François Rabelais
François Rabelais
François Rabelais
notes et citations
Médecin et écrivain humaniste, né près de Chinon (Indre-et-Loire), 1493-1494 ?, mort à
Paris le 9 avril 1553.
AUX LECTEURS :
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Rabelais fait des etudes dans un monastère, devient moine. Il étudie le grec et le
latin. La Sorbonne prétend étudier l’ étude du grec :ses livres de grec sont confisqués.
Les relations de Rabelais avec l’ Eglise sont conflictuelles, même si en 1551 il obtient la
cure de Meudon. Rabelais est un fervent partisan de l’«Évangélisme». Ce mouvement
humaniste veut épurer la religion catholique et s’oppose aux ambitions temporelles des
papes. Il proclame la nécessité de prendre l’Écriture comme seul fondement du
christianisme. Lefevre d’ Etaples a traduit le Nouveau Testament en français.
Il déclare que « le bon prince doit être pacifique » et doit faire passer les intérêts
du peuple avant tout.
Le thélémisme
La morale de Rabelais se résume tout entière dans le principe de Thélème : Fais ce que
voudras. Puisque la nature est bonne, aucune manifestation de la nature ne saurait
être mauvaise (du moins « chez gens libérés, bien nés, bien instruits, conversant en
compagnies honnêtes ») : la nature veut toujours ce qui doit être, quand elle n’est ni
déviée ni comprimée. Le pantagruélisme consistera donc à débrider toutes les forces de
l’être et à les satisfaire aussi complètement que possible.
Il faut donc voir dans les règles morales que les Thélémîtes s’imposent librement eux-
mêmes une profession de foi humaniste et la solennelle proclamation de l’idéal humain
de la Renaissance.
Pantagruel
Le fils de Gargantua, Pantagruel, un géant, est le héros de cette farce éclairée qui
oppose le Moyen Âge obscurantiste et l’extension des savoirs de la Renaissance. Mieux
que quiconque, Rabelais érige un manifeste culte de l'Humanisme en signant cette
oeuvre.
Plaidoyer pour une culture humaniste contre les lourdeurs d’un enseignement
sorbonnard figé, Gargantua est aussi un roman plein de verve, d’une grande richesse
lexicale, et d’une écriture souvent crue, volontiers scatologique.
L’ouvrage se donne comme une oeuvre humaniste à l’adresse des gens « studieux et
savants ». L’abondance des citations latines notamment et des références, suffit à
confirmer ce caractère. C’est aussi un livre comique. Il laisse place à l’humour, à l’esprit
et au rire de l’âme. Il se fait l’écho des débats médicaux, juridiques, moraux et
religieux de son temps, en s’interrogeant sur la question du mariage, à travers le
personnage de Panurge.
« Maintenant toutes les disciplines sont restituées, les langues établies. Le grec,
sans lequel c'est une honte de se dire savant, l'hébreu, le chaldéen, le latin. Des
impressions si élégantes et si correctes sont en usage, elles qui ont été inventées de mon
temps par inspiration divine, comme, à l'inverse, l'artillerie l'a été par suggestion
diabolique.
Même les femmes et filles ont aspiré à cette louange et à cette manne céleste de
la bonne science. Si bien qu'à mon âge j'ai été obligé d'apprendre le grec, non que je
l'aie méprisé comme Caton, mais je n'avais pas eu la possibilité de l'apprendre en mon
jeune âge ; et volontiers je me délecte à lire les Traités moraux de Plutarque, les beaux
dialogues de Platon, les Monuments de Pausanias et les Antiquités d'Athénée, en
attendant l'heure qu'il plaise à Dieu mon créateur de m'appeler et ordonner de sortir de
cette terre. C'est pourquoi, mon fils, je t'engage à employer ta jeunesse à bien
progresser en savoir et en vertu.
Qu'il n'y ait pas d'étude scientifique que tu ne gardes présente en ta mémoire et
pour cela tu t'aideras de l'Encyclopédie universelle des auteurs qui s'en sont occupés.
Des arts libéraux : géométrie, arithmétique et musique, je t'en ai donné le goût quand tu
étais encore jeune, à cinq ou six ans, continue. De l'astronomie, apprends toutes les
règles, mais laisse-moi l'astrologie et l'art de Lullius comme autant d'abus et de futilités.
Du droit civil, je veux que tu saches par coeur les beaux textes, et que tu me les mettes
en parallèle avec la philosophie.
Et quant à la connaissance de la nature, je veux que tu t'y donnes avec soin : qu’ il
n'y ait mer, rivière, ni source dont tu ignores les poissons ; tous les oiseaux du ciel, tous
les arbres, arbustes, et les buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les
métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tous les pays de l'Orient et du
midi, que rien ne te soit inconnu.
Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans
mépriser les Talmudistes et les Cabalistes, et, par de fréquentes dissections, acquiers une
connaissance parfaite de l'autre monde qu'est l'homme.
Et quelques heures par jour commence à lire l'Écriture sainte : d'abord le Nouveau
Testament et les Épîtres des apôtres, écrits en grec, puis l'Ancien Testament, écrit en
hébreu.
En somme, que je voie en toi un abîme de science car, maintenant que tu deviens
homme et te fais grand, il te faudra quitter la tranquillité et le repos de l'étude pour
apprendre la chevalerie et les armes afin de défendre ma maison, et de secourir nos amis
dans toutes leurs difficultés causées par les assauts des malfaiteurs. Et je veux que,
bientôt, tu mesures tes progrès ; cela, tu ne pourras pas mieux le faire qu'en soutenant
des discussions publiques, sur tous les sujets, envers et contre tous, et qu'en fréquentant
les gens lettrés tant à Paris qu'ailleurs.
Mais – parce que, selon le sage Salomon, Sagesse n'entre pas en âme malveillante
et que Science sans Conscience n'est que ruine de l'âme – tu dois servir, aimer et
craindre Dieu, et mettre en lui toutes tes pensées et tout ton espoir ; et par une foi
nourrie de charité, tu dois être uni à lui, en sorte que tu n'en sois jamais séparé par le
péché. Méfie-toi des abus du monde ; ne prends pas à cour les futilités, car cette vie est
transitoire, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Sois serviable pour tes
prochains, et aime-les comme toi-même. Révère tes précepteurs. Fuis la compagnie de
ceux à qui tu ne veux pas ressembler, et ne reçois pas en vain les grâces que Dieu t'a
données.
Et, quand tu t'apercevras que tu as acquis tout le savoir humain, reviens vers moi,
afin que je te voie et que je te donne ma bénédiction avant de mourir.
Mon fils, que la paix et la grâce de Notre Seigneur soient avec toi.
Amen.
Lors du conflit avec son voisin Picrochole, Pantagruel écrit à Gargantua pour lui expliquer
la situation, et c’est une excellente leçon pour savoir comment le politique doit faire face
à la guerre. (**).
« Le caractère fervent de tes études aurait requis que je n’eusse pas à interrompre de
longtemps ce loisir studieusement philosophique, si je n’étais à présent arraché au repos
de ma vieillesse, à cause de la confiance que nous avions en nos amis et alliés de longue
date. Mais puisqu’un destin fatal veut que je sois inquiété par ceux en qui je me fiais le
plus, force m’est de te rappeler pour secourir les gens et les biens qui sont confiés à tes
mains par droit naturel. » (…) « Car de même que les armes défensives sont de faible
secours au-dehors si la volonté n’est en la maison, vains sont les études et inutile la
volonté qui (…) ne passent pas à exécution en temps opportun et ne sont pas conduits
jusqu’à leur réalisation. » (…) « Mon intention n’est pas de provoquer, mais d’apaiser, ni
d’attaquer mais de défendre, ni de conquérir mais de garder mes loyaux sujets et mes
terres héréditaires sur lesquelles, sans cause ni raison, est entré Picrochole qui poursuit
chaque jour son entreprise démente et ses excès intolérables pour des personnes éprises
de liberté. » (…) « Je me suis mis en devoir de modérer sa rage tyrannique, de lui offrir
tout ce que je pensais susceptible de lui faire plaisir ; (…) Mais je n’ai eu d’autre réponse
de lui qu’une volonté de me défier et une prétention au droit de regard sur mes terres.
Cela m’a convaincu que Dieu l’Eternel l’a abandonné à la gouverne de son libre arbitre et
de sa propre raison. Sa conduite ne peut qu’être mauvaise si elle n’est continuellement
éclairée par la grâce de Dieu qui me l’a envoyé ici sous de mauvais auspices pour le
maintenir dans le sentiment du devoir et le ramener à la sagesse. » (…) « Ainsi, mon fils
bien aimé, quand tu auras lu cette lettre, et le plus tôt possible, reviens en hâte pour
secourir non pas tant moi-même (…) que les tiens que tu peux à bon droit sauver et
protéger. Le résultat sera atteint en répandant le moins de sang possible et, si c’est
réalisable, grâce à des moyens plus efficaces, des pièges et des ruses de guerre, nous
sauverons toutes les âmes et renverrons tout ce monde joyeux en ses demeures. »
Les Thélémîtes
Toute leur vie était gouvernée non par des lois, des statuts ou des règles, mais
selon leur volonté et leur libre arbitre. Ils se levaient du lit quand bon leur semblait,
buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand le désir leur en venait ; personne ne
les éveillait, personne ne les forçait à boire, à manger, ou à faire quoi que ce soit. Ainsi
avait décidé Gargantua. Et leur règle se limitait à cette clause :
Parce que les gens libres, bien nés, bien éduqués, conversant en bonne
compagnie, ont naturellement un instinct et un aiguillon qu’ils appellent honneur, qui les
pousse à agir vertueusement et à fuir le vice. Lorsqu’ils sont affaiblis et asservis par une
vile sujétion et une contrainte, ils utilisent ce noble penchant, par lequel ils aspiraient à la
vertu, pour se défaire du joug de la servitude : car nous entreprenons toujours ce qui est
défendu et convoitons ce qui nous est refusé.
1 – Titre du l’oeuvre ? A l’aide du chapeau, dites qui sont Gargantua et Jean. Qu’ont-ils
fait ?
2 – Pourquoi Gargantua offre-t-il une abbaye à Jean ? Que demande précisément Jean ?
3 – Qui sont les Thélémîtes ? Par quelle règle sont –ils gouvernés ? Pourquoi Rabelais a-
t-il choisi d’écrire cette règle en majuscule ?
• asservi par une vile sujétion : dominé par une dépendance indigne.