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Nuit Rhénane

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Introduction

La nuit est l'espace du rêve et des légendes. La nuit rhénane, c'est aussi la nuit de l'ivresse
dans le tournoiement des figures concurrentes de la réalité et de la fable.
Ce poème Nuit rhénane, extrait du recueil Alcools, est à situer à la période où Apollinaire est
allé vivre sur les bords du Rhin. Poème de la brisure des verres, ce texte est aussi celui de
l'ivresse des vers, avec ce sonnet cassé à qui il manque un vers. Ce poème est un jeu, même s'il
soulève un malaise et une réflexion sur la poésie.

—------------------------------------------ lecture ---------------------------------------------------------


Mouvements du texte : 1§ : L’ivresse, le chant du batelier ou l’inspiration poétique ; 2§ : la révolte ou le
rejet du chant du
batelier ; §3 : la résignation ou le poète vaincu par son inspiration ; §4 : la chute, fin du poème et de
l’inspiration
Comment le poète évoque-t-il la création poétique ?

Mouvement 1 :
Dét. possessif qui traduit la présence du poète, en proie à une grande (« plein ») ivresse (personnification
du vin avec « trembleur »+ comparaison avec la flamme qui vacille, dont le vin peut avoir la couleur et qui
réchauffe comme le vin) ; le « verre » est aussi par homophonie le « vers » poétique, et le vin serait la
métaphore de l’écriture qui « tremble » sur la feuille ou de l’inspiration (d’où la comparaison avec la
flamme, l’élan du cœur ou ici l’élan créateur) foisonnante (« plein ») et hésitante, voire effrayante ( «
trembleur »). Ordre à l’impératif présent adressé à ceux qui l’entourent ou au lecteur/ ordre d’entendre le
poète ; allitération en « l » qui fait écho au Rhin, au glissement sur l’eau ; on comprend alors que le poète
devient ce batelier (effet de mise en abyme) qui a vu ce que les autres ne voient pas et qui le chante (idée
du poète voyant) ; Un chant mystérieux qui met en scène une légende germanique : les sept ondines à
l’aspect inquiétant (cheveux verts et longs), dans un cadre nocturne propice aux phénomènes mystérieux
( sous la lune ») ; la longueur des cheveux évoque le pouvoir de séduction fatale de ces nymphes ;
allitération en « l » et « r » du dernier vers : l’eau et la souffrance, évoquée aussi par «tordre », se
mélangent.→ l’inspiration fait souffrir le poète ? D’ailleurs le mot « pied » rappelle la syllabe en poésie ;
c’est donc le travail de la forme qui torture le poète.
Dans cette analyse, le dét. possessif utilisé dans "plein ivresse" exprime la présence du poète, plongé
dans une intense ivresse. Le vin, personnifié avec "trembleur", est comparé à une flamme vacillante,
évoquant à la fois la couleur du vin et sa capacité à réchauffer. Cette image peut aussi être interprétée
comme une métaphore de l'écriture ou de l'inspiration poétique, suggérant un élan créateur foisonnant
mais aussi hésitant voire effrayant. L'ordre à l'impératif présent, adressé aux entourages ou au lecteur,
invite à entendre le poète, faisant écho à la scène du batelier sur le Rhin, suggérant ainsi que le poète
devient le narrateur de cette vision. Le chant mystérieux met en scène une légende germanique des sept
ondines, décrites avec une apparence inquiétante et séduisante. La nuit, éclairée par la lune, crée une
atmosphère propice aux phénomènes mystérieux. L'allitération en "l" et "r" dans le dernier vers évoque à
la fois l'eau et la souffrance, suggérant peut-être que l'inspiration poétique est source de tourments pour le
poète. Enfin, le mot "pied" rappelle la syllabe en poésie, soulignant ainsi le travail de la forme qui peut
torturer le poète
Mouvement 2
Dans cette partie du poème, le poète émet deux ordres qui se présentent comme des contradictions au
précédent, accélérant ainsi le rythme du poème. Il appelle ses compagnons de boisson à entonner un
chant, marquant une assonance en "en", pour couvrir le sien propre, exprimé dans la forme négative du
vers 6. Il leur demande également de se lancer dans une danse traditionnelle, une ronde. Par la suite, il
donne un nouvel ordre pour faire venir à lui des femmes, en opposition aux ondines, exprimées par le
terme "toute" en opposition aux sept, et décrites comme des filles blondes. Leur regard immobile et leurs
nattes repliées contrastent avec l'image des ondines, évoquant une présence plus rassurante et réelle. Ce
contraste suggère que le poète, tourmenté par la légende ou par son inspiration, cherche une présence
humaine réconfortante et se rattache à une forme de tradition, celle du chant et de la danse en ronde

Mouvement 3

Dans cette dernière partie du poème, l'ivresse semble avoir pris le dessus sur le poète. La
répétition insistante du mot "Rhin" témoigne à la fois de son état d'ivresse et de son élan
poétique retrouvé. Le paysage prend vie sous son regard et le langage poétique recouvre sa
liberté. Le mouvement revient avec force après une pause, marquée par une allitération en "r" et
une assonance en "i", renforçant ainsi la musicalité du texte. L'expression "tout l'or des nuits"
métaphorise les étoiles se reflétant dans l'eau, évoquant également la richesse de son inspiration
poétique qui s'écoule sur la feuille. Le batelier, réduit à sa voix, symbolise l'asservissement de
l'homme à son chant ou à son inspiration, illustré par le néologisme "râle-mourir", évoquant à la
fois le dernier souffle de l'écriture et sa nouveauté radicale.Les ondines, autrefois inquiétantes,
se métamorphosent en "fées" positives, évoquant la saison du soleil et d'Apollon. Le poète, ayant
cédé à son inspiration, compose finalement un chant audacieux et brillant, mêlant la mythologie
allemande à sa propre poésie.

Mouvement 4

La conclusion du poème marque un retour à la réalité. Le rappel du vers 1, cette fois au passé
composé, indique une action accomplie et irréversible : l'homme ivre a cassé son verre et ne
peut plus s'enivrer. Cela symbolise la fin de l'inspiration, marquant ainsi la conclusion du
poème.La comparaison avec le rire de l'ivrogne suggère une certaine ironie ou légèreté, mais
aussi un pied de nez à la tradition poétique. En brisant le verre, symbole de son ivresse créatrice,
le poète rompt avec la forme traditionnelle du sonnet, affirmant ainsi son originalité et sa liberté
artistique.

Conclusion :

Ainsi nuit rhénane est un poème qui évoque l’inspiration poétique à travers le thème de l’ivresse,
mêlé à celui du chant et des légendes germaniques ; on comprend que cette inspiration effraie le
poète lui-même, mais qu’elle le dépasse et le subjugue afin qu’il puisse offrir au lecteur cet « or
des nuits », cette beauté presque surnaturelle qu’il est le seul à entrevoir.Ouverture : « Ma
Bohème » d’Arthur Rimbaud, poème qui évoque aussi des nuits d’inspiration.

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