Ikologie!: Fieris Napî
Ikologie!: Fieris Napî
Ikologie!: Fieris Napî
17, 1962
, I
l
Un phénomène écologique sjngulier, mais complexe,
. I’amphiphénotisme, observé chez des Pitirides.
1 Cas des Leptidea des Pyrenées-Orientales; cas de Fieris napî L.
dans .le Haut-Jura (Note ikologie! jurassienne no‘1)
C’est seulement en 1962 que j’ai pu me rendre compte, avec une précision
acceptable, d’un phénomène écologique apparemment non évoqué ju’squ’ici.
J’ai pu établir les constatations nécessaires en examinant l’apparition des
Rhopalocères- surtout Pieridue dans la%vallée de Nohèdes (Pyrénées-Orientales)
pù j’ai séjourné entre le 16 et le 21 juillet:
Chez les Pieridue, comme chez.les Rhopalocères en ginéral, il existe deux
génération? successíves dans l’année, une, vernale et une estivale, bien séparées,
le vol-des adultes cessant pendant un laps de temps plus ou moins long au débrit
de l’été. L‘éclosion des adultes se‘ fait dans les conditions habituelles aux Lépi-
doptères, les. mâles d’abord, puis Ales femelles, de sorte qu’on rencontre d’abord
les mâles seuls, puis un mklange de plusben plus riche en femelles; à la fin de
, chaque période de vol il ne subsiste plus que des femelles qu? achèvent de pondre.
Ndus allons voir que ce schéma est susceptible de subir des modifications impor-
tantes bien qu’il soit valable dans la très ,grande majorité des circonstances, ‘les
conditions écologiques étant sensiblement identiques sur des surfaces importantes.
Chez toutes les Piérides dont il s’agira ici, il est aisé de reconnaître les indi-
-vidus des différentes génér,ations, ceux de printemps ayant sous les ailes d’abon-
dantes écailles grises. I *
L’emplacement que j’avais choisi pour chasser est le ‘lieu dit I& Monfailla L,
A1.300 ,m d’altitude. Les places de vol consistaient en bords de chemins, prairies
fauchables et gués de ruisselets : de petits cours d’eau dévalent en effet rapide-
ment les pentes des montagnes ’environnantes (de 1.500 à 2.000 ml d’altitude)
. jusque dans le ravin qui forme le cul-de-sac de .la vallée de Nohèdes, vers
1.000 m.
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Les gués étaient le terrain de chasse le,plus intéressant. J’y ai capturé quan-
tité d’espèces, mais ‘en particulier Lepiidea sinapis L., sous-espèce pseudodu-
pòncheli Vrty. O r il y avait en quantité égale des exemplaires de première
génération (pseudoduponcheli nominale) et de seconde génération. Chez la pre- I
mière, le dessous des ailes postérieures et de l’apex des ailes antérieures (ainsi i
que souvent la région costale) sont très chargés de gris, et un peu moins de jaune;
sur la face supérieure, la tache apicale grise du mâle tend à s’étirer le long de la
c8te de l’aile antérieure et ”elle remplit en général tout l’espace compris entre les
nervures M2 et M3; les deux cubitales et parfois l’anale sont chargées de gris
distalement et la frange peut être précédée d’une ligne grise continue. I1 existait
encore des individus parfaitement frais, mais la majorité avait déjà volé quelque
temps.
La seconde génération est très différente d e la première et correspond à la
forme dite bivittufu Vrty, ou à la diniensis Bsd., avec tous les intermédiaires
entre ces deux formes. L e dessous est presque dépourvu d e dessins, la tache
apicale grise est arrondie, estompée surtout distalement. La majorité des exem-
plaires que j’ai pris étaiqnt frais.
Je n’ai rencontré aucun exemplaire qui puisse donner lieu à hésitation, a u
sujet de lá génération représentée.
Pour Piefis napi L., j’ai pu faire des constatations analogues. Un individu
sqr trois’ environ était d e la forme printanière napi L., le mâle pouvanr être
dépourvu de tache discale grise (forme impunctatu Röb.) et les ‘deux autres
tiers appartenaient à ’ce que V,ERITY appelle subnapeae (seconde génération), à
dessins faiblement marqués mais à dessous peu chargé de gris et de tonalité.
jaune, bien caractéristique.
Pieris rupue L. présente aussi un mélange de même allure, mais les individus
d e première génération (forme mefra Steph.), à dessous fortement sablé de gris,
sont assez frottés; la foyte majoriité de femelles montre qu’on est en présence
d’une séparation plus nette des éclosions. A remarquèr qu’à Forté (1.700 m
d’altitude) on ne trouvait pas encore, quelques jours auparavant, la seconde
&<ration d e cette espèce! I
I Chez Pieris mannii Mayer, je serais d’accbrd avec VERITY pour penser su’à
l’altitude de 1.300 m, il n’existe pas fondamentalement plus d e deux générations
et j’ai trquvé,. le 16 juillet, un exemplaire mâle qui ne peut être que de première
génération: la tache discale est très réduite et le dessous des ailes postérieures
très fortement sablé de gris.
E
- A u même moment j’ai trouvé sur les hauteurs au-dessus de Conat, vers 800 m
d’altitude, la génération estivale de la même espèce; à en croire VERITY, il doit
exister dans un biotope de ce genre, deux générations vernales successives, c’est-
à-dire que l’estivale est la troisième et se nomme hemiandeguva Vrty. I1 est
probable, en outre, qu’il y a encore au moins une autre génération; dans bien
des localités on en compte cinq.
Dans les pays où il y a au moins 4 générations, las première a nom farpa
Fruhst.; la‘seconde avait été assimilée 21 tort par VERITY à g a k Metzger. qui
est en réalité la seconde de Pieris ergune Geyer, laquelle est connúe de la
région de Conat.
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.
en júillet (Fabriciana adippie L.) O n pourrait multiplier les, exemples.
I1 est clair dès maintenant qu’il existe une conjonction partielle dans l’éC!:-
sion de deux générations différentes chez certaines espèces. Mais il n’est pas
conc&able par définition que deux générations éclosent en même temps’ a u même
endroit. Ea coexistence d’individus caractérisés par des morphologies bien typi-
ques; en l’absence d!intermédiaires, peut cependant s’expliquer.
I1 vient immédiatement à l’esprit qu’il existe des biotopes à caractères écolo-
piques très différents, concentrés sur une faible surface. 1 I
Déjà, si l’on consid6re le cas de Pieris mannii, on retonnaít, su’à une dis-
tance de 6 km h vol d’oiseau on passe d’une zone où une génération vernale qui
est probablement la seule apparaît en juillet, à une zone où la première géné-
ration estivale qui est sans doute la troisième apparaît en même temps! O n peut
’très bien concevoir que des exemplaires d e générations différentes se rencontrent
en un endroit intermédiaire. Si le village de Conat passe pour à ‘peu-près normal
au point de vue climatologique (peu d e différences avec Prades), la vallCe 1 ’
sur çette hypothèse, mais je ne crois pas pouvoir la retenir. E n effet, il existe
quelques stations où les ccnditions écologiques peuvent passer pour intermédiaires
entre celles ,des adrets et celles des ubacs. O r on ne trouve jamais d’exemplaires
intermédiaires entre les sombres et les clairs. Cela procède donc obligatoirement
de l’intervention d’un autre facteur qui est la durée d’une génération, suffisante
à elle seule pour’séparer les individus naissant dans les biotopes de caractère dif-
férent : dans !es terrains convenables. L. sinapis prend Automatiquement l’avance
en’ question; on ne peut savoir encore exacttment comment, et des relevés ,écolo-
giques précis seraieni $nécessaires pour traduire en chiffres les différences écologi-
ques? mais nous devons le constater dès maintenant.
, Corrélativement une expérimentation pourrait nous renseigner sur l’aptitude
des conditions écologiques différentes à induire lj’apparition de formes dif-
férentes, et sur l’incapacité probable d’une souche, à produire à la suite deus
formes identiques (vernales) ou dès l’abord une forme estivale. È n effet, dans
tous les +pays même les plus méridionaux, la première génération reste toujours
sombre en dessôus ...
9 Affirmer, enfin, que le synchronisme est -parfait serait exagéré. J’ai bien pré-
, cisé dès le début que, des exemplaires de première génération, la plupart avaient
déjà volé et étaient un peu frottés; quelques-uns étaient déjà très fa\igués; par
contre, ce& de ,seconde génération étaient presque tous en bon (tat. I1 n’y
aurait eu ‘aucune ,raison de trouver cette différence s’il ne s’agissait pas de deux
générations différentes. O n comprendrait mal, autrement, pourquoi ce ne seraient
pas les exemplaires des endroits ensoleillés qui seraient les plus frottés, étant &clos
forcément les premiers..:,
Il ne-peut donc y avoir qu’une succession peu marquée, mais réelle, donc un
cycle différent dans des biotopes différents.
. C e *phénomène se complique eq “outre d’un déplacement vertical des formes
.d e .L. sinapis.,
O n observe en effet assez bien le déplacement horizontal, mais le déplace-
ment vertical est encore plus frappant.
L e relief, dans cet endroit, est très accidenté et les exemplaires provenant des
creux tendent à monter au cours de la journée. O r les parties basses sont pour
la plupart fortement dégatnies d’essences arborescentes et les ravins donnent
presque tous directement sur. des thalwegs dénudés situés vers 1.000 m. MalgrC
u n , Eertain encaissement- ces derniers sont en très nette avance phénologique sur
I
les hauteurs qui sont boisées. I1 s’ensuit d.onc u n brassage vertical des populations
et il est tr6s évident que la plupart des, individus que l’on capture se font prendre
en mbntant le matin et jusque vers 15 heures,’ le long des ruisselets et au passage
..
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des gués tandis qu’un beaucaup plus petit nombre parcourent les croupes mon-
tagneuses voisines, desséchées.
Ces mélanges d e populations doivent avoir des conséquences et doivent poser
des problèmes. J’ai constaté non sans surprise qu’on trouve en coexistence surtout
des mâles; la proportion des femelles n’atteint pas 1/10 des captures. J’ai dit -
plus haut que la première génération paraissait déjà assez avancée. Habituelle-
ment chez les Rhopalocères on trouve alors surtout des femelles et, au début de
la génération suivante, il est normal de trouirer encore quelques femelles attardées
et en mauvais état. O r ici, cela ne paraît pas être le cas.
C’est qu’en effet le déplacement paraît être le fait d‘un seul sexe : lesfmâles I
surtout volent dans le voisinage de leur plante hôte, DU bien vers des biotopes
différents. S’il en est ainsi, on conçoit que le degré d’endémisme des populations
représenfant pendant la deuxième quinzaine de juillet, l’une la première généra-
tion, l’autre la seconde, puisse être maintenu malgré tout. La coexistence des deux
ne serait. donc que partielle et n’aurait guèr‘e d’importance en ce qui concerne
la descendance, Cela préserverait l’action de facteurs internes éventuelsh tels que
ceux qui sont évoqués plus haut, et susceptibles de régler la morphplogie des
- >
deux générations différentes,
Second point, les femelles que’j’ai vu << papillonner >> avec des mâles se
sont trouvées (hasard dû à un petitlnombre d e captures?) correspondre au point
de vue morphologique .aux Mâles de meme génération. Cette observation est
encore trop fragmentaire, mais ‘si elle s’avère générale, elle suppose que la recon-
naissance et la distinction est faite par les papillons eux-mêmes, entre générations.’
L e mécánisme d’une telle reconnaissance ne serait même pas nouveau.
O n sait que, lorsque des migrations de Piérides se pBoduisent, il est excep-
tionnel que les migrantes se mélangent aux sédentaires; il est un peu moins rare
que des sédentaires suivent lës migrantes,, quelque temps au moins. I1 existe
certainement un facteur interne qui préside à la séparation des deux populations.
O n sait que les migrantes sont sexuellement immatures et que leurs sécrétions
internes -sont différentes de celles des matures : leurs sécrétions externeq le sont
, probablement aussi, et en particulier celles des touffes odorantes, lesquelles sont
.précisément des organes jouant un rôle daris les relations entre individus et entre
sexes différents.
O n voit couramment papillonner , ensemble des Piérides non assorties,
I
mai? bientôt ce manège cesse si les partenaires sont soit d’espèces différentes, soit
de sexe identique et la séparation paraît1 résulter de la perception ,de parfums
’
émis. Ces sécrétions sont parfois très perceptibles à l’odorat humain et il est d e
constatation courante que celles d‘espèces voisines sont différentes. I1 en est ainsi
,entre Cozias hyale L. et Colìus australis Vrty., la seconde n’ayant pas l’odeur
aromatique de la première (voir ’BERGER).
Cela nous conduirait donc à vérifier que les parfums Cmis diffèrent d’une
génération & l’autre : cela est bien possible, le chimisme des aliments ingérés et 1
- t .
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morphologique et parce que le mélange des deux -formes ne s’observait pas par-
tout : je reconnus assez vite mon erreur, mais pour être plongé dans la perplexité,
ce qui amena les réflexions précédentes.
C e genre de confusion a déjà été commis, d’après ce que je crois. E n exa-
minant mes Lepfid’ea, après mon retour, je fus un peu surpris de trouver des
exemplaires de génération vernale tout à fait semblables aux pseudoduponcheli
d e la Montailla, mais capturés le 3 juillet 1946 dans le Massif du Sancy, i
Chaudefour, ainsi qu’au Curtillard ‘(Belledonne) le 15 juillet 1941 et au Col
de IBluffy (Haute-Savuie) le 7 août 1939 ...
Je ne peux m’empêcher de rapprocher ce fait de la citation du Catalogue
d e LHOMME pour L. duponcheli : Cantal : Murat, juin (M. Sand). O n sait que
beaucoup de signalisations de SANDsont fausses, non que cet auteur ancien sit
été mauvais systématicien, mais parce qu’il attribuait trop facilement à une espèce
voisine qu’il n e connaissait pas, les exemplaires qui ne ,cadraient pas avec une
première espèce. Souvent cet auteur a soulevé des questions intéressantes, qui
n’ont reçu de solution que tardivement, parce qu’il n’a pas su rester sur un point
d’interrogation. Je pense qu’il s’agit Ià d’exemplaires semblables à ceux que j’ai
trouvés moi-même dans cette région; quant à dire s’il y a eu Ià des cas d’appa-
rition plus ou moins simultanée de formes différentes, on ne peut que le supposer.
Après mon séjour dans les Pyrénées-.Clrientales, je pensais classer cette ques-
tion jusqu’en 1963. Je m’étais décidé à mettre un nom sur ce phénomène qui ne
correspond pas à une imbrication de générations successives. Dans ce seco,nd
cas, en effet, il devient impossible de déterminer, sans avoir recours à des comp-
tages compliqués, à quelles générations on a affaire et même, souvent, on ignore
combien de générations se succèdent dans une année. Les deux phénomènes sont
donc parfaitement distincts et, si la séparation physiologique des lignées ayant un
cycle différent est vérifiée, il n’existe même aucun rapport entre eux. Je propose
donc le terme ‘d’ amphiphdnotisme )>, ce qui signifie apparition des deux géné-
rations & la fois; ces deux générations peuvent ne pas être celles qui se succèdent
normalement, mais ,par exemple la première et la troisième (cas d e Pieris mannii).
P a r rapport à l’amphiphénotisme, l’imbrication des générations constituerait un
6piphénofisme >>.
Reste à définir l’usage ’de ce vocable. A mon avis le qualificatif << amphi-
phénotique >> doit caractériser, pour une espèce donnée, une région d e petite
dimension; les limites de cette dimension doivent être définies par la distance ;ur
laquelle les représentants de l’espèce peuvent se déplacer d’eux-mêmes, ce qui
I
exclut le transport par les coups de vent et les comparaisons appuyées sur des
a aires d e VOI séparées. Ainsi la vallée de Nohèdes dans sa partie supérieure est
amphiphénofique pour L. sinapis.
I1 ne me semble pas que cela nuise à la clarté du terme de pouvoir également
dire d’une espèce qu’elle est amphiphénofique dans un périmètre donné : L. sina-
pis est amdhiphénofique dans la partie supérieure de la vallée de Nohèdes.
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intervalles en arrière de l’apex, la zone gris-noir est coupée radialement par des
raies blanches. L‘ensemble de la zone sombre décroît de largeur régulièrement
d’avant en arrière et sa limite du côté, proximal décrit un arc de cercle assez
régulier. I1 semble qu’il s’agisse d’une seconde génération qui .a vécu sur p1ac.e
(endogène) mais qui, est soit partielle, issue des premiers exemplaires vernaux
éclos, soit développée sur une nourriture insuffisante. 8 z
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Enfin il y a une petite série d’exemplaires gui présentent des caractères .moins
tranchés a u point de vue coloration, mais qui sont de grande taille et nettement
de seconde génération : le ’dessous des ailes postérieures est jaunâtre, mais Sam
nuance verdâtre et les ombres grises -s’étendent le long des nervures en s’atténuant
rapidement sur le disque, surtout chez les femelles. I1 est probable qu’on a
affaire à une partie de la seconde population, originaire de l’extérieur.
Si, à cause de la, quatrième population, la limite entre les exemplaires d e
première et de seconde génération n’est pas parfaitement nette, il. est certain
qu’entre ceux de seconde génération, endogènes et exogènes, la confusion parait
~
impossible. i
1 I t
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Das Phänomen scheint in einem T a l der Pyrénées-Orientales klar hervor, WO die Asbtufung
der ökologischen Bedingungen sich besonders eng entwidkelt. Wahrscheinlich ist es auch in den
Ober-Jura's Mooren zu finden.
BIBLIOGRAPHIE '
1 -
,
I. BERGER(L.A.) et M. FONTAINE (1947). -
Une espèce méconnuk du genre COLIASF. - 'L:mbil-
' lionea, XLVII, 11-12, 91-1,IO. \ 8 I.
I l
l .
P. RGAL
1 -
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