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La Grande Loge de France vous parle...

L'ORDRE INTÉRIEUR
ET
L'ORDRE EXTÉRIEUR

Le CONVENT annuel de la Grande Loge de France s'est terminé la semaine


dernière.

Outre les nombreuses questions administratives que cette assemblée sou-


veraine doit régler tous les ans, les députés de nos 220 Loges se sont attenti-
vement attachés à prospecter et à préfigurer l'avenir de l'homme.

Trois questions avaient tait l'objet de l'étude des Loges durant l'année
maçonnique écoulée, trois questions traduisant cette préoccupation, et qui ont
trouvé leur aboutissement en Convent.

La première traitait de l'angoissant problème de l'environnement, avec son


corollaire:la pollution. Il a paru évident aux députés de nos Loges qu'en la
matière, aucune réglementation, si sévère fût-elle, ne pouvait se substituer à
la conscience individuelle et que ce grave danger ne serait écarté qu'au prix
d'un important effort d'information et d'éducation.

C'est pourquoi, cette année, nous tâcherons de dégager les devoirs actuels
de ceux dont la mission est d'informer et d'éduquer,

La deuxième avait pour titre RESPECT ET PROTECTION DE LA VIE «. La


démographie galopante de ces dernières décennies impose à chaque instant à
ceux qui ont la lourde tâche de gouverner, de conseiller, de soigner et de
défendre, un choix dramatique et souvent inhumain.

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Les règles traditionnelles, légales, réglementaires et déontologiques, ne
leur permettent pas toujours de discerner clairement et infailliblement leur
devoir.

La science, avec tout son appareil technologique, informatique, mécanique,


électronique statistique, ne peut se substituer à la conscience humaine. Et
c'est cette conscience individuelle qui, en toute hypothèse, aujourd'hui comme
hier, et peut-être plus qu'hier, doit avoir le dernier mot.

Enfin, la troisième question, qui concluait la somme des méditations de


nos compagnons, s'intitulait « lNITtTlON ET UNIVERSALISME «. Elle esquissait,
derrière ce titre lapidaire, tout le problème du cadre social et du cadre moral.

Elle incitait nos Frères à l'édification du « corps universel '. que recherche
l'humanité à travers les philosophies, les religions et les sciences humaines.

A la fin de ses travaux fructueux, le CONVENT procéda, comme d'usage, à


l'élection du GRAND MAITRE et des GRANDS OFFICIERS de la GRANDE LOGE
DE FRANCE, c'est-à-dire de ceux qui, pendant un an, auront à assumer la
direction de notre Ordre à l'échelon national.

Le Frère éminent qui m'avait succédé il y a deux ans terminant son man-
dat, mes Frères me placèrent pour la dixième fois à leur tête.

Je deviens ainsi le successeur de mon propre successeur, et cela est


significatif de la continuité qui règne à la GRANDE LOGE DE FRANCE, qui ne
connait ni révolutions de palais, ni rivalités de personnes, mais qui accomplit
résolument son destin en préservant à la fois sa liberté, sa volonté de
progrès et son respect de la tradition initiatique, son âme, sa règle et sa dyna-
mique.

Les Francs-Maçons, sous toutes les latitudes et à toutes les époques, ont
été des libérateurs mais aux changements brusques et inopinés, ils préfèrent
les évolutions harmonieuses, sagement élaborées et réalisées dans le respect
de la raison et des lois de la vie.

Ou'il me soit donc permis de vous dire que le souci dominant de nos Frères.
pendant les journées de travail qui viennent de s'achever. fut d'ouvrir les voies

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et de tracer les moyens qui permettront à l'homme de demain de vivre libre-
ment et joyeusement, dans un monde à sa mesure.

Or, le désordre qui se manifeste à travers le monde nous frappe et nous


inquiète.

On le voit s'installer partout, dans les rapports sociaux comme dans les
moeurs et les esprits.

A la discussion courtoise qui est de règle entre gens civilisés tend à se


substituer une espèce d'épreuve de force permanente où la clameur tient lieu
de démonstration et où la violence tient lieu de raison.

A l'émancipation progressive qui doit nécessairement accompagner le mou-


vement d'une morale évolutive, issue d'un contexte social rejetant à juste titre
les interdits absurdes et les tabous frustratoires, semble se substituer une
fureur de vivre qui ne trahit que l'impuissance, et une provocation systéma-
tique qui ne décèle que la faiblesse.

Ce n'est pas ainsi que se conquiert la liberté. L'Histoire de 'ospècc humaine


démontre bien que ce n'est pas en entrant en révolte contre la Loi cosmique que
l'esprit s'est rendu maître de la matière, et qu'il assure chaque jour un peu
mieux son emprise sur elle.

C'est au contraire en recherchant et en approfondissant sa connaissance


des phénomènes naturels que l'homme a acquis le pouvoir de les provoquer, de
les éluder, ou de les orienter à son profit. C'est ce qu'exprime l'adage ésoté-
rique que nous connaissons bien « Celui qui veut commander doit apprendre
:

à obéir

Les cosmonautes qui réussirent à se dégager de la pesanteur n'ont pas


accompli cet exploit en luttant contre les forces de l'attraction universelle, mais
au contraire en les utilisant au profit de leur dessein.

Celui qui veut se libérer de la servitude des lois naturelles doit apprendre
à leur obéir pour pouvoir, non les abroger, mais les asservir à ses besoins.

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Rappelons-nous cette anecdote du Bouddha qui, au cours d'un voyage dans
une forêt profonde, rencontra un ermite barbu, li lui demanda depuis combien
de temps il vivait là en solitaire l'autre énonça un nombre fabuleux d'années.

Alors Bouddha le questionna sur les poLivoirs qu'il avait acquis gràce à ces
années de retraite. L'ermite lui dit « Je peux marcher sur l'eau «. Et Bouddha
:

lui répondit « Que de temps perdu alors qu'il est si simple de prendre une
:

barque

En vérité, la liberté suppose un choix, Et il est bien évident que tout choix
implique l'existence d'éventualités qui ne sont pas illimitées en nombre.

L'autonomie de la volonté des individus ne s'exerce donc que dans un cadre.


C'est ce cadre qui fixe très exactement les limites de l'ordre et, partant, celles
de la liberté, car la liberté ne se peut exercer dans le désordre.

C'est la capacité de mettre un frein à ses appétits et d'apercevoir les


limites de son choix, qui distingue l'homme de la bête. C'est pour cela que le
premier possède des droits et des devoirs alors que la seconde n'a que des
besoins physiologiques et des instincts fondamentaux.

L'être raisonnable sait qu'il perd sa propre liberté dès qu'il attente à celle
d'autrui. Il sait que lorsqu'il exerce déraisonnablement les options qui lui sont
offertes en fonction de sa propre nature humaine, il perd le pouvoir de choisir.
Il sait que son autonomie personnelle est subordonnée au respect de la règle
sociale et qu'en violant celle-ci il renonce immanquablement à celle-là.

C'est donc à bon droit que l'on a coutume d'énoncer qu'il n'existe pas de
liberté sans ordre.

Mais cette constatation comporte une contrepartie que nous allons tâcher
de dégager.

li nous faut pour cela découvrir ce qui fait l'essence même de l'ordre.

Prenons un exemple concret croyez-vous qu'il soit possible de placer un


:

policier auprès de chaque citoyen pour le contraindre à respecter la loi ? La


réponse négative ne fait aucun doute.

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Il est donc clair qu'il nexiste d'ordre social que dans la mesure où celui-ci
est accepté par chacun et respecté par tous.

Oui peut donc inciter infailliblement l'individu au respect de cet ordre


nécessaire, sinon sa propre volonté ?

Où l'homme ira-t-il puiser la ferme volonté de respecter l'ordre social sinon


dans sa propre conscience ?

Nous sommes ainsi conduits à énoncer cette évidence L'ordre extérieur


:

n'étant assuré que du consentement unanime des hommes, il ne peut s'établir


et se maintenir que si l'ordre intérieur règne dans l'esprit de chacun.

li est de fait que le cadre légal ne se fait jamais aussi complexe, pesant et
contraignant qu'aux époques où le cadre moral s'efface et disparaît,

Si donc nous voulons sortir victorieux du combat pour la liberté que l'hom-
me poursuit depuis qu'il est homme, c'est-à-dire être social doué de raison et
de sentiment, si, en un mot, nous souhaitons un ordre social aimable et sans
contrainte, c'est à l'édification d'un ordre intérieur solide, à sa protection, à
son amélioration continuelle, à son ornement constant, que nous devons inlassa-
blement oeuvrer.

La volonté d'un être ne s'exprime valablement que dans la mesure où elle


est éclairée et intelligente. Ne demandez ni à un fou, ni à un irresponsable, de
penser et de se conduire sainement. Vous savez bien qu'ils ne le peuvent pas
et que ce n'est pas leur faute. Mais si vous parvenez à délivrer le premier de
son obsession et à sortir le second de son ignorance, vous en aurez fait des
hommes véritables, d'autant plus disciplinés qu'ils seront libres et respon-
sables.

*
**

Eclairer les esprits, leur fournir perpétuellement l'aliment de la connaissance


et de la réflexion, forger les consciences, perfectionner la morale en l'aidant à
évoluer et à s'adapter, telles sont précisément les tâches essentielles, telle
est la vocation de la Franc-Maçonnerie Universelle, tel est l'unique objectif de
la GRANDE LOGE DE FRANCE.

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De ce travail, et de ce travail seulement, peuvent résulter plus d'harmonie.
plus d'ordre, et plus de liberté dans le dialogue perpétuel de l'homme avec son
moi intérieur, dans ses rapports avec les autres hommes, et dans sa vie parmi
les choses du monde extérieur.

Pour conclure mon propos, permettez-moi donc d'ajouter à l'axiome : Pas


de liberté sans ordre cet axiome complémentaire ,Pas d'ordre sans
liberté

Il n'est aucune force au monde qui puisse contraindre les hommes à vivre
en dehors de cet équilibre naturel.

Le méconnaître, c'est ouvrir la porte à l'aventure.

SEPTEMBRE 1971

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