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POUVOIR ET BALLON ROND, QUAND LE FOOTBALL S’INVITE EN POLITIQUE (1/6) – « Tous les clubs ont des supporters sauf le Raja, il a un
peuple », a affirmé un jour l’Argentin Oscar Fullone, qui a entraîné le Raja entre 1998 et 2000 puis entre 2005 et 2006. Cette proximité avec
son public de passionnés, principalement issu des quartiers populaires de la capitale économique, a toujours été revendiquée, même portée
en étendard par le club casablancais dont la genèse est profondément politique.
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« Dès le début, le Raja s’est appuyé sur des prolétaires, des artisans, des artistes, des syndicalistes et des avocats issus des quartiers
populaires, qui ont eu la chance de fréquenter les écoles modernes. Ayant baigné dans le nationalisme, ils ont aussi gardé des liens avec la
population », précise le sociologue du sport, Abderrahim Bourkia, auteur d’une étude sur la violence dans les stades Des ultras dans la ville.
À l’origine du club le plus populaire du Maroc, un réseau de nationalistes qui, vers la fin des années 1940, cherche à créer un club réunissant
les joueurs les plus talentueux des équipes de football amateur du quartier populaire de Derb Sultan (notamment Al-Fath de Derb Kabir et A
Nassr de Derb Bouchentouf).
Des mois durant, ceux-ci établissent leur QG au café Al Watan du même quartier, appartenant à un certain Hamidou El Watani. Liste non
exhaustive des fondateurs et premiers dirigeants du club : les futurs présidents du club Boujemaâ Kadri et Laâchfoubi El Bouazzaoui, le futur
entraîneur Tibari, le syndicaliste Salah Medkouri, ainsi que les frères joueurs-entraîneurs Mohamed et Abdellah Naoui.
LE RAJA ESSAIE D’INCARNER CET ESPRIT DE RÉVOLTE QUI COLLE À LA VILLE, ARBORE SON FANION D’ÉQUIPE
AU JEU DÉBRIDÉ, CAPABLE DU MEILLEUR COMME DU PIRE
Selon Boujemaâ Kadri, un tirage au sort aurait été organisé pour choisir le nom du club. Quatre options sont alors proposées en plus du
« Raja » : « Al Fath », du nom de la théâtre de Derb Sultan dont les membres seraient à l’origine de la formation du club amateur, mais
aussi « Al Charaf », « Abdelmoumen » et « Al Atlas ». Finalement, c’est le Raja, tiré au sort pas moins de trois fois, qui est adopté. Dans un
même temps, il est également décidé que le symbole du club serait l’aigle, pour le prestige et la pugnacité qu’il inspire. Et le vert de l’islam,
comme couleur principale.
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Pour déjouer la loi française, Hajji Ben Abadji, un algérien de nationalité française né à Tlemcen devient le premier président du Raja pour si
mois. Il reste à ce jour le seul président non marocain de l’histoire du club. Parallèlement, un marocain, Moulay Sassi Aboudarka Alaoui est
désigné président d’honneur du club jusqu’en 1955. L’année de sa création, le Raja débute dans la division d’honneur avec une équipe
composée uniquement de footballeurs marocains. Ils atteignent la première division deux ans plus tard.
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Dans leur ouvrage Casablanca. Figures et scènes métropolitaines, les chercheurs Mohamed Tozy et Michel Peraldi expliquent que par
opposition au Raja, aux yeux des casablancais, le Wydad « symbolise l’establishment, le jeu académique, l’expression d’un nationalisme
conservateur et la sollicitude du Makhzen ».
En face, les Verts se présentent comme les indignés voire des dissidents, issus d’un bastion du nationalisme populaire. Ainsi, le club de l’aigle
vert « essaie d’incarner cet esprit de révolte qui colle à la ville, arbore son fanion d’équipe au jeu débridé, non académique, créatif, capable
du meilleur comme du pire. Il draine le public de Derb Sultan indiscipliné mais joyeux », analysent les chercheurs. Du Raja naît
inévitablement en 2005 le premier groupe d’ultras du Maroc, les Green boys. L’année suivante, ils sont rejoints par un deuxième groupe
d’ultras : les Ultras Eagles.
JE VEUX GUIDER UN CLUB DE FOOT QUI PARTAGERA L’AIR DE CASABLANCA AVEC LE WYDAD
Figure majeure du football casaoui, ce fondateur et mécène du club des rouges, a également été leur premier secrétaire général, avant d’êtr
mystérieusement congédié. Il sera par la suite sollicité par une délégation du Raja pour reprendre l’équipe des verts. Aujourd’hui, son nom es
connu de tous les rajaouis, qui le considèrent comme une sorte de père spirituel. C’est d’abords lui qui leur a permis de s’imposer dans la
championnat national et de s’affirmer tactiquement. Il fait d’ailleurs l’objet de plusieurs chansons et tifos de supporters. Son crédo : « Je veu
guider un club qui partagera l’air de Casablanca avec le Wydad. » L’histoire de cette rivalité était cousue de fil blanc.
Le « club du peuple » ?
« Les supporters du Raja exaltent souvent le mérite de la vie populaire, “à la dur” toujours proche de la masse, ce que l’on trouve moins chez
les supporters du Wydad, qui eux se présentent souvent comme “des gens biens” », confirme Abderrahim Bourkia. En réalité, les résultats de
enquêtes du sociologue nuanceraient cette lecture superficielle. « Les supporters font un tri pour trouver les éléments qui les arrangent, qui
peuvent éclairer leur antagonisme, leurs représentations », clarifie-t-il.
D’après lui, aujourd’hui, les rajaouis et les wydadis sont souvent issus des mêmes milieux socio-économiques, ce sont en majorité « des
jeunes urbains (entre 13 et 27 ans), issus de quartiers populaires, et de familles plus ou moins modestes ». Même s’il admet que les origines
du Raja et les messages chargés politiquement diffusés par ses ultras, peuvent justifier une certaine diversité et un engagement politique
plus ou moins assumé de ses supporters.
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En effet, depuis quelques années, dans les tribunes du Raja résonnent des chants contestataires et flottent des tifos dénonçant les inégalités
sociales, le mépris ou la corruption. Comme dans les paroles des chants désormais mondialement célèbres F’bladi delmouni (« Opprimé dan
mon pays ») et Rajawi Filistini (« Rajaoui palestinien »), en soutien au peuple palestinien, ou encore sur le bandeau « Vox Populi » du derby
de la saison 2008/2009, ou sur le tifo « Room 101 » en référence au roman 1984 de George Orwell, brandi en 2019.
PENDANT LA SAISON 2022/2023, ENVIRON 43 000 SUPPORTERS PAR MATCH ONT ASSISTÉ AUX
RENCONTRES DU RAJA, ET 17 000 CARTES D’ADHÉRENT ONT ÉTÉ VENDUES
De son côté, le nouveau vice-président du club, Adil Hala, nommé par Mohamed Boudrika, lui-même fraîchement élu président en mai
dernier –préalablement à la tête du Raja entre 2012 et 2016 –, se dit reconnaissant de « la richesse » que représentent « la forte identité
footballistique du club », « la passion du public rajaoui » et « sa créativité ». Selon les chiffres de la saison 2022/2023, environ 43 000
supporters par match ont assisté aux rencontres du Raja, et 17 000 cartes d’adhérent ont été vendues. Des records nationaux.
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Adil Hala, qui a été affecté au poste de responsable de la restructuration globale – le club devant essuyer un déficit de 100 millions de
dirhams –, estime toutefois que les fortes pressions de ce public « qui veut être impliqué dans toutes les décisions managériales »
(revendications, exigences au recrutement de joueurs chers…) ont pu parfois nuire à la gestion du Raja.
Il se refuse dans le même temps à critiquer « la minorité » d’ultras rajaouis violents qui ont pu faire condamner le club à des amendes
mirobolantes : 100 000 dollars pour les actes de vandalisme du match Raja-Ahly en avril dernier. « C’est un phénomène social subjectif et
marginal. Notre base supportrice représente aujourd’hui le principal capital du Raja », assure-t-il.
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