Conseil 1077 009 Antennes Relais2
Conseil 1077 009 Antennes Relais2
Conseil 1077 009 Antennes Relais2
ÉTUDE
LES ANTENNES-RELAIS
DEUXIÈME PARTIE : RÉGLEMENTATION ET JURISPRUDENCE
De nombreux textes ont été adoptés pour réglementer les ondes électromagnétiques. Malheureusement, en dépit de leur existen-
ce, les contentieux se sont multipliés ces dernières années. La protection sanitaire se concilie difficilement avec les enjeux
économiques et les progrès techniques. Cette opposition se retrouve au sein des juridictions judiciaires et administratives. Il
serait sans doute opportun de modifier les textes afin de les adapter au mieux à la réalité actuelle de cette matière.
Accompagnée d’un lexique et d’une présentation des acteurs institutionnels, la première partie de cette étude traite de l’historique,
des enjeux et de l’actualité des antennes-relais. Elle est téléchargeable sur <www.conso.net> en rubrique «Vos droits».
LA RÉGLEMENTATION
Deux textes encadrent l’implantation des antennes-relais : À noter également : sur renvoi de la Cour de cassation, la cour
– la loi no 96-659 du 26 juillet 1996 qui définit les procédures d’appel de Nîmes a considéré, dans un arrêt en date du 15 jan-
administratives réglementaires à respecter en vue de l’installa- vier 2008 2, que les dispositions protectrices des articles L. 121-21
tion d’une station de base de téléphonie mobile, et suivants du code de la consommation relatifs au démarchage
sont applicables au contrat d’installation de matériel de télé-
– le décret no 2002-775 du 3 mai 2002 qui transcrit en droit fran-
communications sur une propriété privée.
çais la recommandation européenne 1999/519/CE du 12 juillet
1999 réglementant l’exposition du public aux champs électro-
magnétiques. Le texte français définit des valeurs maximales
2. Une déclaration préalable auprès de l’Arcep
d’exposition du public. Une déclaration doit être déposée auprès de l’Autorité de régu-
lation des communications électroniques et des postes (Arcep),
conformément à l’article L. 33-1 du code des postes et des com-
A. L’installation des antennes-relais munications électroniques.
Aujourd’hui, 40 % des antennes-relais se situent sur des bâti-
ments, 40 % sur des pylônes, 15 % sur des châteaux d’eau et 5 % 3. Une autorisation de l’ANFR
sur diverses infrastructures (silos, phares…). Si l’émetteur installé dépasse 5 watts, conformément à l’arti-
L’installation d’antennes-relais est en principe soumise à : cle L. 43 du code des postes et des communications électro-
niques, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) doit délivrer
1. L’autorisation du propriétaire du terrain d’assiette une autorisation. Si la puissance est comprise entre 1 et 5 watts,
du projet une simple information de l’Agence est suffisante 3.
Il peut s’agir, par exemple, d’un bail de droit commun pour les
propriétés privées, d’une convention d’occupation ou d’une per- 4. Le respect de l’environnement
mission de voirie pour le domaine public. Selon l’article L. 45-1 du code des postes et des communica-
La cour administrative d’appel de Paris a en outre précisé, dans tions électroniques, «l’installation des infrastructures et des équi-
un arrêt en date du 7 avril 2005 1, que l’installation d’une antenne- pements doit être réalisée dans le respect de l’environnement et
relais sur le toit d’un immeuble en copropriété est soumise à de la qualité esthétique des lieux, et dans les conditions les moins
un vote à l’unanimité de l’assemblée générale. dommageables pour les propriétés privées et le domaine public».
—————
Les notes sont regroupées en dernière page du présent document.
L’impact des antennes-relais pour les maires interrogés est plus positif que négatif
D’une manière générale, estimez-vous que les antennes-relais de téléphonie mobile représentent…
oui non
Un élément très utile de l’aménagement du territoire 89 % 11 %
Un élément important pour le développement économique de la commune 73 % 27 %
Un élément qui contribue à la sécurité dans la commune 65 % 34 %
Un élément peu agréable dans le paysage 61 % 38 %
Une source de débat au sein du conseil municipal 42 % 58 %
Un risque de mobilisation des riverains 40 % 59 %
Un danger pour la santé des personnes vivant à proximité 24 % 65 %
Le niveau de préoccupation perçu par les maires interrogés est relativement faible
Pour chacun des sujets suivants, dites-moi si selon vous c’est quelque chose qui préoccupe vos administrés…
beaucoup assez (total beaucoup + assez)
La collecte et le traitement des déchets 62 % 29 % 91 %
La qualité de l’eau courante 60 % 27 % 87 %
La propreté des rues et des trottoirs 41 % 43 % 84 %
La qualité de l’alimentation dans les cantines scolaires 42 % 33 % 75 %
La qualité des espaces verts 33 % 42 % 75 %
Les antennes-relais de téléphonie mobile 33 % 24 % 57 %
Le désenclavement de votre commune 26 % 27 % 53 %
LES CONTENTIEUX
La justice joue le rôle d’arbitre pour trancher les contentieux liés relais pour exposition du couple demandeur au risque sanitai-
à l’implantation. Cependant, des divergences se sont créées entre re. L’opérateur a également été condamné à lui verser des dom-
les juridictions administratives et judiciaires. mages et intérêts. Le tribunal estime que «si les troubles de san-
Les juridictions judiciaires ont contribué à la limitation de l’ins- té constituent un préjudice dont le lien avec la proximité des
tallation des antennes-relais : à cette fin, plusieurs fondements antennes-relais reste à démontrer, le risque des troubles est, lui,
sont retenus par les juges. certain puisqu’il n’est pas contesté que les autorités préconisent
de faire application d’un principe de précaution ». Le tribunal
La Cour de cassation a considéré dès 1996 qu’un trouble visuel
considère que l’opérateur « ne démontre ni l’absence de risque,
peut constituer un trouble anormal de voisinage 7. Dans le pro-
ni le respect d’un quelconque principe de précaution ». La char-
longement de cette décision, le tribunal de grande instance de
ge de la preuve est désormais inversée : le défendeur doit té-
Vannes a condamné, en mars 2001, France Télécom à démonter
moigner de l’absence de risque en application du principe de
un pylône de téléphonie mobile en raison d’un trouble anor-
précaution, alors que la charge de la preuve du trouble de voi-
mal de voisinage subi sur le plan esthétique et environnemental.
sinage pèse sur le demandeur. L’existence de risque devient un
Le 7 janvier 2004, les juges de la cour d’appel de Paris ont consi-
préjudice certain, réparable et indemnisable. Certains auteurs
déré que l’installation d’une antenne-relais sur un immeuble
critiquent la décision : «parler de “risque certain” est une contra-
parisien à proximité d’une terrasse privative d’un immeuble voi-
diction in adjecto», car le risque est, par définition, éventuel, lié
sin, dès lors que l’antenne dominait la terrasse, apportait in-
au hasard, sa survenance est incertaine 11.
déniablement et objectivement un trouble visuel à ses occupants
et que l’opérateur, certes chargé d’une mission d’intérêt général, Le jugement a fait l’objet d’un appel. La cour d’appel de Versail-
ne démontrait pas que cet emplacement était le seul technique- les a rendu une décision novatrice en considérant, dans son arrêt
ment valable 8. en date du 4 février 2009, que «les intimés ne peuvent se voir ga-
rantir une absence de risque sanitaire généré par l’antenne-relais»
Dans le même but sanitaire, la cour d’appel d’Aix-en-Provence
implantée à proximité de leur domicile familial. Ils «justifient être
avait confirmé, le 8 juin 2004, une décision du tribunal de grande
dans une crainte légitime constitutive d’un trouble » qualifié en
instance de Grasse ordonnant à un opérateur de téléphone mo-
outre d’«anormal», car «le risque est d’ordre sanitaire». La cour
bile de déplacer son antenne-relais installée près d’une école
a condamné Bouygues Telecom à démonter l’antenne-relais fai-
primaire dans la mesure où il n’était pas possible de garantir
sant l’objet du litige afin de faire cesser «le préjudice moral résul-
aux personnes fréquentant cet établissement l’absence d’un
tant de l’angoisse créée et subie par les intimés». [Arrêt reproduit
risque causé par les antennes-relais 9.
en annexe, pages 7 et 8.]
Le 20 septembre 2005 10, la cour d’appel de Bordeaux a considéré
Cette décision fut contestée par l’Académie de médecine, qui
que «M. et Mme X… subissent par la vision journalière de ce poteau
considère que les juges ont tenu compte «de la prééminence du
un incontestable trouble anormal de jouissance, qu’il convient
“ressenti” du plaignant au détriment de l’expertise scientifique
d’indemniser ». Pour rendre cette décision, les juges ont retenu
et médicale 12 ». Jean-Philippe Feldman, professeur et avocat, s’in-
qu’«il apparaît donc que M. et Mme X… qui avaient choisi de faire
terroge sur le sens de l’expression « incertitude “sérieuse et rai-
construire leur maison à la campagne loin de tout modernisme
sonnable” ».
excessif se voient imposer journellement la vision de ce poteau.
Qui plus est, il convient de rappeler que les Landes sont une région À noter : l’arrêt rendu par la cour d’appel a fait l’objet d’un pour-
chaude où l’on vit dehors très souvent et que la pollution visuelle voi en cassation. La décision devrait être connue avant la fin de
subie est importante et totalement disproportionnée avec celle l’année 2010.
à laquelle pouvaient légitimement s’attendre M. et Mme X… En Les juges judiciaires ne reconnaissent pas formellement l’exis-
effet, il ne s’agit ni de l’implantation d’une maison voisine, ni tence d’effets causés par une antenne-relais. La cour d’appel de
même d’une tour de feu, ou de toute autre construction en bois Colmar a débouté, le 15 décembre 2008, une locataire qui avait
ou en pierre utile pour l’exploitation forestière, mais d’un pylône assigné son office HLM en raison de la présence d’une antenne-
brillant au soleil, d’autant plus incongru que si il y a des poteaux relais située à proximité de l’immeuble. Les magistrats ont alors
électriques sur la route, EDF, depuis la tempête de 1999 précisément considéré qu’il n’était pas établi que sa pathologie ait été causée
en zone forestière procède peu à peu à l’enfouissement des lignes». par la présence d’antennes-relais.
Le tribunal de grande instance de Toulon a ordonné, le 20 mars Le 16 février 2009, le tribunal de grande instance de Carpen-
2006, le déplacement d’un pylône de téléphonie mobile, pré- tras a condamné SFR à démonter une antenne-relais en raison
cisant : «il ne peut être imposé à un voisin, contre son gré, l’expo- de la « nuisance esthétique » et de « l’incertitude de son impact
sition à un risque même hypothétique, avec la seule alternative sanitaire 13 ».
de devoir déménager s’il se refuse à assumer ce risque». Cependant, Le troisième opérateur se voit également condamner le 5 mars
la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt en date du 2009. Le tribunal de grande instance d’Angers interdit à Orange
15 septembre 2008, est revenue sur le jugement en raison de d’implanter trois antennes-relais à proximité d’une école au nom
l’« absence de risque sanitaire établi ». du principe de précaution 14. Les juges qualifient les normes fran-
Le TGI de Nanterre a condamné Bouygues Telecom, dans une çaises de « particulièrement laxistes » et rappellent qu’elles ont
décision en date du 18 septembre 2008, à enlever ses antennes- été « dénoncées comme telles ».
« […] Le respect des normes : catégories de valeurs limites sont présentées : « les restrictions de
Considérant qu’il n’est pas contesté que l’installation en cause fonc- base », valeurs limites d’exposition aux champs électriques, ma-
tionne dans le respect des normes définies par le décret du 3 mai gnétiques ou électromagnétiques qui sont établies directement à
2002, que le relevé effectué le 1er juin 2006 par le docteur Pierre partir d’effets sur la santé avérés et «les niveaux de référence» dont
G… à la demande de M. et Mme X… fait apparaître que les « le respect garantit le respect de la restriction de base » ;
champs électriques efficaces (RMS) exprimés en volts par mètre Que ce guide précise n’être « fondé que sur des effets immédiats
(V/m) entre 19 heures et 19 heures 45 sont de 0,3 V/m à 1,8 V/m. sur la santé, tels que stimulation des muscles ou des nerfs péri-
Qu’il est ainsi établi que les intimés qui vivent au plus proche de phériques, les chocs et brûlures provoqués par le contact avec des
l’antenne implantée sur la commune de Tassin-la-Demi-Lune, ne objets conducteurs ou encore l’élévation de température des tis-
sont pas exposés à un risque lié aux effets thermiques des ondes sus sous l’effet de l’absorption d’énergie » ;
électromagnétiques ; Qu’il mentionne «en ce qui concerne d’éventuels effets à long terme
tels qu’une élévation du risque de cancer », que « l’ICNIRP a con-
L’allégation d’un trouble de voisinage ne peut être clu que les données scientifiques étaient insuffisantes pour servir
écartée par le respect des normes : de base à l’établissement de valeurs limites d’exposition » men-
tionnant pourtant « des recherches épidémiologiques qui ont ap-
Considérant qu’un trouble anormal de voisinage étant allégué, le
porté des éléments en faveur d’une association entre une expo-
respect des normes, la licéité de l’activité, son utilité pour la collec-
sition – à des densités de flux magnétiques très inférieures aux valeurs
tivité, ne suffisent pas à eux seuls à écarter l’existence d’un trou-
recommandées dans le présent guide, pour des champs de 50-
ble ;
60 Hz-et effets cancérigènes » ;
L’existence d’un risque sanitaire : Considérant que la préconisation en 2001 de mesures destinées
à parer à un éventuel risque non encore prouvé, en raison de l’ab-
Considérant qu’en l’espèce, les demandeurs en première instance sence de résultats scientifiques, laissait la discussion totalement
font plus particulièrement état d’un risque sanitaire induit par une ouverte en ce qui concerne l’existence des effets non thermiques
exposition aux effets non thermiques des ondes électromagnétiques des ondes électromagnétiques et que le décret de 2002 exerce une
et notamment à l’exposition aux ondes comportant des fréquen- contrainte permettant d’éviter les effets sanitaires délétères
ces de récurrence d’extrême basse fréquence dites ELF produites « scientifiquement établis », soit dans la gamme des radiofréquen-
de manière discontinue par brèves saccades, dite pulsées ; ces, « certains effets dus à l’échauffement » ;
3 Arrêté du 17 décembre 2007 pris en application de l’article R. 20-44-11 du code des postes et des communications électroniques et relatif aux conditions
11 Jean-Philippe Feldman, « Le trouble voisinage du principe de précaution », Dalloz 2009, page 1369.
18 CA Aix-en-Provence 4e ch., 2 octobre 2009, no 07-21 120 ; allant dans le même sens que CA Paris, 7 mai 2002, no 01-4 367 et CA Paris, 7 janvier 2004,
no 03-2 301.
19 Voir par exemple TA Marseille, 9 mars 2004, no 023527.
20 Conseil d’État, 22 août 2002, nos 245 624, 245 625 et 245 627.
Document mis à jour le 2 mars 2010. Supplément au no 9 de Conso Info. ISSN en cours.
Une publication de l’Institut national de la consommation – 80, rue Lecourbe – 75732 Paris cedex 15.