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Allexandre 2004

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© Masson, Paris, 2004 Motricité cérébrale 2004 ; 25(2) : 66-70

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Sphère bucco-faciale

Troubles de la motricité bucco-faciale


et difficultés articulatoires et de parole
chez l’enfant IMC : relations et intérêt
d’une éducation commune et harmonieuse

A. Allexandre
Les Trotte-Lapins, 217, rue Saint Charles, 75015 Paris.
Ram-Dam 4, rue Frédéric Schneider, 75018 Paris.
Tirés à part : A. Allexandre, à l’adresse ci-dessus.

Résumé
L’orthophoniste, dans son travail auprès des enfants IMC, est souvent confronté aux troubles de motricité
bucco-faciale et d’articulation.
Il paraissait intéressant de mettre en évidence les relations (motrices) qui existent entre ces deux types de
troubles et de les inscrire dans la prise en charge orthophonique globale de l’enfant.
Mots-clés : motricité bucco-faciale, articulation, jeu, communication.

INTRODUCTION Les troubles de production


de la parole
Nombreux sont les enfants IMC dont la motri-
cité bucco-faciale est atteinte ; les conséquences Atteinte de la soufflerie et de la phonation
de cette atteinte sont alimentaires et articula- L’atteinte motrice peut toucher la soufflerie et la
toires. phonation (c’est-à-dire l’expiration sonorisée). Il
peut exister des problèmes de commande des
Rappel des conditions de production muscles respiratoires, des mouvements anor-
de la parole maux, une asynchronie entre les mouvements res-
piratoires et laryngés. Il n’y a donc parfois pas de
L’air en provenance des poumons vibre par la phonation volontaire ou une sonorisation inter-
mise en tension du larynx et des cordes vocales. mittente ou forcée ou encore la production d’un
C’est l’expiration sonorisée, qui est ensuite nombre réduit de syllabes par expiration.
modulée dans les cavités de résonances (pharynx
et cavité buccale) et par les organes articulateurs. Atteinte de la sphère bucco-faciale
Ces organes articulateurs se mobilisent pour modu- C’est l’atteinte de la sphère bucco-faciale qui va
ler finement les divers sons : ce sont les lèvres, la nous intéresser particulièrement ici et qui entraîne
langue, le voile du palais, le pharynx et le maxil- des difficultés sur le plan alimentaire et articula-
laire inférieur. toire.
Troubles de la motricité bucco-faciale et difficultés articulatoires et de parole chez l’enfant IMC / 67

ATTEINTE DE LA SPHÈRE BUCCO-FACIALE terons pas aujourd’hui : il est important d’éva-


luer finement les difficultés pour établir le
Cette atteinte entraîne des difficultés fonctionnel- diagnostic différentiel. (proche du « plan d’orga-
les d’alimentation (difficultés de succion, diffi- nisation du geste » : « dyspraxie de la parole »)
cultés à saisir les aliments, difficultés de rétention [2]
des aliments et de la salive, difficultés de masti- – rappelons également que les conditions requi-
cation des aliments, difficultés de transport intra- ses pour accéder au langage se situent sur plu-
buccal du bol alimentaire, difficultés à l’aspira- sieurs plans : organique, physiologique, intellectuel,
tion des liquides, difficultés de déglutition), psychologique, sociologique.
bavage [1].
Ainsi, pour accéder au langage, il faut non
Cette atteinte entraîne aussi des difficultés
seulement POUVOIR utiliser ses organes, SAVOIR
sur un plan articulatoire. L’enfant peut avoir des
les utiliser, mais aussi le VOULOIR.
difficultés pour maîtriser la commande motrice
des organes articulateurs : on parle alors de On ne traitera ici que de l’aspect moteur de
dysarthrie de régulation ; il peut être gêné par des l’articulation.
mouvements anormaux survenant au niveau de la
sphère orale : il s’agit de la dysarthrie athétosi-
que ; ou encore il peut être en difficulté dans le LES PRINCIPES FONDAMENTAUX
contrôle et la régulation de ses mouvements : DE LA RÉEDUCATION DE LA MOTRICITÉ
c’est la dysarthrie cérébelleuse [2]. BUCCO-FACIALE ET DE L’ARTICULATION :
Remarque : À noter qu’il existe souvent des
troubles de la coordination pneumophonique
Il s’agit d’agir en premier lieu
sur la posture
chez les enfants dysarthriques.
La sécurité est ainsi assurée concernant l’alimen-
On peut observer des difficultés de réalisa-
tation, puisqu’on évite les fausses routes.
tion de mouvements volontaires complexes, dues
à un trouble de planification et de représentation Si on laisse l’enfant dans sa pathologie glo-
intériorisée du geste : on parle alors de dyspraxie bale, on ne peut en aucun cas être efficace au
bucco-faciale (qui peut être isolée ou associée niveau de la motricité bucco-faciale et par consé-
aux difficultés motrices précédemment citées). quent au niveau de son articulation et de sa
parole. En effet, l’état de contraction globale des
L’atteinte a des degrés variables, Elle peut
muscles du cou et des muscles voisins gênent la
aller des simples difficultés d’articulation jusqu’à
fermeture de bouche, limitent les mouvements de
l’impossibilité d’émettre une parole intelligible.
la mâchoire, des joues et de la langue.
À ce titre, on peut rappeler l’échelle de l’éva-
Il s’agira en premier lieu d’obtenir une
luation des difficultés articulatoires de Guy Tar-
décontraction, de contrôler les postures patholo-
dieu :
giques de façon à « libérer » la motricité bucco-
– degré 0 : l’articulation est normale ; faciale et donc l’articulation (fig. 1).
– degré 1 : le trouble absent pour le public mais On peut alors procéder à la stimulation des
évident pour les professionnels. Il n’existe pas automatismes innés existants relayés par la
de conséquence fonctionnelle ni sociale ; motricité volontaire, et travailler ainsi le contrôle
– degré 2 : le trouble est évident pour tout le analytique des organes articulateurs et du souffle
monde mais le sujet, bien qu’articulant avec dif- [1].
ficultés, est intelligible ; NB : la collaboration kiné/ergo/ortho est
– degré 3 : les difficultés articulatoires font que essentielle. L’orthophoniste a besoin de savoir
le sujet est seulement compris par la famille et comment l’enfant a été éduqué globalement,
les professionnels ; pour poursuivre dans la même voie, les séances
communes (deux professionnels autour de l’enfant)
– degré 4 : le trouble est massif et interdit sont particulièrement enrichissantes.
l’expression orale.
Deux remarques importantes : Importance d’une prise en charge
– Il faut d’abord noter que les difficultés d’intel- précoce
ligibilité peuvent être aussi liées à un trouble de – L’alimentation sera améliorée voire normali-
programmation phonologique que nous ne trai- sée (avec respect des étapes) ;
68 / A. Allexandre

LA RÉEDUCATION ORTHOPHONIQUE
EN ELLE-MÊME

Le travail est à la fois analytique et global. Il faut


viser, en priorité, la fermeture buccale tant pour
la déglutition que pour la phonation et la
commande des différents souffles à utiliser. [3]
Il s’agira aussi d’agir sur la langue qui peut
entraver l’occlusion bilabiale (protrusion ou
interposition linguale interdentale)
Retenons que respiration, déglutition et parole
doivent être régulées finement (et automatique-
ment) s’enchevêtrer et s’intercaler sans jamais être
simultanées.
FIG. 1. — Contrôle de la posture.
Les premières stimulations sont importan-
tes : il faudra prendre en compte la sensibilité du
– la mimique, plus riche, plus expressive facili- visage de l’enfant et la différencier des consé-
tera la communication non verbale, les intérac- quences émotives des contacts sur le visage. Il
tions ; s’agit de « désensibiliser » la région hyperréflexive,
toucher globalement le visage, la région péri-
– la respiration nasale pourra être automati-
labiale, les lèvres, la langue (on pourra notam-
sée ;
ment réduire les réactions nauséeuses), …Ce tra-
– la phonation et l’articulation seront, au moins vail est réalisé dans un climat de confiance, de
dans leur aspect moteur, facilitées ; détente, de jeu, à l’aide de petites comptines, mais
– le bavage sera diminué. aussi d’échanges (l’enfant agissant ainsi sur le
visage et la bouche du thérapeute), pour contri-
C’est aussi la précocité et la qualité de la
buer à une meilleure connaissance des différents
prise en charge qui permettra de limiter les pro-
organes, pour travailler ensuite sur la reconnais-
blèmes de béance, d’orthodontie (une pression
sance des différentes sensations et les gnosies
linguale trop importante pourra être à l’origine
bucco-linguales (figs. 2 et 3).
d’un maxillaire supérieur trop développé et d’une
proalvéolie ou au contraire une langue en position Remarque : les massages sont d’un apport
basse et donc un manque de pression linguale pourra intéressant dans la rééducation.
entraîner un manque de développement du maxil- Ils sont proposés en fonction des difficultés
laire supérieur). de l’enfant, et notamment lorsqu’il existe une

FIG. 2. — Détente et relation de confiance. FIG. 3. — Mobilisation du maxillaire inférieur pour


vérifier l’état de décontraction.
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contraction importante des releveurs de la lèvre L’essentiel de ce travail se fait au tapis


supérieure, des contractions jugales. devant un grand miroir (contrôle visuel)
C’est d’abord un moyen agréable d’entrer en
contact avec l’enfant et son visage. Outre l’aspect
relationnel, ces stimulations tactiles vont favori- RELATIONS ENTRE LES ACQUIS
ser le travail musculaire, et permettre de dévelop- MOTEURS DANS L’ALIMENTATION
per les mimiques (remarque : attention à l’enfant ET LES POSSIBILITÉS DE CONTRÔLE
toujours souriant : c’est charmant mais cela peut ARTICULATOIRE
vite se transformer en grimace).
La réalisation des mouvements inclus dans la
Une fois, l’espace buccal et péri-buccal
fonction d’alimentation prépare le sujet à effec-
désensibilisé, le climat de confiance établi, en tuer les mouvements nécessaires à l’articulation
fonction des difficultés de l’enfant notées lors du de nombreux phonèmes [1] :
bilan, on débute le travail de la mastication, de
l’alimentation à la cuillère et de la boisson au – l’aplatissement de la langue au contact de la
verre (figs. 4 et 5). Précisons que les exercices cuillère prépare la prononciation du /a/ ;
de désensibilisation, de détente peuvent encore – apprendre à décoller les aliments du palais
être longtemps utilisés comme introduction à ce prépare /t//d//n//l/ ;
travail. – serrer les lèvres sur la cuillère et sur le bord
Parallèlement, on propose des exercices de du verre prépare les bilabiales /p//b//m/ ;
souffle avec de nombreux supports et feed-back – saisir une carotte, un gros morceau de pain
visuel et auditif (sur une bougie, du coton, dans avec les lèvres prépare /o//e/ comme enserrer
une paille, une flûte, faire des bulles de savon), l’embout d’un sifflet ;
des exercices d’aspiration (à partir du baiser), la
– porter le maxillaire en avant et en arrière pour
réalisation de nombreux mouvements bucco-
saisir les particules alimentaires collées sur les
faciaux (comme sortir la langue, la rentrer ; faire lèvres prépare /f//v/ et /u//ou/ ;
le bruit du baiser, claquer la langue…).
– assécher la partie antérieure de la bouche pré-
Tous ces exercices vont préparer et énormé- pare les sifflantes /s,z/ et les chuintantes /ch,j/ ;
ment aider à la réalisation articulatoire. On
débute la rééducation articulatoire par des ono- – contrôler l’entrée dans le pharynx d’un mor-
matopées, des bruits, des cris d’animaux pour ceau puis le repousser dans la cavité buccale pré-
affiner progressivement, enrichir l’articulation. pare /k//g/ ;
On utilise aussi des gestes facilitateurs (explo- – s’arrêter de boire au verre pour souffler par le
sion avec la main pour le /p/, caresse pour le /m/, nez, inspirer et boire de nouveau prépare le contrôle
etc ….) de la nasalisation /an//on//in/.

FIG. 4. — Introduction de la cuillère vide, travail FIG. 5. — Stimulation des mouvements latéraux et de
préparatoire. torsion de la langue suivis de ceux du maxillaire à l’aide
d’une languette de pain pour éduquer à la mastication.
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On initie ainsi des mouvements, on déve- pées, qui rendront l’enfant plus « communicant ».
loppe et multiple des expériences dont l’enfant va Ce travail sera complété par la mise en place d’un
se servir sur un plan articulatoire, et ce de façon code de communication.
spontanée : articulation améliorée, avec de meilleurs Enfin, la collaboration avec les profession-
repères, qu’on peut ensuite affiner. nels (kinés, ergos, éducatrices) déjà évoqué ainsi
Notons que ce n’est pas à sens unique dans qu’avec les parents, véritables partenaires dans la
la mesure où certains progrès articulatoires pour- rééducation, est essentiel : des séances commu-
ront avoir un effet bénéfique sur le plan alimen- nes ont là aussi leur importance (particulièrement
taire. Par exemple, la production d’un « MMMM » sur le plan de l’alimentation) ainsi que des échan-
prolongé, lèvres jointes, pourra faciliter la boisson ges ponctuels dans les deux sens (on a aussi
au verre et la fermeture des lèvres sur la cuillère. besoin des constats des parents), et ce pour aider
au mieux l’enfant.

CONCLUSION
RÉFÉRENCES
Cette éducation thérapeutique de la motricité
bucco-faciale et de l’articulation s’inscrit dans le [1] LE MÉTAYER M. Rééducation cérébro-motrice
projet global de langage et de communication. du jeune enfant Éducation thérapeutique.
Les exercices présentés sont importants même [2] MAZEAU M. Dysphasies, troubles mnésiques,
chez les enfants qui auront de grandes difficultés syndrome frontal chez l’enfant. Du trouble à
pour parler (enfants IMC avec une dysarthrie la rééducation.
massive, enfants polyhandicapés) : on pourra [3] COUTURE G., EYOUM I., MARTIN F. Les fonc-
obtenir des sons modulés, des mimiques dévelop- tions de la face Évaluation et rééducation.

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