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et archives
au Gabon
1
TRADITIONS ORALES
ET
ARCHIVES AU GABON
DU MME AUTEUIl
Lcs Antaisuka (Gographie humaine, coutumes et histoire d'une population
malgache). Thse de Lellres en Sorbonne (1938, Tananarive).
Le dialecte Antaisaka (Langue malgache). Thse complmen taire. (Id., ibid.).
Madagascar (Collection" L'Union Fran.aise ", 1947, Berger-Levl'auIl, 2" cl.
1951).
Cdtc des Somalis (in " Cte des Somalis - IIunion -- Inde ", mme col-
lection. 1948, Berger-Levrau\l.).
Les Pirates Madagascar aux XVlle ri XVIIIe sicles (1949, Berger-Levrault).
Gallieni Pacificateur (Collection " Colonies et Empires ", en collaboration
avec Paul Chauvel. P.U.F., 1949).
La fin des Empires coloniaux (Collection " Que sais-je? " Presses Univer-
sitaires de France. 11'0 d. 1950, 2
e
d. 1959). Traduit en espagnol et en
japonais.
Les voyages de Samuel Champlain, Saintongeais, l're du Canada (Collec-
tion" Colonies et Empires ". P.U.F., 1951).
Pirates et Flibustiers (Collection" Que sais-je " P.U.F., 11'0 d. 1952, 2
e
d.
1962.) Traduit en espagnol.
L'veil politique africain (Collection " Que sais-je? P.U.F., 1952).
L'Union Franaise (Histoire, Institutions, Ralits). (Collection " L'Union
Franaise . Berger-Levrault, 1952). Traduit en anglais.
Les mthodes et les doctrines coloniales de la France dll XVl" sicle nos
jours (Pelite collection A.C., srie" Hisloire ". Armand Colin, 1953).
Peuplcs et Nations d'oatrc-mer (Islam, Afrique, Asie du Sud) (Collection
" Etudes politiques Dalloz, 1954).
Les religions de l'Afrique noire (Collection" Que sais-je? ", P.U.F., 1
re
d.
1954, 2
e
d. 1960).
Tahiti (in " Tahiti - Nouvelle Caldonie - Nouvelles Hbrides n, Collection
" L'Union Franaise ". Berger-Levraull, 1957).
Les Malgaches du sud-est (Collection " Monographies Ethnographiques , en
collaboration aveC S. Vians. P.U.F., 1959).
Les migrations intrieures, passes et prsentes, Madagascar (Collection
" L'Homme d'outre-mer ,,). Berger-Levrault, 1959).
Histoire de Madagascar (Collection " Mondes d'outre-mer , srie " His-
toire ". Berger-Levrault, 11'0 d. 1960, 2 d. 1961).
Les Institutions politiques de l'Afrique noire (Collection " Que sais-je? .
P.U.F., 1962).
En prparation :
Histoire de l'Afrique noire prcoloniale (Collection" Que sais-je? " P.U.F.).
Histoire du Gabon (Collection " Mondes d'outre-mer ", srie " Histoire ",
DU MME AUTEUIl
Lcs Antaisuka (Gographie humaine, coutumes et histoire d'une population
malgache). Thse de Lellres en Sorbonne (1938, Tananarive).
Le dialecte Antaisaka (Langue malgache). Thse complmen taire. (Id., ibid.).
Madagascar (Collection" L'Union Fran.aise ", 1947, Berger-Levl'auIl, 2" cl.
1951).
Cdtc des Somalis (in " Cte des Somalis - IIunion -- Inde ", mme col-
lection. 1948, Berger-Levrau\l.).
Les Pirates Madagascar aux XVlle ri XVIIIe sicles (1949, Berger-Levrault).
Gallieni Pacificateur (Collection " Colonies et Empires ", en collaboration
avec Paul Chauvel. P.U.F., 1949).
La fin des Empires coloniaux (Collection " Que sais-je? " Presses Univer-
sitaires de France. 11'0 d. 1950, 2
e
d. 1959). Traduit en espagnol et en
japonais.
Les voyages de Samuel Champlain, Saintongeais, l're du Canada (Collec-
tion" Colonies et Empires ". P.U.F., 1951).
Pirates et Flibustiers (Collection" Que sais-je " P.U.F., 11'0 d. 1952, 2
e
d.
1962.) Traduit en espagnol.
L'veil politique africain (Collection " Que sais-je? P.U.F., 1952).
L'Union Franaise (Histoire, Institutions, Ralits). (Collection " L'Union
Franaise . Berger-Levrault, 1952). Traduit en anglais.
Les mthodes et les doctrines coloniales de la France dll XVl" sicle nos
jours (Pelite collection A.C., srie" Hisloire ". Armand Colin, 1953).
Peuplcs et Nations d'oatrc-mer (Islam, Afrique, Asie du Sud) (Collection
" Etudes politiques Dalloz, 1954).
Les religions de l'Afrique noire (Collection" Que sais-je? ", P.U.F., 1
re
d.
1954, 2
e
d. 1960).
Tahiti (in " Tahiti - Nouvelle Caldonie - Nouvelles Hbrides n, Collection
" L'Union Franaise ". Berger-Levraull, 1957).
Les Malgaches du sud-est (Collection " Monographies Ethnographiques , en
collaboration aveC S. Vians. P.U.F., 1959).
Les migrations intrieures, passes et prsentes, Madagascar (Collection
" L'Homme d'outre-mer ,,). Berger-Levrault, 1959).
Histoire de Madagascar (Collection " Mondes d'outre-mer , srie " His-
toire ". Berger-Levrault, 11'0 d. 1960, 2 d. 1961).
Les Institutions politiques de l'Afrique noire (Collection " Que sais-je? .
P.U.F., 1962).
En prparation :
Histoire de l'Afrique noire prcoloniale (Collection" Que sais-je? " P.U.F.).
Histoire du Gabon (Collection " Mondes d'outre-mer ", srie " Histoire ",
L'HOMME D'OUTRE-MER
Collection publie par le Conseil suprieur
des Recherches sociologiques d'outre-mer
et par l'Office de la Recherche scientifique et technique Outre-Mer
Nouvelle Srie N 6
Hubert DESCHAMPS
Gouverneur E. R.,
Directeur des Sciences humaines l'Office de la Recherche Scientifique
et Technique Outre-Mer
Charg de mission par le Centre National de la Recherche Scientifique
TRADITIONS ORALES
ET
ARCHIVES AU GABON
Contribution l'ethno-histoire
DITIONS BERGERLEVRAULT
5, rue Auguste-Comte - PARIS (VIe)
1962
by dit-ions Berger-LevranU, 1962
Tous droit.a de traduction, reproduction et d'adaptation rservs pour tous pays.
Ce livre est ddi
A MA FEMME
pour la remercier
de son endurance dans la fort vierge
et de sa palience laper ccl ouvrage
aprs tant d'autres
CARTE PHYSIQUE ET POLITIQUE
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PRFACE
L'ethna-histoire (expression rcente et discute), n'est
vrai dire qu'une branche de l'histoire totale, celle-ci ayant
aujourd'hui l'ambition lgitime de dborder ses limites
classiques et de s'tendre la plante. Elle pourrait tre
dfinie : l'ensemble des mthodes permettant d'tudier
l'histoire des peuples sans criture )). Il va sans dire qu'elle
se distingue de la prhistoire qui possde son propre ter-
rain temporel et ses mthodes originales. Si, d'autre part,
les rgles de la critique historique sont applicables
l'ethno-histoire, elle se trouve dans la ncessi t de recourir
11 des matriaux dont la diversit dborde singulirement
les documents crits, alpha et omga de l'histoire telle que
nous l'enseignrent nos matres.
Non que les documents crits fassent absolument dfaut
/ en l'espce. Mais, ayant le XIX sicle, en Afrique, ils sont
rares et borns la cte. L'ge des explorateurs fournit
des renseignements plus tendus, mais partiels et limits
une priode troite. Avec l'occupation europenne naissent
les archives, archives des mtropoles et archives locales.
Les premires ne fournissent, sauf exception, que des
poques trs rcentes; comme nous le verons, elles sont
loin d'tre classes et compltes et de rpondre toutes les
proccupations de l'historien.
Si elle devait se borner il l'crit, l'histoire des peuples
sans criture resterait donc un simple aspect secondaire de
la pntration europenne, ce qu'elle a t longtemps. Il
faut, pour explorer le pass des pays et de leurs habitants,
recourir il dautres matriaux. D'abord ceux que peuvent
fournir diverses sciences, voisines ou non : l'ethnologie,
la linguistique, l'anthropologie doivent permettre des com-
paraisons et des rapprochements; l'archologie, dans les
contres o existent des monuments, apporte des bases
solides pour les priodes les plus difficiles atteindre. Il
n'est pas jusqu' la botanique (par l'tat de la vgtation et
la diffusion des plantes cultives), la zoologie, la climato-
8 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU G A B O ~
logie, l'ocanographie, la pdologie qui ne puissent contri-
buer fournir des indications prcieuses sur les migrations
et les tablissements anciens.
Il n'en reste pas moins que le mode d'expression essen-
tiel des socits sans criture, c'est le son et, avant tout, la
voix humaine; l'histoire, pour elles, n'est pas un griffon-
nage mais un rcit, souvent rythm, ponctu de gestes
vigoureux et d'onomatopes, parfois mme chant. Ceci ne
signifie aucunement qu'il s'agisse de rcits potiques, la
manire d'Homre, o l'ade brode loisir sur un canevas
plus ou moins rel. Les genres sont spars : les con tes
merveilleux et les cosmogonies appartiennent des spcia-
listes et des circonstances particulires; la tradition orale
historique ne comporte de mythes que pour les priodes les
plus anciennes; le reste est gnalogie et rcits d'vne-
ments notables, transmis par les anciens et qui taient
connus, dans leur ensemble, par un vaste public.
Il s'agit donc d'une catgorie de documents, inhabituelle
pour les historiens classiques (et donc suspecte peut-tre
encore pour quelques-uns), mais irremplaable et essen-
tielle pour ces pays et ces nations d'outre-mer qui ont acquis
rcemment une existence politique indpendante et qui
ont droit dsormais un drapeau, un sige l'ONU et
une place dans l'histoire universelle.
Or, cet instant mme o les historiens vont (esprons-le
du moins) commencer les utiliser, les traditions orales
tendent se perdre, sous l'influence du modernisme,
comme toutes les autres formes de la vie traditionnelle. Il
n'est que temps de courir pour recueillir ce qui en reste.
Et les archives mme, l'autre Lase essentielle, sont, par
d'autres procds, menaces d'une aussi catastrophique
disparition. La possibilit mme d'une histoire devient pro-
blmatique.
Celle proccupation est la mienne depuis plusieurs
annes; j'ai contribu poser la question de l'ethno-his-
toire et de la collecte des documents prissables devant les
instances scientifiques internationales et nationales. A
celles-ci j'avais beau jeu de faire remarquer l'avance prise
par certains pays d'expression britannique, telle la Nigeria,
et la ncessit de consacrer des recherches du mme ordre
aux nations nouvelles d'expression franaise.
J'ai eu le bonheur (rare pour ceux qui innovent) de ren-
contrer la comprhension et l'appui effectif des plus hautes
autorits en la matire. Mon ami Charles-Andr Julien,
PRFACE 9
professeur d'Histoire des colonisations la Sorbonne, m'a
apport ds le dbut le rconfort de son soutien. M. le Do-yen
Pierre Renouvin a bien voulu prendre l'initiative de pro-
poser au CNRS une mission au Gabon qui me serait
confie. Les Commissions et la Direction du CNRS ont
accord, avec la plus grande bienveillance, les crdits nces-
saires. Le Directeur de l'RSTM a autoris mon emploi
pendant quatre mois ce travail. Qu'ils en soient tous
hi en vivement remercis, et puissent les rsultats encou-
rager poursuivre de telles initiatives avec d'autres cher-
cheurs en d'autres pays.
Un soutien actif particulirement prcieux fut celui de
M. Lon Mba, Prsident de la Rpublique gabonaise, qui
a, ds le dbut, parfaitement compris l'intrt de mon
enqute pour l'histoire de son pays. II m'a, par ses circu-
laires, largement facilit les choses, et jc n'ai eu qu' me
louer de l'accueil qui m'a t rserv par ses prfets et sous-
prfets lors de mes dplacements; ils ont convoqu en
temps utile les vieillards les plus qualifis et m'ont autoris
consulter largement leurs archives. Les membres du gou-
vernement gabonais et les dputs locaux m'ont apport,
l'occasion, l'appui de leur connaissance du pays; Mgr Adam
(dont la science couvre tous les dialectes locaux), le vn-
rable abb Raponda Walker (Pic de la Mirandole des choses
gabonaises), et M. le Pasteur Stoecklin m'ont t particu-
lirement prcieux. A tous je dois dire ma gratitude.
J'ai donc pu, dans les meilleures conditions et sans perdrc
de temps, circuler plus de deux mois sur toutes les routes
(parfois fort sportives) du Gabon, et travailler ensuite
Libreville, en apprciant tout ce qu'a de rel et de durable
la vieille amiti franco-gabonaise. Qu'il me soit permis
enfin de dire mn reconnaissance mon minent collabora-
teur M. Herbert Pepper, ethno-musicologue, directeur du
Centre gabonais de l'RSTM, qui m'a si efficacement pr-
par les voies et m'a accompagn sur un vaste trajet au
cur de la grande fort.
Les documents recueillis doivent, dans mon esprit, tre
utiliss pour deux ouvrages: Histoire du Gabon (Collection
Mondes d'outre-mer n, srie Histoire n, chez Berger-
LevrauIt), et Les Peuples du Gabon (collection Monogra-
phies ethnologiques n de l'Institut international africain,
aux Presses universitaires de France). Mais ces futurs
volumes exigeront l'un et l'autre, surtout le premier, une
longue exploration sur des fleuves de bibliographie et dans
/
10 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU G.\BON
une fort vierge d'archives, en France et ailleurs. Il serait
vain d'esprer en voir le bout avant plusieurs annes de
travail. J'ai donc pens qu'il pourrait tre utile, sans
attendre, de publier les rsultats de ma mission et c'est
l'objet du prsent livre.
D'une part en effet les traditions orales constituent des
documents qu'il y a intrt produire, indpendamment de
toute synthse, pour qu'ils soient la disposition du public
gabonais et des chercheurs. D'autre part une collecte iti-
nrante de deux mois (alors que .le n'avais jamais abord
le Gabon et que j'ai d recourir il des interprtes sans cesse
changeants pour une trentaine de dialectes) aura, sans
doute, intrt subir l'apprciation de bons connaisseurs
locaux des choses gabonaises et la correction par eux de
certains dtails. Je les prie de m'crire et, d'avance, les en
remercie.
En ce qui concerne la transcription des langues locales,
j'ai adopt ici l'orthographe franaise, qui al' uvantage
d'tre connue de tous les Gabonais. Il serait d'ailleurs
impossible, avec un seul systme graphique, de reproduire
exactement des langues fort dissemblables, aux sons parfois
inattendus (par exemple une consonne mpongw tient le
milieu entre le m et le w). Je me suis born transcrire
par sh un son intermdiaire entre s et ch. Les lettres e (eu
ou e muet), , , u et la diphtongue ou ont le mme son
qu'en franais. J'ai regrett qu'il n'existe pas de signe sur
nos machines crire pour exprimer 1'0 ouvert, si caract-
ristique des langues gabonaises. Mais, en franais, 1'0
ouvert (pomme) et 1'0 ferm (pot) sont reprsents par le
mme signe; les Gabonais n'en seront donc pas gns.
Aussi bien ne s'agit-il pas d'un ouvrage de linguistique.
Par contre .le n'ai pas hsit il redresser quelques vieilles
erreurs orthographiques, pieusement rptes depuis un
sicle et consacres par l'usage. Il m'a paru absurde en
effet d'crire Ogoou, Ndjl, Boou, Woleu des mots qui
se prononcent Ogou, Njol, Bou, Wol. Ma vnration
pour les explorateurs, qui est immense, ne va pas jusqu'
respecter leurs graphies improvises.
Libreville, septembre 1.961
H. D.
Premire partie
TRADITIONS
ORALES
MTHODES ET RSULTATS
La collecte des traditions historiques n'est pas une chose
nouvelle. Grgoire de Tours, qui fonda l'histoire de France,
n'a pas fait autre chose. Les explorateurs, les administra-
teurs, les missionnaires, les ethnologues s'y sont livrs
J'occasion, interrogeant les vieillards dpositaires de la tra-
dition, et prenant des notes plus ou moins proches de l'ori-
ginal. Le modle cet gard me parat tre l'Histoire
des Rois d'Imerina du R. P. Callet qui a, autour de 1870,
effectu, dans la langue mme des informateurs (le mal-
gache), u ne collecte massive des tradi tions (( 1'hritage
des oreilles )), disent les hova) portant aussi bien sur les
vnements des rgnes que sur les coutumes des anctres.
Incomparable rservoir pour les chercheurs, mais qui reste
dfendu par son amplitude mme, puisque seule une partie
a pu tre traduite et devenir ainsi accessible aux non-mal-
gachisants.
Une telle mthode de notation scrupuleuse et totale ne
pouvait tre amliore que par la technique moderne du
magntophone. Je me suis donc muni de cet instrument,
persuad que j'allais pouvoir ainsi recueillir des rcits en
forme, pieusement transmis du fond des ges, avec leur
accent, leur rythme et leurs prcieux archasmes.
Or, dans le cas prsent, ce procd n'a donn que de
faibles rsultats qu'expliquent la fois la structure des
socits gabonaises et la date tardive de la collecte. D'une
part en effet il n'existait pas au Gabon d'tats sculaires,
comporlant une dynastie, une hirarchie, une cour, donc
aussi des spcialistes de la mmoire, chargs de conserver,
de pre en fils, les gnalogies et les hauts faits des sou-
verains ; le Tarikh es Soudan a pu recueillir une telle mois-
son dans les empires du moyen ge sur le Niger, le P. Callet
en Imerina, Dim Delobson dans l'Empire du Morho Naba,
Herskovits au Dahomey, Vansina chez les Bakuba et le
Yoruba Scheme dans les anciens royaumes du Benin. Ici
au contraire les cadres sociaux r p o n d ~ n t au type politique
de ce que j'ai appel II les Anarchies )) et que les Anglais
14 TI1.ADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
nomment pudiquement socits segmentaires n, c'est--
dire non pas le chaos, mais une telle atomisation des
groupes, une telle dilution du commandement, un tel sens
de la libert individuelle, un tel remplacement de l'auto-
rit par la coulume qu'aucune mmoire ne dpasse
l 'horizon du clan et ne possde de but pratique, donc de
spl;cialistes.
D'autre part les lgendes d'origine en forme rigide, si
elles ont eu cours aulrefois, semblent avoir pri, dans la
plupart des cas, avec les anciens qui les dtenaient et avec
Je culte des anctres qui les faisait rciter en certaines cir-
constances; cette religion est morle du fait des missions,
de l'cole, de la circulation des hommes et des ides et
aussi, plus rcemment et massivement dans certaines
rgions, par les effets destructeurs de certains cultes syncr-
tiques phmres, tel le bougisme n dans le sud-ouest,
le culte de Mademoiselle n dans le nord. Il faut s'v rsi-
gner : le Gabon n'est plus ce paradis de l'ethnologu qu'il
pouvait tre encore en 1912, quand Tessmann dcrivait les
Fang aux cheveux tresss, quasi nus, veillant dans leurs
corps de garde avec leur fusil pierre et leur arbalte. Les
Gabonais, dans les brousses les plus recules, portent che-
mise et pantalon et parlent plus ou moins le franais. A
Libreville, les femmes gabonaises suivent la mode de Paris.
Une tradition historique en forme ( supposer mme qu'il
y en ait eu) est devenue aussi introuvable qu'un masque
bakota ou qu'une statuette fang.
Le magntophone ne m'a donc t que d'un mdiocre
usage, et j'ai peu utilis celui dont je disposais. Quand,
par hasard, je rencontrais, au cours d'un interrogatoire, un
thme rcit concernant les origines (gnralement lgen-
daires) ou un ancien chant de guerre, je le signalais
M. Pepper qui l'enregistrait avec un appareil et une
technique bien suprieurs aux miens. Reproduits, fichs
et traduits, ces textes vont figurer dans la collection des
Expressions sonores gabonaises n, que M. Pepper consti-
tue avec une tnacit, une foi et une comptence rares, et
qui promet d'tre le plus remarquale conservatoire de la
culture africaine traditionnelle dont nous puissions dis-
poser l'avenir. Les textes ainsi enregistrs seront indiqus
en note, avec le numro et la rfrence de la collection.
A part ces exceptions, il m'a donc fallu recourir la
mthode classique : celle de l'interrogatoire et des notes
manuscrites.
TRADITIONS ORALES 15
Dans les diffrentes localits o je m'arrtais (gnrale-
ment les chefs-lieux de subdivision, o je pouvais meubler
les temps morts en compulsant les archives, mais aussi,
l'occasion, dans divers villages), je me faisais indiquer les
personnages les plus aptes me renseigner et je les runis-
sais, en interrogeant sparment les reprsentants des
diverses ethnies. Des moyens de transport taient utiliss
pour ceux qui habitaient au loin ou pour les vieillards peu
valides; certains, infirmes, m'obligeaient me rendre
chez eux, ce qui prsentait l'avantag de me placer dans le
milieu naturel, mais aussi l'inconvnient de me livrer
un seul tmoin, sans contradiction immdiate en cas
d'erreur.
Le plus souvent j'avais faire plusieurs informateurs
runis. Les assembles trop nombreuses, o les vritables
comptences se trouvaient noyes dans un Hot de vieillards
inutiles, dgnraient parfois en parlotes individuelles ou
en tournois oratoires, chacun voulant, pour le prestige,
ajouter sa version ou des dtails personnels, le plus souvent
sans intrt. Un petit nombre d'informateurs vraiment
qualifis, de deux six par exemple, m'est apparu comme
la meilleure formule. Elle constitue une critique automa-
tique des tmoignages, toute dviation, toute erreur d'un
narrateur tant aussitt rectifie par les autres; sur l'en-
semble il y avait le plus souvent consensus omnium n,
les discussions n'intervenant que pour certains dtails (par
exemple l'importance relative des clans); gnralement
l'accord se faisait; il est rare que j'aie eu enregistrer
deux versions.
Mon questionnaire portait d'une part sur les origines et
les migrations, d'autre part sur le mode de vie des anctres.
Les questions, cela va sans dire, taient parfaitement imper-
sonnelles et ne suggraient aucune solution. Les rponses
taient gnralement prcises et directes. Parfois une ques-
t.ion dclenchait des rcits ou une srie de dtails imprvus
et in tressan ts. Quand on drivait dans 1'insigni fiance ou
hors du sujet, une nouvelle question ou une demande de
prcisions ramenait aussitt dans la bonne voie, sans
aucune difficult. Les informateurs m'ont paru tous
comprendre l'intrt de l'enqute pour l'histoire du Gabon
et avoir le dsir d'y collaborer de leur mieux, avec une
certaine fiert de voir leur comptence reconnue.
En somme j'ai appliqu la mthode sculaire du
R. P. Callet, avec sans doute une certaine supriorit tenant
16 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU CABON
au progrs des connaissances ethnologiques et aux facilits
de communications, mais avec aussi trois causes graves
d'infriorit, quant au contact, la langue et l'poque.
Le P. Callet connaissait personnellement ses vieillards;
il a pu les interroger pendant un grand nombre d'annes
et acqurir leur confiance entire. Je ne pouvais gure
passer plus d'un jour ou deux avec les miens et il tait
fatal que, au moins sur certains points dlicats, comme la
religion ou la sorcellerie, je rencontre parfois des rti-
cences bien comprhensibles.
D'autre part le bon Pre pratiquait couramment le mal-
gache et l'crivait admirablement; ses textes sont des
modles de langue classique. La communication entre ses
interlocuteurs et lui tait donc directe et sans entrave. Je
ne disposais quant moi d'aucune expression verbale gabo-
naise et, en et-il t autrement, cette connaissance ne
m'etH t que d'un faible secours, vu la mulliplicit des
langues et des dialectes. J'ai donc d recourir au franais
ou des interprtes. Nombre de vieillards parmi les
plus jeunes connaissaient le franais et avaient tendance
en user. Mais c'tait parfois un franais rudimentaire qui
ne leur permettait ni de comprendre parfaitement mes
questions, ni de s'exprimer d'une manire suffisamment
claire et dtaille. J'ai donc, dans la majorit des cas, eu
recours aux interprtes, ce qui restituait au dialogue toute
son aisance. Ces interprtes devaient tre recruts sur place
chaque arrt et il m'en fallait frquemment plusieurs,
tant donn la diversit linguistique. C'taient, le plus sou-
vent, des crivains de l'administration, parfois des notables,
voire mme des dputs. Leur connaissance du franais et
leur comprhension tait variable, parfois excellente, par-
fois moins bonne, mais toujours suffisante pour que les
rsultats fussent valables.
Mais la grande infriorit de mon enqute l'gard de
celle du pre Jsuite vient de la diffrence des poques. Il
y a 90 ans, la vieille socit malgache tait quasi intacte;
la pntration europenne dans les esprits se faisait peine
sentir en dehors du cercle troit de la cour; entre les infor-
mateurs et leurs anctres ne se dressait aucun obstacle; la
vie traditionnelle coulait naturellement de leurs lvres parce -
que c'tait la vie de tous les jours, o les anctres, du fond
de leurs tombeaux, dominaient encore les mmoires et les
curs.
Il en tait ainsi sans doute dans la plus grande partie du
TRADITIONS ORALES 17
Gabon avant 1914, au moment des enqutes de Tessmann
et des premires curiosits de l'abb Walker. Aujourd'hui
la pntration commerciale, administrative, et surtout mis-
sionnaire et scolaire, ont chang les choses et les esprits.
Les jeunes, et c'est lgitime, ne rvent plus que de pro-
grs li et de connaissances livresques. Parmi mes informa-
teurs eux-mmes certains hommes parmi les plus jeunes
(de 45 65 ans), conservaient une bonne notion de vie
ancestrale qu'ils avaient pratique dans leur enfance, mais
tendaient parfois (rarement, vrai dire) prsenter des
origines une version simplifie, rationalise, inspire du
livre de gographie, de l'Histoire Sainte ou rptant cer-
laines hypothses europennes aventures,_ devenues ensei-
gnement scolaire et acte de foi. De telles dformations
(allusions au Nil, aux Arabes, l'Ethiopie, au Tanganyika,
aux trois fils de No) taient faciles dceler, si mme elles
n'taient pas vhmentement dnonces par les dpositaires
de la tradition rcite, gnralement plus gs. C'est chez
ceux-ci, les hommes de G6 80 ans, lorsqu'ils avaient
conserv leur tte intacte, que j'ai trouv, pour les origines,
les rcits ayant les marques les plus certaines d'authenticit.
Mais ils sont peu nombreux et bientt ils ne seront plus. Je
suis arriv in extremis; sans doute vingt ans auparavant
ma mission et-elle t autrement fructueuse.
Cet exemple montre qu'il est urgent, en Afrique et
ailleurs, de collecter ce qui reste des traditions orales SI
nous voulons que l 'histoire en bnficie.
PEUPLES ET GROUPES
Le Gabon compte prs d'une quarantaine de pcnples,
c'est--dire d'ensembles humains tendus, ayant un nom
distinct, avec le sentiment d'une origine et d'une appar-
tenance communes. Ces peuples taient eux-mmes diviss
en clans qui se faisaient frquemment la guerre. Leur par-
ticularisme vis--vis des autres peuples n'en est pas moins
vif, et ne les empche pas d'ailleurs d'avoir avec certains
d'entre eux des parents dues soit la langue, soit aux
origines, soit des alliances matrimoniales frquentes.
La classification de ces peuples, adopte par les cher-
cheurs, est gnralement basc linguistique. C'est ainsi
que le professeur Guthrie (( The Bantu languages of "Ves-
tem Equatorial Africa li, 1953) distingue les groupes sui-
2
18 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
vants l, Benga. 2, Fang. 3, Bekwil. 4, Myene. 6, Kele.
6, l'sogo. 7, Shira-Punu. 8, Nzahi. 9, l\Ibete. 10, Teke.
11, Viii.
Mon collaborateur, M. Soret, ethnologue, dans ses minu-
tieuses cartes ethniques de l'Afrique quatoriale, Cl intro-
duit dans ce classement quelques nuances utiles.
Cette classification ne doit pas cependant tre tenue pour
dfinitive. M. Guthrie, africaniste de premier plan d'ail-
leurs, ne disposait pas d'lments de base pour tous les dia-
lectes. Benga et Bakota peuvent tre rapprochs. Mgr Adam,
qui a pratiqu tous les dialectes du sud-est, est d'avis que
les trois groupes Nzabi, Mbete et Teke ne sont que les
varits d'un seul groupe, ce que mes informateurs
m'avaient affirm. II ne semble exister aucune difficult
entre Lumbu (du groupe Shiva-Punu) et Viii.
Ces incertitudes m'ont amen adopter une classifica-
tion lgrement diffrente, base gographico-historique,
pour les besoins de mon expos. Les groupes appartenant
des langues diffrentes, mais vivant depuis longtemps
ensemble dans le mme milieu gographique, sont en fait
beaucoup plus proches, du point de vue ethnologique, et
mme parfois des traditions historiques, gu 'ils ne le sont
de leurs parents linguistiques. Tel est le cas des Massangou
l'gard des Mitshogo, des Benga l'gard des Myene.
On trouvera donc ci-aprs les peuples gabonais rpartis en
groupes (on distingue par A, D, C les peuples classs comme
linguistiquement diffrents).
1. Groupe sud-ouest. - A : Eshira, Pounou, Voungou,
Loumbou. B : ViIi.
II. Groupe central. - A : Tshogo, Pindji, Shima,
Okand, Pov. TI : Sangou.
III. Groupe sud-est. - Al: Nzabi, Wandji, Douma;
AZ : :\Ibamba, Ndoumou, Kanigui ; A3 : Tk. B : Woum-
bou.
IV. Groupe nord-est. Kota, Shak, Danbomo,
Hongw.
V. Groupe nord. - A : Koul, Chiwa. B : Fang.
VI. Groupe ouest. - A : Mpongw, Oroungou, Nkomi,
Galoa (l'ensemble formant le groupe linguistique Myn).
B : Benga. C : Shki.
VII. Groupes disperss. - A : Bongom (Akl), Missis-
siou, Mbahouin. B : Pygmes.
On pourrait complter cette liste par un certain nombre
de groupuscules, n'occupant que quelques petits villages
dfn gr'OuptlQ
"il! A )
f7ygmo.. (group. m ll)
Pq,y.. vtdH (6oul qUfJfqufJ4 P.Y9m6H)
Gf'Oupeo : 1Sud OU&4f. nCentre!,
mSud E61. Il Nord- (.61
y Nord, n OUHt
50 100
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...
1-.
CARTE DES PEUPLES GABONAIS
20 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU CADO:"
(parfois un seul) situ l'cart des voies de communication
et dont je n'ai pu toucher de reprsentants suffisamment
qualifis. Tels les Adyoumba et les Enenga (Myn), les
Varama (assimilables aux Eshira), les Ndasa et Shama
(trs proches des Kota et Shak), des Eva (proches des
Pindji, s'il en existe encore), les Boumoul et les Tsangui
(qui semblent tre des sous-groupes Nzabi).
Le nom indiqu, suivant la coutume des ethnologues est,
en principe, le radical, et non le pluriel : Pounou au lieu
de Bapounou.
L'ordre dans lequel sont placs les groupes est celui o
je les ai abords. J'ai consacr le plus de temps aux peuples
qui taient les moins connus.
Les textes qui vont suivre exposent simplement et fid-
lement les dpositions de mes informateurs. J'ai d, pour
les groupes importants interrogs en plusieurs lieux, oprer
une synthse, mais lorsqu'il y avait plusieurs versions, je
les ai toutes notes. Mes propres remarques figurent exclu-
sivement daus les notes en bas de page.
l
GROUPE SUD-OUEST
ESHIRA
Informateurs
Sur la place du village Saint-Pierre, prs de Fougamou.
Le chef de canton, homme d'une soixantaine d'annes, rap-
porte la tradition reue de son pre. Assist d'une dizaine
d'hommes gs, entours de tous les gens du village.
Origines et migrations
Les Eshira sont venus d'un lieu dit Esira, entre
Ngomo (?) et Lambarn. Le pre du grand-pre du nar-
rateur habitait sur la Basse Ngouni. Les Galoa sont des
Eshira (tous l'affirment) qui sont rests dans le pays d'ori-
gine et ont adopt la langue des Oroungou.
Chasss de l'Ogou par les Akl, qui disposaient de
fusils pierre, les Eshira retrouvrent des Akl dans la
rgion de Sindara-Fougamou; la guerre clata pour des
questions de femmes; les Akl s'en allrent au nord vers
le lac Ezanga, sauf deux petits groupes existant encore
l'ouest, sur la route de Fougamou au Rembo Nkomi.
Les Ehira avaient pass la Ngouni, sauf une femme
malade dont sortaient, par mlange avec les l\1itshogo, les
Eva (de Ouvima : gmir) (1).
L'avance continua en remontant la Ngouni, et les
Eshira sc divisrent en trois fractions : Tambou (vers
(1) Les Eva (note trouve dans le Rapport conomique 1951 de Fougamou)
donneraient une autre version. Ils seraient venus de la mer, chasss par les
Mba, grands oiseaux de proie qui enlevaient les gens dans leurs serres
(on y a vu une allusion aux navires des ngriers, mais nous
celle lgende ailleurs). Ils auraient occup, les premiers, le moyen Ogouti et
la basse Ngouni, allraient t en blllle aux invasions Akl, puis l'inva
Fang, non san, avoir auparannt refolll les Eshira sur la moyenne
Ngouoi.
22 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABO1\'
Mouila), Tendra Lobihi (vers Mandji; appel aujourd'hui
Ngousi du nom d'un de leurs rois), Kamba (vers Fouga-
mou : ceux qui sont rests en aval). On trouve les mmes
clans dans les trois fractions (2).
Guerres, commerce et esclavage
Les guerres avec les Akl ont dur longtemps. Les
armes, outre le fusil pierre, taient le sabre (moudounga),
les sagaies, les flches. Les Akl attaquaient la nuit, fai-
saient des prisonniers, les vendaient aux Guloa.
Les Eshira eux-mmes, taient en rapport de commerce
avec des Nkomi et leur vendaient des esclaves venant des
pays Tshogo, Sangou, Nzabi.
Les guerres se faisaient aussi entre clans. Le choix des
guerriers avait lieu en tirant un coup de fusil sur la foule,
les blesss taient ainsi limins par le sorl. Les guerriers
choisis buvaient l'eau mbounda, provenant d'une marmite
o avaient macr des corces. Les troupes comportaient
de cinquante cent hommes, conduits par le chef de clan
(kagni). La paix tait rgle par le chef suprieur (mata) qui
runissait les deux parties et rglait, avec l'assistance de
juges, les compensations pour les morts. Avec les autres
peuples, la paix donnait lieu des changes de femmes.
Techniques
Les plantes cultives taient les mmes qu'aujourd'hui.
Ne connaissant que les radeaux l'origine, les Eshira ont
appris des Nkomi faire des pirogues. Les forgerons fabri-
quaient des haches troites (l'paisseur de trois doigts) et
des sagaies. Les poteries tai en t achetes aux Pounou. Aux
Pindji on achetait l'corce de tongou pour faire les vte-
ments. Les maisons taient en corce (3), couvertes de
feuilles et de doungoungou.
(2) L'expansion des Eshira vers l'ouest, le long du Rembo Nkomi et jus-
qu'au Fernan Vaz est plus rcenle. Les Nkomi se sont retirs du Oeuve el
avancs vers le Nord en direction de Port Gentil, en pays Oroungou. Ces
mouvemenls dans le territoire d'autres peuples n'ont saliS doute t pos-
sibles, sans guerres, qu'aprs l'occupation franaise.
(3) La maison en torchis date des blancs, surlout aprs 1914, el a rem-
plac, peu prs chez tous les peuples. la case en corce. flle est sur le
mme modle : rectangulaire, toit deux pans, mais plus grande, souvent
divise en compartiments, et comportant frquemment une fentre, voire
mme une vranda sur la faade. Le sol est en terre battue.
TRADITIONS ORALES 23
Socit
Matrilinaire. L'oncle maternel (katsi) dirige la famille.
Mais la famille paternelle a des droits sur la dot. Celle-ci
autrefois consistait en cabris, enclumes, perles, colliers,
objets de fer, et en services (gibier, bois). Aujourd'hui elle
est en moyenne de 15000 francs initialement, plus des
cadeaux successifs.
Les chefs suprieurs territoriaux (mata) taient plusieurs
par fraction. Ils portaient des bracelets de cheville en cuivre,
une peau de panthre, un sabre, un collier de dents de
panthre. Les chefs de clan (kagni) portaient en outre une
peau de bte la main pour rgler les palabres. Les juge-
ments taient prcds d'une invocation aux anctres. Les
sanctions comportaient, notamment, l'amputation des
oreilles.
Les clans (certains au moins) ont des interdits nlimen-
taires d'animaux parents : le perroquet pour les Boulou-
lou, l'lphant et la panthre pour les Moa Esira.
VOUNGOU
Informateur
Mahoulou Constantin, du village de Toti, une soixan-
taine d'annes.
Nom et parent
Ba-Voungou au pluriel. - Parents
Pounou, Loumbou, ViIi, Sangou.
Eshira, Varama,
Origines
Rive gauche de la Ngouni, dans la rgion de Mouila o
ils taient face aux Mitshogo installs sur la rive droite. Ils
en ont t chasss sans guerre, par l'avance Pounou. Se sont
installs alors, un peu plus l'ouest, dans la rgion mon-
tueuse, couverte par la fort, alors vierge, o ils sont actuel-
lement. Un pygme (Binza Loundou) leur a montr la route.
Vivent en symbiose avec les pygmes (Barimba) qui leur
livrent de la viande en change de sel et de pagnes, et qui
pousent leurs filles.
24 TnADITIONS onALES ET ARCHIVES AU GABOi\"
Esclavage et commerce
Les rcidivistes et les endetts pouvaient tre rduits en
esclavage. Sans faire la guerre, les Voumbou s'emparaient
aussi des trangers sans dfense. Les esclaves taient vendus
aux Eshira qui les revendaient aux Nkomi du Fernan Vaz,
ou aux Ba-Loumbou de Sette Cama. On se procurait ainsi
du sel et des pagnes, apports la cte par les commerants
potidi (portugais) et anglais. Plus lard on vendit le caout-
chouc aux compagnies de Mayoumba (<< les Amricains ).
Techniques
L'alimentation, dans les premiers temps, comportait des
fruits de la fort: koumounoa, mivandzi, malouka, nzabi,
et du miel. Ensuite les bananes, le taro, le manioc prirent
la premire place. La chasse avait une grande imporlance :
piges et sagaies (chez les Voumbou), arc et flches (chez
les pygmes). On chassait la gazelle, le buffle, l'antilope.
Avec les fusils pierre on put s'attaquer aux gorilles. La
pche se pratiquait avec des nasses, apptes par des ter-
mites, et par empoisonnement grce un fruit (magembi).
Il n'y avait pas de pirogues.
Les hommes lissaienl des pagnes en raphia, les femmes
tressaient des nattes, mais les marmiles taient surtout ache-
tes aux Pounou. Les forgerons utilisaienl le fer import
de la cte.
Socit
Malrilinaire, voluant aujourd'hui vers un partage de
la dol; mais l'hritage va toujours la famille maternelle.
Riles religieux : Bouili, Mouiri pour les hommes;
Djemb, Mougoula pour les femmes (4).
POUNOU
Ce peuple trs important occupe, au Gabon, la plus
grande partie des quatre districts de Mouila, Ndend, Moabi
et Tchibanga; on le trouve, au Congo, dans les districts
de Divni et de Mossendjo ainsi que prs de Kibangou, au
nord de la boucle du Niari.
(4) ReOlant sans doute les relations anciennes avec T s h o ~ o et Pounou.
TRADITIONS ORALES 25
Informateurs
A Mouila : Mvoubou Michel, chef du village de Mangui ;
Gallene Bam!.>y Joseph, instituteur, et deux autres notables,
tous de 55 70 ans.
A Ndend ; Mampango Constantin, du village de Nyontsi
et Badinga Marcel, de 60 70 ans, et quatre autres notables
plus jeunes, notamment Moussavou Eustache, prsident de
la collectivit rurale.
A Tchibanga ; Meyendrou Lon, Mabikaye lbandi, envi-
ron 70 ans.
Nom
Pounou (qui signifierait; guerrier). - Pluriel Bapounou.
- Singulier Moupounou. Le mot de Bayaka, employ
autrefois pour dsigner les Pounou du Mayombe et de Div-
ni, est considr par eux comme pjoratif.
Parents
1
0
d'origine ou d'alliance matrimoniales: avec les peu-
ples de Divni (Kougni, Tsangui, Bouissi) et les Loumbou.
2
0
linguistique : avec les Loumbou, Eshira, Voungou,
Sangou, et ayec les voisins appartenant au groupe linguis-
tique Bacongo ; Viii, Kougni, Yomb. Pas d'interprtes
entre eux.
Origines ct histoire
Venus du sud (tous d'accord) ; du Congo en traversant
le Niari (tradition de Mouila); du Niari, de Loango et de
Mossendjo (tradition Ndend), de Bibaka aux sources de la
Nyanga (trad. Tchibanga). Guids par les Pygmes
(Babongo) qui faisaient la boussole vers le bon pays,
ils ont suivi les savanes de la Ngouni. Ne connaissaient
pas le taro et vivaient d'ignames et de bananes.
La tradition de Ndend est celle qui remonte le plus loin:
Minga et sa femme, Buanga sont les anctres des Bapou-
nou. Leurs descendants habitrent Niali, sur la Nyanga;
Kouango, au bord de la Ngouni, eut lieu la sparation. Le
clan dominant, les Bou-Moul, passa la rivire. Les Bou-
Diala restrent en de, pour conserver leur indpendance.
La tradition de Mouila clbre les Boumoul. Ce clan
descend d'une femme, Simbou, et de son fils Moul,
fameux magicien. Celui-ci, pour traverser la Ngouni, se
froUa la cheville de terre blanche et put envoyer de l'autre
26 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
ct de la rivire sa jambe sur laquelle passa toute le peuple.
Son neveu, Nzamba Simbou, fit aussi de nombreux
miracles (5).
Le pays avait dj son aspect actuel: savanes et bouquets
forestiers. Seuls s'y trouvaient des Babongo (pygmes) et
des Bavoungou (il y a contestation sur ce point). Les Eshira,
race mlange, sont arrivs aprs. Les diffrents clans s'ins-
tallrent dans la plaine.
C'est plus tard que les Bapounou s' tendirent dans la
rgion montagneuse et boise de l'ouest (Mayombe des
Bapounou) et dans la partie nord de la savane de Tchibanga
(en ralit Ibanga : en haut) o ils ne trouvrent que des
Babongo.
Les militaires franais, venus par Nyanga, occuprent
Tchibanga; d'autres venus par le nord, occuprent la
Ngouni. Le principal vnement notable fut la rvolte de
Moukabou, dans la rgion de Moabi, avant 1914, o se
signala le Sngalais Boubakar (6).
Chronologie
Tradition Ndend : il y aurait eu dix gnrations depuis
l'tablissement des Boudiala dans le pays.
Tradition Mouila : il y aurait eu neuf gnrations depuis
Simbou (7).
Guerres
Des guerres, dans la regln de Mossendjo, avec les
Akl (en ralit Woumbou, Ndasa, Mbahouin), ont
peut-tre t causes de la migration. Ensuite des conllits
se sont produits frquemment entre les clans, notamment
entre Boudiala et Boumoul, voire mme entre familles,
pour des questions de femmes (enlvement, adultre) ou des
meurtres (surtout des empoisonnements dont les voisins
taient rendus responsables). Les intermariages, amenant
des alliances de clans et de familles, tendaient les hosti-
lits.
(5) Ces lgendes onl l enregislres, ainsi que le refrain d'invasion des
Bapounou : " Tsiafo lsimonio (on parI vers la vie, non vers la morl).
(03-05-004-01-61) .
(6) Il s'agil de la rvolte de 1906-1909 dans la terre de Nokab, sur
laquelle M. le sous-prfel Fanguinoveny, de Tchibanga, m'a communiqu
une noIe.
(7) Les dcomples de gnral ions sonl faciles en pays patrilinaires (chez
les Fang nolammenl, o elles remonlenl loin) ; ils sonl plus malaiss dans
les socils malrilinaires; il fau 1 faire prciser chaque fois : Un lei
engendra lin leI .
TRADITIONS ORALES 27
Le chef de la famille outrage envoyait des messages ses
allis. On demandait l'ennemi une compensation pour
l'outrage (un esclave ou une terre). En cas de refus on se
prparait . la guerre : les guerriers recevaient des cica-
trices sur le corps pour se reconnatre, puis on priait les
anctres aprs avoir plac, dans une marmite, de la terre
blanche, des herbes et de l'eau. On se servait de lances, de
longs gourdins de bois, de matchettes, de haches. L'attaque
du village ennemi avait lieu au petit jour.
Esclavage et commerce
Les esclaves provenaient de trois sources: A - la guerre:
on donnait des hommes en compensation des tus ou des
dommages causs; ils remplaaient alors les hommes tus;
on leur procurait des femmes, ils faisaient partie du clan;
seuls ceux qui se comportaient mal taient traits en
esclaves. B - les dlits : les coupables qui ne pouvaient
payer la compensation (pour meurtre, vol, adultre, etc ... )
devenaient esclaves. C - l'achat (contre marchandise) aux
peuples voisins : Nzabi, Tshogo, Sangou, Pov.
Les esclaves achets, et ceux qui se montraient trop
paresseux ou vicieux taient vendus, dans le sud aux ViIi,
aux Baloumbou et aux Europens de Mayoumba et d'Ibotsi
(Nyanga) ; dans le nord aux Eshira de Sett Cama et aux
Nkomi du Fernan Vaz. En change on recevait du sel, du
fer, des outils, des pagnes, des chapeaux, des bouteilles
vides, de la poudre, des fusils pierre (au dbut un fusil
valait deux hommes).
Outre les esclaves on vendait aussi du caoutchouc, des
pois de terre, des poules et des cabris.
Les premiers commerants europens taient des Ban-
gesi (Anglais) et des Bitanda (Portugais). Certains seraient
venus jusqu' Ndend.
Techniques
Bananes, manioc, ignames, patates taient cultivs
l'aide des matchettes (ikonga), les haches troites (dioumbi,
itsota) servant au dfrichement. On levait des cabris, des
poules, des canards, des moutons.
La chasse tenait une grande place : bumes, sangliers,
antilopes, oiseaux taient pris au pige ou au filet et tus
la sagaie. Pour l'lphant on employait le fusil pierre.
La tradition de Mouila rapporte que le premier forgeron
tait une fe )1 qui rsidait sur l'emplacement actuel du
28 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
chef de rgion. On lui apportait le minerai de fer et le len-
demain on trouvait des haches, des sagaies, des matchettes,
des cloches. Le minerai de fer, Ndend, tait apport par
les Batsangui. Le cuivre tait import par les Amri-
cains .
Les femmes Bapounou, comme aujourd'hui, taient des
potires rputes, fabriquant marmites, gargoulettes, cas-
seroles, vases.
Les hommes tissaient les fibres des palmiers dignimba en
pices d'environ 1 m sur 0,80 qu'on cousait ensemble pour
obtenir des pagnes ou des toges. Le vtement des femmes
tait semblable. Elles y ajoutaient des perles misanga,
venues de la cte.
Socit
Famille matrilinaire, mais patrilocale. Quand le pre
meurt, les enfants retournent la famille maternelle dont
le chef est l'oncle (Katsi). Depuis dix ans il y a une volu-
tion dans le systme paternel. La dot est paye au pre qui
partage avec l'oncle maternel. Le lvirat et le sororat taient
obligatoires, ainsi que l'exogamie de clan.
Les clans taient nombreux; les clans Simbou et l.\1oul
semblent avoir eu un rle prpondrant (certains le contes-
tent). Le chef de clan ou roi (moundoumba) rglait les
palabres en tenant, comme chasse-mouches, une queue de
bume ou une palme, qui avait alors un caractre sacr; il
tait assist d'un orateur, pris parmi ses parent.s. Quand le
roi mourait, sa famille (y compris les femmes) choisissait
le successeur. Des conseils de chefs de clans pouvaient
rgler les palabres entre eux ou les affaires d'intrt
commun.
Chaque clan, bien que dispers, avait ses territoires, sur
lesquels d'autres pouvaient s'installer avec son autorisation,
gnralement obtenue par des alliances matrimoniales.
Les chefs taient polygames. Notre informatcur Mabi-
kaye a eu vingt-quatre femmes et trente fils.
Religion
Les reliques des anctres importants taient places dans
une petite maison (iboundzi). Quand on avait besoin de
leur entremise, le chef s'y rendait avec une cloche de fer
coude (Kindou), les invoquait, leur prsentait une marmite
neuvc contenant du vin de palme et en frottait les assis-
tants.
TRADITIONS ORALES 29
Des crmonies particulires marquaient la naissance des
jumeaux. Les ftes, surtout les funrailles de personnages
importants, taient accompagnes par l'Okouya, dnnse du
masque blanc (mokodji) sur chasses (8).
LOUMBOU
Les Baloumbou occupent actuellement : 1 la savane
de Tchibanga au sud de la Nyanga; 2 le massif monla-
gneux et forestier dit Mayombe des Baloumbou (le long
de la route, le reste n'abrite que des pygmes) ; 3 le long
de la cte : les marais de la basse Nyanga, la lagune de
Sell Cama et (avec les ViIi) les environs de .Mayoumba.
Informateurs
A Emboko (village de la savane de Tchibanga) : Miyin-
dou Corneille, 55 ans, chef de terre.
A Mayoumba : Makanga Midimbila, 60 nns, chef de vil-
lage, Boutoto Gilles et Mboula Georges, planteurs, 50 nns.
Parents linguistiques
Se comprennent sans interprtes avec les Yili, Pounou,
Voungou, Eshira, Sangou. Il y a plusieurs dialectes loum
bou, rapprochs des peuples prs desquels ils vivent.
Origines
Les Baloumbou sont venus de Mongo, du ct de Pointe-
Noire, par la savane. Ils se divisrent en Gango, demeurs
dans la savane, et Baseri qui poursuivirent leur chemin le
long de la Nyanga. Les Pygmes (babongo), qui leur ser-
vaient d'claireurs, revinrent en leur disant: Nous avons
trouv une grande rivire sale donl on ne voit pas l'autre
bord. Les Baloumbou s'tablirent sur la cle. Cependant
Miyindou fait venir les Baseri de Sett Cama.
Un trs long temps s'est coul depuis ces migrations.
(8) Ces masques blancs, au sourire asialique ", qui onl donn lieu "
lanl d'hypolhses ingnieuses, sonl connus ans le monde sous le nom de
masques mpongws ", bien qu'ils soient en ralit pounou. Le parleur de
masque prend une voix haut perche, fminine, laquelle le masque donne
une rsonance lrange (la "oix de l'espril ,,?). Ces crmonies ont t
enregislres par M. Pepper, et seront interprles ultrieurement.
30 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Certains Bapounou assurent que les Baloumbou sont venus
en mme temps qu'eux, d'autres le nient.
Sel, esclaves et commerce
Le sel, tir de l'eau de mer par les ViIi et les Loumbou, fut
l'origine du commerce. L'eau de mer tait vapore pendant
un jour, l'origine dans des marmites, plus tard dans des
neptunes (vases de cuivre peu profonds, de provenance euro-
penne) ; le sel restant au fond tait plac dans des paniers
tresss de diverses dimensions : le ngandi pesait environ
:3 kilos, le mbola 15, le dilamboulou (ou mousindi) 50. Les
Bapounou venaient l'changer contre des cabris, des pagnes
de raphia, des marmites, et le revendaient dans l'intrieur,
Les esclaves furent trs tt le principal objet d'change,
les Bapounou servant toujours d'intermdiaire. Les Baloum-
bon eux-mmes se dbarrassaient de leurs crapules l) en
les vendant aux Europens. Ils achetaient les esclaves de
l'intrieur (hommes ou femmes) pour 20 30 mbola pice;
on n'achetait pas les enfants. Les marchandises europennes
prirent, dans ce trafic, de plus en plus d'importance. Miyin-
dou cite comme prix moyen, dans la rgion de Tchibanga :
5 pices de tissu, 2 paquets de sel, une matchette, une petite
cloche, une bouteille blanche vide. La poudre, les fusils
pierre et piston, les neptunes taient aussi objets
d'change. Le trafic avec les Europens tait men par les
Baloumbou et surtout les Viii. Les esclaves avaient les muins
fixes dans deux morceaux de bois. Les bateaux voile
mouillaient devant l'embouchure de la lagune. Dans les
derniers temps du trafic, on mettait les esclaves dans des
cai sses pour les dissimu1er.
Par la suite le principal objet d'change devint le caout-
chouc et, en seconde place, l'bne, l'ivoire, le raphia, les
palmistes. Les commerants indresa (anglais), bitanda (por-
tugais), diamani (allemands) taient installs Igotchi
(embouchure de la Nyanga) et Mayoumba (9). On impor-
tait pagnes, outils, marmites, baril de rhum, bouteilles de
gin, de genivre et de sit yone (?).
Le premier Franais fut Brazza (10). Un poste fut fond
Igotchi, puis Mayoumba. L'impt consistait d'abord en
une petite boule de caoutchouc, des cabris et des poules.
(9) Il existe prs de i'Ilayoumba une douzaine de tomhes d'anglais et d'alle-
mands, morts (jeunes pour la plupart) entre 1880 et 1887.
(la) A son troisime voyage. Miyindou l'appelle Il M. Branger ", ce qui
parait prouver une tradilion orale.
TRADITIONS ORALES 31
Techniques
Les cultures taient les mmes qu'aujourd'hui : taro,
bananes, igname en fort; manioc, mas, arachides en
savane. Instrument : la matchette (moukouati) et la hache
large de trois doigts (itali). Le riz de montagne date de 1914.
La chasse se faisait surtout au pige et au fusil pierre.
Avec les pygmes (Babongo) du Mayombe, il y a symbiose,
chaque chef de terre Loumbou ayant une troupe de pygmes
et leur fournissant sel, manioc, pagnes en change de pro-
duits de chasse. Autrefois les pygmes chassaient l'arc
(court) avec flches empoisonnes, et la sagaie. Puis ils
ont adopt le filet. On brle la savane en saison sche pour
renouveler l'herbe, pture des animaux sauvages (antilopes,
buffles) et pour les voir de loin (11).
Pour la pche on utilise soit des paniers c'ylindriques en
bambou (idouba) pousss par les femmes, soit des nasses
poses sur le fond avec trou en haut (troho). La pche en
mer, en pirogue, a presque disparu au profit des lagunes.
Les forgerons utilisaient le fer achet il la cte. Les
femmes fabriquent encore des marmites et gargoulettes de
terre cuite dessins gomtriques. Avec le bois on faon-
nait l'herminette des pirogues, des mortiers, des plateaux
longs et ovales et des cuillers.
Les pices de raphia, tisses par les hommes, devenaient,
une fois cousues, des pagnes plus ou moins grands. Les
enfants taient nus.
La maison, aux murs en corce (mougana et mbounga),
couverte de feuilles de palmier (gombo) avait des dimen-
sions mdiocres (3 m sur 2), avec une fentre dans le toit
et deux portes se faisant face, pour se sauver en cas d'arrive
de l'ennemi (et, plus tard, des gardes). Les villages taient
trs disperss, chaque homme vivant souvent part avec
ses femmes et ses enfants.
Socit
Famille matrilinaire. L'hritage revenait la famille
maternelle. Quand le pre est vivant, ses enfants habitent
avec lui. A sa mort, s'ils sont jeunes, ils vont chez leur
oncle maternel (katsi). La polygamie fleurit encore. Miyin-
dou a huit femmes et quatorze enfants vivants.
(11) Le brlis de savane a donc l anlrieur l'leyage. Une sorle de pr-
levage.
82 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Exogamie de clan. On peut pouser des Pounou et des
ViIi. Les clans sont nombreux : Bayendzi, Tchimondo,
Basamba, Bagambo, Bayma, Badoumbi, Oukongo, etc ...
Certains de ces clans ont leur correspondant chez d'autres
peuples (pounou notamment); l'exogamie s'tend
eux (12).
Au-dessus des chefs de clans existaient des chefs terri-
toriaux (Il rois ) pour rgler, entre clans, les palabres
graves (meurtres, incendies, sorciers, adultres) ; la cloche
(kindi) servait appeler les gens. Le chef portait alors un
chasse-mouche en queue d'lphant ou de buffle. On com-
pensait le meurtre d'une femme en livrant une femme,
celui d'un homme en livrant un homme; en cas de non
remplacement, on coupait la tte du meurtrier. Le voleur
qui ne pouvait rembourser devenait esclave du vol.
Chaque clan possdait autrefois un territoire nettement
dfini; le chef de clan rpartissait les terres dfricher.
Les villages se dplaaient en cas de morls nombreuses
ou de brouilles de familles; sur l'emplacement on trouve
parfois des manguiers, des papayers, des hananiers ; le yil-
lage migr garde son nom ancien.
Religion ct magie
Ni cosmogonie, ni culte des anctres ne 10 'ont t indi-
qus.
La mort pouvait tre attribue un sorcier. On prali-
(IUait l'autopsie, on examinait les poumons, les boyaux,
la rate; s'il y avait une lsion elle tait due un sorcier.
Un voyant le reconnaissait dans un miroir. On faisait
absorber l'accus le mboudou (corce de bois amer) ; s'il
tremblait, il lait coupable et on l'tranglait.
Le Bouiti semble ancien, mais d'importation tshogo (les
masques parlent dans celte langue). Le Mouiri, le Nyemb,
le Moukouy (danse sur chasses) sont aussi pratiqus (13).
(12) C'est l que j'ai rencontr, pour la premire fois, celle trange
parent de certains clans, qui transcende les peuples et mme les parents
liguistiques. J'en citerai par la suite bien d'autres cxemple", II ne s'agit pas
'alliance plaisanterie. Je propose de l'appeler" parent interdit" ; elle
se traduit, en efTel., par un tabou animal commun dans de nombreux cas
(et on peut suppeser que, dans les autres, le labou a t oubli), (lu 'elle
"oil la marque d'origines communes ou relie de relations commerciales
anciennes, elle a pour rsultat de crer des rapporls d'hospitalit et de
secours dpassant les limil.cs des peuples et des rgions, et o l'on peul "oir
une premire bauche d'unit.
(13) Je ne dcris pas ces crmonies qui, tant toujours, i\'antes, relvenl
plus e j'ethnographie que de l'histoire. L'abb Walker cl M. Sillans \onl
TilADITIONS ORALES 33
Les devins gurisseurs (nganga) employaient surtout des
corces de bois ( boire ou mettre sous sa couverture).
Dmographie
La maladie du sommeil autrefois a dcim les Baloum-
bou ainsi que la lpre et les empoisonnements. Beaucoup
sont partis travailler Pointe-Noire, Brazzaville, Dolisie,
Port-Gentil. Ils reviennent quand ils sont vieux, ou pas
du tout.
VILI
Les ViIi occupent au Congo (Brazzaville) toute la reglOn
ctire (Pointe-Noire et Madingo-Kayes) et s'tendent au
Gabon le long de la lagune Mbanio jusqu' Ma youmba (14).
Ils sont parents linguistiques du groupe Bacongo, mais
comprennent les Baloumbou sans interprtes.
Informateurs
Papa Mathias, ancien catchiste la Mission catholique,
arriv de Loango la fondation de la mission en 1888, dj
grand cette date, donc entre 80 et 90 ans.
Koumba Charles, assesseur au tribunal, 60 ans.
Origines et histoire
Les ViIi sont venus du sud. En 1888 ils occupaient
Mayoumba; les Baloumbou taient alors sur la lagune
;\,Ibanio. Le roi, Mayombe Ignondrou commandait le
Mayombe, Mayoumba et une partie de Sett Cama; c'tait
le plus ancien des chefs (et, semble-t-il, un Loumbou) ; il
rglait les palabres entre les chefs de clans ViIi et Loum-
bou. Goul1la Ngoma commandait aux Viii de Mayoumba.
Acette poque, Mayoumba ne dpendait plus du Maloango,
et les marchands ViIi de Loango qui se rendaient par la
leur consacrer un livre (l< Les Rites du Gabon ). M. Pepper en a
ralis, dans les diffrenles rgions, de longs enregistrements. La lraduction
et l'interprtation de certains de ces textes est en cours.
Il va de soi, par ailleurs, que je n'ai pas cherch m'lenre SUI' les
croyances ct les rites. On sait combien une telle tude suppose e longs
sjours, un lent apprivoisement et un approfondissement graduel. Il serait
peut-tre encore possible, ans certaines rgions du Gabon (notamment en
pays tshogo) de tenter lin travail de cet ordre.
(14) Il cxiste, sur la basse Ngouni, Ivili, d'origine probable.
ment ifJrente, qui ont t Huis par l'abb Walker.
3
34 TRADITIONS ORALES ET ARCHiVES AU GABON
cte Sett Cama taient souvent dpouills de leurs ballots
d'toffes.
Papa Mathias a vu Brazza trois fois Loallgo et une fois
Mayoumba.
Commerce et esclavage
La piste des esclaves, venant de Tchibanga, aboutissait
Mambi sur la lagune lvlbanio; les navires opraient au
large Panga (pointe sud de Mayoumba) et Banda-Pointe.
Les Bapounou apportaient aussi des cabris et des canards.
Les esclaves (( mauvaises ttes ) taient attachs par des
cordes. On se cachait pour les embarquer.
Il y avait des commerants europens Kongo-Mayombe,
anglais (Hatton et Cookson) et allemands. On voyait un
bateau tous les deux mois. On apportait des palmistes, de
l'huile, du caoutchouc.
Socit
Les ViIi et les Baloumbou se marient entre eux depuis
longtemps. La famille est matrilinaire. Certains clans se
retrouvent dans les deux peuples : tels les Bayendji, qui
existent aussi chez les Pounou et mme les Nzabi. L'interdit
en est le perroquet : une femme pourchasse par les assas-
sins (pougni), fut sauve par un perroquet qui faisait tant
de bruit que les ennemis crurent une troupe nombreuse
et prirent la fuite. Les Badoumbi ont pour interdit la per-
drix, etc... Quand des gens se rencontrent et reconnaissent
leur appartenance au mme clan,. ils se disent Samsa
et s'embrassent. Ils sont frres et se doivent l'hospitalit
(cf. note 12).
II
GROUPE CENTRAL
PINDJI
Le peuple des Bapindji (ou Apindji), important avant
1916, semble avoir fondu en quelques annes (disette de
Hl22, faiblesse des naissances, maladies, dparts pour Lam-
barn, Port-Gentil, Libreville). Il occupe la rive droite
de la moyenne Ngouni au nord de Mouila.
Informateurs
A Mouila : Ogamb Justin, chef de canton, 60 ans. -
Ossaho, du village Nyanga. - Mouanga Joseph, notable.
Parents linguistiques
Shimba, Okand, Mitshogo. Plus lointaine avec le groupe
Myn.
Origines
Venus du nord avec les Mpongw, Galoa, Nkomi,
Mitshogo, Okand. Ils se sont spars Lambarn : les
Okand ont remont l'Ogou et les Bapindji la Ngouni.
Premiers chefs : Moukwango et Ndala, frres. Mouk-
wango faisait des miracles; il arrivait toujours le premier,
alors que les autres taient partis avant lui. Ils tablirent
le village Mokand, entre Fougamou et Mouila, occup par
la fort aujourd'hui. Ils appartenaient au clan Mbombodi
(du nom de leur mre Mbombo). -_.. _--"
Personne ne vivait l, sauf les Pygmes (Abongo). Ceux-
ci apportaient autrefois de la viande, maintenant ils cul-
tivent, mais viennent encore danser pour les ftes.
Les Bapindji se sont rencontrs vers ~ l o u i l a avec les
Bapounou. Les Akl sont venus il y a seulement vingt
ans.
36 TRADITIONS onALES ET ARCHIVES AU GABON
Esclaves de commerce
Pas de guerres. Mais les enfants dsobissants, les femmes
lgres taient vendus aux Eshira, ainsi que du caoutchouc
et de l'bne, contre des pagnes, du sel, des canons de fusil
(nzali), des neptunes (moumboumou). On achetait aussi
des esclaves aux Mitshogo, Bandjabi, l\lassangou, pour les
revendre. La SHO est venue ensuite, avant le poste admi-
nistratif. On achetait les palmistes qui taient ports par
les hommes sur la tte, par les femmes dans le dos.
Techniques
Cultures : bananes, taro, manioc, ignames, mas, pis-
taches, concombres. - Chasse au pige (antilopes, singes),
trous pour lphants. Les garons pchent l'hameon, les
femmes la nasse. On passait autrefois les riYires gu ou
en radeaux.
Les forgerons utilisaient les canons de fusil pour f:lire
de petites haches, des couteaux, des matchettes (pour couper
le bois et creuser le sol). Les poteries taient achetes aux
Bapounou.
Les hommes tissaient des vtements de raphia, longs. Les
femmes portaient en outre des perles d'importation. Les
maisons taient en corce (mouhana, moukoundzou), avec
des feuilles (koundza) pour le toit; la femme avait une case
ct. Les jeunes gens de chaque famille se groupaien t
dans une maison spciale (nganza).
Socit
Matrilinaire. Chef de famille: l'oncle maternel (mbala).
L'hritage va la famille maternelle. Mais la dot est paye
par les deux familles. Le pre de la fille la reoit et la
rpartit entre les familles paternelle et maternelle.
Exogamie de clan. Autrefois pas de mariage avec les
autres peuples. Clans Mbombodi, Massamba, Masoto,
Leboyi, Mevego, Dibongo, Nsibo, Evandzi, Ramb, Ngandi,
Evangou, Eboyi, Mwab, Mouembo. Le chef de clan, por-
tant une palme ou une queue de bume, rglait les palabres.
En cas de difficult entre clans, les chefs se runissaient. On
appliquait la loi du talion. L'adultre valait une blessure
et une compensation. Le voleur tait vendu comme esclave.
On vitait ainsi gnralement les petites guerres intestines.
Il n 'yen avait pas d'autres.
Chaque village avait un chef de terre. Les gens d'un
TRADITIONS ORALES 37
autre clan pouyaient, s'il y avait eu des mariages avec eux,
obtenir l'autorisation de s'installer. Les villages changeaient
de place frquemment (entre trois et sept ans).
Religion
Le Bouili a t cr par les Bapindji et les Mitshogo au
commencement du monde . Le Nyemb existe aussi. Il n'y
a pas de culte des anctres; les funrailles s'accompagnent
de deuil et de danses Bouiti ou Nyemb, selon le sexe; les
morts sont enlerrs.
TSHOGO
Ce peuple habite quelques villages l'est de Mouila et de
Fougamou. Il occupe presque toute la rgion l'ouest et
au nord de 1\Iimongo dans le massif central (Massif du
Chaillu).
1n/ormateurs
A Mimongo . Mondend Agnangu, chef de la famille
l\fougn, du clan Diboa, environ 70 ans. Barbe blanche,
calotte, pagne, chasse-mouche (15).
Nom
Pluriel : Mitshogo ; singulier : Mutshogo.
Quand la terre et le ciel s'taient rencontrs, Nyambi
(Dieu) dit: Je vous donne la race: Milshogo. Il y avait
un enfant blanc et un noir. Le pre a dit: Il Attendez-moi
l 1 N'allez pas en brousse! )) Au bout de deux jours l'en-
fant noir a dit : (1 Tshogo ho)) Ge suis fatigu), d'o le nom.
L'enfant blanc a obi; pour le rcompenser, Dieu lui a
donn le papier. Puis il a dit: Tshogo YU manger le boa;
il pourra ensuite me voir. ))
Origines
Les anctres taient dans une grande plaine sans arbres
l'est, appele 1\1otov, dans un pays trop chaud, plus loin
que Franceville. La rivire Divind Mipopa marquait l'en-
droit o le ciel et la terre se sont rencontrs.
(15) Cet inrormaleur est particulirement qualifi pour les traditions;
rela m'a t - t ~ affirm de divers cts. Je n'ai p's insist sur les Mitshogo que
j'espre roir ludis prochainement d'uno manire intensive par M. Sillans.
38 TRADITIONS ORALES ET ARCHlYES AU GABON
Le petit oiseau tshongosongo vola en avant sans se poser.
Il revint dire : Il y a un beau pays. l) Le tshioka (animal
aquatique) fit un trou jusque-l. Les hommes l'ont suivi
et sont arrivs ici. Mais les Babongo (pygmes) taient dj
arrivs.
Les chefs babongo s'appelaient Moutsho MoLoubi (mre)
et Pendz (pre). L'oncle, Magnwanga, tait Tshogo. Ils
arrivrent au village Boundji et se sparrent l en trois
fractions: Diboa ( l'ouest), Mopindi (Mimongo), Issouma
(sud-ouest) (16).
Socit et esclavage
Famille matrilinaire; chef: l'oncle maternel (katshi). La
dot est remise au pre qui en ristourne la moiti au katshi.
Chaque clan (ebota) a son chef. Les Diboa forment trois
clans, les Issouma un. Les Mapindi se divisaient en deux
clans: Mapanga et Mitoungou, moiti Tshogo, moiti San-
gou. Territoire rparti par clans. Exogamie de clan. Mariage
avec tous les peuples.
L'esclavage avait diverses causes. Les voleurs ou les gens
qui se conduisaient mal pouvaient tre vendus s'ils ne se
rachetaient pas. Le meurtre obligeait la communaut du
meurtrier remplacer la victime : un homme pour un
homme, une femme pour une femme; ceux-ci pouvaient
tre adopts ou vendus. En cas de famine on pouvait vendre
ses enfants. Pour obtenir d'un clan l'autorisation de s'ins-
taller sur son territoire, on lui donnait quelqu'un de sa
famille. Les esclaves taient fr6quemment vendus aux
Eshira ou aux Bapounou pour avoir du sel et des mar-
chandises. Les Mitshogo achetaient aussi des esclaves Mas-
sangou pour les revendre (17).
(16) Celle lgende des origines a t enregistre (Oi-05-014-0161). Il e ~ i s t e
plusieurs lieux appels Boundji, lboundji, Diboudji, Eboundji. notamment
deux villogs sur l'Ogou dans la rgion de Lastoursville, un ,"illage en pays
batk l'Est de Franceville, et le Mont Iboundji, sommet du Massif Cen-
tral et du Gabon (1.500 m) l'Est de Mimongo. J'ai pos la question 11
Mondnd; il m'a dit qu'il s'agissait de l'Ogou, ce que les informateurs
des autres peuples ont conf1rm. Le pre de son grand-pre y aurail. encol-e
rsid bien avant l'arrive des Fang.
(1 i) Caractre de la traite des esclaves chez les peuples gabonais Deux
remarques peuvent tre faites partir de ces informations et des aulres,
concordantes, que nous avons trouves chez la plupart des autres peuples
gabonais au sud de l'Ogou :
la La traite, chez ces peuples, n'a pas eu le caractre de guerre sauvage
entre peuples et de chasse l'homme que nous lui "llribuons gnralement.
C'tail un procd pour protger l'ordre social et, litre secondaire, pour
TRADITIOi'OS onALES
Techniques
Forgerons. Marmites en terre cuite. Assiettes en bois.
39
Associations religieuses
Le Dong (Mouiri) impose de ne pas mentir, ne pas tuer,
ne pas voler. L'initi est marqu au bras. Il ne peut man-
fluer son serment sans tomber malade.
Le Nyemb existe pour les femmes.
Le Bouiti, avec l'usage de l'iboga, a commenc chez les
Mitshogo. Une autre tradition le fait venir des Babongo par
les Bapindji. En tout cas ce sont les Mitshogo qui l'ont
transmis aux l\fassangou et aux autres peuples (18).
SHIMBA
Petit peuple qui n'occupe que trois Ou quatre villages,
l'un sur le Haut Ikoye (( Vieux l\1imongo ), les autres sur
l'Ogou infrieur, entours, l'ouest et l'est, d'immenses
contres de forts dsertes.
Informateur
A Mimongo Nzadi Albert, du vieux Mimongo, GO
chef de canton.
Nom et parents
Mushimba singulier, Bashimba pluriel.
se procurer des marchandises. Avanl louL la venle des esclares tait, comme
nolre peine de morl ou nolre bagne, une limination des individus anti
sociaux.
2 Ln traite, dnns ces mmes rgions, ne semble [>as avoir ananti les
peuples comme on le croit gnralement. Les populalions les plus all.eintes
par la traile, les 1Ifilshogo, les Massangou, les Bamabi, vrilables rservoirs
d'esclaves, sont parmi les plus fiorissantes du Gabon. ce
sont les marchands d'esclaves cliers : les Mpongw, les Oroungou, qui ont
diminu jusqu' presque disparallre. Le climal mollienl de la cte et les
conlacls europens pacifiques ont l, en fail, beaucoup plus destrucleurs
que la traile.
(18) Bo.uiti. Il est exacl que les invocations, mme chez les autres peuples,
sont souvenl en langue lshogo. La C<1se Bouili (u corps de garde Il)
dans chaque village lshogo. Revlue d'corce ()'eko) ballue ,1U maillet avec
des dessins gomtriques (ronds, losanges), elle esl reclangulaire, v<lsle et
enliremenl ouverle sur un des pelils cts. Les assislanls s'accroupissent le
long des murs aulour du feu. Le joueur de harpe (ngomhi) se tienl au fond,
prs de la cloison derrire laquelle parlenl les espril9 n. M. Pepper a
enregislr, en ma prsence, plusieurs crmonies de Bouili (lshogo, sangou,
pygmes) durant Ioule la nuit, ncessilant des kilomlres de pellicules. Un
sur l'origine du Bouili a l galement recueilli.
40 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Peuples parents: Kandi (Okand), Mitshogo, Bapindji. Se
comprennent sans interprtes.
Parent (par alliance, mais non linguistique) avec Mas-
sangou, Eshira.
Origines
Il Y avait un oiseau qui mangeait les hommes. Il s'ap-
pelait Mba (19) et vivait dans la plaine de Motov. Les
hommes se sont rfugis en fort, venant par l'Ivindo, ont
dbouch Ngoaya, prs de Bou. Les Babongo ont mon-
tr la route. Ceci se passait avant la venue Boundji, il y 8
si longtemps qu'on ne sait pas.
Techniques et socit
Les forgerons faisaient de petites haches. Les vtements
taient en corce de l'arbre moko (20) battue, et fixs la
ceinture par une ficelle vgtale. Il y a moins de cent ans,
on a vu apparatre les tissus de raphia.
Lors de la migration, les anctres dormaient dans des
cases de feuilles rondes, comme les Babongo. Plus tard,
au temps du grand-pre de mon pre, on a fait des maisons
comme aujourd'hui, mais beaucoup plus petites. On ram-
pait pour y entrer et il n'y avait qu'une porte.
La famille est patrilinaire. Les enfants sont hrits
par l'oncle paternel. Mais la dot, remise au pre, est par-
tage par lui avec l'oncle maternel.
POV
Les Pov habitent la fort l'ouest de Koulamoutou, entre
la Lolo et l'Ogou. Au sud ils confinent aux Massangou, au
nord au pays des abeilles vide d'hommes. Parmi e u ~
vivent de petits groupes Akl.
Informateurs
A Koulamoutou : Moubemba Patrice, 60 ans, chef du
clan Mikoso, habitant le village l\1ibaka (sur la Lolo, ct
(19) Cf. noLe 1 chez les E\'a. i\Iba est le nom de J'aigle r o ~ a l en Shimba
et en Tshogo. Les Massangou l'appellent Ngagnoni. Mitshogo et Massangou
raconLent aussi celle histoire.
(20) Appel bt en tshogo, Longo en sangoll, ak.ila en akl. Tous ces
peuples onL employ l'corce avanL le raphia.
TRADITIONS onALES 41
de Koulamoutou).
Kanda, sur l'Ofou.
Mougouba Michel, chef du village
Nom ct parent
On les dsigne gnralement sous le nom de Bapoubi ou
Bapouvi. Mais leur vrai nom est Pov.
Ils sont parents des Mitshoho (Mitshogo), Evia, Shimba,
Okand, Bapindji. Les Babongo (Pygmes) parlent leur
langue, mais entre eux ils ont une langue spciale.
Les Massangou-Eshira ont accompagn les Pov. Leur
mre tant Nyangi et leur pre Mawango.
Origines
Moukouv, c 'est la rivire d'o sont venus les anctres,
vers le nord. La premire pirogue s'appelait Malp-lmb.
Les hommes taient en forme de trois boules, l o le ciel
et la terre semblaient se toucher. Ils ont senti un vent qui
leur a clairci les ides et leur a donn le pouvoir de
fabriquer une pirogue.
Tous les hommes, blancs, noir, pygmes, taient groups
au village Mouhokamou (rassemblement). Ensuite, dans le
village Tenga ils se divisrent en trois. Ils marchrent
ensemble jusqu' Moulabano (reconnaissance), puis Bou-
dinga.
Au village Mouao on pratiquait la confusion des familles
(inceste) ; c'est au village suivant, Koundza, que l'inceste
a t dnonc. Ils prirent alors le nom de Pov. Mitimbo
tait le pre et Tsinga (tranquillit) la mre; c'est elle qui
annona l'interdiction de l'inceste. Elle est la mre de
tous: Pov, Blancs, Pygmes.
Partis de Koundza, ils fondrent un nouveau village
Moupoundza (gaiet). L les Blancs les ont quitts : un
Pov avait ri de son pre Mitimbo, les Blancs voulurent le
chtier, il y eut bataille. Les Blancs partirent, en empor-
Lant les richesses que leur pre leur avait donnes, parce
qu'ils taient obissants. Les Pov restrent dans la brousse.
Le premier frre tait le Pygme (babongo), le deuxime le
Pov, le troisime le Blanc. Les Pygmes aussi taient de
couleur blanche. Ils se sont partag les coutumes (21).
Les Pov suivirent la rivire Divl Nangosso et fondrent
(21) On peuL "oir 1;, un vague souvenir de Sem, Cham eL Japhel eL de la
maldiction de Cham. L'ide que les pygmes sonL les frres des blancs m'a
t exprime plusieurs fois. La preuve, m'a-Loon mme dit non sans ironie,
c'est que vous ne leur faisiez pas pa)'er l'impt. "
42 TRADITIONS ORALES ET ARCIIlVES AU GABON
le village Moubango sur une colline dominant la flVlere.
Ils trouvrent un homme appel Ngt et son pre Moul,
qui leur montrrent la direction. Ils partirent avec les pou-
lets du village, descendirent sur Bouhono (dsastre), arri-
vrent Yangui. L, ils se divisrent. Les Mitsoho, Apindji,
Bavia (Evia), Shimba, Okand prirent leur chemin chacun
de son ct.
L il Y avait un oiseau, Badiango, frre de l\fbla, qui
dtruisait les enfants. Les Pov sont revenus sur leurs pas
et sont passs par l'Ivindo, puis chez les Okand et
Eboundz Mabousa (Mabousa tait le premier oncle du clan
Mogn) (22).
Histoire
Les Pov franchirent alors le fleuve (23) et envahirent la
valle de la Lolo. Les Nzabi taient dj installs sur la
Bouengidi. Le premier habitant tait le vieillard Koula-
moutou. Le deuxime s'appelait Diminou Bounda, du vil-
lage Belongo. Les Pov s'installrent Belongo, puis Lin
guala.
Les Europens arrivaient ce moment-l sur l'Ogou. Le
capitaine Xavier vit descendre par la Lolo des dbris d'ara-
chides et de bananes, signe qu'il y avait des gens en amont.
Il remonta la rivire et fit alliance avec Koulamoutou. Les
Pov s'allirent avec les Nzabi ; un de leurs chefs pousa
la sur de Koulamoutou. Ils nourent aussi des alliances
matrimoniales avec les Massangou.
Les Boungomo (Akl) sont arrivs avant les Europens,
au village de Bagnano. Ils semaient le trouble, prenaient
les femmes des autres, tuaient des gens, en enlevaient
d'autres comme esclaves. On avait peur d'eux. Aprs l'ar-
rive des Blancs, ils se sont tenus tranquilles.
Les Pov n'ont pas particip la rvolte des Awandji ;
on a mme recrut des hommes chez eux pour lutter contre
les Awandji (24).
Techniques
Les Batsangui ont appris aux Pov travailler le fer. Prin-
cipaux instruments anciens : tsengo (houe en bois), pt
(22) Nous retrouvons l, sous des noms peu diffrents, l'oiseau Mba
(cf. notes 1 et 19) et le village de Boundji (cf. note 16). Un peu plus haut,
on trouve un chef Moul qui a pu tre emprunt aux lgendes Pounou.
(23) Sans doute l'Ogou, bien qu'ils parlent de l'Onoy.
(24) Tout ce rcit (origine et histoire) a l enregistr (14-05-021-02-61).
TRADITIONS ORALES 43
(coupe-coupe court, en forme de serpe tronque, sert ga-
Iement de pelle), mbdi (matchettes), lances, sagaies
barbes, arbalte (esoholo). Autrefois on chassait l'lphant
au fusil pierre. La pche se fait la nasse (garons) ou
au panier (femmes).
Le premier pagne tait la main, puis l'corce de mou-
l<.Oho, puis le raphia tress (bongo).
La maison, en corce de hala ou de moundjou, tait
petite, il fallait se baisser pour entrer.
Les anciens se servent encore du fauteuil pygme
(ekondi : arbre fourchu) et de la pipe pygme gros tuyau
droit et petit fourneau. On trouve les mmes chez les
Mitshogo.
Culture
Chaque clan a son interdit (gorille, panthre, perroquet,
etc... ). Les chefs usaient de la sonnette double (mikilin-
ganga). Les instruments de musique sont l'arc musical et
la harpe.
Origine des animaux domestiques : Tous les animaux
vivaient ensemble dans un village. Quand les Blancs sont
partis, la plupart des animaux se sont sauvs. Seules les
poules, les moutons, les cabris sont rests. Les premiers
qui ont lev des chiens sont les Pygmes. Ils ont enterr
la mre des chiens ct du foyer; depuis le chien a t
l'ami de l'homme et l'ennemi des autres animaux. Les
cochons et les canards ont t apports par les Europens.
Chanson: Tchitchiga (la joie), Misoso (premire chanson
des femmes: elles ne se lavaient pas, puis elles sont venues
la rivire), Ndoto et Ndoula (origine du mariage; une
souris tue a t la premire dot), Mbwand .Molanda (talis-
man de chasse) (chansons enregistres).
OKAND
Ce peuple, qui occupait sur le moyen Ogou un grand
nombre de villages (cinquante, disent-ils), et qui s'est rendu
clbre en fournissant aux explorateurs d'incomparables
pagayeurs, n'habite plus que trois villages dans la savane
sur la rive gauche, entre le confluent de l'Okano et le poste
de Bou. La natalit est faible. Beaucoup sont alls la
cte et pas revenus.
44 TRADlTIO:\S ORALES ET ARCIIIVES Al.} G.-\BON
Informateurs
A Bou : Moignon Auguste, chef de canton d e ~ Okand,
56 ans, du village Chouka. - Ekogo Samuel, 55 ans, village
Kongombomba. - Mbi Etienne, 61 ans, village Bolka.
- Mbal Franois, 62 ans, village Chouka. - Mandambo
Jean-Baptiste, village Chouka.
C'est Moignon qui a rpondu mes questions, les autres
se contentent d'approuver.
Nom et parents
Okand singulier; l\lokand pluriel. Parents des Apindji,
des Mitshogo, des Shimba. - Se comprennent assez bien
avec les Enenga, moins bien avee les Galoa et les Mpongou.
Origines et histoire
Les anctres venaient de l'Ivindo. Leur premier village,
Nogonou, tait au sud du futur Makokou. Le second s'ap-
pelait Mbalikolo. Puis les Okand se sont dplacs vers la
cte, avec les Shimba, pour retrouver leurs parents, les
'lpongou. Libreville n'existait pas encore. Arrivs au bord
de la mer, ils eurent froid et revinrent dans l'intrieur (26).
Passant chez les Enenga de Lambarn, ils tentrent de
s'tablir au lac Zil, en furent chasss par les moustiques, et
remontrent l'Ogou. Ils s'installrent dans l'le Endoli,
puis dans la savane, qui existait dj (27). C'tait une
poque trs ancienne; leurs grands-pres eux-mmes ne
savaient plus depuis combien de temps.
Ces voyages se faisaient pied. On franchissait les
rivires en radeaux de parasoliers. Puis les enfants ont
creus des petites pirogues; les adultes ont choisi l'okoum
et creus la premire pirogue Elokolokokolo (la chose qu'on
essaie et qui va de travers). Enfin ils ont russi et ont ensei-
gn leur art aux Enenga et aux Adouma (28).
A leur arrive, les Pygmes (Abenga) taient les seuls
habitants du pays. Ils vivaient de chasse et de miel.
(26) Les Shimba ne font aucune allusion ce voyage ln cte. De la part
des Okand, plus occidentaliss, on peut imaginer un cerlain snobisme se
dire parents .les l\Ipongou.
(27) Parlout les rcils prsenlent les savanes comme prexistantes aux
occupants aeluels. Je suppose que, si les anctres avaient eux-mmes dfIni-
tivement vaincu la forl, on leur en ferait un titre de gloire, avec miracles
la clef.
(28) Les pirogues Okand fond plal, avec avanl et arrire aplati el
dcor, sont des uvres d'art et parfaitement appropries aux pasoages
rocheux du Moyen Ogou.
TRADITIONS ORALES 45
Une partie des Shimba les avait quitts la Ngouni,
qu'ils remontrent avec les Apindji et les Mitshogo. Les
autres Shimba remontrent l'Ogou avec eux, puis occu-
prent l'Ofou.
Le premier Europen fut le docteur )) (Oganga). L e ~
Okand aidrent les Blancs remonter le fleuve, et se heur-
trent aux Osyeba.
Commerce, esclavage
La pche avait une grande importance; on vendait du
poisson sch. Le pays des abeilles n'a pas de nom en
Okand, mais il y a l, en effet, beaucoup de miel. On les
enfumait et on abattait l'arbre. Le miel tait mis dans des
feuilles et vendu.
On fabriquait des vlements de raphia qu'on vendait
galement.
Il n'y avait pas d'esclaves chez les Okand. Ils en ache-
taient aux Shak, aux Bakota, aux AJourna et aux
Bawandji et allaient les vendre aux Galoa et aux Enenga.
Les marchandises d'change taient le sel, les pagnes, les
allumettes, le tabac. Leur trafic par pirogues allait de Las-
toursville 11 Lambarn, plus tard de Franceville Port-
Gentil.
Socit
Famille patrilinaire. Clans : Gasanga, Pol, Mohiva,
;\iohivo, Mbobo, Djob, Makoto, Mogn, Bokouadi,
Mashoto, Bidi, Agamb, Mogam, Dibanga. Les mmes
clans existent chez les peuples parents. Exogamie de clan.
Interdits de clan : perroquets pour les Mohivo, panthre
pour les Mbobo (on peut la tuer, non la manger).
Des rois )), Misambo, Miatsheng, commandaient plu-
sieurs villages. A leur mort on dsignait un homme
capable. Les guerres entre villages n'taient pas rares.
Religion et culture
Doua : crne des anctres dans des paniers, placs dans
une maison spciale avec des figures de bois.
Bouiti, d'origine tshogo.
Instruments de musique : ngombi (harpe), mokombo
(archet 11 bouche), tambours de peau et de bois.
46 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABO;';
SANGOU
Les Massangou ont de nombreux villages dans toute la
rgion du massif central, comprise entre Mimongo et la
Lolo (en direction de Koulamoutou), ainsi que dans le nord
et l'ouest du district de Mbigou. Leurs voisins sont : au
nord les Pov, l'ouest les Mitshogo, au sud les Nzabi.
Informateurs
1
0
Dibandi (est de Mimongo) : Mabila Pascal, chef de
canton, ancien dput, 62 ans. .
2 Mbigou : Ngo Monjo, 70 ans, ancien combat-
tant 14-18, village Boundjoko. - Moul lkouara, 60 ans,
village Mayani. - Koundroungou Bouba, 52 ans, village
Moghoko. - Madouma Bounga, 55 ans, village Imno
Zinga. - Ioka Paul, 70 ans, village lVIanji.
Nom et parent
Moussangou singulier; Massangou pluriel. Les autres
peuples les appellent gnralement l\Iassango.
Proches parents des Eshira. Le dicton: Eshira Nyangui,
Massangou Manyangui signifie qu'Eshira et Massango
sont sortis d'une mme mre : Nyangui. Ils se compren-
nent entre eux parfaitement.
Avec les autres peuples du mme groupe linguistique,
Varama, Bapounou, Bavoungou, Baloumbou, la compr-
hension existe, mais elle est moins aise.
Bien que non parents, les Mitshogo, les Massangou sont
venus par la mme route (29).
Origines
Moulanga Binda a cr le monde au village de Koto ; tous
(29) C'est un cas particulirement net de la non-concordance des parents
linguistiques avec les traditions dorigines. Celles-ci ontelles t inOuences
par la cohal>ilation a"ec des peuples d'autres groupes ~ Ces traditions, dans
un mme milieu gographique (Massif Central, savanes de Franceville, bas-
sin de l'lvindo), tendent 11 se rapprocher; au moins en ce qui concerne les
principaux lieux et la direction gnrale des migrations.
Doit-on, en consquence, suspecter toutes les traditions d'origine, voire
mme les rejeter, comme fait Murdock ~ Ce serait priver J'Histoire d'Afrique
de son pilier cenlral. Il faut seulement ne pas oublier:
1 que les traditions relvent de la critique historique comme tous les
documents;
2 qu'elles constituent un des lment, (capital d'ailleurs) de la synthse.
TRADITIONS ORALES 47
y vivaient: les Blancs, les Noirs, les pygmes. Les Blancs
sont rests l-bas. Les pygmes (Babongo) sont venus avec
les Noirs au village de Mouaou Diboundji, o le monde
a commenc, o rgnait l'inceste. C'tait dans le nord-est,
dans la mme direction que Koulamoutou. Ensuite, au
village de Moukoundza, on classa tous les peuples selon
leur langue (Bapounou, Banzabi, Eshira, Mitshogo) et on
fit rgner l'ordre dans les familles.
Les Eshira et les Massangou avaient pour mre Nyangui,
pour pre Mowango. Les Eshira sont partis. Les Massangou
sont rests sur le mont Iboundji avec les Mitshogo (30).
Mais il y faisait trop froid. Aussi sont-ils alls vers l'ouest.
Les Pygmes les avaient prcds. Les Banzabi ne sont venus
qu'aprs. Certaines migrations sont rcentes. Ngo et
Moul ne sont pas ns dans leur village actuel. Le grand-
pre de Ngo habitait Moukouala, prs de Koulamoutou.
Il fallut lutter contre les Akl qui faisaient la guerre
tout le monde.
Guerre, esclavage
Les grands-pres faisaient la guerre avec des fusils
pierre, des sagaies, des poignards (dibaga), des couteaux
de jet (musera). Les morts donnaient lieu compensation.
De mme les adultres, les vols. La famille du coupable
devai t donner quelqu'un en change : une petite sur par
exemple ou un frre. Les prisonniers de guerre n'taient
gards que pour remplacer les morts. Ces esclaves taient
incorpors aux familles; c'est seulement s'ils montraient
de mauvaises dispositions qu'on les vendait. Les Bapounou
venaient en pays Massangou changer le sel contre les
esclaves (quatre sacs de cinquante kilos pour un esclave).
Ils payaient aussi en pagnes, matchettes, marteaux et mar-
mites.
Des Massangou faisaient les courtiers en allant chercher
des esclaves Koulamoutou.
Techniques
Les forgerons fondaient des cailloux venus de la rgion
de Mossendjo. Les femmes faisaient des marmites et des
plats en terre cuite. On creusait des plats en bois. Les ins-
(30) Le nom du monl Iboundji pourrai!. donc tre un souvenir du Boundji
primilif, qui serail sur l'Ogou, moins que celui-ci lui-mme ne sail qu'un
rappel d'un sile pl us ancien.
48 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
truments de culture taient la hache troite (pivi) et la
matcheUe courte utilise aussi comme pelle (Lchopou). On
cultivait, comme aujourd'hui, le manioc amer (mbigon-
gou), le manioc doux (mibigou), la banane (magonda),
l'igname (bambala), le taro (malanga, batsanga).
Les vtements taient en raphia (dibongo), les maisons
en corce (masoungou), avec deux portes pour pouvoir se
sauver. Les villages taient gards, chaque famille ~ y a n t
son corps de garde.
Socit
Matrilinaire et patrilocale. La dot est donne au pre
qui en remet la moiti l'oncle maternel (katshi). L'hri-
tage se partage actuellement entre les fils et les neveux
maternels.
La liste des clans diffre Dibandi et Mbigou. Liste
de Dihandi : Mitoungou, Ivenji, Moukouma, Moubouilou,
Miakashou, Mapanga. - Les Mitoungou et Ylapanga exis-
tent la fois chez les Mitshogo et les Massangou.
La liste de Mbigou est beaucoup plus complexe: les clans
Massangou proviennent de trois mres, Bousounga, Ibendzi,
Dibamba.
Clans de Bousounga : Mousounga Boudiala, M. Mombo,
M. Mbourou, M. Mariangou, M. Misengoula, M. Mbambi,
M. Ilokou, M. Mindoumba, M. Ingimba.
Clans d'Ibendzi : Sima Moupinga, S. Mbahou, S. Mou-
kangou, S. Moulengui, S. Madouma, S. Moukambi,
S. Iroungui, S. Boukomb, S. Mitsimba, ;\Ibadinga, Bou-
sou.
Clans de Dibamba : Mouloulou, Mouwondji, l\Ibembou,
Boudjanga, Moul, Ouyoungou, Moutounda, Pangou,
Loundou, Ndjikou, Dikangou, Ndrangoula, Moukouma-
kouma, Moukoumbi, Mabangou, Tsala, Oumboulou, I1oun-
gou, Mabima, Bouka, Monjombourou (31).
Les clans tai ent gaux. Le chef de clan (i vounda) tai t
remplac sa mort par un fils de sa sur, choisi par les
membres de la famille. Quand il y avait plusieurs clans
dans un village, chacun avait son corps de garde; les
palabres entre clans taient rgls par une runion de chefs.
Avec les pygmes il n'y a pas de mariages. Ils sont des
serviteurs et des allis.
(31) La diffrence provient peut-tre de ce que la distindion entre la
famille et le clan n'est pas trs nelle (segmentation plus ou moins pousse).
TRADITIONS ORALES 49
Religion et culture
Le mort, envelopp de nattes, tait laiss dans la brousse,
puis enterr. II pouvait paratre en rve; celui qui avait
rv priait le mort en agitant le kindou (cloche) et lui
offrait poisson et bananes sur des feuilles.
Les Massangou pratiquent le Bouiti, le l\Iouiri, le Nyemb.
L'anne (illima) comprend la saison sche (mangala) et
la saison des pluies (doumvoula). On connaissait la lunai-
son (tsoungi). ta journe se di visait en : mahilou
(6 heures du matin), dyoumbi dimasangou (le soleil sur la
tte : midi), dyoumbi dimarekena (aprs-midi), dyoumbi
dimasingo (le soleil tomb : 6 heures du soir).
Les distances comportaient: bla (tout prs), ikisi (assez
loin), vala (un jour de marche).
On comptait jusqu' mille (moulouli).
La seule monnaie consistait en blocs de fer servant de
marteaux (nyoundou). Mais on procdait Je plus souvent
au troc sans monnaie.
4
III
GROUPE SUD-EST
NZABI
Les Banzabi (on crit aussi Bandjabi ou Bandzabi) sont
un des peuples les plus nombreux du Gabon. Ils occupent
la plus grande partie des districts de Mbigou et de Koula-
moutou au sud-est des Massangou, et dbordent sur les
districts de LastourviIle et de Franceville.
Informateurs
1
0
Koulamoutou : Irogolo Monseigneur, 70 ans, chE'f
du clan Boukondzo, du village Mamboeta. - Lessi Ber-
nard, 60 ans, assesseur au tribunal coutumier.
2
0
Mbigou : Ngo Klla Dibo, chef de canton et guris-
seur, 55 ans - assist de neuf Bandzabi et d'un Boumoul
(tribu parente, vivant au sud-est de Mbigou).
Nom et parents
Banzabi, pluriel; Moudzabi, singulier.
Boumoul, pluriel; Moumoul, singulier.
Parents linguistiques des Tsangui, Wandji, Douma, et
des Ivili de la Ngouni.
Origines
Les Nzabi sont venus du cl o le soleil se lve. Le
monde a commenc Koto. Nzabi tait fils de Manondzo,
fils de Dieu.
La sur de Nzabi perdit un enfant. Nzabi, accus de
l'avoir tu, se sauva, traversa la rivire Lfid (Lfini ?), et
rencontra, prs de la grande fort, la femme Bichi. Il fonda Je
village Ivanga et eut sept enfants: Bouka, Moul, Momba,
Kombila, Boundzanga, Ndrombi, Nymbi. Il ne connais-
sait pas le feu, mais seulement les fruits de la brousse;
TRADITIONS ORALES 51
kasou, nyenga, tsalemba, nzianga, tomb, bahouvoulou.
Le Pygme (Babongo) chassait avec ses chiens et pour-
suivait les rats. Il arriva prs de Koto, une source o il
trouva la femme Pga; il lui donna un rat en dot; elle
cacha le Babongo et le nourrit. Le Pygme prit les bananes
et le manioc et les apporta Nzabi et ses enfants. Ils
firent la guerre aux gens de Koto et les chassrent, puis
ils dcouvrirent les poulets, les cabris, le feu et les usten-
siles en fer.
Repartis vers l'ouest, ils passrent les rivires Rombo
et Lebagni (Haut Ogou). Ils suivaient les Pygmes, et les
Pygmes suivaient les pistes des lphants (32). Les ani-
maux taient dans la barrire de l\1anondzo ; mais les l-
phants avaient cass la barrire (33).
Les informateurs de Mbigou parlent aussi de Koto, puis
de Tsgh, vers l'est; c'est l que les Boumoul et les
Batsangui les auraient quitts. Irogolo fait passer les Nzabi
Mossenjo o ils auraient laiss les Batsangui, puis ils
auraient travers la Nyanga, trouv la mer Mayoumba ;
chasss par les crocodiles et le froid, ils seraient revenus
habi ter ici (34).
Histoire
Il Y avait eu guerre, au passage, avec les Bawoumbou
(parents des Akl, rgion de Franceville). Les Babongo
sont arrivs les premiers, puis les Bandzabi, en mme temps
que les :ilJassangou.
Le premier blanc, Mbigou, tait Wada, venu de Kem-
bl, chez les Mitshogo. Le capitaine Xavier, accompagn
de pagayeurs Douma et Wandji, arriva par la Lolo au vil-
lage Lgouala. Il fut conduit par le vieillard Nkouamoutou
au village Ibenga o vivaient six familles Ndzabi. Il s'y
installa et lui donna le nom de Koulamoutou (c'est ainsi
qu'il avait compris le nom du vieillard) (35).
(32) Indicalion sur la manire donL la forL 11 sousbois touITu a pli Lre
pnLre. Les pistes des lphants sont encore utilises par les chasseurs; le
sol en est ferme, dam par les palles; mais elles conduisenL souvent des
zones marcageuses.
(33) Tout ce rcit d 'Irogolo Monseigneur a L enregistr (15-05022-03-
61).
(34) CerLains clans diITrcnts ont pu avoir des a,enLures particulires, mais
Irogolo affirme que Pounou, Loumbou, eL Massangou avaient le mme
ancLre que Ics Nzavi, la femme Irouhouvouangou. La diffrence des langues
seraiL venue aprs la dispersion.
(35) Les dformations de cc genre sonL nomvrcuses. Nous en reLrouverons
plt"'ieurs c\cmplcs, noLamment en pays Fang.
52 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Techniques
Les anciens connaissaient presque toutes les plantes
utiles: bananes, taro, aubergines, ignames, manioc (feuilles
et racines), oseille, concombre, arachide, citrons, atanga,
mas. Les Europens ont apport cacao, caf, avocat, arbre
pain, manguier, oranger. Les instruments sont les mmes
que ceux des Pov. Ce sont les Batsangui qui ont appris
fondre le minerai de fer.
Les Babongo ont expliqu la chasse avec la lance, l'arc,
l'arbalte et le filet (36). Les femmes pchent avec des
nasses ou des paniers.
Le premier pagne tait la main, puis l'corce de tango;
ensuite les femmes avaient une plaque d'corce devant et
une derrire; il Y a eu des chemises en raphia (mhango),
on en trouve encore.
Les maisons avaient des murs en corce martele (mou-
hala, moukoundjou), de mme forme qu'aujourd'hui, mais
plus petites. Les premires pirogues taient en corce, puis
en okoum. Les femmes fabriquaient des marmites en terre
et des gargoulelles. Elles Lissaient des nalles.
Socit
Matrilinaire, patrilocale. Autrefois c'tait l'oncle mater-
nel (nkon-nzaba) qui commandait; depuis vingt ans, c'est
le pre. La dot est donne au pre qui en remet la moiti
l'oncle maternel.
Liste des clans (ibnda) : Mouanda, Mahamba, Bakouli,
Shiy, Basanga, Shiongo, Boundrou, Nyanga, Boukondzo,
Bavonda, Tata, Louamba, Makandou, Boupiki. On trouve
les mmes chez les Bapounou et les Bavoungou (37). Les
Bakouli ne mangent pas le perroquet. Les Mouanda ne
mangent pas l'lphant. Les Boukondzo n'ont pas d'in-
terdit.
Le chef de clan (Badia) est remplac sa mort par
l'homme de sa famille qui est jug le plus capable. Chaque
village a autant de chefs qu'il contient de clans; ils se
runissent lorsqu'il y a palabre entre clans. L'insigne du
chef tait le chasse-mouches (branche de palmier) ; il avait
(36) Pour les deux derniers, il y a doule. Le filet semble rcent. Si les
pygmes ont connu l'arc, il est douteux qu'ils aient invenl l'arballe.
(37) C'est la confirmat.ion de cet.le parenl inlerdil " que Bapounou et
Baloumbou m'avaient signale el qui suppose, sinon une origine commune,
au moins des conlacIs anciens.
TRADITIONS ORALES 53
une cloche coude (kindi) pour convoquer aux palabres
et faire taire les gens.
Clans matrilinaires et exogames. A part cette exception,
on peut pouser n'importe qui.
Les groupements administratifs ont t crs arbitrai-
rement par les Europens: chefs de terre, chefs de canton.
Les lections ont achev de dtruire l'autorit tradition-
nelle.
Systme pnal, esclavage, guerres
Le complice de l'adultre devait payer en sel, moutons,
cabris, marteaux, pagnes, neptunes, colliers. Sinon il tait
rduit en esclavage. Le voleur tait arrt et ses chevilles
enfermes dans un tronc de bois; faute de paiement par
sa famille, il devenait esclave. En cas de meurtre la famille
du meurtrier remplaait la victime par un de ses membres
(du mme sexe) ou bien payait une compensation. Sinon
le meurtrier devenait l'esclave d'un homme riche qui payait
les parents de la victime. Si aucune de ces solutions n'in-
tervenait, on l'attachait un arbre, on lui fendait le crne
et on brlait son cadavre.
L'esclave, possd par un chef de famille, tait employ
par lui aux plantations et la chasse. S'ils se conduisait
bien, il pouvait esprer tre dot d'une femme; les enfants
appartenaient au propritaire. L'esclave dsobissant tait
vendu aux trangers, surtout aux Bapounou.
L'adultre, le meurtre d'un clan l'autre taient souvent
des causes de guerre. Les guerriers portaient un drapeau
(ngouba) form de lianes tresses en rond et diversement
colories (noir, blanc, rouge). Ce signal annonait la
guerre. L'attaque avait lieu l'aube, accompagne d'un
chant particulier, trs court (qui a t enregistr).
Les morts taient ensuite compenss, soit par paiement,
soit par remplacement.
Les Akl, au dbut, attaquaient les villages. Ils furent
disperss et devinrent pacifiques.
Les morts taient enterrs ou brls.
Economie et commerce
Les territoires autour des villages taient rpartis entre
les clans. Tout empitement tait sanctionn, le coupable
fait prisonnier et rendu contre compensation. De vastes
zones entre les villages n'appartenaient personne et
n' taient frquentes que par les Pygmes.
54 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Il Y avait un petit commerce intrieur : celui qui tuait
un sanglier pouvait vendre de la viande frache contre du
raphia, des haches. Le premier commerce extrieur fut
celui du sel. Les Bapounou venaient le vendre en pays
Nzabi; ils n'taient pas attaqus en route. En change on
leur donnait raphia, cabris, esclaves. Par la suite ils ame-
nrent des marchandises europennes : pagnes, marmites,
neptunes.
Puis vinrent les militaires et, aprs eux, la SHO.
DOUMA
Les Badouma (Adouma des explorateurs) occupent la rive
gauche de l'Ogou aux environs de Lastoursville. Pagayeurs
rputs, ils ont jou un grand rle l'poque de Brazza.
1nformateurs
A Lastoursville : Lingoumbi Jean-Franois, dput,
43 ans. - Mandjemb Jacques, 60 ans, chef de canton. -
Lihengo Gabriel, 61 ans, chef de village, ancien pagayeur.
- Maka Masiana, 60 ans, chef de village. -- Kokou Paul,
47 ans, charpentier. - Mouana Kema Fidle, 65 ans,
notable. - Marita, 56 ans, assesseur au tribunal coutumier.
Nom et parents
Adouma, singulier; Badouma, pluriel. Viendrait de
l'arbre moudouma. Surnom : Mousingouss (ceux qui
habitent au bord de l'eau).
Parents des Wandji et des Nzabi ; pas d'interprtes entre
eux. Parent linguistique plus lointaine avec les autres
groupes du sud-est.
Origines
Tout le monde est venu du sud (38), d'un pays appel
Ngouadi, sur une grande montagne. Toutes les races taient
l; il y a eu une guerre, elles se sont disperses. Les
Badouma ont suivi la Sb. Ils ont fait des canots d'corce
et sont descendus par la rivire jusqu'aux rapides de
(38) Plus probablement du sud-est, voire mme de l'est, vu le r.hcmin
indiqu. Les Gabonais n'ont pas, en gnral, une notion trs prcise des
points cardinaux.
TRADITIONS ORALES 55
Doum. Certains sont rests l, d'autres sont alls
Ikondo. S'tant multiplis, ils se sont avancs le long de
l'Ogou et ont tabli un village Mandji, puis Boundji.
Il y aurait des dessins dans des grottes (39). Mais l'ar-
rive des Badouma, il n'existait dans le pays que des
Pygmes (Babongo), qui avaient suivi les chemins des l-
phants. Les Babongo sont les frres des Blancs, mais ils
ont fait alliance avec les Badouma ; chaque clan Badouma
a ses Babongo.
Histoire
Le roi Domba, du clan Akambo, faisait des miracles,
empchant la pluie. Il habitait d'abord Doum. Brazza l'a
rencontr Boundji.
Les Badouma ont fait le trafic du fleuve, d'abord par
canots d'corce, puis par pirogues d'okoum. lis s'enten-
daient avec les Okand. Les voleurs et les adultres prove
nant des pays Douma et Wandji taient rduits en escla-
vage et entreposs l'le Ftiche, en face de Mandji. On les
vendait aux Okand, qui allaient Lambarn les vendre
aux Galoa. Il arrivait qu'on attirt des gens dans l'le sous
prtexte de pche, en ralit pour les vendre. Les Okand
donnaient en change sel, neptunes, poudre, fusils pierre,
pagnes, matchettes, marmites. On s'en servait pour les dots.
De Lastours a pris l'emplacement de Mandji qu'il a
appel Madiville ; aprs sa mort, on l'a appel Lastoursville.
La SHO avait une factorerie et achetait caoutchouc, bne,
ivoire. Les Badouma se consacraient dsormais aux trans
ports par le fleuve. Ils avaient des charpentiers; tous taient
pagayeurs. Ils achetaient aux Bawandji des graines de
courges, pagnes de raphia, arachides, huile de palme,
nattes et allaient les vendre Lambarn. Aujourd'hui ils
poussent jusqu' Port-Gentil.
Socit
Clans maternels: Kambo, Moukondjo, Boumwanda, Bou-
piki, Mouvaga, Ngon, Makando, Moungounou. Les chefs
de clan s'appelaient Koumalkaka. L'oncle maternel tait
le chef de famille; ses biens allaient ses frres ou ses
neveux. La coutume volue dans le sens paternel. La dot
est remise au pre qui en remet une partie aux parents
maternels.
(39) Voir annexe sur la Prhistoire.
56 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Les clans se rpartissaient les territoires de culture, les
parcours de chasse et les secteurs de rivire pour la pche.
La guerre clatait entre clans pour des questions de
femme ou des meurtres. Les palabres de rglement avaient
lieu entre notables dans la brousse. On payait les compen-
sations en marchandises ou en personnes. Les arms taient
les sagaies, le fusil pierre ou piston, les couteaux de jet
couds et pointus.
Techniques
La chasse se faisait avec des sagaies barbe, des filets,
des piges; la pche avec des nasses et des filets en fibre
d'ananas.
Les forgerons extrayaient le fer des cailloux. Ils faisaient
des sagaies, des matchettes, des haches troites, des couteaux
de jet, et des ibdi (plantoir, en forme de serpe tronque).
Les marmites en terre taient achetes aux Nzabi.
Religion
On gardait les os dans la maison et on les priait pour les
cultures, la pche, la chasse, la guerre. C'taient le crne,
les vertbres du cou, les doigts, les dents; uniquement les
os des vieillards notables; on les plaait dans un panier.
Les offrandes consistaient en huile, banane, sel, poisson;
on allumait une torche, on agitait la sonnelle et on formu-
lait sa demande. On sortait alors, pour que le mort puisse
manger tranquillement; on revenait ensuite et on jetait les
mets derrire la maison.
Les socits religieuses taient le Mouiri pour les hommes,
l'Isimbou pour les femmes. On ne connaissait pas le Bouiti.
Le Njbi est venu d'Okondja. Le Moukoula tait un rite
masculin. Le Ngo (un crne dans un panier) servait rv-
ler les adultres.
On utilisait des masques : I\1boudi (masque en bois ou
en raphia, bleu, blanc, rouge), Bangourou (masque en
bois recouvert de cuivre, du type Kota).
WANDJI
Les Bawandji sont mls aux Badouma, mais habitent
plutt l'intrieur.
TRADITIONS ORALES 57
Informateurs
A Lastoursville : Moualenclzokou (le petit d'lphant),
55 ans, forgeron. - Linzozo Joseph, 53 ans, forgeron.
- Nyomo Samuel, 50 ans, charpentier.
Nom et parent
Awandji, singulier; Bawandji, pluriel. - Wandji : les
gens qui ne savent pas nager.
Mme origine que les Dadouma, mme dialecte. Ils sont
leurs Il grands frres . Spars d'eux, ils sont alls dans la
brousse. Les Dadouma les ravitaillaient en poisson, ils leur
donnaient de la viande. Ils se marient entre eux.
Techniques, socit, religion semblables aux Badouma.
Ils sont aussi parents des Nzabi.
Guerre Bawandji (40)
Le commandant envoie un garde chez le chef Wango
pour recruter des prestataires. Le garde ramne un des fils
de Wango, Douland. II lui donne la chicote et lui montre
les latrines en disant: Il Voil le trou o on meLLra ton
pre. Il Bouland rentre au village, raconte ceLLe histoire.
Wango interroge le magicien. Convoqu au poste, il refuse.
Le commandant envoie des gardes; le pont casse leur
passage, les fusils sont perdus. Le commandant croit que
Wango a pris les fusils; il renvoie les gardes avec un
adjudant; on leur tire dessus.
Patrouilles, batailles. Le commandant fait appeler des
gardes et des soldats de Bou, d'Okondja, de Makokou.
Wango demande de l'aide tous les Bawandji. Les Dadouma
refusent de participer. Wango les accuse d'avoir amen les
Blancs et les fait attaquer. Les DIanes accusent les Dadouma
de vendre de la poudre aux Dawandji. JI y a de nombreux
morts; les gardes fouillent partout pour trouver des fusils
cachs et brlent les pieds aux gens pour les faire avouer.
Les fusils perdus par les gardes sont retrouvs. Le com-
mandant envoie le chef Moupindo Wango pour lui pro-
poser la paix contre le dsarmement : Il Laissez la guerre!
II Y a eu trop de morts Wango refuse. Le commandant
Le Testu cre un poste Poungui et l'adjudant Rumeaux
fait des patrouilles partout. Wango finit par envoyer des
(40) Il s'agit de la rholle de 192829. J'ai trouv au district de Lastours-
ville, et analys un fort dossier adminislratif ce sujet (voir partie Archives,
Ogou-Lolo, Lastoursville). On trouvera cidessus la version Wandji des v
nements. " Le commandant ", c'esl l'administrateur.
58 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
bananes en signe de paix. Le Testu exige qu'il se rende avec
ses guerriers. Il renvoie les guerriers chez eux, fait conduire
vVango Libreville. Wango est mort en route.
NDOUl\WU
Habitent Franceville et ses environs, le long de la Passa.
Informateurs
A Franceville : Nguimi, du village Mnay, plus de
80 ans. - Simba Philippe, commerant, 56 ans. - Astra-
lola Jean, village Matabl, 60 ans.
Nom et parent
Ondoumou, singulier; Endoumou, pluriel.
Parents des Ambamba, des Akanigui, des Tk. Pas d'in-
terprtes entre eux; se marient avec eux.
Origines
Viennent d'Otchad, pays sans fort, ct du Congo, o
ils vivaient avec les Mbochi, les Haoussa, les Banboungou-
lou (41). Les Mbochi les ont repousss. Ils sont venus par la
Sb, ont trouv les Ambamba, se sont battus avec eux, et
se sont installs sur la Passa. Les Mbahouin, les I3awoum-
bou, les Oshashi (Akanigui) taient dj l. Le chef,
Ndoumou, prit une femme dans chacun de ces peuples,
contre une dot de trois cabris, et put tablir pacifiquement
sa tribu sur les deux collines Obounhou et Obin, o il
cra le village de Biki.
Fondation de Franceville
Brazza, remontant l'Ogou avec trois autres Blancs, arriva
au village Mashokou o on lui indiqua que le chef rsidait
sur la Passa. Ce chef, Nguimi (pre de l'informateur), mit
sa disposition le village de Biki sur la hauteur. Brazza y
installa deux cases (sur l'emplacement actuel de la maison
de l'adjoint et du bureau de la rgion) et l'appela France-
(41) Tout ce rcit des origines et de la fondalion de Franceville a l fail
par le vieux Nguimi el enregislr (17-04-027-01-61).
Nguimi, bien que lrs vieux, esl encore lucide el nergique dans ses affir-
mations. Vivanl au conlacl des exploraleurs europens depuis sa jeunesse, il
a sans doule reu d'eux les allusions au Tchad (Olchad) et aux Haoussa.
TRADITIONS ORALES 59
ville. II pacifia le pays en persuadant les tribus de s'en-
tendre.
Il avait amen un chariot qu'il fit pousser jusqu' la
rivire Djini, mais les roues cassrent et il dut rpartir les
charges entre des porteurs Ndoumou qui l'accompagnrent
jusqu' Alkei, chez le chef tk Onyami. Puis il revint;
il prit une pirogue et redescendit 1'Ogou, sans laisser per-
sonne. Il revint, longtemps aprs.
Nguimi a connu Brazza, qui a vcu quelque temps avec
sa sur Tongo. On l'appelait Oloumagnouki (abeille mle)
parce qu'il imposait la paix, et aussi Moukounoungou
(espce d'arbre qui dpasse tous les autres). Il payait tou-
jours les cases et les vivres. Le village Biki alla s'installer
de l'autre ct de la Passa. Brazza laissa deux Europens,
Oyez et Amiel, qui partirent ensuite. Trois ans aprs vint
le commandant Potin. Puis la SHO resta seule avec le
premier missionnaire (le pre He, enterr ici). Le poste a
t roccup en 1910.
Socit
Matrilinaire. L'enfant reoit le nom d'un parent pater-
nel si c'est un garon, d'un parent maternel si c'est une
fi Ile.
Clans : Kouya, Kanandjogo, Nagni, Opigui. Le premier
chef, Ndoumou, tait du clan Kouya. Les chefs de clan
portaient une peau de chat-tigre (njourou) devant le pagne
et une calotte de raphia avec une plume de perroquet; le
chasse-mouches et la canne taien t ncessaires pour rgler
les palabres.
Les rgles sociales, les techniques, la religion taient
semblables celles des Ambamba.
MBAMBA
Occupent le nord du district de Franceville et presque
tout le district d 'Okondja.
Informateur
A Franceville: Mbingou Albert, juge coutumier, 42 ans.
Interrog en mme temps que les Ndoumou, qui confir-
maient ou prcisaient.
GO TRADITIONS ORALES ET ARCmVES AU GABON
Nom et parent
Ombamba, singulier; Ambamba, pluriel.
Parents: Ndoumou, Kanigui, Tk.
Origines
Vivaient avec les Mbochi ; ils sont venus par Kl Ngouali
(rgion d'Ewo). Les Mbochi les ont repousss. Leur premier
village tait Andjokou, sur une montagne ct d'Okondja.
C'tait au temps du pre de son grand-pre, avant l'arrive
des Blancs. Il y eut des lphants tus dans un lac, et des
batailles.
Ils trouvrent sur la Sb le chef Oshashi, qui comman-
dait aux Akanigui, venus les premiers avec les PJgmes
(Akoula ou Abongo). Ils luttrent contre eux et les repous-
srent sur l'Ogou.
Techniques
Chaque clan avait ses forgerons, qui tiraient le fer du
sol et fabriquaient marteaux, houes, sagaies, bracelets
(monnaie), haches troites, pipes. Des masques (amboi)
taient recouverts de cuivre provenant des neptunes. On
faisait des poteries en terre cuite.
Les cultures taient celles d'aujourd'hui: mas (aloumo),
manioc, bananes, ignames, concombres, canne sucre.
On pchait et on chassait au filet.
Les vtements taient en corce (otk) : pagnes (obati)
pour l'homme, deux plaques avant et arrire pour la
femme. Les Akanigui leur ont appris faire des pagnes de
raphia, l'poque de Brazza.
Murs des maisons : bois horizontaux fendus en deux et
fixs aux poteaux; les portes, en corce. Il y avait aussi
des cases rondes comme celles des Pygmes. Des sentinelles
veillaient en permanence sur les villages.
Pas de pirogues, pas de commerce, pas d'esclaves. Les
enlvements de filles amenaient de petites guerres. On tirait
le sel de la cendre de certaines feuilles (ombongo).
Socit et religion
Famille matrilinaire. Le fils de la sur hrite des
femmes et des biens.
Clans: Lolo, Akou, Mbt, Ampini. Le clan Mbt aurait
la priorit.
Masques au-dessus de sacs contenant les ossements des
TRADITIONS ORALES 61
morts, gards par les grands chefs. La nouvelle pouse
venait s'asseoir dans la case des ossements. On les invoquait
avant de partir en chasse.
Les devins voyaient en rve o les btes allaient passer.
L'autopsie du mort rvlait s'il tait victime d'un sorcier.
On faisait boire aux suspects une infusion d'corces mbou-
dou; refuser vous dsignait comme coupable. On devait
payer le prix du mort ou tre mis la cangue.
KANIGUI
Quelques villages au nord-ouest de Franceville, il l'est e
l'Ogou.
Informateur
A Franceville: Konda Pierre, village Lepouya, GO ans.
Nob et parents
Okanigui, singulier; Akanigui, pluriel. - On les connalt
surtout sous le nom de Bakanik.
Parents: Ndoumou, Ambamba, Tk.
Origines
Repousss par les Mbochi, ils ont travers la Sb o ils
ont trouv les Shak, et se sont rendus leur emplacement
actuel.
Ils ont lutt avec les Ambamba sur la Sb.
Leur grand chef tait Oshashi, sa mre Tshala.
Coutumes
Celles des Ambamba.
Clans : Beloulou (priorit), Ngoumou, Mokara, 'tlolln-
gouma, Mboma.
TK
Occupent les savanes l'est de Franceville.
Informateurs
A Franceville: Mamadou Lewo, chef, 55 ans. - Ndim,
village Lkei, 65 ans. - Bongo Philibert, dput, ;10 am.
62 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Nga Kanaga, chef de village, 60 ans. Ce dernier porte
une peau de panthre et une canne d'apparat.
Nom et parents
Otk, singulier; Atk, pluriel. - Ce sont les (( Batk n,
parents de ceux du Congo, parents aussi des Ambamba,
Ndoumou, Akanigui.
Origines
Ils vivaient Amaya-Mokini (pierre rsistante), prs
d'Ewo et d'Okoyo, sur l'Alima. Repousss par les Mbochi,
ils sont venus sur les plateaux entre la Leconi et l' AIima,
et ont plant des palmiers dans la savane. Ils se sont avan-
cs et sc sont scinds en trois groupes, sur la Passa, la
Leconi, la Lelnni. Ils sont venus l au temps du grand-pre
de Ndim. A l'arrive de Brazza il y avait deux grands
chefs: Ngoshana (Leconi et Lelani), Mbana-Lekivi (Passa).
Il n'y avait personne avant eux sur la Leconi et la haute
Passa. Les Ndoumou, les Ambamba et les Akoura (Amamba
de la fort) occupaient la basse Passa. Les Tk se sont ta-
blis pacifiquement.
Guerres, esclavage
Les guerres n'avaient lieu qu'entre villages, le plus sou-
vent pour des questions de femmes. Les vaincus migraient,
ou bien on procdait aux compensations. Les armes taient
les sagaies, les couteaux couds (emphi), les couteaux de
jet (osl), les pes courtes (ombouba).
Les coupables d'adultre, de vol, de dettes taient gards
comme esclaves en attendant le rachat par leur famille; on
les chargeait d'un bois fourchu trs lourd, on y fixait les
pieds ou les mains (derrire le dos ou en croix); leur
famille devait les nourrir, sinon ils mouraient. Parfois on
les librait pour les faire travailler, on les mariait. Souvent
OH les vendait aux Tk du Congo, aux Balali, aux Bayaka
du Niari en change de sel, pagnes, cabris, et plus tard
d'assiettes de faence (qu'on plaait sur les tombes). On
recevait pour une femme six sacs de sel, pour un homme
cinq sacs de sel, ou bien un fusil pierre et de la poudre.
Techniques
Il Y avait beaucoup de forgerons qui fabriquaient des
marteaux, des houes, des pipes, des bracelets, des haches.
On faisai t des poteries en terre cui te.
TnADlTIONs onALEs 63
Les lointains anctres ne connaissaient pas le manioc,
mais le mil (asha). Ensuite on mlangea le manioc la
farine de mil. Puis le mil fut abandonn pour le manioc.
On cultivait aussi le mas, la pistache de terre (ndzou), assez
peu la banane (Ko).
Autrefois il y avait beaucoup d'lphants, qu'on tirait
avec des sagaies empoisonnes. Les antilopes, les sangliers
se chassaient au filet, avec des chiens.
Les murs des maisons taient faits de feuilles de raphia
serres entre des poteaux de bois; les toits en chaume. La
maison s'allongeait aux dimensions de la famille. Les vil-
lages n'avaient pas de barrires, mais des sentinelles veil-
laient constamment. C'taient de gros villages, pour assurer
une dfense suffisante.
Le tissage de raphia produisait des couvertures grossires
(anta), des caloUes, et des pices plus fines (pogo) qu'on
cousait, jusqu' douze ensemble pour faIre des toges pour
les hommes et des pagnes nous sous les bras pour les
femmes.
Ces tissus de raphia taient le principal objet d'change
extrieur avec les Mbochi, les Tk de l'Alima, les Kou-
kouya. II y avait des marchs intrieurs pour la viande, les
poulets, les marmites en terre, les calebasses. Les Tk
fabriquaient du sel vgtal.
Socit
Patrilinaire: l'enfant appartient au pre, puis l'oncle
paternel. Le pre reoit la dot des filles et donne quelque
chose aux parents maternels.
Clans: Onyam, Sin, Nkomo, Oko, Okamo, Opouyou,
Kama, Odyouma, et d'autres encore.
Chaque clan avait son chef, la primaut appartenait au
chef Onyam.
Les insignes des chefs taient une peau de panthre sur
la tte et la ceinture; une double cloche, une queue de
buffle, une canne orne de cuivre.
Les chefs puissants avaient en outre un collier plat de
cuivre (oloa waki) ; les femmes des chefs avaient droit des
marques de respect.
Les Tk du Gabon n'avaient aucun rapport politique
avec ceux du Congo et ignoraient mme le nom du Makoko.
Religion et culturc
En cas de calamit (scheresse, famine) le grand chef ras-
64 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
semblait les notables des villages dans la brousse. Un cabri
tait tu et mang. Ses excrments, poss sur des feuilles et
mls aux crachats des assistants, taient placs dans un
endroit du village. On invoquait les anctres, on leur offrait
de la viande. Alors les choses se rtablissaient.
On comptait jusqu' 10, pas jusqu' 100. Il Y avait une
semaine de six jours : djono, okela, odjona, okoyo, mbela,
kabana. Il tait interdit de travailler le premier jour (djono).
On connaissait la lunaison (ntchi), la saison sche (oshibi),
la petite saison des pluies (omvola).
Il y avait des devins, qui opraient en dansant (pour la
guerre, la chasse, la pluie), et des mdecins qui connais-
saient les herbes et rduisaient les fractures.
WOUMBOU
Petits groupes l'ouest de Franceville et au sud, sur le
haut Ogou (Lebagni).
Informateur
A Franceville: l\Iatango, du village Lepaka, 80 ans.
Nom ct parent
l\fouwoumbou, singulier; Bawoumou, pluriel.
Parents: Shama, Shak, Kota.
Origines
Du ct de Lai". Venus par la Sb avec les Ndasa et les
Mbahouin.
Il n'y avait personne dans le pays leur arrive. Ils ont
t pousss par les Ambambu. Jls se sont maris avec les
Ndoumou et les Babongo.
Agriculteurs et chasseurs (antilopes au filet, buffle la
sagaie). Socit patrilinaire.
IV
GROUPE NORDEST
KOTA
Les Bakota, peuple le plus important du nord-est, occu-
pent actuellement au Gabon les rgions suivantes : 1
0
la
route de Makokou Mkambo; 2
0
la route de Makokou
vers le sud-est (( route du Bouni ))) sur la moiti de son
trajet partir de Makokou ; 3
0
la route qui, de Mkambo,
se dirige vers le nord, en direction de Madjingo ; 4
0
sur la
route de Lalara (au sud de Mitzic) Bou, quelques villages;
50 presque toute la partie du district de Lastoursville situe
au nord de l'Ogou (\e long d'anciens sentiers). On ren-
contre en outre quelques villages Bakota dans la rgion
congolaise au nord-ouest d'Etoumhi et au sud-ouest
d'Ouesso.
Ce sont l les Bakota proprement dits, et c'est le sens dans
lequel nous prenons ce terme, tel qu 'i 1 est employ par les
Bakota eux-mmes.
Mais il est fort commun de confondre sous le nom de
Bakota tous les peuples du mme groupe linguistique :
Shak, Shama, Ndasa, Danbomo, Bawoumbou. Mieux
encore, dans les rgions de Zanaga et de Mossendjo (Rpu-
blique congolaise) on dsigne sous le nom de Bakota non
seulement tous les peuples de ce groupe, mais en outre ceux
du groupe Mbamba-Ndoumou. C'est ainsi que, par une
aventure singulire, le volume d'Anderson, Les Bakota,
tude ethnologique de ces rgions (copieuse et excellente
d'ailleurs) ne s'applique pas, en fait, aux vritables Bakota.
Informateurs
1
0
Makokou : Moukoko, vice-prsident de rAssemble
nationale gabonaise, grant de la Socit de Prvoyance,
clan Sazoumba, 50 ans. (M. le Prsident Moukoko a bien
5
66 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
voulu, galement, me servir d'interprte.) - Ikoakango,
75 ans, village Zokoasoa, clan Mahabo. - Mombondji,
65 ans, village Mbadhi, clan Botiembou. - Bahangoalolo,
75 ans, village Lambarn (Makokou), clan Mboungo. -
Moandongo, 70 ans, village Empasend, clan Isk. -
Isozi, 75 ans, village Nkit, clan Ouba. - Asadjola
Georges, chef du village Lasiri, 60 ans, clan Boumbia.
- Ndoungou, 55 ans, village Avilignab, clan Bopassi.
2 Mkambo : Ganga Albert, forgeron, 65 ans. -
Ekygu, 57 ans, Ville Bakota. - Moukambo, assesseur
au tribunal coutumier, 55 ans. - l\Ioumba, 70 ans, village
Baya. - Mboundou, 80 ans, village Beyla.
3 Bou : Ombangoye Alphonse, 52 ans, chef du village
Laboka. - Diamindoungou Dominique, 36 ans, chef du
village Matoro. - Bakala Michel, 46 ans, village Laboka.
4 Lastoursville : Benjiga, chef de village, 61 ans.
Nom et parents
Bakota, pluriel; Ikota, singulier . - Kota : rassemble-
ment.
Parents: Mahongou, Shak, Shama, Danbomo, N'dasa,
Bawoumbou. Plus lointains, les Benga.
Origines
Les anctres occupaient le haut Ivindo, dans la rgion des
rivires Singou et Nona (42). Ils en furent chasss par
l'invasion des Bakoul, connue sous le nom de Guerre
de Poupou (43). Descendant les rivires, ils arrivrent
l'Ivindo et y trouvrent les Bichiwa, avec qui ils firent
amiti. Ils continurent fuir le long de l'Ivindo, les
Bichiwa devant, les Bakota derrire, toujours poursuivis par
les Bakoul, eux-mmes pousss par les Fang. Ceci se
passait (( au temps du grand-pre de leur grand-pre, peut-
tre mme avant.
En route les Bakota se dispersrent. Les uns (Benga) s'en
(42) Nona est certainement la Nounah, arnuent de droite de l'Ivindo, sur
laquelle fut construit plus tard J'ancien poste de Minkb (rgion aujour-
d'hui dserte). Singou dsigne peut-tre la Nsy et son arnuent le Ou,
autres rivires de la rive droite.
(43) Pour ceux de Mkambo, dont la tradition est beaucoup plus vague et
lacunaire, Poupou tait le nom de la guerre n. POLIr ceux de Makokou,
dont vient l'essentiel du rcit, Poupou tait un guerrier bakoul, lerrible
el anthropophage. Quoi qu'il en soit, la guerre de Poupou " a l le grand
vnemenl de l'Ivindo.
TRADITIONS ORALES 67
allrent vers l'ouest, jusqu' la mer. D'autres (Kota-Kola)
descendirent jusqu' 1'0gou. La plupart passrent l'Ivindo
en radeaux. En sret sur la rive gauche, ils fondrent les
villages de Seki (l\1vadhi) et Botolouboumagna (la vieil-
lesse de la pierre).
Poupou tait mort, mais un autre guerre, Mkomba, son
gal en frocit, repril la guerre. Les Bakota se dispersrent
nouveau. Ils occuprent ainsi les affluents de gauche de
l'Ivindo : Djaddi, Liboumba, Mouniangui, la valle de la
Dilo et le pays d'Assaw (au nord de Lasloursville). D'autres
continurent descendre le long de l'Ivindo, toujours pour-
suivis par les Bakoul. Arrivs la cllllte de Kongw, ils
se retournrent et engagrent la lutte. Mkomba fut tu;
beaucoup de Bakoul furent pris et devinrent Bakota (on
m'a montr certains de leurs descendants).
Alors les peuples se rconcilirent, la paix a rgn. A
l'arrive des Fang, il y eut un nouveau reflux des Bakota
de Bou vers la Djaddi. D'autres sont rests isols au
milieu des Fang (rgion de La Lara). Les Bakola de Bou
ont eu des dmls avec les Shak et les Bichiwa ; ils mi-
grrent en partie vers Mkambo.
Le long de l'Ivindo, ils n'ont pas trouv de Pygmes
(Bakola), mais ils les ont rencontrs prs de la Djaddi, au
sommet de la montagne Mbamba, d'o ils sont partis pour
la rgion de Mkambo.
Guerres
Les guerres entre villages taient frquentes. Aussi les
Bakota se concentraient-ils en gros villages, pour les besoins
de la dfense. Le point de dpart le plus commun des
guerres tait le vol des femmes; on se vengeait en tuant
quelqu'un du village de l'amant; d'o une cascade de
meurtres, d'attaques, de pillages, parfois dans un mme
clan. On ne mangeait pas les prisonniers; les femmes
taient donnes aux clibataires, les hommes incorpors aux
familles victorieuses.
Les armes taient : makongo (sagaie), ngougou (pe
courbe, couteau de jet deux lames), ngouba (bouclier en
lianes, rond, d'un mtre de long). Pas d'arbaltes. L'arc
n'tait qu'un jouet d'enfant.
Techniques
La chasse se faisait surtout l'aide de filets en fibre
(liosi). On utilisait aussi des piges fibres Ygl.<llee et des
68 TRADITIONS ORALES ET ARCIIlVES AU GAllON
trous. Au-dessus du passage des lphants on plaait un
fort tronc de bois arm d'une sagaie (elongo).
On pchait la nasse (makanga), au barrage de pieux
sur les chutes (ilambi), au barrage complet de la rivire
par des claies (etoubili) avec agitation de l'eau en amont,
l'empoisonnement par des fruits amers. La pche tient
encore une grande place dans ce pays aux rivires nom-
breuses; la saison sche voit les vi lIages dserts pour les
campements de pche et les dfrichements.
Les cultures taient les mmes qu'aujourd'hui, mais on
utilisait beaucoup les plantes de la brousse.
Les forgerons tiraient le fer du sol (il y en a partout). On
appelait berna un fer ml de cuivre dont on faisait des
bracelets. Les forgerons Kota ont utilis les premiers la
montagne de fer de Boka-Boka (Mkambo). Les outils de
culture taient la hache, la matchette longue (kouala), la
matchette courte (idoungou).
Les soumets de forge taient en terre cuite. Les femmes
fabriquaient des marmites et des gargoulettes.
Le premier pagne tait la main, puis le bois, puis
l'corce (tradition de Lastoursville). Ailleurs on se sou-
vient des vtements en corce de nina : pagne (etesi) pour
les hommes, deux carrs maintenus par une ceinture pour
les femmes. Les pagnes de raphia ont t fabriqus plus
tard par les rivernins des rivires. Ensuite, quand le com-
merce s'est install, on les remplaa par des pagnes
d'corce; les grands chefs y ajoutaient un veston. Aujour-
d'hui tout le monde (comme dans le reste du Gabon) est
vtu l'europenne.
Les maisons, petites, avaient des murs en corce, des
toits en feuilles. Les villages, comme ceux des Fang, com-
portaient deux ranges de maisons jointives avec, entre
elles, une avenue coupe de corps de garde. Une barrire
de bois formait rempart.
Socit
Patrilinaire et patrilocale.
Le clan (ikaka, pluriel makaka), exogame, avait un chef
(neni) choisi pour ses aptitudes. Parfois un chef de village
puissant jugeait les palabres entre clans.
Les clans taient nombreux. Certains s'tendaient plu-
sieurs peuples. Ainsi les Bousandou et les Mohaza existent
la fois chez les Bakota et les Mahongou ; les Masaka chez
les Bakota et les Bongom ; les Sakounda chez les Bongom
TRADITIONS ORALES 69
et les Mahongou ; les Isk bakota ont un clan correspon-
dant (Esok) chez les Fang (44).
Les interdits de clans sont particulirement nets et bien
connus chez les peuples du nord-est. En voici quelques-uns
chez les Bakota :
le clan Boungoual a pour interdit le crocodile,
le clan I1ali : la panthre,
le clan Mboungou : le buflle.
Chez les Shama, proches parents des Bakota, le clan
Bouala ne mangeait pas de gorilles, ses morts se transfor-
mant en gorilles.
Il n'y avait pas d'esclaves proprement its, mais un sys-
tme de clientle et d'annexion familiale. Le jeune amant
de la femme d'un riche polygame devenait son fils. Un
orphelin pauvre pouvait aussi se mettre sous sa protection.
Si un jeune homme se montrait constamment pervers, il
tait jug par les gens du clan et excut. Les prisonniers
de guerre pouvaient tre donns en dol.
Commerce et Europens
Les tissus de raphia, les moutons, les haches, les mat-
chelles faisaient l'objet d'un trafic intrieur. Les bracelets
dc fer et de cuivre servaient de monnaie.
A l\Iakokou le premier blanc est sorti du ct du frre
(venu du Gabon), le second du ct de la sur (du
Congo). La SHO s'tablit l'embouchure de l'Ivindo, d'o
les marchandises taient transportes par pirogues jusqu'
la chute Kongw. C'taient des fusils poudre, des haches,
rles matchettes, des couteaux, des neptunes, des pagnes. Les
Bakota vendaient en change de l'ivoire, du caoutchouc,
des cabris, des poules. Puis vinrent les militaires (capitaine
Faubert) le centre du commerce se dplaa Bou et il
fallut des porteurs.
A Mkambo, village cr par un chef Kota, Kambou, les
changes s'taient d'abord faits avec Makokou. Mais bien-
tt vinrent s'installer les compagnies Ngoko-Sangha el
CFHBC orientes vers le Congo (Etoumbi), et la SH (venue
du Gabon avec des pirogues remontant la Djaddi). Puis il
ne resta que la CFHBC (Trchaud) Etoumbi.
Les militaires taient installs Ouesso, Ngouala, Semb
(44) Le prsident Lon Mua est un Esok (Fang), et les lsk (Bakota) en
sont fiers, comme on l'est d'un frre qui a rllssi. C'est la confirmation de
celle" parent il interdit , transcendant les diffrences entre peuples, que
j'ai prcdemment signale.
70 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
(Congo), Mvadhi, Sakamotou, Mkambo, Kemoma
(Gabon). L'impt tait pay en bracelets de cuivre, caout-
chouc, moutons, cabris, neptunes, ivoire.
En 1937 prit fin le rgime militaire, la monnaie circulait.
Le caf avait commenc en 1936 avec le lieutenant Thomas
qui concentra les villages sur les routes. Le cacao acheva
cette concentration pour faciliter l'coulement de la produc-
tion. Entre les routes, de vastes zones de fort, autrefois
territoires des villages, restent vides.
Religion
On gardait certains os des grands personnages (crne,
vertbres du bassin, mchoire infrieure) dans une cor-
beille d'corce cylindrique (nsetsi). Ces reliques, appeles
pemb, taient places dans la case du chef de clan ou du
chef de famille. Les plus importantes taient surmontes
d'un masque de bois recouvert de cuivre. Il existait aussi
des masques pour danser, sans cuivre. La forme, concave
ou convexe, dpendait de la fabrication et n'indiquait
pas le sexe. On invoquait les pemb dans diffrenLes circons-
tances, notamment pour la chasse: un poulet tait sacrifi,
de la poudre rouge passe sur le crne; un repas tait offert
aux anctres, base de poulet et de bananes.
Des missionnaires ont condamn ces rites; puis est venu
(vers 1957) le culte de Mademoiselle qui a fai t dtruire
tous les ossements et les masques. Depuis nous sommes
devenus pauvres (45).
La circoncision avait lieu remarquablement tard, aprs 25
et mme parfois 40 ans. Elle consacrait l'tat d'adulte vri-
table, travaillant et ayant femme et enfants. Aujourd'hui
l'opration est pratique beaucoup plus tt, vers la pubert.
La crmonie est individuelle; l'assistance est convoque
par le pre de famille. La runion a lieu au lever du soleil.
Le patient a mch des herbes qui lui donnent le courage
et l'insensibilit ncessaires; on le frotte d'huiles mlan-
ges de poisson (itono), son visage est blanchi. 11 ne doit
pas ciller pendant l'opration. Dsormais il n'est plus
sale , il est vraiment un homme.
La naissance des jumeaux tait marque par des danses
et des cadeaux.
(45) Ce qui esl faux, puisque Je cacao a apporl une imporlanle res-
source. Mais la deslruclion des anciens culles esl ressenlie par les vieilhrds
comme la cause de lous leurs maux, imaginaires ou rels. Nous en verrons
d'aulres exemples dans le groupe du Nord.
TRADITIONS ORALES 71
Il existait des socits secrtes: le youmbi (fraternit du
sang) et le ngoye, la confrrie des hommes panthre H,
disparue il y a une vingtaine d'annes (46).
HONGOU
Ce peuple est le plus important du district de Mkambo
dont il occupe tout le sud. Des villages hongou se trouvent
aussi entre les Bakota sur la route de Mkambo Makokou.
Informateurs
Ngoma, 60 ans, village Youmbi. - Boula, 77 ans, village
Yakouma - et deux autres.
Nom et parents
Hongou, singulier; Mahongou, pluriel.
Parents : Bakota, Shak, Shama. Pas d'interprtes avec
ces trois peuples.
Origines
Occupaient le conl1uent de l'Ivindo et du Mouniangui.
La guerre de Poupou les fait fuir, les uns vers Okondja, les
autres vers la Loua et la Liboumba.
Techniques ct socit
Semblables aux Bakota. Ils avaient un forgeron fameux,
Yengoye, dont on achetait les produits.
Interdits des clans Hongou : poisson louba pour les
Kalanga, serpent boa pour les Mboul, perroquet pour les
Bongo, chimpanz pour les Boupoundi.
SHAK ET DANBOMO
Ces eux peuples parents mlent leurs villages le long
de l'Ogou en amont de Bou Gusqu'au conl1uent de la
Lassio) et sur la route Bou-Lalara. Origines et traits ethno-
(46) J'ajoute, concernant les Bakota, un trail culturel qui m'est indiqu
par Mg.. Adam. Ils n'ont de noms pour les nombres entiers que jusqu' 7.
Pour 8, on dit 4 + 4, pour 9 : 4 + 5.
72 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GADON
graphiques sont les mmes. On trouve aussi quelques
Shak au nord de Lastourville et, au nord d'Okondja, des
Shama, peuple trs voisin.
Informateurs
1
0
Lastoursville : Ngadi, 60 ans.
2
0
Bou : Bamouassi Etienne, chef de canton, villa,ze
Djidji, 56 ans et Zou Thodore, chef de terre, village ya,
55 ans; tous deux shak. - Dia Ondouma Cyprien, 48 ans,
village Lolo, et Quelangoye Thomas, 41 ans, village
Matoala, tous deux Danbomo.
Noms cl parents
Shak invariable (version Bou). Ngadi dit Moushakti.,
singulier; Bashak, pluriel.
Danbomo, singulier; Bendanbomo, pluriel.
Parents des Bakota, Mahongou, Shama'L. Il faudrait y
ajouter, au dire de Ngadi, les Sheki de l'Estuaire.
Origines ct histoire
Il y avait un village, Konaboudjima, du ct du soleil
levant; Ngadi est seul le citer. Les autres font allusion
une venue du haut Ivindo et la guerre de Poupou. Mais
tous se rfrent un sjour Ngoungounini, prs de la
montagne Ngouadi (rgion d'Okondja) : les anctres se
sont querells propos d'une antilope prise au filet, et
depuis ils ont form trois peuples : Danbomo, Shak,
Shama.
C'est Brazza qui leur a montr le chemin de l'Ogou
avec la boussole n. Ngadi dit que les premiers y avaient
t amens auparavant comme esclaves. Brazza les a conduit
par la Djidji (Dilo) et fixs prs de Bou. Les premiers
habitants taient les Bichiva, qu'on appelait Nyimo (avares)
parce qu'ils mangeaient dans la maison; de plus ils taient
anthropophages. Mais les Shak-Danbomo, plus nombreux,
les repoussrent de l'embouchure de l'Ivindo.
Les Pygmes avaient t anantis par les Bichiwa. Eux-
mmes n'en avaient jamais vu. Les Akl taient venus
avec eux; lors des guerres avec les Bichiwa, ces Akl s'en-
fuirent et remontrent la Lolo jusqu' Koulamoutou.
Techniques ct religion
Les forgerons tiraient le minerai de fer du sol pour fabri-
quer matchettes courtes, hachettes, sagaies, couteaux. Ils
TRADITIONS ORALES 73
forgeaient aussi des bracelets en cuivre. Le cuivre, l'ori-
gine, tait extrait d'un grand trou prs de Mina sur la
haute Djidji (Dilo) (47).
Les masques recouverts de cuivre taient achets aux
Ambamba. On les plaait sur les corbeilles contenant les
os des anctres : l'os frontal, une vertbre cervicale, un
os du bassin, un des orteils, un des doigts. L'ensemble,
appel mikoukou, tait plac dans une maison spciale.
On lui adressait des prires (diboto), surtout pour partir
en chasse, avec offrandes de bananes et de poissons.
Hommes de brousse, nullement pagayeurs, modrment
agriculteurs, les Shak-Danbomo taient autrefois surtout
de!'> chasseurs et fournissaient de la viande Lastoursville,
Bou et la SHO du conOuent de l'Ivindo. Pour les l-
phants, les burnes, les sangliers on fabriquait un pige
avec un madrier portant une sagaie (doungo). Les autres
animaux taient pris au filet, avec des chiens. On ne
chassait pas les gorilles, parce qu'on en avait peur, ni la
panthre considre comme parent (au moins par certains
clans) .
Les femmes fabriquaient des poteries, et mme des sta-
tlles en terre cute. Cette technique a disparu.
Les pagnes taient en corce de l'arbre tetchi. Puis on
a fait des pagnes de raphia. Les maisons, en corce, trs
basses, taient alignes sur deux rangs avec des corps de
garde.
Guerres, esclavage, commerce
Les villages s'entouraient de barrires de bois o veil-
laient des sentinelles. Les seules armes taient des sagaies.
Les guerriers, choisis parmi les hommes les plus forts, par-
taient aprs des prires aux anctres. La paix se rglait par
des compensations; les morts taient remplacs par des
femmes ou des esclaves.
Devenaient esclaves 1 ceux qui se plaaient volontaire-
ment sous la protection d'un matre puissant; 2 les cou-
pables d'adultre ou de vol; 3 les gens vendus par leur
famille; 4 les gens enlevs (les femmes, dit Ngadi, ne
pouvaient aller aux plantations seules, ni les enfants, sans
risque de se voir enlevs). Les esclaves taient vendus aux
(47) Cuivre. C'est 'a premire allusion que j'aie rencontre une extrac-
lion de minerai e cuivre. Plus tard, j'en ai trotn' une autre Minvoul.
C'daient des rgions compltement l'cart du commerce europen. Ailleurs
k cuivre (laiton) lait lir des barres de cuivre et des neptunes imports.
74 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AL" GAllON
Okand, parfois par l'intermdiaire des I3ichiwa, pour tre
revendus la cte (48).
A l'origine on fabriquait du sel vgtal avec les cendres
de divers vgtaux (zeni, mbougou, totound). Puis, par
les Bichiwa, on changea de l'ivoire contre du sel marin.
Lorsque les Bichiwa eurent t carts de l'Ivindo, le com-
merce s'tablit directement avec la SHO. On vendait du
caoutchouc, de l'ivoire, des moutons, des poulets, de la
viande de chasse, des nattes en change des pagnes et des
outils.
Socit
Patrilinaire, patrilocale. L'enfant appartient au pre, et,
si le pre meurt, l'oncle paternel. Le cadet hrite de la
femme de son an, non le contraire. Le lvirat tait donc
limit; le sororat galement: la famille de la femme dcde
pouvait donner une fille pour ne pas rembourser la dol.
Le pre peroit la dot et ne donne rien aux parents mater-
nels.
Les clans (samakoko), exogames, taient nombreux. On
ne se mariait gure qu'entre les trois peuples frres et avec
les Mahongou. On n'pousait pas les Fang.
Au-dessus des clans on pouvait dsigner des chefs pour
la guerre, sans rgle d'hrdit; on prenait le plus puis-
sant et le plus mchant li. Les insignes pour rgler les
palabres taient: une coiffure en peau de singe, un chasse-
mouches en queue de bufOe; on frappait un fer pour
appeler les gens.
On utilisait aussi un tambour de bois recouvert de peau
pour les palabres et les danses. Pour annoncer la guerre on
se servait d'un grand tam-tam en bois fendu. Autre ins-
trument de musique: la sanza (lingounga) et l'arc liane
frappe.
(48) Ce sonL donc les circonsLances gographiques (proximiL de l'Ogoll)
qui onL dvelopp l'eslavage pour la LraiLe che? les Shak-Danbomo, alors
que les Bakota, leurs parenLs, Lrs semblables eux pour LouL le reste, mais
loigns des courants commerciall,(, semblenL l'avoir ignor.
v
GROUPE NORD
KOUL
Les Bakoul occupent au Gabon: Iole Haut Ivindo jus-
qu' Makokou ; 20 quelques villages au nord de Mkambo.
Informateurs
A Makokou : Boye Jean, 75 ans, Ville-Chicago (nom
donn par un Amricain). - Mezombo, 78 ans, village
Massbe. - Ekong David, chef de canton - et deux autres.
Nom et parent
Koul, singulier; Bakoul, pluriel.
Aucune parent linguistique avec les Fang, ni les Bakota.
Autres Bakoul au Congo (Souank, Semb) et au Came-
roun (Yokadouma).
Origincs ct histoire
Les anctres venaient d'un pays situ au-del es sources
de l 'Ivindo. Le premier village, Ekouk Mbol N Bgel, tait
trs loin, dans les montagnes hautes, dnudes, dominant
la fort. Il n'y avait pas d'autres races avec eux.
Pousss en avant par les Fang, ils se dplacrent
Banodjo, puis Tagna-Oua, puis Mello em Bekioum.
Alors survint la guerre de Poupou (49). Attaqus par les
Nzem, les Bakoul se dispersrent: les uns se sauvrent
vers Yokadouma, les autres vers Souank et Ouesso; nos
anctres se dirigrent vers le sud.
(49) Nous avons vu la LradiLion KoLa : les agresseurs son! les Bakoul,
el Poupou esl un chef Koul. Ici 1l0US 'n'ons une racLion en chane : les
llakoul, aLlaqus par les Nzem (pousss sans doule par les
Fang), s'enfuient en repoussant les BakoLa. Poupou, pour les Bakoul, ce
sonl les Nzem, ou un chef Nzem.
76 TRADITIONS ORALES ET ARCIIIVES AU GABON
Ils arrivrent une rivire o leurs sorciers tendirent
un pont de lianes; ils y passrent tous. Le premier village
ensuite fut Mellando, puis Bongou et Menigalogo, entre
les rivires Boul et Messah. Ils atteignirent alors le haut
Ivindo sur la rive gauche et le descendirent, d'abord avec
des radeaux et des perches, puis avec des pirogues imites
des mortiers de bois. Les villages successifs furent Kou-
toua, Borna Mitab, Bal, Bkwl Agnane, Sinasi.
Au dbut de la migration, il n'y avait personne dans le
pays, mme des Pygmes. Puis on se heurta aux Bakotn.
Le chef Mikwob, du clan Sadouka, mena lu guerre contre
eux. II fut tu par les Bichiwa. Les guerres se faisaient
la lance, au couteau de jet; l'arbalte ne s'employait que
pour la chasse aux singes. On luttait aussi contre les Fang,
et entre villages Bakoul.
Lors de l'arrive des Europens, les Bakoul s'ten-
daient jusqu' Mipemba. Ils remontrent ensuite le fleuve;
leurs principaux villages taient Bgl ( l'embouchure de
la Djaddi), Zomitanga, Tolomaya. Des postes militaires
furent crs Madzingo, Mvadhi, Zaza, Karabinzam, Ako-
gafem, Sakamatou. Des commerants vinrent du Congo;
la suite de vols, un poste militaire fut install l\lakokou ;
Il Y eut des troubles, suivis de rpression. Boye tait alors
adolescent; la guerre contre les Bakota avait lieu du temps
de son grand-pre.
Techniques
Culture : bananes, taro, igname, manioc, mas. Les for-
gerons tiraient le fer du sol. Les femmes fabriquaient des
poteries en terre cuite. Le feu provenait de la rotntion d'un
bois pointu dans un bois sec (dyil).
Pour vtement, on utilisait les peaux de btes et l'corce
battue. Le raphia vint des Bakota.
Les maisons taient primitivement en feuilles; ensuite
on utilisa l'corce et la paille.
Socit
Patrilinaire. Clans (mbia, ondakela) : Dabana, Sasib,
Ogsa, Owal, Obigih, Sazoub, Sagol, Baman, Sassio,
Sading, Damdakoul, Dambel, Saka, Sakida, Samakola,
Ogou, Dangela, Ozog, Owem, Dak, Sadouka, Dasangn,
Otan, Ogako. Clans exogames, chefs de clans; chefs de
village prenant de l'influence au-dessus des clans.
Dot : bracelets de fer, boules de fer, lances, matcheUes-
TRADITIONS ORALES 77
faucilles, petits couteaux, moutons, chiens. Le pre en
remet une petite partie l'oncle maternel.
Sanctions pnales: en cas d'adultre l'amant tait aLLa-
ch et gorg, moins qul ne ft rachet par deux pointes
d'lphant, un mouton, des lances, des faucilles; la femme
tait battue, aLLache, injurie et, en cas de rcidive, gra-
vement blesse. Le voleur pouvait tre racheL par ses
parents; en cas de rcidive, on l'gorgeait. Le meurtre
entranait la guerre.
L'amant et le voleur pouvaient tre rduits en esclavage.
II n'y avait pas de vente d'esclaves au dehors.
La grande famine de 1925 a libr les esclaves, qu'on ne
pouvait plus nourrir.
Commerce
Aucun avant l'arrive des Europens. On fabriquait le
sel vgtal avec de la cendre de roseaux, vapore dans une
marmite. On changeait l'ivoire contre des bracelets de
cuivre noir (gwoss) tir des mines locales et mlang de
fer. Plus tard on a fait des bracelets de laiton (myonda)
provenant de neptunes.
Le premier commerce portait sur l'ivoire et le caout-
chouc qu'on changeait contre les fusils, la poudre, le sel,
les pagnes, les matcheLLes, les marmites.
Religion
Chaque famille conservait les crnes (edim) des personnes
inOuentes, dans des paniers qu'on arrosait de sang de poulet
et d'ufs. On plaait auprs d'eux des ttes sculptes en
bois. Le tout tait mis la tte du lit pour donner des rves,
faire voir l'avenir, carter les malfaiteurs. Le culte de
Mademoiselle li a fait tout dtruire.
Funrailles : le cadavre tait plac debout contre le
contrefort d'un grand arbre, puis couvert de feuilles de
raphia et de lourdes branches pour viter les carnassiers.
La circoncision avait lieu vers 20 ans; c'tait une preuve
de virilit; souvent le patient tait pre de famille. Quand
il naissait des jumeaux de sexe diffrent, le garon tait
immdiatement circoncis, sinon la fille se fcherait; la
venue des jumeaux tait une bndiction.
Les jumelles, la diffrence des autres femmes, taient
admises dans les crmonies d'hommes; celles-ci taient
semblables au bouiti, avec un revenant couvert de
raphia; le Lois malado remplaait l'iboga; il tait plac
sont les
puis les
j'ai dit
78 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
dans une marmite propre; aprs avoir bu, les assistants
dansaient autour, voyaient d'autres pays, dnonaient les
malfaiteurs et les gens ayant de mauvaises intentions.
Le namiqwott tait un bull-roarer )} (planchette tour-
nant autour d'une corde) employ pour les danses de fun-
railles, que les femmes et les enfants ne devaient pas voir.
C'tait l'esprit des revenants.
Il n'y avait pas d'hommes-panthres, mais des hommes-
hiboux et des femmes-hiboux. Si quelqu'un mourait, on
faisait l'autopsie; on interrogeait le devin; si un organe
tait pourri, c'est qu'un sorcier l'avait mang. Le devin le
dnonait; si le sorcier ne pouvait payer, il tait enterr
ou brl.
Pourquoi ces questions? , demande un informateur.
Chaque chose a sa cause. Quel est le but?
CHIWA
Les Bichiwa, clbres dans l'histoire de l'exploration sous
le nom d'Osyba, occupent aujourd'hui quelques villages
aux environs de Bou et sur l'Ogou en aval.
Informateurs
A Bou : Wangi Bian Casimir, chef de canton, 56 ans,
village Atshombiale. - Ekoa Obame Joseph, 69 ans, mme
village. - Manzozo Alphonse, 60 ans, mme village. -
Makokou Pierre, 61 ans, village Liz - et six autres, plus
jeunes, des villages Atshombiale, Malar, Blme et Haute-
Rivire.
Nom et parents
Chiwa, singulier; Bichiwa, pluriel. - Signification :
la corne (explication : ils s'en servaient comme bote
mdicaments et comme instrument de musique).
Les Okand les appellent Osyba (dformation de Chiwa)
et les Europens Fang Makina.
Leurs parents linguistiques les plus proches
Ngoumba du Cameroun (rgion de Kribi),
Bakoul, puis les Fang (50). Makina )} signifie
(50) Bien entendu, ce sont les informateurs qui parlent. Les linguistes,
peut-tre faute d'une tude srieuse, font du chiva un dialecte fang; il Y
TRADITIONS ORALES 79
que en chiwa, koul et ngoumba, alors que les Fang
disent c( Mazouma .
Origines
Les anctres sont venus du nord. Attaqus par les Nzem
conduits par le conqurant Mkomba, ils se partagrent; les
uns descendirent le Ntem, ce sont les Ngoumba ; eux sui-
virent l'Ivindo et crrent le village de Mentchougu (Mako-
kou actuel). Ils descendirent le long des deux rives. Les
Fang venaient alors au long de la Ouah. Les Kota et les
Shak taient sur la haute Djidji (Dilo).
Les Bichiwa continurent leur route vers le sud. Certains
s'tablirent sur le Mvoung; d'autres arrivrent l'Ogou
et fondrent des villages autour de l'embouchure de
l'Ivindo : Mpouembi, Zou, Biangami Pa; ils occuprent
l'le de Ntoubi et Kankan, juste au connuent. Il y avait
des gens sur l'Ogou avant eux-mmes et avant les Shak.
Divers groupes pygmes (Begyeli, Babongo, Bethyu)
vivaient dans la fort et mme dans le pays des abeilles (51).
Descendant le long du grand neuve, le chef Mpami
Nanishi fonda le village de Nangashigi (nou actuel). La
chute s'appelait i\Ibou (ce qui clate) ; les Okand pronon-
aient Mobou, ce que les Europens ont crit Boou.
Il y avait alors des villages Chiwa depuis Bou jusqu'au-
del de l'embouchure de l'Ivindo. D'autres taient ins-
talls sur la rive sud, au pays des abeilles. Trois villages
s'entremlaient aux Okand. Puis les Danbomo sont arri-
vs, ensuite les Shak. Les Europens ont enlev les vil-
lages de l'embouchure de l'Ivindo, o installe
la SHO ; ils les ont transfrs Atshombiale.
Guerres
Ils en ont eu avec les Shak, les Bongom, les Okand
pour des questions de femmes, d'esclaves et de commerce.
Les Okand voulaient monopoliser le commerce et leur
prendre des esclaves. Les Bichiwa ont tir sur Marche et
lieu d'tudier la contribution Koul. J'ai enlendu soutenir l'opinion
que les Makina " taient des Bakoul qui auraient adopt un dialecte
Fang. Leurs traditions d'origine concident avec celles des Bakoul ; mais ils
semblent les avoir prcds puisque des Bakota purent s'iminuer entre eux.
(51) Le pays des abeilles" est situ entre l'Ogou, l'Orou el la Lolo. 11
est absolument vide d'hommes, el mme, dit-on, d'animaux de chasse. Une
petite mouche miel s'y est dveloppe en peuplements normes, se collant
dans les yeux el les narines de tout tre qui tente de pnlrer ceLLe forL.
C'est du moins ce qui nous a t affirm Bou.
80 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Compigne parce qu'ils taient guids par les Okand. Ils
mangeaient les prisonniers de guerre pour effrayer les
ennemis. Parfois clataient des guerres dans un mme vil-
lage; chaque clan avai t son corps de garde.
Les armes taient la sagaie, une courte matchelle, un
couteau de jet deux lames (nsili) et un bouclier en lianes.
Esclavage
Des gens pauvres, quillant leur famille, s'installaient
chez un homme riche, qui devenait leur matre; ce type
d'esclave n'tait pas vendu. Il en tait de mme du complice
d'adultre qui ne pouvait se racheter. Par contre le voleur
non rachet pouvait tre tu ou vendu. Le meurtre dclen-
chait la guerre. Les prisonniers de guerre, s'ils n'taient ni
rachets ni mangs, devenaient des escla ves vendre.
Les Bichiwa allaient chez les Okand, sous prtexte de
se promener, accompagns de leurs esclaves, et l ils les
vendaient. Un esclave tait chang contre le montant de
la dot d'une femme : cinq pagnes plus cinq sacs de sel,
ou bien cent neptunes dont ils faisaient des bracelets.
Techniques
Les forgerons tiraient le fer du sol et travaillaient le fer
et le cuivre. On taillait des masques en bois. Les femmes
modelaient des vases d'argile et en font encore. Ils ne
connaissaient que les radeaux jusqu'au jour o ils virent
des pirogues Okand; leurs premiers essais pour en faire
eux-mmes donnrent des formes bizarres (binyangui).
Les anctres chassaient les lphants avec un gros madrier
perc d'une sagaie et plac sur leur passage. Les Pygme!';
aidaient au ravitaillement en viande.
Les vtements taient faits d'corces d'une liane et d'un
arbre. A l'embouchure de l'Ivindo on tissait le raphia.
Les maisons, en corce, petites, formaient deux ranges
le long d'une avenue que coupaient les corps de garde
(jusqu' dix parfois). Les villages s'rigeaient en haut des
collines, avec une palissade autour.
Socit
Principaux clans : Bimbouma (Bou), Bira-Ngouembi,
Binli, Shantoung, Shanki, Binshwo, Bishanga, Bikwo,
Bitsingui, Shashouo, Bimw, Bikounda, Bion Kouendi,
Bintoubi, Bikoulembi, Binzmili, Binyambi, Shatshoun.
Les palabres entre les clans taient rgls en brousse,
TRADITIONS ORALES 81
entre les chefs accompagns de leurs guerriers. Si on n'ar-
rivait pas s'entendre, les deux camps en venaient imm-
diatement aux mains.
Parfois une mme arme groupait plusieurs clans; m::tis
il n'y av::tit pas de chef commun.
Certains clans s'tendaient sur plusieurs villages, avec un
territoire bien dlimit. Quand un village comportait plu-
sieurs clans, le territoire tait au village. La brousse, pour
la chasse, tait tous. De mme il n'y avait pas de droits
de pche.
Chaque anne on passait un nouveau dfrichement. On
ne revenait pas 11 l'ancien avant cinq ans.
Religion
Les os des anctres (biri) taient placs dans des paniers
d'corce. On mettait, ct, des figures de bois (tte ou
corps entier). On les oignait de poudre rouge et on leur
offrait des poules, des ufs, des moutons, des bananes,
de l'huile, de la graisse. Cela en diverses circonstances :
pour avoir des enfants, du poisson, une bonne chasse, pour
n'avoir pas de maladies, pour revenir sauf de la guerre.
Les gurisseurs soignaient avec des feuilles, du sang de
mouton, des ufs de poule.
l! y avait des sorciers (beguimba), notamment des vam-
pires sortant la nuit pour manger les gens. Des docleurs
en sorcellerie )) (nkan) savaient les voir en dormant. On
faisait l'autopsie de la victime. Le sorcier tait brl vif.
Le culte de Mademoiselle)), en 1900 (52), a fait jeter
l'eau les biri, dnonc les sorciers, interdit les anciennes
coutumes, dfendu de se soigner l' hpital.
Culture
Heures de la journe : 10 heures du matin : moun,
:2 heures aprs-midi : monvalambane, 6 heures du soir:
Kougou. C'taient les heures de garde.
Les mois n'avaient pas de nom; on complait. les jours
du commencement la fin de la lune; les annes commen-
aient au dbut de la saison sche.
La numration tait dcimale, avec des chiffres pour
1000 (sin), 5000 (ntosin), 50000 (ndo).
Les distances taient comptes d'une rivire il l'autre.
(52) Le cuIle e " Mademoiselle )l, import par un nakwl e Fouank,
condamnait la religion traditionnelle.
6
82 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
NOTE LIMINAIRE SUR LES FANG
Les Fang sont la pointe gabonaise de cet ensemble de
peuples, de langue et de culture sensiblement identiques,
qui ont envahi le Cameroun sud et que l'on dsigne gnra-
lement sous le nom, inexact mais courant, de Pangw ou
Pahouins. Pour la clart de l'expos, je distinguerai les
Pahouins du Cameroun (Ewondo, Eton, Boulou, etc... ) des
Fang du Gabon. Ceux-ci se divisent leur tour en quatre
grands groupes: Zamane au sud-est, Betsi au sud-ouest (ces
deux groupes ont t les tranchants du fer de lance, les
pionniers de l'invasion), Ndoumou et Va sur le plateau de
Wol-Ntem. Un cinquime groupe, les Okak, habite la
Guine espagnole.
Les traditions d'origine lointaine et de migration des
Fang sont sensiblement les mmes dans tous les groupes,
au moins pour les grandes lignes (le tronc d'arbre creus,
la rivire traverse sur un serpent) ; on trouve aussi, assez
rpandue, une explication Il rationalise de la distribution
des peuples pahouins (la lgende d'Afiri-Kara). J'ai expos
le tout, pour chaque groupe, les rptitions aussi bien que
les divergences pouvant constituer des lments d'apprcia-
tion critique. Quand, pour un mme groupe, j'ai rencontr
des contradictions selon les lieux o la tradition tait
recueillie, je les ai indiques. J'ai signal aussi, quand elles
ne portaient pas sur des dtails oiseux, les polmiques entre
diffrents informateurs dans un mme lieu, polmiques fr-
quentes chez les Fang ds que l'assistance tait nombreuse.
FANG ZAMANE
Les Fang Zamane occupent le district de Njol et une par-
tie du district de Bou (au nord de l 'Ogou), ainsi que
l'ouest du district de Makokou o ils ne dpassent pas
l'Ivindo.
Informateurs
1
0
Njol : Mengome Armand, pasteur, 60 ans. -
Ossema Paul, ancien moniteur, 66 ans. - Ango Jacques,
vangliste, 60 ans. - Dioba Edouard, ancien interprte,
75 ans. - Eko Marcel, crivain principal en retraite.
TRADITIONS ORALES 83
2 Boup- : Ndtom Adrien, commis d'administration,
55 ans, village Akigilam. - Mamven David, 58 ans, chef de
cnton, ex-adjudant, village Bisoubilam. - Ndong Paul,
61 ans, chef du village Nzafien. - Evoung Zacharie, chef du
village Koumanejong, 61 ans. - Ondo Hippolyte, village
Akigihm, 52 ans. - Ndong Bkal Daniel, ex-garde, vil-
lage Misoubilam, 56 ans. - Nangou Andr, chef de terre,
village Koumanajong, 51 ans - et dix ;:Iutres.
3 Makokou : Nz Thomas, dput (M. le dput Nz a
bien voulu, en outre, me servir d'interprte). - Engon
Adju, 71 ans, village Mayiga. - Zomo Oyone, 76 ans, vil-
lage Andok. - Maignier Fabien, chef de canton, 52 ans.
- Ndong Engo, 71 ans, village Ebieng. - Bengham Mba,
75 ans, village Amiar.
Nom et parents
Fang, singulier el pluriel. Ceux de Bau indiquent
Befang pour le pluriel. Fang voudrait dire : ceux qui
avancent (tradition de Bou).
Zamane (tradition de Makokou) tait l'an des Fang. Le
dieu crateur s'appelait Mvalbo ou Nzama, son fils an
Nzama ou Zamane. Nzam veut dire : quelque chose de trs
nourrissant (Makokou), ceux qui aiment la nourriture bien
cuite (Bou).
Belsi (de tsi : sauv) : ceux qui s'en vont sans dire au
revoir (trad. Njol et Bou). Les Mak proviennent d'un
mlange avec d'autres peuples. Ce nom est parfois donn
aux Zamane par les autres Fang.
Les dialectes Fang diffrent un peu entre eux, mais tous
se comprennent sans interprte. Avec les Bichiwa et les
Bakoul ils ne se comprennent pas ou difficilement.
Origines
1 Tradition de Njol : Ossema est le seul les prtendre
venus du lac Tchi . Ils venaient d'Adzombowa (Ondzam-
bowa, disent les Betsi) ; c'tait un arbre, au sommet d'un
plateau, qu'ils ont d percer pour passer. Ensuite la rivire
Yom (Nyong) a t franchie sur le dos d'un serpent. Les
~ f v l (53) les avaient chasss du nord et les Nzem les atta-
qurent en cours de route.
Ils arrivrent ainsi aux sources du Kom, puis du Ntem.
(53) Mvl signifJerait tranger et dsignerait les l3assa du Cameroun (tra-
dition e Njol).
84 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
L ils se sparrent. Les Betsi suivirent la rive droite de
l'Okano, les Okak le Wol; les Ntoumou s'tablirent sur
la Ny. Les Zamane marchrent entre l'Okano et le
Mvoung; ils vitrent l'embouchure de l'Ivindo, occupe
par les Chiwa, puis ils se rpandirent sur la rive nord de
l'Ogou, traversrent l'Okano et l'Abanga, poussrent jUs-
qu'au lac Azingo.
Avant eux, dans la rgion de Njol, il y avait des Akl,
des Bakota. Les Fang, habitus la guerre entre eux, trs
nombreux, arrivaient en outre prcds d'une rputation
de cannibales. Les Akl se rfugirent sur la rive sud. Mais,
dans la rgion de Sam Kita, les Fang russirent passer
l'Ogou en radeau. Les Akl migrrent sur la basse
Ngouni.
2
0
Tradition de Bou : les Fang ont t chasss du
nord (54) et ont pass le Dja. L'arbre Adzombogha faisait
obstacle. Ils ont eu recours aux Bthyu (Pygmes) qui leur
prtrent des ciseaux de fer; ils creusrent un trou dans
l'arbre et tous passrent. Ils tablirent l un grand village
qu'ils appelrent Adzambogha. Les anctres moururent.
Les jeunes dirent: Partons, sinon nous aurons la guerre.
Les Pygmes montraient la route. Les Boulou, trs fatigus,
sont retourns sur leurs pas (Boulou : qui retourne).
Le deuxime village s'appelait Enmyollng (o l'on pro-
tge les vieux). Ils s'taient enfuis du nord nus et sans
outils. L ils commencrent s'habiller de peaux de pan-
thre, forger le fer, fabriquer le sel avec les cendres
d'une plante aquatique (envong).
Tous les vieux moururent. Les jeunes partirent. Aux
sources du Ntem, les Ntoumou prirent l'ouest (Ntoumou :
ceux qui ont tourn le dos). A Ndonkoul, les Betsi les
abandonnrent. Les Zamane arrivrent Akok Afeng (le
gros rocher). On leur dit : il y a des blancs, l-bas, sur
l'Ogou; ils ont tout: le sel, les marmites, les armes; il
faut se rapprocher d'eux .
Sur l'Ayina (haut Ivindo) ils entrrent en lutte avec les
Nzem qui, comme eux, chassaient l'lphant. Les Bichiwa
les avaient prcds. Les Zamane, par la Nsy et la Nouna,
atteignirent la rive droite de l'Ivindo qu'ils longrent. Ils
fondrent des villages sur le Ouah (Ognimembame,
Mabouba, Mandaba, Iboalakounou) et sur le Mvoting
(54) Par les Arabes ", disent les gens qui ont t l'cole. La tradition
authentique ignore naturellement les arabes autant que les eskimo.
TRADITIONS ORALES 85
(Angouma, Nza). Les clans se sparrent, les uns allrent
sur Makokou, les autres sur Bou, les autres sur Njol,
Lambarn et jusqu' la cte.
3 Tradition de Malwhou : Nzama l\1velbo habitait le vil-
lage Koursi (lieu sec). Vivaient avec lui ses fils Kara Koba,
Kobata, Mon Nzokmlo Ekakw, plus trois Pygmes :
Ekour, Mendm, Mbo Mavol Ngume. Kara Koba donna
naissance Afiri-Kara, dont les fils sont l'origine des dif-
frents rameaux pahouins: Fang, Boulou Afiri, Ngu Afiri,
Ntoumou Afiri (55).
Un peuple peau un peu claire leur fit la guerre pour
avoir des esclaves. Ils partirent pour rencontrer l'endroit
o le soleil se couche. Arrivs Odzamboha ils trouvrent
un arbre gant. Les trois Pygmes creusrent l'arbre et
tous purent passer.
Ils arrivrent Essoma, sur une rivire; ils pchrent,
chassrent, firent des cultures. Puis ils crrent le village
de Dzang. Mais il y eut beaucoup de morts; les tombes
s'ouvraient par suite des grandes pluies; il fallut aller plus
loin.
Alors ils parvinrent au bord du fleuve Nlong (Nyong),
Grce la magie Evam, projete par la crmonie Ngoul,
un serpent s'tendit d'une rive l'autre; ils passrent des-
sus. Les poursuivants enfoncrent par mgarde une sagaie
dans le serpent qui se replia; ils furent noys,
Dans les pays suivants les Ewondo et les Boulou s'ins-
tallrent. Les Ntoumou leur tour s'arrtrent. Les Zamane
avaient appris l'existence des Europens avec leurs mar-
chandises; ils se htaient pour les rejoindre. Sur le Dja
ils rencontrrent les Bichiwa et les Bakoul (dont le pre
s'appelait Ekakweng) ; ils en furent chasss par les Nzem,
au cours d'une guerre appele Obane. C'est ainsi qu'ils
se dirigrent vers le sud, par le Benvoula et la Nouna
(afOuents de droite de l'Ivindo), la rencontre des Euro-
pens.
Chronologie
Tous les Fang savent rciter leur gnalogie de fils en
pre, en remontant au plus loin anctre, Mais aucun fait
historique ou lgendaire n'est rattach ces noms (56),
55. Par celle phrase s'insinue (discrlemenl vrai dire) dans le rl\cil lra
dilionnel la lgende d AliriKara donl nous reparlerons page DI.
56. J'ai oblenu quelques correspondances; on les lrouvera leur place.
86 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Zomo Oyone donne 22 noms avant d'arriver Nzamane,
le grand anctre, fils de Dieu (5).
Les dates rcentes sont plus faciles connatre. Le grand-
pre de Zomo Engone habitait encore sur l'Ana (haut
Ivindo), Engon Adzu connaissait dj les femmes quand
il est arriv Makokou, il avait pass sa jeunesse sur le
Ouah o se trouvaient alors des Bichiwa (58).
Quant l'arrive des Zamane sur l'Ogou, la tradition
de Njol la fixe aux environs de 1860.
Histoire rcente
1
0
Histoire de Njol : Les pres des informateurs taient
jeunes lors de l'arrive Njol. Les Betsi sont venus aprs
eux. On traversait encore le fleuve par radeaux; le mot
waro (pirogue) a t emprunt aux I\Iyn.
Les premiers Europens ont t les Allemands (Hermann,
probablement la maison Woermann) et les Anglais. Brazza
tablit un poste sur l'le Talagouga. Il y avait une femme
adouma que Brazza appelait jolie n. D'o le nom de Njol.
Un informateur dit que c'tait le nom d'un chef Kota; un
autre croit que c'tait une rivire. L'administration s'y
tablit, puis la mission protestante amricaine avec le pas:
teur Nassau.
En 1902 on tablit des dports poli tiques dans l'le de
Njol, appele auparavant Tsanga (il y a discussion sur ce
point) et habite jusque-l par les Bakota. Ces dports
portaient de longues robes. On les appelait Dahouma (Daho-
mens) ou Alamo (Arabes). Parmi eux, Samory. Ils n'taient
pas enferms et passaient mme la rivire pour faire leur
march sur la rive nord, o les habitants de l'He avaient
t transports et qui est devenue la ville de Njol. L'le a
t abandonne; Samory y est enterr dans la fort de
bambous.
La SHO s'est installe ici. Un chef Fang, Manitoula, vou-
Mais ce fut. avec effort., hsit.at.ions et, visiblement, pour me faire plaisir. Il
faut donc rester circonspect l'gard de toute chronologie dduite de bases
aussi douteuses.
(57) Ce qui, en comptant vingt vingtcinq ans par gnrations, plus
l'ge e Zomo Oyone, ferait en viron cinq six sicles.
58. En supposant qu'il s'agisse de la grande migration d'ensemble, cela
mellrait les Zamane sur l'Aina vers 1840 el leur arrive Makoukou vers
1905. Celle dernire date, au moins, parat bien rcente: il esl possible que
celle famille soil resle en arrire. Nous savons, pal' exemple, que l'occupa-
tion de J'Esluaire par des Fang s'esl effectue en une cinquanlaine d'annes,
les premiers pionniers venanl ller le lerrain bien avanl que le gros de la
population ne s'aventure.
TRADITIONS ORALES 87
lut empcher les commerants de remonter l'Ogou, pour
rserver le trafic Njol. Il fut dport Grand Bassam avec
son fils Toulimane. Celui-ci revint en 1915, essaya de pr-
cher l'Islam et choua.
2 Histoire des Fang de Bou : Ils trouvrent les Bichiwa
sur place et leur firent la guerre. La SHO tait dj l. Des
postes furent installs Collioura (Ovan) et Flafieng (sur
la Djidji). Les Fang achetaient la poudre et les fusils contre
l'ivoire et le caoutchouc. Comme ils attaquaient les convois
de pirogues, les chefs de poste leur confisquren t les fusils.
3 Histoire de Makokou : La rencontre avec le premier
Europen (( Nagnakomane ) eut lieu sur la Nouna et la
Bemvoula. Les Fang parvinrent Barmanian (lproserie
actuelle de Makokou) o ils trouvrent le premier comptoir
commercial et purent acheter du sel et des tissus.
Il y avait, tout auprs, un petit village Chiwa appel
Mekok. Le capitaine Fabinet, surnomm Okon-Ngy
(l'homme-gorille) y tablit le poste qu'il appela Makokou.
Les chefs Fang furent dsigns par les militaires. Ensuite
ils rencontrrent les Bakota de l'autre ct du fleuve. Les
Bichiwa s'en allrent. Ceux qui restrent se dirent Fang.
Guerres
Il Y avait des guerres frquentes avec les peuples voisins
et entre Fang eux-mmes, pour conqurir un territoire;
prendre des femmes, piller des marchandises. A l'origine
les clans vivaient spars en villages distincts; puis il y eut
des mlanges. Chaque village comptait autant de corps de
garde que de grandes familles; il tait entour de barrires
de bambous.
L'armement consistait en sagaies, arbaltes (on les uti-
lise encore pour la chasse), coutelas (onzil), arc avec flches
empoisonnes l'in (strophantus). Autrefois l'ennemi
tait prvenu de l'attaque. Aprs l'apparition des fusils, on
usa de la surprise.
On ne mangeait les prisonniers que dans les grandes
occasions, pour punir des adversaires trop mchants et
surtout pour effrayer les ennemis. Les femmes taient par-
gnes; il arrivait qu'elles sparassent les combattants, ame-
nant ainsi un armistice. La paix s'achetait par les compen-
sations habituelles; la ranon des prisonniers en surnombre
tait paye en femmes. Les pourparlers pour la paix avaient
lieu dans un village si la querelle avait eu lieu entre Fang.
S'il s'tait agi d'une guerre avec les voisins (Shak, Ban-
88 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GADON
gom, Okand, Bichiwa, Bakoul), deux anctres se ren-
contraient en pleine brousse, enterraient des talismans et
prtaient serment au-dessus. (Traditions Bou et Makokou.)
Techniques
La premire ressource fut l'igname sauvage, puis le
mas. Le manioc et la banane douee ont t trouvs au
Cameroun, avec les Pygmes. Le taro serait rcent. Noms
de plantes: foun (mas), amoum (patate), minz (pinard),
folou (espce de lgume), nzon (aubergine), atora (banane
douce), adji (banane cuire), isnng (igname sauvage). Le
cur du raphia et ses fruits taient une ressource accessoire.
(Ces indications ont t donnes Njol et Bou.)
Les forgerons utilisaient des cailloux du sol et creusaient
un trou pour la fonte, avec un soufflet double. Ils utili-
saient aussi le cuivre natif (ngou) et l'or (Koung). Le feu
tait produit par le frottement de deux pierres. On frabri-
quait des poteries en terre cuite.
Les vtements, trs restreints, taient en peaux, puis en
corce (itera). Des Bichiwa et des Bakota on apprit faire
les pagnes de raphia; des Bakoul et des Okand la fabri-
cation des pirogues. Les maisons taient en corce, sur deux
ranges avec une alle centrale contenant les corps de garde.
L'ivoire tait la richesse des Fang. La dot se donnait
en pointes d'ivoire et en objets de fer. II y avait des brace-
lets d'ivoire. Le sel tait extrait des plantes. Puis vint le
sel du commerce, chang, ainsi que les pagnes, contre
l'ivoire et le caoutchouc.
Socit
Patrilinaire. Le clan (ayong) est exogame, avec hospita-
lit et secours obligatoire, et avec des interdits particuliers
(certains oiseaux, panthres, chimpanzs, gorilles). Dans
chaque village chaque clan avait son chef qui jugeait les
palabres. Les clans taient amis ou ennemis, les alliances
se nouaient par changes matrimoniaux; des guerres
avaient souvent pour conclusion de telles alliances. Dans le
cas de contestation entre clans, des arbitres taient choisis
dans des clans neutres parmi les gens rputs pour leur
puissance et leur sagesse. En cas de guerre intressant tout
un village, ces clans choisissaient un chef temporaire pour
les oprations.
On retrouve les mmes clans chez tous les Fang et aussi
parfois chez les peuples voisins. Ils se reconnaissent, bien
TRADITIONS ORALES 89
que les noms diffrent. Ainsi aux Eshizou (Zamane) cor-
respondent les Yonglol (Betsi), les Nkodz (Ntoumou), les
Yovol (Cameroun), les Ebitam (Chiwa), les Ebiveng (sur
les lacs), les Evon (un peu partout). Ces parents claniques
facilitent beaucoup les dplacements des Fang.
Les sanctions sociales taient svres. Le complice d'adul-
tre pouvait tre gorg, de mme la femme si elle rcidi-
vait; on se contentait parfois de lui couper la vulve ou
les oreilles. Le voleur pouvait tre rachet par sa famille
sinon on l'gorgeait. L'assassinat dclenchait la bagarre
entre clans, suivie de compensations et d'un banquet de
rconciliation. L'adultre pouvait aussi se rsoudre par la
remise aux offenss de l'amant ou de membres de sa
famille. S'ils se conduisaient bien ils taient incorpors
la famille du matre; s'ils se sauvaient, c'tait la guerre.
Les Fang ne vendaient pas d'esclaves. Certains clans pos-
sdaient autrefois des Pygmes (Bthyu) qui ont disparu.
On se mariait entre clans Fang, et, plus rcemment, avec
les autres peuples, sauf ceux ayant un systme matrilinaire
cause de l'aLLribution des enfants.
Le chef de clan tait choisi parmi les hommes influents,
hospitaliers, riches (ayant beaucoup de femmes, de mou-
tons, d'enfants), connaissant la coutume, sachant rgler les
palabres et connus comme courageux.
Les territoires des villages taient dlimits par des arbres
fruitiers; les droits de pche taient aussi prciss. Dans
chaque teritoire avait lieu une rpartition par famille. Si
un village se dplaait (gnralement pour cause de mala-
die), le territoire restait sa proprit. Nul ne pouvait s'y
installer sans l'autorisation des anciens habitants, sinon
c'tait la guerre.
Religion.
Le nom complet du Dieu crateur est Nzama Mambeng
Sikoum Mba Ngu (tradition Bou). Mais le culte essentiel
tait celui des Biri, c'est--dire des ossements d'anctres.
Chaque famille conservait ainsi quelques os des hommes
importants, surtout le crne. Ces os taient mis dans des
corbeilles et placs dans un coin sombre de la maison ou
dans une petite case spciale. On les priait en les oignant de
poudre rouge ou jaune et d'huile, et l'on excutait des
danses avec des masques spciaux. Parfois des statueLLes
sculptes taient places auprs des Biri. Pour le dpart
la guerre, on priait un ancien guerrier clbre; pour
90 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
faire du commerce, un ancien homme riche. Tout cela
a t dtruit. Depuis, disent le gens de Bou, l'autorit
a disparu et les femmes n'ont plus d'enfants.
FANG NTOUMOU
Les Ntoumou occupent la plus grande partie du plateau
de Wol-Ntem (district de Mitzic, Oyem, Bitam) et l'est de
la Guine espagnole.
Informateurs
1 A Mitzic : Mbone Missang Paul, prsident du tribunal
du 1"r degr, 74 ans. - Kouba Missem Jean, chef de canton,
62 ans. - Bdl Bona, assesseur au tribunal, 60 ans. -
End Mbira, notable, 61 ans. - Oyono Mathieu, chef de
canton, 42 ans. - Nkogho Mv Mose, instituteur, 40 ans
(M. Nkogho Mv m'a permis en outre de consulter son
manuscri t Histoire de la fondation de Mitzic ).
2 A Oyem : Mendame Ndong Manfred, 60 ans, ancien
dput, ancien chef suprieur (M. Mendame Ndong avait
t envoy par les Allemands l'cole des fils de chefs
Berlin o il sjourna de 1912 1919 ; parle allemand, fran-
ais et anglais, fils du chef suprieur Ndong Mabane dont
il hrita le commandement). - Elebiane Calixte, ancien
combattant 14-18, 70 ans. - Bkl Bengoungo David,
assesseur au tribunal, chef de village, 59 ans. - My
Antoine, commis d'administration, 57 ans. - Guma Mba,
assesseur au tribunal, chef du village Quakam, 56 ans.
3 A Bitam : Obiang Beyem, 71 ans, village Bitam. ~
Mv-Z Joseph, village Ozakong, 66 ans. - Ondo Lon,
61 ans, chef de quartier Bitam. - Abosolo Abagh, 56 ans,
village Okomo. Une premire sance avait rassembl plus
de vingt vieillards, dans une atmosphre de runion
publique agite; je n'ai pu prendre leurs noms. Une
deuxime sance, le lendemain, a runi les quatre personnes
ci-dessus indiques. Je distinguerai en cas de divergence :
Bitam 1 WO srie) et Bitam 2 (2
C
srie).
Nom et parents
Fang, singulier; Befang, pluriel. Ntoumou : nom du
bton port par le chef quand il juge les palabres (Bitam 1
et Mitzic).
TRADITIONS ORALES 91
Accents diffrents, mais aucune difficult comprendre
les autres Fang et les Pahouins du Cameroun.
Origines
1 Tradition Mitzic : Les anctres sont venus du nord
(Okui), chasss par les Mvl. Us rencontrrent une valle
profonde bouche par l'arbre beurre (adzap). Un chef
Fang, Nkuing, l'attaqua l'herminette (ngouak), le pera
et tout le monde traversa. Un notable resLa l et forgea des
lances pour empcher les ennemis de passer; ceux-ci,
dcourags, revinrent en arrire. Cet endroit s'appelle
Odzam bora, il se trouve au nord-est.
Ensuite les Fang firent des plantations. Ils se divisrent
en Ntoumou, Zamane, Okak, Mkeing (ceux qui sont alls
sur l'Ogou et qui se sont mlangs aux Bilop, c'est--dire
aux gens qui ne parlent pas Fang).
Avant eux, dans la rgion de Mitzic, il y avait des Bin-
gom (Bongom, Akl) qui se sont replis vers le sud, et
des Bethyu (Pygmes). Les Bethyu ont march avec les
Fang, ils ont creus l'arbre.
2 Tradition Oyem : Les anctres habitaient une plaine
sans fort. Les villages s'appelaient Otalong, Mesep, Akwa-
bouha. Attaqus par les Mvl, les Fang prirent un sentier
entre le ravin et la montagne. Un grand arbre adzap bou-
chait le passage, ils le percrent, d'o le nom d'Adzamboha
donn ce lieu (Adzap, et mboga : porte). Les Pygmes
(Bthyu) les guidaient, les Bingoun marchaient avec eux.
Dans le pays o ils arrivrent habitaient les Kola, les
Benna, les Nyamedougou, les Eton. Leur roi s'appelait
Afiri-Kara (59). Le pre des anctres s'appelait Bti; son
premier fils Ton-Bti (anctre des Eton), le deuxime Zam
(59) Lgende d'Afiri-Kara. Mendame Ndonf( proteste vivement contre celle
allusion Al1ri-Kara : li n'y avait pas de roi, dit-il. C'est une histoire
invente par les Boulou. " Nous l'avons rencontre, dj, dans la tradition
de Makokou et nous la retrouverons Bitam. Al1ri-Kara y est prsent
comme l'anctre de lou& les Pahouins; il joue le rle que la tradition
d 'Oyem allribue Bti.
CeUe lgende parat des plus suspecte:
1 elle dcle un esprit de systme consislant rallacher tous les Pahouins,
ceux du Cameroun comme les Fang, un mme anctre et expliquer la
formation des diffrents groupes par l'existence d'un nombre de ms corres-
pondant;
2 le rapprochement (qui nous a t expos Makokou) entre Al1ri-Kara
et Afrika indique videmment une origine scolaire rcente; on pourrait
presque ell dduire que le nom d'Al1ri-Kara a t forg exprs.
A Minvoul, M. Ekoga m'a montr une brochure d'une soixantaine de
pages, inlitule Dulu Bon Be Afrikara " et parue la mission presbyt-
rienne d'Ebolowa (donc en pays Boulou). L'exemplaire que j'ai vu tait de
92 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Bti (Zamane), le troisime Owono Bti (Ewondo), le qua-
trime Mboulou Bti (Boulou), le cinquime Fanga Bli
(Fang Betsi), le sixime Ntoum Bti (Ntoumou). Quand Bti
fut vieux et aveugle, son derniers fils le conduisait avec
un bton (ntoum), d'o le nom qui lui fut donn.
Les Fang, poursuivis par les arrivrent au fleuve
Mlong (Nyong). Le chef Osell Bevouhou fit un miracle:
un grand serpent (( ou une forme semblable ) servit de
pont, qui se cassa l'arrive des ennemis.
Une guerre appele Obane clata entre les Fang. Les
Ntoumou passrent le Ntem et s'installrent ici.
3 Bitam 1 : Vivaient au nord, dans la savane, avec les
autres races, dans le village Bil-bilou-malloumwouss. On
y cultivait le nza (mil) et le moutou (mas). Le chef mvl,
Onda-Abora leur fit la guerre. Mvl veut dire mchant;
ce sont les Bassa.
Arbre Odzamboha. Rivire et serpent (fleuve Nlong).
Puis il y eut une brouille entre les Fang et une guerre
avec les Boulou. Ils se sont disperss en se tournant le
dos . Ils sont arrivs ici o il n'y avait personne. Seuls les
Bethyu les accompagnaient.
4 Bitam 2 : Obiang Beyem raconte l'histoire d' Afiri-
Moro (c'est celle d'Afiri-Kara) avec ses six nIs, la savane
originelle, la poursuite par les Mvl, l'arbre Adzap trouv
Odzamboha, la rivire traverse sur le serpent. L'anctre
est mort Odzamboha en recommandant de conserver son
crne pour protger sa descendance.
Chronologie
Mitzic : Oyono remonte 19 gnrations jusqu' Ango
Angw, qui aurait dj vcu dans le
Oyem : Mendame Ndong donne 15 anctres, 5 depuis
l'installation au Wol-Ntem.
Bitam 1 : 14 gnrations, 5 depuis l'installation au
Wol-Ntem.
Bitam 2 : Obiang Beyem connat seulement 7 gnra-
tions; il y en a eu 4 depuis l'arrive ici. Bitam l donne
14 gnrations depuis Odzamboha, 5 depuis l'arrive
ici (60).
1954, mais le lexIe a t rdig en 1948 par Ondua Angut". Celle brochure,
crite en Fang, n di'! avoir une grande diffusion. Elle pourrait tre il l'ori-
gine de celle lgende " moderniste ". D'aprs M. Ekoga, Afiri signifierait
pre" en ewondo, et Kara crabe" en fang.
(GO)La chronologie d'Oyem, qui est celle de chefs et bien connue, parait
TRADITIONS ORALES 93
Histoire rcente
1
0
Oycm : Avant l'arrive des Europens, un trafic, res-
treint et difficile, se pratiquait travers le pays Boulou;
des colporteurs batanga apportaient des marchandises pro-
venant des comptoirs allemands (djaman) de Kribi. Puis le
commerant allemand Schneider vint s'installer Oyem;
en change du caoutchouc il vendait des colliers, perles,
sel, pagnes papo , matchettes, fusils pierre, poudre,
limes, haches, pelles.
Les Franais, en 1903 chassrent Schneider. Le colonel
Weber, venant de Cocobeach, arriva avec des troupes sn-
galaises. JI y eut des coups de fusil et d'arbaltes. Le pre
de Mendame, chef de tribu, cda Weber le village de
Keng-Akok o il installa le poste d'Oyem (nom d'une espce
d'arbre qui sert empoisonner les poissons). Des postes
furent tablis Bitam, Minvoul, Minkb et Nzork. Les
commerants franais s'tablirent : SHO et Cie Sanga-
Oubangui.
En 1912 les Allemands, avec le hauptman Heidecke,
remplacrent les Franais; il Y eut beaucoup de colonnes
militaires et de gens pendus. En 1914, sous le commande-
ment du hauptman Liebe, les Franais attaqurent par le
sud. Aprs la bataille de Minbang, les Allemands reculrent
sur Oyem, puis nilam et le Cameroun.
Aprs la guerre, ce fut la grippe. Puis la grande famine
de 1924-25 (Zgne : la famine); pendant deux ans les
plantes crevrent; la famine fit plus de morts qu'une
grande guerre.
Les informateurs donnent la liste des commandants .
Avant la grande famine, le capitaine Baffali avait commenc
faire planter le cacao. En 1940 eut lieu la bagarre entre
Franais . Les gaullistes venaient de Yaound; le capi-
taine Diot occupa Oyem sans combat. La rcolte du caout-
chouc, peu rmunratrice, devint obligatoire. Puis vint le
temps des lections qui se firent sans histoires .
2
0
BiLam : Les marchandises venaient par la Guine espa-
gnole : sel, poudre, matchettes, contre du btail, des poules.
Les Ntoumou achetaient aux Okak qui achetaient aux Euro-
pens de Bata ou de Cocobeach. Les fusils s'obtenaient par
parliculiremenl valable. Elle est du l'es le sensiblement confirme par les
lrois suivanl.es pour l'arrive au Wol Nl.em (les gnral.ions se compl.ent en
remontant depuis Je rcilant jusqu'au plus loin anctre). Les Ntoumou se
seraient installs sur leur emplacement acluel vers la fin du XVIIIe sicle.
94 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
mariage: une fille contre un fusil au dbut, ensuite contre
10 ou 20 fusils.
Les premiers Europens taient des missionnaires venus
de Guine espagnole. Puis vinrent les Franais, Embondo
(( le brave ll) et le sergent Fourrire n. Les commerants
allemands apportaient beaucoup de marchandises. Ensuite
ce furent la guerre, la grande famine, le recrutement admi-
nistratif pour les chantiers forestiers de la basse cte (60 par-
taient, il en revenait 2), d'o des dparts vers la Guine
espagnole et le Cameroun. Le capitaine Raffali avait fait
planter le cacao aprs la guerre, mais c'est en 1928 que les
administrateurs commencrent la distribution de plants
sur une grande chelle.
3
0
Mitzic : Nos pres recherchaient le biom (marchan-
dises). Le fer de sagaie (bekoala) servait de monnaie. On
partait en caravanes pour les comptoirs de Njol. Puis un
commerant franais vint ici; les allemands s'arrtrent
Oyem.
Guerres
Armement sagaies, couteaux, arbaltes, arcs et flches.
Un grand bouclier de peau tait tenu par le guerrier qui
venait en tte. Il y avait un chant de guerre (atsini : pous-
se) et un chant de victoire, tous deux trs brefs.
Deux sortes de guerres: 1
0
Les simples bagarres l'in-
trieur d'un village, d'un clan, pour adultre ou meurtre;
deux ou trois hommes de la famille outrage allaient tuer
un homme de la famille du coupable ou de la femme
ndultre.
2
0
Les grandes guerres entre deux villages ou entre clans.
Le chef de clan choisissait les guerriers les plus forts et
consultait les reliques des anctres. Un mdicament,
compos des corces de trois arbres, tait jet sur le guer-
rier; selon qu'il tombait terre ou qu'il s'accrochait,
1'homme tait bon pour le service ou non (Bitam 2). La
troupe allait, la nuit, cerner le village ennemi et l'enva-
hissait l'aube. On pargnait les femmes et les enfants.
Les prisonniers n'taient pas mangs, mais rachets par
leurs parents. La paix se concluait par l'intermdiaire d'un
chef du clan neutre. La compensation de l'excdent des
morts se payait en femmes. D'o mariages mixtes et, sou-
vent, alliance conclue devant les anctres.
TRADITIONS ORALES 95
Techniques et conomie
Les premiers anctres ne connaissaient que le mas, le
mil, les pistaches de terre, le ndo (espce de fruit), le ndok
(mangue sauvage) et les courges. Le manioc, les bananes
et l'ananas sont venus ensuite, une poque lointaine (tra-
dition d'Oyem). L'outil de culture tait une matchette
courte deux lames.
Les chasseurs utilisaient l'arc, les flches, l'arbalte
(mban), les sagaies. C'est seulement depuis trois gnra-
tions qu'on chasse au filet avec des chiens (trad. Oyem).
Depuis la mme poque on fait des pirogues; auparavant
on passait les rivires en radeau. Pche au barrage et la
nasse.
Le feu tait produit par rotation d'un bois sec (okon) sur
un autre, ou par le choc de deux pierres. Le minerai de
fer tait extrait du sol, travaill dans un four enterr
(nkom). Le mtal tait ensuite port au forgeron qui en
faisait des haches (ovong), des couteaux, des herminettes
(ngakak), des houes, des sagaies. Il fabriquait aussi, en
partant de fils de cuivre imports, des bracelets de cuivre
trs lourds que les femmes portaient aux bras et aux che-
villes. Le forgeron appartenait au clan et tait souvent
riche. Son mtier n'tait pas fatalement hrditaire. Les
femmes modelaient des marmites en terre; on utilisait aussi
les calebasses. Le sel provenait des cendres d'un arbre
(zam).
Les vtements taient un pagne d'corce (andom), deux
carrs d'corce pour les femmes. Les anciens portaient des
peaux. Du temps des parents des informateurs apparurent
les pagnes de raphia. Les pagnes en toffe vinrent vers 1900,
apports du Cameroun Oyem, de Njol Mitzic. Vers 1910
on les changeait rgulirement contre du caoutchouc. Ds
1912 on vit les chefs porter des vtements europens, qui
se gnralisrent vers 1935.
Les maisons taient petites, en corce et en paille, avec
un corps de garde par famille. Le village tait entour
d'une clture (akak) en bois (asan).
La terre tait divise entre les clans et les familles, mme
pour la chasse.
La monnaie intrieure consistait en bibvl, fers plats
point.us aux deux bouts, runis par des lianes en paquets
de 10, de 100 et de 1 000. Mille faisaient une dot. Il en
existait trois qualits : ordinaire, sagaies, houes. Ceci ser-
96 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
vait au commerce local courte distance. Au temps des
grands-pres il n 'y avait pas de commerce longue dis-
tance, pas de fusils, pas de circulation. Il tait impossible
de se dplacer sous peine de mort (Bitam 2).
Socit
Patrilinaire. Chacun porte son nom et le nom de son
pre. Les gnalogies sont apprises et rcites de fils en
pre. L'enfant n'appartient au pre que s'il a pay la dot,
sinon la famille de la mre. Le pre qui marie sa fille
reoit la dot qui lui permet d'acqurir son tour une femme
pour son fils. Le tiers de la dot va cependant la famille
maternelle (Mitzic). La famille s'appelle nda-bot (case-per-
sonne).
Les clans (ayong) sont nombreux. Chacun avait un chef
(miname); il Y avait aussi des chefs de village (midza).
Ces fonctions n'taient hrditaires que si le dfunt avait
un fils jug digne de l'emploi; sinon les anciens choisis-
saient un homme capable; parfois on suivait l'avis du chef
dfunt. Le nouveau chef tait intronis au cours des fun-
railles de son prdcesseur dont on lui remettait les reliques
et le chasse-mouches.
Pas d'interdit de clans. Tous les Ntoumou devaient
s'abstenir de manger l'antilope So avant d'avoir reu trois
incisions verticales sur la nuque (beaucoup d'hommes por-
tent encore celle marque). Les femmes devaient s'abstenir
de consommer des animaux griffes et le poisson silure,
Il par respect pour l'homme )l. Le tatouage frontal se ren-
contre encore aujourd'hui,
On tait circoncis n'importe quel ge, mais il tait
honteux de ne pas l'tre: on ne pouvait prendre part aux
palabres ni avoir d'enfants.
Il n'y avait pas d'esclaves. Les prisonniers de guerre et
les criminels taient gards avec les pieds passs dans un
morceau de bois, en attendant que leurs familles vinssent
les racheter, En cas de non rachat on pouvait les vendre
l'extrieur : autrefois les Portugais venaien t jusqu'ici en
acheter (Oyem) ; on les vendait Njol et on donnait des
femmes en mariage aux Galoa (Mitzic). Il n'y avait pas
de relations commerciales avec les Mpongou.
Religion et magie
Mebeghe (ou Mabagha) cra le monde, On ne lui rendait
L'auteur devant la case du Bouili Mimongo
entre les informateurs milshogo (en pagne) et shimba
L'abb Walker en 1961
TRADITIONS ORALES 97
pas de culte. A lui taient associs Zama, son fils (ou son
pre) et Nkouaji, son petit-fils.
Le Malane tait la puissance des anctres, le culte es
Bieri. Ceux-ci consistaient en reliques de personnages
importants: crne, fmur, os de l'avant-bras; le tout plac
dans une corbeille cylindrique et accompagn de statues de
bois. Les Bieri taient enduits d'huile de raphia et de
poudre de bois rouge. Ils taient placs dans une case
part et gards par le chef de famille. Pour partir en guerre,
en chasse, pour avoir des vivres ou des enfants, on offrait
au Bieri des sacrifices de moutons, de cabris et de poules.
Les missions ont lutt contre ce culte, puis la religion de
Mademoiselle, vers 1957 a fait jeter l'eau ou brler tous
les Bieri.
Il existait plusieurs socits secrtes avec initiation :
;Vlalane, Ngui, And pour les hommes, Mevoung pour les
femmes.
Les devins-gurisseurs recevaient une initiation spciale.
Ils portaient avec eux une cloche qui les aidait prvoir
(notamment les guerres) et une corne pleine de mdica-
ments. Ils savaient soigner les blesss et retirer les balles.
Les sorciers (ngouel, ngbo) jetaient des mauvais sorts de
diverses manires, par exemple en lanant des pines de
porc-pie, des moustaches de panthre. Les bayem taient
des vampires qui, la nuit, devenaient chaU\'e-souris et s'in-
trouisaient dans les corps des gens endormis pour les tuer.
Le mot evou dsigne la chauve-souris vampire et le viscre
que l'on trouvait dans le corps l'autopsie. Le docLeur
faisait alors passer les gens au-dessus d'un ftiche ; le
coupable mourait (GI).
Culture
La littrature orale, trs riche, comprend ivers genres:
le Mvet (accompagn par l'instrument de ce nom, un grand
pluriarc calebasse) est une vaste pope mettant aux prises
les mortels et les immortels : le Manzane (balafon) accom-
pagne les contes des Bekoun qui voquent le monde invi-
sible. La rcitation dure souvent toute la nuit d'une seule
traite. A la veille, les vieux enseignent le compte des gn-
rations; on y entend aussi des contes d'animaux (milane),
(GI) Inulile de sOliligner J'extrme imprcision de tout ccci. Les infor-
mateurs ont peur, en donnant des renseignements sllr les procds des sor
ciers, de passer eux-mmes pOlir sorciers.
7
98 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
des paraboles (minkana); on y pose des nigmes (ngan).
Le tambour (ngum) rylhme des rcits et des danses; le
tam-tam (nkou) servait prvenir d'un village l'autre.
Des lulles (messing) avaient lieu au moment de la saison
sche; trs suivies, elles mettaient aux prises des profession-
nels, clan conlre clan, village contre village (62).
Le calendrier distinguait les saisons, non les annes. La
lune mesurait les mois. Les jours n'avaienl pas de nom et
aucun n'tait spcialement consacr au repos. Pour les
fles de funrailles, on chmait une dizaine de jours. Les
moments de la journe taient: quand les perdrix chantent
(les gens s'veillent), quand le coq chante (les gens sortent
des maisons), lever du soleil (ils vont en brousse), la moiti
du jour (ils mangent), le coucher du soleil (ils rentrent).
Les distances taient indiques d'aprs le nombre de
jours ou de moments mis les couvrir. Les nombres ont des
noms jusqu' 10, puis on ajoute 1. Il Y a des noms jusqu'
un million (indzouk) et mme l'infini (indoundoun).
FANG MVAI
Les Mva occupent la valle du haut Ntem el ses affluents,
c'est--dire l'ouest du district de Minvoul (dont l'est est
dsert), et le nord-est du district de Bitam.
Informateurs
Mendome Ouame, 65 ans, village Ebang. - Ndome Ndja,
70 ans, village Minbang. - Etsak Edo, 65 ans, village Ayos.
- Otseu Ngyeme, 52 ans, village Mabame 1.
En outre MM. Ekoga, sous-prfet adjoinl et Bikah Jean-
Bernard, dput, voulurent bien m'assisler et me servir
d'inlerprtes.
Nom
Fang Mva ; Mva voudrait dire: bien. - Il exisle d'autres
Mva au Cameroun, sur le Kom.
(62) La litlrature orale el les manirestations sonores des Fang du Wol-
Nlc01 0n fail l'ohjel de tr, amples enregislremenls de M. Pepper. M. Phi-
lippe Dong, Direcleur adjoinl de l'Enseignemenl, a, de son ct, publi
dans. la revue Ralils gabonaises " de larges traduclions de l'pope
Mvel.
TRADITIONS ORALES 99
Origine
Dieu eut quatre enfants : Mourazama, anctre des
hommes; Kuiazama, anctre des Bethyu (Pygmes);
Nghiazama, anctre des gorilles; vVaghazama, anctre des
chimpanzs.
Il y a deux sortes de Pygmes, les Bayak, plus grands,
amens par les noirs, et les Bthyu, plus courts, avec un
gros nez, qu'on ne peut pas voir. Ils habitent aujourd'hui
la fort l'est.
Nane Ngoha est la mre de tous les Fang. Ils vivaient
l'est, Adzamboha, dans une savane o l'on voyait loin.
Les Mvl et les Nzem les ont poursuivis. Les Fang ont
creus l'arbre Adzap, puis travers le Yong sur un arbre
serpent. Puis eut lieu la guerre d'Obang (ravage) ; ils lut-
trent contre Elemendom, Assamvala, Bomankoum. Les
tribus se dispersrent: Boulou, Ntoumou, Okak, Mevou-
mandeng (?).
Un frre et une sur restrent l'cart; ils commirent
l'inceste pour continuer la race, ainsi naquit Mva, l'an-
ctre. Les Mva franchirent le Kom sur un radeau. Leurs
villages furent Bissa, Bidjong, puis Minvoul. A leur arrive
il n'y avait plus personne.
Ndome Ndja compte 4 5 gnrations depuis lui-mme
pour l'arrive l\Iinvoul, 8 gnrations depuis le dpart
d'Adzomboha, 14 depuis l'origine des hommes; ainsi on
arrive Dieu.
Techniques
II n'y avait pas de patates, d'arachides, pas de papayes;
elles sont arrives du Cameroun, avec les blancs.
Le feu tait tir du bois (asang) par torsion, ou des
pierres (Kong). On recevait l'tincelle sur l'herbe okoun et
la bourre de palmier.
Il y avait plusieurs familles de forgerons. La fonte
du minerai tait un dur travail. Les bikouala (fer de
sagaies) servaient de monnaie. La dot valait de 1000
2000 bikouala. Le cuivre tai t tir du sol Zanangou
(canton de Bisok) et Mbomo (canton de la Ny). On en
faisait des bracelets de poignets et de chevilles (ebat) ainsi
que des colliers (nkima) dcors de figures gomtriques.
Guerres
Elles taient provoques le plus souvent par des histoires
100 TRADITIONS onALES ET ARCHIVES AU GABON
de femmes. Le choix des guerriers tait fait par un mlange
d'herbes qu'on jetait sur leur dos; si elles tombaient
terre, l'homme lait limin. Les hommes bons pour le
service avaient les bras et la figure oints d'une poudre jaune
pour se protger des balles.
Les armes taient les sagaies, l'arbalte (mban), puis le
fusil pierre.
La paix se concluait dans la fort : les responsables
devaient payer, sinon on continuait. Les prisonniers t..'\ient
rachets, gnralement en donnant des femmes. Pas d'es-
claves, pas de cannibalisme.
Commerce
Aucun commerce au temps des anctres. On distribuait
la viande. Les forgerons travaillaient pour le village. Le sel
tait fabriqu avec la cendre de nzam. Pas de circulation,
sauf pour les guerriers arms.
Cependant des gens allaient jusqu' au kilomtres au
nord chercher des fusils et de la poudre. Ils payaient avec
des bikouala, des poulets, des chiens. On donnait dix fusils
et plus pour une dot.
Plus tard vint Nangkomane, Je premier blanc; les plus
vieux informateurs l'ont vu ; il avait des porteurs, un inter-
prte. Des commerants allemands vinrent du Cameroun.
Socit
Le village, autrefois, ne comportait qu'un clan. Il y avait
un corps de garde par famille. En cas de msentente, on se
sparait du village.
Les clans Mva ont des clans correspondants dans les
autres groupes Fang. Aux Essabame correspondent les
Essandome Oyem, les Omvang Libreville, les Yemadjit
et les Yembane au Cameroun. Aux Essangok correspondent
les Yekambo du Cameroun, etc... Chacun connat les clans
qui correspondent au sien et lui permeLLent de voyager.
Religion
Zama est Dieu. Son pre, Mboheu, a cr le monde. Pour
la rcolte on s'adresse Zama, travers le Malane.
Le Malane tait le culte des anctres, reprsents par les
biri : tte, fmur, avant-bras des gens importants, placs
dans un panier avec des statuettes d'hommes et de femmes
par-dessus. Les biri taient oints de poudre de l'arbre
andouang, de sang, d'huile et d'ufs.
TRADITIONS ORALES 101
La circoncision (akik) avait lieu sans crmonie, vers
3 4 mois. Vers 15 ans les garons recevaient les scari-
fications sur la nuque pour pouvoir consommer l'antilope
So. Avant 20 ans ils taient initis au malane, dans la
brousse, avec des danses, des sacrifices et des sries de ques-
tions captieuses. On ne pouvait tre un personnage dans la
socit sans initiation.
Culture
La littrature orale comprend : le Mvet, le Mokoum
(petite histoire termine par des chants), le Minkana (contes
d'animaux).
Le tam-tam de bois servait annoncer la guerre, les
morts, les rjouissances et appeler les notables.
Les ftes avaient lieu pour les mariages et pour les fun-
railles de grands personnages. On faisait .... enir des dan-
seurs professionnels (akoum). La mort d'une femme tait
clbre par la danse mevoung, rserve aux femmes. Le
Ngui tait une crmonie d'initis contre les vampires
(evous).
On comptait le temps par saisons (mboum, deux dans
l'anne) et par lunaisons (ngom). Il n'y avait pas de
semaine, les jours n'avaient pas de noms. Les moments de
la journe taient le lever du soleil, le matin (kikini), midi
(zamos), l'aprs-midi (wabako : les singes se chauffent), la
nuit.
Les distances taient indiques par les rivires trouver,
certains arbres, les bois morts. Les pistes taient entrete-
nues coups de matchettes quand on passait.
FANG BETSI
Les Betsi ont t la pointe avance de l'invasion Fang
vers le sud-ouest. Leurs avant-gardes arrivaient sur la
moyenne Como ds 1840. Depuis lors ils ont occup la plus
grande partie de l'estuaire du Gabon et les rgions avoisi-
nantes. D'autres ont gagn l'Ogou, de Njol Lambarn.
Les Betsi ont t rejoints depuis lors dans ces rgions par
d'autres Fang, Ntoumou et Zamane.
J'ai interrog sparment : 1
0
un Fang de Libreville;
2
0
un village Fang proche de Lambarn.
102 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
1
0
A LIBREVILLE
1n/ormateur
Nguma Edouard, secrtaire d'administration, G7 ans, n
Tchoua (ancien district de Chinchoua, sud de l'estuaire).
Tradition
Les Fang sont venus en passant le fleuve Yom par la
liane Ntou\. Puis ils ont travers la fort jusqu' un autre
fleuve. Ils ont suivi la mer de Man, d'o on extrait l'or;
l'or tait conserv dans des cornes prpares qu'on offrait
vides aux enfants pour qu'ils deviennent riches et qu'on
appelait akaa (promesse). Al' origine les Fang haNtaient
Moboun, sur un plateau o il y avait beaucoup d'ani-
maux. Ils sont des.cendus vers les forts habites par les
(( hommes des bas-fonds)) (ebu angolasi). Les Betsi, purs
Fang, sont venus les premiers; les Ntoumou les ont suivis;
les Zamane se sont mlangs avec des tribus non-fang.
Les Betsi sont venus par Mitzic, Mdouneu, Omvane et le
Como jusqu' l'Estuaire. D'autres par l'Okano, l'Abanga,
le Bakou, se sont rendus Njol, aux lacs et jusqu' Sell
Cama. Il y avait 6000 familles qui se livraient entre elles
des razzias (obane) ; les prisonniers devenaient les enfants
de leurs matres. Puis ils arrivrent en contact avec les
Shkiani et les Akl (63) et les razzirent. Quand on avait
tu un ennemi brave, on le mangeait pour s'incorporer sa
force.
Ce qui guidait les Fang vers l'Estuaire et l'Ogou, c'tait
le dsir de s'approcher des marchandises. Ils n'avaient pas
d'esclaves; mais, quand des esclaves s'enfuyaient de l'Es-
tuaire, ils les arrtaient dans la fort et les ramenaient
contre rcompense. Quand ils arrivrent l'Estuaire, les
Franais y taient et l'esclavage tait aboli.
Devant l'avance des Fang, les Shkiani et les Akl se
retirrent Libreville pour tre dfendus; certains devin-
rent Fang. De mme les Mpongou, autrefois rpandus sur
tout le pourtour de l'Estuaire, se concentraient dans. quel-
ques villages de Libreville. Les Fang s'installrent Man-
gane, Ofourou, Tsibang, tous villages de Libreville, ainsi
(63) Qui occupaient alors la basse Coma.
TRADITIONS ORALES 103
qu'au quartier dit Montagne sainte o il y avait dj des
Benga.
Les clans Betsi taient : Esibikane, Akameka, Esanyan,
Esisis, Yenghu, Esakowa, Esok, Oyan, Bokou, Esisong,
Efak, Ab, Isinghi, Ntoun, Yendoune, Isibeng, Isirnb,
Esindjoun, Isindzin, Esikourga. Le Prsident Mba est Esok,
le ministre Aubame est Isimb, l'informateur est Esibikane.
Tous les clans ont des interdits; celui des Esibikane est le
toucan.
Il y avait autrefois des Pygmes (Bethyu) sur l'Estuaire,
jusqu' la Pointe Denis. En 1916 l'administrateur Guibet
en a encore trouv Bongobongo, au sud de Chinchoua,
aux sources de l'Agom, affluent de la Rembou. Les Pyg-
mes de l'Estuaire se sont fondus dans la population o
l'on voit parfois, chez certains individus, reparatre telle
de leurs caractristiques: odeur, gras du pouce inexistant,
pieds plats, regard se dplaant seulement dans le sens ver-
tical.
Les Mpongou sont, l'origine, une famille Adyouma
venue l'Estuaire pour commercer avec les Portugais. Ils
se sont mlangs avec les races qui taient dj l.
2 A MAGNANliA
(village Fang sur la rive sud de l'Ogou en face de Lam-
barn) :
1nformatcurs
Ezanga Michel, commis au tribunal de Lambarn.
- Ndong Meungone Antoine, notable. -- Doutouma
Alexandre, chef de quartier. - Angw Joseph, notable
- et un grand nombre d'habitants (l'interrogatoire a lieu
sur la place du village).
Tradition
Tous les Fang de la rgion sont venus du \Vol-Ntem, les
Betsi par le Como et le Rembou, les Zamane (appels aussi
Mak) par l'Abanga et l'Okano. Ils sont arrivs ici vers
1876. Il y avait quatre grands chefs, deux se sont installs
ici, deux Evoin, en aval. Les Akl sont partis ou se sont
mlangs aux Fang. Les Galoa sont des Eshira qui ont
chang de langue. Les Pygmes (Bthyu) apportaient de la
viande et du miel en change de tabac et de sel.
104 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Les anctres portaient des vtements d'corce. Les chefs
d'ayong choisissaient les guerriers; ils utilisaient une
oreille d'lphant comme bouclier contre les flches; on
se servait de sagaies, d'arcs, d'arbaltes.
La parent est paternelle, mais les parents maternels
reoivent une petite part de la dol. Les dots ont augment
considrablement: autrefois ctait 2 haches et un fusil,
parfois 4 ou 5 pices de pagne, des marmites de terre, du
sel; aujourd'hui elles atteignent 100000 francs C.F.A.
Les statues de bois du Bieri reprsentaient les crnes des
anctres, invisibles dans leurs corbeilles. Ces crnes taient
placs dans des vases part et gards par des vieillards qui
n'avaient plus besoin de femmes. Les anctres apparais-
saient en rve. On lisait l'avenir dans les miroirs ou dans
le jeu des claquettes (maracase).
Les motifs de migration taient : 1 la mortalit; on
quittait alors le village (( pour trouver une nouvelle vie .
- 2 les dfrichements, quand le sol s'tait puis autour.
- 3 des divisions du clan et les luttes intestines pour des
histoires de femmes. - 4 le dsir, au contraire, de
rejoindre des frres de clan trop loigns. - 5 la poursuite
des vaincus. - 6 la croissance de la population; les filles
se mariaient jeunes; il Y avait moins de maladies. - 7 le
dsir de trouver des marchandises (biom) : sel, tabac, tissus,
fusils, alcool.
Cependant l'avance tait prudente; on envoyait des
ayant-gardes. Quand quelqu'un atteignait la mer, on disait
qu'il tait perdu.
VI
GROUPE OUEST
Le groupe Ouest comprend essentiellement les peuples
parlant les dialectes de la langue Myn : Mpongou,
Adyoumba, Oroungou, Nkomi, Galoa. J'y ai rattach les
Ski et les Benga, qui parlent d'autres langues, mais dont
l'histoire est mle depuis longtemps celle des Mpon-
gou. Je n'ai pu tudier les Adyoumba, qui n'occupent
plus que trois pelts villages sur l'Ogou et le lac Azingo ;
ils ne diffrent en rien des Mpongou et le principal pi-
sode de leur histoire leur est commune avec les Oroungou.
Les Myn sont d'ailleurs le groupe gabonais le mieux
connu, tant par les documents europens que par les
uvres de l'abb Walker. Ma recherche, en ce qui le8
concerne, a donc pu tre moins uniforme, plus indivi-
duelle. Pour les deux peuples, Nkomi et Ski, que je n'ai
pu atteindre faute de routes et de temps, j'ai envoy des
questionnaires des personnes bien places, que je remer-
cie vivement de leur aimable et efficace collaboration.
L'expos, ainsi que je l'ai fait pour l'ensemble, suivra
l'ordre de mes investigations, qui est all du sud au nord
Galoa, Nkomi, Oroungou, Mpongou, Benga, Ski.
GALOA
Les Galois des explorateurs habitent les rives du
Moyen Ogou et des lacs voisins en aval de Lambarn.
Dans l'agglomration mme de Lambarn, ils constituent
lu population la plus ancienne.
1
0
A LAMBARN
Info1'matcurs
Allla Maurice, 85 ans, notable, village Dakar. -
M. AIlla est un grand vieillard solide, d'une mmoire
infatigable, parlant bien le franais.
106 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABO:\'
Origines et histoire
Les Galoa sont venus du sud, vers le Fernan Vaz. Leur
mre, Moumb, tait aussi celle des Oroungou. Leur nom
tait alors EIoungou Moumb, et celui des Oroungou :
Ombk Moumb. Ils se sont spars Achouka (dernier
village Galoa en aval). Les Eloungou disaient: My Galo
ao (je vais l-bas) et les Ombk ne rpondaient pas
(0 roungou) d'o leurs noms acluels. C'tait l'poque o
les Portugais et les Hollandais frquentaient la cte.
Les Galoa rencontrrent des Eshira et cohabitrent avec
eux quelque temps. Puis ils se rendirent sur le lac Onangu
et s 'y fixrent pour pcher la torche et la sagaie. Ils
avaient des radeaux pour aller dans les les et se meUre
l'abri des Akl. Ceux-ci, trs nomades, hantaient toute
la rgion et faisaient des razzias. Puis il y eut des mariages
mixtes, amenant une paix plus ou moins prcaire.
Alors des Galoa quillrent les lacs, remontrent 1'Ogou
et se fixrent la pointe de la grande le en disant lam-
barn! ) (essayons 1). Ceci se passait trois gnrations
avant l'informateur (64). Un autre village s'tablit sur la
rive nord (o est maintenant l'hpital Schweitzer) et un
troisime, Adolinanongo, un peu en avant, sur une pointe
dominant le fleuve ( l'est de l'habitation actuelle du
Dr Schweitzer).
Adolinanongo tait le village du Roi-Soleil ,
Nkomb (65). Auparavant chaque clan tait indpendant.
Nkomb s'est impos par son intelligence; on avait recours
lui pour rgler les palabres; il passait partout en pirogue,
proposait des lois et les faisait approuver par tous: au lieu
de la compensation traditionnelle, il introduisit la loi du
talion; qui tuait par l'pe prissait par l'pe, qui tuait
par le bton tait ballu mort; la femme qui quillait son
mari pouvait tre tue. Nkomb lui-mme tait mchant;
il tua sa femme.
La rduction en esclavage tait aussi pratique. Mais sur-
tout les Galoa achetaient des esclaves aux Akl qui les
achetaient eux-mmes aux Eshira, Bapounou, Mitshogo,
Massangou. Certains se sauvaient et fondaient des villages
dans la fort; il y avait des mariages avec des Galoa. Si une
(64) Donc vers 1820.
(65) Bien connu par les rcils de Marche. Compigne el aulres c ~ p l o r a
leurs.
TRADITIONS ORALES 107
fille esclave avait un enfant, il devenait galoa. Mais la plu-
part des esclaves taient transports sur le bas du fleuve
et vendus aux Oroungou. Les Galoa remontaient ensuite
avec des marchandises qu'ils revendaient aux Akl et aux
Okand, contre de nouveaux esclaves.
Dans mon enfance arrivrent les premiers commerants
europens : Walker, reprsentait Hallon et Cookson, et
Schieff reprsentant Woermann. Puis vinrent John Holt
et la SHO. Ils changrent des marchandises contre l'bne,
Je caoutchouc, l'ivoire, l'huile et les palmistes; il n'y avait
pas encore de monnaie.
Les Fang sont arrivs depuis 73 ans < au temps des pas-
teurs amricains ). Ils taient anthropophages et se sont
installs sans guerres.
Socit
Autrefois patrilinaire et patrilocale. l''1ais, quand ils
taient au lac, un enfant, chass par son pre, se rfugia
chez son oncle maternel. La coutume est alors devenue
matrilinaire (66). Actuellement il v a un certain retour
au systme patrilinaire. L'hritage est partag entre les
enfants du mort et sa famille maternelle,
Clans : Awandji, Adyavi, Akaza, Adyna, Ayangu,
Avondro, Amoumba, Adonga, Aourou, Aromba, Avemba,
Ambini, Asala, Asavia, Ahomb. Certains clans descendent
d'une mme mre, Adyna et Ahomb, Ambini et Aourou,
Adyavi et Asah, Il y a exogamie non seulement avec son
clan, mais avec le clan parent.
La dot consistait autrefois en marchandises: 6 pices de
tissus de 20 yards, un fusil pierre, un grand neptune,
5 paquets de sel, un miroir, un bonnet rouge, une barre
de fer, un collier de traite, une tige de cuivre, 500 g de
poudre. Depuis 1883 on paya l'impt et l'argent fut intro-
duit. Le dot valait jusqu' 700 francs en cus de 5 francs.
Aujourd'hui ce n'est gure que 10000 francs papier.
(66) Cette histoire, peu vraisemblable, est sans doute en Japport a"ec h
conlroverse concernant ['origine des Galon. L'abb 'Walker, partant de la
coutume maLrilinaire des Galoa (alors que les lIIpong-ou sont patrilillail'es)
et e certaines particularits Iinguislif]ues, prtendit que les Galoa Laient
des Eshira qui a,,"ient chang de langue, ce que dclarent d'ailleurs les
Eshira, Il reut des dmentis violents de jeunes intellectuels Galoa et Oroun
gou, qui afl1rment leur origine myn. Il rsulle en tout cas des tradil.ions
Galoa qu'il y a eu des contacts el des mlanges,
108 T n A D I T I O ~ S ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Techniques
Bananes, manioc, ignames, mas, patates, taro... On
dfrichait la hache et on planwit la matchette. Le pal-
mier huile lait spontan : quand il n 'yen avait pas, on
en plantait (ce fut le cas aux lacs). L'alcool (alougou) tait
tir du vin de palme, des bananes rouges, du miel, de la
canne sucre.
Pas d'levage, sauf de rares cabris, moutons el poulets;
trop de vols et de carnassiers.
Par contre beaucoup de pche en saison sche (paniers,
nasses, lignes). Le poisson sec est vendu aux forestiers.
Chasse : lphants (il y en avait beaucoup), hippopo-
tames, antilopes, lamantins, sangliers, singes, rats, ser-
pents. Selon les clans, il est interdit de manger du gorille,
du chimpanz, de la panthre, du python. La mre du
clan Ahourou avait enfant une panthre (I3ouanga);
quand un Ahourou rencontre une panthre, il lui dit: je
suis le fils de I30uanga et elle l'pargne.
Il y avait beaucoup de moustiques sur les lacs; on man-
geait trs tt et, la nuit, on brlait des nids de fourmis
noires ou des brisures de noix de palme pour les carter.
On fabriquait autrefois des marmites en terre, des
cruches. Le mtier de forgeron tait libre; il n'yen a plus
aujourd'hui; il travaillait le minerai trouv en terre.
Les vlements taient en corce de bois mpond ; on pre-
nait la fibre en dessous de la premire corce; on la battait
avec des morceaux de bois, on la lavait, on la schait au
soleil. On obtenait ainsi des bandes d'un mtre de large
qu'on portait en pagne avec une ceinture. C'tait dj fini
quand j'tais jeune.
La maison tait en paille et bambou, comme aujourd'hui.
Les femmes tissaient des nattes et les teignaient au bois
rouge ou l'bne. On en faisait commerce.
Religion et magie
On invoquait Anyamby, le Dieu crateur, et les
anctres, dans les cas de maladies, de famine, de manque de
gibier. Le chef de clan officiait vers;) heures du matin ou
oheures du soir, le front enduit de blanc; il jetait de l'eau
saupoudre de poudre rouge et blanche vers l'est, vers
l'ouest et vers les planwtions.
Les chasseurs, avant de partir, se livraient un rite indi-
viduel comportant des bains (de l'homme et des armes),
TRADITIONS ORALES 109
et des incisions sur la main o l'on versait certaines
poudres; les rites duraient cinq jours pendant lesquels on
ne devait frapper personne.
Le dpart pour la guerre donnait lieu des crmonies
qui se droulaient dans un campement de brousse. Cer-
taines corces et des pousses de bananiers taient places
dans une marmite pleine d'eau. A un certain moment l'eau
se mettait Il bouillir sans feu et tourner dans la mar-
mite en donnant de l'cume. Chacun des guerriers prenait
une noix de palme et la plaait sur l'cume; si la noix
plongeait, l 'homme mourrait la guerre; on ne gardait
que ceux dont les noix surnageaient.
Pour une petite guerre, douze hommes suffisaient. Une
fois, pour une expdition contre un village Fang qui avait
tu un Galoa sans motif, on en mit 24. Une marmite mira-
culeuse sortit de terre. Les Galoa turent 4 Fang et rappor-
trent leurs ttes. Le village Fang s'en alla. Ceci se passait
au moment o le capitaine de la Bastie fonda Lambarn.
Il y avait des sorciers qui dansaient la nuit; mais c'tait
surtout chez les Nkomi. Les devins-gurisseurs lisaient
l'avenir dans le miroir, et, auparavant, dans une marmite
noircie contenant de l'eau. Les Baloumbou avaient ensei-
gn aux Nkomi les poisons et ceux-ci ont pntr chez les
Galoa avec qui les Nkomi se mariaient.
Autres informateurs
1
0
Dawson Georges (nom galoa : Magis), 58 ans, vil-
lage Dakar, ancien commis SHO, descendant du roi
Nkomb.
Nkomb tait n Zil, chez les Enenga ; son pre tait
Enenga, sa mre Galoa. Chass par son pre, il s'tablit
Adolinanongo (Il o on regarde d'en haut ). Il montait
Njol chercher des esclaves. Il avait 120 femmes et des
centaines d'esclaves. Il est mort en 1872. Les Pahouins sont
arrivs vers 1860. Les Portugais taient venus les premiers;
ils plantrent des palmiers, des manguiers. Les Galoa sont
arrivs depuis deux sicles, venant du lac Onangu.
Magis, neveu maternel et successeur de Nkomb, fut
dport Dakar et, son retour, donna le nom de Dakar
ce village-ci.
Nkomb a fait la guerre aux Akl qui allaient chercher
des esclaves sur la Ngouni. Il gardait les esclaves
l( srieux pour ses plantations et vendait les autres.
La reine Evindo, qui a cd Lambarn aux Franais,
110 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
tait chef des Ayangu; elle seule pouvait disposer de la
terre; Nkomb n'avait de pouvoir que pour la guerre et
le conseil.
2 Marc, n en 1881, premier Galoa baplis, village
Dakar.
Les Galoa ont quitt Adolinanongo l'arrive des
Pahouins, qui taient anthropophages et pillards. J'ai
connu les guerres avec les Pahouins dans ma petite
enfance; l'administrateur de la Bastie y a mis fin.
Le systme patrilinaire originel a t chang pour un
systme matrilinaire; on en revient maintenant au pre-
mier.
Le cas de la reine Evindo est exceptionnel chez les Galoa,
mais on le trouve chez les Akl. Il n'y avait pas de chefs
suprmes; Nkomb a voulu l'tre; on lui a dit Il essaye! ;
aprs lui, 'a t fini.
Les Enenga sont d'origine Okand. Leur roi Rnok tait
le pre de Nkomb.
2 SUII LE LAC ONANGU, VILLAGE NOMllEDOUMA
Informateur
Mpira Jean-Marie, exploitant forestier, 39 ans, qui
dclare avoir reu la tradition de Mbezo, vieillard trs g,
venu de Tomba et mort en 1923. Interrog en prsence
d'Ogondava Antoine, 80 ans (67).
Les Calao
Les anctres sont venus de Tangagnik o ils taient atta-
qus par des hommes-chevaux (simpondo). Il y a des chan-
sons ce sujet (68).
Odi tait le nom du chef. Le premier village aprs la
fuite s'appelait Inkombogombo s'Odi (les parasoliers d'Odi).
Ils prparrent le mbonda, la marmite qui bout sans feu
(67) Le rcit de M. Mpira a t enregistr en Galoa (01-05-040-07-61);
l'intress parle d'ailleurs forl bien le franais.
68. L'informateur, qui a des souvenirs scolaires, ne manque pas de voir
dans Tan!(agnik le lac Tanganyika et dans les hommes-chevaux des
Arabes (Izirisi). Cependant il donne l'tymologie suivante; Tanga, compter;
gnik, infiniment. On peut noter aussi que Tanganyi, en Galoa, signifie ;
les trangers, les Europens. Quant aux hommes-chevaux, c'est une histoire
rpandue dans divers pays, notamment chez les Pahouins du Cameroun.
Nous la retrouverons chez les Nkomi, sans qu'on puisse dire comment elle
s'est introduite.
TRADITIONS ORALES UI
et dgage un brouillard artificiel. Ainsi ils chapprent
leurs poursuivants. Ensuite ils arrivrent Igawag (Iga ;
la fort). Ils y trouvrent la famine et mangrent des
plantes sauvages. Pourtant ils emportaient avec eux le
manioc (oyogo), la banane et le taro. Ils marchaient cinq
jours et le sixime ils se reposaient.
Ils arrivrent Okondja et combattirent les Ambamba.
Les Akand et les Adyoumba se sparrent d'eux. A Mbendo
les Nkomi partirent leur tour. Les anctres passrent
Mbagu, puis Tomba. Non loin de l tait le village de
Boul, occup par les Eshira. Le chef Onangu, Tomba,
commandait la fois les Edongo et les Ombk, issus d'une
mme mre, Moumb (69).
Les hommes d'Onangu demandrent le passage aux
Eshira. Ceux-ci exigrent le sacrifice de 30 femmes
enceintes par jour. Les Edongo les donnrent deux jours.
Les Ombk se concertrent (Oroungou), puis se sauvrent.
Les Edongo forcrent alors le passage la faveur du brouil-
lard artificiel, en enlevant 5000 femmes Eshira (70). Deve-
nus Galoa, ils arrivrent Tchonga-Mpolo (la grande chan-
crure) sur le lac qu'ils appelrent Onangu. Leurs villages
ensuite furent Mboga, puis Tomba, deuxime du nom (71).
(( Tous les Galoa en sont venus.
li n'y avait personne sur le lac. Les Akl taient dans
la fort. Il fallut lutter avec eux. Les Galoa, au dbut,
n'avaient que des radeaux, puis apprirent faire des
pirogues. Ils progressrent vers le nord, le long des rives
du lac, puis, par ses affluents, gagnrent l'Ogou. Au milieu
du lac est 1'1le Ftiche, Rogoula; si on y va, on ne peut
plus retourner; parfois un bateau deux chemines sort
de l'eau; ce sont les esprits qui se promnent.
(69) Edongo-Eloungou; nous retrouvons ici le cadre rgional et,
quelques dtails prs, Je rcit Allla. La seule certitude sur Je pass des
Galoa est donc la prsence sur le lac Onangu et le contact avec les Eshira.
L'origine orientale, avec ses tapes fantastiques, voque par trop certaines
h)'polhses europennes du sicle dernier. o l'on imaginait un peuplement
de l'Afrique par la cle Est. Nous savons aujourd'hui que l'Afrique a l, au
contraire, un conlinent trs anciennement habit par l'homme, et peut-tre
mme le berceau de l'humanit.
(70) Exagralion vidente pour dcs peuples si peu nombreu,. " Nous ne
sommes pas, pour aulant, des Eshira " dit Mpira. Cependant l'normit du
chiffre doit rendre comple d'un mlange profond capable de modiner les
coulumes. D'o peut-tre le nouveau nom des Edongo : Galoa (changement).
D'aprs Mpira, il faut comprendre au conlraire : ceu, qui ne changent
pas" (agoulan), version connrme par les Oroungou.
(71) Ces deux villages sont au fond d'un golfe, au sud ouest du lac: c'est
la direction indique par M. Allla pour les origines.
112 TRADiTiONS ORALES ET ARCHIVES AU GAHON
Auires peuples
Les Enenga descendent d'une fille galoa qui a pous un
Okand. Le nom gnral des Myn est Akand.
Les Mpongou ne sont pas un peuple original, mais une
branche dtache des Adyoumba.
Les Nkomi descendent d'une femme Oroungou qui avait
t sduite par un Tshogo. Les enfants parlaient myn;
les garons taient initis au Bouiti tshogo. Les Nkomi
s'appelaient d'abord Etimbou. Ils ont fait route avec les
Ngov jusqu'au lac Eliw Ngov (lagune d'Igula) (72).
NKOMI
Les Nkomi occupent la lagune de Fernun Vaz (Eliw
Nkomi). Ils habitaient autrefois galement la valle de son
affluent le Rembo Nkomi, aujourd'hui envahie par les
Eshira. Par contre les Nkomi se sont tendus vers le nord,
dans la rgion du bas Ogou.
Sur ma demande M. le sous-prfet Pierre Fanguinovni a
bien voulu interroger, Ombou, le vieillard Angu
Albert, du village Avegombouiri, dont voici les dclara-
tions rsumes:
Les Nkomi comme tous les autres Myn viennent
d'une rgion de grands lacs d'o ils furent chasss par des
hommes monts sur des chevaux (73). Ils sjournrent
longtemps dans la grande plaine entre le lac Ezanga et
Fougamou. Ils se marirent l avec des femmes de tous les
peuples voisins : Akl, Eshira, Bapindji, Mitshogo. Puis
ils se rendirent l'ouest dans la plaine d'Enka entre la
rivire Oland (Kembo Nkomi) et le lac Ogumou. Ils
faisaient la guerre tous leurs voisins pour se procurer
des esclaves. Mais ces luttes meurtrires les obligrent
migrer.
Ils vinrent alors se fixer Assw (74). Les Akl occu-
paient alors la Rembo Nkomi et avaient un campement de
(72) Les Ngov ou Ngoubi n'onl plus que qualre pelils villages. Parenls
des Eshira el des l3aloumuou, ils onl adopl la langue Nkomi une dale
rcenle.
(73) Nous n'avons lrouv celle lgende que dans le rcit Mbida (voir
nole 69).
(74) La crique Assb, parUe nord-esl du Fernan Vaz.
Avec les pygmes de Dibandi
In/ormateurs Franceville
<le deuxime partir de la gauche est Nguimi qui a connu Brazza)
TRADITIONS ORALES 113
pche au village Kongo. Les Nkomi s'appelaient alors Etim-
bou Nkomb ; ils se disputrent entre eux les terres autour
du lac et s'y dispersrent; ils prirent alors le nom de
Nkomi, qui tait celui du vent d'ouest. A la faveur de
nombreuses alliances matrimoniales avec les Akl, ils
s'installrent sur le Rembo Nkomi jusqu'au lac NiemL;
d'autres atteignirent l'Ogou vers le lac Avanga.
Arrivs sur la lagune avant les Portugais, les Nkomi
furent les premiers profiter de l'arrive de ceux-ci pour
pratiquer le commerce des esclaves. Leurs principaux
fournisseurs taient les Akl et les Eshira. Les Portugais
leur remettaient des neptunes, du sel, des fusils, des verro-
teries, de l'alcool de traite. Le principal march tait Nin-
gu Sika (l'le de l'argent).
Avant l'arrive des Portugais, les Nkomi savaient fi.lbri-
quer les pirogues, le fer, des plats de bois. Ils se vtaient
d'corce battue de l'arbre mpond.
Plus rcemment vinrent les Amricains et les Allemands.
L'Allemand Lubens de la maison Woerman s'installa
Amboki et Batanga. Les Amricains occuprent, l'entre
de la lagune, l'le Ajanja, qu'ils baptisrent Brooklyn;
Loley ouvrit des comptoirs Ningu Sika et Kongo.
Le roi Rendogo interdit les batailles entre familles, il ren-
dait la justice et faisait couper la tte des coupables. Il fit
venir les premiers missionnaires en 1887. Son successeur,
Oyari Nkougou, ne pouvant se faire obir, demanda
l'administration franaise de venir s'installer chez lui. Ceci
se passait en 1894. Le poste, tabli d'abord Ningu Sika,
fut ensuite fix Ombou.
OROUNGOU
Les Oroungou occupent l 'lle :'Iandji (cap Lopez, Port-
Gentil) et la zone ctire, depuis le bas Ogou au StH) jus-
qu' Sangatanga au nord.
Informateurs
A Port-Gentil: Ranaud (francisation de Ranok) Bernard,
adjoint au maire, chef traditionnel, 65 ans. - Gabrielle
Rousselot- Tchotcho, 70 ans. - Rotondo Pierre, chef de
canton de l'Ocan, 65 ans.
J'ai interrog galement, chez lui, IgamLa, ex-employ
8
114 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
de la douane, 90 ans, qui bien que fatigu, a quelques sou-
de sa jeunesse.
En outre Ogoula Iquaqua Benot, comptable, ancien chef
de canton, qui a assist mon interrogatoire collectif, a
bien voulu me communiquer un document de 27 pages
dactylographies qu'il a rdig en 1954 la demande du
chef de Rgion, aprs avoir consult les anciens. J'en tirerai
des indications complmentaires sous le sigle D-O-I (Docu-
ment Ogoula Iquaqua).
Origines
Les deux frres, Ombk et Edongo vi "aient sur la basse
Ngouni, prs des Eshira. Les uns vinrent par le Fernan
Vaz, les autres par le lac Onangu. Ils occuprent Mbilap,
ct de la pointe Ftiche (Tchempola). Ils n'avaient pas de
pirogues, mais des radeaux de papyrus. La question se
posa : irons-nous en avant? Les Ombk tinrent des
conciliabules (eroungou) et partirent. Les Edongo restrent
en disant: Agoulan (nous ne changerons pas). D'o
leurs noms d'Oroungou et de Galoa.
Ceci se passait il y a trs longtemps, avant les Portugais.
Les Adyoumba occupaient le bas Ogou. L'le Mandji tait
dserte. Les Portugais vinrent y pcher; les premiers s'ap-
pelaient Lopez, Loanda, Fernando.
Les Adyoumba occupaient le village de Mpemb. Ils
apprirent aux Oroungou faire des pirogues. Puis la guerre
clata. Les Oroungou turent tous les Adyoumba sauf un
frre et une sur qui se rfugirent au lac Azingo ; l, ils
fermrent les yeux (c'est--dire qu'ils commirent J'in-
ceste) pour recrer le peuple.
Les Adyoumba parlaient la mme langue que les Mpon-
gou. Les Oroungou parlaient une autre langue, proche de
l'eshira; ils ont chang pour le Myn (75).
D-O-I. - II y a quatre sicles le chef Rtondongo, du
clan Aboulia, conduisit, par le Wengou, son peuple
Mbilap (Orembogangu). Le grand docteur pygme ))
Bendj lui avait prdit qu'il trouverait un lac dont il serait
le matre. D'o le nom d'Eliwa-Bendj (pays de Bendj)
donn au pays Oroungou.
Le chef Adyoumba Rpk rsidait au village Izamb. Lln
(75) Ogoula a vivement " celte de M. fianaud. Lui
mme a eu autrefois une controverse Sur ce point avec "abb ',valker.
Comme nos informateurs Galoa, il tient pour l'origine M)'n de son peuple.
TRADITIONS ORALES 115
jour un Oroungou disparut; on retrouva sa ma.in chez une
femme adyoumba; d'o guerre. Les Oroungou furent
d'abord vaincus. Mais, grce au magicien Arouekaz, ils
apprirent faire des pirogues et vinrent, peints en blanc,
surprendre les Adyoumba qui les prenaient pour des
oiseaux. Rpk, ses frres et ses surs, seuls survivants,
furent transports au lac Azingo.
Histoire et organisation politique
Les chefs de clans autrefois avaient une indpendance
absolue. Avec le commerce ctier, l'un d'eux tablit une
autorit suprieure et devint roi (oga). Le premier fut
Regnombi, puis Rogomb (de Ogomb : crocodile. Quand
il ferme les yeux, il n'a piti de personne ), puis son fils
Ikinda, puis son frre Ndboulia. Ranok, chef de clan,
recevait et gardait les insignes royaux (une couronne, dis-
parue, et une canne en or avec une inscription por-
tugaise, actuellement Sangatanga). Le roi avait galement
une cloche (kendo) pour appeler et un balai en palmier
(okandjo) pour rgler les palabres; ces objets avaient un
pouvoir magique.
Le roi tait assist d'un conseil (chefs de clans et digni-
taires) pour prononcer la peine capitale. Chacun avait son
rle : hraut, accusateur, avocat.
Les Portugais frquentaient le cap Lopez, y achetaient
du poisson sec et des esclaves, mais ne s'y taient pas ins-
talls. Aprs les Poutou (Portugais), vinrent les Ngesi
(anglais), Kompini (Allemands), Fala (Franais). A Cap
Lopez vinrent s'installer Hatton et Cookson, puis John
Holt, puis la SHO. Le Gouverneur Gnral Gentil, de pas-
sage, fit remarquer qu'une ville franaise ne devait pas
avoir un nom portugais; on lui donna son nom.
D-Q-I. - Le roi Ndongo ou Retondongo quitta Mbilop
pour Izamb. Le peuple, runi dans la plaine d'Ossengu,
institua le clan Aboulia Azambouimbni Il (juge sur l'eau
et l'Europen), (76). Les commerants ne pouvaient traiter
avant que le roi ne ft mont bord et n'et peru ses
droits. Le clan Avandji fut institu Ogandits (chef de la
terre) ; il contrlait les territoires et recevait une pointe par
(76) Le clan Aboulia tait celui de Retondongo, il est aussi celui de l'in-
formateur. La runion du peuple semble emprunte la terminologie
europenne; tout se passait, J'ordinaire, entre les anciens.
116 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
lphant abattu. Les autres clans avaient le droit de pro-
prit sur leurs territoires respectifs.
Succession des rois : 1 Ndongo; 2 Ndboulia Mbourou
(frre du l
or
) ; 3 Redjangu Ndanga (frre consanguin du 2),
rside Gongou o construit maison de bois sur pilotis;
4 Rekondj (fils de 2) ; 5 Ngouranguiwone (frre consan-
guin de 4) ; 6 Ndomb (id.), fait la guerre aux Europens,
enlev par les Espagnols avec la complicit de son frre
Rombi; 7 Rombi, s'installe la pointe Apomand;
8 Ogoulissogou (fils de 7), prend le nom de Rogomb,
rside Abindja et Apomand, guerre contre les Itani
(Nkomi) (77), les reliques enleves au roi Nkomi sont pla-
ces sous celles des rois Oroungou ; 9 Ombango Rogomb
(fils de 8), lev en Espagne, c'est le roi Pascal qui a
reu du Chaillu, son pre avait t appel Passol (pass ail)
aprs sa victoire sur les Nkomi; 10 Ndboulia-Rogomb
(frre de 9); 11 Tsgu (frre de 9 et 10), prend nom
Ragnongnouma; 12 Avonowango (fils de 9) ; 13 Rogomb
Nwetchandi (fils de 9).
Il Y avait plusieurs tribus (imbomw) divises en clans
(issombi) et en familles (inago). Au-dessus des chefs de tri-
bus (oga w'imbomw) tait le chef suprieur (oga wi ts :
chef de terre). Avant d'tre intronis, il devait faire un
voyage sur l'Ogou et recevoir une initiation. Le peuple
allait alors le saisir dans sa retraite, le plaait sur le trne,
rpandait des cendres autour, y prenait place, et lui repro-
chait ses dfauts. Le roi prvoyait les vnements fcheux:
pidmies, invasions de fourmis, etc ... ; il les prvenait par
des .danses et des offrandes. On l'appelait Rr )) (pre)) et
sa femme Ngoo )) mre). Il tait assist d'un Conseil de
ses proches et des grands personnages.
[gamba. - Il y avait un seul roi (oga, rr) pour tous
les Oroungou. Il tait choisi par les chefs de clans (aga)
parmi les fils ou les frres consanguins du roi. Comme les
clans taient matrilinaires, le roi n'appartenait pas tou-
jours au mme clan. Ranok, chef du clan Aziza, tait le
gardien des insignes royaux.
Dans ma jeunesse, les Poutou (Portugais) frquentaient
encore le Cap Lopez, avec des bateaux voile venus de So
Tom; ils allaient aussi l'embouchure de l'Ogou et
(77) Probablemenl pour des raisons de concurrence commerciale. I.e 0.0.1.
ne fail lal que de pillages. Celle guerre ayanl l longuemenl raconle par
l'abb Walker dans ses" noles d'Histoire du Gabon , je me contente. de la
menlionner.
TRADITIONS ORALES 117
Sangatanga. On vendait encore des esclaves; on en a vendu
en cachette jusqu'en 1900. Les Oroungou allaient jusqu'
Lambarn, les Galoa jusqu' Njol. Cap Lopez (Port-Gentil)
n'tait cette poque qu'un campement de pche et de
chasse qu'on appelait Akoundroun'kn (nid d'oiseaux-gen-
darmes). Les premiers Franais ont t des prtres qui vou-
laient s'installer Sangatanga; le roi Ikonda refusa.
Ensuite vinrent les commerants, amricains et autres.
Commerce el esclavage
Les Oroungou vendaient aux Portugais du poisson, des
perroquets et des esclaves. Ils extrayaient le sel de l'eau de
mer et allaient le vendre sur l'Ogou avec les marchan-
dises portugaises; tissus, tafia, omboumbou (plat de
cuivre jaune, rond), perles, colliers, verres, chaudrons,
touques, otend (cruches de grs). Ils ramenaient, en
pirogue, des esclaves. Une barre de fer de 2 mtres (obo)
servait de monnaie. Le sige du roi et du trafic tait San-
gatanga. Des canons annonaient l'arrive des bateaux (78).
Les pirogues pouvaient contenir 20 30 hommes; les
esclaves avaient les pieds passs dans un bois, mais San-
gatanga on ne les enchanait pas; o seraient-ils
alls? (79).
Socit
Les clans (mbou, issombi) sont matrilinaires; chacun a
son chef et son tabou (irounda). On retrouve les mmes
clans chez les autres Myn.
L'hritage va aux neveux maternels. La dot est paye
au pre qui en remet la moiti l'oncle maternel.
D-O-I. - La famille est patrilocale; les clans sont matri-
linaires. Il y a 7 clans teints et 23 vivants : Aboulia,
Awandji, Aziza, Arowo, Aguendj, Ayandzi, Awosidla,
Akossa, Agalikwa, Agondjo, Awenga, Azino, Azandi,
Ayamba, Anori, Alenkognango, Agnigombo, Atomba,
Azouma, Aguenda, Ananga, Assono, Ngow. On retrouve
les mmes chez d'autres peuples, pas seulement Myn;
ainsi aux Aboulia correspondent les Aourou chez les
Galoa, les Avogo chez les Nkomi, les Boup chez les Eshira.
La femme marie tait remplace dans sa famille par la
(78) Ces canons, m'a-t-on dit Lambarn. taient espac0s <le Sangatanga
Njol, comme un tlgraphe arien.
(79) Il n'y a en effet, en arrire, qu'une fort impntrable, et, sur la
cte que des villages oroungou o l'esclave aurait t immdiatement arrt.
118 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
dot (dans laquelle figurait autrefois un esclave) ; du nom-
bril aux pieds elle devenait la chose du mari, mais la partie
suprieure restait la proprit de sa famille. Le mari pou-
vait la baUre sans la rendre infirme. La veuve devait
pouser un hritier, mais pouvait choisir parmi eux. Le
mari pouvait blesser le complice d'adultre, non le tuer,
et il avait droit une compensation.
L'enfant de deux esclaves tait esclave. L'enfant d'une
esclave et d'un homme libre tait mbamba. L'enfant d'une
mbamba et d'un homme libre tait ogaloi. L'enfant d'une
ogaloi et d'un homme libre tait libre. Mais un esclave
pouvait, dans une tribu, accder de hautes fonctions.
Il y avait des petits groupes (gnoko) de Pygmes (Akoua),
dpendant des clans Aboulia et Agudj.
Religion et magie
Les crnes (aloumbi) taient conservs dans des cor-
beilles, dans une case part. On priait les anctres, on leur
sacrifiait des cabris, on les appelait la nuit avec la cloche.
Les sorciers (oganga sing., aganga plur.) reconnus cou-
pables taient amarrs sur un bton et jets au large.
D-O-f : y ajoute Agnombi (Dieu). Le Bouiti a t intro-
duit tardivement par des esclaves pindji et tshogo.
Techniques
Cultures : igname, manioc (du pays, venu avec eux),
bananes, taro, patates.
Pirogues voile carres et bout pointu, copies des Por-
tugais. Vente de sel et de poisson sec jusqu' Njol en
change de nalles, de cabris, de poules. Filets de fibres
d'ananas (igougou).
Forgerons autrefois. Marmites en argile.
Vtements en corce ballue (mpond) et en peaux de
chat-tigre; puis vtements de raphia venus de l'Ogou.
Maisons longues en bambous entrecroiss et toit en paille.
Villages trs grands: Sangatanga, Nyolokou. Pas de for-
tification, mais une paisse fort d'arbres plants autour.
D-O-f : le manioc, d'importation portugaise s'appelle :
loli ni poutou, et sa farine: farinha.
Culture
D-O-f : la musique anime diverses danses : Djemb et
lvanga pour les femmes, Obango pour les hommes,
Kondjo et Erombo pour les deux sexes.
TRADITIONS ORALES 119
Jeux: luttes, boxe, combat la lance et l'pe, la
hache, au bton; jeux d'esprit, devinettes; les Portugais
leur ont appris le coup de tte et le coup de pied.
Autres informateurs. - L'anne tait de 6 mois (saison
sche, saison des pluies). Le mois allait de la nouvelle lune
au dernier quartier. II n'y avait pas de semaine.
II existait un systme de signes sur feuilles de bananier
permettant de faire des comptes (80).
Division du temps: un nom diffrent pour les moments
de la journe, peu prs toutes les deux heures dans le
jour, quatre divisions pour la nuit.
MPONGOU
Les Mpongou, auxquels les explorateurs rservaient le
nom de (( gabonais n, occupaient au XIX sicle les deux
rives de l'Estuaire du Gabon et devaient, par la cte,
rejoindre au sud les Oroungou. Aujourd'hui l'avance Fang
les a rduits quelques villages Libreville et sur la rive
sud.
Les Mpongou ont t dcrits par de nombreux voyageurs
europens. L'abb Walker leur a consacr une grande partie
de son uvre, entre autres dans ses ( Notes d'Histoire du
Gabon n. Le R. P. Gautier a crit une (( Etude historique sur
les Mpongou n qui a utilis les traditions orales une
poque o l'on pouvait mieux les connatre qu'aujourd'hui.
II m'a paru inutile de recommencer un travail que ces deux
incomparables connaisseurs des Mpongou ont men
bien dans des conditions trs suprieures.
Quant l'origine des Mpongou, les assertions du
P. Gautier qui les place sur le Haut Ivindo (( vers le
XIIe sicle (1) sont cependant minemment criticables.
Elles reposent uniquement sur l'affirmation d'Avelot, ce
qui n'est pas une attitude d'historien. II faut en dduire
que, pour cette question d'origine, les traditions orales
n'ont rien donn, malgr la considration dont jouissait
le P. Gautier et la connaissance exceptionnelle qu'il avait
de tous les Mpongou. Ceci n'a rien d'tonnant puisque les
(( Pongo taient dj sur place l'arrive des Portugais
(SO) Contrairement ce que supposaient les informateurs, l'abb Walker,
qui a connu ce syslme chez les Mpongou, m'a affirm qu'il n'avait rien de
commun avec l'criture arabe.
120 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
et que les traditions orales ne remontent pas aussi haut.
vValker est beaucoup plus prudent : Selon toute pro-
babilit, les Mpongw, migrs sur les bords de l'Ocan,
ne formrent jamais une peuplade trs nombreuse ... C'est
vraisemblablement une fraction de tribu dtache du tronc
principal rest je ne sais o dans l'hinterland... Peut-
tre, ainsi que nous l'avons vu affirmer, s'agit-il, au dbut,
d'une fraction des Adyoumba, peuple qui, linguistique-
ment et ethnographiquement, est le plus proche des Mpon-
gou. Cette hypothse n'claire d'ailleurs aucunement le
problme du pays et de l'origine commune des Mpongou
et des Adyoumba, qu'il s'agisse du Como ou du Bas Ogou.
Il semble, de toute manire, que ce soient des populations
particulirement anciennes au Gabon. La tradition orale,
en tout cas, ne pourrait plus aujourd 'hui donner plus que
n'a recueilli le P. Gautier. D'autres disciplines, surtout la
linguistique, apporteront peut-tre des lments de solution.
Je me suis donc born interroger, sur la priode qui
a immdiatement prcd et suivi l'installation franaise,
les descendants des rois locaux : Flix, descendant du
roi Denis; Louis Berre, descendant du roi Louis; et les
descendants du roi Quaben. Tous parlent couramment le
franais.
1
0
Prince Flix Adand Rapoutc1toumbo
Ag de 62 ans, comptable Libreville, habitant au quar-
tier de Glass, le prince Flix est l'arrire-petit-fils et l'h-
ritier du roi Denis dont il m'a montr la couronne avec
une mdaille d'or envoye par la reine Victoria, ainsi
qu'une mdaille ddie par Louis-Philippe et deux portraits
du roi Denis. Il est galement, par sa mre, descendant
du roi Glass.
La rivire Lyan tait, au sud, la limite entre M p o n g o u ~
et Oroungou. Au sud de l'Estuaire rgnaient Denis (tribu
Asiga) et Georges (tribu Agoulomba). Au nord s'tendaient
les Agukaza diviss entre ceux de Glass et ceux de Quaben ;
la limite entre eux tait l'emplacement actuel de Hatton
et Cookson l). Chez QuaLen la chefferie tait cii vise en tre
Quaben, Louis et Kringer. Les familles cie chefs se
mariaient entre elles. L'hritage du trne, chez Denis, avait
lieu en ligne directe; chez Glass, par les frres et neveux.
Toutes les tribus taient au sud de l'Estuaire, sauf les
Agukaza.
TRADITIONS ORALES 121
Glass s'appelait Rendambou ; Kringer s'appelait Regindo.
L'influence de Denis se faisait sentir jusque chez les Oroun-
gou. Il faisait le commerce du caoutchouc, de l'ivoire, des
esclaves. Il avait lui-mme 500 esclaves, originaires du sud,
achets aux Galoa. Il protgea nanmoins toujours les
Europens, d'o les tmoignages de reconnaissance de Vic-
toria et de Louis-Philippe. Non seulement il a sign le pre-
mier un trait avec la France, mais il intervint auprs des
Oroungou pour en faire signer un semblable. Il n'a jamais
us du nom de William que lui donnent les Amricains.
Rapountchombo signifie : on ne vous prte pas, on vous
donne. Le roi Denis est mort le 9 mai 1875, 93 ans; il
avait 50 femmes; il fut baptis in-extrmis par le plus jeune
de ses fils.
La ranon du criminel tait paye en esclaves (2 ou 3) ;
un esclave valait 150 francs. Le roi possdait un kendo
(cloche) pour la justice. Il invoquait les anctres; on les
invoque encore.
Les Fang sont arrivs sur l'Estuaire partir de 1860 ; ils
pillaient les navires et les villages. Le premier village Fang
s'est install Libreville avant 1914; les premiers taient
venus comme travailleurs sur la plantation de Bouchard
(jardin actuel de la Peyrie).
2 Prince Louis Berre Monguitigana (ce qui reste)
40 ans, artisan, rsidant au village de Louis (Libreville) ;
assist de Biffot Paul, 65 ans, commerant Libreville et
de Biffot Laurent, sociologue Libreville. Le prince Louis
Berre est le descendant direct du roi Louis Dow. Il me
montre une dcoration portugaise et une Lgion d'honneur
modle 18O. Tous les autres souvenirs du roi Louis ont
t brls dans un incendie et on n'a gard de lui aucun
portrait.
Louis Dow avait t en France, Bordeaux, Marseille.
Il en revint avec le capitaine Cousin et s'arrta au Cap
Estrias, chez sa famille maternelle qui tait Benga, tribu
Boubound.i;:t; puis il aniv;:t ici. Il rendit ensuite visite au
roi Denis qui tait le frre de sa femme (mais Louis tait
plus jeune). Il raconta son voyage et fit l'loge de l'hospi-
talit franaise. Denis rpondit: l( D'aprs les Anglais, les
Fr;:tnais nous feront des ennuis. li Ils discutrent.
Le temps passa. Le prince de Joinville rendit visite
Denis. Quand Douet arriva en 1839 il trouva les esprits pr-
122 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
pars. Le 18 mars 1841, aprs un dner bord, Louis donna
la France l'ancien village de son pre, sans rien demander
en change; il s'en remettait la gnrosit de la France.
Sur l'emplacement de ce village, Edozokolo, s'leva le Fort
d'Aumale (mission Sainte-Marie actuelle). Le premier vil-
lage avait t plus l'est, Imbongoua (emplacement
actuel de la Caisse Centrale). L'emplacement du Gouver-
nement actuel n'tait pas un village mais un lieu de culture
qu'on appelait Gopila Anto (d'o viennent les femmes),
que les Franais ont transcrit par Plateau (81).
Glass avait opt pour les Anglais, Louis pour les Fran-
ais ; on appelait ceux-ci Hala si r Dow n (les Franais
du roi Louis). Quaben, chef du clan, plus g, a laiss faire
Louis. Tous ces rois taient parents et discutaient de leurs
affaires ensemble. Quaben a renonc en faveur de Louis.
Ogoyoni, le pre de Louis, tait cousin de Quaben. Kringer
tait un autre cousin. Le village de Louis s'appelait Anongo
Ambani (les deux races) parce qu'il s'y trouvait des Mpon-
gou et des Benga; les deux peuples se mariaient entre
eux; les Mpongou allaient se marier jusqu' Corisco.
Louis rgna longtemps. Il fut baptis la fin. Les gens
disaient: une fois baptis, vous mourrez n, parce qu'il y
avait eu des baptmes in articulo morlis .
Le Cap Estrias avait t laiss aux Benga quand ils arri-
vrent. Il y avait l des Pygmes (Akoa). Ils traversrent
l'Estuaire jusqu' la pointe Denis dans un rocher appel
Imbonwa. Les Mpongou s'appelaient Epongozanero (le
gosier des vieux), dont les Portugais ont fait Pongo, de
mme qu'ils ont appel Pongara la pointe Omponwo Oui-
gela (la pointe du vide). La Mondah tait occupe par les
Skiani. Les Fang taient loin, la priphrie. Les villages
mpongou se succdaient jusqu'au terrain d'aviation actuel
o se trouvait le village Anongo Miani (races, comprenez 1).
Les Mpongou taient alors riches par le commerce. M. Lau-
rent Biffot explique leur dcadence, dans la priode sui
vante, par une mentalit de fils de famille n; il Y a
maintenant une renaissance dmographique.
A Louis succda son fils Mn Emmanuel. Aprs une
rgence de Rmomb, vint le prince Berre Emmanuel, puis
(81) C'esl sur ce plaleau el (m'a prcis l'abb Walker) en arrire du gou-
vernemenl, que furenl inslalls les esclaves librs de l' Il Elizia ... C'esl
celle occasion que l'agglomration dj exislanle reul le beau nom de Libre
ville au lieu de Il Fort d'Aumale .. que la chule de Louis-Philippe avail
rendu indsirable.
TRADITIONS ORALES 123
le prince Louis Berre, notre informateur. Mn eut des
dmls avec les Franais, au temps de la Marine.
Ngouma tait le lieu du sacre, celui-ci s'accompagnait
de miracles. Le roi restait sept jours dans l'eau sans man-
gel'; il en tirait des poissons tout fums. Le sacre tait
accompagn de danses et de sacrifices. Le roi Denis avait
des chimpanzs domestiques qui l'avertissaient en cas de
danger. Les crnes des anctres notables (agoumbnro)
taient placs dans des corbeilles et runis dans une petite
case. On leur adressait, surtout au dbut de la saison
sche, des prires, des chants, des sacrifices de cabris et
de poulets, pour avoir des enfants, pour la chasse, pour
la pche.
3 Descendants du roi Quaben
Tambi Josphine, petite-fille de Quaben, 65 ans. -
Akanda Eugne, 58 ans. - Kow Adrien, fils de Tambi,
45 ans. Interrogs au village Quaben, sous les cocotiers,
au bord de la mer o se dresse la tombe du roi, surmonte
d'une croix rcente. Tous sont pcheurs et, en rpondant,
rparent leurs filets.
Le roi Rendongu eut deux fils : RegniIo qui engendra
Kaka Anguil (le roi Quaben) (82), Rvign qui engendra
Rinkindo (le roi Kringer). Louis Dow tait un neveu ou
un cousin. Le village de Kringer tait la Batterie 4 )l ;
un marigot le sparait de Quaben; ensuite venait Louis.
Quaben tait le chef de clan, l'ancien. Il autorisa Louis
donner son ancien village la France.
Quaben tait redout. Ses possessions s'tendaient jus-
qu' la Mondah ; il mena la guerre jusqu'au rio Mouni et
installa des Shkiani Thini, sur la Mondah. Il a eu plus
de 30 femmes et 99 enfants. La dot des femmes tait paye
en barres de fer.
Les Mpongou sont arrivs avant tous les autres. Ils sont
rests cent ans avec les Portugais, cinquante avec les
Anglais, puis avec les Franais. Les Benga sont venus au
temps des Anglais. Quaben les a installs au Cap Estrias,
il a fait alliance avec eux et a pous une femme Benga.
Le clan Agukaza avait t scind en deux par la nais-
(82) Les Amricains l'appelaienL GuaBen. Gua est peuttre la contraction
de Kaka et on y a ajouL Ben (Benjamin). Les prnoms des rois leur ont t
sans doute confrs arbitrairement par les marins qui frquenLaient les
ctes. Parfois ils donnaient des surnoms; celui de Glass semble assez clair.
124 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
sance de jumeaux : Awor (dont descendent les gens de
Glass) et Ayn (ceux de Quaben).
Anyambi (Dieu) a fait le ciel et la terre. Au tombeau des
anctres on tuait un mouton, on le cuisait; on plaait la
viande avec des bananes sur le tombeau. Le roi sonnait le
kendo. Tous porlaient la toge et le bonnet.
Le roi tait choisi par les vieux parmi les fils Cl srieux
du roi. On le consacrait en le soulevant par les mains.
On comptait les jours avec des petits blons et des lianes.
Les Portugais ont amen la semaine.
Les descendants de Quaben, qui ne prennent pas le titre
de princes, concluent philosophiquement : les premiers
seront les derniers .
BENGA
L'arrive prcoce de la saison des p l u ~ e s ayant coup la
route et empch ma visite au Cap Estrias o se trouvent
les Benga du Gabon, j'ai eu recours deux Benga de Libre-
ville; le premier a t questionn par Gaslon Rapoul-
chombo, licenci s sciences; le second par moi.
1
0
Djomb Jean, charpentier Louis.
Les Benga, sous leur chef Massangu, marchrent vers
la mer. Ils creusrent l'arbre Bodjab qui s'opposait leur
passage. Il fallut dix ans. Ensuite, o aller? Les Bakota
prirent un ct, les Benga un autre. Ils traversrent une
grande rivire (Lakondz) grce l'antilope naine (djomb)
qui leur montra le passage; depuis, on ne mange plus de
cljomb. Ensuite ils atteignirent l'Ogou, puis revinrent
la mer, o le clan Douala dcida de s'tablir.
Les Benga longrent la cte vers le sud. Ils rencontrrent
la montagne Bondlo, l'est de Bata. Le dan Bapoukou
s'y installa. Les autres arrivrent l'embouchure de l'Eyo
(Wol) o ils fondrent le village Mbini; le clan Komb
y resta. Les autres continurent vers le sud et fondrent le
village Doumbambgo, sur la rivire Ndot ; puis Iclouma,
prs de la pointe lIend; puis Djk (rio Mouni) o ils
s'tablirent et se livrrent la pche.
Un pcheur dcouvrit les les Elobey, d'autres attei-
gnirent l'le Corisco, qui tait dserte. Ils la baptisrent
TRADITIONS ORALES 125
Mahendj (endroit tranquille, aujourd'hui Mandji) et la
plupart s'y installrent. Les Ski s'tablirent prs de Coco-
beach. Les derniers Benga arrivrent aux Caps Estrias et
Santa Clara (83).
2 lhwalw Jacoby Thodore, maon Louis, 50 ailS.
Les Benga sont les frres des Dakota. lis ont t chasss
par les Pahouins (Ikieki).
Confirme l'histoire de l'antilope Djomb et le passage
par la plage, la dcouverte des les Elobey (Elobi) et Corisco
(Manrlji Denga) qui taient dsertes. Les Ski taient Coco-
beach quand y passrent les Benga; ceux-ci arrivrent au
Cap Estrias au temps du grand-pre de son grand-pre.
Les Douala ont des mots semblables au Denga. Les
Banoko de Kribi et les Datanga de la Guine espagnole sont
compris par les Benga.
Les Denga, navigateurs, parlent d'ailleurs toutes les
langues de la cte. Ils vont pcher, mme la nuit, en
pirogue voile ou en boat. Ils se rendent facilement du
Cap Estrias Corisco.
Ils sont aujourd'hui trs mlangs avec les !I1pongoui',
avec qui ils se marient depuis longtemps.
SKI
Les Ski, appels Shkiani ou Skiani par les \lpongou,
et Boulou par les franais du sicle dernier, occupaient.
alors le fond de l'Estuaire du Gabon. On n'en trouve plus
actuellement qu'un trs petit groupe (environ 70) Coco-
beach, sur la cte, la limite de la frontire espagnole.
raute de route, je n'ai pu m'y rendre et j'ai remis
M. Combes, prfet de l'Estuaire, un questionnaire qu'il a
bien voulu adresser Cocobeach avec des instructions
dtailles. L'enqute a t mene par le docteur R. ~ 1 i c h e l .
(83) Certains lments rie celle tradition semblent emprunts cl 'autres
peuples: la tra"erse de l'arbre aux Fang, la pointe aberranle "ers l'OgOUl'
aux Mpongou : mais, dans l'ensemble, elle rend bien compte des l'ails
actuels. Elle affirme une parent avec les Kota, que ceux-ci confirment (il y
a d'ailleurs une certaine parent linguistique), avec les Douala et avec les
cliers de la Guine espagnole, ce qui semble exact. Les deux centres actuels
de lkll>(a sont Corisco et le Cap Esterias.
126 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
lnfOl'mateurs
5 hommes et 3 femmes, de 40 75 ans, conduits par
Essanga Ren, ancien chef de la collectivit Ski, 75 ans,
village Indombo, et deux autres vieillards du mme ge.
Nom et parents
Ski, singulier; Bski, pluriel. - Nient toute parent
avec les Shak, mais avouent comprendre quelques
phrases de leur langue. Comprennent le Benga et vice
versa (84). Ne comprennent ni le Mpongou, ni le Fang.
La seule langue correspondant la leur serait le Ngoy,
tribu en voie de disparition dont on retrouverait quelques
reprsentants Ovendo, sur le Como et sur l'Ogou.
Origines et histoire
Venus de l'est immdiat : Mdouneu et Mdgu. Ces
Jeux noms, ajoute le docteur Michel, sont typiquement
Ski. Un groupe se dirigea vers Cocobeach et le rio Mouni
en longeant les rivires Temboni et Noya. Un autre groupe,
marchant vers le sud, atteignit l'embouchure du Como, a.u
fond de l'Estuaire du Gabon.
Cette migration eut lieu au cours de la troisime gn-
ration partir de l'actuelle (85). Sa cause fut l'invasion
Fang. Les Ski essayrent de rsister aux vols et aux pil-
lages; ce fut la guerre d' Andjonga , nom du chef de
village Mawondo (en Guine espagnole) qui dirigea la rsis-
lance et fut tu.
Arrivs la cte, les Ski vendirent le caoutchouc et
l'bne des montagnes aux maisons anglaises, Hallon et
Cookson, puis John Holt. C'est beaucoup plus tard, aprs
1900, que les Franais installrent des factoreries et des
chantiers d'okoum.
Socit
Patrilinaire.
(84) Ce qui semble indiquer qu'il s'agit de langues diffrentes; la coha
bitation et les intermariages ont pu les rendre familires aux deux peuples.
(85) En fail les documenls europens de l'poque indiquent formellement
que les" Doulou " environnaient l'Estuaire la cration de l'tablissement
franais (1843). Mais la migration a pu connatre plusieurs phases. Deux
informateurs de quarante-huit ans environ ont affirm au Dr Michel que
leurs grands-pres taient morts sur Je Temboni ou la Noya.
TRADITIONS ORALES 127
Clans: Ongoka, Bongo, Omoinallo, Omanga, Oungoun-
doukou.
Pas d'interdits alimentaires de clan. Les Ski de la Gui-
ne espagnole ont le mme interdit que les Benga, pour la
mme raison.
VII
POPULATIONS DISPERSES
A. - BONGOM (AKL) ET ASSIMILS
Les Bongom, que les Fang appellent Bingom, et que les
Myn appellent Akl ou Bakl, semblent avoir occup,
avant l'invasion Fang, de vastes espaces allant de Bou
la basse Como, et des Monts de Cristal la basse Ngouni,
enjambant l'Ogou et s'tendant jusqu'aux lacs de la rgion
e Lambarn. Chasseurs et guerriers demi nomades, ils
ont t parfois rapprochs des Pygmes, avec qui certains
de leurs propres groupes vivent en symbiose. Mais leur
aspect physique, aussi bien que leur prati4ue d'une agricul-
ture extensive, ne les montre pas diffrents des autres
peuples gabonais.
Les Bongom, et les peuples apparents, sont aujourd'hui
disperss travers le Gabon en un grand nombre de grou-
puscules, dont chacun ne compte que quelques villages :
1 A Libreville, quelques lments provenant des anciens
villages Akl de la basse Como (le village de Nombakl en
est un tmoignage).
2 Autour de Lambarn : trois cents sur le lac Ogu-
mou, sept cents sur la basse Ngouni, une centaine au
sud de Njol.
3 Dans le district de Fougamou : deux cents sur le
Rembo Nkomi, cinq cents sur l'Ovigui l'ouest de la route
Fougamou-Mouila, autant sur la Ngouni au nord de
Sindara.
4 Deux cents au nord de Mouila.
5 Six cents autour de Mimongo.
6 Un millier disperss dans les forts au sud-est e
Mbigou, les uns s'appelant Bongom et les autres Toumbidi.
7" Dans le district de Koulamoutou : un millier proxi-
TRADITIONS ORALES 129
mit de la ville, quatre cents disperss l'ouest parmi les
Pov.
SO Dans le district de Bou : un village isol sur l 'Ofou.
go Dans le district de Lastoursville : plus d'un millier
(Bongom et Mississiou), disperss l'ouest et l'est de
l'Ogou, prs du confluent de la Sb.
10 Dans le district de Franceville: environ 2000 Mbagno
disperss en une demi-douzaine de groupes.
11 Dans le district de Mkambo : un peu plus d'un
millier dans diverses directions autour de la ville.
Le genre de vie des Bongom, chasseurs, pourvoyeurs de
gibier pour les autres peuples, autrefois guerriers et trafi-
quants d'esclaves, peut, dans une certaine mesure, rendre
compte de cet extraordinaire miellement. A celte dispo-
sition naturelle, se sont ajoutes les circonstances histo-
riques. J'ai interrog plusieurs groupes parmi les plus
importants.
1Groupe Bongom de la basse Ngouni, au village Bellevue.
Informateurs: Lengangouet, exploitant forestier, chef de
canton, 63 ans. (M. Lengangouet a fait difier ce gros village
en 1929. Chef du groupement Bongom, il a tent de regrou-
per ceux-ci sur la basse Ngouni en les attirant des rgions
voisines, notamment de Mimongo.) - Bollard Antoine,
65 ans, conseiller de collectivit rurale. - Kessani Augus-
tin, 56 ans, commerant.
Nom: Ongom ou Bongom.
Origine et histoire: Les Bongom habitaient prs de Bou,
dans une grande plaine, au carrefour de quatre chemins.
II y avait 7 familles (clans ?). Les villages s'appelaient Bam-
bl, Letemb, Ombala. Ils eurent la guerre avec les Fang
Betsi et se dispersrent (86), les uns vers le sud par l'Orou
et la Lolo, les autres vers l'ouest par l'Ogou et le Rem-
bou. Les Bongom ont t les premiers sur le moyen Ogou,
aprs les Pygmes. Les Skiani (Shak ?) sont venus avec
eux, puis les ViIi de la Ngouni, puis les Enenga. Les
Okand taient dj leur place actuelle. Les Galoa sont
venus aprs les Bongom sur les lacs. Ils se sont fait la
guerre, puis se sont allis. Il y avait des villages Akl au
nord de Lambarn (Kasani et Atadi), un autre au sud
(86) La dispersion des Akl semhle bien antrieure la ""nue des fang.
Il doit s'agir e la guerre de Poupou, comme l'assurent les I3ongom de
Mkambo. C'est plus tard, sur le Moyen Ogou, que les Akl eurent afTaire
aux Fang I3elsi.
9
130 TnADlTlO;'<S ORALES ET ARCHIVES AU GABON
de Njol (Nsena). Sam-Kita doit son nom au clan Bongom
Saokita, qui y vivait (sa : les gens de, Okita : nom d'un
chef). Ils n'avaient pas de pirogues lors des migrations,
mais lanaient des lianes magiques et fabriquaient des
radeaux.
Les Bongom taient des guerriers. Ils allaient prendre des
esclaves chez les Massangou et les BanzaLi. La route des
esclaves passait au nord du lac Azingo. On les changeait,
ainsi que l'ivoire et le caoutchouc, contre des pagnes, de
la poudre, des fusils, des perles, du sel. La chasse l'l-
phant tait une grosse source de commerce.
Nous chassons tous les animaux sauf le gorille, la
sagaie, au pige, au fusil. Aucun totem ni interdit animal.
Les vtements autrefois taient en corce, puis en raphia.
Les enfants allaient nus. Les cases, en gaulettes, taient
basses. Le lit tait en rondins de bois, le feu au milieu des
cases.
Pour la guerre, les fticheurs prparaient des mdica-
ments. Ils suivaient la troupe. Le chef de l'expdition res-
tait cach. On s'emparait des femmes qu'on gardait
comme otages et compensation ventuelle pour les tus.
Socit patrilinaire et patrilocale. Religion : Nzamb,
Dieu. Crnes conservs. Circoncision vers 15 ans, collective,
grande fte, nuit blanche, interdiction aux nophites de
bouger (ils doivent tre comme morts) pendant l'heure o
se droule l'opration.
Devins-gurisseurs oprant en secret au cours d'une
assemble d'hommes dans la fort (Ondokou ou Laond) :
miroir, uf de poule, assiette blanche, plume de perroquet,
aiguille. Le Bouiti n'est pratiqu que depuis une vingtaine
d'annes.
2 Bongom et Toumbidi du Massif du Chaillu, Mimongo
et Mbigou
Les Bongom de Mimongo sont venus de Bou par la Lolo
en traversant l'Ofou. Ce sont nos pres, non nos grands-
pres qui sont venus ici (l'informateur Nouganga. Emile,
village Babini, a 60 ans), aprs les Mitshogo et les Massango,
avant les Franais. Il y a eu accord avec les Mitshogo, nous
leur fournissions de la viande.
Les Toumbidi (me dit-on Mbigou), sont des Bongom
spars depuis longtemps des autres et qui ont subi l'in-
fluence des Bawoumbou. Ils chassent au filet dans une
rgion de fort primaire.
TRADITIONS ORALES 131
3
0
Bassissiou et Bongom de Lastoursvillc
A) Bassissiou : singulier Mississiou. Se disent parents des
Bongom, bien que leur langue soit plus proche du Kota et
du Shak.
Informateurs : Libawamba Jol, 55 ans et Loba Pierre,
50 ans.
Origine: une rgion o il y avait beaucoup d'eau; ils
laissrent la savane au sud et arrivrent Ngouadi, du ct
d'Okondja. De l ils suivirent la Sb jusqu' l'Ogou. Ils
n'avaient pas de pirogues, mais des radeaux de bois lger;
ils suivaient les lphants. Les Shak marchaient avec eux.
Ils s'tablirent Boundji. Les Bakota arrivrent deux jours
aprs. Les Bassissiou eurent la guerre avec les Douma, les
Wandji et les Nzabi ; ils se dispersrent (87).
Les anctres taient pagayeurs sur le neuve avant les
Douma. Brazza, en 1888, leur a donn une mdaille. Avant
les Europens on ne pouvait pas voyager loin sur l'Ogou ;
chacun avait son territoire et ne laissait pas le passage aux
autres, sauf autorisation de sa part.
Les vtements taient en corce, les villages entours
d'une barrire. Les marmites et les bouteilles vides taient
des marchandises apprcies, elles servaient aux dots. Les
guerres et la chasse rendaient les changements de villages
frquents. On employait les fusils pierre, la sagaie et les
couteaux de jet (mousr).
Socit patrilinaire. Sororat et lvirat. On conserve les
ttes des morts comme chez les Douma. Le monde a t cr
par quelqu'un que nous ne connaissons pas. Nombreux
interdits de clans : gorilles, panthres, aigles. Interdits fr-
quents pour les pagayeurs : le crocodile et l'hippopotame.
Mariage avec les Bongom.
B) Bongom : Mungomo, singulier; Bangomo, pluriel.
Informateur : Lingoye Emile.
Les anctres ( taient mchants . Ils faisaient la guerre,
chassaient l'lphant, vendaient l'ivoire et se dplaaient
constamment. Ils brlaient les villages la nuit. Ils taient
arrivs avant les Bichiwa ; mme origine que les Bassissiou.
Un clan bongom, les Bakola, vit avec les Babongo (Pyg-
mes) du ct de Franceville (88).
(87) Toute celle histoire, aussi bien que leur langue, parat rapprocher
les Bassission des Shak plus que des Bongom. Noter que les Bongom de la
Ngouni semblent avoir vcu longtemps avec Jes Shak.
(88) Il est remarquable que ce nom de Bakola soit celui que Jes Bongom
132 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
4 Mbagno de Franceville
Informateur: Zambound, 66 ans.
Gnralement connus sous le nom de Mbahouin. - Yrai
nom: Ombagno, singulier; Mbagno, pluriel. - Parents:
Bawoumbou, Shak, Bongom, Danbomo, Kota. Se com-
prennent sans interprtes (89).
Origines: Venus par la Sb. Son passs par la montagne
Mouandana Odjinga ( 20 km sur la route d'Okondja), puis
par la montagne Koulou. Ils fuyaient les Ambamba et ont
franchi la Passa. Les Bawoumbou sont venus avec eux.
Ils chassaient au filet, cultivaient le mas (bapoutch) et
la banane (akondo); ils avaient des masques de cuivre;
ils ont longtemps gard le pagne d'corce (atiti).
Famille patrilinaire. Clans : Mingomo, Shak, Sha-
mashoko, Bouboukouyou, Shayaka, Sharowouyou. Pour la
guerre, ils se groupaient sous un seul grand chef du clan
Bouboukouyou.
5 Bongom de Mlcambo
Informateurs: Bouyon, chef de canton, 71 ans. - Biakao
Joseph, chef de canton, 75 ans - et trois autres.
Nom : Ngom, singulier; Bongom, pluriel. Parents
linguistiques : Mousa Shak, Danbomo. - Pas les
Bakota (90).
Origines : sur l 'Ogou. La guerre de Poupou les a chas-
ss, les uns vers Lambarn, les autres vers Franceville.
C'est ensuite qu'ils sont venus sur la Liboumba. Les Pyg-
mes (Bakola) sont venus avec les anctres. Il y en a d'autres
Franceville. Il y a aussi un groupe Bongom dans la rgion
de Kl (Moyen Congo). Pas de guerres, sauf avec les
Bakoul et entre eux.
Achetaient le fer aux Bakota. Vtements d'corce.
Les Bakola vivent en symbiose avec eux; chaque chef
Bongom a comme clients un certain nombre de Bakola.
de donnenl leurs pygmes. La prox.imit et la de
genre de vie a dCl, depuis longlemps, amener des mlanges. Mg-r Adam a
observ que nombre de femmes Shak taienl remarquablemenl pelites.
(89) En ralil, d'aprs le lmoignage de Mgr Adam, les Mbagno parlenl
un dialecle llongom, qui n'a avec le Kola que des parents loin laineS. Mais
les trad ilions d'origine des Mbagno les rapprochenl des Shak. Leurs noms
de clans indiquen 1 du l'esle des origines mlanges.
(90) Ainsi nous voyons affirmer, une fois de plus, la parenl Shak-
Bongom, bien que les premiers apparliennent au groupe linguistique Kola
el que les origines, les en croire, soienl difTrentes.
TRADITIONS ORALES 133
Les Bongoum ont des noms de nombre jusqu' 5. Ensuite
ils disent : 5 et l, etc... Ils ont des noms pour 10 et 20.
B. - PYGMES
Les Pygmes semblent avoir exist presque partout au
Gabon. Les traditions d'origine de la plupart des peuples
dclarent que les Pygmes les ont prcds ou guids dans
la fort. Aujourd'hui ils semblent avoir peu prs disparu
de l'Ogou, sauf en deux cas que l'on verra tudis plus
loin. Dans tout le sud au contraire ils se rencontrent un peu
parl.out par trs petits groupes, vivant plus ou moins en
symbiose avec les peuples voisins. Nous les avons vu citer
par ceux-ci sous les noms d'Akoua (myn), Bthyu, ou
Baka (fang), Bakola (kota et bongom), Babongo (dans tout
le sud).
Je n'ai pas procd des enqutes chez eux. Non qu'ils
soient insociables, mais il faut du temps pour les mettre en
confiance et surtout en obtenir des rponses tendues sur
une matire qui chappe aux proccupations de leur vie
quotidienne. On ne trouvera donc ci-aprs que des
remarques suecinct.es sur ceux qu'il m'est arriv de rencon-
trer dans le sud. J'y ai joint les observations beaucoup plus
importantes qu'ont bien voulu me communiquer d'une
part le R. P. Morel, d'autre pnrt l'administrateur Cabrol
sur les deux groupes du nord parmi lesquels ils ont vcu
quelque temps.
1
0
Babongo de Dibondi (20 km l'est de Mimongo)
Vivent en symbiose avec les Massangou. Environ 1 m GO
1 m 60 pour les hommes, 1 m 40 1 m 50 pour les
femmes (non mesurs). Nez large, lgrement aquilin, peau
lgrement plus claire que les Massangou, traits graciles,
cheveux crpus serrs tendant vers le grain de poivre, fai-
blesse des membres, certaine allure infantile, corps plutt
glabre, jambe non massive. Type voquant plutt les
Boschimans que les Pygmes classiques.
Hutte ronde de feuillage (familles en dplacement).
Pagnes d'toffe. Bouiti simplifi. Danses et musique trs
particulires. Parlant Massangou.
2
0
Babongo au sud de Loslursville
Mme caractre, avec d ~ individus plus grands et plus
134 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
noirs, tmoignant des mtissages. Se disent venus du sud,
de la rgion de Moanda, aux limites de la fort et de la
savane. Ils ont suivi la piste des lphants n. Village sem-
blable ceux des autres gens du sud, maisons quadrangu-
laires en torchis, de taille normale. Pagnes et vtements
europens. Quand ils partent en chasse, le village est enti-
rement abandonn et ils vivent alors en huLLes rondes dans
la fort (91).
3 Babongo des environs de Mbigou
Le chef est noir, de taille normale, poilu, au nez fort.
Il dclare : Les Babongo sont venus du village Kota; ils
ont laiss les blancs l-bas (92).
4 Bakola de Mkambo
Rsum des observations faites en 1961 par M. l'admi-
nistrateur Cabrol qui a vcu quinze jours avec eux :
Prs d'un millier, soit un dixime de la population du
district. Dix villages, dont dix au nord de Mkambo (sur
la Djouah) et deux au sud (rgion d 'Ekata).
Origines : Ceux d'Ekata sont venus aprs la guerre de
Poupou ; auparavant ils taient Ladi, dans le nord-est.
Ceux de la Djouah sont venus de la rgion de Bou avec
les Bongom ; ils sont rattachs aux clans Bongom Samodi
et Samolala ; ils ont t groups le long de la route il y a
une dizaine d'annes.
Anthropologie : Prs de Mkambo fortement mtisss.
Ailleurs, taille moins d'un mtre cinquante, peau rou-
getre, nez triangulaire, velus, tronc plus large que les
jambes.
Techniques : Pour la chasse, autrefois un pieu de bois
durci (ambanhou). Ni arc, ni flches. Aujourd'hui sagaies
et filets de lianes tresses (kossa) : chiens porlant des gre-
lots de bois. Antilopes, phacochres, singes (y compris les
anthropodes), serpents (la vipre cornue est particulire-
ment apprcie), tortues, grenouilles, crapauds, chenilles,
escargots. Viande toujours cuite (dans des feuilles). Fosse et
sagaie pour les lphants. Abeilles enfumes, arbre abattu;
ruches-paniers. Crmonie avant la chasse: appel du gibier
avec corne d'antilope; les animaux sont cits par leur nom.
(91) D'amples enregistrements de danses et chants ont t ex.&uls par
M. Pepper dans ce groupe et dans le prcdent.
(92) C'esl la tradition Tshogo el Sangou.
TRADlTIOl'\S ORALES 135
L'opration de chasse est dirige par le matre Bongom.
Pche au panier dans les marigots pour les femmes.
Vtement ancien d'corce. Habitation ancienne : case
ronde, armature de lianes (Iango), feuilles d'agoumpou;
parfaitement tanche; lit de bois : pierres du foyer; pas
d'autre mobilier; un seul trou : la porte.
Evolution : sensible surtout au nord. Villages groups,
du type gabonais courant; cultures vivrires. Vont
Mkambo s'employer comme manuvres et y vendre de
la viande et du poisson sec, et acheter du sel, des mat-
chelles, des fusils; pagnes et vtements europens; ind-
pendance croissante l'gard des Bongom.
Mariage monogame, sauf quelques rares exceptions. Dot:
cadeaux de viande, miel, poisson. Grande fte pour la cir-
concision (adultes ou adolescents). Adultre: femme battue.
Vol et meurtre: compensation. Morts autrefois abandonns
avec la case, aujourd'hui enterrs.
Dieu (Zambi) reconnu, non pri. Le mort se perd
dans les feuilles )). Ni totem, ni interdits.
Numration du type Bongom (ils parlent bongom). Ecole
pygme Ekata.
5 Balw de la zone vide)) l'est de Minvoul
Observations communiques par le P. Morel et un de
ses collgues, professeurs au collge Bessieux Libreville,
qui ont pass un mois parmi eux en 1961.
Plus clairs que les Fang, enfants plus sombres que les
adultes. Taille moyenne: hommes 1 m 50, femmes 1 m 40.
Nomades; en 3 semaines, 5 campements. Circulent, en
saison sche dans toute la fort vierge inhabite entre Min-
voul, Souank et Djoum. Les pistes sont rafrachies au pas-
sage coups de matchelles; impossibles discerner pour
un blanc.
Appellent Baka tous les Pygmes; se nomment eux-
mmes Bangoumb.
Anctres venus du nord, de pays lointains appels Gouiya
et Lom. Ne sont jamais alls plus loin au sud. Savent qu'il
existe, l-bas, d'autres Pygmes, mais ne les ont jamais
vus (93).
(93) Il semble onc que la fort du Gabon contienne, du poinl de vue
des origines, eux catgories de pygmes: les uns venus du sud ou de l'est;
les autres (les Balla) venus du nord. On pourrait supposer que la zone origi-
nelle des pygmes' tait tout aulour de la fort ct il sa lisire, rgion propice
la chasse et au refuge.
136 TRADlTlO;\S onALES ET ARCHIVES AU GABO'"'
Langue diffrente du Fang, sauf pour les choses nou-
velles. Comptent jusqu' 5; aprs c'est beaucoup )).
Haches troites et coudes, matchettes, pas de forgerons.
Autrefois pieux de bois durci au feu. Aucun souvenir d'arc
et de flches, pas d'arbalte. Fusils piston prts par les
Fang; mettent une sagaie dans le canon. Tuent l'lphant
presque bout portant, en se plaant sous le vent. Ils se
nomment le peuple de l'lphant )). Onze noms diffrents
pour l'lphant. Les femmes pchent. Tous ont des dents
limes en pointe; c'est plus facile pour manger la
viande )). Commencent faire quelques plantations. Por-
tent des pagnes dans la fort, mais des vtements l'euro-
penne quand ils viennent chez les Fang.
Famille patrilinaire. Pas de chef, sauf le pre de famille.
Clans exogames correspondant aux clans Fang qui sont
leurs patrons. Aversion matrimoniale et rancur l'gard
des Fang qui veulent les empcher de s'lever et les
appellent sit (btes). Plaintes Dieu de ne pas tre traits
en hommes.
Komba : Dieu. Crmonial avec prires et danses. Ne
transportent pas les anctres, mais conversent avec eux.
Les Pygmes, trs gais dans la fort, riant et chantant
sans cesse, deviennent teints et moroses dans les villages
Fang.
QUELQUES CONCLUSIONS PROVISOIRES
1 Di versit d' origines
L'hypothse de migrations provenant uniformment du
nord-est, que divers auteurs ont autrefois formule nous est
apparue sans fondement. Il est possible qu'elle ait t, gros-
sirement. ou non, dicte par les conceptions anciennes sur
le peuplement de l'Afrique partir de l'Asie, des peuples
( chamites , etc ... , tout un stock d'habitudes dues aussi
bien une extension abusive des rcits bibliques qu'
l'troitesse gographique de notre enseignement historique,
qui a gagn peu d'tendue depuis l'Histoire dit univer-
selle de Bossuet. En ralit nous avons trouv des peuples
venus du sud (dans le sud-ouest), de l'est (dans le sud-est
et le centre), du nord (Fang, Kota, Benga), et, finalement
un stock de peuples (Myn, Bongom) d'ont la prsence
parat trop ancienne pour que des origines non-gabonaises
puissent en tre encore affirmes coup sr, tout au moins
par la voie des traditions orales.
2 Difficults d'une chronologie
Sauf pour des priodes relativement proches, ct chez les
peuples patrilinaires (o le dcompte des gnrations est
plus silr) , il est trs alatoire de dater les vnements. Les
souvenirs valables peuvent remonter jusqu'au pre du
grand-pre; au-del ce n'est qu'une rcitation de gna-
logies sans correspondance avec des faits historiques, ou
hi en des dbris de faits sans perspective temporelle, ou des
mythes dont l'interprtation peut tre dangereuse.
L'absence de dynasties royales et de professionnels de la
mmoire rend toute chronologie ancienne quasiment. impos-
sible par les seules voies de la tradition.
3 Anciennet de l' homme au Gabon
Cette mmoire confuse, incapable de concevoir des suc-
cessions de sicles, habitue penser dans le cadre d'une
dure limite, a pour effet d'abrger le temps. Les Oroun-
138 TRADITIOi\S onALEs ET ARCHIVES AU GABON
gou parlent de Lopez comme s'il avait vcu hier. Les
Zamane arrivent Dieu aprs une dizaine de gnrations
(chiffre dj considrable). - Les migrations, entendre
les informateurs (et si l'on met part les mythes) remon-
teraient au plus 200 ans. Et toujours il n 'y avait per-
sonne ici avant nous (sauf les fidles Pygmes qui ser-
vaient d'avant-garde). C'est ce qu'on pourrait appeler la
contraction de la perspective temporelle.
Si l'on s'en tenait ces rcits, en effet, l'Histoire du
Gabon daterait d'hier. Il y a 300 ans, le Gabon aurait t
une fort vide, que des peuples venus de la savane seraient,
brusquement et pMe-mle, venus pntrer, d'ailleurs en
faible nombre.
Or cette conception est dmentie : A, par les documents
europens qui nous montrent, sur la cte, certains peuples
en place depuis le xv sicle; B, par l'tat de la fort,
presque partout rduite l'tat de fort secondaire (okoum
et sous-bois impntrable), ce qui suppose une fort longue
occupation tant donn la trs faible densit humaine;
C, par l'existence d'une prhistoire, dont je parlerai en
annexe.
4
0
Insuffisance des traditions
Il est donc indispensable, pour redresser les perspec-
tives et complter l'apport des traditions, de recourir
d'autres connaissances. Ce besoin est ressenti instinctive-
ment par quelques informateurs qui, ayant reu des rudi-
ments d'instruction, essaient maladroitement d'ajouter
aux rcits des anctres des souvenirs livresques. Or la syn-
thse, pour tre valable, ne peut videmment tre manie
que par des mthodes correctes et des gens habitus les
nuancer. A l'histoire documentaire doivent se joindre non
seulement l'ethnologie, la linguistique, la prhistoire,
l'anthropologie, mais la gographie, la pdagogie, la bota-
nique, la palo-climatologie. L'ethno-histoire suppose non
seulement une double formation d'historien et d'ethno-
logue, mais la collaboration de spcialistes d'autres dis-
plines.
50 Diversit des traditions pour un mme groupe linguis-
tique
La rpartition des peuples gabonais en groupes linguis-
tiques (de 6 10 suivant les auteurs) pourrait faire croire
l'uniformit des origines de chacun de ces groupes, ce qui
TRADITIONS ORALES ]39
simplifierait la question. En ralit les traditions sont loin
d'tre uniformes pour un mme groupe. Ceci peut s'expli-
quer : A, par des souvenirs de longueur diffrente (les
Benga assurent avoir laiss les Douala leur droite et les
Bakota leur gauche, sans doute dans le Moyen-Cameroun,
alors que les plus anciens souvenirs des Bakota. ne remon-
tent pas au-del des affluents de l'Ivindo); B, pa.r une
assimilation des traditions celle des peuples voisins (c'est
ainsi que j'expliquerais, au moins provisoirement, l'extraor-
dinaire cas des l\fassango, linguistiquement Eshira-Pouoou,
mais qui sui vent la tradition Tshogo) ; C, par un change-
ment linguistique (tel celui que l'abb Walker avance pour
les Galoa).
6 Dispersion des groupes
Due l'espace, la fort, aux nVleres infranchissables,
aux ncessits de la chasse ou des cultures aux
querelles internes. De l le cloisonnement en trs petites
units, un morcellement quasi infini des droits sur le sol
et ses ressources, les petites guerres permanentes ayec les
voisins, l'absence de circulation et de commerce, l'accen-
tuation des diffrences, la multiplication des peuples.
7 Rapports entre peuples
Attnuant cet isolement : symbioses (entre Pygmes et
autres groupes), commerce limit (sel, pagnes de raphia),
alliances matrimoniales terminant les guerres, l( parents
interdits .
8 Uniformit des genres de vie
A quelques dtails prs (importance plus grande de la
chasse ou des cultures) la nature gabonaise impose des
mthodes de subsistance, d'habitat, de vtement, d ndus-
tries dont la monotonie remarquable a d, plus d'une fois,
lasser mes lecteurs. Le Gabon possde l, dans une cer-
taine mesure, un lment d'unit.
9 Equilibre de ces petites socits anarchiques
Sans gouvernement, sans unit relle dpassant le village,
elles arrivaient, par le jeu des compensations, maintenir
les coutumes, une paix relative entre les familles et, dans
une large mesure, l'galit des conditions dans une libert
indi viduelle assez large.
140 TRADTTIO:'iS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
10 Rle de la traite des esclaves
Elle tait (l o elle existait) un moyen de maintenir la
coutume et de se procurer des marchandises en liminant
les indsirables. Que la traite ait provoqu dans certaines-
rgions des situations infernales de chasse l'homme, c'est
certain; mais, part les Shak, nul ne nous l'a dcrite
sous cet aspect classique. D'autre part les populations qui
ont fourni le plus d'esclaves sont aujourd'hui les plus nom-
hreuses. Ainsi l'examen des circonstances locales peut
amener rviser l'aspect de certains phnomnes histo-
riques. Cet aspect interne de la traite n'enlve rien, bien
entendu, aux horreurs du trafic des ngriers.
Deuxime partie
ARCHIVES
REMARQUES G ~ R A L E S
Les archives gabonaises sont extraordinairement dfi-
cientes. Je ne puis, l aussi, que remercier le Gouverne-
ment et les autorits administratives de m'avoir ouvert
libralement leurs tagres, mme celles qui taient ti-
quetes 1( confidentiel . Les rsultats sont loin d'tre nuls,
mais ils sont loin de rpondre ce qu'on pouvait lgiti-
mement attendre d'un pays o une administration franaise
paperassire s'est installe il y a prs de 120 ans. Avant 1910
il n'existe peu prs rien. Donc, c'est un aMme de prs
de 70 ans. L'Histoire documentaire remonte beaucoup
moins haut que les traditions orales; elle est moins ge
que nos vieillards - et pourtant les papiers ont exist.
Comment s'est produite cette radicale rosion des archives?
Question grave pour l'historien, car il parat bien probable
que le Gabon ne constitue pas une exception et que la plu-
part des archives tropicales ont subi de semblables catas-
trophes.
Il convient de distinguer : 1
0
les archives du gouverne-
ment, des missions et du commerce. 2
0
les archives des
circonscri ptions administrati ves.
1
0
) La quasi nullit des archives gouvernementales est
peut-tre explicable par les changements de ces dernires
annes (changement de personnel et changement de
locaux), par certains vnements antrieurs (1940), par
l'absence d'archiviste, et, en partie, par la situation subor-
donne du Gabon l'gard de Brazzaville qui, certaines
poques, fut totale, le lieutenant-gouverneur n'intervenant
que pour apposer son vu et transmis )).
Cette subordination ouvre par contre un espoir: l'essen-
tiel des archives gabonaises doit figurer parmi les archives
du Haut-Commissariat de Brazzaville, transfres rcem-
ment en France. Il est seulement souhaiter que ces docu-
ments, encore en caisse Bordeaux, puissent tre mis rapi-
dement la disposition des chercheurs.
Si l'on ajoute ces archives celles des ministres fran-
ais, surtout celles de l'ancien ministres des Colonies, il
144 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES Al! GAllON
faut conclure que l'essentiel des documents sur l'histoire
du Gabon se trouve en France, et c'est heureux car ils y
sont conservs par des mthodes correctes.
Il en est de mme des missions et des maisons de com-
merce. Les documents anciens, quand ils n'ont pas disparu,
ont t envoys la maison mre, en France, en Angle-
terre, ou en Amrique.
2) Les archives des circonscriptions (rgions et dis-
tricts) sont, dans l'ensemble, d'un plus grand intrt que
celles du gouvernement. La succession des rapports annuels
donne une bonne ide de la vie locale et de ses progrs.
Malheureusement elle est loin d'tre rgulire. Depuis 1959
les rapports disparaissent. De 1947 1959 ils existent gn-
ralement. Il y a des lacunes srieuses dans les annes de
guerre. La priode 1935-1939 est souvent bien reprsente.
Celle de 1929-1934 est moins rgulire. De 1914 1929 c'est
souvent le vide. Les annes 1911 1914 se rencontrent par-
fois. Avant 1910, aucun rapport, et rarement des journaux
de poste ou des registres de correspondance sans continuit.
La diffrence entre les poques peut s'expliquer par l'in-
trt plus ou moins grand port par les gouverneurs gn-
raux (ou leurs chefs de service) ces rapports et leur exi-
gence cet gard. Il y a aussi, peut-tre, une question de
papier : les rapports trimestriels anciens, sur papier
imprim fort, ont le mieux rsist. Il faut tenir compte aussi
de la prise en charge par les socits concessionnaires,
avant 1910, d'une partie du territoire. Mais tout cela ne
suffit pas expliquer la disparition totale des archives
anciennes et celle de sries entires des archives rcentes,
parfois mme l'inexistence de toute sorte d'archives, sauf
pour les toutes dernires annes.
On dit: les termites ; excuse facile. La responsabilit
initiale n'incombe pas ces bestioles qui mangent seule-
ment les papiers qu'on leur abandonne, mais l'incurie
des hommes, leur manque d'intrt pour le pass, un
dfaut d'organisation, aux changements frquents de per-
sonnel, l'exigut des locaux.
Le p r o ~ e s s u s de la destruction, tel que je crois l'avoir
saisi, est le suivant: on accumule les papiers anciens en
liasses, relies ou non par une ficelle, sur des tagres ou
sur le sol des bureaux, o ils deviennent vite encombrants.
Un jour on dcide de faire de la place. On fourre le tout
dans des magasins dbarras, ple-mle avec le matriel
rform. Aucun classement pralable: les documents int-
ARCHIVES 145
ressants sont noys dans un ocan de vieux quittanciers
souche, de correspondances primes, de comptabilits
rlfuntes. Ils dorment l, empils dans des caisses ouvertes
ou sur des tagres vtustes, voire mme tout simplement
sur un sol de ciment craquel ou de terre battue. La cha-
leur, l'humidit, les insectes, les rats font leur uvre. Au
bout de quelques annes, ce n'est plus qu'un magma
repoussant que l'on brle en bloc.
De loin en loin s'est rencontr un administrateur sou-
cieux d'tre document sur son territoire et qui a sauv les
rapports de quelques annes en les conservant dans son
bureau. De l les sries discontinues. Leur tat de conser-
vation n'est pas toujours parfait; certains papiers se sont
ramollis la chaleur humide, les pingles et les trombones
ont rouill, des pages entires sont devenues illisibles ou
ont t dvores par les insectes spcialistes du papier.
Un mode mineur de destruction, c'est la modification
des circonscriptions administratives. Des postes supprims,
rien ne subsiste. Des changements de chefs-lieux de rgion
ont amen des dmnagements catastrophiques, soit qu'on
ait gar les archives, soit qu'on les ait brles pour s'al-
lger.
Le mal tant dnonc, quel pourrait tre le remde? Les
archives de Yaound et de Brazzaville ont t sauves et
classes grce l'envoi d'archivistes palographes, celles
d'Abidjan par l'affectation d'un fonctionnaire ivoirien, qui
a reu une spcialisation et qui a pu veiller sur elles plus
de 25 ans. Les Archives Nationales accepteraient sans doute
de former un fonctionnaire ou un tudiant gabonais d'un
niveau d'instruction assez lev, qui pourrait assurer le
classement des archives centrales et veiller, par des tour-
nes d'inspection, la bonne tenue des archives des circons-
criptions. A dfaut, tout agent serait utile s'il avait le sens
de l'ordre, la capacit de discerner les documents impor-
tants, et surtout la stabilit ncessaire. Des recommanda-
tions aux prfets et sous-prfets pour le tri et le classement
priodique seraient ncessaires. Reste le problme des
locaux, qui doivent tre spcialiss, bien protgs et d'une
ampleur correspondant aux archives existantes et venir.
Je suis persuad que ce cri d'alarme sera entendu par le
gouvernement gabonais, lgitimement soucieux de prser-
ver son patrimoine national.
J'espre vivement que l'inventaire rapidement dress
ci-dessous pourra le sen'ir prserver ce qui reste. L o
10
146 TRADITIONS ORALES ET ARCIIlVES AU GABON
je l'ai pu (c'est--dire presque partout), j'ai analys la plu-
part des documents, en vue de l'Histoire du Gabon. Je me
bornerai ici des indications trs brves, qui pourront
cependant tres utiles d'autres chercheurs et aux admi-
nistrations locales.
LIBREVILLE
Gouvernement
Les papiers hrits du Haut-Commissariat sont pauvres
et difficiles consulLer. Ils se trouvaient, lorsque je les ai
vus, rpartis entre la Prsidence et la Vice-Prsidence. Dans
la premire ils occupaient un petit magasin troit, mais
sec. A la Vice-Prsidence, dans une cave obscure, sur des
rayonnages de bois, les dossiers sont entasss sans ordre,
avec de vieux livres rongs et des collections de l'Officiel.
Le Prsident Lon Mba a bien voulu, sur ma demande,
prescrire un pr-inventaire des dossiers qui s'est ralis
dans des conditions acrobatiques, et dont je remercie
madame Loiseau et ses collabora Leurs.
Les dossiers de la Prsidence semblent pour la plupart
provenir des Affaires politiques, des Affaires conomiques
et du Personnel. A citer, notamment : Douanes, Justice,
Dports politiques, correspondance depuis 19:35, Rorga-
nisations administratives (1905 1954), Marine (1900-1958),
Requtes indignes, charlatanisme, Travaux publics, Ensei-
gnement (1910-1955), Main-d'uvre, Commerce extrieur
(1912-1942), Guerre 1914, Guerre 1939, AgriculLure, Affaires
allemandes (1900-1914). A noter l'absence totale des rap-
ports politiques et conomiques. Les quelques dossiers que
j'ai consulLs m'ont paru d'administration courante et d'un
intrt historique faible.
A la Vice-Prsidence on trouve les registres du Cour-
rier au dpart de 1911 1918, puis 1924-1925, 1930-1931,
1941, la correspondance avec le gouverneur gnral
de 1932 1945, avec des annes manquantes. J'ai analys
le premier registre (1911-1914) o, dans une masse de cor-
respondances courantes, se trouvent quelques leUres d'un
certain intrt. A noter aussi les dossiers Confidentiel
1911, 1927-1930, 1936-1937, la Correspondance avec le
ministre des Colonies et les Colonies trangres 1939-
1944 (trs dcevant malgr le titre et la date), et les dos-
ARCHIVES 147
siers de personnel de di vers services (1934-1949), trs lacu-
naires.
Trs faible rcolle au total. Aucun document ancien. La
Haute Reprsentation de France nous a assur, de son ct,
n'avoir rien conserv.
Il convient videmment d'ajouter celle liste les archives
des services spcialiss : Enseignement, Sant, Travaux
publics, Agricullure, Eaux et Forts, Inspection du Tra-
vail. Il ne semble pas que l'on puisse en esprer des docu-
ments anciens, mais des rapports intressants sur l'volu-
tion rcente.
Rgion de l'Estuaire
Les archives de la mairie de Libreville ont t, en partie
transfres la Rgion de l'Estuaire, en partie brles en
1956, y compris l'tat-civil.
A signaler la Rgion de l'Estuaire:
1) Quelques dossiers, notamment : A. Biens ances-
traux mpongws et Affaires mpongws : indemnits
rclames pour terrains de Libreville non compris dans les
traits passs par les rois au sicle dernier; l'affaire com-
mence en 1941 et une indemnit est accorde en 1964.
B. Coutumes : Procs-verbaux de la Commission char-
ge, en 1949, de recueillir des traditions pour l'Histoire.
Celle commission comprenait, notamment le futur Prsi-
dent Lon Mba, l'abb Walker, le R. P. Gautier. Rien n'y
figure qui ne soit dj dans leurs uvres publies. Noter
les conclusions de l'administrateur: Il me parat que les
traditions locales sont peu prs perdues pour l'poque
antrieures l'occupation franaise; que, pour les faits
postrieurs cet tablissement, elles ne sont gure plus
fermes et se mlangent, dangereusement pour la vrit,
avec les souvenirs confus de lectures demi oublies.
2) Des rapports annuels, malheureusement trs rcents:
1948 1951, 1954 1967. Les rapports 1948-1950 sont parti-
culirement copieux et constituent de vritables monogra-
phies de Libreville et des autres districts (Kango, Coco-
beach), avec des vues sur l'volution. Noter que tous ces
rapports sont qualifis de politiques . Aucun rapport
conomique.
Chambre de Commerce
1 Bibliothque Haug, provenant de la Mission protes-
tante de Ngomo (Moyen Ogou) ; comprend : A. 55 cartes,
148 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
allant de 1872 1910, la plupart du Service hydrographique
et concernant le Bas Ogou ; cartes de Haug sur la rgion
des lacs. B. 143 volumes dont 55 sur le Gabon, notamment
certains ouvrages de la Mission protestante sans doute dif-
ficiles trouver ailleurs.
2) Collection de dessins du temps des explorations (cer-
tains reproduits dans le c( Tour du Monde).
Missions et maisons de commerce
Mgr Adam m'a dit que tous les documents historiques
avaient t envoys la maison mre des Pres du Saint-
Esprit, Paris. Il m'a remis un annuaire imprim de la
Mission, qui constitue un catalogue historique sommaire de
son activit.
M. le pasteur Stoecklin a bien voulu me communiquer
un certain nombre de documents qui, pour tre imprims,
n'en sont pas moins prcieux et difficiles consulter :
1. The Missionary Herald (American board of Commis-
sioners for Foreign Missions), 35 feuilles dtaches conte-
nant les lellres des missionnaires au Gabon de 1842 18G3.
2. Sketch of the gaboon Mission par le Rv. William
Ireland, 1864 (4 feuilles). 3. Gaboon , carte extraite de
c( Maps of Missions of the American Board of Commis-
sioners for Foreign Missions , Boston, entre 1856 et ISGl,
une page. 4. A History of the Presbitary of Coriseo
du Rv. R. A. Nassau, Trenton USA, 1888 (photographie
du document, 27 pages). 5. La Mission vanglique au
Congo franais , rapport de la Mission Teissre-Allgret,
1891, 32 pages.
Les reprsentants des maisons Hallon et Cookson, John
HoIt, SHO m'ont assur que leurs documents anciens
avaient t soit dtruits, soit envoys leurs siges en
Angleterre ou en France.
OGOU-MARITIME
Rgion de l'Ogou-Maritime (Port-Gentil)
1) Registre de correspondance de Cap Lopez du 10-7-1899
au 12-12-1901.
2) Rapports annuels (surtout rapports politiques) de
1950 1859 (commune et rgion) : vie politique, volution
ARCHIVES 149
conomique, population. Tous les rapports antrieurs
auraient t brls en 1949.
jv/ission Sainte-A nne du Fernan Vaz
Je n'ai pu m'y rendre, mais M. le sous-prfet Fangui-
novni m'a adress un rsum des principaux faits survenus
de 1887 1897 qui semble indiquer la prsence d'un registre
tenu par le R. P. Bichet, contenant des renseignements pr-
cieux pour l'histoire des Nkomi cette poque.
NGOUNI
Fougamou - District
Rapports politiques 1929 (un trimestre), 1932-1933, 1946
1959 (manque 1958). Rapports conomiques 1937, 1939,
1940, 1943 1958 (manquent 3 annes; plus toffs que les
l'apports politiques). Rapport Maclatchy sur la subdivision
de Mimongo (voir Mimongo).
Mouila - Rgion de la Ngouni
Au pays des Ishogos n, copie dactylographie d'un
rcit de voyage de l'abb Walker en 1907. Rapports (semes-
triels ou annuels) 1926, 1927 (avec rapports des districts),
1928, 1930, 1932, 1935 1939, 1950.
Dossier sur Allal el l'asi (dport 1936-1941).
ilIouila - District
Rapports 1927 (signale : archives inexistantes), 1936
1939, 1943 1949, 1954 1959.
Ndend - District
Rapports politiques 1947, 1950, 1951, 1954, 1956, 1958.
Rapports conomiques 1950-1951.
Mimongo - District
1) Journal du Poste comprenant 4 cahiers: l, mai 1935
dcembre 1938; 2, juillet 1935 mai 1950 (tournes);
3, janvier 1940 janvier 1947; 4, janvier 1947 mai 1949.
Les deux premiers cahiers, o l'on voit se drouler la vie
d'un poste isol et l'activit administrative sont intres-
sants; les deux derniers ne contiennent gure que l'indi-
cation des passages et du temps (brouillard, (f brouillard
150 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
pais ; not, pour le mois de juin 1940, cette phrase
caractristique : Aucun vnement important au cours
de cette priode. )
2) Rapports priodiques: mars 1924, un trimestre 1933,
1"" et 2 trimestres 1936. Annes 19;)8, 1939, 1941, 1943,
1946, 1950 1959. Intressant pour l'volution d'un poste
isol, sans cole, sans mission, sans routes jusqu'en 1941 :
vie traditionnelle, portage, prospections minires, recher-
ches de tracs pour routes.
3) Rapport Maclatchy sur la subdivision de Mimongo
(1936, dactylographi, 124 pages). Excellente monographie
sur l 'histoire de l'occupation franaise, les populations, la
vie matrielle, la socit, les coutumes.
Mbigou - District
1) Journal du poste, 3 cahiers: l, mai 1933 mai 1940 ;
2, 1945-1946; 3, dcembre 1951 juillet 1953. Difficult du
recrutement de travailleurs et de prestataires.
2) Rapport politique 1926 (petite monographie), 1927
1939, 1941, 1943 1948, 1950 1959.
NYANGA
Tchibanga - Rgion de la Nyanga
Rapports mensuels 1911 ( circonscri ption des Bayaka )) ;
les indignes se tiennent l'cart du poste ) et 1912.
Rapports annuels 1918 (bonne mise au point de la situation:
Bayaka hostiles, maladie du sommeil, grippe, hommes-
tigres , portage, palmistes, pas d'cole), 1931, 1932 et 1933
(un trimestre).
Mayoumba - District
Rapports mensuels 1911 (fin du monopole CFCO). Rap-
ports conomiques 1949 (le courrier postal est encore trans-
port par pitons), 1950-1951-1953. Rapports politiques
1949, 1951, 1952 (rapport Moncoucut sur l'volution des
populations), 1953, 1957, 1959. Au greffe du tribunal de
Mouila : tat chil de Mayoumba depuis 1886.
Mayoumba - Mission catholique
Journal de la Mission; 2 cahiers : A, 1936-1952;
B, 1953-1961. Les cahiers les plus anciens auraient t por-
ARCHIVES 151
ts par le R. P. Heidet la Mission de Paris. Registre des
baptmes depuis 1889.
OGOU-LOLO
Koulamoutou - Rgion de l'Ogou-Lolo (ex : circons-
cription des Adoumas
Rapport annuel 1934 (bonne mise au point), 1949, 1950,
1953. Rapport du district de Lastourville 1933, 1936, 1943
1951.
Koulamoutou - District
Toutes archives brles en 1954. Rapport 1955 1958 et
1960. On trouve, la Rgion, les rapports 1946 1950.
Lastoursville - District
1) Jean Rigo : Le soixantime anniversaire de Lastour-
ville (1883-1943), manuscrit dactylographi de 20 pages
en trs mauvais tat. Notice sur Lastours, Madiville, les
pagayeurs Adouma, le rle de Lastoursville 1883-1885, les
administrateurs de la ville depuis 1909. Dnonce la pau-
vret des archives .
2) Dossier La guerre contre les Bawandji, 1928-1929 .
Important. Nombreuses pices rparties en plusieurs sous-
dossiers: Wango refuse longtemps de payer l'impt, gardes
accueillis coups de fusil, colonnes, tablissement poste
Poungui, administrateur Le Testu ramne la paix aprs un
an et trois mois d'hostilits. Dcs Wango sur Congo, cours
transport.
Dossiers procs pour attaques main arme et incendies
de villages contre les insurgs (1929).
3) Rapports priodiques: 1929, 1930-1931, 1933 1939,
1941 1948, 1950, 1953-1954, 1957, 1958 (tableaux popu-
lation, sectes Mademoiselle et Nzobi ).
HAUT-OGOU
Franceville - Rgion du Haut-Ogou
Ce poste, du point de vue des archives, peut tre pris
pour modle. Il y a eu l un certain moment, et peut-tre
152 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
plusieurs, des administrateurs qui ont eu un intrt pour
les vieux papiers et qui ont su classer ceux qui le mri-
taient et assurer leur conservation.
On ne trouve aucun document du temps des explora-
teurs, le poste ayant t supprim et remplac par la SHO
Mais, depuis son rtablissement, en 1910, les rapports ct
les documenls importants ont t classs dans des cartons
avec indication du contenu, jusqu'en 1929. Dans les annes
suivantes, le classement est moins important et il y a des
trous. Dans l'ensemble pourtant, on trouve ici une conti-
nuit que l'on ne rencontre nulle part ailleurs.
Les archives sont places dans un bureau part, com-
muniquant avec le bureau du chef de Rgion. C'est un local
assez vaste, sec, bien ar, avec une table pour la consulta-
tion et des tagres bonne porte et en bon tat.
1) Documents divers: A, cartes (en un dossier part) :
cartes routires au 50000", sur calques ou papiers dessin,
sans dates pour la plupart, les autres de 1913 1936. Itin-
raires de tournes, croquis de la subdivision, reconnais-
sance de pistes. B, cahiers d'enregistrement du courrier au
dpart avec les subdivisions (94) juin 1917 mai 1932, avril
1944 oelobre 1948 (arrives et dparts). C, rglements de
palabres, d'avril 1941 septembre 1948.
2) Rapports sur la SHO, pour 1910, 1912, 1913, 1918
(une seule factorerie, Franceville; traitants dans la
brousse; vente marchandises; achat caoutchouc et ivoire,
dbut des palmistes; dtails sur la vie traditionnelle, les
prix, les transports; stagnation faute de concurrence).
3) Archives : A, 1910-1915 : rapports sur factoreries,
insoumissions, extensions et rductions de la zone occupe.
B, 1916-1919 : rapports tournes, rapports subdivisions
Franceville; rfractaires. C, 1920-1925 : rapports subdivi-
sions Franceville, Okondja, Zanaga ; rattachement du Haut-
Ogou au Moyen-Congo (1925). D, 1926-1939 : insurrection
des Wandji, affaires d'Okondja. E, 19361938 : sectes.
F, 1940-1948 : ralliement 1940.
4) Rapports politiques de la Rgion (1910-1929) : 1911
1914 1916, 1922-1925, 1927-1929.
(94) Les rgions se sonl appeles cerlains momcnls Circonscriplions,
Cercles ou Dparlemenls ; les Dislricls onl porl le nom de Subdivisions ou
d'Arrondissemenls. L'expression " posle " correspond aux premiers Lemps
de l'occupat.ion ou des commandemenls subordonns el lemporaires. Il
serl aussi, d'une manire gnrale, dsigner un lablissemenl adminislralif
ou mililaire, quel qu'il soil.
ARCHIVES 153
[)O) Rapports des subdivisions : Okondja 1922, 1923,
1930-1931, 1938-1939, 1948, 1950. Franceville 1918-1919,
1937, 1939, 1941-1943. Zanaga 1926.
6) Rapports Olwndja : 1926-1936.
7) Rapports politiques et conomiques Rgion : 1930-
1931, 1935-1939, 1947.
8) Rapports conomiques: 1950-1959.
gO) Rapports politiques: 1945-1959 : rattachement Haut-
Ogou au Gabon (1947).
10) Rapports des Services: Sant (1954-1958), Enseigne-
ment (1955-19G8), Agriculture (1957-1958).
OGOO-IVINDO
Bou - District
Rapports politiques 1948 1954.
(Ancien chef-lieu de Rgion, archives anciennes trans-
fres Makokou.)
Makokou - Rgion de l'Ogou-Ivindo
1) Cartes: Cartes annexes du rapport Moncoucut (1951).
Cartes manuscrites du district de Bou ~ 1 9 2 7 ) , du dpar-
tement de la Djouah (1938), des agglomrations de Bou
(1935) et Makokou (1938), et autres sans dates.
2) Copie manuscrite de vieux textes (notamment sur les
impts indignes jusqu'en 1908), un volume dont la reliure
manque.
W) Journal du poste de Lastoursville 1888 (porte indica-
tion erronne : (( Dou 1888 ) : convois, guerres entre vil-
lages; chef de poste : Crampel en juillet-aot.
4) Registre des correspondances de la station de Boou
1888-1891 (reli) : palabres, articles de traite, pillages de
pirogues, conflits pahouins-adoumas, isolement du poste
en saison sche.
5) ( Station de Boou. - Copie de leUres 1891 1896
(trois registres sans reliure, le premier en mauvais tat).
6) Bou. - Copies de lettres 1913 HJ16 (registre sans
reliure, en mauvais tat).
7) Tracs de routes et d'itinraires.
8) Rapports des subdivisions depuis 1937.
9) Rapports de la Rgion (n'ai pu les voir; sous clefs,
prfet absent).
154 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
Makohou - District
Cartes des reconnaissances du chemin de fer (sans date).
Journal du poste de Kemboma 1931-1933. Registre de tour-
nes 1935-1940, 1940-1948. Journal du poste 1919-1940,
1951-1953, 1954-1956. Rapports politiques 1937 11 1939, 1941
1954, 1956 1959. Rapports conomiques 1937 1942,
1944 1950.
Rapport Moncoucut (13-11-51) sur le peuplement et l'or-
ganisation administrative de l'Ogou-Ivindo (manquent la
3" partie et les cartes).
Mkambo - District
Rapport Moncoucut complet, avec cartes. Journal de
tournes 1934-1936. Journal du poste 1936-1951 (Kemboma
1936, Mkambo ensuite). Rapports annuels 1938 (mise au
point situation la fin de l'isolement), 1939 1959 (conti-
nuit intressante pour juger de l'volution).
WOL-NTEM
Mitzic - District
Rapports annuels 1926 1929, 1936, 1938-1939, 1941,
1944 1947, 1949 1954, 1956, 1959.
L'Histoire de la fondation du Mitzic )), manuscrit dacty-
lographi de 22 pages, communiqu par Mose Nkogho-Mv,
directeur d'Ecole officielle Mi tzic.
Oyem - Rgion du Wol ---;- Ntem
1) Documents allemands (dans une chemise cartonne,
intitule : Monats Halbjahres Jahres Sonder Berichte des
Bezirks Wo16-Ntem) : A, Reste d'un registre (pages blanches
depuis la page 244, tout le reste manque). B, Traduction
franaise, probablement des pages dtruites du registre de
correspondance, lettres et rapports du Hauptman Haedike
au gouvernement imprial Bua; lettres du 31-1-1913 :
les gens de la brousse veulent nous ignorer )) ; rapport
du 3-9-1913; occupation de Njork, tat de guerre per-
manent )) ; rapport annuel 1913 (du 1-4-14, sign du Haupt-
man Liebe); colonnes, la circonscription ne peut pas
tre regarde comme soumise)), il faudra de l'nergie et
de la force . C, Pices en allemand, 1913, signes Haedike.
ARCHIVES 155
D, Registre 1914 (dbut) en allemand, sign Liebe. E, Pro-
tocole final pour le fonctionnement de la Commission de
dlimitation (1911, en franais et en allemand, multigra-
phi).
2) Registres correspondance: 1932-1935 et 1935.
3) Rapports priodiques (annuels, semestriels, trimes-
triels. Politiques par Rgions et subdivisions; de plus rap-
ports conomiques depuis 1936) : 1932 1934 (celui-ci, de
Le Testu, protestant contre le recrutement qui favorise les
exodes vers la cte), 1935 1939, 1940 1950, 1954 1957
(ensuite seulement quelques rapports de subdivisions).
Un Aperu historique sur la ville d'Oyem n, manus-
crit rdig par M. Ekoga Edouard, sous-prfet adjoint, m'a
t communiqu par lui Minvoul. Va de l'arrive du capi-
taine Cottes en 1900 jusqu'en 1958. Donne les noms des
administrateurs et les principaux vnements.
Bitam - District
Rapports annuels (politiques et souvent conomiques)
1933, 1936 1939, 1941 1956, 1959 (notes).
Minvoul - District
Rapports conomiques 1936, 1943, 1949 1951. Rap-
ports politiques 1949 (rouverture du poste, fin du joug
de Bitam n), 1950 1952 (dans ce dernier, considrations
sur le dpeuplement), 1953, 1955, 1960. Tournes de l'admi-
nistrateur Bordenave, 1949, dont chacune constitue une
petite monographie de village.
Monographie du district de Minvoul, par M. de Chteau-
vieux (administrateur Minvoul de 1955 19GO), commu-
niqu par M. Ekoga : Histoire, populations, conomie.
ANNEXES
1. Textes enregistrs au magntophone.
:!. Bio-bibliographie de l'abb Walker.
J. Prhistoire.
ANNEXE l
TEXTES ENR.EGISTRS AU MAGNTOPHONE
En dpt
li la Phonothque des Archives Traditionnelles Gabonaises
(Centre ORSTOM de Libreville. Directeur: M. Herbert Pepper)
OBJET
Numros provisoires
des enregistrements
Observations
Rcit sur l'origine des Galoas par Je 54
Chef Agningat (Lambarn) 01. 05. 001. 01.
Rcit sur le roi Nkomb (Lambarn) 01. 04. 001. 02. 54
Rcit SUl' le ma.rquB de Compigne 54
(Lambarn) 01. 05. 001. 03.
non encore
transcrit
Origine du nom
(Lambarn)
de Lambarn
01. 05. 001. 04. 54
Rcit sur l'histoire des Galoa par
All!a Auguste (Lambarn) 01, 04. 037. 01. 61
Rcit sur l'origine des Galoa (village
Opoumouana sur l'Ogou) 01. 05. 038. 01. 61
Rcit sur l'origine des Galoa par
Alemdamy Louis (Vil. Assouka) 01. 05. 039. 07. 61
Rcit sur l'origine des Galoa par
Nkombegnondo Flix (vil. Assouka) 01. 05. 039. 02. 61
Rcit sur J'origine des Galoa par
Mpira (vil. de Nombedouma) 01. 05. 040. 07. 61
Entretien sur l'histoire de Libreville
et des environs avec l'abb Walker 01. 05. 031. 01. 60
Rcit sur l'origine des Benga par
Jacques Essassoula (Libreville) 13. 05. 001. 01. 61
Chant de migra.tion Bapounou par
Nwl (Mouila) 03. 05. 004. 01. 61
transcrit
non encore
transcrit
transcrit
160 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GABON
OBJET
Numros prov1Bolres
des enregistrements
Observations
Rcit sur les miracles de Nzamba 03. 05. 004. 02. 61
Simbou, chez les Bapounou (Mouila)
Rcit sur l'origine des Mitshogo et
le voyage des anctres, par Mondend- 07. 05. 014. 01. 61
Ananga. (Mimongo)
Histoire du dpart des Shimba et
des Mitshogo menacs par l'oiseau 07. 05. 014. 02. 61
qui mangeait les hommes
Histoire sur l'origine des hommes
et la sparation des blancs et des 14. 05. 021. 02. 61
noirs: (chez les Pov, Koulamoutou)
Rcit sur la cra.tion du monde
(chez les Banzabi de Koulamoutou) 15. 05. 022. 03. 61
Rcit sur de Brazza (chez Jes Min-
doumou de Franceville) 17. 04. 027. 01. 61
Chez les FangNtoumou
transcrit
et traduit
non encore
transcrit
Origine du clan Nkodj (Akok 2)
Gnalogie des Nkodj (Akok 2)
02. 05. 068. 01. 60
02. 05. 068. 02. 60
non eucore
tnmscrit
Enieng Y'Okoa (la vie d'a.utrefois)
rcit historique Bur les gens et lcs 02. 05. 044. 07. 60
lieux de la rgion d'Oyem
Cration du monde et origine du
Mvett par Nzu Nguema (dure: 10 h 02.05. (de076 089)
conscutives, Anguia) 01. 60
No\.e : Le travail de transcription en criture phontique et de traduction ne pourra
tre achev avant des dlais assez longs ; il faut trouver des interprtes connsls
sant le dialecte Intress, 8uffisamment instruits et no trahissant p.s 10 sens. Ces
travaux dlicats soront mens SOU8 la direction de M. PEPPER.
ANNEXE II
mOBIBLIOGRAPHIE
de l'abb Andr Raponda Walkcl'
Le Gabon compte deux grands vieillards (95). Ce volume consa-
cr aux vieillards gabonais ne pouvait les oublier.
Albert Schweitzer, vrai dire, n'a pas besoin de ma faible
voix. Le monde entier lui rend un juste hommage. Le cnobite
de la fort vierge, avec son activit juvnile, l'originalit ttue
de son action et de sa pense, son amour sans limites et sans
illusions pour l 'humanit et pour toutes les formes de la vie,
reste, 86 ans, un des phnomnes les plus stimulants du
xx" sicle.
De quatre ans son an, l'abb Walker, si rput et si aim
qu'il soit au Gabon, ne se trouve gure cit en Europe que par
quelques rares spcialistes. Or la connaissance du Gabon lui doit
beaucoup dans nombre de disciplines et notamment en ethno-
histoire. Sa personnalit et son uvre, du reste peu communes,
ont donc ici leur place lgitime.
Rien de plus simple et de plus sympathique que son abord.
Lorsque, montant la rampe qui vient de la mer, on gagne le
Plateau )) de Libreville, on trouve, la gauche du palais du
Gouvernement, derrire l'glise Saint-Pierre, une petite construc-
tion blanche dont la porte et la fentre sont toujours ouvertes.
C'est l'ermitage de l'abb, une seule pice dont il ne sort pas
et o vous tes certain de le trouver en permanence devant sa
machine crire. Il y a l deux vieux fauteuils et des tagres,
galement encombrs de livres et de notes, et un petit autel
o le pape l'a autoris dire sa messe. A chaque instant entrent
des enfants, des religieux, des visiteurs de toutes sortes; ce
clibataire a une vaste famille d'amis.
Physiquement, c'est un nonagnaire, avec une jambe qu'un
accident a rendue impotente; le visage, un peu plus fonc que
sa soutane blanche, porte des taches de vieillesse; Je corps est
tass; il a au repos J'expression un peu triste et lointaine de
ceux qui ont longtemps vcu. l\lais, ds qu'il se met parler,
(95) Je ne parle pas du prsident Lon Mba, pro du Gabon moderne.
Ses conciloyens l'appellent afTeclueusemenl Je Vieux >l. Mais il n'a pas
cncore GO ans; c'est un jeune homme.
11
IG2 TRADITIONS ORALES ET ARCHIVES AU GAllON
l'impression premire s'efface; nul n'est plus dans la vie ,
curieux, intress par tout et intressant pour tous; l'esprit est
clair, la mmoire prodigieuse, l'activit intellectuelle inces-
sante; et comment dcrire ses bons rires, sa malice, sa joie
voquer certains souvenirs, son clatante jeunesse il Jamais la
dualit du corps et de l'esprit ne m'est apparue plus tonnante.
J'ai eu avec lui plusieurs entretiens; mes questions touchaient
les sujets les plus divers d'histoire, de coutumes, de linguis-
tique; la rponse tait toujours immdiate, prcise, souvent
pittoresque. J'en extrais, ici, ce qui se rapporte lui-mme, en
m'excusant de ne pouvoir rendre l'allure et le charme de ses
rparties.
Andr Haponda Walker est n le 19 juin 1871 au village de
Louis, c'est--dire au centre historique de Libreville. Il vient
donc de fter son 90 anniversaire. Son pre tait l'explorateur
Bruce Walker, un des grands prdcesseurs de Brazza. C'est
lui qui installa, au Gabon, la maison Hatton et Cookson de
Liverpool, et qui russit le premier remonter l'Ogou jusqu'
Lop. La mre de l'abb tait une Mpongou de Chinchoua,
nice du roi Georges et, du ct maternel, parente du roi Louis.
Les premiers souvenirs du jeune 'Walker sont ceux du ponton
sur lequel son pre avait fix sa rsidence et son comptoir, en
face de l'He Elobey qui fait maintenant partie de la Guine
espagnole. Celte utilisation des vieux navires tait alors cou-
l'ante; elle permettait d'viter la fois les miasmes de la cte
et les vols. Le navire de Walker s'appelait Princess Royal. Un
toit de planches abritait le pont d'un bout l'autre; au milieu
taient les magasins, sur l'avant les employs; l'arrire le
patron s'tait amnag une habitation confortable, avec une
riche bibliothque consacre principalement l'Afrique. La
curiosit scientifique, J'abb l'a donc reue en hritage.
A quatre ans, son pre l'envoie en Angleterre, Southampton.
cc L'anglais a t ma premire langue. )) Bruce \Valker, protes-
tant, est en bons termes avec toutes les missions et il a laiss
baptiser l'enfant par les catholiques, comme le dsirait sa mre.
N'empche qu' Southampton on lui fait frquenter le temple
en mme temps que l'cole. Que s'est-il pass alors il Le .ieune
Andr, habitu la libert, a-t-il eu le mal du pays il On le met
sur un bateau et il rentre au Gabon. Il ne le quittera plus.
Comme il le dit plaisamment :
cc Je ne suis pas retourn en Europe depuis 1876. ))
Le voil dans sa famille maternelle, au village de Louis.
cc NI ais j'tais trop turbulent; alors on m'a mis interne, la
Mission Sainte-Marie. )) Il a 6 ans. Monseigneur Bessieux et le
roi Denis viennent juste de mourir. Libreville n'est encore qu'un
alignement de villages mal relis; sur le plateau s'lvent seu-
lement la maison du gouverneur et celle des surs. Au large,
se dressent les pontons, aux noms vocateurs: Eurydice, Catinat,
Minerve, Alceste. La vranda de la maison piscopale est faite
ANNEXES 163
de dbris de frgates. C'tait presque encore le Gabon de Louis-
Philippe et de Bouet-Villaumetz.
De 1877 1897 Andr Walker fait ses classes, d'abord
l'cole des petites surs n, puis au petit et au grand sminaires.
Sa vocation sacerdotale s'affirme, sans contrarier sa curiosit et
sa bougeotte. II est envoy en stage au Fernan Vaz, puis au
Cap Esterias. Le 23 juillet 1899, il est ordonn prtre. II a t,
sauf erreur de ma part, le premier prtre gabonais.
Le Gabon, part les stations le long des fleuves, n'avait encore
gure chang depuis le temps o son pre remontait l 'Ogou.
En dehors de Libreville et de rares petits centres, tout tait fort
vierge et tribus impntres. On l'envoie Sindara, sur la
Ngouni, la Mission des 3 Epis )1 qui n'existe encore qu'en
projet; il faut construire les btiments et apprivoiser les
hommes. II y a l six peuples tous peu prs inconnus, parlant
des langues diffrentes: Eshira, Ivili, Iva, Tshogo, Akl, Fang.
L'abb ne parlait que le mpongou, sa langue maternelle, avec
quelques mots fang. Il va se mettre l'eshira, puis au tshogo et
aux autres dialectes, par got autant que par ncessit. II par-
court la fort dans tous les sens.
Rien de plus amusant que son journal de tourne, en 1907,
dans le pays Tshogo, jusqu'alors compltement ferm. Avec une
bande d'coliers qui lui servent d'enfants de chur et qui se
relaient pour porter son maigre bagage (qui consiste surtout en
un autel pliant), il se glisse dans la fort, passe le,. rivires,
patauge dans les marais, grimpe les montagnes, campe dans les
rares et misrables villages o il s'efforce (en vain) de semer la
bonne parole et dont il tudie la langue et les murs. Tout cela
avec une allgresse admirable.
Il passe ainsi onze ans Sindara et un an Franceville, puis
il est nomm professeur au petit sminaire, Libreville. Mon-
seigneur l\lartrou a reconnu ses exceptionnelles qualits de cher-
cheur ; il le pousse aux tudes ethnographiques et linguistiques.
Aprs six ans d'enseignement, l'abb reprend sa ronde dans la
brousse.
Quatre ans au nio Mouni, Boutika. Cinq ans Donguila,
dans le fond de l'Estuaire, en pays purement Fang. C'est la
guerre de 1914 et, pour lui, le dbut des tudes botaniques.
Ensuite quatre ans Lambarn, un retour de cinq ans Sin-
dara. De 1934 1941, c'est la nouvelle mission de Saint-Martin
des Apindji, o il fait l'cole et d'o, tous les mois, il va desservir
Mouila. De 1941 1949 il est SainteAnne du Fernan Vaz. Puis
vient la retraite Libreville; il y a douze ans que cela dure n,
dit-il avec un sourire, comme si sa longvit tait une bonne
blague faite la l\1ission.
Pourtant jamais retraite ne fut plus laborieuse. De l'aube la
nuit, porte et fentre ouvertes, il converse, renseigne, confesse, et
surtout travaille. Combien de machines crire a-t-il uses?
Combien d'articles a-t-il donns d'innombrables revues fran-
164 TnADITIOi"S onALES ET AnCIIlVES AU GAllON
aises, congolaises et locales, y compris des publications rono-
types de la mission o il reprsente lui tout seul l( l'inter-
mdiaire des chercheurs et des curieux ll. Ses chroniques
Il Saviez-vous seront prcieuses pour l 'Histoire gabonaise si
elles sont conserves. Il ne refuse jamais un renseignement ni
un article; c'est un prodigue intellectuel.
La bibliographie ci-dessous ne peut donc prtendre tre
complte, ni dfinitive. Je la donne cependant, pensant qu'elle
pouna tre utile aux chercheurs.
1. OUVI\AGES PRINCIPAUX
1. Dictionnaire mpongw-franais, suivi d'lments de gram
e
maire. Metz. Imprimerie de la Libre Lorarine . 1934.
640 pages.
2. Contes gabonais. Imprimerie Saint-Joseph, Libreville, Hl53.
Ecole Montfort. Epuis. Nouvelle dition sous presse.
3. Toponymie de la Lagune du Fernan-Vaz et des environs.
Dactylographi.
4. Notes d'Histoire du Gabon. Mmoires de l'T.E.e. Brazzaville.
1960. 158 pages.
5. Dictionnaire franais-mpongw. Imprimerie Saint-Paul.
Brazzaville. 1961. 725 pages.
6. Les plantes utiles du Gabon. Editions Paul Lechevalier. Paris.
1961. (En collaboration avec R. Sillans.) 614 pages.
EN PRPARATION :
1. Les rites secrets du Gabon (en collaboration avec R. Sillans).
Prsence Africaine. Paris, doit paratre en 1962.
2. Lexique tsogo-franais et franais-tsogo.
3. Un millier et demi de proverbes, dictons, maximes et devi-
nettes (Mpongw, Ngow, Fang, Viii, Iva, Tshogo).
II. PETITS OliVRAGES EN LANGUES LOCALES
iHpongw.
1. Evangliaire, suivi d'Instructions pour cert(lins jours de
l'anne (1901).
2. L'Idoltrie des catholiques (du R. P. Lejeune). Katoliki WI
dmbinya ikana vy (1902).
3. Catchisme (revu et augment) (1!J15).
4. Cantiques annots. Idyembo si Katiliki (1904).
5. Catchisme des Vrits (de Mgr Le Roy). Irti
y'isolo (1908).
Bakl.
1. Petit catchisme, avec cantiques (1904).
ANNEXES
163
Iva.
1. Petit catchisme, avec cantiques (190G).
Ivili.
1. Petit catchisme (1903).
2. Cantiques (1905).
Mitsogo.
1. Vrits ncessaires (1903).
2. Petit catchisme, avec cantiques (1910).
3. Tableaux et Leons de Lecture (1910).
4. Catchisme (1930). Edit par la Sodalit de Saint-Pierre-Claver
(Rome), avec cantiques.
5. Essai de Grammaire (1937).
III. ARTICLES DE REVUES
Revue belge des PP. du Saint-Esprit. 1907.
Voyage au pays des Mitsogo.
Journal de la Socit des Africanistes. 61, rue de Buffon, Paris.
1932. L'alphabet des idiomes gabonais. (Tome II, fascicule II.)
8 pages.
1933. Les nologismes dans les idiomes gabonais. (Tome III,
fascicule II.) 10 pages.
1934. Renseignements fournis M. le Professeur Aug. Che-
valier au sujet d'une fougre pour pigeage et d'un
champignon fabriquer des ceintures de parure.
(Tome IV, fascicule r.)
Bulletin de la Socit des Recherches Congolaises. Brazzaville.
N 4. Les tribus du Gabon. (44 pages.) 1924.
N 7. Funrailles chez les anciens Mpongws.
N 7, 8, 9, 15, 16, 17. Contes, proverbes et devinettes
Mpongws.
N 7. Contes Eshiras.
N 8. Un enterrement chez les Ishogos. Coutumes Ishogos :
1" bndiction d'une ease ; 2
0
bndiction de marie;
30 la statue du Bouiti.
N 8, 18. Contes et proverbes Ishogo ou Mitsogo.
N 9. Poisons de pche (Gabon).
N 10. Feuilles potagres.
N Il. Proverbes Ivilis.
N 12. Le bananier (varits, usages).
NoB12, 13, 14. Contes, proverbes et devinettes Fang.
N 14. Essai sur les idiomes du Gabon. (60 pages.)
N 18. La tribu des Ishogo ou Mitsogo.
N 20. Contes Ishogo.
N 23. Initiation l'Ebongw, Langage des Ngrilles.
(27 pages.)
166 TRADITIOl'\S ORALES ET ARCHIVES AU GAllON
N 24. Dnominations astrales au Gabon. (19 pages.)
1947. Essai de grammaire tsogo.
Bulletin de l'IEC. Brazzaville.
1. Usages pharmaceutiques des plantes spontanes du Gabon.
1953. Ns 4, 5 et 6.
2. Idiomes gabonais: similitudes et divergences. N 10, 1955.
3. Remarques sur les noms propres gabonais. N 11, 1956.
4. Concordance de proverbes gabonais et europens. 1958.
N 15 et 16.
Revue du Clerg africain (Mayidi, Congo belge).
1. Ma Lucia-Anna. 1953.
2. Frre Dominique Fara. 1954.
3. Sur Hyacinthe Antini, pupille de M. de Brazza. 1952.
4. Monseigneur Pierre-Marie Le Berre, deuxime vque du
Gabon.
Liaisons (Brazzaville).
1. Les tatouages au Gabon. (N 65.) 1959.
2. La parent entre les clans familiaux de tribus diffrentes.
(N 69.) 1959.
Ralits gabonaises (Libreville).
1. Les cimetires de famille au Gabon. N 4, 1 9 5 ~ et n 5,
1960.
2. Gabon : Devises, serments, cris de guerre. N 8, 1960;
n 9, 1960 ; n 10, 1961.
Revue de Botanique applique. 57, rue Cuvier, Paris V.
1. Articles et Notes.
1930. (Avril et mai.) Plantes olifres du Gabon. (l5 pages.)
1931. (Janvier.) Le bananier-plantain au Gabon. (10 pages.)
1931. (Avril.) Champignons comestibles de la Basse-Ngouni.
(8 pages.)
1934. U) Plantes aromatiques offertes aux manes des anctres.1
1935. (Fvrier.) A propos de plantes utilises par les noirs au
Gabon.
(Idem.) Substances vgtales que l'on mle au vin de
palme.
1938. (Mai.) Ecorces d'arbres pour cloisons. (6 pages.)
(Aot-septembre.) Origine botanico-fol'estire des outils
en bois.
1939. (Fvrier.) Les plantes sel au Gabon.
(Idem.) Une gramine piger les rats de brousse.
(Septembre-octobre.) Une glu africaine.
(Idem.) Utilisation du palmier Elaeis .
2. Renseignements fournis sur diverses plantes.
1931. (Avril.) Sur un nouveau Selerosperma du Gabon (Sele-
rosperma Walkeri).
(Novembre.) L'Emounou (Podococcus Barteri) palmier
intressant du Gabon.
1934. U) Sur trois arbres de la fort gabonaise (copaifera
Salikounda, Detarium le Testui, Grewia coriacea ou
ANNEXES 167
Il Arbre briquet . (Octobre.) Sur une fougre grim.
pante produisant des lanires employes pour la fabri-
cation des nasses et des collets gibier. (Lygodium
Smithianum.)
[937. (Juin.) Lgumes curieux de l'Afrique tropicale (Diosco-
reophyllum Cumminsii : Patate du golfe de Guine;
Begonia auriculata, Begonia Mannii, et Cissus pro-
duda : l'Oseille des Pygmes; Senecio gabonensis :
le Sneon du Gabon).
1938. (Janvier.) Notes sur deux ignames. (Diescorea Minuti-
flera.)
(Juillet.) Une rubiace du Gabon qui sert narcotiser
le poisson. (Randia Walkeri.)
(Aot-septembre.) Une acanthace du Gabon qui sert
narcotiser le poisson. (Distichocal)'x Wallceri.)
(Novembre.) Un arbre nouveau du Gabon. (lbadja Wal-
keri.)
1939. (Juillet.) Sur un arbre du Cameroun et du Gabon
bois utilisable. (Afzelia pachyloba.)
1940. (Mars.) Sur un bois du Gabon peu connu. (Eurypetalum
Batesii.)
Dans la mme revue, Auguste Chevalier a crit de nombreux
articles (de 1931 1947) d'aprs des renseignements fournis par
l'abb Walker qui, depuis 1929, a effectu 150 envois au
Musum.
L'abb Walker continue travailler sans relche. Souhaitons
une longue rallonge cette copieuse bibliographie.
ANNEXE III
PRHISTOIRE
1ndications antrieures
Des renseignements pris avant mon dpart, il rsultait que
la prhistoire gabonaise tait des plus minces et limite aux
rgions de savanes ;
1. La plus ancienne trouvaille est celle de J.-C. Reichenbach:
une hache polie de petites dimensions (107 cm et 6 cm) en
schiste amphibolique, trouve Libreville en creusant un chemin
et dcrite par E.-T. Hamy (Bulletin du Musum, 1807,
pp. 154-156).
2. Un outillage microlithique dcouvert par n. Furon, il y a
une vingtaine d'annes, sur une colline l'ouest du village de
Mimongo, un peu au nord de Mouila. M. Furon m'a trs aima-
blement montr sa trouvaille, de trs petites pierres noires,
contenues dans une bo1te d'allumettes et qu'il dcrira sans doute
un jour.
3. Mademoiselle Alimen, dans sa Prhistoire de l'Afrique,
signale en outre des dessins de poignards sur des parois de
grottes dans la rgion de Lastoursville, rappelant des dessins
analogues trouvs en Ethiopie. Elle n'a pu m'indiquer l'origine
de ce renseignement.
4. L'Encyclopdie Maritime et Coloniale, volume AEF, 1050,
pp. 33-34, note li quelques objets aux environs de Franceville)) ;
pointes folliaces, percuteurs, nucli, amandes. L non plus,
aucune indication prcise.
Renseignements recueillis
Bien que non prhistorien, j'ai cru devoir m'informer sur
place d'autres trouvailles ventuelles, la prhistoire devant natu-
rellement servir d'introduction ma future Histoire du Gabon.
On trouvera ci-dessous quelques renseignements, dans l'ordre
chronologique o je les ai obtenus ;
JO En passant Lastoursville, j'ai questionn les vieillards sur
les fameuses grottes. Deux d'entre eux m'ont affirm (sans que
je le leur aie suggr) l'existence des dessins de poignards. II
existe deux grottes, l'une l'est, l'autre l'ouest de Lastours-
ville, sur les falaises surplombant la valle de 1'Ogou. Je me
suis rendu dans celle de l'est, qui avait t visite autrefois par
l'administrateur Trzenem et o il avait recueilli des cendres de
ANNEXES IG9
bois sous deux mtres de pierrailles et de guano de chauve-souris.
Je n'ai vu aucun dessin, mais je ne suis pas all jusqu'au bout,
faute de temps et de lumire suffisante. M. l'administrateur
Ponsaill, qui a fait deux sjours Lastoursville et connat admi-
rablement le pays, m'a dit qu'il avait visit loisir les deux
grottes et n'y avait trouv aucun dessin.
2 La station de Franceville est indique par G. Droux dans
le Bulletin de Recherches congolaises, n 23, aot ID37, p. 180.
On aurait dcouvert, dans des ravines creuses par les pluies,
aux environs immdiats du poste, quelques pointes foliaces,
lames, percuteurs, nucli, amandes, tranchets, le tout en silex
noir des bords de l'Ogou. Je ne sais o se trouvent ces pices,
qui sont sans doute celles de l'Encyclopdie.
D'autre part le docteur Andrau, Mounana, aurait fait
d'autres dcouvertes dans les savanes du sud-est; je n'ai pu le
rencontrer ni obtenir de prcisions sur son travail.
3 M. Hubert, du service des Eaux et Forts, a trouv rcem-
ment, le long de la route Nol-Mitzic, sur le sol d'un ancien
village situ sur la rive droite de l 'Okano, 4 ou 5 km en
amont du conOuent de cette rivire avec l'Ogou, un biface que
j'ai pu examiner. Il s'agit d'un outil du genre pic, long de
144 cm et large de 54 cm, taill retouches alternes dans une
roche mtamorphique. M. Farine l'attribue un toumbien trs
volu, ressemblant au pr-campinien.
4 M. de Muizon, directeur des Bois drouls Ocan II m'a
montr une hache nolithique, assez semblable comme dimen-
sions et comme matire celle de Reichenbach, mais de formes
plus rgulires, quasi gomtriques. Cet outil a t trouv par lui
proximit de la rivire Banga, vers les sources de la Bilagone,
affluent sud de l'Estuaire, 10 ou 15 km de celui-ci, en pleine
fort. Un bulldozer tablissant une route snI' l'emplacement
d'un ancien village a corn une petite colline: la hache devait
se trouver 0 m 20 de profondeur..,
M. de Muizon a trouv, au mme endroit, en faisant sauler
la dynamite un okoum d'environ 70 ans, des dbris de pote-
ries qui taient en dessous ct qui sont actuellement Librevillc.
Il avait dcouvert antrieurement, une dizaine de kilomtres
au sud, environ 1 m sous terre, une poterie de grande taille,
presque intacte, qui a t perdue par la suite.
5 M. Farine, directeur-adjoint de l'Information, a dcouvert,
au dbut d'octobre ID61, 40 km au sud de Ndend sur la route
de Dolisie, en surface sur un rebord de plateau surplombant la
savane, une dizaine de petites pices de 3 cm de long environ
sur 2 cm 5 (notablement pl us gros que les microlithes de Furan),
en quartz ou en silex, formant lames, racloirs, peroirs. Il les
attribue au late stone age n.
6 Enl1n, mon retour, une visite au dpartement de Prhis-
toirc au Muse de l'Homme, o j'ai t accueilli par MM. Cham-
pault et de Beauchne, m'a permis de contempler, outre la hache
170 TRADITIONS ORALES ET ARCmVES AU GABON
de Reichenbach, deux outils en pierre polie de grande taille
trouvs par l'administrateur Eckengorf, vers 1940. Tous les deux
sont larges, avec un pdoncule d'emmanchement. Le plus grand
(0 m 75), qui pourrait servir de houe, reposait, Mak.okou, dans
un gte Kaolin, au bord de l 'lvindo ; il est en phyllite jauntre,
presque entirement polie des deux cts. Le second, hache ou
herminette, a t trouv entre Makokou et Mitzic dans des gra-
viers au bord d'un torrent; il est en actinotite gristre.
Conclusions
Le Gabon m'apparaissait, avant mon dpart, comme une
rgion particulirement pauvre en prhistoire, compare sur-
tout la richesse du bas-Congo; les rares trouvailles qu'on y
signalait taient toutes situes en savanes et paraissaient se rap-
porter aux poques msolithique et nolithique. Combinant ces
notions avec les traditions orales, qui prsentent les arrives des
groupes humains comme ne remontant gure plus d'un deux
sicles, j'en arrivais presque supposer que la fort avait t
pntre seulement une poque rcente.
Mais peu peu l'tat de la fort, o le stade primaire sans
sous-bois apparat exceptionnel, me fit rejeter celle conception.
Les trouvailles prhistoriques, dont j'eus la rvlation ensuite et
dont une bonne partie ont t faites en fort, me confirmrent
dans celle ide que l'homme tait, au Gabon, plus ancien que
les traditions ne le feraient croire. Y a-t-il eu un hiatus entre les
peuples prhistoriques et ceux d'aujourd'hui qui (mme les Pyg-
mes) semblent avoir ignor la taille et le polissage de la pierre?
Le fait que certains outils lithiques ont t trouvs dans d'anciens
villages signifie-t-il qu'ils ont t utiliss par leurs habitants?
Doit-on supposer des priodes antrieures plus sches o les
savanes taient plus tendues et qui ont facilit la pntration?
Peut-on ainsi expliquer la prsence ancienne de certains peuples
dont les traditions d'origine sont nulles ou obscures (Myn,
Bongom) ? Autant de questions qui risquent de rester des ques-
tions.
En tout cas la prhistoire du Gabon doit encore nous rserver
de nombreuses dcouvertes. La prsence, depuis peu de temps,
Libreville, de M. Farine, lve de l'abb Joly et qui a une bonne
pratique de la recherche prhistorique, nous ouvre cet gard
un espoir neuf.
PRFACE
TABLE DES MATIERES
PREMIRE PARTIE
TRADITIONS ORALES
7
Mthodes et rsultats.................................. ] 3
Peuples et groupes.................................... 17
1. - Groupe sud-ouest. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Eshira, 21. Voungou, 23. Pounou, 21. Loum-
bou, 29. Viii, 33.
II. - Groupe central................................ 35
Pindji, 35. Tshogo, 37. Shimba, 39. Pov, 40.
Okand, 43. Sangou, 46.
III. - Gronpe sud-est................................ 50
Nzabi, 50. Douma, 54. Wandji, 56. Ndoumou,
58. Mbamba, 59. Kanigui, 61. Tk, 61. Woum-
bou, 64.
IV. - Groupe nord-est............................... 65
Kota, 65. Hongou, 71. Shak et Danbomo, 71.
V. - Groupe nord.................................. 75
Koul, 75. Chiwa, 78. Note liminaire sur les
Fang, 82. Fang Zamane, 82. Fang Ntoumou, 90.
Fang Mva, 98. Fang Betsi, 101.
VL - Gronpe ouest.................................. 105
Galoa, 105. Nkomi, 112. Oroungou, 113. Mpon-
gou, 119. Benga, 124. Ski, 125.
VIL - Populations disperses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 128
Bongom (Akl) et assimils, 128. Pygmes, ]33.
Quelques conclusions provisoires. . . .. .. . . .... . . . . . . .. . . . 137
172 TRADITIONS ORALES ET ARCIIlVES AU CABON
DEUXIME PARTIE
ARCHIVES
Remarques gnrales .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 143
Libreville, 146. Ogou Maritime, 148. Ngouni,
149. Nyanga, 150. Ogou-Lolo, 151. Haut-Ogou,
151. Ogoll-Ivindo, 153. Wol-Ntem, 154.
ANNEXES
Textes enregistrs au magntophone.................... 159
Bio-bibliographie de l'Abb Walker.................... 161
Prhistoire 168
CARTES
Carte physique et po] itique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Carte des peuples gabonai:'............................ 19
PHOTOGHAPHlES
La collecte des traditions ( Nombedouma, en pays
Galoa) Couverture
Avec les pygmes de Dibandi. . . . . . . . . . . . . . .. Face page 96
Informateurs FrancevilJe............................ 97
L'auteur et deux informateurs devant la case du Bouiti
l\1imongo 112
L'abb Walker en 1961................................ 113
IMPnlMEnlE or, LAGNY
EM:\{ANUEL CREVIN ET FILS
2-1062
Dpt lgal: 1" trimcstrc 1062.
N d'dition: 3118. - N d'Impression 6880.
Dans la mme collection
L'homme d'outre-mer
NOUVELLE SRIE
N 1 H. DESCHAMPS
LES MIGRATIONS INTRIEURES
A MADAGASCAR
N 2 J.-L. BOUTILLIER
avec la collaboration de J. CAUSSE
BONGOUANOU,
COTE D'IVOIRE
N 3 G. CONDOMINAS
FOKON'OLONA
et coUectivits rurales en 1merina
N" 4 CI. TARDITS
LES BAMILK
DE l'OUEST CAMEROUN
N 5 A. LE ROUVREUR
SAHELIENS ET SAHARIENS
DU TCHAD
Editions BERGER-LEVRAULT