Islam Et La Loi de Moïse Similitudes-Wps Office
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ASPECTS DE LA FOI DE L’ISLAM | Jacques Berque, Roger Arnaldez, Abdel-Magid Turki, et al.
Chapitre II. Les éléments bibliques du Coran comme sources de la théologie et de la mystique
musulmanes
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Chapitre II. Les éléments bibliques du Coran comme sources de la théologie et de la mystique
musulmanes
Roger Arnaldez
p. 29-55
TEXTE AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1Si on fait l’inventaire du contenu du Coran, on peut le répartir de la façon suivante : 1) il y a un premier
groupe de textes qui expriment des vérités et des valeurs qu’on retrouve dans la Bible en termes
identiques ou exactement comparables ; 2) il y a un second groupe de textes qui se réfèrent à des
passages bibliques et qui d’ailleurs sont présentés explicitement comme en étant des « rappels »
(dhikr) ; néanmoins, par rapport au texte biblique correspondant, ils présentent des variations ; parfois
même le Coran offre plusieurs versions, avec des nuances et des détails différents, d’un seul et unique
récit biblique. C’est ce qui apparaît principalement dans les « rappels » des histoires des « prophètes »
(c’est-à-dire principalement des Patriarches) dont parle la Bible ; 3) enfin il y a un troisième groupe de
textes qui n’ont rien de commun avec la Bible : ce sont les textes purement coraniques qui se rapportent
aux circonstances de la prédication de Muhammad, aux recommandations, aux arguments que Dieu lui
donne, aux réconforts qu’il lui apporte, et tout particulièrement à la Loi coranique. Ce sont les textes des
deux premiers groupes qui vont nous intéresser. Il est d’ailleurs curieux de remarquer que ce sont les
seuls qui, en Islam, soient le support d’une réflexion théologique ou d’une méditation mystique. Les
textes purement coraniques ont surtout nourri les études de jurisprudence musulmane (fiqh) qui
d’ailleurs, pour beaucoup de docteurs, sinon pour leur majorité, constituent l’essentiel des sciences de
la religion. Notons que le Coran comporte des versets de controverse contre les Juifs et les Chrétiens. Ils
ont servi de base à l’apologétique musulmane. Mais ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. Notre
recherche sera plus positive.
2Nous avons mis dans le troisième groupe les textes législatifs, bien que l’idée d’une Loi révélée par
Dieu soit aussi centrale dans le Coran que dans la Bible. En outre, quand on étudie tel ou tel détail de la
Loi musulmane, on peut facilement le comparer à la Loi mosaïque et même aller, comme le font les
historiens, jusqu’à en voir l’origine dans la pratique des Juifs que Muhammad avait connus à Médine.
Néanmoins, mis à part un certain état d’esprit commun aux juristes juifs et aux juristes musulmans, il
faut bien noter que le Loi n’est pas en Islam ce qu’elle est dans le judaïsme, si on se place au point de
vue religieux (et on ne doit pas tout de même oublier que la Loi est inscrite dans un cadre
essentiellement religieux et doit avoir des résonances religieuses). D’abord la Loi coranique est
présentée comme abrogeant toutes les Lois que Dieu avait révélées auparavant, en particulier celles de
Moïse et de Jésus. On conçoit que si Dieu abroge Ses propres Lois, c’est qu’elles n’ont pour Lui qu’une
valeur arbitraire et passagère. Si la Loi coranique est définitive, c’est parce que Dieu le veut ainsi, et qu’il
a fait de Muhammad le « sceau des prophètes » (khātam al-nabiyyīn, C 33, 40). On peut donc en
conclure que dans l’Islam, la Loi n’a pas de valeur intrinsèque : Dieu commande ce qu’il veut, et ce qu’il
commande n’est salutaire que parce qu’il a décrété qu’il récompenserait ceux qui obéiraient. Par suite le
rôle que joue la Loi (sharīʻa) dans la vie des croyants musulmans, n’est pas du tout semblable au rôle que
joue la Torah dans la vie des Juifs pieux. Ainsi lit-on dans le Psaume (19, 8) : « La Loi du Seigneur est
parfaite, elle rétablit (meshībhā) l’âme ». Elle a par conséquent une vertu intrinsèque. Sans doute la Loi
de l’Islam est-elle également proclamée parfaite par le Coran quand Dieu dit : « Aujourd’hui J’ai
parachevé pour vous votre religion » (C 5, 3). Il existe de ce verset plusieurs commentaires différents,
quoique non exclusifs les uns des autres. Voici celui de Zamakhsharī : « J’ai parachevé pour vous,
relativement à vos obligations, ce dont vous avez besoin comme enseignement concernant ce qui est
licite et ce qui est interdit, et comme information sur les lois ». Dans le même sens, les Jalālayn
expliquent qu’il s’agit ici de parachever « les sentences (aḥkām) et les prescriptions (farā’iḍ) de la Loi, de
telle sorte qu’il n’y ait plus ensuite aucune révélation au sujet de ce qui est licite (ḥalāl) et de ce qui est
interdit (ḥarām) ». Il est certain que toute loi comporte des prescriptions et des interdictions, ce que la
jurisprudence musulmane appelle aḥkām. Mais en Islam, la Loi n’est rien d’autre que ces aḥkām : elle
exprime la volonté absolue de Dieu qui commande ce qu’il veut. Elle n’a d’autre fin que de donner à
l’homme l’occasion d’obéir ou de désobéir et en ce sens elle le soumet à un dictat tout à fait extérieur.
Elle ne restaure rien, elle ne rétabit rien en lui. Le Coran n’enseigne pas ce qu’enseigne la Bible à propos
du juste (ṣadīq), en disant que « la Loi de son Dieu est dans son cœur » (tōrat Elōhayv be-libbō) (Ps, 37,
31). Notons encore cette expression forte : « Ta Loi est au milieu de mes entrailles » (be-thōg mē‘āy, Ps
40, 9). La Loi mosaïque a été donnée à l’homme « pour l’apaiser aux jours du malheur » (Ps 94, 13).
L’observation de la Loi est source de joie : « Heureux l’homme qui craint Dieu, qui se complaît dans Ses
préceptes » (be-miṣvōthāyv ḥāpheṣ, Ps 112, 1). Citons encore : « Je fais mes délices de Tes décrets (Ps
119, 14) et surtout (ibidem, 47) : « Je ferai mes délices de Tes commandements que j’aime »
(miṣvōtekhā āsher āhabhtī). On peut lire encore : « Combien j’aime Ta Loi » (ibidem, 97), « J’aime Ta Loi
» (ibidem, 113 et 163). C’est le point important : le croyant, dans le judaïsme, aime la Loi, et son amour
de la Loi est l’expression de son amour de Dieu, car Dieu lui a donné cette Loi par amour : « Tu es bon et
bienfaisant, Seigneur, enseigne-moi Tes Lois » (ibidem, 68).
3Au contraire, la Loi coranique n’est pas présentée comme un lien d’amour entre les hommes et Dieu,
ou entre Dieu et les hommes. Sans doute le Dieu de l’Islam comble l’humanité de bienfaits et c’est un
bien pour l’homme que d’obéir à la Loi. Elle est assortie de la promesse (wa‘d) de récompenses dans
l’autre vie, et de la menace (wa‘īd) de châtiments en enfer. Mais tous ces bienfaits, si grands soient-ils,
ne sont en aucun sens ce qu’on pourrait appeler une grâce transformante. Que l’on considère au
contraire ces paroles de Dieu, en Isaïe (48, 17-18) : « Moi, Yahveh, ton Dieu, Je t’enseigne pour te
secourir ; Je te conduis sur le chemin où tu marches. Si tu avais fait attention à mes ordres, ta paix serait
comme un fleuve et ta justice comme les vagues de la mer ». C’est bien ici un renouveau intérieur que
Dieu promet à Son peuple. Et si l’homme reçoit la Loi à l’intérieur de lui-même afin qu’elle opère en lui,
cette Loi émane de l’intérieur de Dieu : « Sois attentif, ô Mon peuple [...] car la Loi sortira de chez Moi
(mē’ittī) et j’établirai Mon commandement pour être la lumière des peuples ». Il est vrai que le Coran
proclame que Dieu est la lumière du monde (C 24, 35) et que la Révélation du Livre est descendue de
chez Lui (min ‘indi’Llāh). Les images de la lumière et des ténèbres sont aussi fréquentes dans le Coran
que dans la Bible. Dieu dit dans le Coran (C 65, 11) qu’il fait sortir des ténèbres vers la lumière ceux qui
croient et font des œuvres bonnes. Il y a donc dans le Livre de l’Islam sur ce point des éléments qui
peuvent être rapprochés de l’enseignement biblique. Mais ce sont les mystiques qui en prendront
conscience. Par exemple, ils tireront un grand parti du verset (C 39, 22) : « N’est-ce pas que celui dont
Dieu ouvre la poitrine à l’Islam est par suite dans une lumière qui vient de son Seigneur ? ». Il se
produira ainsi en Islam tout un processus d’intériorisation de la Loi, qui prendra appui sur des versets qui
parlent de la foi, des œuvres bonnes, mais qui ne font aucune allusion directe à la Loi. La différence est
grande avec la Bible. La seule part personnelle de l’homme du point de vue musulman, c’est
l’obéissance (ṭā‘a) qui doit être sans réticence, sans arrière pensée, le fidèle formulant l’intention
expresse (niyya) d’obéir sans rien chercher d’autre que l’obéissance. C’est alors que cette obéissance est
parfaite et que Dieu qualifie ceux qui en font preuve de « sincères » (mukhliṣīn). Ce terme implique
l’idée de pureté : il s’agit donc d’une obéissance pure en ce sens qu’elle n’est mêlée à aucune intention
autre que celle d’obéir. Les mystiques donneront à cette idée de sincérité une profondeur spirituelle
considérable, sous le nom d’ikhlāṣ. Mais en même temps, la Loi ne consistera pour eux qu’en un guide
(hudā, le terme est coranique) qui n’a pas sa fin en lui-même et qui doit conduire au-delà de la Loi,
jusque sur la voie mystique qui elle-même aboutit à une rencontre avec Dieu. Ce n’est donc pas dans la
Loi que le soufi trouve Dieu. Mais le Coran lui fournit des éléments extérieurs à la Loi dont nous
trouverons d’ailleurs la présence constante dans la Bible.
4Il nous faut d’ailleur noter que le Coran n’emploie le mot sharīʻa, qui a pris le sens de Loi, qu’une seule
fois, et encore en lui donnant son sens étymologique de chemin, voie. « Puis Nous t’avons placé sur une
voie (sharīʻa) relative à l’ordre (amr). » Le rapport entre la voie et l’ordre est ici ce qui indique qu’il s’agit
de la Loi. La Loi est donc une voie à suivre pour éviter de s’égarer, et il n’est pas dit que cette voie
conduit à Dieu ; il n’est pas question dans le Coran des chemins du Seigneur comme c’est le cas dans la
Bible : « Yahveh est bon et droit ; c’est pourquoi il indique au pécheur la voie ; il fait marcher les
humbles dans la justice, Il enseigne aux humbles Sa voie. Tous les sentiers de Yahveh sont miséricorde et
fidélité » (Ps 25, 8-10). On ne peut pas être insensible à la différence de ton entre le verset coranique et
ces versets des Psaumes. Il est encore dit dans le Coran (C 42, 13) : « En matière de religion, Dieu vous a
tracé le chemin (sharaʻa lakum) qu’il a prescrit à Noé ». L’accent est toujours mis sur la prescription, sur
l’ordre, sur le décret divin (qaḍā), sur l’arrêt immuable (maḥtūm, ḥatm, C 19, 71). C’est à ce point que
Dieu prend dans le Coran la figure du destin et qu’un ḥadīth a dû faire aux croyants cette
recommandation : « N’injuriez pas le destin (dahr), car le destin, c’est Dieu ».
5La Loi coranique est donc une voie, ou comme le dit le Coran lui-même, un guide de conduite (hudā)
sur le chemin droit (al-ṣirāṭ al-mustaqīm). Au contraire le mot torah signifie étymologiquement
enseignement. Le Mōreh est le maître qui enseigne, et Dieu, le pédagogue sous les traits caricaturaux
duquel les moqueurs présentent le prophète Isaïe (28, 9-12) : « A qui veut-il enseigner la Sagesse ? A des
enfants à peine sevrés [...] ? Car c’est ordre sur ordre, règle sur règle ; petit, par ici ; petit par là ». C’est
ainsi que les moqueurs entendent la Loi, et n’est-ce pas ainsi que l’entendent les Musulmans ? Or, en
punition, c’est ce qu’elle deviendra pour eux : « La Parole de Dieu sera donc pour eux ordre sur ordre,
règle sur règle [...] afin qu’ils aillent et tombent à la renverse » (Notons au passage que c’est sans doute
cette conception de la Loi que saint Paul critiquera). Mais la conception authentique de la Loi mosaïque
n’est pas celle d’un entassement de règlements ; elle doit être aimée. La Bible parle aussi d’un chemin,
mais voici en quels termes : « Oui, sur le chemin de Tes jugements, nous T’attendons, ô Dieu ! Ton Nom
et Ton souvenir sont le désir de l’âme » (Is 26, 8). C’est l’âme qui aime qui est sur ce chemin, attendant
Celui qu’elle aime et qui lui donne Sa Loi. Rien là de comparable avec le ṣirāṭ al-mustaqīm, voie jalonée
qui circule entre des erreurs qu’il faut éviter en ne quittant pas la route tracée.
6Par suite, il est arrivé en Islam qu’il a pu se constituer une catégorie de croyants purement légalistes.
Sans doute le légalisme est-il une tentation de toutes les religions, en particulier des monothéismes. Il y
a des légalistes chez les Juifs ; il y en a chez les Chrétiens, surtout chez les puritains et les piétistes.
Néanmoins le souci de la pure observance sans amour est rarement aussi marqué que chez les légalistes
musulmans (aux exceptions individuelles près). C’est qu’en Islam, le légalisme peut tirer argument de
nombreux versets où justement la Loi, en tant que loi, est présentée comme l’essentiel de la religion,
voire comme la religion tout entière. En face de ces légalistes se dressent les mystiques musulmans, qui,
sans nier le Loi, la situent à un certain niveau de la vie du croyant, et montrent qu’il faut la dépasser
pour accéder à une véritable spiritualité. Ce faisant, comme nous le verrons, ils s’appuient sur certains
versets dans lesquels ils retrouvent, au moins dans une certaine mesure, l’inspiration religieuse biblique.
7Ainsi, bien que la Loi soit également centrale dans le judaïsme et dans l’Islam, elle ne joue pas du tout
le même rôle dans les deux religions. En Islam, nous l’avons vu, elle est liée à la promesse et à la menace
qui développent chez l’homme l’espérance des récompenses et la peur des châtiments. Tout repose sur
ces deux sentiments : rajā’ (espérance) et khawf (peur). L’œuvre des mystiques consistera
fondamentalement à intérioriser ces deux sentiments trop humains, trop inspirés par des désirs égoïstes
d’une âme encore trop attachée aux biens sensibles. Toujours en choisissant les versets les plus
propices, les plus « bibliques », ils montreront comment la peur et l’espérance se spiritualisent en une
crainte qui redoute surtout la séparation d’avec Dieu et le malheur de faire des actes qui Lui déplaisent,
et en un amour qui, comme dans la tradition biblique, se révèle comme la face positive de la crainte.
8Tout cela étant bien précisé, nous pouvons maintenant examiner ce qui dans le Coran est exactement
conforme à la lettre de ce que dit la Bible sur Dieu. La formule coranique de la profession de foi est bien
connue : en voici la première partie, la seule qui nous importe ici : « Il n’y a de Divinité que Dieu ». On la
trouve dans la Bible et parfois associée à une autre formule que le Coran a également gardée : « Il est le
Premier et le Dernier » (C 57, 3). Voici les références bibliques : « Je suis le Premier et Je suis le Dernier,
et il n’y a pas de Dieu en dehors de Moi » (Is 44, 6) ; « Je suis Yahveh. Il n’y en a point d’autre ; Moi
excepté, il n’y a pas de Dieu » (Is 45, 5) ; « Je suis Yahveh, il n’y en a point d’autre » (Is 45, 18) ; « N’est-
ce pas Moi, Yahveh ? Il n’y a pas d’autre Dieu en dehors de Moi » (Is 45, 21) ; « Car c’est Moi qui suis
Dieu ; en dehors de Moi, il n’y en a point d’autre » (Is 45, 22) ; « C’est Moi, Moi qui suis Dieu. Il n’y a pas
de sauveur en dehors de Moi » (Is 43, 11) ; « Tu ne connaîtras pas de Dieu excepté Moi. Il n’y a pas de
sauveur sinon Moi » (Os 13, 4). On voit que la Bible rapporte les paroles de Dieu à la première personne.
Dans le Coran, on trouve différentes formules : Il n’y a de divinité que Lui ; il n’y a de divinité que Moi ;
enfin Jonas du fond de son poisson s’écrie : « Il n’y a de divinité que Toi ». Ces formules sont reprises en
de très nombreux versets, et prouvent que l’accent est mis sur l’unicité de Dieu avec la même force que
dans la Bible.
9On peut dire que le dogme de l’unicité de Dieu, tawḥīd est tout l’Islam. Aucun homme ne peut être
sauvé s’il ne professe le tawḥīd, et l’affirmation de cette foi en l’unicité de Dieu peut obtenir le pardon
des péchés même graves. Ce dogme a un corollaire : c’est que rien n’est semblable à Dieu (C 42, 11).
Cette idée est aussi dans la Bible. Ainsi en Isaïe (44, 7), où Dieu dit : « qui est comme Moi ? », ou encore
(Is 46, 5) : « A qui m’assimilerez-vous et Me rendrez-vous égal ? A qui Me comparez-vous pour que nous
soyons semblables ? », et encore (Is 46, 10) : « Moi, Je suis Dieu ; il n’y en a pas d’autre ; il n’y a rien
comme Moi (ve’ephe kāmōnī) ». Citons encore Jérémie (10, 6) : « Nul n’est comme Toi, Yahveh ».
10Donc unicité, incomparabilité et transcendance absolue sont liées. Cela a conduit les théologiens
musulmans à développer ce qu’on appelle la via negativa, en arabe tanzīh, qui consiste à mettre Dieu
au-delà de tout ce qu’on pourrait vouloir dire de Lui, en niant par conséquent tout ce qu’il n’est pas.
L’école mu‘tazilite s’est particulièrement distinguée par l’emploi de cette méthode. Voici ce qu’en
rapporte Ash‘arī dans ses Maqālāt al-Islāmiyyīn :
« Les Mu‘tazilites sont tous d’accord pour affirmer que Dieu est unique et qu’il n’y a rien qui lui soit
semblable. Il n’est pas un corps ; il n’est pas une matérialisation ; il n’est pas une masse corporelle, ni
une forme (ṣūra), ni de la chair, ni du sang ; ni un individu (shakhṣ), ni une substance, ni un accident. Il
n’a ni couleur, ni saveur, ni odeur, ni qualités tactiles, ni froideur, ni chaleur, ni humidité, ni sécheresse.
Il n’a ni longueur, ni largeur, ni profondeur. Il ne comporte ni union, ni séparation. Il ne se meut pas, il
n’est pas en repos ; Il ne se divise pas : Il n’a ni dimensions, ni parties [...] Il n’a ni droite, ni gauche, ni
avant, ni arrière, ni dessus, ni dessous. Aucun lieu ne l’enveloppe, aucun temps ne passe sur Lui. Il n’a ni
contact, ni absence de contact ; Il ne descend pas dans des lieux. On ne peut Le décrire par aucun des
attributs des êtres créés qui portent en eux une référence à une production dans le temps. On ne peut
Le qualifier ni de fini, ni d’étendu en diverses directions. Il n’est pas définissable. Il n’engendre ni n’est
engendré. Aucune mesure ne peut Le circonscrire ; aucun voile ne peut Le cacher. Les sens ne peuvent
Le saisir ; on ne peut L’évaluer par analogie avec les hommes ; Il ne ressemble absolument en rien à la
création [...] Rien de ce qui peut venir à l’esprit, rien de ce qu’on peut se représenter par l’imagination
créatrice ne saurait Lui ressembler. Il n’a cessé d’être Premier, Précesseur (Sābiq), Antérieur par rapport
aux êtres qui sont produits dans le temps ; Il est existant (mawjūd) avant les créatures ; il n’a cessé
d’être en acte de science (‘alīm) et en acte de puissance (qādir) et d’être vivant (ḥayy). Les yeux ne Le
voient pas ; les regards ne Le saisissent pas, les imaginations ne Le cernent pas [...] Il est en acte de
science et de puissance et Il est vivant, mais non comme les êtres qui connaissent, qui sont puissants et
qui vivent. Il est éternel, et seul à l’être ; il n’y a pas d’autre éternel que lui [...] Il n’a pas d’associé
(sharīk) dans son royaume ; Il n’a pas de ministre pour exercer son pouvoir souverain ; Il n’a pas d’aide
pour produire et créer ce qu’il produit et crée. Il n’a pas créé les créatures selon un modèle exemplaire
antécédent. Il ne lui est ni plus facile, ni plus difficile de créer une chose plutôt qu’une autre. Il n’est pas
possible pour Lui de rechercher des avantages, et aucun dommage ne saurait le toucher. Il est
inaccessible à la joie et au plaisir ; rien ne peut Lui nuire ni Lui causer de la peine. Il n’a aucun but auquel
Il veuille aboutir. Il ne peut disparaître ni être atteint par l’impuissance ou la défaillance. Il est trop saint
pour avoir contact avec les femmes, prendre une compagne et avoir un fils. »
11Dans ce long exposé, on discerne le désir d’éloigner les interprétations anthropomorphiques qui sont
fréquentes dans le Coran comme dans la Bible, ainsi quand il est dit q