Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

Vodu Terres Cuites Et Cultes Vodoun Roger Brand

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 146

TERRES CUITES

ET

CULTES VODOUN
Analyse ethno-esthétique des statuettes du Modeleur Asogba

Période Coloniale : 1920-1930


Roger BRAND
Ethnologue

1
Titre original lors de sa parution en 1972

Yesufu Asogba - modeleur dahoméen

Étude ethno-esthétique sur des statuettes


en terre cuite
(ANTHROPOS. Volume 67. 1972 : 337-387 & 736-770 + 5 planches, 66 figures).

Summarium. - In the beginning of this century there lived in Dahomey a modeller whose
name was Yesufu Asogba. He belonged to the Yoruba-Nago, tribe and spent his floruit (7916-30) in
Porto-Novo. In the present study 68 terracottas which were modelled and baked by Asogba and
which now belong to different museums and private ,collections in Europe have been analysed.
First a diachronie classification of the total of the works of the artist will be established from the
aesthetic point of view. Then 68 statues will be identified and described ethnographically. These
statues represent men and women who live with their Vodun or deified Powers in a secret society,
who have political and religious responsibility, and who participate in a specific way in social life.
Probably Asogba wanted to portray his own society by these statues, but his own people neither
accepted him nor his art. Among Europeans, however, he was appreciated very soon already.
Through his art Asogba actually formed a connecting link between African and European culture.

Sommaire

Introduction

PREMIÈRE PARTIE

I. Les problèmes de l'objet dans une société à tradition orale


II. Problèmes et méthodes de recherches ethnographiques
III. La personnalité de l'artiste

DEUXIÈME PARTIE

IV. Critique de ce qui a été dit sur ces statuettes


V. Analyse morphologique
VI. Définitions des lois pour la formation des séries et des groupes

TROISIÈME PARTIE

VII. Essai de définition de ce que sont les Vodun


VIII. Description des figurines
Conclusion

2
Bibliographie

ABRAHAM, R. C.
1958 Dictionary of Modem Yoruba. London. Univ. Press.
AKINDÉLÉ, A, et C. AGUESSY
1953 Contribution à l'histoire de l'ancien royaume de Porto-Novo. Mémoire d'IFAN, 25. Dakar.
ALAPINI, J.
1953 Les initiés. Avignon. Aubanel.
AUPIAIS, F.
1926 L'étude des proverbes. (La Reconnaissance Africaine, 25.)
1939 Emblèmes et chants. [Document dactylographié.]
BALANDIER, G.
1955 Sociologie actuelle de l'Afrique noire. Dynamique des changements sociaux en Afrique
centrale.Paris. Presses Universitaires de France.
1957 Afrique ambiguë. Paris. Plon.
BARREAU (R. P.)
s. a. Au royaume de Porto-Novo, Adjara, coutumes. Archives des Missions Africaines,
Lyon. [Texte manuscrit.]
BAUDIN, N.
1884 Fétichisme et féticheurs. Lyon.
BAUMANN, H. et D. WESTERMANN
1962 Les peuples et les civilisations de l'Afrique. Paris. Payot.
BAYARD, E.
1931 L'art de reconnaître les styles coloniaux de la France. Paris. Garnier.
BEIER, U.
1963 African Mud Sculpture. Cambridge. Univ. Press.
BERNOLLES, J.
1966 Permanence de la parure et du masque africains. Paris. Maisonneuve et Larose.
BERTHO, J.
s. a. La science du destin chez les noirs du Dahomey. Archives des SMA, Lyon.
[Texte dactylographié.]
BOAS, F.
1955 Primitive Art. New York. Douer Publ.
CARROL, K.
1967 Yoruba Religious Carving. London. Chapman.
COLLECTIF
1884 Essai de grammaire en langue Yoruba. Lyon. Missions Africaines.
1968 Ethnologie générale. Paris. Gallimard.
1996 Pour une reconnaissance africaine. Dahomey 1930. Boulogne-Billancourt.Musée Albert-
Kaln.
CORNEVIN, R.
1962 Histoire du Dahomey. Paris.
DELAFOSSE, M.
1927 Les nègres. Paris. Laurens.
DELANGE, J.
1967 Arts et peuples de l'Afrique noire. Paris. Gallimard.

3
DESRIBES (Abbé)
1877 L'évangile au Dahomey, histoire des Missions Africaines de Lyon. Clermont-Ferrand.
DUNGLAS, E.
1953 L'histoire dahoméenne de la fin du XIXe siècle à travers les textes. Etudes Dahoméennes 9.
DURAND, G.
1960 Les structures anthropologiques de l'imaginaire. Introduction à
l'archétypologie générale. Paris. Presses Universitaires de France.
FAGG, W.
1962 Merveilles de l'art nigérien. Paris.
1965 Sculptures africaines. Paris. Hazan.
FALCON, P.
1964 Religion du Vodun et superstition (au Dahomey-Sud). Toulouse. [Thèse.]
FOA, E.
1895 Le Dahomey, histoire. Paris. Hennuyer.
FRANÇOIS, A.
1904 Le royaume de Porto-Novo. Paris.
1906 Notre colonie du Dahomey. Paris.
FROELICH, J. C.
1953 Catalogue des scarifications en usage chez certaines populations du Dahomey
et du Nord-Togo. (Mélanges Ethnologiques, Mémoire d'IFAN, 23.) Dakar.
CABUS, J.
1967 Art nègre. Neuchâtel. La Bâconnière.
GRIAULE, M.
1947 Arts de l'Afrique noire. Paris. Chêne.
HARDY, G.
1927 L'art nègre. L'art animiste des Noirs d'Afrique. Paris. Laurens.
HARGINDEGUY (R. P.)
1969 Dictionnaire Adja-Français. [Document dactylographié.] Lyon.
HAZOUMÉ, P. .
1938 Doguicimi. Paris. Larose.
HERSKOVITS, M. J.
1958 Dahomean Narrative. Evanston. University Press.
1959 Backgrounds of African Art; Vol. 1. New York. Denver Art Museum.
1966 Dahomey, an Ancient West African Kingdom; Vol. 2. Evanston. University Press.
JOHNSON, S.
1966 The History of the Yoruba. Lagos. CMS Bookshops.
KITI, G.
1937 Rites funéraires des Goun (Dahomey). Anthropos 32: 419-434.
LAFITTE (Abbé)
1876 Dahomé, souvenirs de voyages et de missions. Lyon.
LAVACHERY, H.
1956 La statuaire de l'Afrique noire. Neuchâtel. La Bâconnière.
LE HÉRISSÉ, A.
1911 L'ancien royaume du Dahomey: moeurs, religion, histoire. Paris. Larose.
LEROI-GOURHAN, A.
1945 Milieu et technique. Paris. Albin.
1967 L'art sans écriture. [Cours professé à la Sorbonne.]
LÉVI-STRAUSS, C.
1962 Le totémisme aujourd'hui. Paris. Presses Universitaires de France.
LOBSIGER-DELLENBACH, M.
1945 Figurines en terre modelée du Dahomey. Archives Suisses d'Anthropologie
Générale (Genève) 11: 215-238.

4
LUCAS, J. O.
1948 The Religion of the Yoruba. Lagos. CMS Bookshops.
MAUPOIL, B.
1961 La géomancie à l'ancienne Côte des Esclaves. Institut d'Ethnologie, N° 42 Paris.
MERCIER, P.
1950 Note sur le peuplement Yoruba au Dahomey-Togo. Btudes Dahoméennes 4: 29-40.
1951a Images de l'art animalier au Dahomey. Etudes Dahoméennes 5: 93-103.
1951b Evolution de l'art dahoméen. Présence Africaine 10-11: 185-193.
1952 Les ase du Musée d'Abomey. Catalogues de l'IFAN. Dakar.
1954a The Fon of Dahomey. African World : 210-234.
1954b Cartes ethno-démographiques de l'Afrique occidentale. (Feuilles, 5.) Dakar. IFAN.
MERCIER, P et L. LOMBARD
1959 Le guide du Musée d'Abomey, Porto-Novo. Porto-Novo. IFAN.
MERLO, C.
1940 Hiérarchie fétichiste de Ouidah. Bulletin de l'A.O.F. 2/1-2.
1966 Un chef-d'oeuvre d'art nègre. Le buste de la prêtresse; vol. 1: Paris. Archée.
MERLO, C.et P. VIDAUD
s. a. Dangbé. Du python sacré dahoméen au mythe universel du serpent.
[Manuscrit dactylographié.]
MERWART, E.
1922 L'art dahoméen. Marseille. Exposition.
1931 Archéologie africaine négritique. Les royaumes pré-dahoméens à
la Côte des Esclaves. Fontainebleaux..
MONDJENNAGNI, A.
1963 Quelques aspects historiques, économiques et politiques de la frontière
Dahomey-Nigéria. Btudes Dahoméennes n.s. 1: 17-57.
MONNEY, J.
1941 La vie profonde des Houedas. Lyon. Missions Africaines.
PARRINDER, G.
1953 Religion in an African City. London.
PAULME, D.
1956 Sculpture de l'Afrique noire. Paris. Presses Universitaires de France.
1962 L'art sculptural nègre. Paris.
PAULME, D.et J. BROSSE
1956 Parures africaines. Paris. Hachette.
DE PEDRALS, D.-P.
1949 Manuel scientifique de l'Afrique noire. Paris. Payot.
PERROIS, L.
1966 Note sur une méthode d'analyse ethno-morphologique des arts africains.
Cahiers d'Études Africaines (Paris) 6 (21) : 69-85.
RÉAL, D.
1920 Notes sur l'art dahoméen. L'Anthropologie (Paris) 30.
RENARD
1863 Lettre. Archives des Missions Africains, Rome.
RENAUD, C. et A. AKINDÉLÉ
1953 La collectivité actuelle chez les Goun du royaume de Porto-Novo.
Bulletin de l'IFAN (Dakar) 15: 1690-1709.
RETEL-LAURENTIN, A.
1968 Oracles et ordalies chez les Nzakara. Paris. Mouton.
SCHAEFFNER, A.
1936 Origine des instruments de musique. Paris. Payot.
SEGUROLA (R. P.)
1963 Dictionnaire Fon-Français. Cotonou. [Document dactylographié, librairie. Notre Dame.]
TALBOT
5
1944 The Background of Art. London. Nelson.
TARDITS, C.
1958 Porto-Novo. Les nouvelles générations africaines entre leurs traditions et l'Occident.
Paris. Mouton.
TERRAY, E.
1969 Le marxisme devant les sociétés primitives. Paris. Maspéro.
VAN GENNEP, A.
1919 Religion, moeurs et légendes; série 5. Paris. Mercure de France.
VERGER, P.
1957 Notes sur le culte des Orisa et Vodun à Bahia, la baie de tous les Saints, au Brésil et à
l'ancienne Côte des Esclaves en Afrique. Dakar. Mémoire d'IFAN, 51.
1958 Note on the Bas-Reliefs in the Royal Palaces of Abomey. Odû 5: 3-13.
1964 The Yoruba High God. A Review of Sources. In: A Page for the Conference on the High
God in Africa. University of Ife.
WATERLOT, G.
1926 Les bas-reliefs des bâtiments royaux d'Abomey. Paris. Institut d'Ethnologie.
WILLIAMS, J.
1932 Voodos and Obeals. New York. Dial Press.

Films

Fétichisme et sorcellerie à la Côte des Esclaves. Dans une émission à la télé-


vision, novembre 1953.
AUPIAIS F.
Cérémonies fétichistes dites ahundida à Bohicon chez le chef féticheur, Ton-
gedo. Archives Missions Africaines, Lyon.
Fétichisme et sorcellerie. Archives Missions Africaines, Lyon.
Etude du cérémonialisme dans les religions primitives. Archives Missions
Africaines, Lyon.

6
Introduction

L’étude se limite à la région de Porto-Novo où vivent les ethnies Yoruba, Fon et Gun. Les
deux groupes essentiels de cette région sont les Gun ou Djedje que R. CORNEVIN groupe sous le
nom d'Adja-Fon et les Yoruba, généralement appelés Nago ou Anago au Dahomey 1. Il y eut dans
cette région un ensemble de facteurs, allant dans le sens d'un brassage de races de plus en plus
intense, qui ont joué successivement. Les guerres entre les gens de Lagos, d'Ifé, d'Ibadan et du
Dahomey ont amené une immigration des gens du Nigéria vers le Dahomey. De plus, les Yoruba
ont amené avec eux leurs Orisa ou Vodun 2 d'où pour nous la difficulté de connaître l'origine réelle
de tel Vodun car ils se sont mélangés avec les Vodun des Hueda et des Adja qui fondèrent le
royaume de Porto-Novo3 .
Le royaume était limité au nord par la lagune de Djoffin, au sud par la lagune de Porto-
Novo, la région de Ouenta et l'océan atlantique, à l'est par la lagune d'Adjara, à l'ouest par la région
contiguë aux villages d'Abomey-Calavi, Godomey et Zinvié, qui dépendaient d'Allada.
L'origine des rois de Porto-Novo est très complexe et plusieurs traditions la relatent avec de
nettes divergences. Il semble que les rois de PortoNovo soient les descendants de Dassas, deuxième
roi d'Adja-Tadô 4.
Les Yoruba-Nago, les Gun et les Fon, malgré leurs divergences linguistiques, constituent
une communauté vivant les mêmes croyances: les Vodun ou Orisa. La vie religieuse des gens se
concrétise par de belles cérémonies publiques et secrètes. La plupart des divinités sont
matérialisées, du moins, disons plus justement, que la présence de telle divinité, Vodun, est
matérialisée dans des objets: statuettes anthropomorphes, zoomorphes, ou objets tels les pots en
terre cuite, et même dans des objets des plus disparates. Nous avons donc entrepris de faire une
étude des Vodun à travers les objets touchant ces cultes. Cette recherche comprend non seulement
l'orientation fonctionnaliste de ces objets mais aussi la valeur esthétique dont ils sont porteurs.
Travail ardu, car, dans ces ethnies, la beauté, l'efficacité sont liées d'une telle façon que l'objet n'a de
sens que s'il est vu comme efficace et comme beau à la fois; d'où, pour nous, la nécessité de faire
une recherche portant sur la charge esthétique de tel objet en rapport avec la charge émotionnelle et
sociale qu'il porte en lui-même.

1
CORNEVIN (1962: 199s.) écrit: «Les Adja, Aïzo, Fon, Goun, Houéda, Houla... constituent un ensemble culturel très
homogène. La langue est assurément plus nasalisée chez les Adja et les Fon, mais le vocabulaire reste très proche. »
2
Orisa en Yoruba et Vodun en Fon signifient divinité.
3
AKINDÉLÉ et AGUESSY (1953: 1) ont relaté la naissance de celui-ci: «Porto-Novo naquit de la fusion de deux anciens
villages, Aklon à l'est, au nord de la lagune Nonhouêgbo, et Djassin, au nord-ouest de la ville actuelle. Les émigrés qui, venus
d'Allada, se sont installés dans le pays, lui ont donné le nom d'Hogbobou. Les Yoruba, venus de l'est, l'ont nommé Adjatché.
Le portugais Eucaristus de Campos, négrier de la Côte d'Afrique, qui y trouva un débouché nouveau pour son commerce, le
nomma PortoNovo. »
4
" Un récit recueilli à Adjara par BARREAU (s.a.: 3-5) est très révélateur à ce point; il semble expliquer la fuite de certaines
populations vers le nord de Porto-Novo et le mélange qui existe dans cette vallée.
7
Nous avons trouvé des statuettes africaines en terre cuite qui n'ont aucune fonction dans les
traditions Gun et Yoruba de la région de Porto-Novo. Et pourtant, elles portent sur elles la vie de
ces deux ethnies 5. D'où cette étude ethno-esthétique que nous entreprenons. Mais avant de définir
ce que comportera notre analyse, faisons un tour d'horizon des problèmes esthétiques de l'art nègre
et spécialement de l'art dahoméen.
L'art dahoméen produit des bois sculptés, des statues en argile ou en cuivre, des tissus sur
lesquels sont cousues des figures. Mel. HERSKOVITS s'est attaché a faire une étude esthétique des
objets produits au Dahomey:

5
GABUS (1967: 16) écrit: «Chaque objet est témoin de quelque chose: histoire, technique, formes, fonctions et souvent de
plusieurs choses à la fois sinon de toutes et cela à des degrés divers. Ils nous parlent du sol, des matériaux: bois, écorce, ivoire,
bronze; des techniques des morts et des vivants; des esprits. Chaque objet est un instant de la vie».
8
« What of the art forms of Dahomey? As elsewhere in West Africa, the aesthetic drive finds
expression not only in graphie and plastic arts, but in music, the dance, and a wide range of oral
literature. Wood-carving is the most democratic of these art forms, because it is the only one that
can be practised without formal training. For though carving is a recognized profession, there are
many men who carve because of their love for the art, and as an incident to other concerns. Ivory
carving is done but rarely today because of the gradual extinction of the elephant. Brass-carving,
brass-casting, carried on by special groups of metal-workers, has received mention, but it might be
pointed out that, servers in line and without embellishment, is fashioned with as much awareness of
artistic form and stylisation as the most. carefully executed piece of brass or woodcarving. Clay-
modelling takes the form of bas-reliefs on the compound walls of men position» (HERSKOVITS
1959: 40, note 1).

Puis Ch. MERLO, dans sa courte mais intéressante étude sur «le buste de la prêtresse»
aborde réellement les problèmes stylistiques de toutes les productions en bois de la région
d'Abomey et de Porto-Novo.
S'il y a un essai d'approche esthétique des objets africains il n'en reste pas moins que la
plupart des auteurs écrivant sur les objets en question n'en demeurent qu'au stade des descriptions
générales et surtout empreintes d'un vocabulaire européen qui ne rend pas compte de la pensée et de
la vie d'un africain. En effet, les objets ne sont vus qu'à travers leur rôle dans la vie religieuse. C'est
ce qui fait écrire à Ul. BEIER (1963: 6) : «The creation of a piece of sculpture is in itself a religious
act. Its completion and dedication may cause great joy. I have seen people dancing and singing for a
new work of art - but its merits as art are not normally discussed. »
Notre étude sur des statuettes en terre cuite va dans le sens de l'affirmation de Ch. MERLO
(1966: 32) : «... c'est l'esthétique qui doit avoir le dernier mot quand l'oeuvre le permet. »
Nous constatons que les oeuvres en terre cuite sont délaissées au profit des autres pièces en
matière dite noble. Il semble que les terres cuites soient peu étudiées parce qu'elles sont rares 66.

Seul Em. WATERLOT, dans une étude sur les bas-reliefs (1926: 1), aborde les problèmes
des arts en terre et dit: «Une des plus belles productions artistiques des peuples de la côte
occidentale de l'Afrique est sans doute les bas-reliefs polychromés ornant les bâtiments de
l'ancienne résidence royale du Dahomey à Abomey. » II ne fait pas une réelle étude esthétique de
ces bas-reliefs mais plutôt une étude ethnographique en donnant la signification des figures.
Pourquoi la terre est-elle délaissée? Il semble que les Européens préfèrent une matière plus
noble que la terre, tel le bois, le fer, l'ivoire. Ulli. BEIER (1963: 9) écrit avec raison: «Mud is, of
course, the cheapest and most readily available material. »
Nous avons remarqué que l'emploi de la terre, au sud-Dahomey et au Nigéria occidental,
était fréquent mais seulement dans des conditions assez déterminées. Ainsi, seules les potières
avaient le droit de pétrir la terre pour faire des pots soit pour la consommation courante soit pour les
pots servant dans les cultes des Vodun ou Orisa.
L'homme ne touchait la terre que pour construire une case et quelquefois lors de l'érection
d'un Vodun en terre, qui était faite par un Vodunon, aidé de Vodunsi 7.
Ainsi nous comprenons mieux le peu d'objets en terre qui nous soient parvenus. Mais nous
comprendrons davantage le statut de l'artiste qui a produit ces figurines. Nous remarquerons la
personnalité marginale de cet artiste du seul fait qu'il ait produit des statuettes en terre qui
reproduisaient la vie des Vodun, des personnalités religieuses et politiques des ethnies Yoruba et
Gun de la région de Porto-Novo.

6
PAULME (1956: 16) dit avec raison que les statues en terre sont rares et ajoute: «Notons enfin que les oeuvres d'art africaines les
plus anciennes aujourd'hui connues sont de petites terres cuites anthropomorphes ou zoomorphes, d'une surprenante autorité,
trouvées dans une mine d'étain aux environs de Jos... Ces pièces appartiennent à la civilisation dite de Nok, la géologie leur
assigne comme date la seconde moitié du premier millénaire av. J.-C. »
7
7 Le mot Vodunon signifie le maître du Vodun. - Le mot Vodunsi signifie toute personne consacrée à un Vodun.

9
L’étude comprendra trois parties: la première situera les problèmes de l'objet dans une
société à tradition orale; elle posera des problèmes de méthodes et de recherches ethnographiques et
analysera la personnalité de l'artiste. La deuxième partie, après une étude critique de ce qui a été dit
de ces figurines, formulera une classification diachronique de la production de l'artiste à travers une
étude esthétique. La troisième partie donnera une étude ethnographique découlant de l'appréhension
de ces statuettes en terre cuite.

PREMIÈRE PARTIE

I. Les problèmes de l'objet dans une société à tradition orale

Nous nous sommes penchés sur le problème de la culture matérielle des sociétés à tradition
orale et spécialement des ethnies Yoruba, Fon, Gun du sud-Dahomey et du Nigéria.

1. Le problème de l'objet dans une culture

Nous pensons que la culture matérielle, l'objet, peut nous permettre d'approcher une autre
culture et particulièrement à travers l'objet esthétique. L'objet esthétique se définit par son insertion
dans l'homme et dans le monde; il est une médiation entre l'homme et le monde. L'objet esthétique
devient un point «remarquable» ou marquant de la société, de la réalité vécue, un noeud de la réalité
éprouvée, un acte totalisant, à la fois objectif et subjectif du réseau de la vie humaine insérée dans le
monde. Mais chaque culture sélectionne ou plutôt met des barrages à des actes ou à des objets de
peur que ceux-ci ne deviennent un point remarquable de la réalité vécue. Il nous apparaît que l'objet
esthétique devient lui même un monde qui renvoie à l'homme et à la nature selon un dynamisme
permettant de dépasser les limitations imposées par la culture et la société. G. DURAND (1960:
315)
«Pour cela il faut nous placer délibérément dans ce que nous appellerons le trajet
anthropologique, c'est-à-dire l'incessant échange qui existe au niveau de l'imaginaire entre les
pulsions subjectives et assimilatrices et les intimations objectives émanant du milieu cosmique et
social... Finalement, l'imaginaire n'est rien d'autre que ce trajet dans lequel la représentation de
l'objet se laisse assimiler et modeler par les impératifs pulsionnels du sujet, et dans lequel
réciproquement, les représentations subjectives s'expliquent par accomodations antérieures du
sujet' au milieu objectif.»

Voilà donc, dans quel esprit, nous avons entrepris l'étude des objets en général et aussi des
objets esthétiques. Cette démarche que G. DURAND décrit nous la retrouverons dans cette étude
particulière.

2. Le choix de ces statuettes

Nous avons découvert deux séries de terres cuites très intéressantes non seulement sur le
plan esthétique mais aussi sur le plan ethnographique. Nous avons remarqué que ces pièces ne
correspondaient pas aux appellations traditionnelles des objets «stockés» dans les musées: c'est-à-
dire objets servant à... Ces terres cuites, tout en n'ayant aucune fonction dans les sociétés Fon, Gun
et Yoruba-Nago, nous donnent la vie des gens, de la société religieuse et sociale, et sont lisibles
dans la catégorie du beau.
Le gouverneur E. MERWART affirme la valeur de ces pièces lors d'une exposition qu'il fit
en 1922 à Marseille: «L'oeuvre d'Asogba mérite manifestement d'être encouragée, pas seulement au
plan artistique, mais aussi eu égard à l'intérêt qu'elle présente pour l'ethnographie africaine» (1922:
17).

10
II. Problèmes et méthodes de recherches ethnographiques

Pour l'étude de ces statuettes, nous fûmes amenés à nous poser un certain nombre de
questions: d'où viennent-elles? qui les a faites? y-a-t-il d'autres statuettes du même genre? que
représentent-elles? De là, nous avons formulé une méthode de recherche appliquée à cette étude.

1. Méthode pour l'identification ethnographique en Europe

Une première série de questions furent posées et étudiées en Europe. Que sont ces
statuettes? D'où viennent-elles? Qui les a faites? Cette série de questions nous amenèrent à
rechercher dans les musées ethnographiques : de Genève, de l'Homme à Paris, de la Porte Dorée à
Vincennes, du Latran à Rome, des Missions Africaines à Lyon; dans une collection privée, celle des
Soeurs NotreDame des Apôtres à Vénissieux. Mais nous avons trouvé des pièces n'ayant que leur
numéro d'inventaire et rien sur leur provenance exacte et sur l'auteur de ces pièces.
Une deuxième série de questions portant sur ce qui avait été écrit sur ces statuettes nous
aidèrent à localiser où elles avaient été produites en Afrique et qui avait pu les concevoir. E.
MERWART écrit (1922: 17)
«Asogba est le nom de l'artiste qui façonne ces curieuses statuettes; Asogba, fils de Wossou,
de race allaienne, né à Hogbonou (Porto-Novo) et continuant d'habiter la case de son défunt père,
dans le quartier dénommé Houêdakomé par les Ewhé, et Fila par les Yoruba. Sans jamais avoir
reçu la moindre notion de dessin ni modelage, cet indigène a conçu l'idée de faire des statuettes
avec l'argile plastique des potiers. A force de labeur, il a fini par arriver aux résultats qu'on peut
voir. Il cuit lui-même ses statuettes, puis il les peint.»

L'écrit de E. MERWART est donc très important car il nous a permis de localiser non
seulement où ces statuettes ont été fabriquées mais aussi qui les a faites. Certaines affirmations de
E. MERWART sur la vie de l'artiste seront contredites par l'enquête sur le terrain.

2. Méthode pour l'identification ethnographique en Afrique

Les réponses et les nouveaux problèmes issus de la première recherche en Europe nous
amenèrent au Dahomey et spécialement dans la région de Porto-Novo. Pour l'enquête, nous eûmes
deux attitudes générales:
La première attitude fut de questionner les gens selon le type d'interview européen. Qui a
fait ces statuettes? Y-a-t-il de semblables statuettes actuellement? Avez-vous connu l'artiste? A quoi
servent-elles? - Cette série de questions nous a permis de localiser et de trouver la maison où ces
statuettes avaient été modelées, de savoir que c'était bien Asogba, l'auteur de ces pièces. Mais il
nous était indispensable de savoir ce que représentaient ces figurines. Du fait que l'artiste était mort
depuis 1930, il nous était impossible d'en savoir davantage.

D'où notre deuxième attitude qui consista à se faire admettre par les Vodunon et les Vodunsi
ainsi que par tous ceux qui vivent des cultes Vodun. Dans cette deuxième attitude, nous nous
efforçâmes de ne jamais poser à nos interlocuteurs des questions sur leur Vodun mais nous leur
laissâmes regarder toutes ces photographies de statuettes. Ils ont regardé avec intérêt ces
photographies et les ont commentées en fonction de ce qu'ils identifiaient. Nous avons enregistré
tous ces commentaires. Sur le plan pratique, nous avons classé nos photographies selon un ordre qui
nous permettait de retrouver les pièces lors des discussions enregistrées. La photographie est d'un
grand intérêt pour recueillir les informations dans les sociétés à tradition orale; elle nous a permis
d'entrer en relation avec des personnes qui auraient refusé de parler de ce qui leur est cher dans leur
vie: leur Vodun.

11
Ces entretiens où nous-mêmes restions fort silencieux, nous les avons fait traduire par un
homme, Pierre Asogba, qui ne connaissait que peu de choses sur la vie des Vodun; par une femme 8
qui vivait selon les traditions Vodun. Chaque entretien a été traduit par ces deux personnes; de cette
façon, nous avons pu avoir des réactions parfois très différentes et recueillir des compléments
d'information.

Nous avons ainsi pu savoir ce qui intéressait ceux qui regardaient ces photographies et
connaître la représentation que-donnaient ces statuettes. Nous avons relevé des contradictions
venant soit d'une mauvaise identification due aux photographies et aux conditions de lieux où cela
se passait: cases sombres, le soir à la lumière de lampes tempêtes, visions défectueuses de certains,
soit de la connaissance toute relative de quelques-uns. Tous ont été intéressés par les attitudes
générales, les costumes et accessoires que portaient les personnages. En fait, l'identification a porté
surtout sur les objets, les bijoux et les parures.

3. Qui avons-nous interrogé?

Nous avons tiré de ces enregistrements non seulement des indications concernant ces
statuettes mais aussi de précieuses données sur les Vodun représentés ici à travers les figurines
qu'Asogba avait faites. Il nous était nécessaire de contrôler les informations données sur les noms
donnés à chaque statuette d'où vérification, dans la mesure du possible, des noms des objets et
accessoires - bijoux, pagnes - caractérisant chaque Vodun. Nous avons pu le faire lors de notre
assistance à des cérémonies des cultes Vodun et à des discussions avec un vieux chef de la terre. Le
contrôle était déjà effectif dans les nombreux enregistrements que nous avons faits.
Il nous est nécessaire aussi de savoir qui nous avons interrogés et leur nombre. Pour cela,
nous allons construire une série de tableaux permettant l'identification des sujets interrogés. Chaque
tableau est à double entrée. En ligne horizontale sont inscrits les lieux où nous avons rencontré ces
personnages. En colonne sont inscrits les fonctions et qualités, le sexe de chaque personne. Dans les
cases correspondant à l'intersection d'une ligne horizontale et d'une colonne, un chiffre indiquera le
nombre de personnes interrogées. Nous aurons trois tableaux:

8
Cette femme nous a recommandé de ne pas citer son nom.
12
Ces tableaux descriptifs sont avantageux car nous pouvons isoler les catégories de personnes
qui sont communes à la même localité de même que leur appartenance à tel Vodun et pour certaines
de savoir quel métier ils pratiquent dans leur localité. Tous ont subi le même schéma d'enquête que
nous avons énoncé plus haut. Il nous faut remarquer que tous n'ont pas répondu sur toutes les
photographies, mais ce qui est intéressant de noter dans ce genre d'enquête et sur la façon de la
diriger, ce fut de voir la spontanéité des personnes à déchiffrer les photographies et à les.
commenter entre eux.
En effet, certaines personnes croyaient y reconnaître un des leurs; beaucoup ont eu des
difficultés à reconnaître que ce n'étaient que des statuettes en terre cuite. Ici, cette affirmation ne
contredit pas notre première attitude d'enquête recherchant l'auteur de ces pièces et ce qu'elles
représentaient. Lorsque nous avons pu vérifier l'authenticité de l'auteur de ces statuettes, nous nous
sommes abstenus de reposer ces questions à ceux qui regardaient les photographies.
13
Pour la majorité, ces statuettes représentaient des personnes vivant leur tradition religieuse et
sociale d'où leur intérêt à les expliquer tout haut et à en faire participer les voisins et même d'aller
chercher des anciens pour demander des explications. Le fait d'appeler les personnes âgées fut
frappant lorsque nous cherchions à savoir qui avait fait ces statuettes.

III. La personnalité de l'artiste

L'enquête ethnographique sur le terrain nous a permis d'éclaircir la personnalité de l'artiste.


Nous avons pu vérifier le nom avancé par le gouverneur E. MERWART (1922: 17) : «Asogba, fils
de Wossou, de race allaïenne, né à Hogbonou et continuant d'habiter la case de son défunt père,
dans le quartier dénommé Houêdakomé par les Ehwé, et Fila par les Yoruba. » Si nous sommes
d'accord sur le nom de l'artiste, sa filiation et le lieu d'habitation, nous ne le sommes pas pour ce qui
est du lieu de sa naissance.

14
Voyons maintenant les caractéristiques de la personnalité d'Asogba. Tout ce que nous dirons
sur Asogba, nous a été communiqué par sa nièce Yacoco et quelques vieux Vodunon du quartier
Fila.
Asogba est né non à Porto-Novo mais à Adjara, village-marché distant de sept kilomètres de
Porto-Novo. Toute sa famille y vivait, quoique son père eût une concession dans le quartier Fila.
Son père, dénommé Wosou était chef de maison, sa mère était potière. Tous les membres de sa
famille étaient consacrés au Vodun Dangbe. Asogba fut appelé aussi Wosou, nom signifiant «né le
ventre en l'air». Il appartenait à l'ethnie Yoruba-Nago, installée à Adjara depuis fort longtemps.
Sa mère était potière ainsi que ses tantes. Le modelage de la terre appartient aux femmes
pour ce qui est des poteries cultuelles et des poteries d'ordre utilitaire, sauf pour l'érection d'un
Legba, oeuvre d'un Bokonon, aidé par des Vodunsi.
Wosou Asogba quitta Adjara pour le Nigéria occidental et s'installa à Lagos où il apprit à
travailler l'argile9 .9. Là, il s'est converti à l'Islam et a pris le nom de Yesufu10. Avec qui a-t-il appris
le modelage? Nous ne savons rien sur son apprentissage de modeleur.
Pourquoi s'est-il fait musulman? Nous savons qu'il est devenu musulman à cause de son
nouveau nom Yesufu 1°. Après avoir vécu un certain temps à Lagos, il est revenu à Adjara mais
«son père a refusé qu'il reste dans la maison pour qu'il soit second ». D'où son installation dans le
quartier Fila où son père avait une concession.
D'abord, il a repris les pratiques religieuses des Vodun et spécialement celles du Vodun
Dangbe. Mais Yesufu Asogba était un élément marginal de sa société et devint objet de polémiques
et de satires. Le fait même que le quartier Fila l'ait accepté a valu à ce quartier d'être ridiculisé dans
des chants adressés à Asogba. Ainsi chaque fois qu'il y avait des palabres entre son quartier et un
autre de la ville, les habitants de l'autre quartier chantaient ce chant que Yacoco et cinq Vodunsi de
Dangbe nous ont chanté:

«Yesufu Asogba, du quartier Fila,


va nous vendre tes enfants,
va nous chercher tes enfants pour nous les montrer.
Yesufu Asogba a fabriqué des fétiches qui sont ses enfants,
Yesufu Asogba a fabriqué des fétiches, des statuettes:
Voici les enfants d'Asogba.»

Pourquoi cette satire où l'artiste Asogba est pris à partie? Asogba était marié mais n'avait pas
d'enfants d'où cette interprétation des statuettes: «elles sont ses enfants.» Mel. HERSKOVITS
donne l'avis d'une femme dahoméenne sur les artistes de son pays, avis qui s'applique fort bien à
Asogba: «The artists are likeable men, but they are not gond husbands» 11. Ce chant va plus loin, il
est le signe que toute la société le rejetait et ce rejet était imposé au quartier Fila qui l'avait accepté.
En fait, l'ensemble de la société le refusait pour deux raisons.

9
Nous n'avons pas pu vérifier exactement où Asogba a appris le modelage ni savoir avec qui il l'a fait, pour des raisons
indépendantes de nous. L'office d'immigration du Nigéria refusait tout visa aux ressortissants français.
10
Nom communiqué par Yacoco et de vieux Bokonon et Vodunon du quartier Fila où Asogba a vécu, nous l'avons retrouvé
gravé sur une statuette du Musée de l'Homme, numérotée 30.24.340.
11
HERSKOVITS (1959: 61) décrit la situation de l'artiste: “In Dahomey, the artist was found to be much the kind of
person he is in our own society - admired for his gift, but with a decided tendency of not conforming; respected for his art but
looked upon with something of disdain because of his disinterestedness in the face of wealth and prestige drives acceptable to
the majority of dahomeans. »

15
La première parce qu'il faisait des statuettes en terre reproduisant la vie des Vodun, des
personnages de la vie sociale, politique et même économique. De ce fait, les gens qui détenaient la
tradition religieuse, magique, sociale et politique l'avaient rejeté. Les cultes Vodun exigent la
construction d'autels, de cases décorées de peintures et de bas-reliefs, de statues anthropomorphes et
zoomorphes. Ils réclament aussi la fabrication d'objets liturgiques: pots, couteaux de sacrifices,
tambours, clochettes, hochets, bâtons ou récades, sièges. Les pratiques religieuses, étant
nombreuses, inspirent la création de statuettes apotropaïques telle celle du Legba qui garde la case
des gens, d'un autre Vodun. Elles inspirent aussi la création de bagues, de bracelets, colliers,
pendants d'oreilles qui préservent de la maladie et donnent du courage. Il semble que tout objet de
cette sorte soit un instrument de la religion, un moyen d'évoquer les mythes, de se mettre en
communication avec la nature, avec les ancêtres, un instrument nécessaire pour exercer une action
sur les puissances cachées et supérieures. Leur fabrication est réservée à des personnes consacrées à
tel Vodun et même pour certains objets, seuls quelques Vodunon peuvent les fabriquer. Ainsi
Asogba est accusé de traiter des sujets auxquels il n'était pas habilité.
La deuxième parce qu'il était en contact permanent avec les Européens. Beaucoup de
Eupéens sont venus le voir et spécialement l'administrateur-maire de Porto-Novo, Avont-Saint-
Lagé, qui l'avait encouragé et fait connaître aux Européens vivant au Dahomey. Le gouverneur E.
MERWART lui remit un caléfacteur. Un directeur de la maison de commerce C.I.C.A. de Cotonou
lui acheta un grand nombre de statuettes. Le R. P. AUPIAIS le fit connaître dans de nombreuses
expositions qu'il fit en Afrique et en Europe. Asogba en tira une notoriété qui ne plaisait nullement
aux anciens de Porto-Novo bien que PortoNovo se targuât de l'ébauchoir habile d'Asogba. Il avait
conscience de sa valeur d'artiste car d'après Yacoco, il reproduisait même des personnages vivants:
ce fut le cas de la statue d'un serviteur du directeur de la maison de commerce C.I.C.A. qu'il fit
devant lui.

Asogba mourut assez jeune. Sa nièce Yacoco nous dit qu'il n'était pas vieux, pas très vieux
avant de mourir. Il est mort au temps du chef supérieur To-li, fils de Toffa, qui a régné une seule
année 1929-1930. A sa mort, les débris des travaux d'argile ont été amassés et jetés. Tout a été
détruit et il n'y eu personne pour continuer son oeuvre 12. La production connue d'Asogba va des
années 1916 à 1930.

12
Sa société ne l'avait pas accepté: ceci s'était traduit par le rejet de son père, le chant à son adresse. Même à sa mort, la
société a tout détruit de ce qui pouvait rester de lui. Sa maison ne fut jamais habitée. Son lignage l'avait mis à l'écart. Et lors de
notre enquête, les membres de son lignage furent surpris de notre intérêt à son sujet. Car pour eux, il n'était pas un
représentant actuel de leur tradition.
16
L'étude de la vie de l'artiste, les problèmes de l'objet, de méthodes de recherches nous a
mené à situer la position marginale du modeleur Asogba et de savoir qu'il avait été accepté par les
Européens. Maintenant, nous allons entreprendre, dans une deuxième partie, l'étude esthétique des
figurines produites par Asogba.

DEUXIÈME PARTIE

IV. Critique de ce qui a été dit sur ces statuettes

Il y a peu de choses écrites; nous rencontrons quelques avis donnés par Sir Hugh
CLIFFORD en janvier 1921 que E. MERWART cite dans son court exposé sur l'art dahoméen:
«L'art avec lequel elles ont été façonnées est supérieur à tout ce que j'ai vu en Afrique occidentale,
exception faite seulement pour le Bénin. »
E. MERWART estime ces pièces en ces termes (1922: 17)
«Sans jamais avoir reçu la moindre notion de dessin ni de modelage, cet indigène a conçu
l'idée de faire des statuettes avec l'argile plastique des potiers. A force de labeur, il a fini par
arriver aux résultats qu'on peut voir... L'oeuvre d'Asogba mérite manifestement d'être encouragée
et pas seulement au point artistique... »

E. MERWART reconnaît l'habileté d'Asogba mais n'essaye pas de comprendre le goût


artistique de l'artiste.
Emile BAYARD le situe dans un ensemble d'artistes dahoméens:

17
«Pour la première fois dans l'art nègre, des noms d'artistes modernes nous parviendront du
bas-Dahomey. Ce sont, notamment: Kokpo, fils de Mevo, à Gbekon (Abomey), Vianvodé, fils de
Kounon-Naëton, de Hevié sur Ssô, établi à Gléhomé (Ouydah), Fala-Dahoun, fils d'Agossa, à
Agado (Ketou-Kpé) qui brillent dans la sculpture sur bois. Porto-Novo se targuant de l'ébauchoir
habile d'Asogba» (BAYARD 1931: 140).

L’artiste est connu et se manifeste par le gravage de son nom sur une statuette.

Dès 1930, les artistes du bas-Dahomey sont donc connus en Europe, il est à remarquer
qu'après cette date, les objets africains sont étudiés sans aucune référence à leur auteur.
Il faudra l'étude de Marg.. LOBSIGER-DELLENBACH pour avoir une première approche
esthétique de ces pièces. Elle étudie le modelage où elle reconnaît la maîtrise de l'artiste - elle ne le
nomme pas - dans la technique du modelage
«Ce modeleur a donc compliqué sa besogne. Ces figurines ne sont certainement pas les
premières qu'il a fabriquées car elles dénotent un métier approfondi et sont l'expression d'une
réelle maîtrise» (1945: 219). Puis elle passe en revue les attitudes qui lui font dire

18
«L'imagination de l'artiste a fait défaut pour ce qui concerne les visages. Ils sont tous à peu
près semblables. Malgré cette similitude d'expression, chaque statuette a sa personnalité. Celle-ci
est donnée par l'attitude, la grâce ou la rigidité du geste. Ces attitudes ont été admirablement
observées par l'artiste» (1945: 220).

Ainsi décrit-elle la statuette numérotée 11530, «représentant un paysan contemplant une


scène de magie, le coude droit appuyé sur la main gauche qui est posée sur le manche de sa bêche»,
avec exagération lorsqu'elle dit
«On sent le badaud tout content d'avoir à quitter son travail pour regarder une scène à
laquelle il n'a pas l'air de comprendre grand chose!» (1945: 220). Une telle affirmation indique
bien que Marg.LOBSIGER-DELLENBACH ne connaît rien de la vie des Dahoméens au sujet des
pratiques religieuses et magiques.
Elle étudie aussi le visage dont elle affirme qu'il a un «caractère spécifiquement
anthropologique de la face des Noirs» (1945: 221), puis les accessoires: les coiffures, les costumes
et les couleurs qui lui permettront de faire une étude ethnographique de ces pièces, c'est-à-dire de
dire ce qu'elles sont censées représenter. Elle fait aussi un rapprochement fort à propos de la
technique artistique de ces pièces avec les bas-reliefs des palais royaux d'Abomey que E.
WATERLOT a décrit.
Seule Jacqueline DELANGE (1967: 69) parle des poteries cultuelles et de statuettes
polychromées figurant des personnages coutumiers et cite même un nom d'artiste: «Asogba, artiste
de Porto-Novo qui n'était aucunement potier», et elle ajoute: «Les premières de ces figurines qui
furent connues en Europe rappellent, bien que plus élaborées, les personnages traités en bas-relief
sur les carrés blanchis des murs royaux; on remarque la même priorité donnée à l'attitude, le même
traitement impersonnel du visage. »
Les avis donnés sont faits uniquement pour un nombre restreint de statuettes:E. MERWART
pour sa collection qui fut décimée lors de sa venue en Europe; le R. P. AUPIAIS parle de trois
séries d'une quarantaine de pièces chacune; Marg.LOBSIGER-DELLENBACH ne décrit qu'une
douzaine de pièces, et Jacqueline DELANGE ne fait que citer l'étude de Marg.LOBSIGER-
DELLENBACH.

V. Analyse morphologique

Les études partielles des statuettes qui ont été faites nous ont permis de rassembler des
données pour notre recherche.
Nous analyserons 68 pièces en terre cuite, représentant des hommes et des femmes. Ce sont
des figurines inventoriées dans différents musées et dans une collection privée. Nous découvrons de
suite la diversité des types de statuettes. Et cette analyse doit nous permettre de déterminer un style
propre non à chacune des pièces rencontrées mais à l'ensemble de ces pièces. Louis PERROIS écrit
(1966 : 74) : «Le style est l'unité de grandeur du phénomène esthétique. C'est un ensemble
d'éléments morphologiques pertinents et constants durant une certaine période de temps et dans un
certain espace géographique.»

1. Principes d'analyse esthétique

En effet, il est nécessaire que des règles président à l'analyse de ces pièces, en vue d'assurer
une description complète, objective et univoque. D'où cette méthode qui consiste à réduire la
diversité des pièces, envisagées globalement, à des combinaisons particulières de traits descriptifs
simples, précis et relativement peu nombreux. L'intérêt de ce type d'analyse vient de ce que
normalement il est toujours possible de restituer l'individualité d'une pièce par combinaison de
l'ensemble, non seulement d'un choix, des caractères le définissant - comme c'est le cas pour les
attitudes, les parures, les objets portés, les scarifications - mais aussi du fait que la recherche peut
s'instituer à n'importe quel niveau de généralité.

19
Ainsi définie, notre recherche doit considérer d'abord les ressemblances fondamentales,
c'est-à-dire les analogies de structures des volumes et des proportions. Ensuite nous devons tenir
compte des éléments plastiques qui habillent la statuette: la tête, le cou, les bras, les jambes et enfin
les détails qui décorent ces formes et ces surfaces.
L'analyse se décomposera en séquences qui elles-mêmes se subdiviseront en catégories
typiques dont nous définissons les caractéristiques comme suit le type est un ensemble de traits
pertinents relevés sur les pièces et qui ont un caractère de généralité. Ces traits eux-mêmes seront
dans certains cas classés selon une échelle qui ira du plus simple au plus compliqué ou du plus
courant au moins courant.
Au plan pratique, nous élaborons un tableau à double entrée dont la colonne verticale
comportera le numéro d'ordre de chaque pièce dans sa collection; et la ligne horizontale comportera
les diverses séquences d'où apparaîtront les caractérisations. Et à l'intersection d'une ligne
horizontale et d'une colonne verticale, un chiffre indiquera à quel type (trait) appartient telle pièce.
Nous employons un chiffre pour marquer l'apparition d'un trait pertinent dans cette présente étude,
en vue d'une plus grande facilité de lecture, car nous pensons que l'obtention de signes particuliers à
chaque type n'est nécessaire que pour un travail devant être traité mécanographiquement.
L'analyse de ces pièces revient à réduire celles-ci en un petit nombre d'éléments
typologiques et opérationnels dont la somme constitue l'individualité de la pièce traitée. Si l'on
consacre à chacun de ces éléments une fiche sur laquelle nous pointons toutes les pièces qui
possèdent cet élément, l'ensemble de telles fiches constitue un index tout à la fois analytique et
synthétique des pièces traitées. En effet, en comparant les diverses fiches relatives aux éléments
d'une figure ayant tel numéro, nous observerons quelles sont les figures signalées par un même
ensemble de traits sur toutes ces fiches. Ce genre d'inventaire nous servira beaucoup dans le cas de
l'identification ethnographique que nous développerons dans la troisième partie.

L'analyse esthétique que nous essayons de formuler repose sur les caractéristiques générales
fondées sur la forme et non sur les données ethnographiques. De la description analytique, nous
devons obtenir une classification relative qui se concrétisera dans une chronologie plus stable grâce
aux constantes que nous donnent les connaissances des influences technologiques, esthétiques et
fonctionnelles que l'artiste a subies lors de la fabrication de ces figurines.
Après avoir défini le document que nous étudions et les règles qui régissent cette analyse,
nous devons donner l'étude morphologique des figures et sur quoi elle repose. Une définition des
termes employés s'avère nécessaire. Le découpage en parties que nous nommons «séquences »
correspond à un ensemble constitué par au moins deux catégories typiques répondant à des
constituants dont la base est sélective, c'est-à-dire relevant des constituants spécifiques
morphologiques. Chaque séquence se divise en catégories typiques qui désignent l'ensemble des
traits pertinents retenus. -Maintenant, nous allons donner la formation des séquences

2. Première séquence

Elle est caractérisée par les proportions de l'ensemble de la figure analysée. En effet, le
volume et les proportions de la statuaire noire «obéissent à un canon quasi immuable, à un tronc
cylindrique s'attache une tête proportionnellement énorme par rapport aux dimensions du tronc et
des membres» (LAVACHERY 1956: 66). La tête représente un tiers ou un quart de la hauteur totale
de la pièce. Pourquoi une tête au développement excessif? Il semble que le Noir aime donner un
aspect prépondérant à ce qu'il qualifie de primordial. Pour le Noir, la tête est le siège de la pensée
mais aussi de la force et du courage. La tête est chargée d'une puissance qui survit à l'être qui la
portait, d'où son développement excessif. Il est normal de mettre en relation la tête et le tronc, la tête
et les pieds, la tête et le cou au niveau des proportions. Les valeurs sont en dixième pour les
proportions. Nous avons trois catégories typiques:

20
Proportions du tronc 13
type 1: tronc ≥ 5/10 type 2 : 4/10 ≤ tronc < 5/10.

Proportions associées de la tête et des jambes

type 1: grosse tête et petites jambes et gros pieds sur socles 4/10
type 2: petite tête et petites jambes et gros pieds sur socles
type 3: grosse tête et grandes jambes avec ou sans socle.

Proportions du cou

type 1: cou court et gros 1 < cou ≥ 2/10 type 2: absence de cou.

3. Deuxième séquence

Elle est caractérisée par des données morphologiques concernant la couleur du corps, et
l'apparition d'un signe isolé dans l'inventaire, un sillon dans le dos qui marque la colonne vertébrale.

Couleur du corps

type 1: rouge type 3: noir type 5: polychromé.


type 2: marron type 4: blanc

Sillon dans le dos


type 1: sillon marqué type 2: sillon absent.

4. Troisième séquence

Elle est composée de catégories typiques dont les éléments constitutifs et importants d'une
figure - c'est-à-dire la forme de la tête, la forme de la face, les bras et les jambes - indiquent le style
général des figures.

Forme de la tête

La forme de la tête est importante pour déterminer le style général. Nous nous servons de la
classification de LAVACHERY 14 qui indique en norma facialis : n.f. et en norma lateralis : n.l. la
forme de la tête et pour la forme de la face en style convexe qui offre des formes arrondies.

type 1: n.f. ovale; n. 1. allongée type 3: absence de tête


type 2: n.f. ronde; n. 1. allongée type 4: tête cachée par une coiffure.

Forme de la face

type 1: convexe type 2: convexe mais cachée par une coiffure.

13
Le signe < signifie plus petit que le signe ≤ signifie plus petit ou égal à
le signe > signifie plus grand que le signe ≥ signifie plus grand ou égal à
14
4 LAVACHERY (1956: 41) fut l'un des premier à essayer de classer la statuaire noire et il écrit: «C'est dans le traitement de la tête, dont nous venons de signaler le
volume démesuré que l'on trouve peut-être la manifestation des deux grandes écoles entre lesquelles on pourrait partager la statuaire noire. Le choix de la tête comme base d'un tel
classement n'a rien d'arbitraire. Etant donné la quasi-conformité constatée dans le traitement du tronc et des membres, ce sera l'étude de la manière dont s'établit la tête des statues, et
singulièrement le modelé du visage, qui va nous fournir les éléments d'une classification de la statuaire noire en deux styles principaux: à titre d'hypothèse, l'un serait le style concave,
l'autre le style convexe.
21
Bras

Ils donnent la richesse des attitudes des figures. Les détails ont pris une telle importance qu'ils
équilibrent ceux du volume principal. Les bras se meuvent et abandonnent leur position type de la
statuaire noire 15, c'est-à-dire collés au corps ou légèrement décollés du corps. Nous posons une
échelle qui est fondée sur la position collée et la position non collée; toutes deux se rejoignent soit
dans une attitude figée soit non figée ou bien de flexion symétrique ou d'animation segmentaire.

type 1: collés au corps, les mains au ventre; figé droit


type 2: collés au corps, les mains sur les côtés; figé droit
type 3: collés au corps, tenant un objet: canne, récade, lance; animation segmentaire
type 4: collés au corps, le bras gauche dans le dos, le bras droit devant et index à la
bouche; flexion symétrique
type 5: décollés du corps, mains à la hauteur des épaules; flexion symétrique
type 6: décollés du corps, mains aux genoux; flexion symétrique
type 7: décollés du corps, avec geste d'offrande; flexion symétrique
type 8: décollés du corps, avec mains croisées; flexion symétrique
type 9: décollés du corps, avec mains au-dessus de la tête et tenant un objet; extension symétrique
type 10: décollés du corps, avec mains au ventre; figé droit
type 11: décollés du corps, avec mains tenant un objet du genre: sifflet, olifant, flûte,
tambour et hochets; flexion symétrique
type 12: décollés du corps, avec mains tenant un objet d'une main et de l'autre main les cordons
d'un vêtement; flexion symétrique.

Jambes

Elles imposent un strict alignement des pieds quelle que soit la position des jambes d'où
notre échelle basée sur les attitudes de figé droit et de flexion symétrique.

type 1 :jambes tendues et pieds écartés sur socle; figé droit


type 2: jambes tendues et pieds écartés sans socle; figé droit
type 3: jambes assises et pieds écartés sur socle; figé droit
type 4: jambes allongées, position assise et plantes des pieds apparantes sur socle; figé droit
type 5: jambes croisées et plantes des pieds apparentes sur socle; flexion symétrique
type 6: jambes fléchies, position à genoux et plantes des pieds apparentes; flexion symétrique
type 7: jambes tendues et pieds écartés, portant des sandales; figé droit.

5. Quatrième séquence

Elle est composée de catégories typiques ayant trait aux caractéristiques morphologiques
particulières: la bouche, le nez, les oreilles, les yeux, les mamélia/génitélia. Ces catégories typiques
sont très importantes pour délimiter le style général de ces figures et aussi pour saisir l'habileté de
l'artiste. Elles nous servent aussi pour mettre en relation les diverses statuettes. Nous pou(1956: 51)
: «ceux-ci [les membres] ne se meuvent que dans d'étroites limites, s'il arrive aux bras d'abandonner
leur position type, serrés au corps et pliés à angle droit, pour se lever timidement aux côtés de la
tête, les jambes, en général, fléchies aux genoux, imposent un strict alignement des pieds, cependant
la statue, parfois s'agenouille, s'assied ou s'accroupit. »vous suivre les constantes d'une forme
particulière, par exemple, la forme de l'oreille, les variantes de cette même forme. De même, ces
différentes catégories typiques nous permettent de faire des extensions de compréhension des styles
d'une même région et de comprendre certaines relations inter-ethniques 16.

15
Ici nous pouvons affirmer que ces figures dépassent les dires de LAVACHERY (1956 :51).
16
Nous pensons que l'objet est un lieu important pour l'étude des relations interethniques en Afrique noire.
22
Bouche

type 1: lèvres épaisses et légèrement écartées


type 2: lèvre supérieure épaisse et lèvre inférieure absente
type 3: lèvres épaisses et barbe.

Nez
type 1: long, moyennement épaté avec creux arrondi faisant penser à la gouttière nasale
type 2: court et busqué, moyennement épaté avec creux arrondi faisant penser à la gouttière nasale.

Yeux

type 1: globuleux avec grosses prunelles noires ayant de chaque côté une tache blanche ou jaune
type 2: globuleux avec grosses prunelles noires
type 3: globuleux mais voilés
type 4: en grain de café, sectionnés en deux et prunelles percées d'un trou.

Oreilles

type 1: en arc de cercle, avec pavillon en arrière, en relief et tragus marqué par un pointen avant
type 2: en arc de cercle, avec pavillon en arrière et très décollé vers l'avant et pendentif
type 3 :en arc de cercle, avec pavillon en arrière, en relief et tragus marqué par un point
en avant et communication par un trou entre les deux oreilles.

Mamélia/génitélia

type 1: homme avec petits seins coniques


type 2: homme, pas de seins marqués
type 3: femme avec seins en pis de chèvre ou en obus et pointes des seins peintes en noir
type 4: femme avec seins coniques et pointes des seins peintes en noir
type 5: femme avec seins en pis de chèvre et pointes des seins peintes en noir et génitélia marqués.

6. Cinquième séquence

Elle est composée de catégories typiques ayant trait aux accessoires que l'artiste a
développés au maximum au cours de son évolution de modeleur. Les catégories typiques sont très
importantes pour analyser l'évolution des styles relatifs qui apparaissent dans cet ensemble de
statuettes. Nous reprendrons en détail cette séquence lors de l'identification ethnographique de ces
figures. Ces accessoires se répartissent ainsi: coiffure, vêtement, bracelets, colliers, scarifications et
sexe. Nous sommes obligés de laisser de côté l'étude des couleurs, malgré l'importance qu'elles ont
dans les cultes Vodun, car il nous semble que l'artiste Asogba a exagéré dans l'emploi de ces
couleurs.

Coiffure
type 1: cheveux noirs séparés au milieu du crâne en tresses et chignon en arrière
type 2: cheveux noirs ramenés en tresses de chaque côté
type 3: cheveux noirs
type 4: cheveux noirs avec chignon
type 5: cheveux noirs avec turban ou plumes de perroquet
type 6: cheveux rasés
type 7: cheveux rasés et petit coussin noir ou vert pour le port de
type 8: cheveux rasés sur le côté gauche et mèche noire pendante à droite
type 9: cheveux rasés sur le côté droit et mèche noire pendante à gauche
type 10: cheveux rasés sur tous les côtés et mèche pendante à l'arrière
23
type 11: bonnet ou casque.
Vêtement
type 1: pagne court blanc avec noeud
type 2: pagne court bleu avec noeud
type 3: pagne court rouge
type 4: pagne court vert
type 5: pagne court polychromé
type 6: pagne court polychromé et écharpe descendant sur les deux épaules
type 7: pagne court polychromé et cape polychromée et faisceau de plumes de perroquet à la
hauteur des épaules
type 8: pagne court vert et cape polychromée et faisceau de plumes de perroquet à
la hauteur des épaules
type 9: pagne long blanc descendant depuis une épaule
type 10: pagne long blanc descendant depuis les deux épaules
type 11: pagne long polychromé descendant depuis une épaule
type 12: pagne long polychromé recouvrant la tête, les épaules et les jambes et objet
tenu sur la tête, et pagne court polychromé laissant le torse nu
type 13: pagne long blanc recouvrant la tête, les épaules et les jambes et objet tenu
sur la tête, et pagne court polychromé laissant le torse nu
type 14: culotte
type 15: culotte et chemise
type 16: corps nu et ceinture noire.

Bracelets
type 1: biceps droit et gauche et poignets droit et gauche
type 2: biceps droit et gauche
type 3: biceps droit
type 4: biceps gauche
type 5: biceps droit et poignets droit et gauche
type 6: biceps gauche et poignets droit et gauche
type 7: biceps droit et gauche et poignet gauche
type 8: biceps droit et poignet gauche
type 9: poignets droit et gauche
type 10: poignet droit
type 11: poignet gauche
type 12: biceps droit et gauche, et poignets droit et gauche, et aux chevilles gauche et droite
type 13: poignets droit et gauche, et aux chevilles gauche et droite
type 14: aucun.

Colliers

type 1: au cou, noir


type 2: au cou, rouge
type 3: au cou, blanc; un ou plusieurs
type 4: au cou, blanc, multiple et descendant entre les seins
type 5: au cou, un rouge et un en cauris
type 6: au cou, un rouge et un rouge en bandoulière
type 7: au cou, un noir et un rouge en bandoulière
type 8: au cou, un noir et un pendentif en forme de poire
type 9: au cou, polychromé rouge-jaune-noir-vert et un pendentif cylindrique rouge
type 10:au cou, polychromé rouge-jaune-noir-vert
type 11: au cou, noir avec pendentif cylindrique noir
type 12: au cou, noir avec pendentif cylindrique rouge et un noeud noir en forme de poire
type 13: au cou, noir avec pendentif cylindrique jaune
24
type 14: au cou, cauris et perles noires
type 15: en bandoulière
type 16: au cou, cordon gri-gri
type 17: aucun.

Scarifications

type 1: tempe /
type 2: tempe, joues droite et gauche /
type 3: tempe //, joues droite et gauche /
type 4: front, tempe, joues droite et gauche /
type 5: front et tempe /, joues droite et gauche //
type 6: front et tempe //, joues droite et gauche /
type 7: front, joues droite et gauche ///
type 8: joues droite et gauche ///
type 9: front ///, joues droite et gauche ///≡
type 10: front, tempe et joues droite et gauche ///
type 11: front, joues droite et gauche ///, tempe /
type 12: front ///, joues droite et gauche, tempe //
type 13 : front //, tempe /
type 14: front et tempe //, joues droite et gauche / et épaules ooo
type 15: front ///, tempe //, joues droite et gauche / et épaules ooo
type 16: tempe, joues droite et gauche /, et épaules ooo
type 17: tempe /, joues droite et gauche ///
type 18: aucune incision mais corps tacheté de points blancs
type 19: aucune.,

Sexe

On pourrait s'étonner de retrouver dans cette séquence la catégorie typique parlant du sexe puisque
nous avons déjà la catégorie typique mamélia/génitélia dans la quatrième séquence. Ici cette
catégorie typique vise seulement à signifier si une statuette représente un homme ou une femme, et
non à décrire les éléments descriptifs constituant un homme ou une femme. Nous aurons donc ces
deux seuls traits

type 1: homme type 2: femme.

7. Sixième séquence

Elle est composée de catégories typiques ayant trait à la matière des pièces étudiées. Or
l'étude de la matérialité de l'oeuvre est importante en ce sens qu'elle permet d'établir d'éventuels
liens entre le traitement que la matière a subi, et la forme et le style qui en résultent.
L'analyse esthétique de ces pièces nous pose le problème de connaître le procédé employé
dans la technique du modelage de la terre. Nous remarquons que le procédé consiste par addition au
niveau de la surface générale et par modelage en ronde-bosse au niveau des volumes. Ce procédé
tient à la matière employée. Cette matière est un solide plastique, c'est-à-dire une terre latéritique,
appelée par les Européens «terre de barre», qui est, en fait, une terre glaise, où le silicate d'alumine
s'allie à une forte proportion d'oxyde de fer, et, par suite, rougit au feu. Dans ce genre de pièces en
terre, nous constatons que le support, c'est-à-dire le matériau considéré comme support est confondu
avec l'oeuvre. La forme initiale n'intervient pas dans la forme définitive.

25
Le décor, en relief, est obtenu par modelage et par application de pâte. L'artiste a utilisé la
barbotine pour habiller ses personnages, pour les décorer de colliers, de bracelets et autres
accessoires. Seules les marques de scarifications du visage et des épaules sont incisées. .
Nous pouvons admettre que l'artiste prit le soin de choisir des terres de la finesse voulue, qui
se rencontrent assez fréquemment en cet état, dans l'espace géographique où il vivait. Car il existe
une relation entre la composition de la pâte et le décor. La coloration des pâtes est considérée
comme un élément de décoration dans le cas des couleurs du corps: rouge, marron, noir. Mais il
nous est difficile de savoir si les pâtes employées pour le modelage étaient colorées naturellement
par suite de la présence d'oxydes métalliques ou bien colorées artificiellement par l'adjonction de
substances diverses. Nous savons que les séries B1 et B2 ont été peintes avec des vernis européens.
Y at-il eu décor peint par engobage pour les séries A1 et A2? Nous ne le savons pas. D'après
certaines cassures dans les séries A1 et A2, nous pensons que ces pièces n'ont pas été cuites dans un
four mais selon les techniques traditionnelles de cuisson de la poterie au Dahomey, c'est-à-dire dans
un simple foyer où la cuisson s'opère à l'air, sans four, ni aucune autre enveloppe que le bois
enflammé qui les environne. Pour les autres séries B1 et B2, la cuisson a été faite dans un four qu'un
administrateur 17 aurait remis à Asogba: «C'était un caléfacteur à haute température dont le rôle
était d'assurer une meilleure solidité à ces fragiles figurines» (MERWART 1922: 18).
A partir de l'étude du traitement, nous pouvons faire une classification d'ordre technologique
et d'ordre chronologique. Nous retrouverons ces deux classifications résultant de l'évolution du
travail de l'artiste dans ce que nous appellerons les influences subies par Asogba. En effet, les
formes initiales ont subi, dans leur évolution, des modifications plus ou moins marquées, dues à des
causes diverses. Ces modifications sont dues:
aux influences techniques. L'habileté de l'artiste comme potier s'est perfectionnée par le
nombre de statuettes qu'il a produites. L'apparition, dans sa technique de cuisson, du caléfacteur a
déterminé un perfectionnement dans la solidité des statuettes et lui a donné la possibilité de faire des
détails qu'il ne pouvait pas faire lors d'une cuisson traditionnelle;
aux influences fonctionnelles. L'artiste, Asogba, a modifié la forme pour la rendre plus
lisible. Il s'est adapté à la commercialisation d'où rapidité d'exécution et perte de la vie africaine de
ses statuettes;
aux influences esthétiques. L'artiste a subi le goût des Européens pour l'objet traditionnel,
mais il l'a rendu trop vrai et trop lisible. L'artiste est tombé dans un naturalisme exagéré.
L'artiste a subi aussi l'influence de tel objet qu'il a vu, d'où sa reproduction presque intégrale
de certains objets18.
De cette courte étude de la matière des figurines, nous avons retenu quelques catégories
typiques qui constituent la sixième séquence. Ce sera cette sixième séquence et surtout la catégorie
typique concernant le mode de cuisson qui permettra la constitution de séries.

Mode de cuisson

type 1: cuisson traditionnelle, four à l'air


type 2: cuisson au caléfacteur et influences subies par Asogba.

Hauteur

Nous donnons pour chaque pièce sa hauteur en centimètres.

Représentation

A chaque pièce, nous dirons ce qu'elle représente.

17
Cet administrateur serait le gouverneur Merwart.
18
Il serait bon de voir le problème de la diffusion et de la survivance des pièces, mais nous ne pouvons pas le traiter par
manque d'informations.
26
VI. Définitions des lois pour la formation des séries et des groupes

Après avoir décrit les diverses séquences contenant les catégories typiques, nous allons passer à la
description formelle des pièces. Avant de le faire, nous sommes obligés de donner nos raisons de
classification qui vont régir les données transmises par l'inventaire des types contenus. Les
séquences contiennent les caractéristiques générales des pièces. Maintenant il nous faut repérer les
points communs de toutes les figurines et les variantes qui s'y rattachent. L'inventaire des
dominantes et des variantes nous sera permis par un classement en groupes de ces pièces. En
analysant la fiche de chaque pièce avec l'ensemble des fiches, nous remarquons des constantes qui
se situent dans la première, deuxième, troisième, quatrième et sixième séquences, et des variantes
permettant des sous-groupes dans ces mêmes séquences.

1. Règles de formation des groupes et sous-groupes

Chaque groupe est constitué par


la première séquence dont l'association des trois catégories typiques permet de définir
réellement un groupe. Il faut qu'il ait correspondance entre les proportions définies;
la deuxième séquence dont chaque catégorie typique correspond à un type défini. Cette
séquence sera le point des variantes en ce qui concerne les sous-groupes;
la troisième séquence dont les catégories typiques de la forme de la tête et de la face sont les
dominantes ou constantes de toutes les pièces, et dont les catégories typiques des bras et des jambes
sont les variantes permettant un ordre dans les groupes et les sous-groupes;
la quatrième séquence dont les catégories typiques du nez et des oreilles permettent
d'instaurer un groupe parce qu'elles sont constantes et dont les catégories typiques de la bouche et
des yeux sont des variantes permettant d'affiner l'ordre dans un groupe ou dans un sous-groupe.
Chaque groupe, ainsi fait, donne une classification synchronique des pièces. Et il nous
faudra un autre point pour avoir une classification diachronique des pièces. Cette classification
diachronique nous sera permise par (inclusion des groupes et sous-groupes dans des séries qui
seront fondées sur les séquences permettant la constitution d'un groupe et sur la première catégorie
typique de la sixième séquence. Cette sixième séquence repose sur des données technologiques des
pièces et spécialement sur le mode de cuisson qu'ont subi les pièces. Mais elle repose sur les
influences spatiales et temporelles que (artiste a subies pendant sa création plastique. Nous pouvons
signaler que certains types des catégories de la cinquième séquence nous ont aidé à former cette
classification diachronique.
L'élément dominant la série est le mode de cuisson, tandis que les dominantes des groupes et
sous-groupes sont les proportions, la couleur, la forme de la tête et de la face, la forme du nez et des
oreilles.

2. Quels sont les éléments descriptifs


qui nous permettent de déterminer le passage d'une série à une autre?

C'est surtout la première catégorie typique de la sixième séquence, c'est-à-dire le mode de


cuisson, qui est l'élément déterminant pour la formation d'une série. Mais il y a aussi la deuxième
catégorie typique, c'est-à-dire le nez, et la quatrième catégorie typique, c'est-à-dire les oreilles, de la
quatrième séquence qui en conjonction avec la première catégorie typique de la sixième séquence
permettent la formation de séries distinctes.
Nous trouverons dans cette présente étude des variantes de séries: ceci repose sur un choix
arbitraire tenant compte de deux axiomes: le premier repose sur l'existence de pièces groupées en
collection; le deuxième repose sur la possibilité d'intégrer d'autres pièces semblables si nous en
trouvons d'autres dans l'avenir. Mais il nous faut noter que les séries au niveau des variantes de série
auront la même notation dans le système: ainsi nous aurons le même signe mis avec une prime ou
une tierce.

27
3. Quels sont les éléments descriptifs
qui nous permettent de déterminer le passage d'un groupe à un autre?

Ce sont surtout les catégories typiques de la première séquence qui nous permettent la
constitution de groupes: c'est-à-dire les diverses relations existantes entre les proportions du tronc,
du cou et des proportions associées de la tête et des jambes. Mais les catégories typiques de la
troisième séquence concernant la forme de la tête et la forme de la face sont aussi déterminantes
pour la formation d'un groupe.
Les variantes des groupes permettant la formation de sous-groupes reposent sur les
catégories typiques de la deuxième séquence: c'est-à-dire la couleur du corps et l'existence ou la
non-existence d'un sillon dans le dos.
L'échelle qui régit aussi la place de telle pièce dans tel groupe et tel sous-groupe repose sur
la troisième (les bras) et la quatrième (les jambes) catégories typiques de la troisième séquence ainsi
que sur la troisième (les yeux) et la première (la bouche) catégories typiques de la quatrième
séquence.

4. Tableaux donnant les séries et les groupes ainsi que les sous-groupes

Chaque groupe sera inclus dans une série qui comportera plusieurs tableaux.
Avant de donner les tableaux, il sera nécessaire d'expliquer ce qu'est tel groupe et à quelle série il
appartient. De plus, pour la commodité, les sous-groupes seront donnés avec les groupes, il n'y aura
qu'un espace d'un inter-ligne qui les séparera. Ainsi il sera facile de voir ce qui constitue un sous-
groupe.

La première série A1 est caractérisée par:

les trois catégories typiques de la première séquence;


les deux catégories typiques de la deuxième séquence;
les deux premières catégories typiques, la forme de la tête et la forme de la face, de la
troisième séquence;
le type 2, nez court et busqué, moyennement épaté avec creux arrondi faisant penser à la
gouttière nasale, de la deuxième catégorie typique de la quatrième séquence;
le type 1, oreille en arc de cercle, avec pavillon en arrière, en relief et tragus marqué par un
point en avant, de la quatrième catégorie typique de la quatrième séquence;
le type 1, cuisson traditionnelle, de la première catégorie typique de la sixième séquence.

La série A1 comprendra trois tableaux répartis dans deux groupes.

Le groupe Al.l est caractérisé par les données générales de la série A1 et plus spécialement par:

le type 1, tronc ≥ 5/10 de la première catégorie typique de la première séquence;


le type 1, grosse tête et petites jambes et gros pieds sur socle 4/10, de la deuxième catégorie
typique de la première séquence;
le type 1, cou court et gros 1 < cou ≥ 2/10, de la troisième catégorie typique de la première
séquence;
les deux catégories typiques de la deuxième séquence dont les divers types permettront de
constituer les sous-groupes. - Ce groupe Al.l comprend deux tableaux.

28
Le groupe A1.3 est caractérisé par les données générales de la série Al et plus spécialement
par:
le type 2, 4/10≤ tronc > 5/10 de la première catégorie typique de la première séquence;
le type 3, grosse tête et grandes jambes avec socle de la deuxième catégorie typique de la
première séquence;

29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
vons établir ce schéma qui donne la classification diachronique des deux séries A et B. A l'intérieur
de chaque série, nous trouvons la classification synchronique qui rend compte de chaque pièce de
chaque collection 20
En définitive, nous pouvons dire qu'une parenté formelle de l'ensemble des pièces existe.
Cette parenté formelle de la tête, de la forme du visage, du cou, du tronc, des bras et des jambes et
des attitudes, de nombreux accessoires nous oblige à rapprocher tous les personnages quelle que
soit leur appartenance à une série, à une collection, à un groupe ou sous-groupe.
Les croquis de face et de profil de la figure 10 du groupe A2.1 et de la figure 11 du groupe
131.1 nous donnent cette parenté formelle quant au thème traité et quant au style général. Mais ils
nous donnent aussi la différence formelle entre les séries A et B quant aux détails morphologiques,
à l'allure générale, le mouvement inscrit dans ces pièces. Ils nous font sentir l'évolution de la
technique du modelage d'Asogba pendant sa création artistique.
Nous pouvons écrire que le style est réaliste, caractérisé par une tête proportionnellement
énorme par rapport au tronc et aux membres, par une

20
A chaque collection correspond un sigle
Soeurs Notre-Dame des Apôtres à Vénissieux NDA
Musée de la Société des Missions Africaines à Lyon SMA
Musée de l'Homme au Trocadéro à Paris TRO
Musée ethnographique de Genève GFN
41
dolichocéphalie atténuée et un prognathisme modéré. La tête, énorme par rapport au reste, a des
traits aux volumes arrondis et convexes tendant vers le réalisme, et riche en détails d'importance
décorative comme le traitement des chevelures: celles-ci sont montrées dans leurs coiffures
traditionnelles, en tresses et chignons ou marquées de traits figurant les cheveux. Le front est
moyen, les yeux sont globuleux avec la prunelle marquée. Le nez est long ou busqué, moyennement
épaté, avec un creux arrondi faisant penser à la gouttière nasale. La bouche est large, aux lèvres
épaisses et bien faites. Les courbes sont délicates, en particulier, celles du cou, des joues, de la
gorge et de toutes les formes arrondies. L'oreille est modelée avec soin, bien détachée, avec pavillon
en arrière et tragus marqué par un point. Le cou est gros; le torse et les membres, dans l'attitude
debout, assise ou agenouillée, accusent des épaules rondes, larges et d'allure carrée. Le tronc est
long, cylindrique marqué dans le dos par un sillon, laissant croire à la colonne vertébrale. Le tronc a
la forme d'un rectangle dont les grands côtés descendraient des épaules aux jambes. Les bras, quelle
que soit leur position, sont boudinés mais jamais d'allure gauche et de gestes lourds. Les jambes,
malgré leur atrophie - qu'il s'agisse d'une figure debout ou assise -font front avec les deux pieds
parallèlement rangés.

42
Dans l'ensemble des deux séries, les diverses variantes de style apparaissent, mais
trouvent leur unité dans la délicatesse de leur expression et la discrétion de leur naturalisme. Ces
variantes viennent de l'expressionnisme qui valut à l'artiste l'exactitude dans la traduction du
mouvement en dépit de l'à-peu-près de la forme statique. Il nous semble que le point culminant de
l'art africain soit l'exactitude du mouvement, c'est-à-dire l'exactitude d'un geste précis représenté au
moment où il se produit, avec un maximum de signification, rappelant les actes qui l'ont précédé,
laissant deviner ceux qui le suivent. Prenons un exemple, celui de la figure 22, les bras tendus à la
hauteur de la ceinture évoquent l'effort qu'il fait et qu'il faudra pour mettre l'objet qu'ils tiennent sur
la tête. L'objet est prêt à être mis sur la tête dont le maintien est droit. Qu'importe que les bras soient
boudinés ou les mains trop longues, l'image n'est pas fausse ni exagérée, elle est vraie. Les mains
sont devenues le centre du tableau, vu par l'artiste. Ceci nous le constatons sur toutes les figurines.
Asogba s'est appliqué à redonner le mouvement, il y a réussi d'une façon vivante dans les séries A1
et A2, beaucoup moins dans les séries B1 et B2 où il s'est laissé prendre par le goût de la véracité
des accessoires, des traits qui indiquent la fonction ou l'appartenance de la personne ainsi
représentée et par la facilité de cuisson que lui donnait le caléfacteur.

43
Il nous est presque impossible de définir une typologie du mouvement rendant compte de ce
qu'un artiste africain a voulu transmettre dans ses oeuvres.
Les deux séries ne se séparent que sur peu de points: le nez et les oreilles et surtout le mode
de cuisson, un certain nombre de traits ayant une fonction parmi les accessoires et les attitudes
générales. En fait, la constitution des séries repose davantage sur des traits secondaires ou signes
particuliers alors que les groupes, à l'intérieur des séries et des collections, se constituent sur des
traits fondamentaux et constitutifs d'une pièce, c'est-à-dire sur les proportions qui régissent les lois
entre la tête et le tronc, entre la tête et les membres auxquels viennent s'ajouter les traits
secondaires: la couleur et l'apparition d'un trait isolé, le sillon dans le dos. .
La constitution de séries et de groupes nous permet de suivre l'évolution du travail de
l'artiste et de situer sa progression vers un naturalisme réaliste dû à des conditions matérielles et à
des désirs de lisibilité que lui demandaient ses acheteurs, les Européens. La constitution de séries et
de groupes nous permet aussi de faire une analyse d'ensemble de pièces apparemment semblables
quant à leur charge esthétique mais dissemblables quant à leur charge ethnographique. Ce mode
d'analyse nous permet, dans l'avenir, de faire rentrer d'autres objets semblables si nous en
découvrons d'autres. Cette analyse est un point de départ pour entreprendre une étude d'ensemble
des objets et spécialement des statuettes des régions de Porto-Novo et du Nigéria occidental,
qu'elles soient de terre ou de bois ou de cuivre quant aux détails morphologiques, tel le travail de
l'oreille, des yeux, de l'allure générale. En effet, Asogba, malgré sa thématique propre, malgré
toutes les considérations de décor, inscrit sa sculpture, et cela d'une façon constante, dans l'espace
Yoruba-Nago où la sculpture doit être droite, douce, jeune, en mouvement, qualités qui seraient
violées par une sculpture imitant la rudesse d'une écorce, l'apparence maigrelette d'une pousse de
mil ou l'attitude brisée d'un vieillard. La belle sculpture Yoruba ne doit pas s'éloigner de la forme
humaine car les formes abstraites révèlent des sanctions religieuses, des tendances satiriques. D'où
pour les attitudes que les éléments les plus significatifs soient rendus visibles. Cette conception des
visibles correspond à une étonnante précision et sélection dont Asogba a su se servir pour modeler
ses statuettes. L'agréable articulation des membres dans l'espace, la juste position des éléments
morphologiques - le nez est placé ni trop haut, ni trop bas, les yeux sont proportionnels au volume
de la tête, la délicatesse des coiffures, des accessoires, l'équilibre des masses sphériques, la
construction angulaire des épaules, la symétrie de tout mouvement que nous trouvons dans les
statuettes d'Asogba correspondent aux critères esthétiques yoruba.
L'analyse esthétique que nous venons de faire nous a permis de situer la production
d'Asogba dans le temps et de suivre son évolution due à des conditions de perfectionnements
techniques et à des désirs de lecture européenne. Il nous reste, dans la dernière partie, à développer
les données ethnographiques transmises par ces figurines.

44
TROISIÈME PARTIE

L'enquête ethnographique et l'analyse esthétique nous ont permis de découvrir ce que


représentaient ces figurines et de les classer. Il serait de nouveau fastidieux d'énumérer comment
cela a été possible pour chaque pièce. Le classement des figures selon l'analyse esthétique donne
une classification diachronique de l'ensemble de la production. Et dans les tableaux, chaque pièce
garde, dans la colonne verticale, son numéro d'inventaire dans les diverses collections, auquel est
ajouté, pour 68 figurines, un numéro qui situe ces mêmes figurines selon la classification
ethnographique qu'il nous a été nécessaire de constituer pour la courte description de ces 68 figures.
Ces 68 figures, dans les tableaux de l'analyse esthétique, apparaissent selon leur place dans la
classification diachronique.
Avant d'entamer la description ethnographique de ces 68 figures, il est nécessaire de dire,
d'une façon très large, ce qu'elles représentent: des hommes et des femmes vivant de leurs Vodun ou
divinités, vivant dans une société secrète, ayant des responsabilités politiques ou religieuses,
participant à la vie sociale selon un mode particulier, et enfin, vivant le quotidien. Pour comprendre
cette société qui apparaît à travers ces figurines, nous sommes obligés de définir très largement ce
qui fait le fond commun et qui donne un sens à leur activité, c'est-à-dire ce que sont les Vodun ou
divinités.

VII. Essai de définition de ce que sont les Vodun

1. Définition de ce que sont les Vodun

Les Vodun sont des divinités que les Fon, les Gun et les Yoruba adorent. Nous pouvons dire
que les cultes rendus aux Vodun et Orisa s'adressent aux forces de la nature et aux ancêtres
divinisés. Pierre VERGER écrit (1957: 29, note 1)

«Rappelons que les cultes rendus aux Orisa s'adressent, en principe, aux forces de la
nature; en fait, la définition d'un Orisa est plus complexe. S'il représente bien une force de la
nature, ce n'est cependant pas sous sa forme déchaînée et incontrôlable; il n'en est qu'une part
seulement, assagie, disciplinée, fixée, contrôlable, formant un chaînon dans la relation des hommes
avec l'inconnaissable. Un autre chaînon est constitué par un être humain, divinisé, ayant vécu
autrefois sur terre et qui avait su établir ce contrôle, cette liaison avec la force, l'asseoir, la
domestiquer, nouer entre elle et lui un lien d'inter-dépendance par lequel il attirait sur lui et les
siens l'action bénéfique et protectrice de cette force et dérivait son pouvoir destructeur sur ses
ennemis; en contrepartie, il faisait à cette part de force, fixée, sédentarisée, les offrandes et
sacrifices nécessaires à entretenir sa puissance, son potentiel, sa force sacrée appelée ase.,»

Ainsi le culte des Vodun et Orisa s'adresse à la fois à ces deux chaînons joints, part fixée de
force de la nature et ancêtre divinisé, qui servent d'intermédiaires entre l'homme et l'inconnaissable.
Cette alliance est représentée, mais non matérialisée par un objet témoin, support de l'ase; ces objets
varient suivant le Vodun. Il est difficile de savoir qui de la puissance naturelle ou du héros a existé
antérieurement dans la tradition de la société qui vit telle divinité. Le R. P. FALCON écrit (1964:
188s.)

« Je crois aussi que ces cultes visent en premier lieu les puissances de la nature. Mais il ne
semble pas que presque toutes soient doublées d'un héros divinisé. En tout cas le héros divinisé ne
me paraît pas le plus important, au moins au Dahomey... [En effet:] Le monde surnaturel du
dahoméen païen est peuplé de puissances et de mânes.

45
A côté de grands dieux communs à plusieurs (to-Vodun = Vodun du pays), (ako-Vodun = Vodun du
clan), chaque famille a ses ancêtres qu'elle honore et auxquels, très souvent, elle rend un culte
semblable à celui des Vodun. Et cela se comprend: passés dans l'autre monde, les anciens sont
devenus par le fait même plus puissants pour le bien et pour le mal: ils participent donc à l'essence
du Vodun, la puissance.»

Les Vodun sont des puissances naturelles divinisées que l'on peut diviser ainsi: - puissances
naturelles d'en haut ou de l'espace: dji-Vodun; puissances naturelles d'en bas ou de la terre: aï-
Vodun; puissances naturelles des eaux: to-Vodun; puissances naturelles protectrices: atime-Vodun.
Toutes ces puissances sont personnalisées ou mieux personnifiées, et nous pouvons découvrir
qu'elles sont connues sous différents noms qui signifient très souvent un mode de personnification
particulière du Vodun selon son apparition géographique et économique. Selon le R. P. FALCON
(1964: 183), «Orisa ou Vodun dépassent l'homme par leur puissance, mais ils restent humains par
leur pensée, leurs qualités et leurs défauts». La personnification se situe aussi au niveau des ancêtres
divinisés, c'est le cas pour le Vodun Gbeloko de Porto-Novo. Ainsi nous pouvons dire que tout
orientés vers les hommes, les Vodun les protègent, les aident, mais aussi les châtient
impitoyablement, si bien qu'à leur égard, dans le coeur des humains se mêlent l'amour et la crainte.
Cet amour et cette crainte sont ritualisés dans des cérémonies d'offrandes et de revitalisation, d'une
grande beauté et d'une intensité religieuse remarquable pour certains Vodun. Pierre VERGER écrit
(1957: 30)

«Ces cérémonies d'offrandes et de revitalisation de l'ase de l'Orisa sont suivies de danses et


de chants qui évoquent les passions, les guerres, les caractères du dieu. Des appels rythmés lui sont
faits par des tambours: des tambours qui parlent car ils émettent des sons modulés qui sont inspirés
par les langues à tons de ces régions. Ces rythmes deviennent de véritables locutions musicales qui
sont aussi des louanges du dieu et des paroles d'appel et qui ont une action puissante et presque
irrésistible sur l'esprit des initiés qui y ont été sensibilisés. »

L'ensemble des cérémonies rituelles aux Vodun se compose de libations de sang de certains
animaux, d'offrandes et de nourriture et de prières et de l'annonce des oriki qui sont «une forme de
salutation où les noms glorieux, les devises, les louanges spéciales de l'Orisa sont énoncés, exultant
sa puissance et rappelant les faits et gestes de l'ancêtre divinisé» (VERGER 1957: 31).

Il existe aussi des cérémonies non cultuelles au sens propre du terme qui sont d'ordre social
mais liées à la vie des Vodun. En effet, nous remarquons que les Vodun sont aussi les instruments
de la justice et les gardiens de la morale du lignage: ce sont eux qui, au cours des ordalies, détectent
les coupables et sanctionnent l'inconduite qui porte atteinte à l'intégrité familiale : vol, adultère,
faute commise contre une personne consacrée. Nous retrouverons ces cérémonies avec les figures
44, 45 et 46.
Nous avons pu approcher ces diverses sociétés vivant les cultes Vodun, grâce à la
représentation que nous donnaient ces statuettes d'Asogba. Or ces pièces représentent des hommes
et des femmes consacrées à diverses divinités : Vodun. En général, nous les appelons Vodunsi,
c'est-à-dire personne consacrée, qu'elle soit homme ou femme. Sur ce point, nous avons été surpris
que ce terme Vodunsi s'applique, dans la terminologie sacrée, à toute personne, féminine ou
masculine, consacrée à un Vodun, alors que dans la terminologie de langage ordinaire la particule si
identifie un féminin. Il existe toute une hiérarchie non seulement au niveau des Vodun eux-mêmes
mais aussi au niveau des dignitaires assurant le rituel de chaque Vodun et ce qui fait dire à Pierre
VERGER (1957: 31)
«Si le fond de tous ces cultes reste le même, offrandes, sacrifices et louanges des dieux,
suivis de danses destinées à provoquer leur apparition dans les corps des prêtres en transe, les
rituels, par contre, sont fortement influencés par l'organisation sociale des pays où les dieux sont
installés.»

46
D'où la nécessité, pour nous, de voir qui sont ces prêtres et ces prêtresses. Cette nécessité
nous est dictée par l'objet même de notre recherche car c'est bien à travers une représentation de
telle personne que nous allons à la découverte de ces divinités 21.

2. L'existence d'une hiérarchie est réelle

Les cultes sont rendus par une hiérarchie organisée: «L'autorité y appartient au Vodunon - le
maître du Vodun -, entouré de quelques assistants et des Vodunsi, les épouses du Vodun, dont le
nombre peut varier de quelques dizaines à quelques centaines» 22

Le fait de connaître comment on devient un membre de la hiérarchie des cultes Vodun nous
permet de mieux comprendre ce que sont ces prêtres et ces prêtresses et ces assistants. La littérature
sur ce sujet est assez fournie et nous donne des échantillons de partialité selon que celui qui décrit
les modes de recrutement est favorable ou non aux cultes des Vodun 23
Les prêtres sont désignés et pris parmi les membres de telle famille et parmi les descendants
d'anciens esclaves. Le Vodunon est choisi dans le lignage issu du Vodun, c'est-à-dire un enfant a été
choisi pour succéder à un parent Vodunon décédé. Le recrutement des Vodunsi se fait non
seulement dans tel lignage mais aussi précisément dans les lignages qui auraient été autrefois les
pourvoyeurs de femmes appartenant à tel Vodun.24. Mais il arrive, et cela plus spécialement pour
des fillettes, qu'il y ait rapt 25 et qu'on les mette d'office dans un lieu sacré où elles devront séjourner
un certain temps en vue de leur initiation.
Le recrutement des Vodunsi fait, il reste tout le temps de l'initiation. Là encore, nous avons
relevé toute une littérature dénigrant ce temps de formation.
L'initiation se fait pendant un séjour dans un lieu sacré auprès d'un sanctuaire, le kuxué - la
maison des morts -, après qu'une mort symbolique les ait détachés de la société des vivants. Les
futurs initiés y vivent séparés du reste de la société pendant une période variant de quelques mois à
quelques années au cours de laquelle ils apprennent la langue, les prières, les louanges et la
chorégraphie des Vodun auxquels ils sont liés. Ils reçoivent leurs insignes de dignité et les marques
de scarifications signifiant leur appartenance à tel Vodun. Ils sont destinés, une fois sortis, à assurer
la continuité d'un culte nécessaire au maintien de l'intégrité des lignages. Pour comprendre à quoi
correspond le choix d'un Vodunsi et son initiation, nous donnons la description de la nomination
d'un prêtre Vodun recueilli par le R. P. BARREAU (s. a.: 107s.).

21
Nous pensons que nous rencontrons la société dans toutes ses activités et spécialement dans les objets cultuels où nous
avons pu constater une homologie entre ce que les hommes vivent et ce que les Vodun nous laissent voir: nous retrouvons les
mêmes structures hiérarchiques chez les uns et les autres. Nous nous sommes penchés sur ce problème dans une étude sur la
poterie Vodun.
22
CLAUDE TARDITS (1958: 53) donne cette idée qui correspond à notre vue: «Fait peu souligné ou peu connu; les
cultes des Vodun porto-noviens constituent, à travers leurs rites et leurs mythes, le conservatoire de tout un passé où les héros
guerriers sont devenus des dieux et où l'épopée a glissé dans le sacré.»
23
Sur cette partialité, nous avons rencontré des textes d'une dureté incroyable chez des ethnographes tel ALAPINI dans son
livre «Les initiés» (1953: 46-52) où il parle des modes de recrutements fétichistes, chez des missionnaires qui ont été aux
prises avec les féticheurs; chez des administrateurs qui avaient dû trancher des litiges de cet ordre.
24
Actuellement, le choix dans le lignage continue, mais il nous semble que les chefs de certains cultes soient dans l'obligation
de choisir les Vodunsi parmi le lignage ou les lignages vivant uniquement de la terre; en effet, nous avons constaté que les
enfants alphabétisés refusent de devenir Vodunsi. Les Vodunon préfèrent ceux ou celles qui ne parlent que la langue
traditionnelle; à ce sujet, nous avons relevé cette vue dépréciative à Porto-Novo «les Vodunon n'ont plus que les gens de la
brousse pour devenir féticheurs et féticheuses.»
25
La notion de rapt serait à saisir dans le mode de pensée des sociétés en question. En effet, nous pensons qu'il y a réellement
enlèvement de certaines personnes. Mais nous soulevons un problème qui n'a jamais été discuté: celui de savoir si nous
pouvons parler d'enlèvement de personne et de contraintes dans certains cas. Car il ne faudrait pas oublier ce qui a pu se
passer au moment de la grossesse: la future maman a bien pu aller demander, par l'intermédiaire d'un Bokonon, une aide à tel
Vodun pour que sa grossesse se passe bien, et ensuite le Vodun appelé à veiller sur l'enfant qui doit venir au monde demande
que cet enfant lui appartienne. Ou bien à l'heure de l'accouchement, la position de l'enfant lors de sa venue, indique parfois
qu'il a été choisi par tel Vodun. D'où la nécessité de connaître les deux moments que nous venons d'indiquer. Ainsi, si une
personne née dans de telles conditions est demandée par le Vodun qui a présidé à sa conception ou sa naissance, cette
demande peut se faire d'une façon brutale: tel l'enlèvement qui rappelle au lignage et à la société leur engagement.
47
«Les autres fétiches qui veillent sur le pays et dont le nombre est déjà respectable, ont
chacun un féticheur attaché à leur culte, personnage qui devient l'intermédiaire, le porte-parole
entre le peuple et la divinité. Les individus ainsi choisis reçoivent une consécration et leurs
fonctions en font des êtres craints et respectés. Voyons donc les modalités de cette nomination et les
cérémonies qui les accompagnent. Le choix est réservé aux plus importants féticheurs réunis sous
la présidence du chef. Les deux principaux féticheurs sont pris dans certaines familles à qui seules
est reconnu ce droit par hérédité.
La nomination faite, le nouvel élu accompagné de ses pairs se rend à Porto-Novo devant le
ministre Aplogan qui approuve ou casse son élection. Qui pourrait dire toutes les intrigues qui se
trament autour de cette élection? La veille au soir du jour fixé pour sa consécration, veille du
marché de Djégan, le nouvel élu se rend chez le chef où il doit passer la nuit. La tanyinon lui rase
la tête et lui coupe les ongles. Un nom lui est imposé. Le matin, dès la première heure, la foule
accourt sur la place et attend son nouveau féticheur. Il paraît revêtu de ses insignes, abrité sous un
grand parasol, devant la foule le chef lui met sur la tête le bonnet, marque distinctive de sa charge;
la foule l'acclame l'accompagne jusque chez lui où il passe neuf jours en retraite, ne recevant
aucune visite si ce n'est celles de ses collègues. Le neuvième jour, il reparaît, toujours accompagné
de la foule, il se rend devant la maison du chef. Celui-ci l'attend sur la place, assis sur son siège et
va recevoir les hommages de dépendance du nouveau féticheur. Entouré de toute sa famille, l'élu se
prosterne devant son chef. Neuf fois, le front touchant terre, il fait claquer dans la main gauche le
majeur et le pouce de la main droite; puis il se lève, et dès ce moment il est féticheur. Aussitôt les
chants et les danses commencent, le tam-tam devient bruyant, et bien entendu, le nouveau féticheur
doit empêcher les gosiers de se dessécher, et donne du travail à l'estomac.»

Ce cérémonial est commun à tous les féticheurs. Nous constatons que tout élu, dans la
région de Porto-Novo, doit être présenté au chef, après l'acceptation de son élection par l'Aplogan
qui loge dans le quartier Huedakomè à Porto-Novo. Ensuite il reçoit les insignes de sa dignité et le
bonnet qui est la marque distinctive de sa charge. Nous trouverons ces insignes lors de la
description des figurines.
Voici une autre description de nomination d'un chef d'un Vodun que le R. P. BARREAU
décrit ainsi (s. a.: 109-111)
«Pour le fétiche Zozo, père de tous les fétiches, si après cette présentation au chef, son
prêtre est bien féticheur, il ne peut encore cependant exercer son pouvoir, il lui faut auparavant
aller à Adjar Egué, d'où partirent les Adjaranou qui suivirent Te Agbanli, fondateur du royaume de
Hogbonou. C'est du féticheur Zozonon d'Adjara Egué qu'il recevra ce pouvoir. jusqu'au jour où il
ira chercher ce pouvoir, c'est un Adja du pays d'origine du culte de Zozo, qui résidant chez lui,
remplit toutes les fonctions du culte... »

Les deux exemples que nous venons de citer marquent bien la réelle existence d'une
hiérarchie parmi les Vodunon et les Vodunsi, et indiquent la situation de ces personnes devenues
prêtres et prêtresses. Pierre VERGER écrit à ce sujet (1957: 32)
«Les prêtres animistes sont quelquefois dans une situation très particulière; ils sont craints
et respectés en raison de leur liaison avec les dieux puissants mais leur situation sociale n'est pas
forcément très élevée, les chefs de collectivités familiales ou les gens de qualité n'occupent pas eux-
mêmes ces fonctions.»

De l'avis de Pierre VERGER, il nous faut relativiser la position sociale des prêtres et
prêtresses des cultes Vodun. Mais nous remarquons que parmi les Vodunon, les uns se sont acquis
une renommée qui sort du commun, tandis que d'autres se cantonnent dans des rites appris et
immuablement reproduits. II en est qui grandissent et d'autres qui se discréditent par des actes peu
religieux et peu efficaces; il en est dont la puissance est reconnue par une famille, un quartier et
d'autres que l'on vient consulter de fort loin.

48
LE HÉRISSÉ (1911: 129 ss.) divise les personnes consacrées en quatre catégories:

1: Vodunon (possède le fétiche), grand prêtre, habite près du temple, dépositaire des secrets
de la divinité, seul il connaît les prières et les feuilles qui lui sont réservées; seul les jours de
sacrifice, il pénètre près des autels, un simple serre-tête blanc le distingue alors des autres prêtres
qu'ornent des colliers de cauris, des bracelets, des tutus bariolés et qui l'attendent prosternés devant
l'entrée du temple. Il ne participe ni aux danses ni aux processions publiques; il y est représenté par
le
2: Hounso, son adjoint, son délégué, qui danse en tenant sur les épaules les animaux qui
seront sacrifiés. Le fétiche descend alors en lui, il le porte, d'où son nom Hounso (e so houn) il porte
le fétiche»);
3: les Vodunsi voués au culte du fétiche;
4: Vodun Legbanon qui incarne le Legba.

Cette classification nous paraît valable pour les trois premières catégories car nous les avons
trouvées ainsi. Mais pour ce qui est de la quatrième catégorie, il nous semble que LE HÉRISSÉ s'est
laissé influencer par les dires des premiers missionnaires qui ont décrit ce fameux Legba ainsi que
par les rapports des administrateurs sur ce Vodun.

Le Vodunon a la fonction de sacrificateur dans beaucoup de cultes Vodun; il remet aussi les
offenses faites aux Vodun. A cette occasion, il impose une amende au coupable et lui fait subir
certaines ordalies. Il est appelé à régler les différends dans les familles: il joue alors le gardien de
paix et l'agent de réconciliation. Il n'est pas toujours nécessaire d'être un Vodunon pour offrir un
sacrifice et faire des offrandes à un Vodun car, dans un village vivant des Vodun, hommes et
femmes, tout le monde est un peu Vodunon. Ainsi il y a un très grand nombre de Vodun dits
particuliers; doit-on en conclure qu'il y a autant de Vodunon que de Vodun? Non, car dans le cas
des Vodun familiaux, par exemple, qui sont honorés dans certaines familles et pas dans d'autres,
c'est le chef de famille, ou bien une femme âgée qui en a la charge, et qui, après consultation de Fa,
offre les sacrifices demandés. Parfois même plusieurs familles honorant le même Vodun
choississent quelqu'un qui, à cause de son savoir puisé lors de cérémonies Vodun, est chargé de
remplir l'office de servant auprès du Vodun sans avoir le titre de Vodunon ni en porter les insignes.

La description de la hiérarchie existante dans les cultes Vodun nous permettra de


comprendre la variété des personnages que nous allons décrire dans le chapitre VIII.

49
VIII. Description des figurines

C'est à travers l'enquête ethnographique que nous avons pu


savoir ce que représentaient ces figurines.

1. Schéma d'identification

Chaque pièce a été identifiée soit par les deux points ici
mentionnés: attitude/objet et accessoires, soit par l'un des deux
points ou même par un trait de la catégorie typique de la
cinquième séquence. De toute fa,con, nous avons été prudent quant
à l'identification ethnographique pour ce qui concerne les données
communiquées par les accessoires, en particulier pour les
bracelets, les vêtements, les colliers et les scarifications. Nous
nous sommes rendus compte lors de notre enquête et lors de notre
analyse esthétique, que l'artiste Asogba était tombé dans un excès
des détails dans les séries B1 et B2. Ceci est remarquable pour
les scarifications 26 d'où notre méfiance à leur donner une réelle
valeur. Or nous savons pourtant que les tatouages et
scarifications obéissent à un véritable code particulier au
groupe, à la tribu, voire même au village et à certaines familles
et Vodun.

Les accessoires, en général, portent certaines indications


ethnographiques. Ainsi les coiffures, dans quelques cas, ont
conservé un caractère de religiosité.

Par contre, les vêtements qui habillent ces pièces portent peu
d'informations de grande valeur car il nous semble que l'artiste
se soit laissé guider par les teintures ou vernis européens qu'il
possédait. Les bijoux, bracelets et colliers, dans certains cas,
nous ont aidé à identifier des figures et à en déduire à quel
Vodun ils appartenaient. Nous avons été frappé de voir comment les
Vodunon essayaient de lire ces signes. Peut-être, est-ce
réellement un signe permettant de reconnaître l'appartenance à tel
Vodun et de reconnaître le sexe de celui qui les porte 27 ? Il est
vrai que dans la vie courante ces signes indiquent bien
l'appartenance à tel Vodun et le sexe. Mais, dans le cas de ces
figures, leur valeur est toute relative.
Par contre, les attitudes et les objets tenus par les
personnages ont été décisifs dans beaucoup de cas pour
l'identification ethnographique. L'objet, étant souvent l'insigne
d'une charge ou le symbole de la présence de tel Vodun, devient un
point marquant de la figure. De plus, les objets désignent
l'activité que font les personnages qui les tiennent. Toutes ces
parures et objets relèvent de l'idée supérieure de la qualité
vivante et religieuse qu'ils recouvrent de l'élément naturel
qu'ils incorporent.

50
Nous pouvons établir un schéma général d'identification
ethnographique qui possède quelques variantes dans certains cas.

2. La description des 68 figurines

Elle comportera une description de chaque figure et une courte


explication de ce qu'elle représente. La classification de ces 68
figures est basée sur ce que sont les Vodun, sur certaines
cérémonies non cultuelles, sur le rôle de certains personnages,
sur la représentation de la vie quotidienne que nous trouvons dans
la région de Porto-Novo. (Les figures 9, 20, 26, 33, 53 ne sont
pas reproduites dans notre texte à cause de leurs similitudes à
d'autres figures de leur groupe.)

51
Les figures l, 2, 3, représentent des
Vodunsi, c'est-à-dire des personnes
consacrées et appartenant au Vodun Lisa.
La figure 1 (B1.1) représente une femme, appelée lisasi. Elle
porte des bracelets de biceps dits aba∂agan, et des bracelets de
poignets dits al©gan et des colliers dits ac©. Les insignes, le
pagne blanc afunwé, le bâton qu'elle tient dans les mains, appelé
kpotà, et la coiffure dite acugwidi, nous permettent de dire que
c'est une lari de Lisa, c'est-à-dire un serviteur qui représente
la divinité parmi les gens.

52
La figure 2 (A2.1) représente un homme, appelé Duduasi. Dans
la région de Porto-Novo, Dudua est le nom Yoruba-Nago de Lisa. Il
semble que les Dahoméens aient emprunté ce culte aux Yoruba du
Nigéria occidental. Cette identification est possible grâce aux
scarifications du visage, appelées en Yoruba kéké et ici plus
exactement gombo. Ce Vodun est représenté souvent par un objet à
deux parties: une calebasse rouge sinunha et un pot lisa-zen.
L'homme, clochette alingl† en main, vénère la divinité comme il le
fait solennellement tous les cinq jours, jour appelé Vodungbé, qui
est ordinairement un jour de marché. La clochette est un signe de
la présence du Vodun. Il porte un petit pagne blanc vlanya et un
collier ac©, un petit bonnet qui couvre le sommet du crâne, appelé
acugwidi (28)

53
La figure 3 (B1.1) représente un homme de couleur blanche.
C'est un albinos sukpo, être du Vodun Lisa. Il porte un long pagne
blanc, appelé av©sunuk©gni, un collier ac©, un bracelet al©gan et
un bonnet dit abeti. Il tient dans sa main gauche une sorte de
lance ou insigne du Vodun Lisa, appelé huan. Les albinos sont
sacrés et entourés d'une telle vénération que les gens se trouvent
très honorés s'ils pénètrent dans leur maison pour prélever de la
nourriture sur leur propre alimentation ou pour prendre tout autre
chose (29),

La chevelure des albinos passe pour avoir de grandes vertus,


aussi est-elle recherchée pour confectionner des gris-gris dits
b©. Mais défense est faite aux albinos de se prêter à cette
profanation. Quand ils transgressent cette interdiction, quand ils
vendent une mèche de leurs cheveux, ils sont punis par le Vodun
qui les couvre de plaies; ils deviennent alors objet de répugnance
et de mépris.
54
Le Vodun Lisa est associé au Vodun Mawu. Il est très
difficile de définir ces deux Vodun ou divinités car leur rôle
varie selon les mythes (30). Nous retrouverons cette même
difficulté chez les Yoruba du Nigéria qui ont un couple créateur
se nommant Obatala et Odudua. Il semble qu'il y ait une
correspondance réelle entre ce couple Yoruba et le couple Mawu-
Lisa des Fon et des Gun, qui eux empruntent même le vocabulaire
Yoruba pour leur dénomination en lui faisant quelques contractions
de lettres. Chez les Gun de Porto-Novo, Dudua est identifié à Lisa
et a les mêmes prérogatives cultuelles.

Comment a-t-on eu conscience d'un couple créateur? Il semble


que les Fon, les Gun et les Yoruba aient une notion de
l'inconnaissable, de dieu qui soit très haute. Mais il ne paraît
pas souhaitable d'entrer en communication avec lui car il est
lointain et donc inefficace dans la réalité humaine. Ce dieu, cet
Inconnaissable, auteur de tout, s'est servi d'un couple appelé
Mawu-Lisa pour créer les autres créatures et pour gérer l'univers.
Lisa-Mawu serait donc le couple créateur, premier dans l'ordre des
créatures de ce dieu que les Fon et les Yoruba ont conscience de
posséder.

Il existe de nombreux mythes, relatant la vie de ce couple


créateur. Nous constations que Lisa est tantôt mâle, tantôt
femelle. Il en est de même pour Mawu. Selon certains mythes, ce
sont deux Vodun associés qui furent envoyés sur terre par ce dieu,
pour donner l'existence sur la terre (31)
Selon d'autres, un élément de ce couple donne l'existence au ciel
tandis que l'autre élément donne l'existence à la terre (32), Nous
ne donnerons pas ici les multiples explications de l'existence de
cette dualité car d'autres l'ont déjà fait et en particulier
Pierre VERGER dans son livre sur les Vodun et Orisa (1957).

Que devons-nous retenir de tous ces mythes relatant les


péripéties du couple créateur? C'est d'abord l'existence d'un dieu
suprême et inconnaissable qui est réactualisé dans le couple Lisa-
Mawu qui, lui, prend des formes bien différentes selon les ethnies
ou les lignages qui vivent de ces Vodun. A Lisa est lié la couleur
blanche et son symbole est le caméléon. Très souvent, Lisa est
représenté par une calebasse blanche ou mieux par deux calebasses
dont l'une a l'ouverture tournée vers la terre, l'autre a
l'ouverture tournée vers le ciel (33).

Ce que nous savons du symbolisme, nous porte à croire que


c'est par analogie avec la clarté du firmament au point du jour,
que la couleur blanche a été choisie et consacrée à Lisa. Mais
quelle explication donner du caméléon, symbole de ce grand Vodun?
Serait-ce aussi l'assimilation du lent lever de l'astre du jour
avec le marcher composé du saurien qui motive ce symbole ?

55
Les figures 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
représentent des hommes et des femmes
consacrées au Vodun Hebioso.
La figure 4 (B1. 1) représente un homme qui porte un bâton
reproduisant la forme des cornes du bélier; ce bâton se nomme
sosiovi. Le bélier l†su est un des noms du Vodun Hebioso, d'où sa
symbolisation en forme de double hache ou de cornes de bélier.
Cette hache sert pour les danses rituelles. Il porte un collier
dit v†glà, ayant comme pendentif deux perles rouges dites lankan,
ces perles sont rares et ne sont achetées que par les Vodunon et
les Vodunsi. Ce genre de collier est propre à ce Vodun et aux
Atim† Vodun. Il a un pagne blanc vlanya, noué aux deux extrémités
et ceint à la hauteur des reins, deux bracelets aba∂agan. C'est un
lari du Vodun Hebioso, c'est un serviteur de ce Vodun qui doit
être respecté partout où il se trouve.

56
La figure 5 (A2.1) représente un homme qui porte sur sa tête
un pot dit gozen recouvert d'un grand pagne blanc. Il a un
collier v†gla et un court pagne vlanya, noué aux deux
extrémités et ceint à la hauteur des reins. Ce pot est signe
de la présence du Vodun d'où le nom de Ta-Vodun que prend ce
porteur. Il est porteur du Vodun et serviteur du
sacrificateur. Il seconde le prêtre mais il n’a pas un rang
éminent dans l’ordre des Vodunon et des Vodunsi. En effet, il
ne revêt ce grand pagne qu’au moment où il doit faire office
de porteur.

57
Les figures 6 (Bl.l), 7 (A2.2), 8 (A2.1) et 9 (B2.1) portent
tous un collier v†gla, ayant comme pendentif deux perles rouges
lankan. Ils ont une coiffure appelée zogbodo, composée de plumes
caudales de perroquet appelées ici k†s†zan, disposées en forme de
diadème 34. Un bois recouvert d'une étoffe éclatante, appelé
acina, est porté sur les épaules lorsqu'ils sortent en cortège.
Ils tiennent à la main une double cloche alingl† qui est une
cloche de cérémonie indiquant la présence du Vodun. C'est un
personnage du corps des Vodunsi, très souvent adjoint huns© à un
Vodunon. Mais il existe un chef des acina. Ces personnages ont
pour principale fonction celle de danser lors des cérémonies
cultuelles, en tenant sur leurs épaules leur acina et on dit à ce
moment de lui ou d'eux: é s© hun «il a pris le Vodun».

La figure 6 (Bl.l),

58
La figure 7 (A2.2)

59
La figure 8 (A2.1)

60
Les figures 10 (A2.2) et 11 (Bl.l) représentent des femmes
qui sortent pour la première fois de leur enclos d'initiation
appelé Vodunkpam†. La couleur rouge de leur coiffure dite acugwidi
et des colliers ac© qui se croisent sur la poitrine sont un
costume essentiel de cérémonie des Vodunsi qui, en les prenant sur
elles, se revêtent, pour ainsi dire, de leur état de Vodunsi. Les
scarifications hu† des épaules, formant des boursouflures assez
visibles, sont distinctes des scarifications d'agrément ou de
groupes ethniques.

La figure 10 (A2.2)

61
La figure 11 porte aux chevilles des bracelets appelés af©gan
ainsi que des bracelets de poignets al©gan comme la figure 10.
Lorsqu’elles sortent de leur enclos d'initiation (35), les Vodunsi
posent l'index de leur main droite sur les lèvres, pendant que
leur main gauche, qui est la main spécialement réservée par le
Vodun, reste effacée (36). En fait, ces deux femmes ne sont pas
encore des Vodunsi mais des hunsi: c'est-à-dire des personnes
vouées à un Vodun et en cours d'initiation (37).

62
H†bioso est un Vodun très puissant; c'est une divinité très
crainte. C'est le phénomène naturel qu'est le tonnerre, la foudre
qui est divinisée. Là aussi, un grand nombre de mythes racontent
les exploits de ce dieu et comment les hommes se sont appropriés
sa force, son existence sur la terre. Ce dieu a été certainement
importé du Nigéria au Bénin (Dahomey) par les Yoruba, quant à ses
modes d'organisation. D'où pour nous la nécessité de cette longue
note 38 donnant une explication mythologique à l'existence de ce
Vodun.

Ce Vodun est puissant, violent et justicier, il châtie les


menteurs, les voleurs et les malfaiteurs: pour cela, il possède
une ordalie semblable à celle décrite à la figure 46. L'emblème de
ce dieu est une double hache stylisée que portent les Vodunsi.
Ceux-ci sont appelés h†viosi ou yavoca par les Yoruba-Nago de la
région de Porto-Novo, lorsqu'ils dansent. Il a aussi deux autres
emblèmes, l'un composé d'une grande pierre noire en forme de hache
néolithique dont le sommet est recouvert d'une jarre percée,
l'autre est un bélier stylisé, tenant dans ses mâchoires une
double hache.

Il change de nom selon son appropriation par l'homme. H†bioso


comporte une grande famille dont chaque membre caractérise un
effet de cette puissance naturelle, captée par l'homme à son
bénéfice (39).

63
La figure 12 (B1.1) représente un Vodunsi consacré au Vodun
Ahosan, frère cadet du Vodun H†bioso. Un grand pagne blanc
recouvre un objet reposant sur la tête. Ce pagne descend jusqu'aux
pieds. Il a un court pagne vlanya et un collier rouge v†gla. C'est
un Ta-Vodun (40), un porteur d'un pot zen, signifiant la présence
du Vodun. Il ne revêt ce grand pagne qu'au moment où il fait
office de porteur.

64
Les figures 13, 14, 15, 16 représentent
un homme et des femmes consacrés au Vodun
Sakpata.
La figure 13 (A2.1) représente un homme aux cheveux rasés. Il
porte un pagne blanc vlanya, des bracelets aba∂agan et al©gan, un
collier appelé ataungwe, c'est un collier fait de deux perles
rouges lankan et ayant comme pendentif une petite gourde.

C'est un Vodunon, ou plus exactement, c'est le maître de ce


Vodun, le possesseur de ce Vodun. A chaque jour du Vodun, appelé
Vodungbé, il sonne à la pointe du jour de son gong et chante des
oriki, prières qu'il adresse à son Vodun pour lui-même, pour sa
famille et pour les gens de son quartier, pour les étrangers, pour
la réussite du marché.

65
La figure 14 (B1. 1) représente une femme hunsi, c'est-à-dire
une femme vouée à un Vodun et ici elle est vouée au Vodun Sakpata.
Elle n'est pas encore Vodunsi. Elle est représentée lors d'une
cérémonie rituelle qui a lieu dans l'enclos d'initiation. Elle
porte les mêmes bijoux que ceux que nous avons décrits dans les
figures 10 et 11 sauf pour le pendentif du collier qui est ici un
cauris, appelé aku†, et des bracelets noirs appelés abaj†. Elle
tient dans ses mains une sorte de verge, un petit balai appelé oha
qui sert dans une danse et aussi pour nettoyer le pourtour du
Vodun matérialisé. Le bonnet à visière qu'elle a est d'origine
Yoruba (41),

66
Les figures 15 (A2.1) et 16 (A2.1) représentent deux femmes
consacrées au Vodun Sakpata pendant une cérémonie à ce Vodun.
Elles tiennent, dans leurs mains, ce balaie oha que nous venons de
décrire dans la figure 14. Elles ont un collier de perles noires,
appelé gl©gl©y† orné d'un pendentif en forme de cauris aku†, des
bracelets dits abaj†, et un pagne vert vlanya. Ce sont deux
Vodunsi, personnes vouées au culte après une ou des initiations,
aux danses, aux chants et à la langue propre à leur Vodun (42),

La figure 15 (A2.1)

67
La figure 16 (A2.1)

Sakpata est le Vodun de la terre, du sol. Il est la divinité


de la terre. Il y a de nombreuses explications données au sujet de
cette divinité (43).

Très souvent, Sakpata est appelé le Vodun de la variole. Or


il semble que la variole n'est que la punition infligée par la
terre aux malfaiteurs et à ceux qui lui ont manqué de respect.
FALCON (1964: 46) écrit à ce sujet:

« Mais il est bien plus connu comme Vodun de la variole cette


maladie terrible qui sévit en Afrique Occidentale surtout à la
saison sèche en épidémies mortelles: c'est pourquoi Sakpata est
encore appelé « dieu de la sécheresse » (44). On n'appelle jamais
la variole par son nom, on dit toujours « la terre. »

Mais nous pouvons nous demander, comment une telle


association terre-variole, s'est instituée, car la note (44)
semble contredire une telle conception de la relation entre terre
- sécheresse - variole.

68
IL semble, en fait, que le terme Sakpata ne soit qu'un terme
générique désignant un tas d'événements liés à la vie de l'homme
d'où l'importance des qualificatifs qui lui sont donnés. Les
Sakpatasi jouent un grand rôle dans la vie sociale. En effet, ils
récoltaient les corps et les biens des victimes de la variole et
cela en tant que représentants du «maître de la terre» Nous avons
remarqué, dans la région de Porto-Novo, que le «maître de la
terre» ou plutôt le «chef de la terre» était aussi le chef des
Sakpatasi.

Les autels de Sakpata sont de petits tertres de terre sur


lesquels se trouve une jarre de terre cuite, percée de nombreux
trous, et un bloc de latérite qui rappelle la face du varioleux. A
côté, une plante grasse y pousse; c'est de cette plante grasse que
les autels particuliers sont issus. Beaucoup de maladies,
difficiles à soigner, sont imputées à Sakpata.

69
Les figures 17, 18, 19, 20, 21
représentent des hommes et des femmes
consacrés au Vodun Dangb†.
Les figures 17 (A2 .1) et 18 (B1. 1) représentent deux
femmes, l'une debout, l'autre à genoux. Elles portent de grands
colliers dits ac© et un serre-tête blanc appelé adok†, un pagne
blanc vlanya ainsi que des bracelets al©gan. Ce sont des Vodunsi
de Dangb†.

La figure 17 (A2 .1)

70
La figure 18 (B1.1)

71
Les figures 19 (B1.1) et 20 (B1.1) représentent exactement les
mêmes personnages que les figures 17 et 18 sauf pour les colliers
et bracelets qui sont en cauris ahu† ainsi que le serre-tête (45).

La figure 19 (B1.1)

La figure 20 (B1.1) représente une femme consacré au Vodun


Dangb†. (photographie absente)

72
La figure 21 (B1. 1) (voir P1. 3,a) représente un homme
portant un python. Il a un long pagne qui recouvre le serpent, la
tête et tout le corps. Il porte un court pagne vlanya, un collier
appelé damij†. C'est un Ta-Vodun, c'est-à-dire un porteur de
Vodun. Il ne revêt ce grand pagne qu'au moment où il fait office
de porteur.

73
Dangb† représente un animal divinisé, le serpent et
spécialement le serpent python «pytho regius». Mais il est bon de
savoir que le terme

Dangb† est un nom générique comprenant des dénominations


spécifiques variées, l'usage est de le dire «père» de nombreux
enfants ce qui symbolise pour le Dahoméen une unité de culte
reposant sur une pluralité dei composantes connues.
Dangb† est un serpent qui est dit bon parce que sans venin, à
l'allure paisible, petite tête ronde, petite queue, corps assez
gros, à la peau tachetée de dessins grisâtres.
Mais comment Dangb† est-il devenu un Vodun, une divinité ? Ce
point est très difficile à éclairer tant il y a de mythes tentant
de l'expliquer. Christian MERLO (S. a., 2, chapitre VI) a essayé
de classer ces mythes de cette façon: les traditions cosmogoniques
où le serpent est associé au dieu créateur; les traditions
théogoniques où le serpent est en lutte avec dieu et leur terrain
de lutte est l'homme: c'est ici que le serpent est dit avoir
ouvert les yeux à l'homme sans avoir la permission de Mawu; les
traditions météoriques où le serpent est montré comme étant le
maître de la pluie; les traditions mânistes où le serpent est
devenu l'avatar d'un ancêtre divinisé; les traditions
anthropologiques où le serpent est le dispensateur de richesses,
le justicier des faibles. Mais il nous semble que le thème de
l'ouverture des yeux de l'homme par Dangb† est le plus commun et
le plus communément admis par les Dahoméens. Ce nombre si grand de
mythes nous aide à comprendre la diversité de ce Vodun. En effet,
chaque ethnie a son Dangb† qu'elle a dénommé selon ce qu'elle
attend de lui. De plus, il existe toute une généalogie découlant
de la vie terrestre du Vodun; souvent Dangb† prend un autre nom
parce qu'il est lié à un autre Vodun particulier. Cette divinité
est très respectée. Seul le Dangb†non peut, par des cérémonies
spéciales, conférer le droit de toucher un Dangb†£. Quand on
rapporte un Dangb† égaré, il faut garder le silence et il faut le
porter avec respect et il est obligatoire de quitter les bracelets
des poignets. On le dépose, et on sort après avoir prosterné son
front dans la poussière. Tout le monde ne peut pas devenir Vodunsi
ou Hunsi de ce Vodun, mais tout le monde peut cependant se
consacrer à lui sans passer par le temps d’initiation dans
l'enclos Vodun; garçon, il portera le surnom de Dangb†, fille,
elle portera le surnom de Wlanvi, c'est-à-dire tachetée comme le
Dangb† qui a des marques blanches.

74
La femme de la figure 22 (B1. 1) et
l'homme de la figure 23 (B1. 1) sont
consacrés au Vodun Wesio, fils de Dangb†.
La figure 22 (BI.1) représente une femme, Vodunsi, vivant une
cérémonie rituelle dans laquelle elle doit mettre le bouquet de
plumes caudales de perroquet k†s†zan sur la tête du porteur. Elle
a deux colliers ac©, un pagne court vlanya.

75
La figure 23 (B1. 1) représente un homme, porteur d'un
bouquet de plumes caudales de perroquet et d'une double clochette
appelée alingl† recouvert d'un long pagne polychromé, appelé akpe.
IL a un collier de perles rouges ac©. Nous retrouvons cette
cérémonie de présence du Vodun sous cette forme dans la banlieue
de Porto-Novo où Wesio est honoré. Ici, c'est un Ta-Vodun.Wesio
est un Dangb† chtonien ou terrestre. C'est un python et en même
temps un Vodun de la terre germinative. Son rôle serait d'apporter
la guérison aux malades atteints de la variole, châtiment rituel
du Vodun Sakpata, offensé. La tradition rapporte que Wesio fut
installé par une population qu'une guerre avec Abomey a
complètement anéantie. On le reconnaît pour un des deux cent
quarante et un fils de Dangb†.

76
Les figures 24, 25, 26 représentent des hommes consacrés au
Vodun Gu. . Tous les trois ont une coiffure dite zogbodo, une
culotte verte dite cokoto et des bracelets de biceps aba∂agan. Ces
trois hommes se nomment akulu, aides du Vodunon de Gu et bourreaux
pour le chef du royaume de Porto-Novo. Ces trois scènes sont
certainement empruntées aux luttes qu'il y eût entre les rois
d'Abomey et les Yoruba d'Abeokuta. Les têtes décapitées portent
des scarifications appelées keke tabi gombo.

Les figures 24 (A2 . 3) et 26 (B2 . 3) sont des Vodunsi,


tenant dans une main la tête d'un décapité et de l'autre un
couteau appelé akpola, qui sert aux exécutions capitales.

La figure 24 (A2 . 3)

77
La figure 26 (B2.3) représente un homme consacré au Vodun Gu.
(photographie absente)

La figure 25 (A2.3) (voir P1. 1) donne une variante des


figures 24 et 26, en ce sens qu'au lieu d'avoir la tête dans une
main, elle repose à terre et le Vodunsi a posé sur celle-ci une
massue, appelée kpota. De plus, l'absence de mâchoires nous fait
penser à ce que les vainqueurs en faisaient: on les offrait au
Vodun Gu et on les exposait devant la case du Vodun. Nous avons
même vu un tambour entièrement décoré de mâchoires humaines prises
sur des Yoruba vaincus.

78
Gu est une des principales forces de la terre servant à
l'homme: le fer. Gu est devenu le Vodun, la divinité de tous ceux
qui se servent du fer et de ses dérivés: les forgerons, les
chasseurs, les guerriers, les pêcheurs et les agriculteurs et
maintenant les réparateurs de voitures automobiles et des
bicyclettes. Gu est la divinité du travail humain (46)
Ce Vodun est représenté par des instruments de fer au nombre
de sept, quatorze, seize, vingt et un ou quarante et un enfilés
sur une tige de fer.

Il est aussi rendu présent par des franges de feuilles de


palmier effilochées appelées azan par les Fon.
Le jour de Gu est le mardi, ainsi ce jour-là, tous ceux qui
honorent Gu ne travaillent pas et célèbrent le culte.
Il est aussi la divinité de ceux qui doivent mettre à mort
les vaincus et les malfaiteurs. Il existe une cérémonie spéciale
pour ceux qui sont morts par le couteau, le fusil. On interroge le
cadavre afin de connaître son assassin ou ses volontés; la famille
doit apporter tous les objets ayant appartenu au mort.

79
Les figures 27, 28 29, représentent des femmes consacrées au
Vodun Loko.

La figure 27 (B1. 1) représente une femme Vodunsi. Elle porte


un pagne court vlanya, une écharpe adake, plusieurs colliers où
alternent des perles de couleurs jaune et verte, appelées ac©.
Elle tient dans une main un bâton appelé hlakpog†.

80
Les figures 28 (A2 .1) et 29 (A2. 1) sont des femmes en
attitude d'offrande. Elles ont un pagne vert vlanya, un collier
ac© dont l'un (figure 28) a un pendentif rouge appelé lankan. Les
trois ont une coiffure faite de tresses, coiffure appelée da
blabla.

La figure 28 (A2 .1)

81
La figure 29 (A2. 1)

82
Ce Vodun fait partie du groupe des Vodun résidant sur un
arbre atim†-Vodun. Ces Vodun sont honorés sous la forme d'un roco
(chloraphora excelsa).

Loko est un arbre qui sert d'habitacle au Vodun. Il est


nécessaire de dire de suite que «l'un des principaux arbres
auxquels des cultes étaient faits est Loko qui n'est pas un arbre
sacré en lui-même; il n'est sacré que lorsqu'il sert de support à
une divinité. Son nom, au Dahomey, est toujours lié avec celui du
Vodun qui lui a donné ce caractère» (VERGER 1957: 522).

L'arbre n'est pas sacré en lui-même, mais il le devient


lorsqu'il est habité par le dieu, d'où l'importance de connaître
le nom du Vodun qui est présent dans tel Loko ou Roco. LE HÉRISSÉ
décrit un trait fondamental de ce genre de Vodun:

«Loko ou Roco. - Il y a autant de légendes du Roco que de


Vôdoun dans les noms desquels cet arbre figure: Adanloko, Atanloko
...» (LE HÉRISSÉ 1911:114). Comment un arbre, un loko devient le
support d'un Vodun? C'est le Vodun Fa qui indique que tel Loko
doit être considéré comme sacré. Sur ce point, la relation qui
existe entre le Vodun Fa et le Vodun Loko est un sujet important
qu'aucun auteur traitant des cultes des Vodun n'a souligné. Nous
avons été témoin de cérémonies concernant l'érection d'un Vodun
demeurant dans un arbre. Ici rentrait en jeu toute la pharmacopée
liée au culte du Fa ainsi que la survivance de la puissance d'un
Vodunon de Sakpata, défunt, qui soignait avec succès ses
semblables par l'administration de décoctions de plantes.»

Nous pensons que ce Vodun est une divinité protectrice de la


nature.. HERSKOVITS Mel. met en relation le Loko avec une divinité
du ciel selon une explication qui lui a été donnée à Abomey (47).

IL existe de nombreux Vodun dits Loko, et nous remarquons


qu'ils ont des rôles variés selon les villages et mêmes des
lignages. Nous avons relevé quelques essences d'arbres qui
abritent un Vodun: Le tere ou caïladrat abrite un Vodun qui vient
au secours des malheureux. IL veut des coqs blancs pour offrandes
et sacrifices. Le bososso ou tamarinier abrite un Vodun qui
favorise les naissances. Ses fruits guérissent les fièvres
infantiles. IL est entouré d'un ruban blanc, et on lui offre des
coqs blancs.

Le tarago ou bombax abrite un Vodun qui favorise la


production du kapok et accorde la santé. On lui offre des poulets
noirs tachetés de points blancs ou des poulets rouges.

Le bantam ou ceïba abrite un Vodun dispensateur du bonheur.


Ses feuilles guérissent les maux des yeux, les migraines et le
paludisme. On lui offre des moutons blancs ou des coqs blancs.
L'ogalira ou azelia abrite un Vodun de la foudre. IL indique
certains remèdes. On lui offre des cabris et des poulets noirs.

83
Le toke ou ébénier du pays abrite un Vodun qui se change
parfois en serpent pour éloigner ceux qui veulent récolter ses
fruits. Il est le protecteur des enfants du village. On lui offre
des poules noires. Le coo ou baobab abrite un Vodun qui prévient
des malheurs à venir et indique les précautions à prendre. IL
apparaît en rêve à ses adorateurs. On lui offre des moutons et des
poulets blancs.
Le boifla ou vitex abrite un Vodun protecteur des récoltes On
lui offre des poulets rouges ou blancs.
Aucun de ces arbres ne peut être abattu car ils sont le siège
d'un Vodun.

84
La figure 30 (B1. 1) représente une femme Vodunsi, consacrée
au Vodun Legba. Elle porte un pagne court vlanya sur lequel est
ajouté un phallus nenkan, tenu par la main droite. Elle a la tête
rasée à la zogbodo, et porte un collier de couleurs noire et
rouge, appelé legbakpakun. C'est une Legbasi qui, au cours d'une
danse rituelle, simule un coït avec la terre ou avec une autre
partenaire.

85
Legba est une divinité très complexe. C'est une divinité
protectrice d'un individu, d'une maison, d'un marché, d'un
village. Elle est aussi le gardien de chaque Vodun: c'est elle qui
surveille la case de tel Vodun, et très souvent on passe par lui
pour demander une aide au Vodun en question. Elle est le messager
des autres Vodun. Legba est mâle ou femelle, d'où cette danse que
nous venons d'évoquer. En fait, il se trouve qu'il est le plus
craint des Vodun et le plus présent parmi les Fon et les Gun. IL
est représenté, sous une forme humaine, accroupie, les jambes
écartées, les bras allongés sur les genoux, le sexe énorme
lorsqu'il est construit en terre ou en ciment comme il s'en trouve
actuellement. Par contre, les Legba des Vodun sont représentés
soit par une statuette en bois où seule la tête est sculptée, soit
par un phallus planté en terre. Dans les sorties des Vodunsi, les
Legbasi marchent toujours en tête des cortèges.

La figure 31 (B1.1) représente une femme Vodunsi, consacrée


au Vodun Se. Elle tient dans ses mains les quatre lobes d'une noix
de kola, vi comme si elle voulait les jeter à terre. Devant elle,
est planté un petit asen, autel portatif qui est signe de la
présence des ancêtres ou du Vodun. Elle a un collier ac©, deux
bracelets de biceps aba∂agan et de poignets al©gan, un pagne court
vlanya.

86
Se est un des quatre ou cinq Vodun auxquels tout homme et
toute femme doivent être consacrés dans son enfance ou dans son
adolescence. C'est une créature de dieu, placée auprès de chaque
personne et le suivant partout pour le diriger dans sa vie
journalière. Il est présent lors de la formation de l'enfant dans
le sein de la mère. IL est présent lors de la naissance, et c'est
lui qui permettra à l'enfant d'acquérir son signe que le Fa lui
désignera après consultation. Ce moment de la naissance est très
important car il dirigera la vie de celui ou de celle qui vient de
naître.

87
Les figures 32 (B1. 1) et 33 (B2 . 3) représentent deux
hommes assis, consacrés au Vodun Fa. On les nomme bok©non. Celui
de la figure 32 tient dans ses mains les noix de palme, appelées
aidegun tandis que celui de la figure 33 les

La figure 32 (B1. 1)

88
a alignées entre ses jambes. Ils portent un collier dit ataungw£†,
et celui de la figure 33 un bracelet de biceps aba∂agan et un de
poignet al©gan. Ils consultent le sort de la manière suivante: ils
prennent dans la main gauche 18 noyaux de palme; d'un geste rapide
et habile, ils font passer ces noyaux dans la main droite placée
au-dessus de la main gauche: s'il reste un noyau, le bok©non trace
deux traits sur un plateau fate 48 lequel a été recouvert d'une
vermoulure appelée y†; s'il reste deux noyaux, il trace un seul
trait. IL renouvelle ces gestes quatre fois afin de combiner un
des seize fameux signes dont il tirera avis, conseils et ordres à
accomplir.

La figure 33 (B2 . 3) représente un homme qui pratique la


divination. (photographie absente).

Fa est un Vodun, une divinité qui se rapporte à la


connaissance de l'avenir, à la connaissance des choses cachées. Le
culte de ce Vodun est très répandu chez les Yoruba, les Fon, les
Gun ainsi que chez les Mina du sud Bénin (sud-Dahomey). On ne sait
pas d'où vient ce Vodun. Certes, il existe quelques légendes ou
mythes qui essaient de l'expliquer. Nous donnons une explication
reposant sur l'un de ces mythes:

« Dans les temps anciens, les hommes ne connaissaient pas la


manière de se concilier les esprits. C'est Fa qui a enseigné cet
art aux hommes. Fa était un sage qui vivait au pays d'Ifé au
Nigéria. Jusqu'alors, les hommes étaient malheureux, car ils
étaient sans cesse tourmentés par les esprits, incapables qu'ils
étaient de se rendre favorables. Un jour que Fa pêchait au bord
d'une rivière, il rencontra un Legba qui lui proposa de lui
procurer le bonheur en lui enseignant l'art de connaître les
esprits et de se les concilier par des sacrifices convenables. Fa
lui en témoigna un grand plaisir en lui exposant toutes les
misères qui accablent les homme s’enfoncés dans l'ignorance.
A Ifé, poussait à cette époque un palmier extraordinaire,
portant sur la même souche seize troncs jumeaux dont chacun
donnait un beau régime. Le Legba ordonna à Fa de lui procurer un
fruit de chacun des régimes de ce palmier s'il voulait apprendre
la science du bonheur. Comme les troncs étaient très hauts et que
personne n'osait y monter, on laissa les singes s'approcher de
l'arbre; ceux-ci eurent vite fait d'y monter et, installés entre
les branches, ils cueillirent les fruits mûrs, mangeant la pulpe
rouge qui entoure les noix, et laissant ensuite celles-ci tomber à
terre. Fa ramassa les noix pour les porter à Legba et, à l'aide de
seize amandes, celui-ci révéla à Fa l'art de connaître les esprits
et de se les concilier. Fa, à son tour, enseigna cet art à
d'autres hommes qui furent appelés bok©non; il parcourut la terre
pour enseigner son secret. Son histoire montre que s'il fut maître
de sagesse, sa conduite ne fut pas un exemple. Fa finit ses jours
à Ado, près de Badagri en Nigéria, (Ado est un mot qui signifie
prostitution, sous prétexte que la déesse Odoudoua, la Terre,
femme infidèle d'Obatala, le Ciel, serait venue y vivre avec un
chasseur de ce pays) » (BERTHO S. a.: 1).
89
De là est né ce fameux Vodun Fa qui peut signifier: le destin
lui-même. C'est en ce sens que l'on peut dire: consulter Fa; les
noix de palme servent pour la consultation: ces noix sont remises
à celui ou à celle qui a demandé à recevoir le Fa 49. Elles
révèlent l'esprit tutélaire que le bok©non a découvert, mais dont
on ne doit pas dire le nom propre sans graves raisons.
L'art de connaître le destin est une science difficile qu'il
faut apprendre chez un bok©non réputé. Le travail du bok©non est
considérable, car on consulte Fa pour tous les événements de la
vie: la conception, la naissance, le mariage, la maladie, les
travaux, pour la nomination d'un nouveau roi, d'un Vodunon, pour
la mort d'un parent ou d'un ami.
Il y a deux procédés pour consulter Fa, mais ces deux procédés
ont le même résultat immédiat qui est de permettre d'établir sous
la forme d'une combinaison de traits verticaux la formule
particulière à l'esprit que l'on désire connaître. Chaque formule
ou combinaison de traits est comme une écriture secrète qui
indique au bok©non le nom de l'esprit tutélaire cherché et le
sacrifice qui lui convient. La consultation du Fa remplit la vie
familiale, la vie sociale, la vie politique des Yoruba, des Fon,
des Gun et domine la vie religieuse de tous ceux qui vivent des
cultes Vodun.

90
La figure 34 (B1. 1) représente une femme consacrée à l'Orisa
Osu (5). Cette femme, Vodunsi, porte sur sa tête le réceptacle de
son orisa, ici matérialisé par une calebasse ka, remplie d'objets.
Cette calebasse repose sur un fût cylindrique. Ce Vodun ne doit
jamais reposer directement sur la tête de celui qui le porte.
C'est aussi un Ta-Vodun; elle a des colliers ac© ainsi que des
bracelets al©gan.

91
Osu est une divinité yoruba. Durant une guerre entre les gens
d'Allada et ceux d'Abeokuta, les Yoruba-Nago demeurant dans la
région de Porto-Novo durent s'enfuir en abandonnant cette divinité
inconnue des gens d'Allada que ceux-ci recueillirent et adoptèrent
pour que celle-ci ne fût pas sans adorateurs et aussi afin de
prévenir son courroux. Osu est très souvent lié au Vodun Fa.
La femme de la figure 35 et les hommes des figures 36, 37, 38,
39 représentent des Vodunsi consacrées à des Vodun reposant sur
des ancêtres divinisés. Nous avons vu, dans la partie essayant de
définir ce qu'est un Vodun, le rôle joué par des hommes pour la
formation et l'existence de Vodun. Cette divinisation a été
indiquée à leurs fils ou à leurs contemporains par un signe
mystérieux accompagné d'une métamorphose qui a suivi leur mort.

La figure 35 (B1.1) représente une femme Vodunsi consacrée au


Vodun Gbeloko, elle porte deux colliers ac© dont l'un a une perle
rouge lankan et l'autre des perles noires et blanches, appelé
abahuj†. Elle a un court pagne vlanya et des scarifications sur
les épaules.

92
Gbeloko est un ancêtre divinisé de Porto-Novo; c'est le Vodun
des Davonu, un des plus larges groupements lignagers de Porto-
Novo. Ce fut un vaillant guerrier, qui menait toujours à bien les
plus audacieuses expéditions militaires.

93
La figure 36 (B1. 1) représente un homme Vodunsi consacré au
Vodun Adango. IL a un long pagne polychromé qui recouvre une
partie de l'objet qu'il porte sur la tête et descend jusqu'à
terre. IL a un collier rouge ac© et un pagne court vlanya. C'est
un Ta-Vodunsi dont le Vodun en question ne doit jamais être mis
directement sur la tête du porteur agbanhent© mais mis sur une
sorte de tabouret liturgique, appelé katak†.

94
Adango est un ancêtre divinisé à Porto-Novo et dans quelques
villages de l’Ouemé. A ce sujet AKINDÉLÉ et AGUESSY (1953: 118)
écrivent:

«Adango est un Vodun du village de Drevo, dont le culte fut


introduit à Porto-Novo par Saï Zonou. Saï Zonou perdait tous ses
enfants en bas âge. Un ami lui conseilla de se placer sous la
protection du Vodoun Adan, ce qu'il fit en effet de bon gré. Dès
lors, il ne perdit plus d'enfants et se convertit au culte de ce
Vodoun. A partir de ce moment, Adan fut considéré comme un Vodoun
bienfaisant. On lui construisit un temple à Zebou et Saï Zonou lui
consacra toute sa famille. Son culte à lieu tous les cinq jours.
La durée de l'instruction religieuse de ses fidèles est de onze
mois.»
A la mort de Saï Zonou, celui-ci devint l'égal du Vodun Adan
et fut ainsi associé à son culte.

95
La figure 37 (A2.1) représente un homme Vodunsi consacré au
Vodun Awangan, ancêtre divinisé à Porto-Novo. L'objet qu'il
portait sur sa tête a été cassé: il représentait un pot gozen sur
lequel était sculpté un caïman ag†lo et une lance kpog†. L'homme
est recouvert d'un grand pagne polychromé. IL a un pagne court
vlanya, un collier rouge ac©. C'est un Ta-Vodun.

Awangan était chef de guerre. Il appartient à la catégorie des


ancêtres divinisés. Il s'est transformé en caïman en laissant sa
lance sur le bord de la lagune.

96
Les deux hommes des figures 38 (A2 .1) et 39 (A2 .1)
s'occupent du culte des ancêtres. Ils portent tous les deux un
grand pagne blanc, appelé kagni; celui de la figure 38 a un bonnet
blanc abeti, signe de son autorité, et des bracelets de biceps
aba∂agan et de poignets alogan; celui de la figure 39 tient dans
sa main une canne kpoge, et pose l'autre main sur l'épaule d'une
femme à genoux à ses pieds. IL a aussi des sandales afakpa, signe
de son autorité. Tous les deux ont des colliers, appelés
atafungwe, et sont assis sur des tabourets katake.
Ce sont deux Vodunon, nommés toxio, qui servent le culte des
ancêtres et sont des sacrificateurs dans le culte.

La figure 38 (A2 .1)

97
La figure 39 (A2 .1)

Le culte des ancêtres est très important chez les Béninois


(Dahoméens). Nous savons que beaucoup de Vodun sont liés à des
ancêtres divinisés. Le défunt rejoint son Vodun d'où le sentiment
de la présence des défunts parmi les gens puisque les Vodun sont
présents là où il y a leur ace.
Le culte des ancêtres représente aussi les conditions sociales
des gens dans la vie réelle. Le culte est à l'instar de
l'organisation politique d'où cette division de celui de la
famille royale qui se divise ainsi: l’un touche les Tohosu,
enfants royaux anormaux devenus rois des eaux; l'autre les
Nesuxue, princes ou princesses qui ont vécu normalement et qui
sont honorés après leur mort; et de celui des grands chefs et de
tous les morts.

98
Les ancêtres sont représentés par des asen, objets
habituellement ornés de pendentifs et surmontés de figures
symboliques. Chaque asen ne sert que pour un défunt, mais le même
défunt peut avoir plusieurs asen. C'est la raison pour laquelle
nous en voyons et dans la case qui est dédiée au culte des
ancêtres, et auprès des Vodun. En fait, l'asen est une sorte
d'autel portatif sur lequel on offre au défunt la nourriture, le
sang sacrificiel et l'alcool (51).
Il existe à Abomey, chaque année, une grande cérémonie en
l'honneur des morts de la famille royale. Cette cérémonie se passe
dans le palais, et tous les Vodunon et Vodunsi de la région y
participent.

«Les défunts... ne sont pas considérés comme lointains. Ils


sont tout proches. C'est pourquoi, lorsqu'on mange ou boit, on les
sert parfois comme s'ils étaient à côté ... On est persuadé que
par leur présence constante, ils veillent sur la maison, sur les
terres, qu'ils ont à cœur les intérêts de la famille, la fécondité
des femmes et l'acquisition des biens nécessaires à la vie. Ils
sont les gardiens des traditions de la tribu, récompensant ou
punissant suivant qu'on y est fidèle ou non ... C'est eux qui
demandent de garder secrets certains rites, certaines coutumes»
(FALCON 1964: 153).

Dans cette étude, nous ne pouvons pas nous pencher sur les
multiples cérémonies honorant les défunts, mais il est nécessaire
de signaler le rôle médiateur du crâne et des asen dans ce culte.

La figure 40 (B2.2): représente un homme vêtu du costume des


Zangb†to.

99
Zangb†to signifie celui qui chasse la nuit. Dans la région de
Porto-Novo, il existe une société secrète d'hommes dont les
membres sortent la nuit et spécialement les nuits de clair de
lune. Ils portent un masque et un habit de raphia qui « se
présente sous la forme d'une meule de paille un peu plus grande
qu'un homme; il parle d'une voix creuse et nasillarde et danse en
tourbillonnant sur lui-même» (VERGER 1957: 566).
C'est une société d'hommes. Les femmes n'ont pas le droit de
les voir. Les membres de cette société font la police de quartier
mais très souvent ils en profitent pour rançonner ceux qui n'ont
pas salué le chef des Zangbeto ou rendu service à la communauté.
Ce sont les lari qui font la police dans les rues de Porto-Novo
pendant la journée. Mais la nuit, ce sont les gens de la société
Zangbeto qui ont la charge de la surveillance de la ville. Ils se
répandent par petits groupes dans les quartiers. Leur efficacité
était réelle auparavant, ainsi, nous avons relevé dans une lettre,
écrite par RENARD, datant de 1863, une action heureuse des gens de
la société Zangbeto:

«C'est à leur énergie, à leur active surveillance que l'on


doit l'avortement d'un petit complot qui, en juin 1863, devait
révolutionner Porto-Novo. Mais grâce aux Zangbêto, plusieurs des
conspirateurs disparurent sans laisser la moindre trace, et tout
rentra dans le repos. »
Il existe aussi des Zangbeto, propres à des Vodun; ils jouent
vraiment le rôle de gardiens efficaces parmi les gens. Il ne faut
pas oublier que Zangbeto est lié au Legba qui semble être l'entité
spirituelle de cette fonction de garder et de protéger alors que
le Zangbeto serait la réalité vécue de cette fonction de
protection.

100
La figure 41 (B2.2) représente un homme vêtu du costume des
Egun.

101
Egun signifie: un mort considéré dans sa vie de l'au-delà, un
revenant. Les morts sont censés revenir sur la terre dans la
personne des membres de la société Egun. Ce n'est pas un Vodun.
Les Egun se manifestent aux vivants sous la forme d'hommes
habillés de beaux pagnes multicolores et d'un grand masque qui
domine tout le personnage. En parcourant les von, ruelles du
village, ils prétendent servir d'intermédiaires entre les vivants
et les morts. Chaque Egun est accompagné d'une ou de plusieurs
personnes qui le connaissent, et qui le précèdent en écartant les
gens à l'aide d'une verge, appelée can. Ils viennent, très souvent
l'après-midi, chez les veuves et appellent le mort. Actuellement,
cette société tombe dans ce que nous pouvons appeler le folklore,
car nous avons vu de nombreux Egun parcourir les villages
uniquement pour le divertissement des gens et pour recevoir de
l'argent afin de pouvoir confectionner un plus beau costume.

Les hommes et les femmes des figures 42, 43, 44, 45, 46
jouent un rôle dans certaines cérémonies. Nous avons décrit
certains Vodun que nous avons découverts à travers les figures
précédentes. Maintenant, nous allons décrire certaines cérémonies
particulières.

Les figures 42 (B1. 1) et 43 (A2 .1) représentent deux femmes


vivant une cérémonie, appelée Maha. Ces deux femmes nous donnent
deux moments de la cérémonie. La figure 42 nous donne le
commencement de la cérémonie, juste après que la femme ait été
enduite de caolin; elle tient, à la hauteur de la ceinture, un
pagne enveloppant un objet. La figure 43 nous donne un moment de
la cérémonie où la femme tient de ses deux mains l'objet,
recouvert du pagne, qui est posé sur sa tête. Toutes les deux sont
habillées d'un pagne court vlanya, mais la femme de la figure 42 a
sur sa poitrine un pendentif triangulaire vert.

102
La figure 42 (B1. 1)

103
La figure 43 (A2 .1)

Mais à quoi correspond cette cérémonie? Ce sont les dernières


funérailles religieuses des Vodunsi. « Elles peuvent avoir lieu à
partir du deuxième mois lunaire qui suit le décès. Elles durent
une journée entière. La date est fixée par 'doute', après
consultation de Fa, d'accord avec la famille entière» (AKINDÉLÉ et
AGUESSY 1953: 114).

104
Cette cérémonie doit être organisée par la fille d'une Vodunsi
décédée. On désigne une Vodunsi appartenant au même Vodun que la
défunte. On la revêt d'abord de beaux habits qu'on lui retire
bientôt. Alors on la marque de tâches de caolin, on rase ses
cheveux comme on fait pour les cadavres. Dans une calebasse ka, on
place des feuilles sacrées et 241 cauris, on enveloppe cette
calebasse d'une étoffe blanche qui doit retomber jusqu'à terre
(52). La femme, portant la calebasse, est accompagnée de quelques
personnes et des parents du défunt; elle se rend au marché où elle
reçoit des cadeaux qui sont remis aux personnes de sa suite. Les
parents de la défunte apportent de leur côté de nombreuses
offrandes. Le tout est distribué aux amis de la défunte. Ensuite,
le chef Vodunon du Vodun de la défunte découvre la calebasse, la
pose à terre, l'ouvre et tue un poussin dont le sang est versé sur
les feuilles et quelques gouttes sont données à boire à celle qui
a porté la calebasse. La calebasse est déposée dans la case du
Vodun mais le pagne est conservé par celle qui a porté le tout.
L'ensemble de la cérémonie est accompagné de chants, de
lamentations et d'offrandes d'alcool de vin de palme.

Les hommes des figures 44 (B1.1) et 45 (B1.1) subissent une


cérémonie d'ordalie, appelée Onse.
Les deux hommes portent sur leur tête le fameux tronc qui
permet à la divinité de dire la vérité. Celui de la figure 44 a un
pagne blanc vlanya, un collier blanc ac© et un bracelet de poignet
alogan. L'homme de la figure 45 a un pagne polychromé vlanya, un
collier rouge ac© et un bracelet de poignet alogan.

La figure 44 (B1.1)

105
106
La figure 45 (B1.1)

Le soin de garder et d'employer l'ordalie appelée Onse est


confié à un homme qui est serviteur du roi; c'est un personnage
rituel sans être prêtre. C'est lui qui dépose sur la tête de
l'accusé le tronc d'arbre creusé et paré d'une tête conique
sculptée qui va servir à la divinité pour exprimer son jugement.
La personne accusée d'un forfait est mise à genoux. Quand le tronc
d'arbre est posé sur la tête de l'accusé, le gardien de l'ordalie
prie.

107
Si pendant sa prière, le tronc d'arbre tombe en avant, c'est
que la divinité se prononce pour la culpabilité. Dans le cas
contraire, il sera reconnu innocent (53). L'épreuve de l'ordalie
se fait chez le roi qui est président d'office de ce genre de
tribunal.

La figure 46 (B1. 1) représente un homme subissant une scène


d'ordalie appelée Awankan. Elle est semblable à celle des figures
44 et 45, mais elle est moins redoutable. Elle est possédée par de
nombreux Vodun. L'homme a un pagne court vlanya, un collier
ataungw†, et tient au-dessus de sa tête un tronc d'arbre recouvert
d'un pagne polychromé.

108
En fait, cette ordalie s'occupe surtout des transgressions
alimentaires et sexuelles qui ont été faites ou commises par des
membres de tel Vodun, soit pour leur propre Vodun, soit en
obligeant un membre d'un autre Vodun à manger devant soi un
aliment interdit (54).

109
Les figures 47, 48, 49, 50 représentent des personnages de la
vie sociale de Porto-Novo ainsi que la vie des responsables de
différents cultes Vodun.

La figure 47 (B1. 1) représente un homme, appelé Zunon; il


porte un grand pagne blanc k©gni et une coiffure dite aza. Cette
coiffure n'est pas un casque colonial mais une coiffure
traditionnelle dans l'ancien royaume de Porto-Novo. Il tient une
canne, kpoge et porte des sandales af©kpa que seuls les chefs
avaient le droit de porter.

110
Zunon est appelé communément «roi de la nuit», parce
qu'autrefois il ne devait sortir que la nuit, afin d'éviter la
rencontre du roi. Zunon est surtout l'un des principaux
consécrateurs du roi de Porto-Novo; ct c'est un consécrateur d'une
telle autorité que le roi le rencontrant devrait le saluer en se
prosternant. Cette salutation est impossible à un roi, aussi les
deux hommes ne doivent jamais se rencontrer. AKINDÉLÉ et AGUESSY
(1953: 29) écrivent:
«C'est chez Zounon que l'on consulte l'oracle pour savoir si
un prince est digne de régner. Au cours des cérémonies du sacre,
c'est là que le roi reçoit le lavement symbolique du corps, avant
d'être remis au consécrateur. Comme l'on voit, Zounon n'est pas
ministre. IL symbolise ni plus ni moins que le père du roi. »

A partir du coucher du soleil, le roi de Porto-Novo doit être


enfermé dans son palais. Fermer les portes du palais est une chose
si importante que l'homme qui est chargé de ce soin devient l'un
des quatre ministres qui devaient mourir au décès du roi. Ainsi à
partir du commencement de la nuit, c'est Zunon qui devient le roi
du pays, ce qui veut dire que c'est lui qui veille à la police
très bien organisée et très complexe de la nuit. Il semble être le
chef de la société des Zangbeto.
Zunon a droit d'avoir des lari, c'est-à-dire des serviteurs
qui puissent le représenter dans des cérémonies religieuses.

111
Le chef de tous les Vodunon de la région de Porto-Novo est
donné par la figure 48 (B1.1).

112
On le nomme Aplogan, mot qui dérive de celui du Vodun Aplo,
divinité d'origine Hueda. Cette divinité est figurée par une barre
de fer forgé, terminée à chaque extrémité par une lance. Ce mot
dérive aussi du mot gan qui signifie chef. Il porte un grand pagne
blanc k©gni, un bonnet abeti, une canne ba, des sandales af©kpa
qui sont les insignes de son autorité. Il a aussi des bracelets de
biceps aba∂agan et de poignets al©gan. Ses habits blancs, sa
coiffure blanche signifient qu'il est un collaborateur immédiat du
roi pour le culte. C'est, en fait, le chef des Vodunon sans être
lui-même un sacrificateur. Il ne sert pas un Vodun spécial. Il est
le président des tribunaux où se jugent les affaires concernant la
vie des Vodun. C'est lui qui veille au respect de la hiérarchie
qui est établie entre les personnages sacerdotaux, leurs seconds,
leurs aides, leurs serviteurs. Nous avons vu que toute élection de
Vodunon doit être accréditée par lui.

AKINDÉLÉ et AGUESSY(1953: 46) écrivent à ce sujet:


«Aplogan, ministre du culte et de la santé publique,
centralise le pouvoir spirituel. IL sanctionne tout ce qui a trait
à la religion, concourt à l'intronisation du roi qu'il introduit
au palais porté à califourchon sur son dos. IL s'occupe de l'état
sanitaire du pays, décide les différentes mesures pour aider la
population»

Les deux hommes des figures 49 (A2.1) et 50 (A2.1) font


fonction de serviteurs subalternes du palais et des maisons des
ministres. La chevelure en barrette dite acugwidi est le signe de
leur dignité ainsi que le bâton ferré kpota, tenu dans la main,
qui est l'emblème de leur charge (55). Celui qui le porte doit
être respecté car il représente le roi là où la récade se trouve.
Les lari hommes portaient les cheveux tressés comme ceux des
femmes.

113
La figure 49 (A2.1)

114
La figure 50 (A2.1)

115
Il existe dans le royaume de Porto-Novo trois sortes de lari:
les lari royaux;
les lari des ministres;
les lari des Vodun que nous avons déjà rencontrés dans cette
étude.

Les hommes lari portent le dénominatif de lari alors que les


femmes qui ont ce rôle sont appelées ayiku (56).
Les lari de Porto-Novo avaient le droit de se marier. Ces
hommes étaient choisis parmi des esclaves, des descendants
d'anciens lari. Ils assuraient la transmission des messages
royaux, d'où l'emblème de leur charge. Les lari sont certainement
un emprunt aux structures sociales et politiques des chefs yoruba,
car ceux-ci ont ce genre de serviteurs appelé lali, qui avaient un
grand pouvoir sur les populations mais devaient rester
célibataires.
Les femmes lari appelées ayiku étaient choisies parmi les
jeunes épouses du roi. AKINDÉLÉ et AGUESSY (1953: 57) écrivent à
ce sujet:
«Ne recevaient ce titre que les épouses postérieures à
l'intronisation du souverain; aucune de celles qui étaient mariées
avant l'intronisation ne pouvaient être consacrées lari ... Elles
avaient leurs cheveux tressés comme leurs collègues hommes mais
leur rôle était différent. Elles avaient quelque supériorité sur
les épouses antérieures à l'intronisation. »
A la mort du roi, les lari, hommes et femmes, avaient la tête
lavée afin de les débarrasser de toute influence sacrée; on leur
enlevait ainsi la couronne de cheveux qui les marquait, et de
cette manière ils étaient libérés de tout engagement. Tous les
deux portent un pagne, noué devant, appelé vlanya. Celui de la
figure 49 a des bracelets aba∂agan et un collier ac© ayant deux
perles rouges lankan. Celui de la figure 50 a un collier noir
ataungw† et des scarifications sur les épaules. Le bâton (récade)
qu'il tenait a été cassé.

116
Les personnages des figures 51, 52, 53, 54, 55, 56 jouent
d'un instrument de musique nécessaire soit à la cour royale
soit aux cultes des Vodun

La figure 51 (B1. 1) représente un homme, sonneur de conque


traversière ku†kunt©. Il a la tête rasée sauf une mèche noire,
coiffure dite zogbodo. Il porte un pagne court vlanya, un bracelet
de biceps aba∂agan et deux de poignets al©gan et un collier
ataungw†. Il est probable que le sifflet, kuê, est d'origine tout
à fait ancienne et rappelle les premières marques de respect,
imaginées pour séparer le roi du reste des hommes.

La figure 51 (B1.1)

117
La figure 52 (B2.1)

Les figures 52 (B1.1) et 53 (B2.1) représentent deux hommes,


sonneurs d'olifant kp†tekunt©. Celui de la figure 52 a la tête
rasée à la zogbodo tandis que celui de la figure 53 porte une
coiffure à barrette comme les lari du roi. Ils ont tous les deux
un bracelet de biceps aba∂agan et de poignets al©gan, un pagne
court vlanya. Ce sont des sonneurs d'olifant kp†te; ils ont un
rôle dans la cour royale. En effet, le roi ne sort jamais sans
escorte: serviteur qui porte son sabre, serviteur qui porte son
trône, hérauts qui le précèdent en l'annonçant à haute voix,
batteurs de tambours qui accompagnent les chants. Mais ce qui
indique plus que tout le passage et la présence du roi, ce sont
les sonneurs d'olifant qui, par intervalles, tirent de leurs
instruments des sons prolongés et aïgus qui ressemblent à des
gémissements.

118
Devant le corps d'un roi défunt, on sonne aussi de l'olifant
et cette plainte de l'ivoire devient alors lugubre. Les olifants
sont souvent bagués de cuir, d'argent ou de cuivre, et certains
sont même magnifiquement sculptés. Ils se transmettent de chef en
chef depuis des générations.

La figure 53 (B2.1) représente un homme, sonneur d'olifant


kp†tekunt©. Il porte une coiffure à barrette comme les lari du
roi. Il a un bracelet de biceps abadagan et de poignets al©gan, un
pagne court vlanya. (Photographie absente).

La femme de la figure 54 (BI.1) frappe un gong, gansu. Elle a


une coiffure en barrette comme les lari, et un collier appelé koj†
ayant un pendentif rouge lankan. Elle a un court pagne vlanya, et
des bracelets de poignets al©gan.

119
120
Cette figure correspond à djogan xosunt©, c'est-à-dire au
crieur public du roi. Mais il semble que cette fonction
n'appartenait qu'aux hommes. Et là, l'artiste a mis cette fonction
dans les mains d'une femme. De toute façon, voyons à quoi
correspond cette fonction dans le royaume de Porto-Novo. En effet,
quand le roi veut faire annoncer une nouvelle, donner un avis,
promulguer une défense au peuple, il envoie son crieur qui frappe
une série de coups sur le gong dont il est muni. Quand, après la
mort de certains rois, on veut en garder fidèlement le souvenir,
un crieur public a l'unique fonction de chanter les louanges de
ces rois, à jours et heures fixes. Pendant ce chant, les gens se
prosternent et s'associent aux chants du crieur public.

Il existe aussi des sonneurs de gong, appelés gan∂ot©, qui


frappent des gongs, clochettes sans battant, lors des cérémonies
Vodun.

121
L'homme de la figure 55 (A2.1) frappe un tambour, hoh©t©. Il
a la tête rasée sauf une mèche de cheveux du côté gauche, coiffure
appelée zogbodo. Il porte un pagne court vlanya, un collier noir
ataungw†, un bracelet de biceps aba∂agan et tient dans ses mains
un tambour ho. Le tambour sert dans beaucoup de cérémonies
religieuses et sociales. Il accompagne les danses et les chants
d'appels rythmés qui sont tout un langage car les tambours
parlent: ils émettent des sons rythmés et modulés qui sont
inspirés par les langues à tons de la région de Porto-Novo. Ces
modulations sont obtenues par des variations de pression d'une des
deux mains du joueur sur la peau du tambour.

122
La figure 56 (B1.1) représente un homme, sonneur de
tambours-hochets, appelé asanhunt©. Il a un pagne court vlanya, un
collier noir ataxngre, un bracelet de biceps aba∂agan. Il a la
rête rasée à la zogbodo. Il tient dans ses deux mains des objets
faits en vannerie que l'on nomme asan. Ici, ces objets sont en
terre cuite. En agitant ces hochets d'un mouvement brusque de haut
en bas, on obtient un bruit sec qui marque bien les cadences.

123
Les hommes et les femmes des figures 57, 58, 59, 60, 61 62,
63, 64, 65, 66, 67, 68 nous présentent des scènes de la vie
journalière. Ces scènes sont intéressantes en ce qu'elles nous
donnent quelques aspects de la vie des gens de la région de Porto-
Novo.

Les figures 57 (A2 . 3) et 58 (A2 . 3) représentent deux


pêcheurs dont l'un, celui de la figure 57, porte son épervier sur
son épaule; l'autre, celui de la figure 58, lutte avec un caïman
agelo. La pêche à l'épervier Dognito est courante dans les
lagunes. Tous les deux ont une culotte cokoto, un collier noir
ataungw†, et un bracelet de biceps aba∂agan.

La figure 57 (A2 . 3)

124
La figure 58 (A2 . 3)

125
La figure 59 (A2 . 3) représente un paysan gl†si. Il tient
une houe appelée alin. Il porte une culotte verte cokoto, un
collier noir ataung† £, et un bracelet de biceps aba∂agan. Il a la
tête rasée sauf une mèche noire, coiffure appelée zogbodo. Au
temps des rois, les gl†si étaient voués à la culture comme les
Vodunsi étaient voués aux Vodun . Les gl†si descendaient
d'esclaves de roi, et c'est par ordre du roi qu'ils étaient
désignés pour cultiver la terre au profit d'un chef ou d'un
notable.

126
La figure 60 (A2. 1) représente une femme qui pile. Elle
tient dans sa main un pilon kpo, reposant dans un mortier tonon.
Elle porte un pagne bleu av©, et un collier à pendentif jaune,
appelé koj†, un bracelet de poignet al©gan. Elle a les cheveux
tressés; cette coiffure se nomme da blabla.

127
La figure 61 (A2. 1) représente une femme assise, ayant à ses
pieds un mortier tonon. Elle a de nombreuses scarifications sur le
visage et sur les épaules, porte un collier koje ayant un
pendentif rouge lankan, deux bracelets de poignets al©gan. Elle
est vêtue d'un pagne bleu av©.

128
La figure 62 (A2. 1) représente une femme tenant dans les
mains un large chapeau appelé azagbagban. Elle est vêtue d'un
pagne bleu av©. Elle a de nombreuses scarifications hue sur le
visage, et des pendants d'oreilles togbe, un collier koj† ayant un
pendentif rouge lankan, des bracelets de biceps aba∂agan et de
poignets al©gan.

129
La figure 63 (A2. l) représente une femme tenant, dans ses
mains, une calebasse ka contenant une pâte bleue. Elle est vêtue
d'un pagne court av©; elle a un collier koj† ayant un pendentif
rouge lankan, et un bracelet de poignet al©gan. Son visage est
couvert de scarifications.

130
La figure 64 (A2.3) représente un groupe de femmes. Elles
sont trois; deux sont en train de mettre une jarre to-i-zen sur la
tête de la troisième. Elles sont nues et ne portent qu'une corde
autour des reins alinhan. La forme de jarre qui est portée par
l'une des femmes n'est pas traditionnelle mais de conception
européenne.

131
Les figures 65 (A2.2) et 66 (A2.2) représentent deux femmes
dont l'une, celle de la figure 65, prend une jarre to-i-zen
qu'elle doit mettre sur sa tête; elle a sur sa tête un petit
coussinet appelé sunnu; l'autre, celle de la figure 66, est à
genoux; devant elle, se trouvent des pots zen. Toutes les deux ont
la tête rasée, portent un collier koj† ayant un pendentif rouge
lankan, un court pagne vert av©, et des bracelets de poignets
al©gan.

La figure 65 (A2.2)

132
La figure 66 (A2.2)

133
Les figures 67 (A2 . 3) et 68 (A2 . 3) représentent des
soldats ahuannfunt© yoruba-nago. Cela est reconnaissable aux
scarifications qu'ils ont sur le visage: trois traits /// qui sont
les marques des Yoruba-Nago. Ils ont un bonnet appelé az†, une
tunique verte appelée akusan, une culotte cokoto, des bracelets
aba∂agan, et un collier ataungw†. Celui de la figure 67 tient à la
main un fusil et porte, dans le dos, une cartouchière agbaja.
Celui de la figure 68 tient dans une main un sabre appelé denkpe.

La figure 67 (A2 . 3)

134
La figure 68 (A2 . 3)

La complexité de définir ce que sont les Vodun nous amène à


connaître la vie de ces divinités à travers les rituels. Les
Européens ont tendance à définir et à connaître les Vodun à
travers les mythologies. Certes, il existe des mythes donnant
l'origine de tel Vodun, mais il nous semble plus profitable et
plus réaliste de rechercher la signification vivante de ces
divinités, les Vodun, à travers les rites dont leurs adorateurs
vivent et qu'ils célèbrent.

L'artiste Asogba avait déjà compris cette démarche, car il


nous a transmis à travers ces figurines des personnages, hommes et
femmes, vivant telle cérémonie ou donnant telle particularité de
tel Vodun. La description de ces 68 figurines nous permet de
comprendre la vie des hommes et des femmes de la région de Porto-
Novo, de saisir l'importance des Vodun dans la vie sociale des
populations Gun, Fon et Yoruba-Nago.

135
Conclusion

L'étude ethnographique et l'analyse esthétique nous ont amené


à décrire une partie d'une société africaine. Cela nous a été
possible grâce à des objets qui n'avaient aucune fonction dans
cette société. Il semble que ces statuettes ont été produites pour
une lecture européenne. Nous pouvons dire que les figurines faites
par Asogba, sont d'un figuratif analytique, c'est-à-dire qu'il y a
assemblage de lignes tendant à reproduire le réel optique des
formes. C'est au plus fort du mot un réalisme de la forme et des
gestes. Mais elles gardent une africanité, à la fois, dans la
façon d'être faites et dans une certaine lecture de la vie des Gun
et des Yoruba-Nago de Porto-Novo.
Asogba, artiste par désir personnel, au statut marginal quant
au fait de travailler l'argile des potières et quant au fait de
reproduire des attitudes de la vie courante, de la vie des Vodun
et de la vie politique, demeure néanmoins un Africain dont le
travail donne une réelle valeur à toute recherche esthétique.
Asogba, saisi par un réel profond, total, à la fois spirituel et
concret, n'a pas pu entièrement séparer le sacré et le profane.
Son style se maintient assez exactement dans une forme
naturaliste d'un bout à l'autre des deux grandes séries. S'il y a
évolution, c'est plutôt un enjolivement de la statuette par
l'adjonction d'accessoires. Il semble que l'artiste ait voulu
transmettre un message qu'il avait recueilli de sa vision de sa
société, message qu'il espérait laisser à ses descendants. Mais ce
message a été refusé par les gens de sa société alors qu'il a été
accepté par les Européens. En définitive, Asogba fut un trait
d'union entre la civilisation africaine et la civilisation
européenne.

136
Notes.

26 Il est évident que le tatouage en lui-même offre toute sécurité


par son caractère imprimé, définitif, inviolable, qui définit
l'individu en sa personne réelle, c'est-à-dire en la collectivité
dont il fait partie.
27 D'après BERNOLLES (1966: 73): «bracelets et réels .. se
présentent assez naturellement en Afrique noire actuelle sous une
forme 'sexuée': les hommes les arborent d'un côté du corps, les
femmes de l'autre. » Nous le pensons aussi, mais à cette
différence que la différenciation porte plus sur le fait que les
femmes mettent davantage de bijoux aux jambes (chevilles, mollets
et au-dessus du genoux) et autour du ventre.
28 Ce mot suggère l'idée d'une chose resserrée, étroite comme une
touffe de cheveux épargnée au sommet du crâne comme pour la figure
1, mais aussi suggère le petit bonnet qui couvre le sommet du
crâne comme pour la figure 3.
29 Le corps blanc de la figure 3 fut déterminant pour
l'identification ethnographique.
30 LÉVI-STRAUSS (1962: 14) définit le mythe ainsi: «la notion de
mythe est une catégorie de notre pensée que nous utilisons
arbitrairement pour rassembler sous le même vocable des tentatives
d'explication des phénomènes naturels, des œuvres de littératures
orales, des spéculations philosophiques, et des cas d'émergence de
processus linguistique de la conscience du sujet.»
31 LE HÉRISSÉ (1911: 126) écrit «Mahou est un 'vôdoun' féminin qui
habite l'espace,
du côté de l'Orient. Il réussit un jour à rejoindre Lisa, le
caméléon, qui résidait à l'Occident. I,es deux divinités
s'aimèrent. Elles regagnèrent ensuite leur demeure dans l'espace
et entre elles apparut le fruit de leurs amours, Aghé, la terre.»
32 MAUPOlL (1961: 71) écrit: «il importe peu de savoir si Mawu-
Lisa forme un couple divin ou une divinité hermaphrodite: il est
admis partout que Mawu-Lisa créa ou créèrent le monde ... Mawu et
Lisa, créateurs de la terre et du ciel et s'identifiant en leur
création, sont symbolisés par une calebasse fermée. »
33 Le problème des objets, représentant les Vodun, nous a vivement
intéressé. Beaucoup de données concernant ces objets, dans cette
étude, viennent d'un travail que nous avons fait sur le symbolisme
des objets des cultes Vodun.
34 Le serre-tête est utilisé aussi bien comme diadème que pour
envelopper la base d'une coiffure.
35 Le terme d'enclos n'est pas péjoratif mais signifie une
concession dans laquelle il y a les cases d'habitations, la case
spéciale du Vodun, le terrain où se pratiquent les initiations.
36 Il serait très intéressant de faire une étude sur les parties
du corps de ]'homme et de la femme qui doivent appartenir plus
spécialement au Vodun et pour quelles raisons y a-t-i]l mise à
part d'éléments particuliers ? Ce point a été envisagé pour les
aliments, les animaux et les arbres dans de nombreuses études.
37 SÉGUROLA (1963: 245) écrit sur les hunsi, on les appelle encore
ahuan-ulisi, par opposition aux Vodunsi et surtout aux Vodunon.

137
38 LUCAS (1948: 104) relate le principal mythe sur Sango. «The
most important myth ist the one contained in Iwe Kika Ekevin and
thus summarized by Dr. Farrow: About two centuries ago? there
reigned as King in the old town of ()yo.... which was situated
near the south bank of the River Niger, to the north of the Yoruba
country, one Shango, who was a powerful and wise monarch. He was a
great medecine man or witch-doctor, and claimed to be able to kill
people by ejecting fire from his mouth. His reign was tyrannical
and cruel. He had two ministers of whom he was jealous, and set
these to fight against each other, hoping both might be slain; but
was himself deposed by the one who came off victor in the
fight.S$ango fled, accompanied by his three wives,
Oya, Osun, and Oba, and some of his loyal followers. He wandered
in the bush, being gradually deserted by all, until only his
favourite wife Qya remained. Then, in despair, Sango hung himself
from an ayan tree. Oya fled north and became the presiding goddess
of the River Niger. Travellers who had seen the body of $ango
hanging from a tree entered the town and reported Oba-so. The
friends of Sango were so incensed that they determined to avenge
their deceased monarch.

They took a number of small calabashes or hollow gourds, and


filled them with gunpowder. They tllen covered them with coconut
fibre and put slow matches to them and waited for the next
tornado. When this came they ignited the bombs and threw them into
the thatched roofs of many houses. The resultant explosions and
fires caused the panic-stricken people to cry out 'why are all our
houses burning ?' The friends of Sango then came forward, saying,
'Oh, you said 'Oba so' ... He is angry with you for tllis. He has
become a god and has gone up into heaven and sent down the
lightning to punish you. You must bring out oxen, sheep, fowls,
palm oil, etc., and offer sacrifices to him, and henceforth
worship him and then he will forgive you.' »
39 MAUPOIL (1961: 73) écrit: «les principaux membres du panthéon
de Xêvioso, qui ont tous des attributions distinctes sont: Sogbo,
Gbade, Jakta, Aklôbê, Gbêdru, Akle, parmi les mâles; Adê, Naetê,
Avlekête, Saxo, Kêli, parmi les femelles. Chacun possède son arme.
»
40 Lorsque le Vodun est venu sur la tête, cette personne prend le
nom du Vodun qu'elle porte ainsi.
41 BERNOLLES (1966: 18) fait des comparaisons entre la coiffure
Yoruba et le bonnet dogon: «Une statuette yoruba présente un
bonnet très long, courbe et pointu ... La courbure se fait
d'ailleurs vers le dos du porteur ... Aussi je me demande si ce
dernier bonnet, porté encore en sa souplesse, n'évoque pas telle
manière de porter le bonnet dogon, et si l'un et l'autre ne
peuvent pas, de la sorte, expliquer le bonnet d'un certain pasteur
tassilien de la période bovidienne. » Une telle hypothèse peut
être possible. Mais comment l'expliquer avec l'attitude qu'ont les
Yoruba et les Gun vis-à-vis des pasteurs.
42 En effet, chaque grand Vodun a sa langue pour son culte. La
langue est apprise aux initiés pendant leur temps de formation.
Cette langue est souvent une langue d'une ethnie voisine ou bien
elle vient de l'ethnie qui a introduit ce Vodun.

138
43 LE HÉRISSÉ (1911: 128) écrit: «Le culte de 'Sakpata' ... fut
importé sous le règne d'Agadja (quatrième roi). A ce temps-là, les
guerriers dahoméens avaient été conduits contre Hondji (cercle du
Mono) et la variole les avait décimés bien plus que les armes
ennemies. Effrayé de cette cause de mortalité nouvelle dans ses
armées, le roi envoya des hommes de confiance chez les Dassas,
qu'il savait honorer 'Sakpata'. Ils en revinrent avec les
connaissances nécessaires pour établir au Dahomey le culte du
'vodoun' redoutable . »
44 Nous avons été frappé par deux faits: le premier concerne
l'importance de ce Vodun parmi les populations vivant sur l'eau:
village de Ganvié par exemple; le deuxième, d'avoir assisté à des
cérémonies en pleine période des pluies concernant ce Vodun pour
arrêter la variole qui sévissait.
45 Le cauris ahu† est un coquillage, importé de Mozambique, qui
constituait la monnaie des pays du golf de Guinée.
46 LUCAS (1948: 106) écrit: «Ogun is the god of Iron and of War.
He is therefore the patron god of hunters and soldiers. No hunter
ever dares to proceed on a hunting expedition without first
offering the appropriate sacrifice to this deity. His worship is
therefore kept alive by hunters. Soldiers, blacksmiths and others
who make use of iron implements also worship the deity. They look
up to him for protection. »
47 HERSKOVITS (1966, 2: 108 S.): «This god is important for an
understanding of Dahomean religion in that he, like Dji, gives a
clue concerning the interrelation of the several cults in Dahomey.
Among the Sky deities, Loko is charged with the care of the trees
wich are found on earth, and so significant are his functions that
he has his younger brother, Médje, as his assistant. The fact that
trees have souls, which, not like the souls of men, are associated
intimately with magic and healing, and the further fact that,
according to the priests of the Sky-cult, trees are themselves
associated with the spirits known as Aziza, the small creatures in
the forest who give magic to man, indicates their place in
Dahomean theology. In the representation of Loko, therefore, a
linking of worship of the gods of the Sky pantheon with that of
the ancestors, on the one hand, and with the system of magic, on
the other, is to be discerned. Furthermore, that Loko is the god
of the trees, and that trees are held to have souls, goes far to
explain the importance of the llse of ]eaves in Dahomean medical
and relizious Dractice. »
48 Le nom du plateau change se]on sa forme et ce qu'il représente.
49 Ces noix ne sont pas les fruits du palmier à huile commun, mais
du palmier Vodun qui est plus rare que le palmier commun.
50 Le terme Orisa en langue Yoruba correspond au terme Vodun en
langue Fongbé.
51 Chaque asen porte un nom, et cela en fonction de l'homme ou de
la femme défunte, aussi en fonction de son statut social.
52 IL y a de nombreuses variantes de cette cérémonie. Car entre en
jeu à la fois la position sociale de la défunte ou du défunt et le
fait d'appartenir ou non à un grand Vodun

139
53 Selon ALAPINI (1953: 42) «le sort de l'accusé dépend du
coussinet et du pagne mystérieux: l'incriminé, torse nu, a eu
auparavant les reins enveloppés d'un pagne à plis raides, pagne
empoisonné ou anodin, et sur la tête un coussinet, une sorte de
tortillon de même qualité, selon que l'on désire son innocence ou
sa culpabilité révélée par la chute en avant ou en arrière. »
54 Nous infirmons les conclusions que RETEL-LAURENTIN donne dans
son importante étude sur les ordalies et oracles chez les Nzakara.
En effet, la consultation est un mode d'information sur les
relations sociales; nous le retrouvons dans les consultations de
Fa. Les consultations sont révélatrices de l'importance que telle
ethnie, ici les Fon et les Gun, attache aux conflits: ceci est
remarquable dans les ordalies de Onse, elles sont aussi
révélatrices des règles coutumières.
55 Il existe plusieurs sortes de bâtons: le bâton officiel, pour
les cérémonies d'apparat, les négociations, les grandes
circonstances; un bâton servant dans les rapports ordinaires avec
les autorités locales; un bâton amical, d'un caractère purement
privé, pour les communications personnelles et intimes, Tout bâton
est porté par un interprète, La personne, à qui un bâton (récade)
est adressé, le prend dans sa main pour écouter le message, elle
ne le rend à l'interprète que le jour et au moment où elle est en
mesure de donner une réponse.
56 Cette structure sociale et politique se retrouve même à
l'intérieur de l'organisation des cultes Vodun, et elle est même
appliquée aux servants des cultes.
57 La musique a un très grand rôle dans la vie des gens, et lors
des cérémonies, les rythmes deviennent de véritables locutions
musicales qui sont aussi des louanges au roi et aux Vodun. La
musique a une action puissante sur les initiés qui en connaissent
le sens.

140
Annexes

Table des figures décrites et reproduites

Pour chaque figure, il est donné les références suivantes:


Numéro de notre description, numéro de collection, le nom de la
collection, sa place dans la classification diachronique et sa
place dans la classification ethnographique. Nous donnerons des
sigles à chaque collection.
Sœurs Notre-Dame des Apôtres à Vénissieux N.D.A.
Musée de la Société des Missions Africaines à Lyon
S.M.A.
Musée de l'Homme au Trocadéro à Paris T.R.O.
Musée ethnographique de Genève G.E.N.

Figure N° de collection Collection


Classification

1 10 N.D.A. B1 .1
2 I.1 3.150 S.M.A. A2.1
3 12 N.D.A. B1 .1
4 1 N.D.A. B1 .1
5 I.18.150 S.M.A. A2 .1
6 15 N.D.A. B1 .1
7 I.19.150 S.M.A. A2 .2
8 I. 20.150 S.M.A. A2.1
9 31.74.2411 T.R.O. B2.1
10 I.10.150 S.M.A. A2.2
11 6 N.D.A. B1.1
12 40 N.D.A. B1.1
13 I.7.150 S.M.A. A2.1
14 16 N.D.A. B1.1
15 I.17.150 S.M.A. A2.1
16 I.11.150 S.M.A. A2.1
17 I. 8.150 S.M.A. A2.1
18 30 N.D.A. B1.1
19 3 N.D.A. B1.1
20 31.74.2410 T.R.O. B2.1
21 21 N. D.A. B1.1
22 26 N.D.A. B1.1
23 20 N.D.A. B1.1
24 I. 22.150 S.M.A. A2.3
25 I. 23.150 S.M.A. A2.3
26 51.49.3 T.R.O. B2.3
27 39 N.D.A. B1.1
28 I. 5.150 S.M.A. A2.1
29 I. 4.150 S.M.A. A2.1
30 2 N.D.A. B1.1
31 5 N.D.A. B1.1
32 9 N.D.A. B1.1

141
Figure N° de collection Collection
Classification

33 36.21.32 T.R.O. B2.3


34 29 N.D.A. B1.1
35 43 N D A B1.1
36 18 N.D.A. B1.1
37 I. 2.150 S.M.A. A2.1
38 I.14.150 S.M.A. A2.1
39 I.15.150 S.M.A. A2.1
40 36 N.D.A. B2.2
41 34 N.D.A. B2.2
42 17 N.D.A. B1.1
43 I. 6.150 S.M.A. A2.1
44 19 N.D.A. B1.1
45 27 N.D.A. B1.1
46 25 N.D.A. B1.1
47 23 N.D.A. B1.1
48 14 N.D.A. B1.1
49 I.1.150 S.M.A. A2.1
50 I.9.150 S.M.A. A2.1
51 45 N.D.A. B1.1
52 35 N.D.A. B1.1
53 51.49.2 T.R.O. B2.1
54 31 N.D.A. B1.1
55 I.25.150 S.M.A. A2.1
56 41 N.D.A. B1.1
57 I.26.150 S.M.A. A2 .3
58 I.27.150 S.M.A. A2 .3
59 I. 28.150 S.M.A. A2 .3
60 I.24.150 S.M.A. A2.1
61 I.16.150 S.M.A. A2 .1
62 I.12.150 S.M.A. A2.1
63 I.3.150 S.M.A. A2.1
64 I.32.150 S.M.A. A2.3
65 I.30. 150 S.M.A. A2.2
66 I.31.150 S.M.A. A2.2
67 I.29.150 S.M.A. A2.3
68 I.21.150 S.M.A. A2.3

Lexique des mots Fon

Abadagàn bracelet métallique qui Alinhàn


ceinture que portent se se porte aux
biceps les femmes
Abaje bracelet de perles Alinglè clochette
Abahunj† bracelet de perles Al©gàn bracelet de
poignet
Abeti calotte, bonnet Al©j† collier de perles
Ac© puissance, force présente Anago Yoruba
demeurant au
d'un Vodun Bénin (Dahomey)
Acina bois recouvert d'une Asan instrument de
étoffe éclatante que les musique les
tambour- Vodunsi portent hochet
142
sur les épaules Asen objet en métal,
autel portatif sur
lequel on offre la
nourriture et
Aca parure, collier le sang
sacrificiel
Acugwidi petite calotte que au défunt
portent les bok©non Ataungw† petite gourde
contenant des
poudres
Adokèn ceinture collier
Aféfe bleu Atime-Vodun Vodun, divinité
demeurant sur un
arbre
Afin albinos
Af©gàn bracelet de métal qui se Av© pagne
porte aux chevilles Av©sunnuk©gni grand pagne que
portent les
hommes
Afajé perles portées aux che-
villes Awankdn ordalie d'un Vodun
Afunwé pagne blanc Azà bonnet
Agbaja cartouchière Azàgbagba chapeau de paille
Agbanhint© porteur Ba verge, canne
Agèlo caïman Bok©non interprète du Fa,
devin
Ahè tout non initié Cokoto culotte
Ahosan frère cadet du Vodun Dangb† Vodun,divinité,
HEbioso serpent python
Alvuanfunt© guerrier Denkpè sabre
Ahuan-ulõ cérémonie de fin de Dopit© pêcheur à
l'épervier
séjour dans un enclos Égun société d'hommes,
Vodun revenant
Aidégan noyau de l'amande du Fa Vodun, divinité de la
palmier de terre qui sert divination
pour consulter le Fa Fat† plateau qui sert
pour
Aï-Vodun divinité de la terre consulter
Aisen soucoupc en terre cuite Gan gong
dans laquel3e on offre Gansu
clochette en métal
des aliments aux Vodun Gan∂ôt© crieur
public
Ak©-Vodun divinité d'un lignage Glesi
cultivateur
Aku†* cauris Glo$glo$y† collier de perles
noires
Gu Vodun, divinité des Sakpata Vodun, divinité
de la
forgerons terre, de la
variole
Hlakpog† grande canne Sakpatanon prêtre de Sakpata
Hùn tambour Sakpatasi personne
consacrée à
143
Hùan lance Sakpata.
Huè scarification, incision S† Vodun,
divinité qui
Hunsi personne vouée à un préside à la
naissance
Vodun S†si personne
consacrée à
Hunso adjoint à un Vodunon Se
Ka calebasse Sosiovi hache de Hebioso
K†s† perroquet Sunnù coussinet de
porteur

144
K†s†zan plume caudale de perro- Tabla serre-
tête
quet, coiffure Ta-Vodun sorte de pot que
certains
Vodunsi
Kajé collier portent sur leur
tête
Kp†t† sifflet
Kp†t†kunto joueur de siffflet Togbé pendantd'oreille
Kpota bâton, récade To-i-zen jarre
KuÙ† flûte Tonon mortier
Kuekunta joueur de flûte Toxio ancêtre prêtre
qui
Lankan perle rouge s'occupe du culte
L†gba Vodun, divinité protec- Tu fusil
trice Vegla collier
L†gbasi personne consacrée à Vi noix de kola
Legba Vlanyà pagne
Lènsu bélier Vodun divinité, ce qui
relève du
divin
Lisà Vodun, divinté qui,
avec Mawu, forme le Vodungbè jour consacré à
la
couple créateur divinité
Lisasi personne consacrée à Vodun-kpam† enclos
d'initiation
Lisa Voduron prêtre, maître
d'un
Lokd Vodun, divinité qui Vodun
demeure dans les arbres Vodunsi toute
personne con
Màka cérémonie en l'honneur sacrée à un
Vodun
d'une Vodunsi défunte Wésio Vodun,
divinité, fils Makpo massue de Dangb†
Mawu Vodun, divinité qui, Hebioso Vodun, divinité
du
avec Lisa, forme le tonnerre
couple créateur Ho tambour
Nenkan phallus Hohôto joueur de tambour
Onse ordalie Zàngb†to société d'hommes
Osu Vodun, divinité Yoruba-
Nago

145
146

Vous aimerez peut-être aussi