Resp Civil F1
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Resp Civil F1
2020/2021
FASICULE 1
R. LEGENDRE
***
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le vendeur agissant dans le cadre de son activité
professionnelle ou commerciale est tenu, à l'égard de l'acheteur agissant en qualité de consommateur, de
livrer un bien conforme au contrat et de répondre des défauts de conformité existant lors de la délivrance ;
que, n'agissant pas lui-même en qualité de consommateur à l'égard de son propre auteur, le vendeur ne
bénéficie pas d'une telle garantie et ne peut donc en transmettre les droits, ce qui exclut toute action directe
de l'acheteur à ce titre ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que, le 15 novembre 2013, M. et Mme X... Y...
(les acquéreurs) ont acquis un véhicule automobile auprès d'un distributeur de la marque Hyundai ; qu'ils ont
sollicité la condamnation de la société Hyundai Motor France (la société), importateur de la marque, à leur
payer, notamment, une certaine somme au titre du remorquage et de la réparation de ce véhicule ;
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Préparations à l’examen d’entrée au C.R.F.P.A. 2020/2021
Attendu que, pour accueillir cette demande, le jugement retient que les acquéreurs disposent, à l'égard de
l'importateur du véhicule litigieux, d'une action directe au titre de la garantie légale de conformité prévue à
l'article L. 211-4, devenu L. 217-4 du code de la consommation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune action directe n'était ouverte aux acquéreurs sur ce fondement, la
juridiction de proximité a violé les textes susvisés ;
Attendu que la cassation ainsi prononcée entraîne, par voie de conséquence, celle de la disposition du
jugement condamnant la société au paiement de dommages-intérêts, qui se trouve avec elle dans un lien de
dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que, par un acte du 30 septembre 2006, M. X... à cédé six cent cinquante-
cinq parts de la SNC Tabac des sports (la société) à M. Y... et Mme X... les six cent cinquante autres parts de
cette société à M. Z... ; que, se prévalant de plusieurs manquements des cédants aux engagements de garantie
qu'ils avaient souscrits, les cessionnaires et la société les ont assignés en paiement de diverses sommes ;
Attendu que M. Y... et la société font grief à l'arrêt de rejeter la demande de cette dernière en indemnisation
du préjudice subi du fait de l'existence d'un contrat non déclaré avec le cabinet d'expertise comptable Arfeuille
alors, selon le moyen, qu'un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle
un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en affirmant, pour
débouter la SNC Tabac de sa demande d'indemnisation du préjudice subi du fait de l'existence d'un contrat non
déclaré avec le cabinet d'expertise comptable Arfeuille, que celle-ci était tierce par rapport à l'acte de cession
de parts sociales et ne pouvait donc se prévaloir d'une violation des stipulations contractuelles et qu'en tout
état de cause, il lui appartenait de notifier avec préavis la fin de ce contrat, quand précisément la société
pouvait invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement des époux X... à leurs
obligations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que, saisie d'une demande de la société fondée sur la responsabilité délictuelle des cédants en
raison d'un manquement aux engagements souscrits par eux envers les cessionnaires dans l'acte de cession et
du dommage qui en était résulté pour elle, sans qu'il soit établi ni même allégué que ce manquement
contractuel constituait une faute quasi-délictuelle à son égard, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu
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que la société n'était pas fondée à se prévaloir d'une violation des stipulations contractuelles de l'acte de
cession ; que le moyen n'est pas fondé ;
(…)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 novembre 2015), que la copropriété clinique Axium est
composée notamment du lot n° 7 situé dans le bâtiment A, propriété de la SCI Hydraxium et donné à bail à la
société Axium Kinésithérapie, du lot n° 1 situé dans le bâtiment B et d'autres lots n° 2 à n° 6, situés au sous-sol
du bâtiment A, propriété de la société Holding d'Aix-en-Provence et donnés à bail à la société Sorevie Gam ;
qu'en 2004, la société Sorevie Gam et le syndicat des copropriétaires ont fait réaliser, dans le bâtiment A, des
travaux de chauffage, climatisation et traitement de l'eau, par le groupement constitué par la société Dalkia
France et la société Faure ingénierie, des études étant confiées à la société G2E ; qu'une première instance a
opposé la société Sorevie Gam aux sociétés Dalkia France, Faure ingénierie et G2E ; qu'en 2007, invoquant une
importante condensation dans les locaux du lot n° 7, la SCI Hydraxium et sa locataire, la société Axium
Kinésithérapie, ont, après expertise, assigné en indemnisation le syndicat des copropriétaires et la société
Holding d'Aix-en-Provence qui a appelé en garantie les sociétés Dalkia France et G2E ;
Attendu que, pour déclarer la société Dalkia France responsable de la condensation anormale dans le lot n° 7,
rejeter ses appels en garantie et la condamner à paiement, l'arrêt retient qu'il résulte de la convention du 5
avril 2004 que la société Faure ingénierie et la société Dalkia France se sont engagées solidairement à l'égard
de la société Sorevie Gam à livrer un ouvrage conforme aux prévisions contractuelles et exempt de vices, qu'en
manquant à cette obligation, la société Dalkia France a commis une faute à l'origine de la condensation
anormale et que cette faute engage sa responsabilité délictuelle à l'égard de la SCI Hydraxium et de la société
Axium Kinésithérapie ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui, tirés du seul manquement à une obligation contractuelle de résultat de
livrer un ouvrage conforme et exempt de vices, sont impropres à caractériser une faute délictuelle, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 20 février 2008, la société civile immobilière La Roche Aulnays
(la SCI) représentée par ses deux cogérants associés, M. et Mme X..., a emprunté la somme de 160 000 euros
auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (la banque), avec la garantie
partielle de la société Oséo, et celle de M. X... en qualité de caution solidaire à concurrence de 104 000 euros ;
que, la SCI ayant été défaillante dans le remboursement des échéances du prêt, la banque a assigné ce dernier
en exécution de son engagement ;
(…)
Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... en inopposabilité de son engagement de caution fondée sur le
non-respect des conditions de la garantie de la société Oséo, et le condamner à payer à la banque la somme de
104 000 euros, outre intérêts, l'arrêt retient que cette garantie ne bénéficie qu'à l'emprunteur et ne peut en
aucun cas être invoquée par les tiers, notamment le bénéficiaire et ses garants, pour contester tout ou partie
de leur dette, et que la seule sanction attachée au non-respect par la banque des conditions de la mise en
œuvre de ladite garantie ne consiste pour elle qu'en une perte du bénéfice de celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, la cour d'appel
a violé le texte susvisé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Laurence X..., alors mandataire judiciaire et affiliée, en cette qualité, à
la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (la Caisse de garantie), a été
condamnée, par un arrêt définitif du 13 janvier 2012, du chef de détournements de fonds commis entre 1997
et 2008 pour un montant total de 7 267 994, 54 euros, d'une part, à une peine d'emprisonnement, d'autre part,
au titre des intérêts civils, à payer à la Caisse de garantie la somme de 3 200 000 euros ; que M. X..., Mme Anne
X...et M. Y..., respectivement père, soeur, et ancien compagnon de Mme Laurence X..., poursuivis du chef de
recel pour avoir bénéficié de différents versements, ont été relaxés, la preuve de la connaissance de l'origine
frauduleuse des fonds dont ils avaient bénéficié n'étant pas rapportée et ne pouvant se déduire de
l'importance des sommes concernées ; que la Caisse de garantie a assigné M. X..., Mme Anne X..., Mme Pascale
X..., épouse Z..., M. Z... (les consorts X...-Z...) et M. Y..., en paiement de diverses sommes, sur le fondement de
l'action paulienne ;
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Préparations à l’examen d’entrée au C.R.F.P.A. 2020/2021
(…)
Attendu que, pour déclarer mal fondée l'action exercée par la Caisse de garantie à l'encontre de M. Y...sur le
fondement de l'article 1382 du code civil, l'arrêt retient que l'existence non contestée de contrats de prêts fait
obstacle à ce que la première agisse contre le second sur le fondement de la responsabilité civile extra-
contractuelle à raison du défaut de restitution des sommes versées ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, la cour d'appel
a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen du pourvoi incident
:
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10
février 2016, et l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Attendu que l'effet relatif des contrats n'interdit pas au tiers à une convention de se prévaloir du manquement
contractuel commis par une partie, dès lors que ce manquement est directement à l'origine d'un préjudice subi
par lui ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 27 mars 2008, M. et Mme X... (les acquéreurs) ont acquis un véhicule
d'occasion auprès de la société Gauduel (le vendeur), aux droits de laquelle vient la société By My Car ; que, le
9 février 2009, lors d'une intervention sur le système électronique de ce véhicule, la société Atlantic
automobiles (la société Atlantic), ayant détecté un bruit anormal dans la distribution d'eau, a mentionné cette
anomalie sur la facture et la fiche d'intervention, sans formuler aucune préconisation sur ce point ; qu'à la suite
d'une rupture de la pompe à eau survenue le 19 janvier 2010, ayant provoqué l'immobilisation du véhicule, les
acquéreurs ont assigné la société Gauduel Lyon et la société Atlantic en garantie des vices cachés et en
réparation de leur préjudice ;
Attendu que, pour rejeter la demande du vendeur tendant à être relevé et garanti par la société Atlantic des
condamnations prononcées contre lui, l'arrêt retient que, le 9 février 2009, celle-ci avait détecté un bruit
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anormal dans la distribution lors de l'une de ses interventions sur le véhicule litigieux, mais sans préconiser de
recherche de cause de l'anomalie ni de réparation, et que le vendeur n'établit pas de relation de causalité entre
ce manquement et le vice de conception affectant le véhicule dès l'origine ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité pour le vendeur de se prévaloir du
manquement de la société Atlantic à son obligation de conseil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte notarié du 15 janvier 2007, la société Banque calédonienne
d'investissement (la banque) a consenti un prêt immobilier de 20 000 000 francs CFP remboursable en deux-
cent-trente-sept mensualités à M. et Mme X... ; que, suivant acte notarié du 29 septembre 2008, elle a accordé
à M. X... un prêt de 35 500 000 francs CFP destiné à la restructuration de deux précédents prêts d'un montant
de 5 000 000 francs CFP et 7 000 000 francs CFP par lui souscrits en juin et août 2007, à l'apurement du solde
débiteur d'un compte à vue et au financement d'un besoin de trésorerie ; qu'assignée en annulation de ce
dernier prêt et, subsidiairement, en déchéance du droit aux intérêts, et en responsabilité pour manquement à
son devoir de mise en garde lors de l'octroi des différents crédits, la banque a, reconventionnellement, sollicité
la condamnation de M. X... au paiement du solde des crédits ;
(…)
Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer diverses sommes à la banque au titre du prêt de
35 500 000 francs CFP ;
Attendu que, la nullité de ce prêt n'ayant été invoquée que sur le fondement de la loi n° 78-22 du 10 janvier
1978, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à l'examen de sa régularité au regard de la loi n° 79-596 du
13 juillet 1979, inapplicable au prêt de restructuration ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la seconde branche de ce moyen et sur le deuxième moyen du pourvoi incident, réunis :
Attendu que M. X... et la banque font grief à l'arrêt de condamner celle-ci à payer à M. et Mme X... la somme
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Préparations à l’examen d’entrée au C.R.F.P.A. 2020/2021
de 5 000 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts en réparation des fautes commises lors de la souscription
du prêt du 29 septembre 2008, alors, selon le moyen :
1°/ que l'établissement de crédit qui a manqué à son obligation de mise en garde doit indemniser le préjudice
causé à l'emprunteur non averti ; que la cour d'appel a constaté que le prêt n° 20804518 de 35 500 000 francs
CFP avait été souscrit par M. X... seul et que la banque avait manqué gravement à son obligation d'information
et de mise en garde lors de la souscription de ce prêt, pratiquant, au surplus, une politique de soutien abusif
sans véritable visibilité économique ; qu'en allouant, néanmoins, la somme de 5 000 000 francs CFP, destinée à
réparer le préjudice résultant des manquements de la banque à son devoir de mise en garde, à M. et Mme X...,
et non pas à M. X... seul, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé
l'article 1147 du code civil ;
2°/ que le banquier, dispensateur de crédit, n'est tenu d'un devoir de mise en garde qu'à l'égard d'un
emprunteur et/ou d'une caution avertis ; qu'en condamnant la banque à verser une indemnité d'un montant
de 5 000 000 francs CFP à M. et Mme X... au titre de la violation de son obligation de mise en garde, quand elle
constatait, par ailleurs, que M. X... avait conclu seul le contrat du 29 septembre 2008, lequel n'était garanti par
aucune caution personnelle, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que le banquier dispensateur de crédit n'est tenu d'aucun devoir de mise en garde à l'égard d'une caution
hypothécaire ; qu'en condamnant pourtant la banque à verser une indemnité d'un montant de 5 000 000
francs CFP à M. et Mme X..., quand il résultait de l'acte du 29 septembre 2008 que Mme X... s'était bornée à
intervenir en tant que caution hypothécaire pour autoriser la prise de garantie sur l'immeuble commun, la cour
d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que, dans ses conclusions devant la cour d'appel, M. X... a sollicité l'allocation de
dommages-intérêts au profit de son épouse et de lui-même en réparation des préjudices par eux subis du fait
des fautes de la banque ;
Attendu, d'autre part, qu'un manquement contractuel peut causer un dommage délictuel à un tiers au contrat ;
que les dommages-intérêts litigieux ont été accordés, non seulement en raison de la souscription de ce prêt par
M. X..., mais encore en réparation de la politique de soutien abusif sans véritable visibilité économique menée
par la banque à l'égard de M. X... et de son épouse, alors qu'elle savait que leurs difficultés financières, qui ne
leur permettaient pas de rembourser le prêt immobilier souscrit le 15 janvier 2007, allaient les conduire à
vendre la résidence principale de la famille et qu'une analyse objective de la situation aurait dû la conduire à
baisser leur endettement global, de sorte que le manquement de la banque à son devoir d'information et de
mise en garde avait entraîné d'importantes conséquences matérielles et psychologiques à l'égard tant de M.
X... que de son épouse ;
D'où il suit que le moyen irrecevable en sa première branche comme contraire à la thèse développée devant les
juges du fond, n'est pas fondé pour le surplus ;
(…)
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Préparations à l’examen d’entrée au C.R.F.P.A. 2020/2021
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Etienne, 15 novembre 2016), rendu en dernier
ressort, que le syndicat des copropriétaires de la résidence L'[...] a assigné M. X..., copropriétaire, en paiement
de charges de copropriété ; que celui-ci a reconventionnellement sollicité la prise en charge par le syndic, la
société Cogecoop, de sa quote-part de charges correspondant à la condamnation du syndicat des
copropriétaires, par un arrêt du 22 avril 2011, à payer des dommages-intérêts au gardien de l'immeuble pour
harcèlement moral ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que le mandataire répondait, sur le fondement de l'article 1992 du
code civil, des fautes commises dans sa gestion et qu'un tiers au contrat pouvait invoquer un manquement
contractuel dès lors que celui-ci lui causait un dommage, et constaté que l'arrêt du 22 avril 2011, s'il avait
estimé que l'employeur avait commis des faits de harcèlement moral, n'avait pas distingué les manquements
imputables au syndicat des copropriétaires et au syndic et que les pièces produites par les parties ne
permettaient pas de caractériser le manquement contractuel du syndic, le tribunal en a souverainement déduit
que la responsabilité du syndic n'était pas engagée ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui n'est
manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 9 décembre 2010, l'association le Foyer de la solidarité a adhéré, par
l'intermédiaire de la société GLS l'assurances, courtier (le courtier), à la garantie de remboursement des frais
médicaux proposée par la société Mutuelle mieux-être (la mutuelle) ; que celle-ci a résilié le contrat à effet du
31 décembre 2011 ; que, reprochant au courtier de lui avoir intentionnellement transmis des informations
erronées sur la nature de la population à assurer et le risque pour la conduire à accepter l'adhésion, la mutuelle
l'a assigné en indemnisation ; que la société Markel International Limited, assureur responsabilité de celui-ci,
est intervenue volontairement à l'instance ;
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Préparations à l’examen d’entrée au C.R.F.P.A. 2020/2021
(…)
Attendu que, pour rejeter les demandes de la mutuelle, l'arrêt retient qu'il ne saurait être déduit de ce que la
société GLS l'assurances est un courtier professionnel qu'elle serait de ce seul fait tenue à l'égard de quelqu'un
qui n'est pas son mandant, en l'espèce une société d'assurances, à une obligation de vérifier les conditions
nécessaires pour adhérer aux produits proposés par celle-ci ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en proposant à son client, pour
assurer ses membres, d'adhérer à une garantie de remboursement de frais de santé complémentaire qui ne
pouvait bénéficier qu'à des salariés, le courtier n'avait pas commis un manquement contractuel dont la
mutuelle, tiers au contrat, pouvait se prévaloir sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont commandé un navire modèle « Adagio 58 » d'une
longueur de 17,76 mètres importé par la société Koejac Yachting (la société Koejac) et, pour financer cette
acquisition, ont souscrit un contrat de location avec option d'achat avec la société Capitole finance-Tofinso (la
société Capitole) ; qu'un procès-verbal de recette a été signé ; que la déclaration écrite de conformité
mentionnant un modèle « Adagio 58 » mais la longueur d'un autre modèle, M. et Mme X... et la société
Capitole ont, en août 2013, après une expertise judiciaire ordonnée en référé, assigné la société Koejac et son
assureur, la société Generali IARD, en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ;
que la société Koejac ayant été mise en liquidation judiciaire, Mme K..., désignée liquidateur, est intervenue à
l'instance ;
(…)
Attendu que la société Generali IARD fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme X... les sommes
de 589 820 euros au titre du préjudice de jouissance et de 95 327,76 euros au titre des frais relatifs à la
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Préparations à l’examen d’entrée au C.R.F.P.A. 2020/2021
possession du navire et aux vices l'affectant, avec intérêts au taux légal et capitalisation, alors, selon le moyen,
que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne créent pas de droit au profit des tiers ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Koejac avait vendu le navire litigieux à la société
Capitole, qui l'avait loué à M. et Mme X... ; qu'il résultait de ces constatations que M. et Mme X... étaient tiers
au contrat de vente passé entre la société Capitole et la société Koejac ; qu'en jugeant néanmoins que les vices
cachés atteignant le navire engageaient la responsabilité contractuelle de la société Koejac, assurée auprès de
la société Generali, à l'égard de M. et Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 1165, devenu 1199, du code civil,
dans sa rédaction applicable à la cause ;
Mais attendu qu'un tiers au contrat peut se prévaloir, sur le fondement délictuel, d'un manquement
contractuel qui lui a causé un préjudice ; qu'ayant relevé que M. et Mme X... avaient subi de nombreux
dommages du fait de la société Koejac, la cour d'appel en a exactement déduit que, seule cette société, assurée
auprès de la société Generali IARD, étant responsable, à l'exclusion de la société Capitole qui, non responsable
de la résolution de la vente, n'était pas à l'origine du trouble de jouissance qui en découlait, M. et Mme X...
étaient fondés à demander la condamnation de l'assureur de la société Koejac dans les limites
contractuellement fixées ; que le moyen n'est pas fondé ;
(…)
I. Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis, 5 avril 2017), la société Industrielle sucrière de Bourbon, devenue la
société Sucrerie de Bois rouge (la société de Bois rouge), et la société Sucrière de la Réunion (la société
Sucrière) ayant pour objet la fabrication et la commercialisation du sucre de canne, ont conclu, le 21 novembre
1995, un protocole aux fins de concentrer le traitement industriel de la production cannière de l’île sur deux
usines, celle de Bois rouge appartenant à la société de Bois rouge et celle du Gol appartenant à la société
Sucrière, en exécution duquel chaque usine était amenée à brasser des cannes dépendant de son bassin
cannier et de celui de l’autre. A cet effet, elles ont conclu, le 31 janvier 1996, une convention de travail à façon
déterminant la quantité de sucre à livrer au commettant et la tarification du façonnage. Antérieurement, le 8
novembre 1995, avait été conclue une convention d’assistance mutuelle en période de campagne sucrière
entre les deux usines de Bois rouge et du Gol « en cas d’arrêt accidentel prolongé de l’une des usines ».
2. Dans la nuit du 30 au 31 août 2009, un incendie s’est déclaré dans une usine électrique de la centrale
thermique exploitée par la société Compagnie thermique de Bois rouge (la Compagnie thermique) qui
alimentait en énergie l’usine de Bois rouge, entraînant la fermeture de cette usine pendant quatre semaines.
L’usine du Gol a assuré une partie du traitement de la canne qui aurait dû l’être par l’usine de Bois rouge.
3. La société QBE Insurance Europe limited (la société QBE), assureur de la société Sucrière, aux droits de
laquelle vient la société QBE Europe, ayant indemnisé son assurée de ses pertes d’exploitation, a, dans
l’exercice de son action subrogatoire, saisi un tribunal à l’effet d’obtenir la condamnation de la société de Bois
rouge et de la Compagnie thermique à lui rembourser l’indemnité versée.
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Préparations à l’examen d’entrée au C.R.F.P.A. 2020/2021
5. Par arrêt du 5 avril 2017, la cour d’appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.
6. Par arrêt du 9 avril 2019, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation,
saisie du pourvoi formé par la société QBE, a renvoyé son examen à l’assemblée plénière de la Cour.
Enoncé du moyen
7. La société QBE fait grief à l’arrêt de rejeter son recours en paiement dirigé à l’encontre de la société de
Bois rouge, alors :
« 1°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d’actes clairs et précis impliquant sans
équivoque la volonté de renoncer ; qu’en l’espèce, il ne résulte d’aucun des documents, conventions ou accords
passés entre les sociétés Sucrière de la Réunion et Sucrerie de Bois rouge une renonciation de la première à agir
contre la seconde en raison du préjudice pouvant résulter de l’exécution de la convention d’assistance ; qu’en
refusant à la compagnie QBE, subrogée dans les droits de la société Sucrière de la Réunion, d’exercer un recours
à l’encontre de la société Sucrerie de Bois rouge au motif qu’elle ne pouvait avoir davantage de droits que son
assuré et qu’en raison des conventions conclues entre elles, la société Sucrière de la Réunion ne pouvait exercer
d’action contre la société Sucrerie de Bois rouge, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil (dans son
ancienne rédaction, devenu 1103) ;
2°/ qu’une convention d’assistance, quel que soit son fondement juridique, n’interdit pas à l’assistant d’exercer
un recours contre l’assisté pour le préjudice causé par l’assistance ; qu’en l’espèce, pour refuser à la compagnie
QBE, subrogée dans les droits de la société Sucrière de la Réunion, d’exercer un recours à l’encontre de la
société Sucrerie de Bois rouge, la cour d’appel a retenu que la société QBE ne pouvait avoir davantage de droits
que son assuré et qu’en raison des conventions conclues entre elles, la société Sucrière de la Réunion ne pouvait
exercer d’action contre la société Sucrerie de Bois rouge ; qu’en statuant ainsi , la cour d’appel a violé l’article
1134 du code civil (dans son ancienne rédaction, devenu 1103) ;
3°/ qu’en toute hypothèse, le préjudice subi par la société Sucrière de la Réunion en raison de la défaillance de
l’usine de la société Sucrerie de Bois rouge ne résidait pas uniquement dans l’obligation dans laquelle s’était
trouvée la première de prêter assistance à la seconde, mais également dans l’impossibilité dans laquelle s’était
trouvée la société Sucrerie de Bois rouge de remplir ses obligations contractuelles envers la société Sucrière de
la Réunion concernant le travail à façon ; qu’à ce titre, la convention d’assistance ne pouvait être opposée au
recours de l’assureur ayant dédommagé son assuré contre la société Sucrerie de Bois rouge à raison de
l’inexécution contractuelle ; qu’en déboutant la société QBE de l’intégralité de ses demandes contre la société
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Préparations à l’examen d’entrée au C.R.F.P.A. 2020/2021
Sucrerie de Bois rouge au seul motif de l’existence de conventions d’assistance, la cour d’appel a entaché sa
décision d’une insuffisance de motifs et violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Considérant qu’une telle entraide conduisait à la répartition des cannes à brasser prévue au protocole
en cas de difficulté technique et s’exécutait à l’aune de la convention d’assistance mutuelle, elle a pu en
déduire, par une décision motivée, que la société QBE, qui ne détenait pas plus de droits que son assurée, ne
pouvait utilement invoquer une faute contractuelle imputable à la société de Bois rouge.
Enoncé du moyen
11. La société QBE fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes dirigées contre la Compagnie thermique,
alors :
« 1°/ que le fournisseur d’énergie est tenu d’une obligation de résultat dont la défaillance suffit à caractériser
l’inexécution contractuelle et à engager sa responsabilité vis-à-vis de son cocontractant ; qu’en l’espèce, la
responsabilité contractuelle de la Compagnie thermique de Bois rouge était engagée du seul fait de la cessation
de fourniture d’énergie à la société Sucrerie de Bois rouge, du 30 août au 28 septembre 2009 ; qu’en décidant
que la faute, la négligence ou l’imprudence de la Compagnie thermique de Bois rouge à l’origine de sa
défaillance contractuelle n’était pas établie et qu’en conséquence, la société QBE Insurance ne pouvait
utilement invoquer la responsabilité délictuelle de cette dernière, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code
civil (devenu l’article 1231-1) ;
2°/ que subsidiairement, les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci
lorsqu’elle leur a causé un dommage, sans avoir à apporter d’autre preuve ; qu’en l’espèce, la société QBE
Insurance, subrogée dans les droits de son assurée, la société Sucrière de la Réunion, a invoqué l’exécution
défectueuse de ses obligations par la société Compagnie thermique de Bois rouge qui a manqué à son
obligation de fournir à la société Sucrerie de Bois rouge l’énergie dont elle avait besoin pour faire tourner ses
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usines, cette inexécution entraînant un préjudice conséquent pour la société Sucrière de la Réunion ; qu’en
estimant que la société QBE Insurance ne pouvait utilement invoquer la responsabilité délictuelle de la
Compagnie thermique de Bois rouge dès lors qu’aucune négligence ou imprudence de la Compagnie thermique
de Bois rouge à l’origine de sa défaillance contractuelle n’était établie, la cour d’appel a violé l’article 1382 du
code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10
février 2016, et l’article 1382, devenu 1240, du même code :
12. La Cour de cassation retient depuis longtemps le fondement délictuel ou quasi délictuel de l’action en
réparation engagée par le tiers à un contrat contre un des cocontractants lorsqu’une inexécution contractuelle
lui a causé un dommage.
13. S’agissant du fait générateur de responsabilité, la Cour, réunie en assemblée plénière, le 6 octobre
2006 (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) a retenu « que le tiers à un
contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors
que ce manquement lui a causé un dommage ».
14. Le principe ainsi énoncé était destiné à faciliter l’indemnisation du tiers à un contrat qui, justifiant
avoir été lésé en raison de l’inexécution d’obligations purement contractuelles, ne pouvait caractériser la
méconnaissance d’une obligation générale de prudence et diligence, ni du devoir général de ne pas nuire à
autrui.
15. Jusqu’à une époque récente, cette solution a régulièrement été reprise par les chambres de la Cour,
que ce soit dans cette exacte formulation ou dans une formulation très similaire.
16. Toutefois, certains arrêts ont pu être interprétés comme s’éloignant de la solution de l’arrêt du 6
octobre 2006 (3e Civ., 22 octobre 2008, pourvoi n° 07-15.692, 07-15.583, Bull. 2008, III, n° 160 ; 1re Civ., 15
décembre 2011, pourvoi n° 10-17.691 ; Com., 18 janvier 2017, pourvois n° 14-18.832, 14-16.442 ; 3e Civ., 18
mai 2017, pourvoi n° 16-11.203, Bull. 2017, III, n° 64), créant des incertitudes quant au fait générateur pouvant
être utilement invoqué par un tiers poursuivant l’indemnisation du dommage qu’il impute à une inexécution
contractuelle, incertitudes qu’il appartient à la Cour de lever.
17. Aux termes de l’article 1165 susvisé, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ;
elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121.
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18. Il résulte de ce texte que les contrats, opposables aux tiers, ne peuvent, cependant, leur nuire.
19. Suivant l’article 1382 susvisé, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
20. Le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait
illicite à l’égard d’un tiers au contrat lorsqu’il lui cause un dommage.
22. Dès lors, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le
dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce
manquement.
23. Pour rejeter la demande de la société QBE contre la Compagnie thermique, l’arrêt retient que la
société Sucrière est une victime par ricochet de l’interruption totale de fourniture de vapeur de la Compagnie
thermique à l’usine de Bois rouge qui a cessé de fonctionner, et que, cependant, la faute, la négligence ou
l’imprudence de la Compagnie thermique, à l’origine de sa défaillance contractuelle, n’est pas établie.
24. En statuant ainsi, alors que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, la cour d’appel,
qui a constaté la défaillance de la Compagnie thermique dans l’exécution de son contrat de fourniture
d’énergie à l’usine de Bois rouge pendant quatre semaines et le dommage qui en était résulté pour la société
Sucrière, victime de l’arrêt de cette usine, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de la société QBE Insurance Europe limited,
aux droits de laquelle vient la société QBE Europe, dirigée contre la société Compagnie thermique de Bois
rouge et la condamne à payer à celle-ci des indemnités de procédure, l’arrêt rendu le 5 avril 2017, entre les
parties, par la cour d’appel de Saint-Denis ;
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Remet, sur ces points, l’affaire et les autres parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les
renvoie devant la cour d’appel de Saint-Denis, autrement composée ;
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