programmes de l’étude de la presse écrite et
audiovisuelle, un temps de co-intervention entre collègues inclus dans le temps de service
sur un thème citoyen et le parrainage de chaque classe par une personnalité responsable
dans le cadre civique et l’organisation de scrutins scolaires parallèles aux différentes
élections politiques, ce sont là quelques pistes proposées par Galichet (1998) pour rendre
cette éducation effective.
cours de Religion et de morale alors que le dernier camp est convaincu que cette éducation
ne peut atteindre ses objectifs que si elle est vécue de manière transversale, c’est-à-dire au
travers de différentes disciplines scolaires à acquérir. Malgré ces désaccords, cette
éducation est mise en place par un Décret publié au Moniteur belge le 22 octobre 2015 par
la Fédération Wallonie-Bruxelles instituant le cadre légal du cours et de l’éducation à la
philosophie et à la citoyenneté et fixant leurs objectifs cibles : construire une pensée
autonome et critique ; d’assurer la cohérence de la pensée de l’élève (prendre position de
manière argumentée), se connaitre soi-même et s’ouvrir à l’autre ; construire la citoyenneté
dans l’égalité en droits et en dignité et s’engager dans la vie sociale et l’espace
démocratique (Participer au processus démocratique).
Nous avons vu qu’il est difficile de s’accorder de façon définitive sur les valeurs qui
vaillent la peine d’être transmises par l’école et ce, pour plusieurs raisons précédemment
évoquées. Et cela est d’autant plus complexe et délicat avec les réalités actuelles dans de
nombreux domaines. Il est alors normal qu’à ce sujet un certain nombre de questions
mérite que l’on creuse davantage. En effet, quel contenu moral a-t-on le droit de dispenser
dans un monde scolaire pluraliste ? Quelles conditions seraient favorables à une réelle
éducation aux normes et aux valeurs morales ? La recherche du bonheur, du bien et du juste
est-elle justifiée et raisonnable quand elle ne vise que ceux des autres ? Et nous que
devenons-nous ? La complexité de ces questions nous amène à notre question de départ :
doit-on dans une société pluraliste se contenter d’une éthique minimale ? Pour répondre à
ces questions, nous allons nous appuyer sur les contributions de Ruwen Ogien, la première
intitulée « Qu'est-ce que l'éthique minimale ? » parue dans la Revue de Théologie et de
Philosophie 58 (2008) et la seconde « La morale minimale à l’école », publiée dans la revue
Recherches en Education HS n°6 du mars 2014 et d’un article sous la plume de Marlène
Jouan (2018) qui fait la synthèse des écrits récents qui défendaient ou non le minimalisme
moral, projet philosophique défendu par Ruwen Ogien.
D’après Ogien (2008) le minimalisme ou l’éthique minimale est cette conception qui exclut
du domaine de l'éthique le rapport à soi-même, qu'il soit impératif (devoir envers soi-
même) ou non impératif (vertus personnelles, souci de soi) et qui repose sur trois principes:
62
Ainsi défini, le minimalisme moral a vite été considéré comme une théorie normative
venant s’ajouter à l’arétaïsme (éthique des vertus) conçu par Aristote, au déontologisme de
Kant et au conséquentialisme dans sa version utilitariste telle que définie par J. Bentham.
Une autre critique vient de Jouan (2018) qui considère l’éthique minimale comme une
théorie pauvre dans la mesure où elle réduit l’extension du domaine de l’éthique en ne
retenant que les actions qui font de manière directe et intentionnelle des victimes dont les
trois éléments (un dommage, une victime et un crime qui doit être puni par la loi et la
morale) sont présents.
Charles Larmore, Daniel Weinstock, Alain Renaut, Nathalie Maillard et Peter Railton
(Cités par Jouan, 2018) vont tour à tour attaquer les arguments d’Ogien. D’abord, Charles
Larmore soutient qu’une responsabilité nous liant à notre propre existence est nécessaire
contrairement à la position d’Ogien par rapport aux « devoirs envers soi-même ». Il rejoint
ainsi Ricœur selon qui la moralité équivaut à « vivre heureux avec et pour les autres dans
des institutions justes. », c’est-à-dire à renouer un lien profond et progressif de soi à l’autre
lointain en passant par l’autre proche. Weinstock, quant à lui, il insiste sur l’expérience des
sentiments moraux négatifs (égoïsme par exemple) qui illustrent la structure hiérarchique
de notre volonté alors qu’Alain Renaut défend la philosophie morale kantienne et les
concepts de dignité et d’humanité. Enfin, Nathalie Maillard et Peter Railton se présentent
63
On parle d’apprentissage transversal lorsqu’il est fait recourt aux méthodes éducatives qui
mettent en œuvre l’interdisciplinarité, la collaboration ou la coopération, l’évaluation
formative, la pédagogie du projet et l’approche par les compétences plutôt que par les
connaissances pour permettre aux apprenants-es appréhendés-es dans leur globalité, de
développer des compétences transversales qui s’intègrent dans différentes disciplines
enseignées et des domaines d’activité et de faire des liens entre ces disciplines. Cet
apprentissage n’est inscrit dans aucun programme et ne se réalise que dans un cadre d’une
discipline scolaire. Il fait intervenir plusieurs disciplines pour être bien mené14.
14
https://www.ecole-primaire-maternelle.com/quest-ce-que-la-pedagogie-transversale/
64
Nous verrons dans la partie 4 comment, au-delà des documents de références en matière de
politique et de pédagogie des écoles chrétiennes, cette pratique transversale est mise en
œuvre dans les établissements étudiés pour répondre aux impératifs relatifs à l’actualité et à
l’avenir, plus concrètement aux questions relatives aux valeurs et à la formation citoyenne.
Conclusion
Cette partie conceptuelle nous a permis de situer le réseau de l’enseignement catholique
dans le système scolaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous avons montré les
raisons à l’origine de notre intérêt pour l’école catholique -et plus précisément- pour le
niveau primaire.
A travers le deuxième chapitre, nous sommes revenus sur les débats et les controverses
nourris autour de la valeur, de sa définition, de ses caractéristiques, de ses fondements et de
sa transmission. En opposant des arguments des uns et des autres, nous avons conclu que
certains sont irréconciliables, que d’autres se complètent ou s’enrichissent, mais que tout
compte fait même si le partage des valeurs reste nécessaire pour le vivre-ensemble, ces
questions restent si sensibles qu’il est impératif de tenir compte des arguments des uns et
des autres. Le chapitre trois concernant l’éducation à la citoyenne avait pour objectif de
circonscrire ce concept et des modèles de citoyenneté en mettant en évidences leurs
caractéristiques, leurs points forts et faibles. Au chapitre quatre, c’est le minimalisme moral
qui est discuté pour voir si cette éthique minimale peut servir de pont de sortie via la théorie
15
La question de la transversalité dans le projet pédagogique, Kim Huynh, Tiré de https://lire-et-ecrire.be/La-question-
de-la-transversalite-dans-le-projet-pedagogique, consulté le 12 octobre 2021
65
Pour réussir à faire ensemble face à la modernité avec tout ce qui l’accompagne comme
produits et effets néfastes et pour répondre aux défis consécutifs au multiculturalisme, au
pluralisme et au développement technologique, à la surcharge des demandes pressantes et
contradictoires que lui adresse la société et à l’envahissement de l’école par son
environnement social, politique et économique, les acteurs de l’école catholique entendent
réarticuler un projet scolaire et l’adapter aux aléas spatio-temporels et ancrent leur projet
éducatif dans la poursuite du développement de la personne aux niveaux intellectuel,
relationnel, affectif et social. Comment s’y prennent-ils à la fois en théorie et en pratique ?
En d’autres mots, quels sont les points prioritaires sur lesquels ces acteurs entendent
articuler leur projet éducatif des jeunes générations ? Comment pensent-ils amener les
jeunes gens dès leur plus tendre enfance à faire un front commun pour un avenir meilleur ?
Comment envisagent-ils faire face aux défis de plus en plus nombreux, aux ruptures et aux
contradictions qui complexifient l’appréhension du monde ? Se satisfont-ils de l’éthique
minimale dans leurs injonctions curriculaires ou dans leurs pratiques professionnelles ?
Avant de répondre à ces questions, nous allons dans la troisième partie décrire notre
méthode d’analyse et de traitement des données.
66
Méthodologie de la recherche
Dans cette troisième partie, nous entendons décrire notre processus méthodologique dans
toutes ses étapes. Pour pouvoir comprendre la vision, l’esprit, les idéologies qui se
dégagent dans les documents à analyser et en saisir les ressorts, les messages cachés et les
influences dues aux contextes, nous avons choisi de recourir à une méthode de recherche de
type exploratoire au travers d’une analyse de contenu. Nous voulons nous appuyer sur un
certain nombre d’éléments présents dans notre corpus pour comprendre la vision du SeGEC
concernant l’éducation aux valeurs morales et à la citoyenneté.
Pour rappel, ce mémoire a pour objectif de cerner la conception des acteurs haut placés de
l’enseignement catholique, conception relative à l’éducation aux valeurs morales, à la
transmission des valeurs et/ou des compétences, à l’éducation à la citoyenneté et à l’éthique
minimale ou maximale. Il nous paraît important de montrer comment nous allons procéder
pour notre cheminement à tous /toutes qui liront ce travail. Trois chapitres composent la
charpente de cette partie. Dans le premier, nous allons poser notre problématique avec à la
clé une question de recherche déclinée pour les besoins pratiques d’analyse ultérieure en
sous-questions à partir desquelles nous émettrons nos hypothèses de recherche.
Nous procéderons, dans le deuxième chapitre, à décrire notre méthodologie de recueil des
données brutes, des éléments pertinents devant nous permettre de confirmer ou d’infirmer
nos intuitions voire de répondre, le cas échéant, à nos questions et à nos sous-questions
dans la partie analyse. C’est ici que nous pourrons aussi parler de la délimitation de la
population cible et du champ d’investigation en les mettant en lien avec la méthodologie
adoptée, c’est-à-dire en justifiant le choix de notre méthode par rapport à ces points.
C’est peu de dire qu’à ce sujet il y a bien de débats et de polémiques qui soulignent la
nécessité de renouveler aujourd’hui la réflexion sur la possibilité de valeurs communes au
sein des sociétés plurielles culturellement et éthiquement, de leur appropriation par tous
pour un engagement citoyen et sur le rôle à jouer des systèmes éducatifs (Proeschel & al.,
2018).
Nous abondons dans la conception de Banks et pensons que l’urgence voire la nécessité de
voir les systèmes scolaires s’atteler corps et âme à l’éducation aux valeurs morales et
civiques est un fait incontestable pour faire face ensemble à la fracture sociale, à
l’effritement ou à la déliquescence des valeurs malgré nos traditions culturelles et politiques
divergentes. Il y a un autre fait qui reste incontestable - et nous l’avons montré dans la
partie concernant la contextualisation de l’enseignement catholique dans le système
éducatif belge - l’Eglise catholique a joué et joue encore aujourd’hui un rôle non moindre
dans la mise en place, la gestion et le développement des écoles. Les écoles catholiques
forment le réseau de l’enseignement catholique organisé et coordonné par le SeGEC qui
distille périodiquement les orientations et les politiques éducatives à tous les acteurs
concernés par l’acte éducatif chacun à son niveau.
Le but de ce travail de recherche est de voir si les concepteurs des orientations ont eu et ont
conscience de l’importance de l’éducation morale et civique. Et dans l’affirmative, notre
question fondamentale sera de savoir comment l’enseignement catholique conçoit cette
éducation. De cette question dérivent des sous-questions autour de cette éducation, du
processus de transmission, d’acquisition et d’appropriation existentielle et critique des
valeurs. Comment l’enseignement catholique entend procéder pour inculquer les valeurs
morales ? Les concepteurs de cet enseignement auraient-ils une préférence pour la
transmission des valeurs ou celle des compétences discursives ? A qui revient le devoir de
les transmettre ? Quelles sont les valeurs morales les plus prisées ? Autrement posé :
Quelles valeurs cet enseignement veut-il transmettre et pourquoi ? Et qu’en est-il de
l’éducation à la citoyenneté ?
En faisant ainsi, nous allons pouvoir répondre à nos questions de départ, à savoir l’école
primaire catholique doit-elle transmettre ou non les valeurs, quelles valeurs sont évoquées
dans le document « Spécificité de l’enseignement catholique » et dans les publications de
« Mission de l’école chrétienne » qui vont suivre ? Dans cet enseignement, les enseignants
69
sont-ils appelés à se contenter ou non de l’éthique minimale ? Dans les deux cas, pour
quelles raisons ? Comment la transmission des valeurs et /ou des compétences est-elle
conçue ? Quel modèle de citoyenneté sied bien avec l’enseignement catholique ?
Et si on devait le dire en tenant compte des concepts et des théories qui nous permettront
d’y voir claire, de rendre compte du réel, savoir comment le SeGEC conçoit l’éducation
aux valeurs morales et à la citoyenneté, quel modèle de citoyenneté préconisent-ils, quelles
valeurs, le SeGEC promeut-il une éthique minimale ? En quoi l’éducation morale est-elle
une préoccupation de l’enseignement catholique ? Autrement dit, les concepteurs des
documents à analyser ont-ils une idée précise du processus de transmission et des
conditions de nature à permettre l’appropriation de tout ou d’une partie de ces valeurs ?
Nous chercherons des éléments (valeurs) qu’ils identifient, les conditions qu’ils prônent et
les exigences auxquelles ils demandent que les acteurs concernés fassent attention.
Enfin, les référentiels donnés par le ministère de l’éducation et par le SeGEC sont suivis,
traités, interprétés, traduits dans les projets d’établissements selon les visions des acteurs ou
des membres actifs des PO, adaptés, actualisés, interprétés et transmis aux élèves à travers
toutes les activités scolaires. Quels contenus des documents officiels-comprenez ici les
publications des Missions qui se sont suivies depuis 1975 jusqu’en 2021-sont repris ou non
dans les Projets d’établissements de quelques écoles catholiques et pourquoi ?
Somme toute, pour tenter de répondre à toutes ces interrogations, nous allons puiser à la
fois dans les éléments marquants de l’évolution historique en matière d’éducation morale et
civique en gardant en tête cette conviction traduite dans les titres de ces documents par
l’expression « mission spécifique » de l’école chrétienne que nous formalisons en une
question centrale qui nous servira de fil conducteur ainsi libérée : l’enseignement
catholique a-t-il une conception spécifique de l’éducation aux valeurs morales et à la
citoyenneté ? Laquelle ?
3.2. Méthodologie d’analyse de contenu
3.2.1. Notre design de recherche
Après avoir décrit le contexte, retracé l’évolution de l’enseignement catholique belge et
situé le réseau catholique dans le système scolaire belge, nous avons mis à plat la littérature
scientifique en nous focalisant sur les concepts clés constituants notre problématique et
sommes revenu sur les polémiques et les débats toujours ouverts autour de ces concepts.
Au chapitre précédent, nous avons posé notre problématique, rappelé notre question de
recherche déclinée en sous-questions. La réponse à notre question fondamentale « Quelle
est la conception de l’enseignement catholique en matière d’éducation morale et
citoyenne ? » dépendra des réponses à nos sous-questions selon les éléments explicites
témoignant des positionnements sur ces questions dans les documents analysés.
Nous avons opté pour une méthode de recherche basée sur une analyse de contenu pour
pouvoir analyser ces documents, au nombre de 8 (5 publications des Misions de l’école
chrétienne et 3 projets d’établissements catholiques) principalement pour quatre raisons.
La deuxième relève des avantages qu’offre l’analyse de contenu. Mises à part les reproches
que lui adressent à tort ou à raison certains détracteurs pour qui cette méthode est longue à
réaliser lourde et difficile à manier, cette méthode prend certes beaucoup plus de temps
dans sa mise en place que les autres procédures d’analyse, mais une fois la trame construite
et la grille réalisée, son utilisation devient plutôt rapide et les interprétations déductives
aisées.
La troisième raison est liée aux deux fonctions que remplit l’analyse de contenu. D’un côté,
notre objectif étant de voir, de faire voir ou de savoir ce qui est caché derrière les textes
officiels sur lesquels nous allons l’appliquer, l’analyse de contenu remplit alors une
fonction heuristique en enrichissant notre tâtonnement exploratoire, en accroissant notre
propension à la découverte (Grinschpoun, 2017). Et Grinschpoun (2017) d’ajouter que
cette méthode remplit aussi une fonction d’administration de la preuve (analyse « pour
prouver »), rôle dans lequel nous allons pouvoir soumettre et explorer ces documents pour
répondre à nos questions de recherche.
Ce qui justifie le choix de cette méthode au-delà de son caractère scientifique, sa pertinence
eu égard à notre double objectif « voir et prouver », de la facilité de traitement des données
et de l’objectivité qu’elle vise, c’est la possibilité de prendre du recul, de nous détacher
d’une certaine subjectivité, de nos jugements de valeur et de nos convictions nourries des
72
observations en tant que parent ayant des enfants fréquentant ce genre d’écoles et des
expérience accumulées via les parcours scolaire et professionnel, possibilité donc
d’observer une forme de neutralité (Livian, 2018) en traitant les données déjà disponibles.
Ce faisant, cette méthode d’analyse nous oblige à une certaine humilité en tenant compte de
la limite de notre recherche : notre problématique pour être appréhendée dans complexité
mérite des analyses approfondies et des études complémentaires tirant profit d’autres
approches méthodologiques (observations, enquêtes, entretiens semi-directifs et
statistiques).
3.2. Délimitation du champ et de la population
Nous savons que les « Missions de l’école chrétienne » sont conçues et destinées à servir
d’orientations (référentiels dans le jargon des ministères de l’éducation) pour tout
l’enseignement catholique de la maternelle jusqu’aux études supérieures et universitaires.
Cette étude concerne les enfants âgés de 5 à 12 ans qui fréquentent les écoles primaires du
réseau catholique en FWB. Notre conviction est que l’école primaire est à même de poser
les jalons d’une réelle éducation non seulement intellectuelle mais encore et surtout morale
et citoyenne. Elle serait opportune, bienvenue, propice et pertinente durant cette période où
les enfants grandissent et acquièrent les différents fondamentaux qui s’intellectualiseront et
s’approfondiront le restant de leur vie. Ces enfants ne donneront pas leurs avis ni leurs
ressentis ni leurs convictions. Elles/ils seront pris(es) pour les destinataires ultimes des
instructions données par le SeGEC, instructions à traduire dans les cours et dans les
interactions par les acteurs en présence. Il faut souligner que cette recherche se situe aux
niveaux 3, 5, et 6 (organisationnel, institutionnel et historique) de la célèbre Grille
d’Ardoino (1965), c’est dire que nous identifierons les éléments de nature à justifier les
positionnements du SeGEC sur la problématique qui nous concerne, les missions allouées à
tout un chacun, la prise de position dans les injonctions adressées aux autres acteurs de cet
enseignement, disséquerons ce qui est recommandé sur les pratiques éducatives, les
relations et les interactions souhaitées entre les acteurs en rapport avec l’éducation morale
et civique et iront vérifier si ces éléments sont traduits ou non dans les projets
d’établissements étudiés.
valeurs d’après Prairat (2019), aux modèles de citoyenneté élaboré par Galichet (2005) et
au concept du minimalisme d’Ogien (2017).
3.3. Analyse et traitement des données brutes
3.3.1. Notre corpus
Les cinq documents conçus et publiés par le SeGEC, en l’occurrence « Spécificité de
l’enseignement catholique » (1975), « Mission de l’école chrétienne » (1995), (2007),
(2014) et (2021) et les trois projets d’établissements catholiques, celui du Centre Saint-
Benoit-Saint Servais, celui de l’Institut de l’Instruction chrétienne-Abbaye de Flône et celui
de l’Ecole primaire privée Saint-Jean-Baptiste et Carême constituent le corpus de cette
recherche. L’ensemble de ces documents seront analysés en deux temps.
C’est en 1995, 20 ans après cette première publication que la « Mission de l’école
Chrétienne » vit le jour. Il reprend l’esprit, les lignes et les idées directrices de la première
publication, mais le document change désormais de nom pour prendre le qualificatif de
"chrétien" à la place de "catholique". Ce changement à lui tout seul dénote l’importance
accordée à l’évolution de la vision du monde, à l’ouverture de l’espace catholique et
16
Nous nommerons les documents publiés en 1975 DOC1, en 1995 DOC2, en 2007 DOC3, en 2014 DOC4 et
en 2021 DOC5 pour faciliter l’analyse
74
l’intégration des enfants d’obédiences religieuses diverses. Le monde a vu éclater les deux
blocs historiques avec la destruction du mur de Berlin autour des années 1990. Par la suite,
les publications de documents interviendront successivement douze ans après pour la
troisième en 2007 et chaque fois après sept ans pour les deux autres qui vont suivre, soit la
quatrième en 2014 et la cinquième en 2021.
En guise de rappel, par ce mémoire, nous nous sommes fixé comme objectif principal de
circonscrire la conception de l’enseignement catholique en matière d’éducation aux valeurs
morales et à la citoyenneté. Voici les questions auxquelles nous voudrions amener des
éléments de réponses au travers de notre analyse : quelle est la conception de
l’enseignement catholique en matière d’éducation morale et citoyenne ? Quelles sont les
valeurs les plus privilégiées et pourquoi ? Qui est chargé de s’atteler à cette éducation
morale au sein de ces établissements ? Quel modèle de citoyenneté se traduit dans leur
conception au regard des modèles de Galichet ? Pourquoi les acteurs de cet enseignement
catholique doivent-ils remplir cette mission ? Comment font-ils pour y parvenir en tenant
compte du contexte multiculturel et pluraliste ? Sont-ils minimalistes ou maximalistes ?
Quels sont les éléments qui le justifient ?
Enfin de compte, nous chercherons des éléments discursifs nous permettant de répondre
aux questions de départ ainsi formulées : Est-il vrai que le SeGEC promeut une éducation
des valeurs morales et une éducation à la citoyenneté qui sont spécifiques ? Serait-ce le
modèle de citoyenneté familial qui prévaut dans les établissements catholiques ? Nous
voulons savoir enfin si les acteurs de l’enseignement s’en tiennent ou non à l’éthique
maximale dans les interactions relationnelles et les pratiques éducatives. Pour y parvenir,
nous allons tour à tour expliquer en quelques mots les modèles d’analyse annoncés à la
lumière desquels nous allons pouvoir dégager le sens caché et répondre à nos questions.
Notre design de recherche étant une analyse de contenu, nous allons dans les paragraphes
suivantes montrer comment nous allons pouvoir dégager les composantes fonctionnelles
contenues dans les documents analysés dans leur rôle de médiation et de communication
(les fonctions du langage : qui fait quoi, dans quel contexte, par quel canal, quel est le
message global adressé à qui et quel retour ?) en recourant au schéma de la communication
de Roman Jakobson (1960), circonscrire les missions que le SeGEC assigne à toute
personne qui est, d’une façon ou d’une autre, concernée par l’enseignement catholique et
les défis auxquels il recommande à faire face au travers du schéma actanciel de Greimas
(1966) et utiliser une grille d’analyse thématique pour identifier les orientations et les
positionnements sous-jacents des documents étudiés.
Pour pouvoir dégager les composantes simples de cette complexité que le message distillé
par le SeGEC sur le plan de la communication de son idéologie, il nous importe de
décortiquer les fonctions sur lesquelles ce message est bâti. Ceci nous permettra de voir qui
(émetteur) adresse un message à qui (récepteur), via quel canal, dans quel contexte
(référent), avec quel code et s’il y a possibilité de feedback. Cette analyse se fera sous-
forme d’un tableau de 6 fonctions définies par Roman Jakobson (1970). Nous verrons à
quoi les 7 éléments évoqués correspondent dans la réalité en se basant sur les éléments
d’informations extraits des documents analysés et les fonctions qui peuvent leur être
attribuées.
A. Différents éléments constituant le schéma de la communication à chercher dans
documents cibles :
B. Fonctions remplies et indices manifestes dans les documents qui les justifient :
Fonction du langage Indices dans les documents
Fonction expressive ou émotive
Emotions, ressentis et vision exprimés par
l’émetteur
Fonction impressive ou conative
La recherche par l’émetteur des réactions et
des impressions chez le récepteur
78
Fonction référentielle
Ce qui est dit du contexte par l’argumentaire
pour justifier une idée, donner une raison
Fonction phatique
L’émetteur assure l’établissement et le
maintien du contact avec le récepteur.
Fonction métalinguistique
Le locuteur s’attache à décrire le code qu’il
utilise
Fonction poétique
Tout le travail qui est fait sur le langage
pour qu’il soit soigné, digeste, beau
Le modèle actanciel nous permettra dans un premier temps de circonscrire les rôles de tout
acteur impliqué dans l’éducation aux valeurs et à la citoyenneté dans l’enseignement
fondamental catholique. Derrière la sémantique propre au conte, ce sont des hommes et des
femmes qui travaillent dans le réseau catholique. Les liens qu’ils entretiennent sont si
complexes et si interdépendants que nous nous proposons de les présenter en recourant à ce
schéma pour les rendre compréhensible.
17
https://www.motscles.net/blog/quest-ce-que-le-schema-actanciel
79
expressions se référant à ces catégories dans les documents en veillant à noter leur
fréquence d’apparition (niveau quantitatif) et à extraire les expressions manifestes et/ou
implicitement formulées (niveau qualitatif). L’analyse se fera sous-forme de deux tableaux
avec deux entrées (une concernant les thèmes (dossiers) évoqués avec les subdivisions
respectives (catégories) et une autre avec des documents étudiés nommés DOC1, DOC2,
DC3, DOC4 et DOC5 pour les besoins d’analyse. Enfin, il nous importe de rappeler que
cette recherche a pour objectif de répondre aux questions que nous nous posons et de mettre
à jour ce que nous disent les textes officiels considérés en nous appuyant sur les concepts
retenus lors de notre revue de la littérature scientifique. C’est un travail d’identification et,
plus tard, d’interprétation des occurrences, des expressions ou des mots qui témoignent
d’une volonté d’informer, d’expliquer, de justifier voire de témoigner une vision ou des
conceptions des auteurs en question (Grinschpoun, 2017).
Figure (3) : Expressions, termes se référant à notre thématique
morales La morale
Valeurs morales
Valeur de
l’enseignement
Valeur de
l’éducateur-trice
Vivre- ensemble
Modèle
familial
Modèle de
81
travail
Modèle de
discussion
Ethique Minimale
Maximale
Transversalité Cours
Interactions
pratiques
démocratiques
A la suite des grilles d’analyse proposées pour les publications du SeGEC, nous voulons
croiser des informations explicites et implicites retenues dans les documents émanant du
SeGEC avec des projets d’établissement pour vérifier si les PO reprennent à la lettre les
injonctions en matière d’éducation morale et civique, s’ils s’en inspirent ou s’ils
manifestent une vision proche, différente voire opposée selon les indices et des éléments de
fond pertinents. Rappelons en passant qu’un projet d’établissement est une réécriture
concrétisant les projets éducatifs et pédagogiques.
Une analyse comparative de ces supports différents par leur nature nous permettra de
relever les ressemblances, les différences et les spécificités pouvant découler des aléas
circonstanciels respectifs. C’est en quelque sorte tenter de répondre à la question : quels
éléments de la conception du SeGEC sur l’éducation morale et citoyenne sont repris ou
non dans les projets d’établissements dont il est question ? Un tableau (annexe 3 : Figure 4)
à deux entrées (dossiers subdivisées en catégories les plus récurrentes retenues par rapport
aux deux dernières publications de "Mission pour l’école chrétienne" et celles des projets
considérés) sera notre grille d’analyse (comme c’est le cas avec la figure 3).
82
4.1. Analyse des documents selon le modèle des fonctions du langage de Jakobson
83
B. Fonctions remplies et indices manifestes dans les documents qui les justifient :
De ce modèle, on voit les trois axes qui déterminent les dynamiques et les rôles de tout un
chacun s’éclaircir. Mais d’ores et déjà, on peut affirmer que ces rôles ne sont absolument
pas délimités et tranchés. En fait, il se vit une telle interdépendance entre les acteurs de ce
84
réseau qu’il faut creuser en profondeur pour cerner les limites des pouvoirs de chacun,
pour savoir qui fait quoi et avec quel chapeau.
Par exemple, sur l’axe du pouvoir, l’adjuvant-e, représenté-e ici par les parents, les PO, les
directeurs-trice, peut se transformer en opposant si jamais quelque chose n’est conforme à
ses valeurs. Il en va de même sur l’axe du vouloir qui concerne le héros (le /la professeur-e
dans son rôle de dispenser les connaissances et les valeurs ou l’enfant quand il poursuit ses
objectifs d’apprentissage) peut influer sur la marche des actions en prenant d’autres rôles
comme par exemple le fait de ne pas s’impliquer.
Sur l’axe du savoir qui met en exergue la relation entre, la destinatrice ou le destinateur son
destinataire (Greimas, 1966) se passe encore une fois une autre complexité. C’est que le
SeGEC parle en "nous" en s’adressant aux acteurs de l’école catholique. Ce qui veut dire
qu’il se sent impliqué dans cette action, qu’il est à la fois destinateur et destinataire du
message contenu dans ses publications. Destinataire, il l’est comme tout membre de la
communauté scolaire à qui il demande d’adhérer à ce projet et à qu’il assigne un objectif
particulier : « aux élèves d’accepter le projet, aux parents de choisir librement une école
qui répondent à leurs options éducatives, philosophiques et religieuses, d’accepter
loyalement les objectifs proposés et les moyens utilisés et d’assumer leur part de
responsabilité en s’impliquant au sein de l’école, aux les enseignants d’être responsables
de la relation pédagogique, de prendre conscience des objectifs et des moyens respectifs de
leurs établissements et tenir compte de l’évolution du professeur (respect, discrétion et
bienveillance) et aux PO de promouvoir le projet éducatif, de veiller à créer les conditions
favorables à son élaboration, à sa mise en œuvre, sur base des principes évangéliques et
ecclésiaux, de construire une communauté éducative, de se soucier de la justice sociale,
de soutenir la direction et se savoir soumis aux mêmes règles que les enseignants) et enfin
aux conseillers d’intervenir en matière des questions délicates liées aux comportements
d’un acteur de l’école catholique » (DOC1-1975, DOC2-1995). Destinateur, le SeGEC
l’est en tant qu’organisation chargée de donner des orientations, de circonscrire les
références communes à toutes écoles de son réseau contenues dans ces publications.
D’ailleurs, dans la récente édition, celle de 2021, le SeGEC dit assumer la responsabilité
(du contenu du document) au nom de l’ensemble des PO qu’il fédère » (DOC5, 2021, p2).
85
4.4. Grille d’analyse des documents SeGEC et des projets d’établissements (annexe 3)
Les deux autres établissements ont des projets d’établissements qui s’inspirent de la
publication de Mission de l’école chrétienne, édition 2014. Les documents qui m’ont été
donnés datent d’avant 2020, avant la publication d’une édition récente celle de 2021. Ils
s’en inspirent donc, adaptent et réinterprètent les injonctions du SeGEC. Ils en reprennent
tous les deux certaines valeurs comme « le respect de l’autre, la solidarité responsable,
l’attention aux démunis, l’altruisme », y ajoutent "l’écologie" et "le respect des différences"
pour le Centre scolaire Saint-Benoit Saint-Servais et l’Institut de l’Instruction chrétienne de
Flône prône en plus « le partage, le pardon, la tolérance et la reconnaissance des richesses
de chacun ».
Nous pouvons noter une continuité dans la définition des valeurs à promouvoir à partir de
la deuxième publication (1995) jusqu’à la quatrième (2014). La récente publication de la
MIEC, celle de 2021, reprend la valeur "dignité humaine" (qui était présente dans la
publication de 1975), "le respect d’autrui" (que nous retrouvons dans toutes les autres
publications) et ajoute à ces deux valeurs "la liberté, l’égalité hommes et femmes, la
solidarité, la justice, la générosité, la responsabilité, le soin d’autrui, la civilité (courtoisie,
convenance, politesse, délicatesse, distinction entre espace privé et espace public), le
respect de l’autorité légitime et le respect de la nature (écologie)" comme valeurs à
promouvoir ou à faire advenir. Nous sommes loin de nous imaginer un débat là-dessus. En
tout cas, rien ne semble dans les documents faire état d’un désaccord sur l’une ou l’autre
de ces valeurs. Nous avons remarqué cependant qu’à certains égards le SeGEC ne faisait
pas la distinction entre les valeurs évangéliques et les valeurs morales dans ses premières
publications:« (...) elle (l’école chrétienne) promeut dans sa démarche des valeurs
évangéliques qui sont aussi le bien commun de l’humanité, notamment : (...). Ces valeurs
humaines, Jésus, suivi par ses témoins, les a assumées de façon radicale et leur a donné
jusqu’à travers sa mort et par sa résurrection, une force et un éclat particuliers » (DOC2,
p18, DOC3, p18, DOC4, p18). Il se dégagerait alors une conception externaliste défendue
par les tenants d’une nécessaire hétéronomie pour fixer les valeurs (Prairat, 2019). Cette
position va évoluer au fil du temps à telle enseigne que dans la publication de 2021 "la
spiritualité et la foi chrétienne constitue une des 5 directions interdépendantes dans
lesquelles l’enseignement catholique déploie ses efforts" (DOC5, p4-5). Et le document de
préciser que cette dimension "s’exprime sous forme de questionnements sur la condition
humaine, s’ancre dans le développement cognitif et la pratique de la personne, dans le
rapport aux autres, dans la sensibilité esthétique et dans l’accomplissement
corporel"(DOC5, p5). Dans les publications de 1975 à 2014, il est préconisé la référence à
la Bible, à l’Evangile, au Christ et aux traditions chrétiennes dans l’enseignement
catholique, la version de 2021 souligne l’intérêt à "privilégier la foi chrétienne tout en
entrant en dialogue avec d’autres formes de spiritualité".
N’oublions pas que ces documents donnent des orientations : il appartient aux PO- et c’est
d’ailleurs l’appel de pied du SeGEC-« de méditer » sur le contenu du DOC1, de
« s’inspirer » des DOC2 et DOC3, de concevoir leurs projets d’établissements selon les
réalités et les contingences qu’ils vivent dans les communautés respectives.
De ces publications il ressort de façon limpide que l’école est « pour les enfants un lieu de
vie sur un mode du rapport au savoir et à l’apprentissage » (DOC4). Or, nous l’avons vu,
dans les débats nourris autour de la transmission des valeurs par l’école, le consensus est
loin d’être trouvé. Nous constatons que tel n’est pas le cas dans les orientations données par
le SeGEC. Les occurrences des expressions « transmettre, transmission » reviennent
souvent dans toutes les publications. Elles parlent de la « transmission de la culture, des
connaissances, des compétences... » Et cette transmission est explicitement déclinée dans
l’édition 2021 de la Mission. A la page 6, le document précise les quatre moments [(1)
transmission des savoirs du passé, des codes et des contenus culturels, (2) appropriation, (3)
réflexion critique, (4) création] qui doivent caractériser l’éducation par la culture (DOC5).
S’agissant de l’éducation morale, le document recommande de "transmettre les grands
repères en vue d’amener l’élève à formuler des réponses partageables avec les autres"
(DOC5, p6) et d’ « appliquer les principes de la transmission pédagogique valant pour les
89
La lecture des documents analysés ne nous a pas permis de ressortir ce qui est priorisé par
le SeGEC entre la transmission des valeurs et la transmission des compétences-comprenez
ici les compétences réflexives, discursives et argumentatives de nature à permettre aux
citoyens en devenir à échanger avec leurs pairs dans des conditions favorables, à faire
valoir leurs avis dans le concert des échanges, des discussions et des débats (Perrenoud,
1995). Ces compétences du point de vue d’Habermas sont plus importantes pour l’exercice
de la citoyenneté dans une démocratie délibérative. Les publications du SeGEC évoquent
toutes l’apprentissage d’une démarche (DOC1), la réflexion critique, l’appropriation
(écoute) et l’acquisition des compétences orales et écrites ... (DOC5), en passant par la
construction de sa propre identité (DOC2), par le développement du jugement critique et du
discernement du vrai, du beau et du bon (DOC 3) et par l’acquisition des connaissances,
des capacités de jugement et d’action (DOC4) à l’instar de Develay (1996) et de Perrenoud
(1995) affirmant la nécessité du transfert des connaissances et la mobilisation des
ressources cognitives dans le quotidien pour faire valoir ses droits.
Si nous nous appuyons sur les définitions que donne Ogien (2008) au minimalisme et au
maximalisme, nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper que le SeGEC entend
promouvoir une éthique maximale. Nous n’avons relevé nulle part dans les documents des
indices attestant l’indifférence morale du rapport à soi-même. Des données suffisantes
trouvées dans tous les documents nous permettent de mettre en évidence l’option
nettement tranchée pour une éthique maximale. Nous rejoignons ainsi Ogien qui conçoit le
maximalisme comme un « système qui rejette l’indifférence morale du rapport à soi-même
et enrichit la non-nuisance et la considération égale de chacun avec des devoirs de
92
bienfaisance à caractère paternaliste et des devoirs envers des entités abstraites comme
la « nature humaine » (Ogien, 2008, p107). Tous les projets d’établissement misent sur le
maximalisme moral en prenant appui sur une éducation morale familiale, visent
l’épanouissement des jeunes au plus haut niveau en les émancipant vers une citoyenneté
active pour leur bien propre et celui de tous les êtres, proches et lointains.
Les mots introductifs sont rédigés par les évêques en charge de l’enseignement auprès de la
Conférence Episcopale sauf pour l’édition 2021. Ces prélats donnent le ton et l’orientation,
installe le décor et justifie les raisons de la publication en question.
redéfinit la manière dont la dimension religieuse et spirituelle est appelée à être vécue par la
communauté scolaire catholique. D’abord au niveau « familial, puis à l’école avec le cours
de religion qui part des questions d’existence pour soulever des questions de sens,
développer un débat critique en vue d’une évaluation justifiée et d’une élaboration de ses
propres convictions, enfin lors des temps de ressourcement, de partage du sens de la foi et
de célébration sans qu’il y ait une exigence d’adhésion » (DOC5, p7). Ceci constitue la
grande nouveauté, la grande divergence avec les éditions précédentes. Le point 5.8 détaille
un certain nombre d’éléments qui témoignent d’une véritable évolution par rapport aux
éditions antérieures et qui vont désormais nourrir ou inspirer les projets d’établissement
catholiques.
Alors que l’Institut de Flône prône l’interdisciplinarité exprimée dans ces mots :"Afin de
donner un maximum de sens aux apprentissages, le plus souvent possible, les compétences
seront abordées et travaillées à travers l’interdisciplinarité, qui, dans ce cas, sera le lien
concret entre les différentes disciplines que sont la langue maternelle, les mathématiques,
la seconde langue, l’éveil scientifique, géographique, historique, artistique, ainsi que
l’éducation physique"(DOC4-[IIC]), le centre Scolaire Saint-Benoît Saint Servais convie
"éducateurs, professeurs et élèves à s’engager dans des projets de classe et de niveau qui
donnent du sens à l’apprentissage scolaire, qui favorisent l’interdisciplinarité(...). La
direction soutient l’organisation du travail interdisciplinaire"(DOC3-[SBSS]).
Contrairement aux éditions de 2007 et 2014 où les textes sont accompagnés et enrichis des
photos et des couleurs vives, le texte de l’édition de 2021 se veut relativement plus sobre.
Pendant la rédaction, un travail d’actualisation a été effectué au niveau du style pour
exprimer clairement le contenu et le rendre accessible aux enseignants et aux parents.
Certains termes susceptibles de créer des malentendus comme " évangéliser " qui peut
vouloir dire "convertir" pour certains, "endoctriner" ou "manipuler" pour d’autres ont été
soit laissés de côté ou explicités davantage pour dissiper toute ambiguïté. On notera, enfin,
que l’édition 2021 n’a pas de note introductive rédigée et signée par un évêque comme ce
fut le cas avec les éditions précédentes qui comportaient à chaque fois les mots
respectivement rédigés par les évêques en charge de l’éducation, mots chargés de décrire le
contexte et de donner de orientations au nom de l’épiscopat belge.
Au niveau du fond, si on devait résumer en une phrase son contenu, l’édition de 2021- nous
l’avons dit-consacre « l’éducation pour la personne, par la culture, dans une société
démocratique». Sont témoins de cette évolution le contenu, les orientations, les thématiques
bien cernées, expliquées, détaillées et justifiées dans le document. Des spécificités de
l’école catholique aux identités des élèves, des valeurs en contexte, de la place de
l’éducation à la citoyenneté, du rôle du cours de religion et de la recherche des liens entre
les éléments composant une formation "complète".
Dans les lignes introductives, le ton est donné et l’essentiel pour une école catholique
consiste à « identifier les savoirs fondamentaux ; à développer des compétences multiples,
à prendre le temps nécessaire aux apprentissages et à la concentration ; à former des
personnalités capables de ressentir, de juger, d’agir avec les autres sans les
instrumentaliser ; à devenir un homme ou une femme capable de se tenir debout, de vivre
avec autrui, à apprendre à se décentrer de soi-même et à s’ouvrir à plus grand que soi ;à
prendre soin ensemble de la maison commune » (DOC5, p2).
Il ne s’agit pas de décrire les spécificités de l’école catholique comme ce fut le cas en 1975,
mais d’insister sur l’importance de la formation de l’identité des élèves et de sa contribution
à « la construction d’une société démocratique orientée vers la justice et le bien commun
des générations présentes et futures » (DOC5, p3). Le curseur qui était antérieurement
pointé sur les objectifs, le climat, la communauté éducative, l’adhésion et l’engagement
(DOC1, pp14-22), se met sur l’élève qui devient le centre de tout et pour lequel toutes les
96
Dans l’édition 2021, c’est aussi l’éducation à la citoyenneté qui est explicite dans une
partie intitulée « une éducation dans la société démocratique ». Cette éducation se
concrétise au travers de la recherche de l’égalité de tous et le respect de chaque élève, de la
préparation des élèves à l’exercice de la citoyenneté (exercice des droits civils, politique,
sociaux et culturels), du développement des compétences utiles pour la prospérité des
élèves et leur insertion dans le monde du travail et de la conscientisation à l’impact de nos
comportements et de notre responsabilité humaine à l’égard de l’écologie (DOC5, p9). Ce
sont à la fois les compétences cognitives et discursives qui sont recherchées durant le
cursus scholastique pendant lequel les élèves apprennent à « être membres actifs et
responsables de sociétés ouvertes et autonomes, s’initient à la complexité de l’identité
politique, à la philosophie et développent leur pensée argumentative » (DOC5, pp8-9). Les
concepteurs de la Mission, édition 2021, le précisent si bien : « Loin de se limiter à des
mécanismes formels et à des connaissances spécifiques, la citoyenneté s’apprend au
97
Si du côté de la citoyenneté politique, nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper
qu’il s’agit bel et bien de la citoyenneté inspirée du modèle de discussion scientifique, les
concepteurs n’en oublient pas d’appeler les acteurs à former les élèves à la citoyenneté
économique en les préparant à la vie économique, sociale et professionnelle, non seulement
en leur faisant acquérir des compétences nécessaires grâce aux savoirs fondamentaux, aux
formations techniques et professionnelles, mais aussi en leur « donnant des occasions de
travailler avec les autres avec rigueur et ténacité et de développer le partage, l’esprit de
coopération, la générosité, la créativité et l’esprit d’initiative ».
Enfin, nous ne pouvons terminer ce tour d’horizons- à vrai dire sommaire- sans dire un mot
sur la part réservée à la spiritualité, à la foi chrétienne, dans cette nouvelle édition. Si dans
les autres éditions belle et grande est la part réservée à l’évangélisation, à la référence
biblique et à l’exemple du Christ avec ce va-et-vient sur les expressions au champ
sémantique du Christianisme, dans la plus récente publication, la spiritualité et la foi
chrétienne interviennent en cinquième position des directions telles que le développement
cognitif et pratique de la personne, le rapport aux autres, la sensibilité esthétique et
l’accomplissement corporel, directions dans lesquelles se déploie l’école catholique.
98
CONCLUSION GENERALE
Il est alors intéressant de revenir sur le cheminement emprunté pour élaborer ce travail en
mettant en évidence ses grandes étapes, les résultats les plus parlants, les difficultés
rencontrées et les perspectives de recherche envisageables.
appliquées et les lois érigées en matière de politiques éducatives ont fait évoluer
l’enseignement belge. Dans cette évolution, l’Eglise catholique a joué un rôle prépondérant
grâce à l’investissement des hommes et des femmes qui ont marqué de leur empreinte et de
leur vision l’enseignement catholique en travaillant pour l’émancipation des enfants et des
jeunes. Malgré tous les défis auxquels cet enseignement a dû faire face (la démocratisation
de la société, la montée des sciences positives, l’émancipation de la femme, la
sécularisation, les attaques lancées à son égard (Maeyer & Wynants, 2016)), il a continué et
continue son chemin aux prix des réadaptations aux exigences du moment tout en gardant
son identité propre. Cette identité est portée et traduite par le SeGEC dans les publications
qu’il adresse à tous les partenaires de l’enseignement catholique. Elle se révèle dans une
mission double consistant à faire acquérir aux enfants et aux jeunes des connaissances et à
les éduquer aux valeurs morales en référence à l’Evangile pour leur permettre de s’engager
dans une société démocratique (DOC5).
En circonscrivant les concepts de valeurs et en rappelant les débats autour de cette question
(Prairat, 2019), j’ai d’abord constaté que cette notion n’était pas facile à définir et
qu’ensuite malgré ces débats actuels dont certains positionnements sont au demeurant
irréconciliables, d’autres complémentaires, surtout en ce qui concernait la transmission de
ces valeurs, ce qui importait davantage était d’en tenir compte dans les aménagements des
programmes pour le partage des valeurs substantielles nécessaires au vivre-ensemble. En
outre, j’ai pu identifier les caractéristiques des modèles de citoyenneté (familial, de travail
et de discussion (Galichet, 1998). S’en est suivi un aperçu sur le minimalisme selon la
conception d’Ogien (2008). En mi-chemin, j’ai alors retenu trois positionnements sur la
question de transmission des valeurs.
D’un côté, celui des défenseurs du rôle de l’école dans la transmission des valeurs. De
l’autre celui de ceux qui disent que ce n’est pas à l’école de transmettre les valeurs mais que
leur transmission incombe à la famille. Selon eux, l’école doit inculquer les compétences à
juger, à discuter et à délibérer. Et de l’autre encore, celui qui veut- comme Ogien- ne
transmettre que les valeurs se limitant seulement à la non-nuisance à l’autrui. Ce tour
d’horizon s’est bouclé avec le concept de transversalité qui traduit bien les pratiques
éducatives qui sont à l’œuvre au sein des écoles catholiques quand il s’agit d’éduquer aux
valeurs et à la citoyenneté.
100
D’après cette recherche, il ne fait aucun doute que l’école catholique se donne comme
mission, entre autres, celle d’éduquer aux valeurs et cela depuis bien longtemps avec la
recherche de l’émancipation de jeunes avant les années proches de deux guerres et plus
explicitement avec les années d’après guerres si on se fie à ce qui transparaît dans l’histoire
de l’école catholique. La publication de « Spécificité de l’enseignement catholique » en
1975 par le SeGEC, tout comme leurs publications de « Mission de l’école chrétienne » qui
interviendront plus tard, va donner les balises de cette éducation. Il s’agit de former
d’abord l’homme, puis la personne puis le citoyen pour son intégration socio-
professionnelle et, enfin depuis 2021, d’ « assurer une éducation pour la personne par la
culture dans une société démocratique ». Le SeGEC n’en oublie pas de définir en extension
les valeurs qui doivent faire l’objet de cette éducation. Elles vont au-delà du minimalisme.
Ce dire que la conception morale du SeGEC est maximaliste.
Le SeGEC met l’accent sur l’exemplarité des acteurs de l’enseignement catholique, invite
les enseignants à user de leur professionnalisme dans la mise en situation lors de leurs
pratiques éducatives et mise sur la collaboration de toute la communauté éducative pour
atteindre ce but. Ces valeurs ne sont toujours pas les mêmes au fur du temps, on remarque
une évolution des années 75 aux années 95, une stabilité entre 2000 et 2014 et un tournant
avec la publication de 2021 qui consacre un tiers de la publication à l’éducation de la
personne avec les finalités des sociétés démocratiques.
Par ailleurs, je dois avouer que je ne m’attendais pas à ce que l’analyse de contenu soit
aussi difficile à mettre en œuvre. C’est au fur et à mesure que je procédais à
l’opérationnalisation de ma démarche que j’ai pris conscience que je n’étais que peu ou
prou outillé pour cette méthode d’analyse. J’ai pu cependant prendre sur moi et réussir
dans la mesure du possible à m’en servir pour interpréter les messages contenus dans les
documents analysés. Il va s’en dire que ce mémoire ne prétend pas à la perfection vu les
limites exposées dans la discussion, mais il a le mérite de m’avoir sorti de ma zone de
confort pour aborder un sujet qui me tenait à cœur et d’avoir jeté les balises des études
ultérieures sur la question de l’éducation aux valeurs morales et à la citoyenneté dans les
réseaux scolaires belges.
concepts et ainsi d’aller plus en profondeur dans l’analyse des documents choisis. A vouloir
approfondir suffisamment ces concepts, je me suis retrouvé si saturé au point de ne pas
savoir quoi retenir.
A côté des faiblesses évoquées précédemment, ce mémoire présente au moins deux forces.
Il présente une certaine originalité à double titre. D’abord, il part des documents existant
qui, comme le disait Otlet (1934), ne sont que des moyens de transmettre des données
informatives à la connaissance des intéressés, qui sont éloignés dans le temps et dans
l’espace, ou dont l’esprit discursif a besoin qu’on lui montre les liens intelligibles des
choses. Les documents soumis à l’analyse dans ce mémoire sont des originaux et le
message reste intact. D’autres chercheurs peuvent répéter la même analyse ou d’autres
analyses et arriver ou pas aux mêmes conclusions. En outre, nous n’avons pas pu mettre la
main sur des études portant sur la conception du SeGEC en ce qui concerne l’éducation
aux valeurs morales et à la citoyenneté. Ce mémoire pourrait susciter l’intérêt des
chercheurs ciblant soit la perception soit la conception de cette éducation propres aux
autres acteurs de l’enseignement catholique.
Des perspectives que ce mémoire offre, il en sort deux (une qualitative avec des entretiens
et une autre quantitative avec des questionnaires et des analyses statistiques) qui me
semblent plus intéressantes et porteuses. Elles répondraient à la question : Quelles sont les
représentations des enseignants-es par rapport à l’éducation morale dans les écoles du
réseau catholique de la FWB ?
18
Tilly, P. (2020), Séminaire de recherche, de critique et d’analyse des documents, Université Catholique de
Louvain, Syllabus.
103
Tout compte fait, ce mémoire n’a fait que renforcer mon intime conviction que le
changement peut germer là où on le cultive, que l’humanitude de Freddy Klopfenstein et
d’Albert Jacquard, l’enracinement cher à Simone Weil et l’Ubuntu de Nelson Mandela ne
sont possibles que si on entreprend par une action concertée à les prêcher par l’exemple
dans ce que nous faisons aussi petit soit-il. L’enseignement catholique l’a compris et c’est
peut-être pour cela qu’il continue dans sa quête d’un vivre-ensemble digne à s’adapter aux
évolutions du monde en distillant avec engagement, dévouement et enthousiasme des
orientations et des injonctions à tous les partenaires et acteurs impliqués dans l’éducation
des enfants quels que soient leur origine, leur condition socio-économique, leur croyance et
leur capacité .
104
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Figure (3) : Graphique des compétences par une éducation à la moralité (Leleux, 2014)
ANNEXES
PO : Pouvoir organisateur
Promotion des Promotion des Promotion des Promotion des Promotion des valeurs
valeurs (p.18) valeurs (p6) valeurs valeurs (p.18)
Le respect de La dignité La solidarité La solidarité Le respect de l’autre
l’autre humaine La générosité La responsabilité Le don de soi
Le don de soi La liberté La Le soin d’autrui Le sens du pardon
Le sens du L’égalité hommes responsabilité Le respect La solidarité responsable
pardon et femmes Le soin d’autrui Le respect de la L’intériorité
La solidarité La solidarité Le respect nature (Ecologie) La créativité
responsable La justice La civilité L’autonomie La confiance dans les
L’intériorité La générosité (courtoisie, La tolérance possibilités de chacun
La créativité La responsabilité politesse) Le pardon L’attention aux démunis
Valeurs morales’
L’hospitalité délicatesse,
L’altruisme distinction entre
espace privé et
espace public) ;
Le respect de
l’autorité
légitime ;
Le respect de la
nature (Ecologie :
propreté, pas de
gaspillage)
Ressources Education de la Références à l’Evangile
Valeur de l’enseignement
Idée même de
transmettre
En (p.4),
transmettant la transmission
d’abord (p.6) ;
En appliquant les
principes de la
transmission
pédagogique
Oui Capacité de Oui Oui Oui
valeurs
Celle
jugement moral
des
Sensibilité
esthétique
Acquisition L’appropriation Capacités Jugement critique
des (écoute) cognitives Discernement du vrai, du
connaissances La réflexion générales beau et du bon
Transmission
travail
sociale et
professionnelle
Eduquer au Soutien du Le dialogue Rencontre de l’altérité
dialogue dialogue entre différents
interculturel permanent acteurs
Le jugement Discussion
Modèle de discussion
critique collective ;
Débat critique
permettant une
évaluation de ce
qui est transmis et
compris ;
Encourager des
reformulations et
des innovations
permettant de
relier ce qui vient
du passé
Le soin d’autrui
Ethiqu
Minim
ale
e
120
Education à Rapport aux Lutte contre les Intervention sur une Rencontre de l’altérité
l’éthique autres ; violences thématique éthique
individuelle et (p.6) ; Développer le
collective (p.4 « Ne fais pas à respect de soi-même
); normes et autrui ce que tu ne
valeurs (p.7) ; voudrais pas qu’il
Rapport te fasse » ; se
harmonieux référer à la charte
Maximale
au corps des droits
considéré humains
comme une L’amour du
condition de prochain
la dignité et
de la liberté
de la personne
(p.5) ;
Egalité entre
hommes et
femmes
permanent
*Echanges
numériques
Transversalité
CONSEIL GENERAL
DE L'ENSEIGNEMENT
CATHOLIQUE
Spécificité
de
l'Enseignement
Catholique
lmpr. Goekint
123
PREFACE
Nous savons ce que nous voulons : nous voulons, plus que i»mais, mettre
l'école catholique au service des parents qui demandent un enseignement et
une éducation chrétiens pour leurs enfants. Nous voulons faire de nos écoles
de vraies communautés éducatives chrétiennes... »
INTRODUCTION
124
Bon nombre de nos citoyens ont été heureux d'apprendre, il y a quelques années, la
création du Conseil général de l'Enseignement catholique. Ce Conseil revêt une
grande Importance pour notre époque. En effet, ce Conseil est un organe de
concertation au sein duquel les représentants des pouvoirs organisateurs
rencontrent les délégués des parents d'élèves, des enseignants et des organisations
sociales chrétiennes pour chercher ensemble une solution aux grands problèmes de
l'Enseignement catholique. Il réalise une forme de participation réelle à la
direction de l'Enseignement catholique. Je remercie très spécialement tous ceux qui
en font partie.
Dieu.
L’école catholique n'a pas de sens sans une éducation à la liberté par des
éducateurs libres. La vie chrétienne est une vie librement choisie qui suit, dans la
force de l’Esprit, le chemin tracé par le Christ. Dieu n’a créé que des hommes libres.
L’école catholique a pour mission d’apprendre aux jeunes à vivre leur liberté selon le
modèle évangélique.
L’école catholique n’a pas de sens non plus si elle ne rayonne pas la joie chrétienne.
Ses éducateurs sont les porteurs et les témoins de la Bonne Nouvelle du Christ.
Lorsqu’en visitant une école catholique, je ne sens pas cette joie dans les contacts
entre éducateurs, j’en retourne insatisfait. Le message que les éducateurs
catholiques doivent porter aux jeunes et dont ceux-ci doivent témoigner dans leur
propre style de vie, est la Bonne Nouvelle. La venue du Christ, le Dieu fait homme,
est une venue libératrice et donc joyeuse.
Spécificité
de l'Enseignement
Catholique
PREAMBULE
Le présent document cherche à donner une description de ce qui fait l'originalité et le
caractère spécifique de l'Enseigne- ment catholique, aujourd'hui.
Cette description peut, dès lors, varier plus ou moins sensible- ment d'époque à époque, de lieu
à lieu, tout en faisant perpétuellement référence au message de l'Evangile et à la doctrine de
l'Eglise catholique.
La présente étude n'a pas d'autre but : il ne s'agit donc pas de valoriser ou de dévaloriser
tel type d'enseignement par rapport à tel autre, mais bien d'essayer de répondre à la
question suivante : « En quoi l’enseignement catholique, aujourd'hui, est-il spécifique, c’est-à-
dire différent de tout autre type d'enseignement » ?
Les propositions formulées paraîtront peut-être trop idéales. Que l'on n'oublie pas toutefois
que la volonté de tendre vers les objectifs fixés en commun importe plus que l'application
fidèle, mais passive, de préceptes imposés. On peut même affirmer qu'un plus grand
dynamisme sera du côté des écoles où la « tendance ›• vers des objectifs précis sera la
plus intense.
D'autre part, dans l'interprétation des réflexions qui suivent, il est nécessaire de faire la
distinction entre l'école catholique en général et chacune des écoles catholiques en
particulier. Ces dernières, à des degrés divers, sont en marche vers la réalisation de ces
objectifs.
Il revient donc à chaque communauté éducative :
A. INTRODUCTION
Tout être humain, fille ou garçon, et sans discrimination d'aucune sorte (sociale, radicale,
philosophique ou autre) a le droit de recevoir l'éducation la mieux adaptée ä
l'épanouissement de toute sa personnalité.
2. Aujourd'hui, la société
2.1. Nous vivons dans un monde caractérisé par de profondes mutations dans tous les
domaines : sociaux, culturels, raciaux, sexuels, qui ont une répercussion inévitable sur
la vie et le comportement religieux. La transformation des mentalités et des structures
conduit à une remise en question des valeurs reçues, tout particulièrement chez les
jeunes. Les cadres de vie, les habitudes et les traditions, les façons de penser et de
sentir hérités du passé ne sont plus toujours adaptés â l'état actuel des choses.
2.2. Ces mutations, l o i n de porter préjudice â la vitalité de la foi, peuvent inciter à une plus
exacte et plus profond intelligence de celle-ci, en faisant découvrir au travers des formules les
valeurs permanentes et en permettant de mettre ces dernières en meilleure harmonie avec les
nouveaux contextes de la société d’aujourd’hui.
2.4. Enfin, la presse, la radio, la télévision, le cinéma, la publicité, tout le climat créé par les
techniques modernes, entraînent dans les milieux de vie, de travail et de loisir, des formes
nouvelles et diverses de culture dont tous les responsables de l'éducation doivent tenir compte.
organisateurs, parents d'élèves, enseignants, élèves -pour réaliser ensemble un projet éducatif
élaboré en commun.
4. Aujourd’hui, l’école
4.1. Tout ce qui contribue ä l'accomplissement de l'homme doit mobiliser nos énergies. Dans les
différents domaines où elle s'exerce, notamment ä l'école, l'activité éducative est un moyen
privilégié de promouvoir cet épanouissement. Encore doit-elle favoriser, entre autres, les réalités
suivantes que des mots déjà usés expriment imparfaitement :
4.1.1. La démocratisation de l'enseignement, c'est-à-dire la possibilité pour tous d'accéder â la culture,
compte tenu des aspirations légitimes, des valeurs culturelles propres aux différents milieux. Les
plus pauvres et les plus défavorisés, par la nature ou par la fortune, y ont droit : pour leur permettre
d'y accéder, « il faut travailler avec acharnement » (G.S. N° 60).
4.1.2. La participation active des jeunes à leur propre formation.
4.1.3. La formation des jeunes, par une préparation adéquate, au service de la communauté.
4.1.4. La collaboration, assidue et organisée, des parents à l'œuvre éducative de l'école, celle des
adultes au bénéfice de tous les jeunes.
4.1.5. La qualité de l'éducation fondée sur la compétence des maîtres, leur sens de l'adaptation et du
dialogue, l'esprit de service...Ainsi comprise, la fonction enseignante est un véritable service rendu à
la nation ; la revalorisation morale et matérielle de la fonction enseignante s’impose donc afin de
susciter des vocations nécessaires et de maintenir l’enthousiasme de tous ceux qui s’y dévouent.
4.1.6. Les parents doivent pouvoir trouver une école dont le projet éducatif corresponde à leur
conception de l'éducation. Ce n'est que dans la fidélité à ce projet éducatif que les
enseignants doivent pouvoir s'impliquer, s'engager et dire ce qu'ils pensent sans néanmoins
imposer leurs idées propres et dans te respect des légitimes différences d'opinion à
l’intérieur de ce projet éducatif.
4.1.7. A partir de ce dialogue et de ces échanges, de l'engagement donné, de l'exemple vécu, il
appartient aux éducateurs, enseignants et parents, d’aider les jeunes à se forger
personnellement des convictions et à les mettre en pratique dans leur vie.
4.1.8. Dans cette optique, l'école doit s'attacher à promouvoir des valeurs telles que :
- la dignité
humaine
- le sens des
responsabilités
- le sens critique.
le jugement et le raisonnement
- le sens de la
solidarité, l'esprit de coopération et le sens de la communauté
- le respect de la
conscience d'autrui
- la liberté et la
capacité de s'exprimer
- l'autonomie
- le
développement de sa propre conscience
- L’adaptabilité,
la créativité, l'originalité, l'initiative et non la crainte ou la passivité devant le
changement
- le
développement de toutes les aptitudes...
4.5. La
caractéristique essentielle de l'école doit être la promotion de ces valeurs en référence
constante, non seulement verbale mais vécue, au Christ et à I’ Évangile.
4.6. Néanmoins
129
« Nous sommes témoins de la naissance d'un nouvel humanisme, l'homme s'y définit par
la responsabilité qu'il prend devant ses frères et devant l'histoire » (Gaudium et Spes,
N° 55).
1.1. L'objectif de l'école catholique est d'aider tous les élèves à atteindre le degré
maximum d'épanouissement et de rayonnement dont ils sont capables, tant au point de
vue humain que chrétien. Cela veut dire que tous les élèves doivent faire l'objet d'une attention
particulière, à la fois en tant qu'individus et en tant que membres d'un groupe. Les plus
faibles, les plus démunis, les plus défavorisés sur n'importe quel plan : économique, affectif,
familial, intellectuel, physique...ont droit à une attention toute spéciale.
1.2. L'apport original de I’ enseignement catholique résulte de ce qu'il propose cet
épanouissement et ce rayonnement à partir d'une conception spécifique de l'Homme et du
monde, telle qu'elle nous a été révélée par Jésus-Christ : dans l'enseignement chrétien, la
personnalité de l'être éduqué doit aussi se former par référence aux valeurs évangéliques car la
personne et la société ne trouvent pas leur fin en elles- mêmes, mais dans une ouverture
constante au plan de Dieu.
1.3. L'école catholique ne veut et ne doit être ni la rivale d'aucune autre école, ni le
refuge d’une éducation de classe sociale privilégiée. Elle n'est pas non plus le simple
héritage du passé.
1.4. En tant qu'école — c’est-à-dire en tant qu'institution dont l'œuvre éducative se fonde
notamment sur I ‘enseignement — l'école catholique affirme sa spécificité en concevant cet
enseignement comme un engagement dans la perspective d’une vision et d’une vie chrétiennes.
1.5. L'école catholique allie une formation fondée sur la raison à une formation fondée
sur la foi sous l'impulsion de la grâce. Ces mouvements ne doivent faire qu'un. Ils
constituent un seul objectif indivisible : ils ne se juxtaposent pas, ils ne se superposent
pas. En tentant de réaliser la synthèse vivante
- de la Foi au Christ
et de la foi au monde
- de l'Espérance et
des espoirs terrestres
- de la Charité
chrétienne et des œuvres humaines,
la culture tout entière s'imprégnera de Foi et la Foi s'affirme- ra et s'enrichira de tous les
apports de la culture.
1.6. L'école catholique propose une raison de vivre et une manière d'être ; elle en ordonne la
réalisation et les moyens en référence à la personne de Jésus-Christ vivant dans la
communauté ecclésiale dont l’Eucharistie est à la fois la source et le sommet.
1.7. La formation spécifique, proposée par l'école catholique, doit répondre à l'attente légitime
des parents, chrétiens ou non, qui apprécient la valeur d'une formation ouverte â la vie et
éclairée par I’ Évangile.
1.8. La poursuite de cet objectif doit se maintenir à son niveau le plus élevé de telle sorte que
chacun puisse atteindre son épanouissement complet.
130
1.9. Les objectifs poursuivis, les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre, se concrétisent
dans un projet éducatif - élaboré et réalisé en commun par fa communauté éducative. Ce
projet doit insister sur les valeurs humaines et chrétiennes plus particulièrement recherchées
dans la vie même de la communauté éducative locale et inclure nécessairement une réflexion
sur le sens et la place des actes liturgiques.
1.10. Comme toute école, et parce qu'elle est une école, l'école catholique est une communauté
à la fois très variable dans sa composition et en évolution constante par suite de la nature
même de son action éducative. Ce serait, dès lors, une grave et dangereuse erreur que de
vouloir la définir an termes • statiques » comme s'il s'agissait d'un milieu stable, aux
caractères définitivement fixés.
C'est pourquoi il appartient à toutes les parties concernées par la vie de l'école de procéder
ensemble à l'évaluation périodique du projet éducatif et à son éventuelle adaptation dans le
respect des objectifs fondamentaux tels qu'ils ont été définis en fonction de la Révélation et de
la doctrine de l'Eglise.
2.1. Jadis, le caractère chrétien d'une école se distinguait surtout par l'obligation qui
imposait aux élèves d'entrer dans un cadre de pensée et de rites déterminés d'avance
par une communauté croyante. Cette perspective se comprenait dans une société
chrétienne cohérente et stable. Elle risquait cependant de conduire à une certaine
routine, dispensant les jeunes d'une recherche personnelle authentique, et même, dans
certains cas, d'aboutir à des oppositions individuelles durables.
2.2. Aujourd'hui, dans une société caractérisée par la pluralité des options et des
perspectives, il importe que chacun apprenne à se situer lucidement et librement face
aux problèmes essentiels de la vie.
2.3. De plus, dans un monde en pleine mutation, les jeunes ont à apprendre une démarche
personnelle de foi plutôt que des connaissances religieuses fixées une fois pour toutes. La
démarche suggérée par l'école n'est donc plus une attitude statique, se basant sur un acquis
donné comme définitif, mais bien une démarche dynamique, s'inscrivant dans un cadre
de recherche, d'approfondissement, de promotion des valeurs évangéliques. Cette éducation
spécifique n'est pas cloisonnée dans les seuls cours de formation religieuse, mais elle doit
s'étendre à tous les enseignements dispensés par l'école.
2.4. La diversité des attitudes et aptitudes culturelles et religieuses est une situation de
fait : elle devient enrichissante grâce à l'ouverture au monde et à la société qu'elle
offre dans la mesure où elle suscite une prise de conscience et une prise de
responsabilité. C'est pourquoi, s'il est indispensable de maintenir les objectifs au plus haut
niveau, les moyens utilisés pour les atteindre devront être adaptés aux personnes et aux
situations concrètes.
par leur milieu, leur hérédité, le jeu de la grâce reçue et de la liberté exercée.
3.1.2. Une exigence minimale est demandée à l'élève et à sa famille : l'acceptation du projet éducatif.
L'école, de son côté, aura le devoir d'exposer clairement ce projet.
3.1.3. Les parents ont le droit de choisir librement une école qui réponde â leurs options éducatives,
philosophiques et religieuses. Il convient donc de ne pas perdre de vue qu'aujourd'hui, la principale
raison d'être de l'enseignement catholique est de répondre à I’ attente légitime des parents chrétiens
souhaitant une éducation chrétienne pour leurs enfants. Dès lors, le choix de ces parents doit être
respecté à travers tous les enseignements de l'école catholique.
3.1.4. Toutefois, le choix d'une école catholique ne correspond pas toujours ä une option ferme des
parents dans ce domaine. Aussi, la condition indispensable à leur intégration et à leur maintien dans
la communauté éducative est-elle l'acceptation du projet éducatif proposé par cette communauté.
3.1.5. Il faut donc qu'au moment de l'inscription de leur enfant, les parents soient informés du contenu
de ce projet, de l'objectif de l'enseignement prodigué et qu'ils soient invités ä accepter loyalement
tant les objectifs proposés que les moyens utilisés. Cela signifie également que, même si les parents
dispensent leurs enfants de certaines démarches explicites de foi dans le cadre de la vie familiale, ils
doivent savoir qu'ils ne pourront rejeter l'esprit qui caractérise l'enseignement catholique.
3.1.6. Les parents doivent également se rendre compte qu'ils ne sont pas étrangers è l'éducation
scolaire : premiers et principaux responsables de I’ éducation totale de leurs enfants, ils ont à
assumer leur part de responsabilités dans l'éducation scolaire. Cette prise de responsabilité sous-
entend de leur part, un engagement actif au niveau de la communauté éducative, dépassant l'intérêt
particulier (le souci de leurs seuls enfants) pour atteindre un niveau plus général, le souci de
l'éducation chrétienne de toute la jeunesse.
3.1.7. Cette collaboration doit être entendue dans un esprit d'ouverture, de dialogue et d'échange. Dans
le respect d’un sain équilibre entre les diverses fonctions et les responsabilités particulières, chacun
aura à profiter et à s'enrichir de l'apport spécifique des autres.
3.2.3. La pédagogie chrétienne n’est pas l’application plus ou moins automatique d’un système ; au
contraire, elle stimule chez les jeunes l’épanouissement d’une vie culturelle et chrétienne déjà vécue
en adultes par les éducateurs. On engendre à la mesure de ce que l’on est bien plus qu’à la mesure
de ce que l’on a. C’est le principe même de l’autorité véritable qui n’est pas la contrainte-mais la
garantie d’un témoignage, le poids et le sérieux qu'un éducateur donne à ses affirmations par sa
conduite et par sa vie.
3.2.4. Les enseignants, en fonction dans une école catholique, se sont engagés dans un enseignement
d’inspiration religieuse. Ils doivent remplir cet engagement dans leur enseignement et dans tous les
aspects de leur vie personnelle ayant une répercussion sur leur tâche éducative.
3.2.5. C’est pourquoi, lors de l’engagement d’un professeur, il est indispensable qu’il prenne
connaissance et conscience clairement- des objectifs poursuivis par l’école et des moyens qu’elle
compte utiliser.
Son accord loyal sera demandé tant sur les objectifs que sur les moyens.
3.2.6. Il convient également de tenir compte d’une évolution personnelle éventuelle après l’engagement,
en matière de foi comme en matière d’options. La communauté éducative a le devoir de
comprendre une situation de doute, de difficultés et de recherche, et de la respecter tant que
l’enseignant continue à chercher la vérité et tant qu’il fait preuve de délicatesse à l’égard de ses
collègues et de discrétion envers ses élèves.
3.2.7. En conséquence, la présence d’enseignants en difficulté au sein de la communauté éducative
chrétienne est admissible, pour autant que ces enseignants :
132
1. respectent le projet éducatif chrétien de l’école, tant dans ses objectifs que dans ses
moyens,
2. gardent – parce qu’ils sont dans un contexte pédagogique où il s’agit d’éduquer des jeunes
– une très grande discrétion sur leurs difficultés et problèmes personnels,
3. observant une attitude bienveillante vis-à-vis d’initiatives soulignant, à l’intérieur de l’école,
un engagement explicite du point de vue chrétien. L’école catholique se doit en effet de
proposer aussi des témoignages de ses certitudes.
Il n’y aura donc pas lieu de tenir rigueur à des individualités de leur recherche ou de leurs
difficultés, pour autant que l’ensemble du corps enseignant permette évidemment à la finalité de
l’enseignement catholique de s’exprimer à s l’éducation dispensée par l’école. C'est le climat
évangélique régnant au sein de l'ensemble du personnel enseignant – comme de l'ensemble de la
communauté éducative d’ailleurs – qui doit être déterminant.
3.2.8. Puisque cette mission d'enseigner n'est pas conçue comme une simple transmission de
connaissances, mais aussi comme un témoignage vécu de valeurs fondamentales, l'enseignant doit
se rendre compte que sa vie privée peut avoir un impact sur sa relation pédagogique avec Ies
jeunes.
3.2.9. Dans la mesure où la situation de l'enseignant est en contradiction flagrante et déclarée avec
les valeurs chrétiennes fondamentales et avec le projet éducatif due la communauté, cette situation
devient incompatible avec l'exercice de la fonction d'éducateur au sein de cette communauté.
3.2.10. En cette matière délicate, ici y a lieu de procéder toujours avec prudence, humanité et ouverture
pour l’appréciation des comportements humains dans le processus éducatif et scolaire. Il s'impose
que la recherche des solutions les plus évangéliques, les plus humaines et socialement les plus
adéquates se fasse dans le respect des principes et des personnes. A cet effet, et dans toute la
mesure où la discrétion le permet, les responsables de la dernière décision s'entoureront des
conseils des représentants autorisés de la communauté éducative locale. Il appartiendra alors au
pouvoir organisateur et au membre du personnel concerné de résoudre le problème entre eux, de la
manière la plus équitable.
3.3. Les pouvoirs organisateurs
3.3.1. Le Pouvoir organisateur a comme responsabilité première de promouvoir au sein de l'école le
projet éducatif. Il doit veiller à créer les conditions favorables à son élaboration, à sa mise au point et
à sa mise en œuvre, sur la base des principes évangéliques et ecclésiaux.
3.3.2. A cet effet, le pouvoir organisateur aura le souci constant de favoriser la construction et
l'animation d'une vraie communauté éducative en favorisant et en soutenant chez les parents, les
enseignants et les élèves une plus nette prise de conscience des responsabilités qui leur incombent
et en instaurant organiquement – avec eux – la participation des individus et des groupes concernés
dans la perspective du bien commun et autour du même centre d’intérêt qui ne peut être que le bien
des jeunes.
3.3.3. Il doit aussi se soucier particulièrement de la justice sociale en prenant toutes les mesures et en
accomplissant toutes les démarches nécessaires pour que chacun reçoive ce qui lui est dû dans le
respect des prescriptions légales et administratives et des accords conventionnels.
3.3.4. Il convient que le pouvoir organisateur considère la Direction comme son interlocuteur direct avec
lequel des contacts fréquents doivent s’établir. Tout en lui reconnaissant l'autonomie nécessaire à
son rôle, il n'a pas à se décharger sur elle des responsabilités qui lui sont propres ; il doit au con-
traire l'aider à assurer la lourde tâche qui est la sienne par un dialogue continu, un intérêt constant et
des informations régulières et réciproques. Dans cette optique le pouvoir organisateur n’oubliera pas
l'importance primordiale de la responsabilité qu'il assume dans l'engagement et la nomination du
personnel enseignant et du personnel de direction.
3.3.5. Ceci requiert de la part des pouvoirs organisateurs, le souci constant, la sagesse et le
discernement nécessaires pour l'édification, la guidance et le fonctionnement de la communauté
éducative locale. Dans cette optique, les pouvoirs organisateurs auront à cœur la collaboration et la
solidarité avec les autres écoles et avec les autres groupes de la communauté chrétienne locale de
manière que l'équipe- ment scolaire réponde au mieux aux besoins de la communauté chrétienne
nationale, régionale et locale. Qu'à tous les ni- veaux, ils participent activement aux organisations de
planification et de coordination dans un esprit d’ouverture et d'en- tente, dans le but du meilleur
service de tous.
3.3.6. Quant aux personnes, membres des pouvoirs organisateurs, elles doivent répondre aux
membres exigences que les membres du personnel, telles qu’elles sont définies au point 3.3.2.
133
4. LA COMMUNAUTE EDUCATIVE
4.1. L'éducation vécue à l'école chrétienne aidera les jeunes à assumer leur propre vocation dans
l'Eglise et dans le monde. Ils sont appelés à témoigner de Jésus-Christ et à collaborer selon son
esprit, à la construction du monde : seule la convergence des efforts, ceux des personnes et ceux
des associations peut éveiller chez les jeunes le sens de la communauté et le désir de
l'engagement.
4.2. L'école catholique doit être une école ouverte â tous, dans le respect des objectifs qu'elle s'est
fixés. Sa vitalité sera assurée par le témoignage, la compréhension mutuelle, la collaboration active
de toutes .tes composantes de la communauté éducative : parents, enseignants, pouvoirs
organisateurs, élèves.
4.3. Les éducateurs chrétiens doivent être convaincus de la nécessité de veiller particulièrement à 'la
qualité des relations au sein de la communauté éducative locale : la qualité de l’éducation dépend
essentiellement de la qualité des relations vécues au sein de cette communauté.
4.4. Dans cette optique, et en référence constante aux messages et attitudes évangéliques, une
attention particulière sera accordée aux relations entre enseignants et parents, entre élèves, entre
parents, entre enseignants et direction, entre enseignants, parents, élèves et pouvoir organisateur.
4.5. Ces relations entre personnes et entre groupes impliquent des qualités d’ouverture, d'humilité, de
délicatesse, de franchise, excluant les a priori, les barrières, la méfiance, les interprétations sous-
entendues,... L'école chrétienne, convaincue que l’éducation passe par Une qualité des relations,
aura donc à cœur de développer l'aptitude aux relations, le sens de l'écoute, la disponibilité, le
respect des autres, I’ humilité, la franchise...
4.6. La force et l'importance d'une communauté éducative réelle seront directement évaluées à travers
la manière dont cette communauté pourra aborder ‘les problèmes qui se posent à elle :
- possibilité de dialogue,
- Climat d'ouverture,
- qualité ‹des relations,
- Elaboration et mise en application d'un projet éducatif local, son adaptation périodique,
- résolution des conflits et des problèmes après très large concertation de toutes les parties
constituantes, principalement dans les cas qui touchent soit à l'éducation des jeunes, soit au
respect du projet éducatif, soit à l'engagement et au maintien, au sein de la communauté, d'un
de ses membres.
4.7. L’école est aussi l’un des lieux privilégiés de rencontre et de rayonnement de la communauté
chrétienne régionale. Elle participe ainsi à l'élaboration et à la mise en œuvre d'une partie des
objectifs de cette communauté. L'école chrétienne doit donc être présente et s’insérer dans la vie
de l’Eglise de sa région en y assurant son rôle spécifique en collaboration avec ses partenaires.
4.8. Dans cette même optique, l'école catholique s'ouvrira aux jeunes et aux adultes en dehors des
'heures normales de cours, afin de favoriser rencontres et échanges et devenir ainsi un centre de
formation permanente et de promotion culturelle au service de ta population de toute la région.
134
135
AU SERVICE DE L’HOMME...
L’école chrétienne éduque en enseignant...
140
AU SERVICE DE L’HOMME...
L’école chrétienne
éduque en enseignant
141
,
L'école chrétienne, comme toute école, entend
Un service social commun à poursuivre les objectifs généraux du système
toutes les écoles éducatif.
d'exercer une activité valorisante Les parents sont les premiers éducateurs
au sein du monde du travail. Elle fait de leurs enfants. L'école ne peut réussir
de ceux qui s'adressent à elle des toute sa tâche sans les parents,
acteurs responsables, efficaces et comme Is ne peuvent la réussir sans
créatifs dans une vie économique elle.
en constante évolution. Les organisateurs, héritiers des fondateurs
Ces objectifs sont communs à toute la de l'école, ont une responsabilité
communauté scolaire. Chacun, selon particulière du bien commun. Ils doivent
sa responsabilité, concourt au même rendre compte à la société de leur action
but. Il y apporte ses propres compétences et des moyens qui y sont affectés.
et respecte les compétences des autres Les directions animent le projet éducatif,
Les élèves et étudiants sont les acteurs pour qu'il se réalise dans leur école. A
de leur propre formation. Avec l'aide de cette fin,
leurs éducateurs, ils construisent et
formulent peu à peu leur projet
personnel.
Former l’acteur de la vie économique
143
A LA LUMIERE DE L’EVANGILE
...L’école chrétienne
évangélise en éduquant.
145
Le Président du C.G.E.C.
Evêque de Liège
149
MISSION DE L’ÉCOLE
CHRÉTIENNE
CONSEIL GÉNÉRAL
DE L’ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
E
c
s
d
150
Évêque de Liège
151
* Ici
et dans la suite du document, le terme “homme” doit
être entendu dans une acception épicène, englobant
donc toutes les personnes humaines, quel que soit leur
genre.
153
LA GLOIRE DE DIEU
C’EST L’HOMME
VIVANT!
10
AU SERVICE DE L’HOMME...
11
12
L
à accéder'École
à l'autonomie et à l'exercice
veut accueillir responsable
l'enfant tel qu'il est de la liberté. Elle
accorde un soutien privilégié à ceux qui en ont le plus besoin.
considère dans sa singularité. Elle l'aide
L'école vise également à former le citoyen de sa région, de son pays,
de l'Europe et du monde dans une société démocratique fondée sur le
respect des droits de l’homme. Pour que les élèves deviennent des
acteurs de la vie sociale, soucieux de justice et de paix, l'école
développe en son sein des pratiques démocratiques. De cette
manière, elle les prépare à prendre part à la vie collective, dans ses
dimensions associatives et politiques.
13
162
14
Les organisateurs
163
15
Les directions
Les membres du
personnel
d'enseignement et
d'éducation, le
personnel des Centres
PMS
che de l'établissement.
164
16
17
En créant et en soutenant des écoles, la communauté
chrétienne assume sa part du service à la société. En
travaillant au bonheur de l'homme et au bien de la
société, elle travaille à l'avènement du Royaume de Dieu.
L'amour de Dieu et l'amour du prochain y ont partie liée.
18
19
20
L' en
école chrétienne offre à chacun la
liberté de construire
relation sa propre
avec le Dieu identité
de Jésus, de
21
22
23
L' elle
école chrétienne accueille volontiers
celles et ceux
leur qui se présentent
fait connaître à elle;
son projet, pour
24
tienne est une communauté de vie; elle entre- tient des liens avec
l'ensemble de la communauté chrétienne.
25
26
MISSION
de l’école chrétienne
MAI 2021
1. 193
Ce document
Sommaire
1. INTRODUCTION
5. CONCLUSION
1. INTRODUCTION
L’enseignement catholique du XXIe siècle place la personne de l’élève au cœur de son
projet éducatif et l’ouvre sans réserve sur la totalité de l’expérience humaine.
Ce projet s’inscrit dans une longue histoire qui nous précède et nous nourrit. Dès l’aube des
temps modernes, des communautés chrétiennes, des congrégations religieuses, des
paroisses, ont construit des écoles, sous des formes variées. Ces fondateurs étaient animés
par un esprit de service à la jeunesse et souhaitaient contribuer à la formation humaine en
mettant culture et foi en dialogue. Leur infatigable travail d’innovation a donné naissance à
une pluralité d’offres pédagogiques qui ont forgé l’école chrétienne (écoles préparatoires ou
fondamentales, humanités classiques, humanités scientifiques et techniques, écoles
supérieures professionnelles, formation des adultes, internats, collèges etc.). L’Eglise
catholique a partagé son espérance et sa référence au Christ avec les écoles catholiques. Elle
a rendu possible la création d’un réseau d’écoles qui accueillent aujourd’hui des élèves, des
parents et des équipes éducatives pluriels sur le plan social, culturel et convictionnel.
Héritant de ce riche passé, les écoles de l’enseignement catholique proposent, à chacune et
1. 195
chacun, un projet éducatif complexe qui s’inspire du passé tout en affrontant les défis de
l’avenir.
La conception de la personne qui se dégage de cette histoire est exigeante. Elle conduit
aujourd’hui à un projet qui se déploie sur plusieurs plans : cognitif, moral, esthétique,
corporel et spirituel. Cette compréhension permet de proposer à chaque élève un parcours
personnel qui passe par une initiation aux contenus fondamentaux de la culture humaine,
entendue au sens le plus général et universel.
La personne n’est pas d’emblée constituée, et ne reste pas identique à elle-même. Elle
évolue et se transforme, au fil d’une histoire qui combine des caractéristiques universelles
avec des traits singuliers. L’école respecte les étapes de cette dynamique, tout en lui offrant
des ressources et des opportunités de développement.
La personne est incarnée dans un corps, nœud de besoins, de désirs, de dispositions. Elle est
dotée de sensibilité et de pensée, ressent du plaisir et du déplaisir, est capable d’effort
physique et intellectuel. Le respect des élèves, de leur rythme, de leurs capacités, est la
condition de la relation pédagogique. L’école accorde une attention particulière aux
besoins spécifiques et aux handicaps temporaires ou permanents.
Dans le respect de ces dimensions constitutives de la personne, l’école se donne pour but de
favoriser la liberté des élèves, et leur capacité de mener avec les autres une vie épanouie.
Elle cherche à les conduire vers l’âge adulte au cours d’un parcours de décentrement de soi.
Elle déploie ses efforts dans cinq directions interdépendantes.
Le développement cognitif et pratique de la personne
D’abord, l’école catholique se donne pour mission d’éveiller la curiosité dans tous les
domaines du savoir, et de structurer un parcours de développement cognitif et pratique.
Les connaissances sont transmises, et toujours approfondies, au cours de la scolarité.
Les bases de la langue orale et écrite, les opérations mathématiques et logiques
élémentaires, des notions culturelles, historiques et scientifiques fondamentales, sont
enseignées aux élèves. Ce développement ne doit pas être entendu en un sens purement
intellectuel. L’habileté, l’ingéniosité, la maîtrise du geste et le tour de main, font partie
intégrante de la formation.
Les compétences de base sont complétées par des savoirs toujours plus spécialisés à
mesure que se déroule la scolarité. Il s’agit de doter les élèves du bagage cognitif et pratique
le plus complet possible leur permettant d’avoir accès à une compréhension générale du
monde qui les entoure, et d’y agir de manière efficace.
1. 196
De la transmission à la création
De leur côté, les professeurs s’engagent à mettre en œuvre les moyens pédagogiques les plus
pertinents pour faire aboutir cette démarche. Leur autorité trouve dans l’accomplissement de
cette mission culturelle le fondement de sa légitimité.
L’école catholique reconnaît les différents ordres de validité des savoirs. Les techniques et
les arts font l’objet de formations générales ou spécialisées, qui familiarisent les élèves avec
les outils. Les sciences mathématiques et logiques, les sciences naturelles, les sciences
humaines, relèvent de registres de preuve et de pertinence différents. La religion possède
son propre ordre de validité, fondé dans l’alliance de la foi et de la raison. Notre école initie
à la richesse et la fécondité de chacune de ces démarches, et simultanément en indique les
limites. Elle soutient en conséquence le dialogue permanent des savoirs.
À l’idéal des droits humains, s’ajoutent des valeurs dont on peut dresser la liste par
recoupements et convergences entre diverses traditions culturelles et morales : la justice, la
1. 198
Sur le plan esthétique, notre école cherche à développer la sensibilité des élèves en assurant
le contact avec des œuvres artistiques majeures de l’humanité. Elle est attentive à leur
fournir des éléments d’histoire de l’art. Elle cherche à étendre leur palette d’expression.
Parmi les moyens d’expression offerts aux élèves, la langue, orale ou écrite, constitue un
élément majeur. La fréquentation régulière de textes littéraires est un véhicule important de
cette formation. D’autres ressources, allant des arts plastiques à la danse, en passant par
l’expression théâtrale et musicale, sont également proposées et développées, selon les
moyens des établissements.
Le développement physique
Sur le plan corporel, notre école est attentive aux besoins physiques, à l’hygiène et au bien-
être de l’élève. Au travers des activités sportives diverses, elle cherche à permettre à chacun
de développer sa motricité et ses potentialités. Notre école est soucieuse de santé
individuelle, qu’elle soit mentale ou physique, et de santé publique. Le partenariat avec les
Centres psycho-médicosociaux (CPMS) représente pour elle un élément structurant de son
projet éducatif.
Enfin, sans se substituer au rôle premier des familles, notre projet prend en compte la
dimension religieuse de l’éducation à partir de la forme qu’elle a prise dans la tradition
chrétienne, tout en s’ouvrant aux autres traditions de pensée.
Par ailleurs, en dehors du programme scolaire proprement dit, avec l’appui et le soutien des
équipes de pastorale scolaire, l’école propose des activités, des célébrations, la mise à
disposition de temps et de lieux où peut se dire avec des mots et des gestes partagés le sens
de la foi, en particulier la foi d’inspiration chrétienne, sans qu’aucune forme d’adhésion ne
soit imposée.
1. 199
Nos écoles sont aujourd’hui traversées par des religions et philosophies diverses. Elles sont
fréquentées par des personnes en quête de sens, des croyants et des non- croyants. Plus que
la simple tolérance, elles cherchent à enseigner le respect, l’intérêt, et l’amitié pour les
différents courants de pensée. Elles sont soucieuses de placer l’enseignement du
christianisme dans l’histoire des monothéismes, et dans celle des autres philosophies,
religions, spiritualités. Une attention particulière est portée à l’initiation aux contenus du
judaïsme et de l’islam. Par la diversité qui la compose, l’école catholique constitue un
laboratoire du dialogue qu’elle appelle de ses vœux.
femme.
La citoyenneté politique
Notre école cherche activement à préparer les élèves à l’exercice de la citoyenneté. Celle-
ci est entendue ici comme l’exercice de l’ensemble des droits civils, politiques, sociaux et
culturels. L’exercice de ces droits suppose des capacités diverses qui s’acquièrent au
fil du développement personnel.
La formation à la citoyenneté constitue un effort qui concerne toute l’entreprise
éducative de l’école. Celle-ci participe à construire de manière pleine et entière une
éducation à la philosophie et la citoyenneté, de manière transversale à ses cours et ses
programmes. Cela lui offre l’opportunité de conjuguer une tradition référée au
christianisme avec les exigences contemporaines de la citoyenneté. Cette formation porte
notamment sur les institutions démocratiques, leur fonctionnement, leur histoire, leurs
justifications et les débats qui accompagnent leur développement. Elle est liée au
développement de la pensée argumentative et à l’initiation à la philosophie.
La formation à la citoyenneté suppose aussi une initiation à la complexité de l’identité
politique. Elle vise à favoriser l’intégration de l’élève dans la société nationale, mais ne se
limite pas à elle. Elle cherche également à former des citoyens européens, et tient compte
des processus de globalisation. « Citoyen du monde » : loin d’être un vœu vide, cette
formule prend un sens nouveau au XXIe siècle. Le cosmopolitisme oriente notre rapport à
la citoyenneté.
La citoyenneté s’apprend au quotidien. Elle se trouve à l’horizon des dispositifs de
participation des élèves à la vie des établissements. Loin de se limiter à des mécanismes
formels et à des connaissances spécifiques, il s’agit d’un apprentissage actif et progressif
passant par la discussion collective, la participation à certains mécanismes de décision, et
la prise en charge de fonctions et de rôles au service de la collectivité.
Le respect de la nature
Enfin, orientés par le souci des générations futures, nous faisons de la transformation de
notre rapport à la nature un enjeu éducatif majeur. Nous désirons contribuer au
développement d’une conscience de l’impact de nos comportements et de notre
responsabilité humaine à l’égard du reste du monde vivant et de l’environnement naturel.
1. 201
5. CONCLUSION
En conclusion, la très longue tradition éducative chrétienne dont se nourrit notre école
constitue aujourd’hui une ressource fondamentale pour affronter les défis du monde qui
vient. Profondément renouvelée et reformulée grâce à la discussion interne et au contact de
réalités nouvelles, elle puise dans ses intuitions fondatrices les orientations décisives d’un
projet culturel à la hauteur des enjeux de notre temps. Son cœur réside dans un humanisme
qui ne coupe pas la personne de ses liens, mais l’ouvre à ce qui la dépasse, la met en rapport
avec une nature qui la précède, une histoire qui la nourrit et des contemporains qui
l’accompagnent de la naissance à la mort. Cette tradition génère un projet d’ouverture
culturelle maximale, à la fois sensible, rigoureuse, rationnelle et critique. Il s’agit d’aller
vers l’universel, dans le respect des différences, en soutenant le pari de la complexité. Ce
projet culturel participe pleinement à l’aventure de sociétés démocratiques qui cherchent à
développer la liberté, l’égalité et l’autonomie collective, dans la visée du bien commun.
1. 202
19
Il s’agit de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme(1948), de la Convention de sauvegarde des
droits de l’Homme et des libertés fondamentales (1950) et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne (2000).
1. 203
primordiale.
Le principe associatif
La liberté de réunion et d’association constitue également un principe démocratique
fondamental. L’enseignement catholique repose sur l’association bénévole de personnes et
de collectifs issus de la société civile, qui se regroupent librement et organisent les
établissements scolaires. Il compte près de 800 établissements, et 10 000 bénévoles qui s’y
activent. Nos écoles portent ainsi un témoignage éclatant de la puissance d’association de
la société civile de notre pays.
L’école catholique constitue une communauté de vie dans laquelle de multiples acteurs
s’associent de manière à faire vivre un projet éducatif. Elle travaille à la création d’une
culture scolaire commune, et à ce titre encourage de multiples formes d’associations entre
ses membres.
Les établissements se fédèrent entre eux et au sein de leur fédération, le Secrétariat général
de l’Enseignement catholique (SKU pour la Communauté germanophone). Celui-ci exerce
trois grandes missions au service de ses membres : leur représentation auprès des autorités
publiques, l’organisation de différents services de soutien aux écoles et l’animation du
projet propre de l’enseignement catholique.
L’enseignement catholique entend promouvoir l’engagement actif de chacun dans les défis
de l’éducation. Les parents représentent des partenaires fondamentaux et permanents. Ils
se regroupent en associations présentes à tous les échelons de notre organisation.
Dans la mesure de leurs capacités, la place des élèves est reconnue au sein de
l’établissement. Les pouvoirs organisateurs sont composés des acteurs collectifs ou
individuels qui portent le projet pédagogique de l’établissement.
Le principe de subsidiarité
Le rapport entre les établissements scolaires et l’Etat, doit être régi par un principe de
subsidiarité. Celui-ci demande que les décisions soient prises, dans la mesure du possible,
à l’échelon le plus bas. Il s’agit d’assurer tant la légitimité des décisions que l’efficacité de
leur mise en œuvre. Chaque instance est donc investie d’une autonomie et d’une
responsabilité aussi larges que possible.
Ce principe de subsidiarité appelle naturellement la reconnaissance d’un principe de
complémentarité : chaque instance reconnaît l’apport des autres niveaux de régulation.
L’enseignement catholique reconnaît pleinement le rôle régulateur de l’Etat, garant de
l’intérêt général. Il attend de celui-ci le respect et la promotion des principes
démocratiques fondamentaux rappelés ci-dessus, dans un cadre garantissant l’autonomie,
l’initiative et la responsabilité des établissements reconnus. Dans sa structure interne
également, le réseau de l’enseignement catholique épouse les principes de subsidiarité et
de complémentarité. Les objectifs particuliers des établissements s’articulent aux visées
générales du réseau, tout en les alimentant et les transformant.
1. 204
PROJET D’ÉTABLISSEMENT
I. ÉDUCATION A LA CITOYENNETÉ
Action 3
La vie en commun suppose qu’élèves, parents, enseignants, éducateurs et membres du
personnel créent un climat de convivialité et de dialogue où la violence est exclue, où les
différences sont respectées, où la politesse et la courtoisie se marquent au quotidien. La
formation des éducateurs, des professeurs et des élèves à la lutte contre la violence fait
partie de cette perspective.
1. 223
Action 4
L’apprentissage de la citoyenneté en se voyant confier la responsabilité de son local classe
tant en ce qui concerne son esthétique, sa propreté que sa consommation énergétique, est
une caractéristique du collège. On fera en sorte que les élèves voient dans l’exercice de
cette responsabilité une étape primordiale de l’édifice de la société solidaire promue par le
projet d’établissement. Cette solidarité veillera à s’étendre à la bonne gestion des lieux
communs, tels la cour, le réfectoire, le CCM, les salles d’étude…
L’éveil de l’intérêt des élèves aux questions écologiques et leur prise en compte passe par le
souci d’éviter les gaspillages de tous ordres, par l’attention à la propreté et à
l’embellissement des lieux de vie, par le tri des déchets. Cette attention relève de toutes et
de tous ; c’est aussi une manière de respecter le travail du personnel de maintenance et du
personnel d’entretien
2. Éducation à la communication
Action 5
Le dialogue entre les différents acteurs de la vie du Collège est une manière d’éduquer à la
communication notamment par la création et la mise à jour de panneaux d’information, par
des informations ponctuelles, par la formation spécifique à la communication.
Action 6
Les éducateurs, les professeurs et les élèves s’engagent dans des projets de classe et de
niveau
- qui donnent du sens à l’apprentissage scolaire
- qui favorisent l’interdisciplinarité
- qui ouvrent aux dimensions culturelles, humanitaires ou sociales
- qui rassemblent élèves, éducateurs et professeurs et suscitent l’investissement du
plus grand nombre.
Les éducateurs, les professeurs et la direction favorisent la formation à la gestion de
projets. La direction soutient l’organisation du travail interdisciplinaire.
2. Développement personnel
Action 7
Les éducateurs, les professeurs et les élèves sont attentifs à s’engager dans la formation à la
communication et à l’expression.
Action 8
L’école affiche une volonté de permettre aux élèves d’utiliser le plus souvent possible le
centre cybermédia et toutes ses annexes afin de combler en temps de travail efficace une
grille horaire à 29 heures, des temps de midi, des heures de fourche imprévues…
Les éducateurs, les professeurs et les élèves développent l’autonomie scolaire par l’initiation
aux procédures
1. 224
de gestion du stress
de prise de notes
d’auto-évaluation
Action 9
La communauté scolaire révèle les talents des élèves pour en susciter l’expression et le
partage.
3. Éducation au choix
Action 10
La communauté scolaire aide l’élève à se construire une image positive de lui-même
Par degré, les PIA, les bulletins sur deux ans, les informations d’orientation et tout ce qui
relève du projet personnel…
permettent à l’élève de se constituer un projet à long terme
l’invitent à poser et à finaliser des choix cohérents en fonction de ses goûts et
de ses aptitudes, notamment en veillant à une évaluation prospective.
Action 11
La communauté scolaire offre aux élèves les moyens d’accéder à une information claire
et complète sur les options organisées dans les études secondaires et supérieures.
Action 12
Les professeurs et la direction proposent des options :
- qui développent des capacités cognitives générales
- qui équilibrent les matières
- qui stimulent le sens critique et l’esprit humaniste
- qui autorisent l’éclairage pluridisciplinaire.
Les mots-clefs d’autonomie et d’ouverture qui sous-tendent les axes définis dans ce projet
d’établissement se retrouveront dans les différents projets liés à l’élaboration d’un Centre
Cybermédia et au développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la
communication au Collège.
Grâce à ces outils, les élèves auront la possibilité, soit individuellement, soit en groupe
classe, de naviguer sur le réseau Internet et d’utiliser les moyens multimédia pour
chercher de l’information et pour réaliser, grâce à des outils informatiques de pointe des
travaux personnels ou de groupes sous diverses formes (texte, pages Web, CD-ROM,
vidéo,...) et cela dans le cadre d’une pédagogie centre sur l’apprenant et son autonomie.
Ces nouvelles technologies de l’information et de la communication permettront
d’améliorer la communication à l’intérieur du Collège et vers le monde extérieur et ainsi
d’aider élèves, éducateurs, professeurs et parents dans leur démarche éducative.
Action 13
La direction veille à encourager les formations diverses des professeurs ayant trait à
1. 225
V. PARTENARIAT PEDAGOGIQUE
Action 22
2. l’échange de documents pédagogiques
Action 23
3. des formations d’enseignants en commun
Action 24
4. des visites d’élèves du primaire dans le secondaire
Action 25 :
5. accueil des enseignants du secondaire au fondamental, périodes de concertation entre
les équipes éducatives.
1. 227
Ce mémoire a pour thématique l’éducation aux valeurs morales et à la citoyenneté dans les
écoles primaires du réseau catholique en FWB. Les premières parties du mémoire se sont
articulées successivement sur la présentation contextuelle de l’histoire de l’enseignement
catholique, sur la situation du réseau catholique dans le système scolaire belge et sur la mise
à plat de la littérature scientifique en circonscrivant les concepts clés (valeurs, citoyenneté,
compétence, minimalisme et transversalité) devant nous permettre de situer notre propos en
nous appuyant largement sur les recherches de Maeyer & Wynants (2016), de Prairat
(2019), de Galichet (1998), d’Ogien (2008).
Cette recherche à visée explicative et interprétative s’est réalisée au travers d’une analyse de
contenu en deux phases. Nous avons d’abord soumis les documents publiés par le SeGEC à
l’analyse actancielle (Greimas, 1966) pour ressortir les rôles de tout un chacun des acteurs
engagés dans les établissements catholiques. Nous avons ensuite analysé la communication
du SeGEC grâce aux fonctions du langage de Roman Jakobson (1960) et montré l’idéologie
sous-jacente. Nous avons en outre décortiqué les documents publiés par le SeGEC à
destination de toutes les écoles de l’enseignement catholique pour répondre à notre question
de départ « Le SeGEC promeut-il une éducation aux valeurs et à la citoyenneté ? Si Oui,
quelles valeurs et quel modèle de citoyenneté ? Comment cette éducation est-elle appliquée
dans les communautés éducatives catholiques ? » Nous avons enfin été voir si les projets
d’établissements catholiques choisis au hasard reprenaient ou suivaient ou non les
recommandations et la conception du SeGEC en matière d’éducation aux valeurs morales et
à la citoyenneté.
Notre analyse nous a permis de constater que le SeGEC promeut de façon explicite une
éducation aux valeurs et à la citoyenneté. Sa position à ce sujet n’a cessé d’évoluer depuis
1975, année où fut publiée la fameuse « Spécificité de l’enseignement catholique». Les
valeurs à promouvoir sont citées in extenso et comme modèle de citoyenneté privilégié, le
modèle familial qui était à l’œuvre au sein des établissements catholiques tend à laisser plus
de place au modèle de discussion. En outre, nous avons pu constater que certains reprennent
à la lettre les injonctions émises par le SeGEC alors que d’autres font un travail d’adaptation
de ces injonctions en tenant compte des publics et de leurs milieux respectifs. Enfin, comme
aucun cours n’est dédié spécifiquement à cette tâche, tous les membres de la communauté
éducative sont appelés à participer de façon interdépendante à l’éducation aux valeurs et à la
citoyenneté.
Ce mémoire offre plusieurs perspectives de recherche dont deux (une qualitative avec des
entretiens et une autre quantitative avec des questionnaires et des analyses statistiques) nous
semblent plus intéressantes et porteuses. Elles répondraient à la question : Quelles sont les
représentations des enseignants par rapport à l’éducation morale dans les écoles du réseau
catholique de la FWB ?
1. 228