Giton Et Phédon
Giton Et Phédon
Giton Et Phédon
Le portrait physique de Giton est plus long. Le portrait psychologique et social de Phédon, personnage
plus complexe, est plus long que celui de Giton (environ 8
Dans le portrait physique, le pinceau se déplace lignes de plus).
sagement. Le ton est donné : la phrase avance palier
par palier, selon l’assurance de Giton qui s’affirme Syntaxe : l'emploi de propositions coordonnées et de phrases
I solidement. La syntaxe du portrait de Giton évoque le complexes (principale + subordonnée), à l'image du
N caractère "indépendant", direct et sans nuances du personnage lui-même : personnage d'une grande complexité.
T riche.
R L’emploi de tournures négatives pour évoquer Phédon.
O L. 1,2,3… : Le portait de Giton est majoritairement Alternance avec une grande simplicité dans la composition
D composé de phrases simples (propositions des phrases : " il " + complément, " il " + verbes, il " + être.
U indépendantes juxtaposées). Le portrait de Giton ne - effets répétitifs (" il s'arrête et l'on s'arrête ", .)
C comporte que des tournures affirmatives. Style et composition spécifique de l'art classique, très
T concerté, mais aussi très épuré. Tout se veut démonstratif.
I
O Evolution des pronoms de «il » à « on » : 1 à 7. - Le pronom " on «, social, présent 6 fois chez Giton, 2 fois
N l. 1 : " Giton a " + suite de compléments, suivi d'un " chez Phédon : l'un attire, l'autre repousse. Phédon lui-même
il " omniprésent avec de nombreux verbes. fait d'ailleurs vraisemblablement partie, habituellement ou
Ensuite intervient le cercle social, avec le pronom " on occasionnellement, de ces "on".
«. Emploi du pronom indéfini "on" pour désigner son
entourage, soulignant le fait que les autres ne sont que
des faire-valoir sans importance.
P l.1,2 : physique : le personnage est caractérisé, ensuite l. 16 : Physique : "les yeux creux", "le teint échauffé", "le
O il s'anime. Giton : "Le teint frais", "le visage plein", corps sec", "le visage maigre"...
R "les joues pendantes", "l'œil fixe et assuré", les épaules
T larges", "l'estomac haut"...
R L.3 : Il se caractérise par le verbe « faire » : Il se L. 16 : Il se caractérise par le verbe " être :il est intériorisé.
A disperse dans l'action. l.16, 17, 18 : Phédon est caractérisé par un champ lexical
I péjoratif : l'un est " plein ", l'autre " creux ", " sec ", " maigre
T ", " peu ", " stupide ", " oubli "
L.2 : « confiance » en soi affirmée en toute C’est l’opposé. Il s’efface progressivement jusqu’à rougir des
circonstance par petites touches descriptives. manifestations les plus simples de sa vie physique.
Importance du verbe qui permet d’animer le l.16. Phédon : "il dort peu et d'un sommeil léger" (La Bruyère
personnage et montrer ses diverses attitudes dans la suggère que Phédon est assailli par les soucis)
vie sociale. Chaque détail révèle sa tendance, l.17, 18 : Dans les conversations, il ne sait pas se faire valoir,
volontaire ou inconsciente à marquer sa supériorité sur défaut dans la société du 17°.
A tout son entourage. l.20 : Phédon : "Il applaudit, il sourit à ce que les autres lui
T L.3,4 : Giton : "Il déploie un ample mouchoir, et se disent, il est de leur avis..."
T mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il l.20 : Les notations sont courtes, nerveuses, mais précises,
I éternue fort haut » : aplomb et à l'insolence de Giton. vivantes. Phédon ébauche de petits gestes, risquant de courtes
T l.5 : Son sommeil lui-même « il dort » est une action remarques, anxieux d’avoir fini de parler alors qu’il vient de
U qui s’impose comme un réalisme déplaisant. « il ronfle commencer. D’oublis en maladresses, il aboutit à un échec « il
D en compagnie » : sans-gêne, la confiance en ne se fait pas écouter, il ne fait pas rire », alors qu’il avait de
E soi.(antinomie des deux termes), entre un « l’esprit », qu’il connaissait le sujet. Il est paralysé par le
S comportement scandaleux et une acceptation sociale sentiment de sa pauvreté, il compromet ses chances de réussite.
servile. Il semble accepter de n’être rien, sinon l’esclave des autres
dans ses actes précipités, dans attitude négative. L’auteur
Giton est présenté comme un personnage odieux et dépeint rapidement quelques esquisses d’un homme
déplaisant. La Bruyère insiste sur : sa confiance maladivement effacé. Cascade d’adjectifs qui dépeint la vraie
excessive en lui-même - son insolence - son nature de Phédon telle qu’il apparaît, modelé par la vie.
aplomb - son manque de discrétion (il fait du bruit,
il se fait remarquer, il occupe l'espace) - son L.20 : Phédon a plus d'esprit que Giton, mais ne sait pas se
égocentrisme - sa vanité mettre en valeur car il n'a aucune confiance en lui. Il oublie de
dire ce qu'il sait, ou de parler d'événements qui lui sont connus
L’auteur évoque également le comportement des ; et s'il le fait quelquefois, il s'en tire mal, il croit peser à ceux
flatteurs et des parasites qui l'entourent : ils n'ont pas à qui il parle, il conte brièvement, mais froidement, il ne se fait
d'existence propre, ils se règlent sur le comportement pas écouter, il ne fait point rire".
de Giton, si bien que la satire d’un type humain (et non
d'un individu précis) se double d'une satire sociale L.21,22,23 : Phédon se règle sur les autres. Phédon pourrait
(celle de la servilité). L. 7-10. bien être l'un des auditeurs complaisants de Giton.
l.21,22,23 : Il apparaît comme un homme qui est en quête de
remerciement, qui se dissimule pour éviter de déplaire, prêt à
l.6 : Constitution progressive d'un effet de cercle, et se renier lui-même « mystérieux, menteur… » il est « timide ».
bien sûr nous savons que Giton " tient le milieu ". Sa personnalité s’efface et se dilue dans ses actes.
L.22,23 : Il a, lui aussi, ses défauts : "complaisant", "flatteur",
l.7 : il aime marquer sa prétendue supériorité. "empressé", "quelquefois menteur", "superstitieux",
L’auteur présente 2 groupes d’attitude : « il »/ « tous, "scrupuleux", "timide".
on » : Giton impose le rythme de la marche
volontairement cahoté selon son caprice. L.26,27,28,29. Phédon est sans cesse en mouvement.
l. 26-29 : Relation interrompue entre Phédon et la société.
L8 : Il impose grossièrement sa « parole ». Il est Le " on " disparaît, le " être " apparaît, donc significatif d'un
écouté et approuvé de « tous ». Il capte entièrement repli sur soi, effet de solitude.
l’attention. Peu à peu, le dialogue s’amenuise, le riche Le cercle est détruit, n'existe plus : " Il n'est jamais du
a réduit à néant l’interlocuteur qu’il a subjugué. nombre de ceux qui forment un cercle ".
Non seulement il n'est pas le " milieu ", mais il n'est pas non
l. 8, 9, 10 : Le scandale est que sa richesse lui assure plus périphérique : il est totalement exclu.
la 1ère place parmi ses « égaux ». « il interrompt, il l.30 : Il se compose un rôle en société. Il se persuade qu’il
redresse » : il se croit supérieur par les qualités de son passe d’abord inaperçu « il n’occupe point de lieu, il ne tient
A esprit ou son expérience. Son entourage est « de son point de place ». Négation « ne… point ». La Bruyère évoque
T avis » par prudence ou hypocrisie ou parce qu’on s’est le comportement des autres à son égard : ils l'ignorent, comme
T persuadé de son génie. s'il était transparent.
I « on croit les nouvelles qu’il débite » : supériorité . Phédon tient de l’anguille ou du serpent (un serpent inoffensif,
T Richesse = échelon dans la hiérarchie. quoi que...) : "il n'y a point de rues ni de galeries si
U embarrassées et si remplies de monde, où il ne trouve moyen
D l. 10 : Après le tableau de Giton en promenade, il y a de passer sans effort, et de se couler sans être aperçu." L.30,31
E celui de Giton assis. Il joue un jeu scénique des
S attitudes afin de parvenir à imposer sa fierté et son l.31 : Il organise sa tactique défensive : étude de la démarche.
« audace » arrogante et silencieuse. Il semble avoir atteint son but : ne pas être « aperçu ».
l. 10 : Emploi constant de la troisième personne " il ", l.32 : Mais il n’est pas maître de son destin : on « le prie de
objectivation du personnage sous le regard : effet de s’asseoir ». Giton assis éclate de fierté et d’audace.
focalisation externe au début, puis introduction
progressive du " on " , plus dense avec " Giton " . l.32,33 : Phédon révèle une crainte. « il parle bas, articule
Enfin, le " vous " très implicatif : c'est une apostrophe mal… » Il sombre dans une médiocrité et semble se complaire
directe au lecteur (" S'il s'assied, vous le voyez " ) qui dans cette banalité.
appartient au cercle social.
Changement de focalisation avec la mutation des l. 35 : Phédon : "il tousse, il se mouche sous son chapeau, il
pronoms. crache presque sur soi, et il attend qu'il soit seul pour éternuer,
ou, si cela lui arrive, c'est à l'insu de la compagnie : il n'en coûte
l. 13 : Il y a une progression des traits : bonhomie à personne ni salut ni compliment." : il n’ose plus accepter la
joyeuse et bruyante « enjoué, grand, rieur », tyrannie vie physique de son corps. Il semble avoir honte d’exister.
coléreuse « impatient, présomptueux, colère »,
affection « libertinage », habileté à passer pour un fin Frustration et le ressentiment de Phédon qui pourrait bien, par
« politique ». sa capacité à se fondre dans la foule à laquelle Giton ne se mêle
jamais, à passer inaperçu, par son intelligence aussi (une
l. 14 : Il arrive à se persuader de sa propre valeur « il intelligence d'autant plus redoutable qu'elle ne se voit pas),
se croit ». constituer un danger politique.
+ Giton bénéficie d'un champ lexical positif : " plein
", " fixe ", " assuré ", " parle ", "confiance ", " déploie
", " haut ", " milieu "
l.14 : Le portrait s’achève sur une amertume La Bruyère insiste sur :
railleuse : « il est riche ». L’argent est la cause de son Sa timidité (il ne fait pas de bruit, il passe inaperçu, il occupe
comportement et de son caractère. L'asyndète finale : le moins d'espace possible - son manque de confiance en soi -
C "Il se croit des talents et de l'esprit. Il est riche." sa dépendance par rapport au jugement des autres - son
O suggère que la bonne opinion que Giton a de lui- humilité.
N même vient uniquement de sa richesse et ne
C correspond à aucune qualité réelle. On pourrait Spectacle d’un homme qui assume de moins en moins son
L traduire la phrase ainsi : 'Il se croit des talents et de humanité. Construction fuyante de ce portrait qui aboutit à la
U l'esprit parce qu'il est riche." même construction : « il est pauvre ».
S L.14. La réponse, très sèche, et donnée à la fin. (" Il
I est riche " ) Comme le lecteur est intégré au cercle, il est cruellement
O Giton ressemble davantage à un ours qu'à un culpabilisé.
N homme. Le portrait de Giton décrit un type relativement
intemporel. Giton est présenté comme un "imbécile
heureux, parfaitement satisfait de son sort.
Introduction :
La Bruyère ne décrit pas des individus précis, mais des types humains qui se veulent universels dans le
temps et dans l'espace. La notion d'universalité est une constante de la pensée du XVIIème siècle.
Conclusion :
L’interdépendance entre le riche et le pauvre : le pauvre a besoin du riche pour survivre, le riche a besoin
du pauvre pour exister, puisqu'il n'existe qu'à travers ceux qu'il tyrannise, si bien que d'une certaine
façon, le pauvre est une "créature" du riche et réciproquement.
La Bruyère dénonce l'importance de l'argent en montrant son rôle corrupteur sur le "caractère" des
hommes, sur ceux qui en ont trop, comme sur ceux qui n'en ont pas assez : Giton est présenté comme
un personnage odieux et déplaisant dont la fortune lui tient lieu d'esprit et de talents. Toutefois, Phédon
n'est pas épargné, même si l'auteur semble avoir plus de sympathie pour lui, bien qu'ils soient aussi
éloignés l'un que l'autre de l'idéal de "l'honnête homme".