L'Élection de JACOB
L'Élection de JACOB
L'Élection de JACOB
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L’ELECTION DE JACOB
Introduction
d’Isaac, est racontée aux chapitres XXV-XXXII de la Genèse, qui se subdivisent de la façon
suivante :
2) Jacob supplante Esaü (XXV, 29-34) et reçoit la bénédiction paternelle à sa place (XXVII)
5) le travail de Jacob chez son beau-père Laban, ses deux mariages (XXIX, 15-30)
Jacob est d’emblée l’élu de Dieu ; pourtant, personnage rusé, il ne semble pas le mériter.
Nous avons choisi de centrer notre étude sur cette question de l’élection de Jacob, en
considérant plus particulièrement ses modalités de manifestation : les relations entre les deux
frères, puisque l’élection se fait au détriment d’Esaü, ainsi que les épisodes où Dieu rencontre
Jacob, à savoir le songe et la lutte avec l’ange. Nous nous demanderons dans quelle mesure
Plan :
III) Ruse humaine et élection divine dans les représentations ultérieures de Jacob (non
traité)
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Texte biblique
« 20Isaac était âgé de 40 ans lorsqu’il prit pour femme Rébecca (…). 21Isaac implora Yahvé au
sujet de sa femme, car elle était stérile ; Yahvé l’exauça et sa femme Rébecca conçut. 22Comme
les fils s’entrechoquaient dans son sein, elle dit : « S’il en est ainsi, pourquoi donc vivre ! », et
elle alla consulter Yahvé. 23Yahvé lui dit : « Il y a deux nations dans ton sein ; deux peuples,
issus de tes entrailles, se sépareront. Un peuple sera plus fort que l’autre et l’aîné servira le
cadet. »
24
Quand furent accomplis les jours où elle devait enfanter, voilà qu’il y avait des jumeaux dans
son sein. 25Le premier sortit : il était roux tout entier comme un manteau de poils ; on l’appela
du nom d’Esaü. 26Après cela sortit son frère et sa main tenait le talon d’Esaü ; on l’appela du
nom de Jacob. (…)
27
Les garçons grandirent. Esaü fut un habile chasseur, un homme des champs ; Jacob était un
28
homme paisible, habitant sous les tentes. Isaac aima Esaü, car le gibier était de son goût,
mais Rébecca aimait Jacob. »
a) Esaü échange son droit d’aînesse contre un plat de lentilles (25, 29-34)
« 29Comme Jacob faisait bouillir un bouillon, Esaü rentra des champs, épuisé. 30
Esaü dit à
21
Jacob : « Laisse-moi avaler de ce roux, de ce roux-là, car je suis épuisé. » (…) Jacob dit :
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« Vends moi tout de suite ton droit d’aînesse » Esaü dit : « Voici que je vais mourir ; que
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m’importe le droit d’aînesse ? » Jacob dit : « Jure-le-moi tout de suite ». Il le lui jura et
vendit son droit d’aînesse à Jacob. 34Alors Jacob donna à Esaü du pain et du bouillon de
lentilles. Il mangea et but, se leva et partit. C’est ainsi qu’Esaü méprisa le droit d’aînesse. »
1
trad. E. Osty.
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« 1Isaac était devenu très vieux et ses yeux s’étaient affaiblis au point de ne plus voir. Il appela
Esaü, son fils aîné, et lui dit : « Mon fils ! » Celui-ci lui dit : « Me voici » 2Isaac dit : « Me
voici devenu vieux, je ne sais pas le jour de ma mort. Et maintenant, prends ton attirail, ton
carquois et ton arc, sors dans la campagne et chasse pour moi du gibier. 4Puis prépare-moi un
régal comme je l’aime, et apporte-le moi, que je mange, pour que mon âme te bénisse avant
que je meure. » 5Et Rébecca écoutait pendant qu’Isaac parlait à Esaü, son fils. Esaü alla dans
la campagne chasser du gibier pour son père.
La ruse de Rébecca
Rébecca rapporte à Jacob les paroles d’Isaac.
« 8Et maintenant, mon fils, écoute-bien ce que je vais te commander. 9Va au troupeau et
prends-moi de là deux beaux chevreaux, et j’en préparerai pour ton père un régal comme il
l’aime. 10Tu l’apporteras à ton père et il le mangera, pour qu’il te bénisse avant sa mort. »
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Jacob dit à Rébecca, sa mère : « Mais Esaü, mon frère, est un homme velu, et moi je n’ai pas
de poil. 12Peut-être mon père va-t-il me palper ; je passerai à ses yeux pour un railleur, et je
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ferai venir sur moi une malédiction, et non une bénédiction. » Sa mère lui dit : « Ta
malédiction, qu’elle soit sur moi, mon fils ; écoute-moi seulement et va me prendre [les
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chevreaux]. » Il alla prendre [les chevreaux] et les apporta à sa mère, qui en prépara un
régal comme l’aimait son père. 15Rébecca prit les habits d’Esaü, son fils aîné, les plus beaux
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qu’elle avait à la maison, et elle en revêtit Jacob, son fils cadet. Avec les peaux des
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chevreaux, elle recouvrit ses mains et son cou qui étaient sans poil. Puis elle mit dans la
main de Jacob, son fils, le régal et le pain qu’elle avait préparés.
Jacob trompe son père et reçoit la bénédiction.
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Il entra chez son père et dit : « Mon père ! » [Isaac] dit : « Me voici ! Qui es-tu, mon fils ? »
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Jacob dit à son père : « Je suis Esaü, ton premier-né ; j’ai fait comme tu m’as dit. Lève-toi, je
te prie, assieds-toi et mange de mon gibier, pour que ton âme me bénisse. » 20Isaac dit à son
fils : « Comme tu as trouvé vite, mon fils ! — C’est, dit-il, que Yahvé , ton Dieu, m’a ménagé
une rencontre. » 21Isaac dit à Jacob : « Avance donc, que je te palpe, mon fils, pour savoir si tu
es mon fils Esaü ou non. » 22Jacob s’avança vers Isaac, son père, qui le palpa et dit : « La voix
est la voix de Jacob, mais les mains sont les mains d’Esaü. » 23Et il ne le reconnut pas, parce
que ses mains étaient velues comme les mains d’Esaü, son frère, et il le bénit. 24Il dit : « C’est
bien toi mon fils Esaü ? — C’est moi, dit-il. 25[Isaac] dit : « Sers-moi, que je mange du gibier
de mon fils, afin que mon âme te bénisse. » [Jacob] le servit, et il mangea, puis il lui apporta
du vin et il but.
26 27
Isaac, son père, lui dit : « Avance donc et embrasse-moi, mon fils. » Il s’avança et
l’embrassa. Quand [Isaac] sentit l’odeur de ses habits, il le bénit et dit :
« Oui, l’odeur de mon fils
est comme l’odeur d’un champ
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descendance comme le sable de la mer, qu’on ne peut compter tant il est nombreux. »
- prépare un somptueux présent pour son frère et envoie en éclaireurs ses serviteurs chargés
de l’apporter, pour apaiser Esaü : ruse et habileté de nouveau, séduction.
Au chapitre 33, la rencontre a lieu. Esaü surprend Jacob par son attitude : « 4Mais Esaü courut
à sa rencontre, l’étreignit, se jeta à son cou et l’embrassa ; et ils pleurèrent. »
Jacob insiste pour qu’Esaü accepte ses présents, gage pour lui de réconciliation définitive. Et il
termine par un dernier mensonge à Esaü, qu’on ne revoit plus ensuite : Esaü pense que Jacob
veut habiter avec lui au pays de S eï r (Edom). Jacob le lui laisse croire, et part dans la direction
opposée pour se rendre au pays de Canaan.
Esaü présenté ici sous un jour sympathique, mais encore une fois trompé…
On retrouve le Dieu apparu à Béthel en 31, 11-13, au moment de la fuite de Jacob loin de
Laban : « L’Ange de Dieu dit en songe : Jacob ! Je dis : Me voici. 12
Il dit : Lève les yeux et
vois : tous les boucs qui couvrent les bêtes sont rayés, mouchetés ou marquetés ; car j’ai vu
tout ce que Laban te fait. 13Je suis le Dieu de Béthel, où tu as oint une stèle, où tu m’as voué un
2
trad. Bible de Jérusalem.
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Texte préfiguré par un petit passage du chapitre 32 : « 2Jacob allait son chemin quand des
anges de Dieu le rencontrèrent. 3Jacob dit en les voyant : « C’est un camp de Dieu ! » et il
appela ce lieu du nom de Mahanaïm. »
23
Cette même nuit, il se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants et
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passa le gué du Yabboq. Il les prit et leur fit passer le torrent, et il fit passer aussi tout ce
25
qu’il possédait. Et Jacob resta seul.
Et quelqu’un lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. 26Voyant qu’il ne le maîtrisait pas, il le
frappa à l’emboîture de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant qu’il luttait avec
lui. 27Il dit : « Lâche-moi, car l’aurore s’est levée. » mais Jacob répondit : « Je ne te lâcherai
pas que tu ne m’aies béni. » 28Il lui demanda : « Quel est ton nom ? »—« Jacob », répondit-il.
29
Il reprit : « On ne t’appelera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu et contre
les hommes et tu l’as emporté. » 30Jacob fit cette demande : « Révèle-moi ton nom, je te prie »,
mais il répondit : « Et pourquoi me demandes-tu mon nom ? » et là même, il le bénit.
31
Jacob donna à cet endroit le nom de Penuel, « car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face et j’ai eu la
32 33
vie sauve. » Au lever du soleil, il avait passé Penuel et il boitait de la hanche. C’est
pourquoi les Israélites ne mangent pas, jusqu’à ce jour, le nerf sciatique qui est à l’emboîture
de la hanche (…).
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Toute l’histoire de Jacob est ambivalente : ce qui aurait pu a priori constituer un obstacle à son
élection se révéle en fait une étape du dessein de Dieu.
Rébecca, sa mère, est longtemps demeurée stérile, jusqu’au moment où Dieu lui accorde la
fécondité. Dans la Bible, la stérilité précède souvent la naissance des grands personnages :
Sarah était aussi stérile avant d’engendrer Isaac. Cette circonstance renforce l’idée que l’enfant
qui naît enfin est don de Dieu.
Le jour de la naissance, Jacob s’annonce en second, or dans le contexte biblique l’aîné est celui
qui détient le droit d’aînesse et qui est appelé à dominer. D’ailleurs les deux enfants luttent dès
le sein de leur mère pour cette primauté3. Jacob naît en second, mais l’oracle de Yahvé consulté
par Rébecca est formel : « l’aîné servira le cadet » (XXV, 23). Dé jà le sacrifice du cadet Abel
avait été agréé, et non celui de son aîné Caï n. C’est là encore un mode d’expression de la toute-
puissance divine et de la gratuité de ses choix.
Lorsque les deux enfants ont grandi, Isaac donne sa préférence à Esaü pour une raison toute
humaine : parce qu’il est bon chasseur. Esaü, fort, maître de la nature, semble une figure de
chef très probable. Pourtant, c’est Jacob qui recevra sa bénédiction.
On peut noter une certaine antipathie du document yahviste à l’égard des chasseurs, et une
préférence pour les hommes des tentes, plus placides. Mais surtout le personnage d’Esaü ne
constitue pas un véritable obstacle pour Jacob. Il ne semble pas attacher beaucoup
d’importance à son droit d’aînesse, qu’il échange contre de la nourriture ; il apparaît dé jà
vaincu : « Je vais mourir. Que m’importe à moi le droit d’aînesse ? (XXV, 32) ». Certains
interprètent le fait qu’il se précipite comme une bête sur le pain que Jacob lui donne avec les
lentilles comme un manque de respect pour cette nourriture « spirituelle » et quasi divine, qui
lui était une occasion de rachat, et voient dans son absence de remerciement une grossièreté
toute animale : « il mangea et but, se leva et partit » (XXV, 34).
Sa faiblesse de caractère est par ailleurs manifeste lorsqu’il pleure amèrement la perte de sa
bénédiction, et son emportement fort passager : il jure de tuer son frère pour sa duperie, mais il
n’en fera rien. Il apparaît comme un sauvage peu raffiné — idée qu’évoquait dé jà son nom,
signifiant « roux, hirsute » — qui ne réfléchit pas beaucoup avant d’agir. Par ailleurs, il ne
respecte pas son clan, épouse deux femmes hittites, bien qu’il sache que ces unions sont très
pénibles à ses parents. Il ne semble donc pas être le porteur du destin…
On peut interpréter plus positivement la figure d’Esaü, — qui ne laisse pas d’être sympathique,
3
On peut rapprocher le texte de celui concernant les jumeaux de Tamar (Gn XXXVIII, 27-
30) : « 28Pendant l’accouchement, l’un d’eux présenta une main que prit la sage-femme ; elle y
attacha un fil écarlate en disant : « Celui-ci sortit le premier ». 29Puis il rentra sa main et c’est
son frère qui sortit. »
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avec son ouverture et sa franchise face à la rouerie de son frère —, comme un faire-valoir de
l’élu. Esaü a sans doute très tôt conscience de ne pas avoir été choisi, il lui faut du temps pour
l’admettre ; mais lorsqu’il rencontre son frère au moment où ce dernier a quitté Laban, son
attitude atteste qu’il respecte son frère et lui a pardonné, parce qu’il l’a reconnu pour ce qu’il
est, l’élu de Dieu : il ne tue pas Jacob mais l’embrasse et refuse ses cadeaux.
Enfin le caractère de Jacob semble opposé à l’image que l’on se fait du patriarche élu : on
s’attend à ce que Dieu choisisse un homme vertueux et fidèle pour hériter de la terre et diriger
son peuple. Ainsi, Noé « était en son temps un homme juste et droit. Noé marchait avec
Dieu. » (Gn VI, 9) ; Abraham, homme saint et respectueux, avait été choisi pour sa foi
indéfectible. Jacob, lui, apparaît faible et pécheur : il redoute Esaü, pourtant n’hésite pas à le
tromper sous l’influence de sa mère. Il est animé de désirs humains de pouvoir. Pourtant sa
ruse même est l’instrument de la volonté divine pour que l’élection s’accomplisse : c’est par
elle que Jacob peut surmonter tous les obstacles. Tout au long de sa vie, Jacob se démène pour
arriver à ses fins ; l’insistance qu’il met à réussir le distingue des autres.
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A plusieurs reprises, Jacob aura l’occasion d’entrer en contact direct avec le divin, sans l’avoir
recherché. Ces rencontres sont des étapes essentielles dans sa prise de conscience et
contribuent à lui donner une autre dimension que celle conférée par sa ruse propre.
Marc Chagall,
Le Songe de Jacob, Pfarrkirche St. Stephan, Mainz,
by A.D.A.G.P., Paris & COSMOPRESS, Genf
On a voulu donner une signification historique au songe de Jacob : ainsi, les anges seraient
représentatifs des nations ayant asservi Israël pendant l’occupation ou l’exil ; le nombre des
barreaux parcourus par chaque ange correspondrait au nombre des années de domination : par
exemple, l’ange de Babylone monte 70 barreaux puis redescend, l’ange de la Perse en monte
52 puis redescend, celui de la Grèce 180 avant de redescendre (cf. Les symboles des rêves dans
la Bible).
On peut aussi tenter d’interpréter le songe en le mettant en relation avec la situation
psychologique de Jacob au moment où il le fait, suivant en cela l’approche d’Hanns Kurth dans
le Dictionnaire des rêves. L’échelle est habituellement représentative d’une réflexion, d’une
incertitude quant au succès ou à l’échec : le mouvement ascendant symbolise le succès et le
mouvement descendant l’échec. Jacob effectue un long voyage hors de sa terre et il éprouve de
l’angoisse à cause de ses rapports avec son frère Esaü ; par ailleurs, il ne sait pas encore s’il
pourra trouver une compagne pour la vie.
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Mais l’épisode a surtout une dimension spirituelle certaine. En Genèse XXVIII, 13-16, on peut
lire cette bénédiction : « Je suis Yahvé, le Dieu d’Abraham ton ancêtre et le Dieu d’Isaac. (…)
Je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras et te ramènerai en ce pays, car je ne
t’abandonnerai pas que je n’aie accompli ce que je t’ai promis. » (trad. BJ) Le songe est donc
aussi un signe destiné à rassurer Jacob : il y reçoit la promesse divine de la stabilité territoriale
et de la fécondité familiale.
Le texte marque la transition d’un mode d’être à un autre. Au premier abord, Jacob ne se rend
pas compte de la bénédiction et de l’élection de Dieu. Mais à mesure que les années passent, sa
personnalité et son caractère évoluent, et graduellement il accepte l’idée. Il semble que les élus
de Dieu doivent connaître une expérience exceptionnelle, préalable symbolique à leur union
avec Dieu (cf. Les Symboles dans la Bible).
La lutte de Jacob avec son mystérieux adversaire est un événement d’une très grande
importance, tout comme le songe de l’échelle. Elle a été diversement interprétée, une des
questions majeures étant de savoir qui est l’adversaire, dont le texte biblique n’indique pas
l’identité : « Et quelqu’un lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. » (Gn XXXII, 25)
Les symboles des rêves dans la Bible nous fournit quelques hypothèses à ce sujet.
a) L’adversaire aurait été un pasteur qui voulait de l’aide pour faire passer son troupeau.
Jacob l’aurait aidé, mais une discussion aurait éclaté entre les deux hommes.
b) L’adversaire aurait été un sorcier voleur. Il aurait aussi demandé de l’aide, promettant en
échange d’aider Jacob à transporter ses biens. Il aurait alors transporté tous les biens de
Jacob tandis que ce dernier aurait peiné à faire traverser les bêtes : à cause d’un sortilège,
plus il faisait passer d’animaux, plus le troupeau qui attendait aurait grossi. Jacob se serait
alors mis en colère. Pendant la lutte, le sorcier aurait essayé d’effrayer Jacob en lui lançant
des pierres qui prenaient feu.
c) L’adversaire aurait été l’ange gardien d’Esaü, envoyé par son maître Samaël. Il tente
d’affaiblir Jacob mais n’y parvient pas, car Jacob est puissant. Devant s’en aller à
l’approche du jour, il blesse Jacob à la hanche droite4
d) La quatrième hypothèse est plus psychologique : elle suggère que Jacob s’est battu avec
lui-même. Après cette rencontre tumultueuse avec une partie insoupçonnée de son être, il
progresse dans la connaissance de lui-même. Ayant triomphé de ses peurs, il est changé :
son nom devient Israël.
e) Enfin, l’hypothèse la plus répandue veut que ce soit Dieu en personne, ou un Ange de
Dieu servant d’intermédiaire, qui ait lutté contre Jacob. Dans la mesure où Dieu est
5
invisible et non représentable, et au vu des autres apparitions divines dans la Bible , il est
plus probable qu’il se soit agi d’un ange, ayant pris forme humaine pour combattre.
Si l’on suit cette dernière hypothèse, la plus conforme au texte biblique, on comprend pourquoi
le changement de nom de Jacob en Israël a été associé à ce récit. Pour la première fois, Jacob
montre qu’il est fort et puissant, il a presque gagné le combat : le sens du nom « Israël »
pourrait être « jouteur puissant », « fort contre Dieu ». Il est devenu un homme exceptionnel,
digne du choix de Dieu (ou rendu digne par ce choix). C’est parce qu’il la demande qu’il reçoit
la bénédiction de son adversaire (Gn XXXII, 27-30) : il a donc pris conscience de son statut
particulier. Cette lutte est donc un épisode de révélation qui inaugure l’existence de Jacob en
tant que chef des tribus d’Israël.
4
Cette blessure de Jacob au nerf sciatique est à l’origine de la coutume selon laquelle les juifs
ne mangent pas le nerf sciatique des animaux.
5
cf. autres apparitions divines dans la Genèse,par exemple aux chapitres XVIII, XIX, XXI.