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Hobbes

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« Tout ainsi que par voix et sons contraires il se compose une douce et naturelle

harmonie, aussi des vices et vertus, de qualités différentes des éléments, des
mouvements contraires, et des sympathies et antipathies liées par moyens
inviolables, se compose l'harmonie de ce monde et de ses parties. Comme aussi la
République est composée de bons et mauvais, de riches et de pauvres, de sages et
de fols, de forts et de faibles, alliés par ceux qui sont moyens entre les uns et les
autres, étant toujours le bien plus puissant que le mal, et les accords plus que les
discords. »

C’est une nouvelle manière pour Bodin de justifier la monarchie qui serait le seul régime capable de
réaliser la justice harmonique.
« Le propre de la proportion harmonique, à savoir que les nombres dominent leurs
parties et s’accordent quand on les dispose en raison inverse, convient seulement à
la monarchie, qui délègue par degrés insensibles le pouvoir à ses magistrats, de telle
sorte que tour à tour ils commandent à leurs inférieurs et obéissent à leurs
supérieurs, jusqu’à ce que l’on fasse retour à l’unité première du prince d’où découle,
comme d’une source permanente, l’autorité de tout pouvoir. »
Le prince a le pv de distribuer les charges selon la juste harmonie. Et la monarchie est ainsi le seul
régime pol qui parviendrait à accorder les différences. Le rôle du souverain est d’équilibrer les uns aux
autres toutes les formes antagonistes. Si bien que pour Bodin la monarchie constitue une forme de
cœur au sein duquel est concilié tout ce qui est discordant et la République ne supprime donc pas ni
le peuple avec ses aspirations égalitaires, ni la noblesses avec ses exigences hiérarchiques, elle les
englobe sous l’autorité souveraine du monarque. => image du royal tisserand de Platon.

Bodin conclue ainsi que l’ « Etat royal gouv harmoniquement est le plus beau et le plus parfait. »

Bodin n’est pas le théoricien de l’absolutisme que certains ont voulu en faire.

CHAPITRE 4. LA THEORIE ABSOLUTISTE DE THOMAS HOBBES


Rompt avec les Anciens sur tous les points vus dans l’intro de ce cours. Penseur le plus emblématique
de la modernité. Il incarne le mieux l’idéal-type du penseur moderne.

1. Eléments de contexte
a- Le XVIIe anglais

C’est pdt cette période que ce pays va accomplir sa grande mutation. En 1603, fin des Tudors et
l’Angleterre n’est qu’une puissance secondaire par rapport à l’Espagne et France dans la mesure où
elle n’a pas d’Emp colonial, son éco se résume à la vente de draps et de moutons, et situation rlg et
pol relativement précaire. Or au début du 18ème l’Angleterre est incontestablement la première
puissance euro : réunie des colonies prospères et montre la voie d’un grand capitalisme moderne.
Paradoxe est qu’entre ces deux grandes extrémité, c’est une période où l’Angleterre est gouv par des
souv médiocres : les Stuarts.

Période marquée par 2 conflits :

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- Un rlg qui oppose l’anglicanisme au protestantisme : l’Angleterre est ralliée au
protestantisme mais sous la forme d’une rlg d’E particulière à savoir l’anglicanisme. Rlg
instaurée par Henri VIII : rupture avec le pape et l’Eglise romaine en 1534. Les Eglises
anglicanes se disent à la fois catho et réformées. Catho car se veulent en continuité avec la
tradition apostolique mais en même temps elles acceptent les principes de la Réforme en
matière de doctrine. Sorte d’entre-deux qu’il est difficile de situer mais qui s’attire des
critiques des deux côtés, et surtout des protestants calvinistes (puritains) qui reprochent à
l’anglicanisme d’être trop proche du catho et aussi une certaine confusion entre le tempo et
le théologique (E/Eglise).
- Un conflit pol entre la couronne et le Parl : les Tudors avaient fait évoluer la monarchie vers
d’avantage d’absolutisme mais avaient su ménager le Parl, ce qui n’est pas le cas des Stuarts
qui se montrent extrêmement hostiles vis-à-vis du Parl et prétendent pouvoir régner sans lui.

Or ces deux conflits se superposent et s’imbriquent. Car d’un côté les puritains, associés aux écossais
presbytériens, s’allient au Parl et se font appelés les « têtes rondes ». De l’autre côté les anglicans,
alliés aux irlandais catho défendent la couronne et prennent le nom de « cavaliers ».

Les premiers Stuarts (1603-1642) :

- Jacques I d’Angleterre et VI d’Ecosse : théoricien de l’absolutisme


« Je suis surpris que mes ancêtres aient permis qu’une telle institution [le
Parlement] puisse exister. Etant étranger à ce pays, je l’ai trouvée ici à mon
arrivée. Je suis donc obligé de supporter ce que je ne puis supprimer. »
Mais il est aussi un anglican qui se montre extrêmement hostile vis-à-vis des puritains.
- Charles Ier lui succède en 1625 : hostile aux puritains et au Parl, mais est plus idiot que son
père. Climat de guerre civile, qui éclate en 1641 où les troupes du Parl vont prendre les armes
contre les cavaliers royalistes. C’est ce qu’on appelle la 1ère révolution anglaise. Guerre longue
qui s’étend jusqu’en 1649. Guerre qui aboutit à l’exécution de Charles Ier.

En 1649 commence la première période sans monarchie en Angleterre => période du


Commonwealth. Cromwell occupe une place très importante pdt cette période, au point que bcp le
comparent à un monarque répu. Régime instable, et quand en 1658 Cromwell meurt, la monarchie
est restaurée en 1660. Charles II devient roi et essaye de mettre en place une sorte de compromis : il
essaye de redonner plus de place au Parl, mais pb essentiel Charles II est catho et très lié à la
France21. Il meurt en 1685 et lui succède Jacques II qui est très violent et qui en apparence ménage le
Parl, mais affiche de manière provoquante sont catholicisme. Son règne est intenable si bien qu’il fuit
en 1688 lorsque Guillaume III d’Orange-Nassau débarque en Angleterre avec sa femme Marie II
d’Angleterre, couple de protestants. C’est ce qu’on a appelé la Glorieuse révolution de 1688-1689
dont on dit qu’aucune effusion de sang a été nécessaire. 1689 : déclaration de droit qui interdit
l’accès au trône à un catho, renouvelle les pv du Parl… => instaure une monarchie modérée.

b- La vie de Hobbes (1588-1679)

Vie modeste qui s’est déroulée presque sans histoire. Hobbes rappelle dans ses biographies que sa vie
a commencé dans la peur : sa mère aurait accouché avant le terme sous le choc de la nouvelle de
l’appareillage de l’armada. Il a été élevé par son oncle qui lui a permis de recevoir un enseignement

21
Car petit fils de Henry IV

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de qualité et d’entrer à l’univ d’Oxford dès 1603. Mais la vie univ le dégoute et très tôt il renonce à
l’idée d’enseigner à l’univ et devient un travelling tutor : il prend sous sa coupe les fils des grandes
familles aristocratiques anglaises avec lesquels il va voyager en Europe. Il commence alors à nourrir
un projet de système philosophique.

A partir de 1640, Hobbes sent la guerre venir. Il est royaliste or comme il est un trouillard, il se
condamne lui-même à l’exil et quitte avec précipitation Londres en 1640 pour rejoindre Paris où il
restera en exil pdt 11 ans. C’est pdt cette période qu’il s’embrouille avec Descartes. Il rédige un
ouvrage très important : le De cive où il essaye de trouver une solution aux guerres civiles. En 1647, il
est nommé professeur de maths du jeune Prince de Galles (aussi en exil à Paris) qui n’est autre que le
futur Charles II.

En 1651, Hobbes revient en Angleterre car il se sent inquiété en France, car la France chercherait à le
convertir au catholicisme. Il poursuit la rédaction de sa grande œuvre Le Léviathan qui parait en
1651. Œuvre qui provoque le scandale : accusé d’athéisme, mais il n’est pas condamné.

A la restauration en 1660, après le rappel de Charles II, Hobbes est accueilli à la cour et devient le
familier du roi. Mais se fait bcp d’ennemis et est même inquiété par différentes lois qui envisagent de
prendre des mesures contre certains sacrilèges et qui auraient cité le Léviathan. Le roi accepte de
protéger Hobbes mais à la condition qu’il cesse d’écrire au sujet du pol et de la rlg, ce que Hobbes
accepte. La fin de sa vie est donc très calme, et il meurt en 1679 dans la plus totale discrétion.

c- L’œuvre de Hobbes

Œuvre importante qui comprend deux ouvrages importants.

Le De cive, publié en 1642 et Le Léviathan paru en 1651. L’œuvre de Hobbes est née dans l’urgence :
toute son œuvre peut être considérée comme une réponse au contexte de guerre civ. En effet la
guerre civ anglaise qui est à la fois pol et rlg est l’une des expressions les plus dramatique du pb
théologico-pol. En effet pour Hobbes le roi est mort de n’avoir pas su être le rpz de la nation anglaise
ni dans son expression pol ni dans son expression rlg. Il y a comme une double soustraction de
légitimité qui a rendu la position du roi intenable, car il manquait le langage adéquat qui lui aurait
permis de défendre sa légitimité contre les sectes rlg et contre les troupes du Parl. Hobbes prétend
avec Le Léviathan apporter ce langage qui manquait. Hobbes dit même dans le De cive que la science
de l’E n’avait pas commencée avant lui22. Hobbes veut aller plus loin que Bodin et apporte une
théorie qui légitime l’E souverain.

Il tire les leçons suivantes :

- Ce pv pour être légitime devra s’émanciper du droit divin : il faut détacher l’autorité royale
de toute rlg. Hobbes critique les prétentions de l’Eglise, et il affirme même qu’elle doit être
placée sous l’autorité du souverain. Ce n’est pas nouveau : Machiavel l’avait déjà suggéré et
Bodin affirmé.
- Ce pv devra être un pv artificiel : il doit être considéré comme une œuvre d’art. La conclusion
de la guerre civ est que ni la nature ni la grâce divine ne peuvent réunir les H : ce qui peut
donc les réunir est selon Hobbes l’art et plus précisément l’art de prévenir le mal. Le
fondement de l’action pol qui était jusqu’ici l’idée d’un bien (naturel ou surnaturel) a

22
Quelle modestie…

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tragiquement échoué car les H se font nécessairement des notions incompatibles du bien. Et
cette incompatibilité est une source inépuisable de conflit => le bien est incertain et divise les
individus, alors que certains maux font l’unanimité. Un mal est considéré par tout le monde
comme le plus grand mal : la mort. Le fondement de la pol doit être la peur fondamentale de
la mort. Le pv n’est pas une chose naturelle qui permet d’accéder au bien, il doit être
considéré comme un acte de volonté qui permet simplement d’éviter le mal.
- Ce pv est un pv qui doit être absolu, plus absolu que celui défendu par Bodin : il doit être si
fort qu’il pourra anéantir les pv que les individus ont de se nuire les uns aux autres dans l’E de
nature. Tous ce que les individus vont remettre à ce pv absolu est aussi ce qu’ils pourront
soustraire à leur pires ennemis. Seul un pv absolu pourra rassurer, apaiser et permettre aux
individus de penser à autre chose, de s’employer à d’autres activités que celles qu’ils
consacrent à la conservation de leurs biens et de leur vie. Ce pv se préoccuper de leur
maintien en vie, et les H se préoccupent de leur richesse, bonheur et vertu.

Il donne à ce pv absolu , qu’il faut créer de toute pièce porte le nom de Léviathan. Monstre biblique,
dragon géant envoyé par D pour éprouver Job. Cette image condense tous les éléments de la théorie
hobbesienne du pv :

- Ce monstre est tout puissant et fait extrêmement peur et qui comme le pv absolu de Hobbes
attire toute la crainte des individus pour qu’ils cessent de se craindre les uns les autres.
Job 41:25 : « Sur terre, il n’a point son pareil, il a été fait intrépide. »
- Un monstre qui provient de la mer or dans la genèse l’eau est ce qui rpz le chaos primitif. On
a ici la perspective contractualiste de Hobbes qui apparait : le pv de l’E émerge à partir d’un E
de nature qui est un E de guerre qui est aussi une forme de chaos primitif.
- Ce Léviathan est « le roi des enfants de l’orgueil » : la raison d’être de ce pv est la méchanceté
des H. S’ils étaient gentils et qu’ils se voulaient du bien, animaux pol, le léviathan ne serait
pas nécessaire.
- Un montre composé de multiples écailles.
Job 41:5-9 : « Son dos, ce sont des rangées de boucliers, que ferme un
sceau de pierre. Ils se touchent de si près qu’un souffle ne peut s’y
infiltrer. Ils adhèrent l’un à l’autre et font un bloc sans fissure. »
Job 41:15 : « Les fanons de sa chair sont soudés ensemble : ils adhèrent
à elle, inébranlables. »
Et le mot Léviathan est composé à partir du mot lava qui en hébreu veut dire « lié » : le corps
du Léviathan est composé du corps de différents individus qui sont liés par un contrat.
- Un nom de baptême : c’est considérer cet E comme un être qui a une naissance et qui est
donc une créature artificielle.

On a donc un véritable concentré de toute la philo de Hobbes avec l’idée que le pv nait des individus
eux-mêmes par une forme de contrat, émerge de la nature dans laquelle la méchanceté des H
alimente un climat de guerre, et pour faire sortir les H de cet E de nature, le pv doit être absolu et se
faire respecter par la crainte selon Hobbes.

2. La nature humaine : une anthropologie matérialiste de la finitude

Hobbes défend 3 thèses anthropologiques fortes

a- Une anthropologie matérialiste

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Pour Hobbes, tout est corps, Dieu même n’est qu’un corps. Il défend la thèse de l’universelle
corporéité. Il dit que tout science ne pourra être qu’une science des corps et il s’inspire
profondément de Galilée : il vaut faire pour les corps pol ce que Galilée a fait pour les corps
physiques. Toute science sera ainsi une science qui s’intéresse au mvt des corps, et Hobbes considère
qu’en matière de morale et de pol ce sont tjrs les passions humaines qui mettent les corps en mvt.

Thèse qui est très nouvelle et qui signifie que la volonté, la raison n’est jamais autonome : la raison
est tjrs le dernier appétit. Cad qu’elle ne fait qu’accomplir ce que les passions lui dictent de faire. La
passion qui va mettre en mvt les H est avant tout un principe d’autoconservation : ce que Hobbes
appelle le conatus. C’est ce désir de se conserver. Chez Spinoza, ce terme a un sens différent : durée
de se maintenir en vie mais aussi vivre le plus intensément selon son essence (augmenter sa
puissance).

b- Une anthropologie de la finitude

Pour Hobbes, l’H n’est pas une simple créature vouée à l’obéissance au divin mais il est un être fini
qui a échappé par sa propre faute à la législation divine. Il voit dans Adam celui qui a voulu se passer
de D23 en lui désobéissant. En s’arrogant pour eux même le pv de juger, les humains ont d’une
certaine manière congédié D et les humains se sont retrouvés entre eux, voués au mal et aux affaires
de la finitude. Nous n’avons eu d’autre choix que de surmonter notre finitude par l’artifice : les
humains ont dû se donner un D mortel : le Léviathan.

⇨ Critique très forte de la prétention de l’Eglise à exercer la souv tempo.

c- La triplicité de l’Homme

L’H est à la fois un H, un civis et un humain : il est corps naturel, membre d’un corps naturel et d’un
corps mystique. Cette tripartition est source de conflits entre H, civis et chrétiens. Hobbes tente de
faire en sorte que cela ne soit pas ruineux pour la vie humaine. La solution proposée par Hobbes est
de ramener cette tripartition à une unité purement artificielle qui sera celle qu’incarne l’E souverain,
qui seul permettra de pacifier les relations entre les H.

3. L’état de nature : la guerre de tous contre tous

Hobbes inaugure la tradition du contrat social, il est le premier à substituer à la perspective


téléologique des penseurs antiques une perspective généalogique. Le pv n’est plus légitimé par la fin
qu’il poursuit mais par l’origine et la procédure qui l’a créé. Les règles sont justes parce qu’elles sont
choisies et non plus choisies parce qu’elles sont justes.

Cet E de nature n’a pas vraiment de réalité : ce n’est qu’une fiction, une hypo de travail et l’existence
de cet E de nature n’est pas historique mais logique. Hobbes fait l’hypo d’une absence de pv afin de
formuler l’E de nature. De la même manière Galilée faisait la même abstraction de l’air pour calculer
la gravité. Hobbes fait donc la soustraction des rapports pol, qui ont pourtant tjrs existé dans la soc
(et il le reconnait bien). L’E de nature n’est qu’un milieux expérimental.

23
D = Dieu

48
a- Une contradiction entre désir de vie et risque de mort

L’E de nature est marqué par une contradiction entre le désir de vie et le risque de vie.

Le droit de nature : le désir de vie. L’H est exclusivement déterminé par son aspiration à la
conservation, cette tendance à persévérer dans son être est présentée par Hobbes comme lui
conférant un droit à la vie. Il parle de droit nature pour désigner ce désir de vie. Dès lors qu’un vivant
à droit à la fin (vie) il a droit à tous les moyens.

Donc dans l’E de nature pour Hobbes rien est injuste : chacun a tous les droits, chacun a un jus in
omnia (droit sur toute chose). Dans cette guerre de tous contre tous, les pires actions ne peuvent être
considérées comme les crimes ou des péchés, tous les actes sont couverts par une forme de légitime
défense. Chacun est le seul juge de la conduite nécessaire à sa conservation. On retrouve le
raisonnement de Machiavel qui disait que le Prince devait être absout au sens où il faut lui laisser la
possibilité de commettre des actions atroces quand la nécessité de la conservation de son pv l’y
contraignait. Hobbes dit que dans l’E de nature, chaque H est un prince que la nécessité presse de
toute part. Il généralise l’enseignement de Machiavel. Dans l’E de nature, les individus qui volent, qui
tuent ne font pas de mal et ne commettent aucune injustice, car à l’E de nature le bien et le mal
n’existent tout simplement pas. Ils n’auront de sens qu’une fois que l’E de nature aura été surmonté
et qu’auront été promulgués par la puissance souv les lois qui définissent ces notions.

Hobbes compare la situation dans l’E de nature avec l’enfance.


« Si vous ne donnez aux enfants tout ce qu’ils désirent, ils pleurent, ils se fâchent, ils
frappent leurs nourrices, et la nature les porte à en user de la sorte. Cependant ils ne
sont pas à blâmer, et on ne dit pas qu'ils sont mauvais, […] à cause qu'étant privés de
l'usage de la raison, ils sont exempts de tous les devoirs des autres hommes. Mais, s'ils
continuent de faire la même chose lorsqu'ils sont plus avancés en âge, et lorsque les
forces leur sont venues avec lesquelles ils peuvent nuire, c'est alors que l'on
commence de les nommer, et qu'ils sont méchants en effet. De sorte que je dirais
volontiers, qu'un méchant homme est le même qu'un enfant robuste, ou qu'un
homme qui a l'âme d'un enfant. »
Dans l’E de nature, les H sont comme des enfants qui en l’absence de morale et de loi ne font ni mal
ni injustice. Il n’existe de droit et de moral que créés artificiellement par les H. Ce qu’énonce Hobbes
c’est la doctrine du positivisme juridique. Dans l’E de nature rien ne peut être injuste : les notions de
légitime/illégitime de justice/injustice n’ont pas leur place.
« [Dans l’Etat de nature], rien ne peut être injuste. Les notions de légitime et
d’illégitime, de justice et d’injustice, n’ont pas ici leur place. Là où il n’est pas de
pouvoir commun, il n’est pas de loi ; là où il n’est pas de loi, il n’est pas d’injustice. »

L’égalité des H : le risque de mort. Hobbes souligne que les passions des individus vont les conduire à
s’opposer. Il montre que non Aristote et Cicéron n’ont pas compris que la nature humaine n’était pas
bonne, ou en tout cas qu’elle n’était pas sociable. Les H se fréquentent, mais ne s’associent jamais, ne
collaborent pas, ne sont pas instinctivement conduits à vivre les uns avec les autres, et ils n’ont même
aucun plaisir à se fréquenter tant qu’il n’y a pas de pv entre eux : la nature dissocie les H. Et c’est
parce que les H ont peurs les uns des autres. Conflit de ressources : l’autre est tjrs perçu comme une
menace, l’H va devenir un loup pour l’H.

49
Guerre de tous contre tous, car la source de la guerre serait l’égalité des H en termes de faiblesse et
de vulnérabilité : tous les individus sont aussi faibles les uns que les autres à l’E de nature. ils ont tous
ce même droit illimité et à cause de cela, ils sont tous en mesure de se nuire. Car le plus faible pourra
tjrs tuer le plus fort. Ainsi si les H sont pour l’essentiel égaux, c’est une manière de dire que le pv pol
n’est pas naturel, donc qu’il est artificiel. Cette contradiction nourrit un état de guerre et rend l’E de
nature invivable.
« Ce qui est pire que tout, la crainte et le risque continuel d’une mort violente, la vie de
l’homme est solitaire, besogneuse, pénible, quasi animale et brève. »
Les H sont jetés dans la guerre, chacun s’estime supérieur mais aucun n’a les moyens de faire valoir la
supériorité qu’il prétend détenir. C’est pk Hobbes dit que « Les hommes n'ont aucun plaisir (mais au
contraire, beaucoup de déplaisir) à être ensemble là où n'existe pas de pouvoir capable de les dominer
tous par la peur. »

Les H entrent donc en société parce qu’ils se craignent.


« C’est donc une chose tout avérée, que l’origine des plus grandes et des plus durables
sociétés, ne vient point d’une réciproque bienveillance que les hommes se portent,
mais d’une crainte mutuelle qu’ils ont les uns des autres. »
=> l’H n’est pas un animal pol.
« Il est manifeste que pendant le temps où les hommes vivent sans un pouvoir
commun qui les maintienne tous dans la peur, ils sont dans cette condition qu'on
appelle guerre, et cette guerre est telle qu'elle est celle de tout homme contre
homme.»

On retrouve cette idée aussi chez B. Pascal « Tous les hommes se haïssent naturellement l’un l’autre »

« Il est également vrai de dire que l’homme est un Dieu pour l’homme et que l’homme
est un loup pour l’homme. La première formule vaut si nous comparons les citoyens
d’une même cité, la seconde si nous comparons les cités. » (De Cive)
=> Hobbes énonce ici un principe réaliste en théorie des relations internationales24.

b- La sortie de l’état de nature : un acte rationnel

Cet état de nature est donc insupportable, la menace de mort est omniprésente alors que l’H ne veut
rien tant que se conserver. C’est donc une situation qui comprend une véritable contradiction
logique : la liberté de se dev librement en vue de la conservation se révèle autodestructrice et
Hobbes fait l’hypo que face à cette contradiction logique les H vont devoir devenir intelligents. Ce qui
va les pousser à réfléchir est une passion : la peur de la mort. La raison humaine constatant
l’absurdité de la guerre va enfin chercher les moyens de la paix.

La raison va naitre de cette nécessité reconnue par la passion : la raison est la capacité de trouver les
moyens qui résoudront ce que la passion perçoit comme un pb. Les H s’ils veulent se conserver vont
devoir être intelligent.

4. L’Etat civil

24
Cf. cours de TRI S5

50
a- Le contrat de stipulation pour un tiers

Hobbes discerne deux sortes de pv :

- Le pv par acquisition : nait lorsque celui qui est le plus fort transforme sa force en droit.
- Le pv par institution : pv qui s’instaure par un contrat passé entre les civis.

Hobbes plaide pour un pv par institution et va défendre une théorie du contrat extrêmement
originale. Pour la comprendre, il faut la confronter à celle des monarchomaques.

Monarchomaques : ceux qui combattent le roi, qui défendent un droit de résistance et qui s’appuient
sur 2 idées réfutées par Hobbes :

- On peut envisager un contrat entre le souverain et le peuple : contrat qui confère le pv au roi
à la condition qu’il serve les intérêts du peuple, le roi n’est alors que le ministre de la
communauté. Le peuple peut donc résister à un souv tyrannique.
- Le peuple est antérieur au souverain : « Le peuple existe avant le magistrat ; il est plus élevé
en dignité que ce dernier et il le constitue. » (Althusius)

Le peuple a donc le droit de résister au souv qui ne respecterait pas sa volonté.

Hobbes conteste la théorie du contrat qu’envisageaient les monarchomaques car pour lui le contrat
n’est pas passé entre le peuple et le souv, mais seulement entre les civis : c’est ce qu’il appelle un
contrat de stipulation pour un tier, qui est un transfert d’un droit à un tier qui n’est pas lui-même
contractant.
« Convention de chacun avec chacun passée de telle sorte que c’est comme si chacun
disait à chacun : j’autorise cet homme ou cette assemblée, et je lui abandonne mon
droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et
que tu autorises toutes ses actions de la même manière. »

Doctrine de l’autorisation : le contractant autorise un tier à vouloir et décider à sa place. Les


contractants sont l’auteur de la souveraineté, alors que celui qui est autorisé est l’acteur de la souv.
Pour Hobbes l’essence de l’E est représentative : l’acteur rpz l’auteur et cet auteur ne peut exister que
s’il est vraiment rpz. D’où la deuxième idée que le peuple n’existe pas sans son représentant et qu’il
ne peut donc pas le précéder. Car ce qui fait le peuple c’est son unité, or pour Hobbes cette unité ne
peut se donner que dans et par son représentant unique. Les individus ne constituent une unité que
par leur rapport à leur rpz, leur unité leur est extérieure. Pour Hobbes, si les individus cessaient de se
rpz à travers le souverain, ils se redisperseraient en une multitude, en un E de guerre, et cesseraient
d’être un peuple.

Hobbes conteste l’idée que le peuple réel pourrait être opposé au corps représentatif. Et donc
impossibilité logique du droit de résistance. Car le souverain n’est pas parti au contrat donc ne
commet pas d’injustice et donc s’il n’y a pas d’injustice, il n’y a pas de droit de résistance. De plus les
individus ne peuvent constituer une unité que dans la personne du souverain qui les rpz et les
assujettis et donc rend absurde l’idée d’un droit de résistance : un peuple qui résisterait au souv,
résisterait à lui-même et par la même cesserait d’exister.

b- Le pouvoir absolu du souverain

51
Le droit du souverain est nécessairement illimité parce que le droit qui lui a été transmis par chacun
était illimité. Le souv hérite du jus in omnia que chacun avait dans l’E de nature, ou plus exactement il
est le seul à conserver ce droit dont il disposait à l’E de nature et que tous les autres ont abandonné.
Pv tel qu’on en puisse imaginer de plus grand. Les H imaginent un pv qui leur est incommensurable,
un pv dont l’idée même va dissoudre leur propre force et avec elle la peur de la guerre de tous contre
tous. Les H en se donnant un pv absolu et illimité vont stériliser leur propre force et ne plus constituer
une menace les uns pour les autres. Plus le pv est fort, plus l’individu sait que ses congénères auront
du mal à lui nuire.
« Les esprits des hommes sont de cette nature, que s’ils ne sont retenus par la crainte
de quelque commune puissance, ils se craindront les uns les autres. » (De Cive)

Hobbes reprend alors plus carac que Bodin accordait à la souveraineté : le souverain ne peut être
assujetti à aucune loi civile : il dispose du pv de faire et abroger les lois. Il est délié des lois.
« La personne civile, homme ou assemblée — à la volonté de laquelle tous les
hommes ont soumis la leur —a la puissance souveraine, exerce l'empire et la suprême
domination. » (De Cive)

Mais l’absoluité du pv du souv va bcp plus loin que chez Bodin qui restait un jusnaturaliste. Hobbes en
tant que positiviste considère qu’il n’existe aucun droit nat contraignant qu’on pourrait opposer au
souverain. Rien ne peut limiter le pv du souverain selon Hobbes. Tout ce qu’il énonce, toutes les lois
qu’il fait adopter sont nécessairement justes.

« Aucune loi ne peut être injuste » (Léviathan)

Hobbes donne l’exemple du roi David qui commande à Uri de se faire tuer va il veut sa femme
Bethsabée. Pour Hobbes il ne commet aucune injustice.

Dans l’interprétation rlg habituelle du pv absolu, idée qu’un pv absolu était justifié par le fait que le
roi était rattaché à D et le rpz sur terre. Chez Hobbes, ce sont des êtres impuissant qui créent le pv
absolu pour remédier à leur faiblesse. Sa transcendance n’a plus son origine dans la toute-puissance
de D, mais au contraire dans la faiblesse des H. La légitimité du pv suit une logique ascendante, et
non plus descendante => perspective démocratique pouvant être perçue ici par certains, d’ailleurs
Hobbes dit que ce pv absolu peut être exercé collectivement.

c- Le droit résiduel des individus

Le droit illimité de chacun conduit à la guerre de tous contre tous et Hobbes dit que ce n’est qu’en
renonçant à ce droit que chacun peut tarir la source de la guerre. Mais Hobbes ajoute également que
ce renoncement serait absurde s’il n’y avait pas une assurance raisonnable que chacun de ses rivaux
ferra la même chose.

Pourquoi ce renoncement est avantageux ? Parce mon droit sur toute chose ne va jamais plus loin
que mon pouvoir. Mon droit se heurte tjrs à des contraintes, si bien que même si ce droit était
théoriquement absolu dans l’E de nature, il était en fait, en pratique assez limité : il cessait là où
commençait le pv des autres. En passant de l’E de nature à l’E civil on gagne en liberté effective ce
que l’on perd en liberté potentielle.

Ex de la propriété : Hobbes dit que l’E de nature ne connait pas la propriété, il ne connait que la
possession (càd la maitrise de fait sur une chose).

52
« Cela seul dont il peut se saisir appartient à chaque homme, et seulement pour aussi
longtemps qu’il peut le garder.»
Il y a bien sur certaines possessions, mais il n’y a pas de propriété au sens où personne ne peut
effectivement disposer des choses qu’il ne serait pas capable de protéger lui-même. La puissance
absolue de l’E ne doit pas être perçue comme une menace pour la propriété des sujets, mais comme
la condition de son existence. Car « est attaché à la souveraineté l’entier pouvoir de prescrire les
règles par lesquelles chacun saura de quels biens il peut jouir et quelles actions il peut accomplir sans
être molesté par les autres sujets.»

Hobbes est bien l’un des premiers à comprendre que l’H est en pratique plus libre dans la cité où il
obéit à la loi que dans la nature où il n’obéit qu’à lui-même. Hobbes dit que la lib est compromise,
insignifiante, purement théorique en l’absence de la loi. Donc pour Hobbes, la contrainte juridique
n’opprime pas, mais peut en un certain sens rendre libre.

Pour Hobbes, il reste tjrs une part du droit nat qui reste inaliénable : le sujet en entrant en société
n’abandonne pas la totalité de sa liberté. Car il n’y aurait aucun intérêt à quitter l’E de nature si cela
signifiait que l’on renonce à toute sa liberté.
« Il est inconcevable qu'un homme ait pu, par des paroles ou d'autres signes,
abandonner ou transmettre certains droits. D'abord, un homme ne peut pas se
démettre du droit de résister à ceux qui l'attaquent par la force pour lui ôter la vie,
parce qu'il est inconcevable qu'il vise de cette façon quelque bien pour lui-même. »
Il dit aussi que l’E de nature ne disparait jamais complètement, l’H ne cesse jamais d’être un animal,
et même à l’E civil l’H cherchera à se conserver par ses propres moyens. D’où l’idée de ce droit de
l’individu à se conserver comme un droit naturel inaliénable.

Hobbes reconnait que Uri a le droit non pas de résister à David, mais de se conserver et tout faire
pour ne pas mourir. Comment comprendre ce qui ressemble fortement à une contradiction chez
Hobbes ?

Distinction entre droit et loi : pour Hobbes le droit = liberté ; la loi = contrainte. Chacun de ces deux
termes va avoir de sens plus ou moins différent selon qu’il existe à l’E de nature ou à l’E civil. A l’E de
nature, le droit de nature est le jus in omnia.

« Une LOI DE NATURE (lex naturalis) est un précepte, une règle générale, découverte
par la raison, par laquelle il est interdit à un homme de faire ce qui détruit sa vie, ou
lui enlève les moyens de la préserver, et d'omettre ce par quoi il pense qu'elle peut
être le mieux préservée. »
Contrainte que l’on se donne à soit même pour ne pas mourir et se préserver. Mais cette loi de nature
est inopérante pour Hobbes car elle est purement individuelle et qu’elle ne peut pas être sanctionnée
par un pv. A l’E de société, la loi devient la loi positive et le droit serait ce que cette loi n’empêche pas,
la part inaliénable de l’E de nature.
« Le DROIT consiste en la liberté de faire ou de s'abstenir, alors que la LOI détermine et
contraint à l'un des deux. Si bien que la loi et le droit diffèrent autant que l'obligation
et la liberté qui, pour une seule et même chose, sont incompatibles. »

Il n’existe aucune continuité entre le droit nat des individus et les droits des civis car le droit naturel
ne comporte en fait aucune dimension juridique. Chez Hobbes, la lib est simplement ce qui reste du
droit naturel dans le champ civil, et ce droit reste naturel, il n’est jamais transformé en droit positif. Le
droit est la lib qu’on a d’user de son pv en l’absence de la loi. La loi ne peut donc pas détruire

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complètement le droit ou la lib, c’est simplement ce qui va venir assurer de ce droit la part qu’elle
n’empêche pas.

Ainsi en passant de l’E de nature à l’E de société, la loi est devenue une norme publique (et non plus
individuelle) et le droit n’a pas été traduit, il s’est simplement réduit pour être mieux garanti, plus
effectif. C’est pk la lib chez Hobbes ne peut résider que dans les silences de la loi => conception
purement négative de la lib.
« Les libertés dépendent du silence de la loi. Dans les cas où le souverain n’a prescrit
aucune loi, c’est là que le sujet a la liberté de faire, ou de s’abstenir de faire
conformément à sa propre appréciation. »

C’est pk il faut se méfier des apparences : Hobbes parle de droit de nature, droit naturel mais n’est
pas un jusnaturaliste car ce droit naturel n’est pas vraiment du droit, n’a aucune connotation
juridique et ne correspond pas non plus au droit subjectif dev au 19ème, il n’y a pas de droit qui serait
reconnu au peuple, simplement des droits individuels laissés aux individus de tout faire pour rester
en vie.

⇨ Renversement de la perspective tradi dans la mesure où Hobbes ne fait pas dépendre la lib
des sujets d’un droit naturel qui serait indépendant des prérogatives royales. Il ne fait que
définir cette lib par rapport aux lois civiles édictées par le souverain. La lib ne procède pas
d’un droit que les sujets auraient soustraite à l’emprise de la souv.

Cette liberté reste dans l’ambition de Hobbes extrêmement étendue.


« En ce qui concerne toutes les actions dont les lois ne s’occupent pas, les humains ont
la liberté de faire ce que leur raison leur montre en vue de ce qui leur est le plus
profitable. […] La liberté des sujets réside donc uniquement en ces choses que, dans
le règlement de leurs actions, le souverain s’est abstenu de prendre en compte. Par
exemple, il s’agit de la liberté d’acheter et de vendre, ou de passer d’autres contrats
les uns avec les autres de choisir leur domicile, leur alimentation, leur métier,
l’instruction de leurs enfants comme ils le jugent bon, et ainsi de suite. »

Pour Hobbes, il n’y a pas de contradiction parce que le droit du souv et l’obligation des sujets sont
autonomes. Oui les individus abandonnent au profit du souverain toute la part aliénable de leur droit
nat et conservent individuellement le droit de résister pour défendre leur vie. Mais cela n’est pas du
tout contradictoire avec le fait que le souv, parce qu’il est extérieur à la convention, peut tjrs user de
son droit nat, qui lui est tjrs illimité. Le droit naturel n’est au fond jamais traduit en droit positif. Les
deux ne sont pas contradictoires car ne peuvent pas être mis sur le même plan. Sur le plan de la
logique, les H peuvent résister, car ce serait une impossibilité physique pour les individus de ne pas se
protéger. Mais sur un plan juridique il n’y a aucun droit de résistance qu’on pourrait reconnaitre :
celui qui résiste cesse d’être un civis qui obéit et redevient un animal qui se défend et donc retourne
à l’E de nature.
« Toutefois, on ne doit pas comprendre que la souveraine puissance de vie et de mort
est soit abolie, soit limitée par une telle liberté. Car on a déjà vu qu’il n’est rien que le
représentant souverain ne puisse faire à un sujet, quel qu’en soit le prétexte, qui
puisse au sens propre être appelé injustice ou préjudice, puisque chaque sujet est
l’auteur de chacun des actes accomplis par le souverain, en sorte que celui-ci n’est
jamais privé d’aucun droit à quoi que ce soit. »

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Le droit inaliénable du sujet à désobéir n’ôte rien au droit illimité du souverain de le sanctionner pour
cela. Et donc le droit inaliénable n’offre aucune protection contre les abus du souverain.

Et donc le roi David vis-à-vis d’Urie a peut-être un comportement immoral mais ne commet aucune
injustice.

« En vertu de cette institution d’un Etat, chaque individu particulier est l’auteur de ce que
fait le souverain, et, par conséquent, celui qui se plaint d’une injustice de la part de son
souverain se plaint de cela même dont il est l’auteur, et donc, il ne doit accuser d’injustice
nul autre que lui-même, non! Même pas lui-même d’injustice, car c’est impossible de
commettre une injustice envers soi-même. Il est vrai que ceux qui possèdent la puissance
souveraine peuvent commettre une iniquité, mais pas une injustice, ou un préjudice au
sens propre. »

5. Conclusion : Hobbes est-il libéral ?

C’est la thèse que défend Strauss en considérant que le fondateur du libéralisme fut Hobbes.
« S’il nous est permis d’appeler libéralisme la doctrine politique pour laquelle le fait
fondamental réside dans les droits naturels de l’homme, par opposition à ses devoirs,
et pour laquelle la mission de l’Etat consiste à protéger ou à sauvegarder ces mêmes
droits, il nous faut dire que le fondateur du libéralisme fut Hobbes. » (Leo Strauss)

Une ambition libérale certaine : d’un pov éthique il y a bien cette idée que les H ne doivent plus se
guider sur le bien mais sur le droit. Avec Hobbes, le droit prend la place du bien. C’est bien le langage
du libéralisme et Pierre Manent dit que :
« Hobbes peut être dit le fondateur du libéralisme parce qu’il a élaboré
l’interprétation libérale de la loi : pure artifice humain, rigoureusement extérieure à
chacun, elle ne transforme pas, n’informe pas les atomes individuels dont elle se
borne à garantir la coexistence pacifique. Dans les silences de la loi, les individus
peuvent faire ce que bon leur semble. La pensée de Hobbes fonde l’idée libérale parce
qu’elle élabore la notion de la loi comme artifice extérieur aux individus. Le rôle de
l’Etat n’est pas de créer ou de promouvoir en l’homme une vie vertueuse, mais de
sauvegarder le droit naturel de chacun. »
Il n’y a pas en effet chez Hobbes de réflexion sur la meilleur manière de vivre. Hobbes se contente de
définir les conditions techniques d’un simple modus vivendi entre les individus. Les individus sont vus
comme des particules élémentaires en mvt perpétuel et parmi lesquelles il s’agit de réduire au
minimum les risques de collision. La loi chez Hobbes a à peu près la même fonction qu’un code de la
route pour réduire la circulation. Recherche de l’indifférence réciproque des individus.

Ambition libérale aussi car on s’aperçoit que Hobbes ne propose jamais une soc aristocratique,
contrairement à Montesquieu ou Bodin. Hobbes ne parle que de deux acteurs : le souverain et les
sujets. En présence du souverain, tous les sujets sont égaux => la pol qu’il défend est une pol anti
aristocratique, égalitariste.

Ambition libérale aussi au sens où Hobbes défend la propriété privée, la lib d’entreprendre, le
libre-échange.

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Il y a donc une ambition libérale qu’on retrouvera chez tous les successeurs de Hobbes à travers une
fin minimale de l’E. Il y a donc comme chez Machiavel une volonté de revoir à la baisse les
prétentions de l’autorité pol.

Les dispositifs pol imaginés par Hobbes sont-ils de nature à satisfaire cette ambition ? Non car cette
ambition libérale reste gâchée par une perspective absolutiste. Le pv pub reste soumis à aucune
limitation normative : il n’y a pas d’obligation du droit positif à l’égard des droits de l’H, l’E reste
au-dessus de toutes les lois. Cette ambition libérale est donc compromise par la forme absolutiste qui
est supposée à la satisfaire car si Hobbes envisage de restreindre le champ d’exercice du pv (en
imaginant qu’il y a des libertés) il envisage aussi d’augmenter sa force et perd de vue les moyens qui
garantiront que le pv ne débordera pas le domaine circonscrit.

Hobbes escamote deux questions :

- Celle des limites normatives du pv : le positivisme de Hobbes lui interdit d’envisager de telles
limites. C’est d’ailleurs la critique que fera Locke. « S’en remettre à un pouvoir absolu pour sa
sécurité revient à se fier à des lions pour se protéger des renards et des putois » (Locke)
- Celle de savoir qui va contrôler le souverain : il manque à Hobbes une réflexion sur le régime
et sur l’orga du pv pol. C’est à Montesquieu qui dev le mieux cette idée avec la nécessité
d’orga un équilibre entre les pv afin que le pv arrête le pv.

Oui Hobbes peut être considéré comme l’un des principaux précurseur du libéralisme, mais on ne
peut pas le considérer comme un fondateur dans la mesure où les moyens pol et institutionnels qu’il
a imaginé restent incompatibles avec la pensée libérale. Il peut être considéré comme un libéral au
sens moral (séparation entre morale, éthique, droit et politique), économique (droit de propriété,
libre échange) mais pas au sens pol dans la mesure où il ne défend aucun E de droit et où l’E nait
limité par aucune règle.

SECONDE PARTIE. DE LA CONTESTATION DE L’ABSOLUTISME A LA REVOLUTION


A partir du 17 sans renoncer à l’autonomie du pv souverain, vont contester son carac absolu et penser
les limites de son exercice. Ces critiques de plus en plus forte à mesure que le pv se montrait de plus
en plus absolu iront jusqu’à la révolution.

CHAPITRE 1. SPINOZA OU LA POLITIQUE DE L’IMMANENCE

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