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IUA Droit de La Preuve DR ZO'OBO

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INSTITUT UNIVERSITAIRE D’ABIDJAN

MASTER1 DROIT PUBLIC/PRIVE. 2023/2024 (CM :10h ; TD : 10h)


DROIT DE LA PREUVE
Dr ZO’OBO ENDELEMANG Éric
PhD en Droit public international
Enseignant-chercheur, Assistant.

1|Page
INTRODUCTION

2|Page
La preuve est une démonstration de l’existence d’un acte ou d’un fait
juridique duquel nait un droit subjectif dont on veut se prévaloir, toute
cette démonstration doit se faire dans les conditions admises par la loi. Un
droit subjectif qui n’est pas prouvé est considéré comme inexistant.

D’une manière générale, la preuve d’un droit se fait devant les juridictions.
Pour le comprendre il faut établir le contexte :

Position du problème

- Deux parties A et B se sont accordées verbalement sur la vente d’un


bien
- La partie A a exécuté sa prestation c’est-à-dire a livré le produit
- La partie B n’a pas payé le prix
- Le tribunal est saisi par la partie A
- La partie B affirme avoir payé tandis que la partie A affirme le
contraire.

Il relève de la position du problème ci-dessus que, pour que le juge se


prononce il a besoin de s’appuyer sur les éléments de preuve, la raison étant
que pendant le déroulement des faits, il était absent.

L’on peut donc dire que la preuve contribue à la manifestation de la vérité


judiciaire.

C’est dire que la preuve contribue à l’évolution de la notion de vérité. La


vérité n’est donc pas seulement ce qui relève de la réalité c’est-à-dire la
vérité vraie, mais plutôt ce que l’on peut prouver.

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En matière de preuve il y a toujours trois questions à se poser :

 Quel est l’objet de la preuve, qu’est-ce qui doit être prouvé ?


 Qui doit prouver ? Problème de la charge de la preuve
 Comment il est possible de prouver ? Les modes de preuve.

Ce sont les questions ci-dessus qui vont irriguer le présent enseignement.


Mais avant cela il conviendra d’examiner de façon globale, le rôle que
joue la preuve en matière de revendication des droits subjectifs.

De manière plus précise l’on aura à aborder les chapitres suivants :

L’objet, la charge et les modes de preuve (chapitre 1), la preuve et


l’évolution de la notion de vérité (chapitre 2), la preuve et l’évolution du
modèle du procès (chapitre 3), la preuve et l’évolution du droit (chapitre
4) et la preuve et l’évolution du rôle du juge (chapitre 5).

4|Page
Plan du cours :

Chapitre 1 : L’objet, la charge et les modes de preuves

Chapitre 2 : La preuve et l’évolution de la notion de vérité

I- La notion de vérité
II- Les différents types de vérité
III- La vérité judiciaire

Chapitre 3 : La preuve et l’évolution du modèle de procès

I- Le modèle inquisitoire et la preuve


II- Le modèle accusatoire et la preuve

Chapitre 4 : La preuve et l’évolution du droit

I- La preuve des faits


II- La preuve du droit

Chapitre 5 : La preuve et l’évolution du rôle du juge

I- Le souci d’atteindre la vérité par la preuve


II- Le souci de pacifier les relations humaines au sein de la société

5|Page
CHAPITRE 1 :

L’OBJET, LA CHARGE ET LES MODES DE PREUVES

Il convient de faire une légère incursion historique sur l’évolution de la


preuve en droit. Il faut à ce sujet dire que, la preuve a évolué, dans l'histoire
du droit. L’on est passé de la preuve testimoniale, l'aveu, à la recherche de
l'indice puis, finalement, à la preuve scientifique. Toute cette évolution
traduit la volonté qu’il y a à atteindre une certaine vérité.

Pour établir la preuve, il faut véritablement s’appuyer sur un ensemble de


principes et de procédures. C’est ce qui amènera à examiner les questions
relatives à l’objet de la preuve (I), la charge de la preuve (II) et les modes
ou procédés de la preuve (III).

I – l’objet de la preuve

Lorsqu’un droit est contesté, il faut demander à un juge de


trancher et c’est ce qu’il fera en considération des éléments de preuve
présenté par chaque partie.

L’objet de la preuve : la loi elle-même n’a pas à être prouvée. Le


juge, comme tout citoyen, est censé connaître la loi, par contre, les
coutumes, les usages, les actes juridiques, les contrats et les situations
juridiques, c’est-à-dire les faits juridiques doivent être prouvés.

II – La charge de la preuve

De manière principielle, la charge de la preuve incombe à celui qui


réclame l’exécution d’un droit. Et celui qui réclame l’exécution de la
preuve est celui qui doit la prouver. Il s’agit simplement de l’application

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de la maxime ou de l’adage « Actori incumbit probatio » qui signifie : la
charge de la preuve pèse sur le demandeur ou celui allègue. L’allégation
est l’affirmation en justice tendant à réclamer quelque chose.

Il faut cependant relever que, dans un procès, le demandeur peut changer


en fonction des allégations qui sont faites.

Ainsi, le demandeur n’a rien a prouver en cas de présomption simple, il y


a renversement de la charge de la preuve. Elle pèse alors sur le défendeur.

Par exemple, présomption simple, les parents sont responsables des fautes
de leurs enfants. Ce n’est pas au demandeur, ce sont les parents défendeurs
qui doivent prouver qu’ils n’ont pas commis de fautes dans l’éducation de
leurs enfants.

Le demandeur n’a rien a prouver non plus en cas de présomption


irréfragable, pas de preuves contraires possibles.

Les employeurs sont responsables de leurs salariés dans le cadre de


l’exécution du contrat de travail. Si le salarié commet une faute,
l’employeur ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité, le salarié lui aussi
étant responsable.

II – Les modes de preuve

La preuve s’apprécie différemment selon qu’il s’agit d’actes ou de


faits juridiques. Pour les actes juridiques comme les contrats, la preuve
doit être préconstituée au moment du contrat. Pour les faits juridiques

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comme un accident, aucune preuve ne peut être prévue à l’avance. Tous
les moyens de preuve deviennent possibles.

La preuve s’apprécie aussi différemment en matière civile ou en


matière commerciale ou même en droit international.

En matière civile, il faut une preuve écrite car on considère que


l’individu est inexpérimenté, que l’acte civil qu’il va passer demande une
réflexion et que le contrat qu’il va passer peut créer une situation grave.

En matière commerciale, les procédés de preuves sont plus souples, car on


considère que les commerçants sont des professionnels, qu’ils sont
expérimentés, qu’ils doivent agir avec rapidité.

1 – Les preuves parfaites

1. a) acte authentique (ou acte solennel)

Acte qui est rédigé par un officier ministériel qui peut être un
officier d’état civil ou un notaire, un huissier, un consul.

Cet acte doit être signé par toutes les parties en présence. L’établissement
de cet acte doit obéir à des règles très formalistes. L’acte doit être établit
sans blanc, sans rature, sans surcharge. Toutes les parties doivent mettre
leurs initiales en bas de chaque page, et à la fin de l’acte, ils doivent tous
signer.

L’acte doit être fait sur papier timbré.

Le document original s’appelle la minute et le texte doit intégralement


être lu par les parties. Les minutes sont conservées par l’officier public, il
en délivre des copies aux différentes parties.
8|Page
Les actes notariés sont obligatoires pour toutes les transactions
immobilières et les contrats de mariage.

Ce sont des preuves parfaites parce qu’elles font foi de leur contenu et de
leur date jusqu’à l’inscription en faux.

1. b) actes sous seing privé

Contrat qui est rédigé et signé de façon manuscrite par les parties
en présence pour servir de preuve. S’il s’agit d’un acte synallagmatique,
bilatéral.

Il y a des obligations qui sont réciproques à la charge de chacune des


parties. Il faut établir le document en double exemplaire, ils sont
obligatoires en matière civile pour les transactions mobilières quand le
montant dépasse un certain seuil.

1. c) acte : l’aveu judiciaire

Aveu fait au tribunal devant le juge et devant la foi du serment.

Il s’agit de déclarations par lesquelles un individu reconnaît un fait


produisant contre lui des conséquences juridiques.

L’aveu doit être irrévocable et indivisible puisque le juge est lié par toutes
les informations contenues dans l’aveu. Il est irrévocable en ce sens que
l’auteur de l’aveu ne peut se rétracter qu’en apportant la preuve de
l’erreur qu’il a fait ou du mensonge qu’il a commis.

2 – Les autres moyens de preuve

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Ils peuvent être utilisés dans tous les cas en matière commerciale
et parfois en matière civile.

Ils sont possibles lorsqu’il n’est pas possible de rédiger un écrit, si un écrit a
été bien rédigé ou qu’il a été perdu dans les circonstances qui relèvent du
cas de force majeur.

Une preuve parfaite se suffit à elle-même alors que les autres moyens de
preuve ne se suffisent pas à eux-mêmes, ils doivent se corroborer les uns
les autres

— les commencements de preuve par écrit

— les présomptions

— les témoignages

1. a) les commencements de preuve par écrit

Ce sont des documents qui n’ont pas été rédigés dans le but de
servir de preuve (bon de commande, de livraison, de facture, de devis, de
quittance, de RIB, talon chèque, les lettres privées).

Dans ce cas, il faut avoir l’autorisation de l’expéditeur et du destinataire


pour porter en justice.

Preuves parfaites dont le formalisme n’a pas été respecté.

1. b) les présomptions

Les présomptions de l’homme c’est-à-dire les conséquences qu’un


magistrat tire d’un fait connu pour en déduire un fait inconnu.

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Ex : il y a eu un accident, à quelle vitesse roule le véhicule ? gomme laissée
sur la chaussée, distance de freinage, usure des pneus …

1. c) les témoignages

Déclaration faite en justice sous serment par des témoins qui ont
perçus eux-mêmes les faits.

Exceptionnellement des témoignages peuvent être écrits en matière de


divorce et en matière prud’homale.

Le témoin écrit les faits et doit également ajouter la copie intégrale de


certains article du code pénal indiquant les sanctions encourues en cas de
faux témoignage (+ photocopie des papiers d’identité).

 L’évolution des modes de preuve

Elle est soumise à l’influence de l’évolution de la technologie, par


exemple, en matière d’informatique ou en matière de télécommunication.

Les actes juridiques (des contrats) peuvent être réalisé sur des supports qui
ne sont pas écrits sur papier : « microfilm, message sur écran, transfert de
données informatisées sur disquette ». Les actes dans ce cas ne peuvent pas
être des originaux car il n’y a pas de signature manuscrite.

Au maximum, on peut les considérer comme des commencements de


preuve par écrit mais ils doivent être complétés par d’autres moyens de
preuves ; Cependant, la jurisprudence évolue et les preuves informatiques
peuvent être admises dans certains domaines par exemple en matière
commerciale.

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CHAPITRE 2 :

LA PREUVE ET L’EVOLUTION DE LA NOTION DE VERITE

En droit, l’on assiste de nos jours à une évolution de la conception de la


notion de vérité. L’on assiste également aujourd’hui à une logique juridique
qui est moins formelle et déductive qu’argumentative et persuasive. Dès
lors, il apparaît fortement que la preuve est plus considérée comme un
élément de persuasion que comme un élément permettant d’obtenir la
vérité indubitable sur les faits. A ce sujet, DESMONS pense qu’il devient de
plus en plus rare que la preuve d’un fait soit considérée comme une
évidence et une vérité objective car, on ne croit tout simplement plus à
cette vérité objective1.

Pour bien aborder ce chapitre, l’on sera appelé à examiner premièrement


la notion de vérité (I). Deuxièmement, la démarche nous conduira à voir
les différents types de vérités (II), enfin l’on s’efforcera analyser la question
de la vérité judiciaire (III).

I- La notion de vérité
Le droit n’évolue pas toujours de pair avec la vérité. Mieux encore, il
semble fortement que le droit ne soit pas toujours en adéquation avec la
vérité.
L’affirmation ci-dessus nous invite donc à nous appesantir sur la notion ou
concept de vérité, si tant il est que la vérité n’est pas n’est pas à tous les
coups « l’ami du droit ».

1
E. DESMONS, « Sur l’argument de l’évidence en droit public », in C. PUIGELIER (dir.), La preuve, Paris,
Economica, Ed. jur., vol19, 2004, p.181.

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Pour examiner la notion de vérité, l’on s’attèlera à considérer trois
approches : l’approche du philosophe ou philosophique, l’approche
juridique et l’approche judiciaire ou approche du juge.

1- La vérité vue sous l’angle philosophique

Si la philosophie et le droit n’ont pas tous les points communs qu’on


pourrait imaginer, ils partagent néanmoins un intérêt pour le concept
d’« intention, de responsabilité, de volonté, d’identification des actes », a
présenté le philosophe Philippe de Lara, également enseignant à l’université
Panthéon-Assas (Paris 2). « Le droit et la philosophie se posent les mêmes
questions », tout en ajoutant, joliment que « l’énigme de la liberté fait partie
de l’humanité : suis-je guidé par une intention, une volonté, des
hormones ? ».

Pour la philosophie, un fait est une réalité. Pour le comprendre il convient


de faire un petit rappel philosophique.

Pour Kant, il n’existe pas de principe unique premier et universel pour


toutes les vérités. Cela peut nous aider à comprendre les post-vérités
assénées à longueur de temps, par le biais des « fake newsou des théories
complotistes ».

Les faits sont tous des réalités. « Un rêve aussi est un fait, même s’il n’existe
pas dans le monde extérieur ». Un fait est exprimé par une phrase
susceptible d’être vraie ou fausse, ce que l’on nomme une « proposition ».
Attention à ne pas confondre « vrai » et « faux » et « vérifié » et « vérifiable ».
Parfois la vérification s’avère impossible, comme l’affirmation que Dieu
existe.

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Et de citer Wittgenstein (1889-1951), qui compare la possibilité de l’erreur
dans le cas de diverses propositions. Par exemple : quelle distance du soleil
par rapport à la terre ? Et « voici ma main ». Dans le premier cas, il est
difficile de faire une hypothèse à vérifier ou à infirmer. Dans le second cas,
l’hypothèse est susceptible d’être vérifiée. L’erreur n’est même plus pensable
sinon nous nous tromperions jusque dans tous nos énoncés : on ne peut
pas douter de tout et de n’importe quoi.

Pour les philosophes, la vérité n’est pas toujours bonne à dire. Mais si la
vérité pose donc autant de problème en philosophie, l’on peut aussi s’en
interroger au niveau juridique.

2- La vérité du point de vue du juriste

« La preuve n’est pas fiable au civil. On se méfie de certaines preuves », a


précisé Laurent Leveneur, enseignant à l’université Panthéon-Assas (Paris 2)
et directeur du M2 de droit privé général. Car « toute vérité n’est pas bonne
à dire » et le témoignage en tant que tel peut ne pas s’avérer suffisant.
« D’où l’exigence d’une autre preuve parfaite, comme un écrit, un acte
authentique ». Mais la vérité est aussi cherchée dans les règles de fond et a
évolué au fur et à mesure des époques, à l’instar du droit de la filiation et
des obligations, qui se basait sur la primauté de la volonté filiale légitime
(avec présomption de paternité), laissé au bon vouloir du mari jusqu’en
1804, tandis que la filiation naturelle est exclusivement un acte volontaire,
avec la quasi-interdiction de recherche en paternité assurée. « Le XXe siècle
a représenté un progrès inexorable », mais a évolué au cours du temps, et
avec l’ouverture progressive de la filiation en amont pour la mère d’un
enfant légitime sans établissement de la paternité qui correspond à la réalité.

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« Derrière, il y a la recherche d’un parent véritable ». Seule certitude, « la
recherche de la vérité est au cœur de toutes ces actions ».

Puis la vérité biologique a pris le relais de la vérité sociologique. « La


possession d’un état n’est pas la vérité, c’est une réunion suffisante de faits
qui révèle un lien entre une personne et sa famille. Mais si la vérité
biologique dit le contraire, cette vérité survit-elle ? Pour certains, même si
la vérité affective doit l’emporter, aux yeux de la loi, ce n’est pas le cas,
rappelle Laurent Leveneur. « C’est la position qu’a retenue la jurisprudence
dès 1990 ». Il précise qu’« aujourd’hui, la technique permet de lever le voile
afin de mieux découvrir la vérité. En cas de litige, c’est bien la vérité
biologique qui prendra le dessus ».

Mais il « arrive qu’une vérité soit inaccessible, elle devient donc présumée
par le droit », détaille l’enseignant, mais il n’en reste pas moins que « la
chose jugée correspond à une présomption irréfragable de ce qui a été jugé
correspondant à la vérité ».

Concernant la filiation, « la vérité ne sera pas la vérité. La règle vise à éviter


le scandale et à protéger l’enfant grâce à l’anonymat du donneur dans le
cas d’un don de gamète » (auteur du don et enfant dans le cas d’une PMA).
« C’est la vérité biologique la plus certaine, mais il n’est pas possible de lever
l’identité ».

3- La vérité selon le juge

Pour le juge, « Le concept de « vérité » apparaît plusieurs fois dans le Code


de procédure pénale, notamment dans l’expression « manifestation de la
vérité » et l’article 310 parle de « découvrir la vérité », sans oublier la
prestation de serment qui réitère le principe de dire « toute la vérité » ».

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Dans cette suite logique, le faux témoignage peut donner lieu à des
poursuites pour dénonciations calomnieuses. Tout au long de sa carrière,
Catherine Schneider, ancienne présidente de cour d’assises et conseillère à
la Cour de cassation française, s’est demandé si le « juge devait chercher la
vérité ou se contenter de celle qu’on lui apporte ». Et sa réponse est claire :
le juge doit chercher la vérité, « c’est une école d’humilité ». Mais la vérité
est-elle toujours la vérité judiciaire et inversement ?

Au cœur du procès pénal, il y a l’obligation de « sanctionner un acte


délictueux » et le juge, impartial, doit écouter victimes, accusés et ministère
public, au sein d’une procédure inquisitoire. Le juge, comme l’historien, doit
« reconstituer une histoire et un contexte dans lequel elle s’est déroulée ».
« La vérité n’est pas seulement des faits ». C’est une démarche plus
complexe. Revenons sur quelques exemples qui permettent de nuancer le
propos. D’abord, a souligné Catherine Schneider, la preuve matérielle. « En
matière de viol, sans pénétration, comment prouver qu’il y a eu viol ? », a-
t-elle demandé. Il faut parfois se « contenter » de traces de spermes, de
défloration éventuelle (même s’il existe des hymens « complaisants »). « Le
sort de l’accusé dépend de cette vérité ».

Mais ce n’est pas tout. L’intention criminelle compte également dans


l’évaluation de cette vérité. Tout au long de sa carrière, Catherine Schneider
se rappelle avoir été confrontée à l’affaire « des foulards Hermès », car
l’audience était constituée de membres de la classe aisée. Un cambriolage
qui tourne mal et un propriétaire aisé qui tire sur un jeune homme… et le
tue. « Y avait-il intention criminelle ? », demande Catherine Schneider. « Il
faut partir à la recherche d’une histoire complète et non pas seulement
collecter des faits », a-t-elle précisé.

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Ainsi, « la vérité judiciaire est parfois rassurante mais terrible » car elle
dépend de critères humains imperceptibles.

Exemple d’une histoire qui étayent l’affirmation ci-dessus : il s’agit d’un


couple qui, devant les difficultés financières insondables dans lesquelles ils
étaient jetés, avait décidé de se supprimer ensemble : d’abord le mari
tuerait sa femme puis se suiciderait. Finalement, après avoir tiré sur sa
femme, il ne s’est pas tué, et pour couronner le tout, sa femme n’est pas
morte mais a juste eu les nerfs optiques sectionnés… Il a été acquitté, la
« réalité humaine » dépassant tout, et les deux témoignages étant
concordants. Mais pour l’élaboration de la vérité, il faut tout prendre en
compte, le Code de procédure pénale, mais en prenant en considération
« les obstacles liés à la défection des témoins, à la disparition de preuves,
perdues ou détruites (…) ou encore à la modification des scènes de crime
».

II- Les différents types de vérité

Il a été rappelé plus haut que la conception que l’on fait de la vérité
aujourd’hui a profondément évolué, la vérité n’a plus la même
signification. Qu’elle soit judiciaire, scientifique ou morale, la vérité n’est
jamais la réalité alors même que la vérité s’efforce de restituer le réel avec
le plus d’exactitude possible.

La réalité est en effet indépendante de l’homme tandis que la vérité est


désormais perçue comme un discours, une représentation que l’homme se
fait de la vérité. La vérité n’est donc ni un fait ni un donné. C’est pour cette
raison qu’elle doit toujours être recherchée. Et c’est pourquoi elle se
différencie également de l’évidence. C’est une exigence que l’on se donne,
que le juge se donne.
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D’une manière globale, l’on peut identifier deux types de vérités :

- La vérité-adéquation (avec le réel)


- La vérité –cohérence (entre les termes).
1- La vérité-adéquation

Ici la vérité de l’affirmation exposée dépend de l’adéquation de cette


affirmation avec la réalité.

2- La vérité-cohérence
Selon ce type de vérité, une affirmation est dite vraie, non pas si elle
correspond aux faits, mais seulement si les propositions qui la constituent
forment un ensemble cohérent.
Les deux théories ci-dessus semblent décrire chacune une part du travail du
juge lorsqu’il recherche la vérité.

III- La vérité judiciaire


La vérité judiciaire est celle qui résulte de la combinaison entre les deux
théories de la vérité relevées ci-dessus. En effet, il s’agit d’un travail assez
complexe, mais fondamentalement le juge ne saurait se contenter du seul
souci de cohérence. Car une proposition ou une motivation peut
parfaitement être cohérente et pourtant être totalement en décalage ou en
opposition avec la réalité.
Malgré tout cela il convient néanmoins de relever que, le système de vérité,
surtout lorsque l’on est dans le système judiciaire international, est un
système de liberté quasi-complet.

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CHAPITRE 3 :
LA PREUVE ET L’EVOLUTION DU MODELE DE PROCES
La preuve est devenue aujourd’hui un moyen de persuasion d’une certaine
vérité beaucoup plus qu’un moyen de connaissance d’une vérité objective.
A-M La Rosa pense à ce sujet que prouver c’est convaincre le juge d’une
réalité réelle ou supposée2.
Certes, la définition classique qui découle du Dictionnaire Basdevant
présentait la preuve comme un cheminement intellectuel puisqu’elle y est
définie comme étant « la démonstration de l’existence d’un fait »3. Mais les
termes employés sont par la même occasion révélateurs du fossé qui existe
entre aujourd’hui et hier.
La preuve semble ne plus être aujourd’hui uniquement l’apanage des
parties. Ou plus clairement, la preuve reflète de nos jours une autre
évolution de la rationalité juridique du procès. Elle n’est plus un moyen
unilatéral de prouver un fait, mais fondamentalement, elle résulte de plus
en plus d’un processus intersubjectif de collaboration entre les parties et le
juge.
C’est dire que de nos jours, la preuve n’est plus seulement la chose des
parties au procès, le juge aussi peut se mobiliser dans le sens de faire éclater
la vérité.
L’on sait que les deux modèles, accusatoire et inquisitoire se différencient
par la manière dont ils conçoivent la recherche de la vérité sur les faits à
juger et sont donc au centre de la question de la preuve et de son
administration. En effet, celui qui juge doit-il ou non participer à la preuve

2
A-M. LA ROSA, Juridictions pénales internationales. La procédure et la preuve , Genève, PUF, 2003,
p.253.
3
J. BASDEVANT, Dictionnaire de droit international, p.474.

19 | P a g e
et à son administration ? La question s’est posée aussi bien en droit
international qu’en droit interne.
Il sera question pour nous ici de voir d’abord le modèle inquisitoire du
procès et la preuve (I), puis le modèle accusatoire et la preuve (II).
I- Le modèle inquisitoire et la preuve
Le modèle inquisitoire accentue au contraire la différence entre justice
pénale et justice civile. Il privilégie, pour la première, la position de
surplomb d’un juge représentant l’intérêt général et chargé de diriger
l’enquête afin de faire triompher la vérité.
Dans ce système, le juge est un magistrat professionnel doté de pouvoirs
importants destinés à lui permettre de diligenter lui-même les investigations
à charge et à décharge. Les parties ne sont donc pas directement obligées
d’assurer l’enquête au soutien de leurs prétentions.
Ce modèle appuie sa légitimité sur l’idée que la justice répressive ne se limite
pas à arbitrer un litige entre des plaideurs mais qu’elle intéresse la société
même.
En conséquence, la procédure inquisitoire est généralement écrite, souvent
secrète et plutôt non contradictoire : le juge étant lui-même chargé de
produire une vérité judiciaire, la place laissée aux parties y est naturellement
réduite.
II- Le modèle accusatoire et la preuve
Le modèle accusatoire du procès privilégie le rôle des parties. Le procès y
est conçu comme un affrontement contradictoire, public et largement oral
entre l’accusation et la défense.
Si chacune des parties se trouve à égalité avec son adversaire, chacune doit
également prouver les faits au soutien de sa cause. Le pouvoir du juge
consiste en conséquence à arbitrer, davantage qu’à instruire : il s’agit, d’une

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part, de veiller à la loyauté du procès et, d’autre part, de départager les
plaideurs en fonction de leurs prétentions, arguments et preuves.
Au sein du système accusatoire, il existe une faible différence procédurale
et institutionnelle entre la justice civile et la justice pénale : dans les deux
cas, il s’agit pour le juge – dont le rôle peut d’ailleurs sans mal être occupé
par un jury en matière pénale – d’arbitrer entre des intérêts contradictoires.

21 | P a g e
CHAPITRE 4 :
LA PREUVE ET L’EVOLUTION DU DROIT
La preuve n’a plus que pour fonction de rechercher la vérité ou la véracité
des faits, mais aussi il faut qu’elle concourt à établir l’existence du droit.
Cela est dû à l’évolution de la société internationale où il existe une
multiplication des règles et normes qui régulent les rapports entre les sujets.
Il ne fait aucun doute aujourd’hui que l’on tend vers une multiplication
considérable des régimes conventionnels distincts les uns des autres. Il faut
donc aussi arriver à pouvoir prouver l’existence de ceux-ci.
L’on verra alors la preuve des faits (I) et la preuve du droit (II).

I- La preuve des faits


L’on sait en règle générale que le jugement est décidé sur un double
fondement : un fondement normatif et un fondement factuel ou de fait.
L’on comprend alors pourquoi il est normal que l’on procède à la preuve
des faits. Et il ne pourrait en être autrement dans la mesure où, c’est sur la
base d’un ensemble de faits que le juge est saisi. Il est donc normal que ces
faits soient prouvés par les parties au procès (partie demanderesse et partie
défenderesse).
Rappelons que le double fondement relevé ci-dessus se retrouve de façon
directe dans la décision du juge lui-même, la décision étant principalement
composée des motifs de droit et des motifs de faits.
La question que l’on est en droit de poser est de savoir à qui incombe la
preuve des faits ?

22 | P a g e
L’on s’accorde aujourd’hui à penser que la preuve des faits est du ressort
des parties, c’est le principe. Exceptionnellement, l’on peut faire appel à
certains experts pour prouver certains faits précis4.
II- La preuve du droit
Comme cela a été indiqué plus haut, le jugement est décidé sur un double
fondement : un fondement des faits ou factuel et un fondement normatif.
La question à laquelle l’on doit apporter un élément de réponse est celle de
savoir à qui incombe la charge de la preuve du droit ?

Relativement à la réponse à l’interrogation ci-dessus, l’on dira de façon


principielle que la preuve du droit est de l’apanage du juge qui l’applique
et qui ne la crée pas. C’est en réalité la posture que doit adopter le juge
international qui applique, pour un cas d’espèce, les sources du droit qui
sont à sa disposition.

Seulement une précision est à faire concernant le juge national qui peut être
dans une position de créer le droit, notamment en cas de vide juridique ou
lorsque les textes disponibles brillent par leur flou ou leur obscurité.

Si l’on peut affirmer que certains experts peuvent être appelés à prouver
certains faits, il reste que les professeurs de droit international eux, ne
peuvent apporter la preuve du droit international. Leurs consultations par
le juge seront simplement versées aux débats.

Il faut dire globalement que la distinction classique ci-dessus (les parties


prouvent les faits et le juge prouve le droit) continue à produire des effets
mais est aujourd’hui tempérée par plusieurs auteurs.

4
Voir H. MOTULSKY, Droit processuel, Paris, cours de 1972. Cité par L. CADIET et E. JEULAND, Droit
judiciaire privé, Paris, Litec, 2004, p.377.

23 | P a g e
C’est le cas J. SALMON qui estime que juridiquement parlant, on sait qu’il
n’y a pas de fait qui puisse être constaté ou prouvé sans référence à une
règle de droit et donc que le fait est « construit juridiquement par le droit »5.
La distinction du fait et du droit semble alors être elle-même « juridique de
part en part »6.

De ce qui précède il faut comprendre que, le juge ne s’attache pas à la


« matérialité » du fait qu’il considère, mais à la signification qu’il revêt au
sein même du système juridique. Et il est à relever que le juge n’accède à la
connaissance des faits que par le jeu des règles et des procédures de preuves,
même minimales qui sont légalement instituées.

Cela fait que, la preuve d’un fait n’a de sens pour le procès que si les faits
avancés obéissent ou respectent les différentes règles de preuves et de
procédure et surtout caractérisent en droit la prétention juridique alléguée.

Ceci étant, l’on remarquera que la preuve du droit s’impose en raison de


l’évolution de la société (nationale et internationale). Le juge est amené à
rechercher le droit existant dans la mesure où cette existence ne s’impose
pas de façon immédiate dans une société aussi technique, complexe et
diversifiée.

5
J. SALMON, « La construction juridique du fait en droit international », APD, 1987, t.32, pp.135-151.
Egalement du même auteur, « Les procédés de la fiction en droit international », RBDI, 1974/1, X, pp.11-
35.
6
C. ATIAS, Epistémologie juridique, Paris, Précis Dalloz, 2002, p.102.

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CHAPITRE 5 :
LA PREUVE ET L’EVOLUTION DU ROLE DU JUGE

La preuve a évolué, son objet aussi a connu un élargissement. Il apparaît


fortement qu’elle ne se limite plus aux supports formels et matériels. La
preuve suit aujourd’hui les contours de la nouvelle rationalité juridique et
elle exprime aussi nécessairement la valeur que la société accorde à la vérité
et pas seulement la façon dont on obtient cette vérité.
Au regard de ce qui précède, il appert que la preuve est décisive en droit.
Au-delà de tout, l’on peut être amené à s’interroger à l’effet de savoir si le
rôle du juge est vraiment de parvenir à la justice judiciaire, à la vérité par
le biais des preuves apportées ?
La question ci-dessus peut paraître troublante mais en vérité loin de là.
Certains auteurs soulignent que d’une certaine manière « la vérité n’est pas
dans le procès et qu’en conséquence, elle n’est pas l’affaire du juge dont
l’office se réduit à un arbitrage entre des prétentions contradictoires ». C’est
le cas de X. LAGARDE.
Quelle est en définitive la façon réellement adéquate de juger pour le juge
(national ou international) ? Comment le juge conçoit-il de nos jours sa
fonction au sein de la société ? Est-ce réellement d’atteindre la vérité par la
preuve des faits ou est-ce de pacifier les relations entre les parties ? Est-ce
de viser la réconciliation nationale au sein d’un pays ou est-ce de faire jouer
l’exemplarité et l’utilité sociale de la sentence en indiquant les valeurs
fondamentales à respecter ?
Toutes les questions ci-dessus mettent au goût du jour le caractère complexe
du rôle du juge en contentieux.

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Quoi qu’il en soit, il est évident que à travers la preuve, le juge a non
seulement le souci d’atteindre la vérité (I), mais il a aussi la volonté de
pacifier les relations humaines au sein de la société (II).
I- Le souci d’atteindre la vérité par la preuve
Il faut dire que, la preuve doit pouvoir amener le juge à atteindre la
vérité. Cela voudrait dire que dans l’hypothèse où l’atteinte de la vérité
est l’objectif du juge, ce dernier devrait faire prioritairement recours à la
preuve et à la recherche la plus scrupuleuse possible des faits.
Mais, même dans cette hypothèse, la question se pose en réalité de
savoir de quelle vérité il s’agit et comment la relier aux faits prouvés lors
du procès ?
On le voit, les questions peuvent s’enchaîner à l’infini. Seulement il est à
constater que les réponses à ces questions ne recevront des réponses
qu’en fonction de la façon dont le juge va s’employer à concevoir son
rôle et suivant les aussi les valeurs qui sont mises en avant par la société
et les but qu’elle attend de lui.
II- Le souci de pacifier les relations humaines au sein de la société
Il ressort de la pratique judiciaire que le juge reste pris de nos jours entre
un nombre multiple de désirs légitimes qui, forcément, se répercutent sur la
preuve. Au rang de ces multiples désirs figure en bonne place celui de
trancher le litige qui lui est soumis du mieux possible. C’est
fondamentalement la volonté pour lui de contribuer à pacifier la société ou
alors les relations sociales.

Il faut dire que l’idéal pour le juge est certainement de la recherche de la


vérité par l’intermédiaire des preuves apportées. Mais cet idéal se heurte
souvent à l’évolution de la société et des priorités affichées7.

7
P. THERY, « Finalités du droit de la preuve », Droit, 1996, pp.46 et s.

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Au cours d’un litige, le juge aura prioritairement pour souci premier de
régler le litige qui lui est soumis par application du droit, en recherchant les
faits relatifs à l’affaire.

Il faut cependant remarquer que cette préoccupation qui est essentielle pour
chaque juge, l’est davantage pour le juge interne. Le juge international pour
sa part est souvent confronté à des litiges qui relèvent de la complexité, du
fait de la complexité de la société internationale où les enjeux soulevés sont
souvent sources d’hostilité inter-étatique.

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Références bibliographiques

- DESMONS (E.), « Sur l’argument de l’évidence en droit public », in C.


PUIGELIER (dir.), La preuve, Paris, Economica, 2004.
- PUIGELIER (C.), La preuve, Paris, Economica, 2004.
- MOTULSKY (H.), Droit processuel, Paris, Cours de 1972.
- JOUANNET (E.), « La preuve comme reflet des évolutions majeures
de la société internationale », in RUIZ FABRI (H.), (dir.), La preuve
devant les juridictions internationales, Paris, Pedone, 2004.
- ZO’OBO ENDELEMANG (E.), L’exécution des décisions du juge
international. Une analyse à partir de la pratique du TIDM, thèse,
Université de Yaoundé II, 2020.
- RUIZ FABRI (H.), SOREL (J.M.), La preuve devant les juridictions
internationales, Paris, Pedone, 2004.

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