Texte 1 Les Caractères Livre VI - Giton Et Phédon
Texte 1 Les Caractères Livre VI - Giton Et Phédon
Texte 1 Les Caractères Livre VI - Giton Et Phédon
JEAN DE LA BRUYERE :
C’est un auteur moraliste : il écrit ses réflexions sur les mœurs, la nature et la condition humaines.
Dans la célèbre querelle des Anciens et des Modernes, il prend parti pour les Anciens dont il prône l'imitation.
Il s’agit d’un poste prestigieux qui lui permettra de recueillir des informations précieuses sur ce milieu.
Cela l’a fortement inspiré pour composer son unique œuvre : Les Caractères.
Cet ouvrage connaît un succès retentissant dès sa publication en 1688 puis connaît plusieurs éditions augmentées
jusqu'en 1696. Les Caractères - aussi appelée Les mœurs de ce siècle - est passée de 420 remarques en 1688 à 1120
en 1694.
On peut considérer que les Caractères de La Bruyère est une poursuite des Caractères de Théophraste (auteur grec
du IVe siècle avant J.-C.) qui appartient au genre de l’éthopée.
La Bruyère critique les différentes facettes de la société du XVIIe siècle. Il y peint les comportements et les
différents vices et vertus du genre humain. Orgueil, vanité, condition humaine, liberté ou encore hypocrisie, tout y
passe avec une acuité et une ironie qui fait de l’œuvre un classique.
CONTEXTUALISATION :
Dans le Livre VI, intitulé « Des biens de fortune » l’auteur montre au lecteur que la véritable richesse n’est pas
liée à la fortune que l’on possède, mais relève des connaissances, de la sagesse que chaque individu doit avoir en
soi. L’argent menace l’ordre social et biaise toute idée de mérite. On retrouve cette idée chez Marivaux également.
Dans la remarque 83, il met en évidence combien l’argent est à la source des comportements sociaux.
PROBLEMATIQUE :
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PLAN :
Partie1 : le portrait du riche Giton dont l’attitude tapageuse en société reflète l’aisance matérielle et financière (l1 à
l15).
Partie 2 : le portrait du pauvre Phédon dont l’attitude discrète et gênée à l’excès montre que son malaise en société
est la conséquence de son indigence financière (l16 à l22)
ANALYSE LINEAIRE :
La Bruyère présente physiquement Giton avec une accumulation contenant un lexique du corps et des adjectifs
qualificatifs à connotation méliorative : « teint », « visage », « joues », « œil », « épaules », « estomac», «
démarche » « frais », « plein », « fixe et assuré », « large », « haut », « ferme ». La richesse ne se lit pas à travers
l’omniprésence de l’argent mais grâce à ce corps bien portant.
Avec le lexique de la conversation : « parle », « répéter », « dit », « entretient », l’auteur montre la richesse du
personnage à travers une parole tapageuse : Giton écrase son interlocuteur.
Le rythme binaire qui oppose les pronoms personnels : « il »/« on » ; « lui »/ « tous » montre que Giton écrase ses
pairs. C’est lui qui donne le rythme, qui guide la société. Aussi l’accumulation d’adjectifs qualificatifs : « enjoué,
grand rieur, impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux » donne un effet de surabondance. Le
rythme soutenu illustre la surcharge pondérale et financière du personnage.
Enfin l’apodose « il est riche » sonne comme la chute de ce premier portrait : la richesse est la cause de l’attitude de
Giton alors que le sujet de l’argent n’est jamais explicite.
Bilan partie 1 : Si l’argent n’est jamais mentionné, la fortune de Giton est exposée à travers son attitude
tapageuse. Le personnage est envahissant. Giton affiche sa richesse par son occupation excessive de l’espace
social.
Dans la seconde partie, nous allons analyser le portrait d’un homme pauvre à la timidité excessive.
Le lexique du corps est associé à des adjectifs à connotation péjorative : « yeux », « teint », « corps », « visage», «
creux », « échauffé », « sec », « maigre ». Cela illustre que la pauvreté ne se lit pas à travers l’indigence, mais à
travers un aspect maladif. Ce portrait est un écho ludique immédiat au portrait de Giton : Phédon est son jumeau
misérable.
On remarque aussi l’antithèse Giton vs Phédon : « sommeil fort léger» vs « ronfle » / « abstrait », « rêveur » vs «
présomptueux », « colère » / « a [...] de l’esprit » vs « il se croit [...] de l’esprit ». Le portrait de Phédon fait écho
directement à celui de Giton ; l’auteur joue à faire correspondre le caractère de l’un avec celui de l’autre : effet de
miroir et de symétrie inversée.
On retrouve, ici aussi, le lexique de la conversation : « dire », « parler », « écouter » mais cette fois il montre que
Phédon est peu éloquent ; c’est un piètre courtisan.
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De plus l’énumération de verbes d’actions : « applaudit », « court », « vole » donne un rythme enjoué aux phrases
qui met en valeur l’insignifiance de Phédon.
Enfin, la nouvelle antithèse Phédon vs Giton : « épaules serrées », « chapeau abaissé », « bord d’un siège », « se
mouche », « crache », « éternue » met en avant un jeu de symétrie inversée qui se poursuit. La fin du portrait de
Phédon fait écho au début de celui de Giton. Le portrait de Phédon se termine aussi avec une apodose : il est pauvre
ce qui explique sa manière d’être.
Bilan partie 2 : Phédon, incarnation de l’homme pauvre, apparaît presque comme un « déchet » du corps
social, un organe malade et ridicule. Sa pauvreté le condamne aux yeux d’une société qui fait primer la
fortune sur la vertu.
CONCLUSION :
Ainsi, en proposant un double portrait ludique, La Bruyère souligne, non sans cruauté, l’opposition radicale
entre la figure du riche Giton et celle du pauvre Phédon en livrant un texte rédigé de façon symétrique
(comme un jardin à la française). Le style de Jean de la Bruyère est représentatif du goût classique : simplicité,
économie de moyens, symétrie.
En ne mentionnant finalement quasi jamais le champ lexical de l’argent, La Bruyère parvient à démontrer à
quel point son rôle est corrupteur sur le "caractère" des hommes, sur ceux qui en ont trop, comme sur ceux qui
n'en ont pas assez : Giton est présenté comme un personnage odieux et déplaisant dont la fortune lui tient lieu
d'esprit et de talents.
Toutefois, Phédon n'est pas épargné, même si l'auteur semble avoir plus de sympathie pour lui, bien qu'ils soient
aussi éloignés l'un que l'autre de l'idéal de "l'honnête homme".
OUVERTURE :
Le « teint frais » de Giton n’est d’ailleurs pas sans rappeler le « teint frais et la bouche vermeille » d’un autre
personnage opportuniste du XVIIe siècle : le Tartuffe de Molière (scène 4, acte I), jouée en mai 1664.
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