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De La Demonialite Des Animaux I

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The Project Gutenberg EBook of De la démonialité des animaux incubes et

succubes, by Louis Marie Sinistrari d'Ameno

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almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.org/license

Title: De la démonialité des animaux incubes et succubes

Author: Louis Marie Sinistrari d'Ameno

Translator: Isidore Liseux

Release Date: September 10, 2013 [EBook #43686]

Language: French

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK DE LA DÉMONIALITÉ DES ***

Produced by Laurent Vogel, Ian Swainson and the Online


Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
book was produced from scanned images of public domain
material from the Google Print project.)

DE LA
DÉMONIALITÉ

DE LA
Démonialité
ET DES ANIMAUX
INCUBES ET SUCCUBES
où l'on prouve qu'il existe sur terre des créatures
raisonnables autres que l'homme, ayant comme lui
un corps et une âme, naissant et mourant comme
lui, rachetées par N. S. Jésus-Christ et capables
de salut ou de damnation,
Par le R. P.
SINISTRARI D'AMENO
Louis Marie
de l'Ordre des Mineurs Réformés de l'étroite Observance
de Saint-François (XVIIe siècle)
Publié d'après le Manuscrit original découvert
à Londres en 1872 et traduit du Latin par
ISIDORE LISEUX
SECONDE ÉDITION
PARIS
Isidore LISEUX, 5, Rue Scribe
1876

La première édition de cet ouvrage, publiée il y a quelques mois à peine, est aujourd'hui épuisée.
En le réimprimant, l'Éditeur est heureux de pouvoir remercier les lecteurs d'élite qui ont si favorablement accueilli, dès son apparition, le chef-d'œuvre
du Père Sinistrari. Comme il fallait s'y attendre, une bonne part de ces remercîments revient au Clergé catholique: avec leur perspicacité habituelle, les
Ecclésiastiques réguliers et séculiers ont compris ce qu'un tel livre ajoutait d'éclat à l'enseignement de l'Église Romaine; leur concours seul devait suffire
pour en assurer le succès.
Mais ce qui a le plus touché l'Éditeur, il l'avoue ingénument, c'est le témoignage tout spontané de satisfaction qui lui a été adressé par l'un des
supérieurs de l'Ordre même auquel appartenait son auteur, par le R. P. Provincial des Capucins pour la province de P..... On trouvera à la fin du volume
la lettre du Révérend Père A.....: elle est de nature à éclairer les personnes défiantes qui, ne voulant croire à la sincérité de cette publication, avaient osé
formuler leurs soupçons par le vilain mot de «facétie bibliographique». Ces hommes de peu de foi sont excusables peut-être de ne pas pousser le
Christianisme jusqu'à dire avec Saint Augustin, Credo quia absurdum: ils devraient au moins ne pas se montrer plus incrédules que la sagesse payenne, et
observer avec Horace qu'il ne faut s'étonner de rien, nil admirari.
Mai 1876.
AVANT-PROPOS
DE LA PREMIÈRE ÉDITION (Paris, 1875)

J'étais à Londres en l'année 1872, et j'y bouquinais,


Car que faire là-bas, à moins qu'on ne bouquine?
Les vieux livres me faisaient vivre dans les âges passés, heureux d'échapper au présent, d'échanger les petites passions du jour contre la tranquille intimité
des Alde, des Dolet ou des Estienne.
Un de mes libraires favoris était M. Allen, respectable vieillard, établi dans l'Euston Road, presque à la porte de Regent's Park. Non que sa boutique fût
particulièrement riche en bouquins poudreux: au contraire, elle était fort petite, et cependant jamais remplie. A peine quatre ou cinq cents volumes à la fois,
bien époussetés, bien luisants, rangés avec symétrie sur des rayons à portée de la main; ceux du haut restaient vides. A droite, la Théologie; à gauche, les
Classiques Grecs et Latins, en majorité, avec quelques livres Français et Italiens; car telles étaient les spécialités de M. Allen: on eût dit qu'il ignorait
absolument Shakespeare et Byron, et que la littérature de sa nation n'allait pas pour lui au delà des sermons de Blair ou de Macculloch.
Ce qui, au premier coup d'œil, frappait dans ces livres, c'était la modicité de leur prix, comparée à leur excellent état de conservation. Évidemment ils
n'avaient pas été achetés au tas, au mètre cube, comme les rebuts des ventes publiques, et pourtant les plus beaux, les plus anciens, les plus vénérables par
leur format, in-folio ou in-quarto, n'étaient pas cotés plus de 2 à 3 shillings; les in-octavo se vendaient 1 shilling, les in-douze six pence: chacun suivant sa
taille. Ainsi le décidait M. Allen, homme méthodique s'il en fut, et bien il s'en trouvait, car sa clientèle de clergymen, de scholars et de collectors lui restant
fidèle, son stock se renouvelait avec une rapidité que des spéculateurs plus prétentieux eussent peut-être enviée.
Mais comment se procurait-il ces volumes bien reliés et bien conservés, qui, partout ailleurs, eussent été cotés cinq ou six fois plus cher? Ici, encore, M.
Allen avait sa méthode, sûre et régulière. Personne ne suivait plus assidûment que lui les ventes publiques qui se font chaque jour à Londres: sa place était
marquée au bas du pupitre de l'auctioneer. Les livres les plus rares, les plus précieux, passaient devant lui, disputés à des prix souvent fabuleux par les
Quaritch, les Sotheran, les Pickering, les Toovey, et autres bibliopoles de la capitale Britannique; M. Allen souriait de ces folies: une fois l'enchère mise par
tout autre, il n'eût pas ajouté un penny, se fût-il agi d'un Gutenberg inconnu ou du Boccace de Valdarfer. Mais si de temps à autre, soit distraction, soit
lassitude, la concurrence des acheteurs faiblissait (habent sua fata libelli), M. Allen était là: six pence! murmurait-il, et parfois l'article lui restait; parfois
même, deux numéros consécutifs, réunis faute de trouver acheteur isolément, lui étaient adjugés, toujours pour ce minimum de six pence, qui était, à lui,
son maximum.
Beaucoup de ces dédaignés méritaient sans doute leur sort; mais il pouvait s'en glisser dans le nombre qui n'étaient pas indignes des honneurs du
catalogue, et que, à tout autre moment, des acheteurs plus attentifs ou moins capricieux eussent peut-être couverts d'or. Ceci, toutefois, n'entrait pour rien
dans les calculs de M. Allen: la seule règle de son estimation, c'était le format.
Or, un jour qu'à la suite d'une vente publique considérable, il avait exhibé dans sa boutique des achats plus nombreux que d'ordinaire, je remarquai
spécialement quelques Manuscrits en langue Latine, dont le papier, l'écriture, la reliure, dénotaient une origine Italienne, et qui pouvaient avoir deux cents
ans d'existence. L'un avait pour titre, je crois: De Venenis, un autre: De Viperis, un troisième (c'est le présent ouvrage): De Dæmonialitate, et Incubis, et
Succubis. Tous trois, d'ailleurs, d'auteurs différents, et indépendants l'un de l'autre. Poisons, vipères, démons, que d'horreurs réunies! pourtant, ne fût-ce que
par politesse, il fallait acheter quelque chose; après un peu d'hésitation, ce fut le dernier que je choisis: Démons il est vrai, mais Incubes, mais Succubes, le
sujet n'est pas vulgaire, et moins vulgaire encore était la façon dont il me semblait traité. Bref, j'eus le volume pour six pence (63 centimes), un prix de
faveur pour un in-quarto: M. Allen jugeait sans doute ce gribouillage au-dessous du tarif de la lettre moulée.
Ce manuscrit, en papier fort du XVIIe siècle, relié en parchemin d'Italie, et d'une conservation parfaite, a 86 pages de texte. Le titre et la première page
sont de la main de l'auteur, une écriture de vieillard; le reste est fort nettement écrit par une autre main, mais sous sa direction, comme en témoignent des
additions et rectifications autographes répandues dans tout le corps de l'ouvrage. C'est donc bien le Manuscrit original, selon toute apparence unique et
inédit.
Notre bouquiniste avait fait cette acquisition quelques jours auparavant à la salle Sotheby, où avait eu lieu (du 6 au 16 Décembre 1871) la vente des
livres du baron Seymour Kirkup, collectionneur Anglais, mort à Florence. Le Manuscrit était ainsi indiqué dans le Catalogue de la vente:
No 145. AMENO (R. P. Ludovicus Maria [Cotta] de). De Dæmonialitate, et Incubis, et Succubis, Manuscript. Sæc. XVII–XVIII.

Quel est cet écrivain? a-t-il laissé des ouvrages imprimés? c'est une question que j'abandonne aux bibliographes, car, malgré de nombreuses recherches
dans les Dictionnaires spéciaux, je n'ai rien pu apprendre à cet égard. Brunet (Manuel du libraire, art. COTTA d'Ameno) soupçonne vaguement son
existence, mais il le confond avec son homonyme, et sans doute aussi son compatriote, Lazaro Agostino Cotta d'Ameno, avocat et littérateur Novarais.
«L'auteur», dit-il, «dont, à ce qu'il paraît, les véritables prénoms seraient Ludovico-Maria, a écrit plusieurs ouvrages sérieux...» L'erreur est évidente. Ce qui
est certain, c'est que notre auteur vivait dans les dernières années du XVIIe siècle, comme il résulte de son propre témoignage, et qu'il avait professé la
théologie à Pavie.
Quoi qu'il en soit, son livre m'a paru très-intéressant à divers points de vue, et je le donne en toute confiance à ce public choisi, pour qui le monde
invisible n'est pas une chimère. Je serais fort étonné qu'après l'avoir ouvert à une page quelconque, on ne fût pas tenté de revenir sur ses pas et d'aller
jusqu'au bout. Le philosophe, le confesseur, le médecin, y trouveront, avec la foi robuste du Moyen-âge, des aperçus neufs et ingénieux; le lettré, le curieux
apprécieront la solidité du raisonnement, la clarté du style, la gaîté des récits (car il y a des historiettes, et finement contées). Tous les théologiens ont
consacré plus ou moins de pages à la question des rapports matériels de l'homme avec le démon; de gros volumes ont été écrits sur la sorcellerie, et le
mérite de ce travail serait assez mince s'il se bornait à développer la thèse ordinaire; mais tel n'est pas son caractère. Le fond de l'ouvrage, ce qui lui donne
un cachet vraiment original et philosophique, c'est la démonstration toute nouvelle de l'existence des Incubes et des Succubes en tant qu'animaux
raisonnables, corporels à la fois et spirituels comme nous, vivant au milieu de nous, naissant et mourant comme nous, comme nous enfin rachetés par les
mérites de Jésus-Christ et capables de salut ou de damnation. Pour le Père d'Ameno, ces créatures douées de sens et de raison, entièrement distinctes des
Anges ou des Démons purs esprits, ne sont autres que les Faunes, les Sylvains, les Satyres du paganisme, continués par nos Sylphes, nos Lutins, nos
Follets; et ainsi se trouve renouée la chaîne des croyances. A ce titre seulement, et sans parler de l'intérêt des détails, ce livre appellerait l'attention des
lecteurs sérieux: je suis persuadé qu'elle ne lui fera pas défaut.
I. L.
Mai 1875.

L'Avertissement qui précède était composé à l'imprimerie et prêt à mettre sous presse, lorsque, en me promenant sur les quais, je rencontrai par hasard
un exemplaire de l'Index librorum prohibitorum. Machinalement je l'ouvris, et la première chose qui me tomba sous les yeux fut l'article suivant:
de Ameno Ludovicus Maria. Vide Sinistrari.

Mon cœur battait très-fort, je l'avoue. Étais-je enfin sur la trace de mon auteur? était-ce la Démonialité que j'allais voir clouée au pilori de l'Index? Je
courus aux dernières pages du redoutable volume, et je lus:
SINISTRARI (Ludovicus Maria) de Ameno, De Delictis et Pœnis Tractatus absolutissimus. Donec corrigatur. Decr. 4 Martii 1709.

Correctus autem juxta editionem Romanam anni 1753 permittitur.

C'était bien lui. Le vrai nom du Père d'Ameno était Sinistrari, et je possédais le titre d'un au moins de ces «ouvrages sérieux» auxquels le bibliographe
Brunet faisait allusion. Ce titre même, De Delictis et Pœnis, n'était pas sans rapport avec celui de mon Manuscrit, et j'avais lieu de supposer que la
Démonialité était au nombre des délits examinés et jugés par le Père Sinistrari: en d'autres termes, ce manuscrit, en apparence inédit, se trouvait peut-être
publié dans le volumineux ouvrage qui m'était révélé; peut-être encore était-ce à cette monographie de la Démonialité que le Tractatus de Delictis et Pœnis
devait sa condamnation par la Congrégation de l'Index. Tous ces points étaient à vérifier.
Mais il faut avoir tenté des investigations de ce genre pour en connaître les difficultés. J'interrogeai les Catalogues de livres anciens qui me tombèrent
sous la main; je fouillai les arrière-boutiques des bouquinistes, des antiquaires, comme on dit en Allemagne, m'adressant particulièrement aux deux ou trois
maisons qui exploitent à Paris la vieille Théologie; j'écrivis aux principaux libraires de Londres, de Milan, de Florence, de Rome, de Naples: le tout sans
résultat; le nom même du P. Sinistrari d'Ameno semblait inconnu. J'aurais dû sans doute commencer par une enquête à notre Bibliothèque Nationale; force
me fut d'y recourir, et là du moins j'eus un commencement de satisfaction. On me présenta deux ouvrages de mon auteur: un in-4o de 1704, De
Incorrigibilium expulsione ab Ordinibus Regularibus, et le premier tome d'une collection de ses Œuvres complètes: R. P. Ludovici Mariæ Sinistrari de
Ameno Opera omnia (Romæ, in domo Caroli Giannini, 1753–1754, 3 vol. in-folio). Malheureusement ce premier tome ne contenait que la Practica
Criminalis Minorum illustrata: le De Delictis et Pœnis faisait l'objet du tome troisième, et ce dernier volume, aussi bien que le second, manquait à la
Bibliothèque.
J'avais cependant un renseignement positif, et je continuai mes recherches. Peut-être serais-je plus heureux à la Bibliothèque du Séminaire de Saint-
Sulpice. Elle n'est pas publique, il est vrai, mais les Pères Sulpiciens sont hospitaliers: n'ont-ils pas jadis donné asile à Des Grieux repentant, et Manon
Lescaut elle-même n'a-t-elle pas foulé les dalles de leur parloir? J'osai donc m'aventurer dans cette sainte Maison; il était midi et demi, le dîner finissait; je
demandai le bibliothécaire, et au bout de quelques minutes, je vis venir à moi un petit vieillard d'une politesse irréprochable, lequel me fit traverser le
parloir commun pour m'introduire dans un autre beaucoup plus étroit, une simple cellule donnant sur un corridor, vitrée dans toute sa largeur et ouverte
ainsi à tous les yeux. Précaution ingénieuse dont l'évasion de Des Grieux avait bien montré l'urgence. Ce ne fut pas sans peine que je fis comprendre au bon
père, qui était sourd et myope, le but de ma visite. Il me laissa pour se rendre à la bibliothèque, et revint bientôt, mais les mains vides: là aussi, dans ce
sanctuaire de la Théologie Catholique, le Père Sinistrari d'Ameno était entièrement ignoré. Je n'avais plus qu'une ressource: c'était d'aller trouver ses frères
en Saint François, les Pères Capucins, en leur couvent de la Rue de la Santé! Cruelle extrémité, on en conviendra, car j'avais peu de chance d'y rencontrer
comme ici l'ombre aimable de Manon.
Enfin, une lettre de Milan vint me tirer d'embarras. Le livre introuvable était trouvé; je recevais à la fois la première édition du De Delictis et Pœnis
(Venetiis, apud Hieronymum Albriccium, 1700), et l'édition de Rome, 1754.
C'est un traité complet, tractatus absolutissimus, de tous les crimes, délits, péchés imaginables; mais, hâtons-nous de le dire, dans l'un comme dans
l'autre de ces volumineux in-folio, la Démonialité occupe à peine cinq pages, sans aucune différence de texte entre les deux éditions. Et ces cinq pages ne
sont même pas un résumé de l'ouvrage manuscrit que je donne aujourd'hui au public, elles en comprennent seulement l'exposition et la conclusion (Nos 1 à
27 et 112 à 115). Quant à ce qui fait l'originalité du livre: à savoir, la théorie de ces animaux raisonnables, incubes et succubes, doués comme nous de corps
et d'âme et capables de salut ou de damnation, on l'y chercherait vainement.
Ainsi, après tant d'efforts, j'étais fixé sur tous les points que je m'étais proposé d'élucider: j'avais découvert l'identité du Père d'Ameno;[1] la
comparaison des deux éditions du De Delictis et Pœnis, la première condamnée, la seconde permise par la Congrégation de l'Index, m'avait appris que les
fragments imprimés de la Démonialité n'étaient pour rien dans la condamnation du livre, puisqu'ils n'avaient subi aucune correction; enfin, j'étais arrivé à la
conviction que, sauf pour quelques pages, mon Manuscrit était absolument inédit. Heureuse terminaison de cette Odyssée bibliographique, qu'on me
pardonnera d'avoir contée tout au long «pour l'esbattement» des Bibliophiles «et non aultres».
I. L.
Août 1875.
NOTE
[1] Voir la notice biographique à la fin de ce volume.
DÉMONIALITÉ
ou
INCUBES ET SUCCUBES
DÆMONIALITAS DÉMONIALITÉ

Vocabulum Dæmonialitatis primo inventum reperio a Jo. Caramuele Le premier auteur qui, à ma connaissance, ait imaginé le mot de Démonialité, est
in sua Theologia fundamentali, nec ante illum inveni Auctorem, qui de Jean Caramuel, dans sa Théologie fondamentale, et personne avant lui ne me
hoc crimine tanquam distincto a Bestialitate locutus sit. Omnes enim paraît avoir distingué ce crime de celui de Bestialité. En effet, tous les
Theologi Morales, secuti D. Thomam, 2.2., q. 154. in corp., sub specie Théologiens Moralistes, à la suite de S. Thomas (2, 2, question 154),
Bestialitatis recensent omnem concubitum cum re non ejusdem comprennent, sous le titre spécifique de Bestialité, «toute sorte de commerce
speciei, ut ibi loquitur D. Thomas, et proinde Cajetanus, in charnel avec un objet quelconque d'espèce différente»: ce sont les propres
Commentario illius quæstionis et articuli, 2.2., q. 154., ad 3. dub., termes de S. Thomas. Cajetan, par exemple, dans son Commentaire sur cette
coitum cum Dæmone ponit in specie Bestialitatis; et Cajetanum question, classe le commerce avec le Démon dans l'espèce de Bestialité; de
sequitur Silvester, vo Luxuria, Bonacina, de Matrim., q. 4., et alii. même Sylvestre, au mot Luxuria, Bonacina, de Matrimonio, question 4, et les
autres.

2. Sed revera D. Thomas in illo loco considerationem non habuit 2. Cependant il est certain que S. Thomas, dans le passage en question, n'a eu
ad coitum cum Dæmone: ut enim infra probabimus, hic coitus non nullement en vue le commerce avec le Démon. Comme je le prouverai plus loin,
potest in specie specialissima Bestialitatis comprehendi; et ut veritati ce commerce ne peut être compris dans l'espèce très-spéciale de la Bestialité; et,
cohæreat sententia S. Doctoris, dicendum est, quod in citato loco, pour faire cadrer avec le vrai cette sentence du saint Docteur, il faut admettre
quando ait, quod peccatum contra naturam, alio modo si fiat per qu'en disant du péché contre nature, que «lorsqu'il se commet par commerce
concubitum ad rem non ejusdem speciei vocatur Bestialitas: sub avec un objet d'espèce différente, il prend le nom de Bestialité», sous cette
nomine rei non ejusdem speciei intellexerit animal vivens, non dénomination d'objet d'espèce différente, S. Thomas entend désigner un animal
ejusdem speciei cum homine: non enim usurpare potuit ibi nomen rei vivant, d'une autre espèce que l'homme; car il n'a pu employer ici le mot objet ou
pro re, puta, ente communi ad animatum et inanimatum: si enim quis chose dans son sens le plus général, pour exprimer indifféremment un être animé
coiret cum cadavere humano, concubitum haberet ad rem non ejusdem ou inanimé. Qu'un homme, en effet, s'avise de forniquer cum cadavere humano,
speciei cum homine (maxime apud Thomistas, qui formam il aura affaire à un objet d'une autre espèce que lui (surtout pour les Thomistes,
corporeitatis humanæ negant in cadavere), quod etiam esset si qui refusent au cadavre la forme de corporéité humaine); même chose si
cadaveri bestiali copularetur; et tamen talis coitus non esset cadaveri bestiali copularetur; et pourtant talis coitus ne sera pas bestialité, mais
bestialitas, sed mollities. Voluit igitur ibi D. Thomas præcise pollution ou mollesse. Ce que S. Thomas a donc voulu préciser ici, c'est le
intelligere concubitum cum re vivente non ejusdem speciei cum commerce charnel avec un objet vivant d'une autre espèce que l'homme, c'est-à-
homine, hoc est cum bruto, nullo autem modo comprehendere voluit dire avec une bête, et il n'a pas songé le moins du monde au commerce avec le
coitum cum Dæmone. Démon.
3. Coitus igitur cum Dæmone, sive Incubo, sive Succubo (qui 3. Donc, le commerce avec le Démon, soit Incube, soit Succube (qui est
proprie est Dæmonialitas), specie differt a Bestialitate, nec cum ea proprement Démonialité), diffère en espèce de la Bestialité, et ne saurait être
facit unam speciem specialissimam, ut opinatus est Cajetanus: peccata confondu avec ce dernier crime, comme le pense à tort Cajetan, sous la
enim contra naturam specie inter se distingui contra opinionem qualification d'espèce très-spéciale; car, malgré qu'en aient dit quelques Anciens,
nonnullorum Antiquorum, et Caramuelis, Summ. Armill., v. Luxur. n. et après eux Caramuel, dans sa Théologie fondamentale, les péchés contre nature
5., Jabien., eo. v. n. 6., Asten. lib. 2. tit. 46. art. 7., Caram. Theol. sont entre eux d'espèce bien distincte. C'est du moins la doctrine générale, et
fundam. post Filliucium, et Crespinum a Borgia, est opinio communis; l'opinion contraire a été condamnée par Alexandre VII: d'abord, parce que
et contraria est damnata in proposit. 24. ex damnatis ab Alexandro chacun de ces péchés porte avec lui sa turpitude particulière et distincte,
VII.; tum quia singula continent peculiarem, et distinctam contraire à la chasteté et à la génération humaine; ensuite, parce qu'en le
turpitudinem repugnantem castitati, et humanæ generationi; tum quia commettant, on sacrifie chaque fois quelque avantage naturellement attaché à
quodlibet ex iis privat bono aliquo secundum naturam, et institutionem l'institution de l'acte vénérien, lequel a pour but normal la génération humaine;
actus venerei, ordinati ad finem generationis humanæ; tum quia enfin, parce que tous ont un motif différent, mais suffisant en soi pour produire
quodlibet ipsorum habet diversum motivum, per se sufficiens ad de diverses manières la privation du même bien, comme, le déduisent
privandum eodem bono diversimode, ut optime philosophatur Filliuc., excellemment Filliucius, Crespin et Caramuel.
tom. 2. c. 8. tract. 30. qu. 3. no 142.; Cresp., q. mor. sel. contro.;
Caramuel. q. 5. per tot.
4. Ex his autem infertur, quod etiam Dæmonialitas specie differt a 4. Il suit de là que la Démonialité diffère en espèce de la Bestialité, car
Bestialitate: singula enim ipsarum peculiarem, et distinctam chacune d'elles a sa turpitude particulière et distincte, contraire à la chasteté et à
turpitudinem castitati, ac humanæ generationi repugnantem involvit; la génération humaine. La Bestialité est l'union avec une bête vivante, douée de
siquidem Bestialitas est copula cum bruto vivente, ac sensibus et motu sentiments et de mouvements qui lui sont propres: la Démonialité, au contraire,
proprio prædito: Dæmonialitas autem est commixtio cum cadavere est la copulation avec un cadavre (au moins d'après la doctrine générale, que
(stando in sententia communi, quam infra examinabimus), nec sensum, j'examinerai ci-après), lequel cadavre n'a ni sentiment ni mouvement, et ne se
nec motum vitalem habente; et per accidens est, quod a Dæmone trouve mû qu'accidentellement, par un artifice du Démon. Or, si la fornication
moveatur. Quod si immunditia commissa cum brutali cadavere, vel commise avec un cadavre d'homme, de femme ou de bête, diffère en espèce de
humano, differt specie a Sodomia et Bestialitate, ab ista differt pariter la Sodomie et de la Bestialité, la même différence existe pour la Démonialité
specie etiam Dæmonialitas, in qua, juxta communem sententiam, homo qui, dans l'opinion commune, est le commerce de l'homme avec un cadavre mû
cum cadavere concumbit accidentaliter moto. accidentellement.
5. Et confirmatur: quia in peccatis contra naturam, seminatio 5. Autre preuve: dans les péchés contre nature, la sémination anti-naturelle
innaturalis (hoc est, ea ad quam regulariter non potest sequi (c'est-à-dire qui ne peut être régulièrement suivie de génération) constitue un
generatio) habet rationem generis; subjectum vero talis seminationis genre; mais le sujet de cette sémination est la différence qui constitue les espèces
est differentia constituens species sub tali genere, unde si seminatio classées sous le genre. Ainsi, que la sémination ait lieu sur la terre, ou sur un
fiat in terram, aut corpus inanime, est mollities: si fiat cum homine in corps inanimé, c'est pollution; qu'elle s'opère cum homine in vase præpostero,
vase præpostero, est Sodomia; si fiat cum bruto, est bestialitas; quæ c'est Sodomie; avec une bête, c'est bestialité: tous crimes qui, sans contredit,
absque controversia inter se specie differunt, eo quod terra, seu diffèrent en espèce entre eux, par la même raison que la terre, le cadavre,
cadaver, homo, et brutum, quæ sunt subjecta talis seminationis, specie l'homme et la bête, sujets passifs talis seminationis, sont entre eux d'espèce
differunt inter se. Sed Dæmon a bruto non solum differt specie, sed différente. Mais la différence du Démon avec la bête n'est pas seulement
plusquam specie: differunt enim per corporeum, et incorporeum, quæ spécifique, elle est plus que spécifique: la nature de l'une est corporelle, l'autre
sunt differentiæ genericæ. Sequitur ergo quod seminationes factæ cum incorporelle, ce qui établit une différence générique. D'où il suit quod
aliis differunt inter se specie, quod est intentum. seminationes pratiquées sur des sujets différents diffèrent en espèce entre elles;
ce qu'il fallait démontrer.
6. Pariter, trita est doctrina Moralistarum fundata in Tridentino, 6. J'invoquerai encore la doctrine bien connue des Moralistes, établie dans le
sess. 14. c. 5. D. Th. in 4. dist. 16. q. 3. art. 2., Vasquez, q. 91. art. 1. Concile de Trente, session 14, et admise par les Théologiens, à savoir: que, dans
dub. 2. n. 6., Reginald. Valenz. Medin. Zerola. Pesant. Sajir. Sott. la confession, il suffit d'énoncer les circonstances qui modifient l'espèce des
Pitig. Henriquez apud Bonac. de Sac. disp. 5. q. 5. sect. 2. punct. 2. § péchés. Si donc la Démonialité et la Bestialité sont d'une même espèce très-
3. diffic. 3. n. 5., et tradita per Theologos, quod in confessione spéciale, il suffira au pénitent, chaque fois qu'il aura forniqué avec le Démon, de
manifestandæ sint tantum circumstantiæ quæ mutant speciem dire à son confesseur: J'ai commis le péché de Bestialité. Or, ceci est faux: donc
peccatorum. Si igitur Dæmonialitas et Bestialitas sunt ejusdem speciei ces deux péchés ne sont pas de même espèce très-spéciale.
specialissimæ, sufficit in confessione dicere: Bestialitatis peccatum
commisi, quantumvis confitens cum Dæmone concubuerit. Hoc autem
falsum est: igitur non sunt ejusdem speciei specialissimæ.
7. Quod si dicatur, aperiendum esse in confessione circumstantiam 7. On dira peut-être que si les circonstances du commerce avec le Démon
concubitus cum Dæmone ratione peccati contra Religionem: peccatum doivent être révélées au confesseur, c'est à cause de l'atteinte qu'il porte à la
contra Religionem committitur, aut ex cultu, aut ex reverentia, aut ex Religion; cette atteinte résulte, en effet, soit du culte rendu au Démon, soit des
deprecatione, aut ex pacto, aut ex societate cum Dæmone (D. Thomas, hommages ou des prières qu'on lui adresse, soit du pacte de société conclu avec
2. 2. q. 90. art. 2. et q. 95. art. 4. in corp.); sed, ut infra dicemus, lui (S. Thomas, quest. 90). Mais, comme on le verra dans la suite, il est des
dantur Succubi, et Incubi, quibus nullum prædictorum exhibetur, et Incubes et des Succubes auxquels rien de tout cela ne s'applique, et cependant
tamen copula sequitur: igitur respectu istorum nulla intervenit copula sequitur. Il n'y a donc, dans ce cas spécial, aucun élément d'impiété,
irreligiositas, et commixtio cum istis nullam habebit rationem aucun caractère autre quam puri et simplicis coitus; et, s'il est de même espèce
ulteriorem, quam puri et simplicis coitus, qui, si est ejusdem speciei que la Bestialité, on l'énoncera suffisamment en disant: J'ai commis le péché de
cum Bestialitate, sufficienter exprimetur dicendo: Bestialitatem Bestialité, ce qui est faux.
commisi; quod tamen falsum est.
8. Ulterius in confesso est apud omnes Theologos Morales, quod 8. En outre, de l'aveu de tous les Théologiens Moralistes, copula cum
longe gravior est copula cum Dæmone, quam cum quolibet bruto; in Dæmone est beaucoup plus grave que pareil acte commis avec n'importe quelle
eadem autem specie specialissima peccati non datur unum peccatum bête. Or, dans une même espèce très-spéciale de péché, un péché n'est pas plus
gravius altero, sed omnia æque gravia sunt; perinde enim est coire grave qu'un autre, mais tous sont également graves: c'est même chose d'avoir
cum cane, aut asina, aut equa; sequitur ergo, quod si Dæmonialitas commerce avec une chienne, ou une ânesse, ou une jument; d'où il suit que, si la
est gravior Bestialitate, non sint ambo ejusdem speciei. Nec dicendum Démonialité est plus grave que la Bestialité, ces deux actes ne sont pas de même
gravitatem majorem in Dæmonialitate petendam esse ab espèce. Et qu'on ne prétende pas, comme le fait Cajetan, attribuer plus de gravité
irreligiositate, seu superstitione ex societate cum Dæmone, ut scribit à la Démonialité, à cause de l'outrage que recevrait la Religion du culte rendu au
Cajetanus ad 2. 2. q. 154., ar. 11. § ad 3. in fine, quia hoc fallit in Démon ou du pacte de société conclu avec lui: ceci, en effet, on l'a vu plus haut,
aliquibus Succubis et Incubis, ut supra dictum est; tum quia gravitas ne se rencontre pas toujours dans le commerce de l'homme avec les Incubes et
major statuitur in Dæmonialitate præ Bestialitate, in genere vitii les Succubes; de plus si, dans le genre du péché contre nature, la Démonialité est
contra naturam: major autem gravitas in illa supra istam ratione plus grave que la Bestialité, l'outrage à la Religion n'est pour rien dans cette
irreligiositatis exorbitat ex illo genere, proinde non facit in illo aggravation, puisqu'il est étranger à ce genre lui-même.
genere, et ex se graviorem.
9. Statuta igitur differentia specifica Dæmonialitatis a Bestialitate, 9. Or, ayant établi la différence spécifique de la Démonialité d'avec la
ut gravitas illius percipiatur in ordine ad pœnam de qua principaliter Bestialité, de telle sorte qu'on puisse en apprécier la gravité et déterminer le
nobis tractandum est, est necessarium inquirere quotupliciter degré de pénitence qu'elle mérite (ce qui, pour nous, est le point capital), il nous
Dæmonialitas accidat. Non desunt qui sibi nimis scioli negant quod faut maintenant rechercher de combien de manières différentes ce péché de
gravissimi Auctores scripsere, et quod quotidiana constat experientia, Démonialité peut être commis. Il ne manque pas de gens, trop infatués de leur
Dæmonem scilicet tum Incubum, tum Succubum, non solum petit savoir, qui osent nier ce qu'ont écrit les plus graves Auteurs et ce qu'atteste
hominibus, sed etiam brutis carnaliter conjungi. Aiunt proinde esse l'expérience de chaque jour: à savoir que le Démon, soit Incube, soit Succube,
hominum imaginationem, phantasmatibus a Dæmone perturbatis s'unit charnellement, non-seulement aux hommes ou aux femmes, mais aussi aux
læsam, seu dæmoniaca esse præstigia: sicuti etiam Sagæ, seu Striges, bêtes. A les en croire, tout cela n'a de fondement que dans l'imagination
sola imaginatione perturbata a Dæmone, sibi videntur assistere ludis, humaine, troublée par l'artifice du Démon; ce ne sont que fantasmagories et
choreis, conviviis, et conventibus nocturnis, et carnaliter Dæmoni prestiges diaboliques. Pareille chose, disent-ils, arrive aux Sorcières ou Sagas
commisceri; nullo vero reali modo deferuntur corpore ad ejusmodi qui, sous l'empire d'une illusion produite par le Démon, s'imaginent assister aux
loca, et actiones, prout textualiter dicitur in quodam Capitulo, ac jeux, danses, festins et sabbats nocturnes, et avoir avec le Démon un commerce
duobus Conciliis. Cap. Episcop. 26. q. 5., Conc. Ancyr. c. 24., Conc. charnel, sans y être en réalité présentes ou agissantes de corps, ainsi que l'ont
Rom. 4. sub Damaso, c. 5. apud Laur. Epitom. vo Saga. textuellement défini un Capitule et deux Conciles.
10. Sed non negatur, quin aliquando mulierculæ, illusæ a 10. Mais, sans doute, on ne conteste pas que parfois de jeunes femmes,
Dæmonibus, videantur nocturnis Sagarum ludis corporaliter interesse, trompées par le Démon, se figurent prendre part, en chair et en os, aux sabbats
dum tamen sola imaginaria visione ipsis hoc accidit: sicut etiam in nocturnes des Sorcières, sans qu'il y ait là autre chose qu'une vision imaginaire.
somnis videtur nonnullis cum fœmina aliqua concumbere, et semen C'est ainsi qu'en rêve, on s'imagine assez souvent cum fœmina aliqua
vere excernitur, non tamen concubitus ille realis est, sed tantum concumbere, et semen vere excernitur, non tamen concubitus ille realis est, mais
phantasticus, paratus non raro per illusionem diabolicam; et in hoc seulement fantastique et fréquemment l'œuvre d'une illusion diabolique: en quoi
verissimum est quod habent citatum Capitulum et Concilia. Sed hoc le Capitule et les Conciles ci-dessus cités ont parfaitement raison. Mais ceci n'est
non semper est; sed ut in pluribus, corpore deferuntur Sagæ ad ludos pas toujours le cas; il arrive, au contraire, le plus souvent, que les Sorcières sont
nocturnos, et vere carnaliter corpore conjunguntur Dæmoni, et bien présentes de corps aux sabbats nocturnes, qu'elles ont avec le Démon un
Malefici non minus Dæmoni succubo miscentur, et hæc est sententia commerce parfaitement charnel et corporel, et que tout pareillement les Sorciers
Theologorum, et jure consultorum Catholicorum, quos abunde citat s'accolent au Démon femelle ou succube. C'est là l'opinion des Théologiens
Frater Franciscus Maria Guaccius in suo libro intitulato comme des Jurisconsultes catholiques, qu'on trouvera cités tout au long dans le
Compendium Maleficarum; Grilland. Remig. Petr. Damian. Sylvest. Compendium Maleficarum, ou Répertoire des Sorcières, de Frère François-
Alphon. a Cast. Abul. Cajet. Senon. Crespet. Spine. Anan. apud Marie Guaccius. On y verra cette doctrine confirmée par dix-huit exemples tirés
Guaccium, Comp. Malef., c. 15. § Altera, quam verissimam... n. 69. des récits d'hommes savants et véridiques, dont le témoignage est au-dessus du
lib. p.; quæ sententia confirmatur decem et octo exemplis, ibidem soupçon, et qui prouvent que les Sorciers et Sorcières sont bien présents de corps
allatis et relatis per viros doctos et veridicos de quorum fide aux sabbats, et font bel et bien l'œuvre de chair avec les Démons incubes ou
ambigendum non est, quibus probatur Maleficos et Sagas corporaliter succubes. En définitive, nous avons, pour trancher la question, l'autorité de S.
ad ludos convenire, et cum Dæmonibus succubis et incubis Augustin, lequel, parlant du commerce charnel des hommes avec le Démon,
corporaliter turpissime commisceri. Et pro omnibus sufficere debet s'exprime ainsi au livre 15, chap. 23, de la Cité de Dieu: «C'est une opinion très-
auctoritas Divi Augustini, qui loquens de concubitu hominum cum répandue, et confirmée par les témoignages directs ou indirects de personnes
Dæmonibus, sic ait lib. 15. de Civitate Dei, c. 23.: «Et quoniam absolument dignes de foi, que les Sylvains et les Faunes, vulgairement appelés
creberrima fama est, multique se expertos, vel ab eis qui experti Incubes, ont souvent tourmenté les femmes, sollicité et obtenu d'elles le coït. Il y
essent, de quorum fide dubitandum non est, audivisse confirmant, a même des Démons, nommés par les Gaulois Duses (ou lutins), qui se livrent
Sylvanos et Faunos, quos vulgo Incubos vocant, improbos sæpe très-régulièrement à ces pratiques impures: ceci est attesté par des autorités si
extitisse mulieribus, et earum appetiisse et peregisse concubitum. Et nombreuses et si graves, qu'il y aurait impudence à vouloir le nier.» Tels sont
quosdam Dæmones, quos Dusios Galli nuncupant, hanc assidue les propres termes de S. Augustin.
immunditiam et tentare et efficere, plures talesque asseverant, ut hoc
negare impudentia videatur.» Hæc Augustinus.
11. Prout autem apud diversos Auctores legitur, et pluribus 11. Or divers Auteurs nous enseignent, et leur opinion est confirmée par de
experimentis comprobatur, duplici modo Dæmon hominibus carnaliter nombreuses expériences, que le Démon a deux manières de s'unir charnellement
copulatur: uno modo quo Maleficis et Sagis jungitur, alio modo quo aux hommes ou aux femmes: l'une qu'il emploie à l'égard des Sorciers ou des
aliis hominibus minime maleficis miscetur. Sorcières, l'autre à l'égard d'autres hommes ou femmes parfaitement étrangers à
toute sorcellerie.
12. Quantum ad primum modum, non copulatur Dæmon Sagis, seu 12. Dans le premier cas, le Démon ne s'accole aux Sorcières ou aux Sorciers
Maleficis, nisi præmissa solemni professione, qua iniquissimi homines qu'après une profession solennelle, en vertu de laquelle ces misérables créatures
Dæmoni addicuntur; quæ professio, ut ex variis Auctoribus humaines s'abandonnent à lui. Suivant plusieurs auteurs, qui ont rapporté les
referentibus confessiones Sagarum judiciales in tormentis factas, quas aveux judiciaires arrachés aux Sorcières dans les tortures, et dont les récits ont
collegit Franciscus Maria Guaccius, Comp. Malef., c. 7., lib. 1., été recueillis par François-Marie Guaccius, Compend. Malef., livre Ier, chap. 7,
consistit in undecim ceremoniis. cette profession consiste en onze cérémonies:
13. Primo, ineunt pactum expressum cum Dæmone, aut alio Mago 13. Premièrement, les Novices doivent conclure un pacte exprès avec le
seu Malefico vicem Dæmonis gerente, et testibus præsentibus, de Démon, ou avec quelque autre Sorcier ou Magicien agissant au lieu et place du
servitio diabolico suscipiendo: Dæmon vero viceversa honores, Démon, par quoi, en présence de témoins, ils s'enrôlent au service du Diable. Le
divitias, et carnales delectationes illis pollicetur. Guacc. loc. cit. fol. Démon, de son côté, leur garantit honneurs, richesses et plaisirs charnels.
34.
14. Secundo, abnegant catholicam fidem, subducunt se obedientiæ 14. Deuxièmement, ils abjurent la foi catholique, se soustraient à l'obéissance
Dei, renuntiant Christo, et protectioni Beatissimæ Virginis Mariæ, ac de Dieu, renoncent au Christ et à la protection de la Très-Bienheureuse Vierge
Ecclesiæ omnibus sacramentis. Guacc. loc. cit. Marie, et à tous les Sacrements de l'Église.
15. Tertio, projiciunt a se Coronam, seu Rosarium B. V. M., 15. Troisièmement, ils jettent loin d'eux la Couronne ou le Rosaire de la Très-
Chordam S. P. Francisci, aut Corrigiam S. Augustini, aut Scapulare Bienheureuse Vierge Marie, le Cordon de S. François d'Assise ou la Courroie de
Carmelitarum, si quod habent, Crucem, Medaleas, Agnos Dei, et S. Augustin, ou le Scapulaire des Carmélites, selon qu'ils appartiennent à tel ou
quidquid sacri aut benedicti gestabant, et pedibus ea proculcant. tel ordre, la Croix, les Médailles, les Agnus Dei, enfin tout ce qu'ils pouvaient
Guacc. loc. cit. fol. 35. Grilland. porter de saint ou de bénit, et ils foulent tout cela aux pieds.
16. Quarto, vovent in manibus Diaboli obedientiam, et 16. Quatrièmement, ils jurent entre les mains du Diable obéissance et
subjectionem, eique præstant homagium et vassallagium, tangendo soumission; ils lui rendent hommage et vasselage, les doigts posés sur un certain
quoddam volumen nigerrimum. Spondent, quod nunquam redibunt ad volume très-noir. Ils s'engagent à ne jamais revenir à la foi du Christ, à ne tenir
fidem Christi, nec Dei præcepta servabunt, nec ulla bona opera aucun compte des préceptes divins, à ne faire aucune bonne œuvre, mais à obéir
facient, sed ad sola mandata Dæmonis attendent, et ad conventus au Diable seul, et à fréquenter assidûment les réunions nocturnes.
nocturnos diligenter accedent. Guacc. loc. cit. fol. 36.
17. Quinto, spondent se enixe curaturos, et omni studio ac 17. Cinquièmement, ils promettent de faire tous leurs efforts, d'employer tout
sedulitate procuraturos adducere alios mares et fœminas ad suam leur zèle et tous leurs soins, pour enrôler dans leur secte, au service du Diable,
sectam, et cultum Dæmonis. Guacc. loc. cit. d'autres créatures mâles et femelles.
18. Sexto, baptizantur a Diabolo sacrilego quodam baptismo, et 18. Sixièmement, le Diable leur administre une sorte de baptême sacrilége, et,
abnegatis Patrinis et Matrinis baptismi Christi, et Confirmationis, et après avoir renié les Parrains et Marraines qu'ils ont eus au Baptême du Christ et
nomine, quod sibi fuit primo impositum, a Diabolo sibi assignantur à la Confirmation, ils se font assigner par le Diable un Parrain et une Marraine
Patrinus et Matrina novi, qui ipsos instruant in arte maleficiorum, et nouveaux, chargés de les instruire dans l'art des maléfices; ils quittent le nom
imponitur nomen novum, quod plerumque scurrile est. Guacc. loc. cit. qu'ils portaient avant et en reçoivent un nouveau, qui le plus souvent est un
sobriquet bouffon.
19. Septimo, abscindunt partem propriorum indumentorum, et 19. Septièmement, ils coupent une partie de leurs propres vêtements pour
illam offerunt Diabolo in signum homagii, et Diabolus illam asportat, l'offrir au Diable en signe d'hommage, et le Diable l'emporte et la garde.
et servat. Guacc. loc. cit. fol. 38.
20. Octavo, format Diabolus circulum super terram, et in eo stantes 20. Huitièmement, le Diable trace sur la terre un cercle, et dans ce cercle se
Novitii Malefici et Sagæ firmant juramento omnia, quæ ut dictum est tiennent les Novices, Sorciers et Sorcières, pour y confirmer tous les serments
promiserunt. Guacc. loc. cit. qu'ils ont faits comme il est dit ci-dessus.
21. Nono, petunt a Diabolo deleri a libro Christi, et describi in 21. Neuvièmement, ils demandent au Diable de les rayer du livre du Christ, et
libro suo, et profertur liber nigerrimus, quem tetigerunt præstando de les immatriculer dans le sien. Alors paraît ce livre très-noir qu'ils ont touché
homagium, ut dictum est supra, et ungue Diaboli in eo exarantur. en rendant hommage (voyez plus haut), et dans ce livre ils sont enregistrés par la
Guacc. loc. cit. griffe du Diable.
22. Decimo, promittunt Diabolo statis temporibus sacrificia, et 22. Dixièmement, ils promettent au Diable, à des époques déterminées, des
oblationes; singulis quindecim diebus, vel singulo mense saltem necem sacrifices et des offrandes: tous les quinze jours, ou au moins tous les mois, le
alicujus infantis, aut mortale veneficium, et singulis hebdomadis alia meurtre de quelque enfant, ou un sortilége homicide, et chaque semaine d'autres
mala in damnum humani generis, ut grandines, tempestates, incendia, méfaits au préjudice du genre humain, tels que grêles, tempêtes, incendies,
mortem animalium, etc. Guacc. loc. cit. fol. 40. épizooties, etc.
23. Undecimo, sigillantur a Dæmone aliquo caractere, maxime ii, 23. Onzièmement, ils sont marqués par le Démon de quelque signe, ceux
de quorum constantia dubitat. Caracter vero non est semper ejusdem surtout dont la constance lui est suspecte. Ce signe, du reste, n'est pas toujours
formæ, aut figuræ: aliquando enim est simile lepori, aliquando pedi de même forme ou figure: tantôt c'est l'image d'un lièvre, tantôt une patte de
bufonis, aliquando araneæ, vel catello, vel gliri; imprimitur autem in crapaud, tantôt une araignée, un petit chien, un loir. Il s'imprime dans les
locis corporeis magis occultis: viris quidem aliquando sub palpebris, endroits du corps les plus cachés: chez les hommes, sous les paupières, ou sous
aliquando sub axillis, aut labiis, aut humeris, aut sede ima, aut alibi; l'aisselle, ou sur les lèvres, sur l'épaule, au fondement ou ailleurs; quant aux
mulieribus autem plerumque in mammis, aut locis muliebribus. Porro femmes, c'est généralement aux seins ou aux parties sexuelles. Maintenant, le
sigillum, quo talia signa imprimuntur, est unguis Diaboli. Quibus cachet qui imprime ces marques n'est autre que la griffe du Diable. Tout ceci
peractis ad instructionem Magistrorum qui Novitios initiarunt, hi étant accompli suivant les instructions des Maîtres qui ont initié les Novices, ces
promittunt denuo, se nunquam Eucharistiam adoraturos; injuriosos derniers, pour conclure, promettent de n'adorer jamais l'Eucharistie; d'accabler
Sanctis omnibus, et maxime B. V. M. futuros; conculcaturos ac d'insultes tous les Saints et surtout la Très-Bienheureuse Vierge Marie; de fouler
conspurcaturos Sacras Imagines, Crucem, ac Sanctorum Reliquias; aux pieds et vilipender les Saintes Images, la Croix et les Reliques des Saints; de
nunquam usuros Sacramentis, aut sacramentalibus, nisi ad maleficia; ne jamais faire usage des Sacrements ou cérémonies sacramentelles, sinon pour
integram confessionem sacramentalem sacerdoti nunquam facturos, et les maléfices; de ne jamais faire au prêtre la confession sacramentelle complète,
suum cum Dæmone commercium semper celaturos. Et Diabolus et de lui cacher toujours leur commerce avec le Démon. Le Démon, de son côté,
vicissim pollicetur, se illis semper præsto futurum; se in hoc mundo s'engage à leur donner toujours prompte assistance; à combler leurs vœux en ce
votis eorum satisfacturum, et post mortem illos esse beaturum. Sic monde, et à les rendre heureux après leur mort. La profession solennelle ainsi
peracta professione solemni, assignatur singulis eorum Diabolus, qui accomplie, chacun d'eux se voit assigner un Diable, appelé Magistelle ou Petit-
appellatur Magistellus, cum quo in partes secedunt, et carnaliter Maître, avec lequel il se retire en particulier pour consommer l'union charnelle;
commiscentur: ille quidem in specie fœminæ, si initiatus est vir; in ce Diable, naturellement, a la forme d'une femme si l'initié est un homme: ou la
forma autem viri, et aliquando satyri, aliquando hirci, si fœmina est forme d'un homme, et quelquefois d'un satyre, quelquefois d'un bouc, si c'est une
saga professa. Guacc. loc. cit. fol. 42 et 43. femme qui est reçue sorcière.
24. Quod si quæratur ab Auctoribus, quomodo possit Dæmon, qui 24. Mais, demandera-t-on aux Auteurs, comment se fait-il que le Démon, qui
corpus non habet, corporalem commixtionem habere cum homine? n'a pas de corps, ait cependant avec l'homme ou la femme un commerce charnel?
Respondent communiter, quod Dæmon aut assumit alterius maris, aut Ils vous répondent tout d'une voix que le Démon emprunte le cadavre d'un autre
fœminæ, juxta exigentiam, cadaver, aut ex mixtione aliarum être humain, mâle ou femelle, suivant le cas, ou bien qu'il se forme avec d'autres
materiarum effingit sibi corpus, quod movet, et mediante quo homini matières un corps à l'aide duquel il s'unit à l'homme. Et lorsqu'il prend aux
unitur. Et subdunt, quod quando fœminæ gaudent imprægnari a femmes la fantaisie de concevoir des œuvres du Démon (ce qui n'a lieu que du
Dæmone (quod non fit, nisi in gratiam fœminarum hoc optantium), consentement et suivant le désir exprès desdites femmes), le Démon se
Dæmon se transformat in succubam, et juncta homini semen ab eo transforme en succube femelle, et juncta homini semen ab eo recipit; ou bien, il
recipit; aut per illusionem nocturnam in somnis procurat ab homine provoque chez cet homme, dans son sommeil, quelque rêve lascif suivi de
pollutionem, et semen prolectum in suo nativo calore, et cum vitali pollution, et semen prolectum in suo nativo calore, et cum vitali spiritu
spiritu conservat, et incubando fœminæ infert in ipsius matricem, ex conservat, et incubando fœminæ infert in ipsius matricem, d'où résulte la
quo sequitur conceptio. Ita multis citatis docet Guaccius, l. 1. c. 12., conception. C'est là ce qu'enseigne Guaccius, livre I, chap. 12, en apportant à
per totum, qui prædicta multis exemplis desumptis a variis Doctoribus l'appui de sa thèse une foule de citations et d'exemples empruntés à divers
confirmat. Docteurs.
25. Alio modo jungitur Dæmon tum Incubus, tum Succubus, 25. D'autres fois aussi le Démon, soit incube, soit succube, s'accouple avec
hominibus, fœminis aut maribus, a quibus nec honorem, nec sacrificia, des hommes ou des femmes dont il ne reçoit rien des hommages, sacrifices ou
oblationes, maleficia, quæ a Sagis et Maleficis, ut supra dictum est, offrandes qu'il a coutume d'imposer aux Sorciers et aux Sorcières, comme on l'a
prætendit, recipit; sed ostendens deperdite amorem, nil aliud appetit, vu plus haut. C'est alors simplement un amoureux passionné, n'ayant qu'un but,
quam carnaliter commisceri cum iis quos amat. Multa sunt de hoc un désir: posséder charnellement la personne qu'il aime. Il y a de ceci une foule
exempla, quæ ab Auctoribus referuntur, ut Menippi Lycii, qui fuit d'exemples, qu'on peut trouver dans les Auteurs, entre autres celui de Menippus
sollicitatus a quadam fœmina ad sibi nubendum, postquam cum ea Lycius, lequel, après avoir maintes et maintes fois paillardé avec une femme, en
multoties coivit; et detecta fœmina quænam esset a quodam fut prié de l'épouser; mais un certain Philosophe, qui assistait au repas de noces,
Philosopho, qui convivio nuptiali intererat, et Menippo dixit illam esse ayant deviné ce qu'était cette femme, dit à Menippus qu'il avait affaire à une
Compusam, puta Dæmonem succubam, statim ejulans evanuit, ut Compuse, c'est-à-dire à une Diablesse succube: aussitôt notre mariée de
narrat Cœlius Rodiginus, Antiq. lib. 29, c. 5. Pariter adolescens s'évanouir en gémissant..... Lisez là-dessus Cœlius Rodiginus, Antiq., livre 29,
quidam Scotus a Dæmone succuba omnium gratissima, quas vidisset, chap. 5. Hector Boethius, Hist. Scot., raconte aussi le cas d'un jeune Écossais
forma, quæ occlusis cubiculi foribus ad se ventitabat, blanditiis, qui, pendant plusieurs mois, reçut dans sa chambre, quoique les portes et
osculis, amplexibus per multos menses fuit sollicitatus, ut secum fenêtres en fussent hermétiquement fermées, les visites d'une Diablesse succube,
coiret, ut scribit Hector Boethius, Hist. Scotor. lib. 8., quod tamen a de la plus ravissante beauté; caresses, baisers, embrassements, sollicitations,
casto juvene obtinere non potuit. cette Diablesse mit tout en œuvre ut secum coiret: ce qu'elle ne put toutefois
obtenir de ce vertueux jeune homme.
26. Similiter, multas fœminas legimus ab Incubo Dæmone expetitas 26. On peut lire encore nombre d'exemples de femmes sollicitées au coït par
ad coitum, ipsisque repugnantibus facinus admittere, precibus, le Démon Incube, et qui, si elles répugnent d'abord à sauter le pas, se laissent
fletibus, blanditiis, non secus, ac perditissimus amasius procurasse bientôt fléchir par ses prières, ses larmes, ses caresses; c'est un amoureux fou, il
animum ipsarum demulcere, et ad congressum inclinare; et quamvis faut lui céder. Et quoique ceci résulte parfois des maléfices de quelque sorcier,
aliquoties hoc eveniat ob maleficium, ut nempe Dæmon missus a qui emploie le Démon comme intermédiaire, il n'est point rare cependant que le
maleficis hoc procuret: tamen non raro Dæmon ex se hoc agit, ut Démon agisse pour son propre compte, comme l'écrit Guaccius; et ce n'est pas
scribit Guaccius, Comp. Mal., lib. 3. c. 8., et non solum hoc evenit seulement aux femmes qu'il s'attaque, mais aussi aux juments: sont-elles dociles
cum mulieribus, sed etiam cum equabus, cum quibus commiscetur; à ses désirs, il les accable de soins, de caresses, il tresse leur crinière en une
quæ si libenter coitum admittunt, ab eo curantur optime, ac ipsarum infinité de nœuds inextricables; mais si elles résistent, il les maltraite, les frappe,
jubæ varie artificiosis et inextricabilibus nodis texuntur; si autem leur donne la morve, et finalement les tue, comme il est constaté par l'expérience
illum adversentur, eas male tractat, percutit, macras reddit, et tandem de chaque jour.
necat, ut quotidiana constat experientia.
27. Et quod mirum est, et pene incapabile, tales Incubi, qui Italice 27. Enfin, chose prodigieuse et presque incompréhensible, ces Incubes, qu'on
vocantur Folletti, Hispanice Duendes, Gallice Follets, nec Exorcistis appelle en Italien Folletti, en Espagnol Duendes, en Français Follets, n'obéissent
obediunt, nec exorcismos pavent, nec res sacras reverentur ad earum pas aux Exorcistes, n'ont aucune peur des exorcismes, aucune vénération pour
approximationem timorem ostendendo, sicuti faciunt Dæmones, qui les objets sacrés, à l'approche desquels ils ne manifestent pas la moindre frayeur:
obsessos vexant; quantumvis enim maligni Spiritus sint obstinati, nec bien différents en cela des Démons qui tourmentent les possédés; car, si obstinés
parere velint Exorcistæ præcipienti, ut exeant a corporibus quæ que soient ces malins Esprits, si rétifs qu'ils se montrent à l'injonction de
obsident, tamen ad prolationem Sanctissimi Nominis Jesu, aut Mariæ, l'Exorciste qui leur commande de déloger du corps du possédé, il suffit pourtant
aut aliquorum Versuum Sacræ Scripturæ, impositionem Reliquiarum, de prononcer le très-saint nom de Jésus ou de Marie ou quelques versets des
maxime Ligni Sanctæ Crucis, approximationem Sacrarum Imaginum, Saintes Écritures, d'imposer des Reliques, principalement le Bois de la Sainte
ad os obsessi rugiunt, strident, frendent, concutiuntur, et timorem, ac Croix, ou d'approcher les Saintes Images, pour qu'aussitôt on les entende rugir à
horrorem ostendunt. Folletti vero nihil horum, ut dictum est, la bouche du possédé, et qu'on les voie grincer des dents, s'agiter, frémir,
ostendunt, nec a divexatione, nisi post longum tempus, cessant. Hujus montrer, en un mot, tous les signes de la crainte et de l'horreur. Mais ces coquins
rei testis sum oculatus, et historiam recito quæ reipsa humanam fidem de Follets, rien de tout cela n'a d'effet sur eux: s'ils discontinuent leurs vexations,
superat: sed testis mihi sit Deus quod puram veritatem multorum ce n'est qu'après longtemps et quand ils le veulent bien. De ceci je suis témoin
testimonio comprobatam describo. oculaire, et je vais en conter une histoire qui réellement passe toute croyance
humaine: mais, que Dieu m'en soit témoin! c'est la pure vérité, confirmée
d'ailleurs par de nombreux témoignages.
28. Viginti quinque abhinc annis plus, minusve, dum essem Lector 28. Il y a environ vingt-cinq ans, alors que j'étais Professeur de Théologie
Sacræ Theologiæ in Conventu Sanctæ Crucis Papiæ, reperiebatur in Sacrée au couvent de Sainte-Croix, à Pavie, habitait dans cette ville une femme
illa civitate honesta quædam fœmina maritata optimæ conscientiæ, et mariée, d'excellentes mœurs, et dont tous ceux qui la connaissaient,
bonum habens ab omnibus eam agnoscentibus, maxime Religiosis, principalement les Moines, disaient le plus grand bien. Elle se nommait
testimonium, quæ vocabatur Hieronyma; et habitabat in Parochia Hieronyma, et demeurait sur la paroisse de Saint-Michel. Un jour, cette femme
Sancti Michaelis. Hæc quadam die domi suæ panem pinserat, et per avait pétri chez elle du pain, qu'elle confia ensuite au fournier pour le faire cuire.
furnarium miserat ad illum decoquendum. Reportat panes coctos Le fournier lui rapporte le pain cuit, et en même temps une grande galette de
furnarius, et cum illis grandem quamdam placentam curiose forme très-curieuse, arrangée au beurre et aux pâtes de Venise, comme on a
elaboratam, conditam butyro, et pastulis Venetis, ut in ea civitate coutume de faire les gâteaux dans ce pays-là. Elle refuse de recevoir cette
solent fieri placentæ hujusmodi. Renuit illa placentam recipere, galette, disant qu'elle n'a rien fait de pareil. «Mais, dit le fournier, je n'ai pas eu
dicens, se talem nullam fecisse. Replicat furnarius, se illa die alium aujourd'hui d'autre pain à cuire que le vôtre: il faut bien que la galette aussi
panem coquendum non habuisse, nisi illum quem ab ea habuerat; vienne de chez vous; votre mémoire est en défaut.» Notre bonne dame se laisse
oportere proinde, etiam placentam a se fuisse factam, licet minime de convaincre; elle accepte la galette, et la mange en compagnie de son mari, de sa
illa recordaretur. Acquievit fœmina, et placentam cum viro suo, filia petite fille âgée de trois ans et de sa servante. La nuit d'après, tandis qu'elle était
quam habebat triennem, et famula comedit. Sequenti nocte, dum couchée avec son mari et que tous deux dormaient, la voici qui s'éveille au son
cubaret mulier cum viro suo, et ambo dormirent, expergefacta est a d'une voix extrêmement fine, quelque chose comme un sifflement aigu, mais qui
quadam tenuissima voce, velut acutissimi sibili ad ipsius aures cependant lui murmurait à l'oreille des paroles très-distinctes: cette voix lui
susurrante, verbis tamen distinctis: interrogavit autem fœminam, num demandait «si le gâteau avait été de son goût.» Effrayée, notre bonne dame
placenta illi placuisset? Pavens fœmina cœpit se munire signo Crucis, commence à se munir du signe de la Croix, et à invoquer coup sur coup les noms
et invocare sæpius nomina Jesu et Mariæ. Replicabat vox, ne paveret, de Jésus et de Marie, «Ne crains rien,» disait la voix, «je ne te veux pas de mal;
se nolle illi nocere, immo quæcumque illi placerent paratum exequi, bien au contraire, il n'est rien que je ne fasse pour t'être agréable, je suis épris de
esse filo captum pulchritudinis suæ, et nil amplius desiderare, quam ta beauté, et mon plus grand désir, c'est de jouir de tes embrassements.» En
ejus amplexu frui. Tum fœmina sensit aliquem suaviantem ipsius même temps, elle sentait quelqu'un qui lui baisait les joues, mais si légèrement,
genas, sed tactus ita levis, ac mollis, ac si esset gossipium subtilissime si mollement, qu'elle se serait crue frôlée par un duvet de coton de la plus
carminatum id, a quo tacta fuit. Respuit illa invitantem, nec ullum extrême finesse. Elle résista, sans rien répondre, se bornant à répéter maintes et
responsum illi dedit: sed jugiter nomen Jesu, et Mariæ repetebat, et se maintes fois le nom de Jésus et de Marie, et à faire le signe de la Croix: la
Crucis signo muniebat, et sic per spatium quasi horæ dimidiæ tentata tentation dura ainsi près d'une demi-heure, après quoi le tentateur se retira.
fuit, et postea abscessit tentator.
Sequenti mane fuit mulier ad Confessarium virum prudentem ac Le matin venu, la dame alla trouver son Confesseur, homme grave et savant,
doctum, a quo fuit in fide confirmata et exhortata, ut viriliter, sicut lequel la confirma dans la foi, et l'exhorta à continuer la résistance vigoureuse
fecerat, resisteret, et sacris Reliquiis se muniret. Sequentibus noctibus qu'elle avait faite et à se munir de quelques saintes Reliques. Les nuits suivantes,
par priori fuit tentatio, et verbis, et osculis, et par etiam in muliere pareille tentation, avec paroles et baisers de même sorte; pareille constance aussi
constantia. Hæc pertæsa talem ac tantam molestiam, ad Confessarii chez la dame. Fatiguée cependant d'épreuves si pénibles et si prolongées, elle
consultationem, et aliorum gravium virorum, per Exorcistas peritos prit le parti, sur le conseil de son Confesseur et d'autres hommes sérieux, de se
fecit se exorcizare ad sciendum, num esset obsessa; et cum invenissent faire exorciser par des Exorcistes expérimentés pour savoir si, par hasard, elle
a nullo malo spiritu possideri, benedixerunt domui, cubiculo, lecto, et n'était pas possédée. Les Exorcistes, n'ayant rien trouvé en elle qui indiquât la
præceptum Incubo fecerunt, ne auderet molestiam amplius mulieri présence de l'Esprit malin, bénirent la maison, la chambre à coucher, le lit, et
inferre. Sed omnia incassum; siquidem tentationem inceptam firent injonction à l'Incube d'avoir à cesser ses importunités. Mais chansons que
prosequebatur, ac si præ amore langueret, ploratus, et ejulatus tout cela! la tentation continua de plus belle; le galant faisant mine de mourir
emittebat ad mulierem demulcendam, quæ tamen gratia Dei adjuta d'amour, et pleurant, et gémissant pour attendrir la dame, qui pourtant, avec la
semper viriliter restitit. Renovavit Incubus tentationem, ipsi apparens grâce de Dieu, resta invincible. L'Incube, alors, s'y prit d'une autre manière: il
interdiu in forma pusionis, seu parvi homunculi pulcherrimi, cæsariem apparut à sa belle sous la forme d'un jeune garçon ou petit homme de la plus
habens rutilam et crispam, barbamque fulvam ac splendentem velut grande beauté, à la chevelure dorée et frisée, à la barbe blonde et resplendissante
aurum, glaucosque oculos, ut flos lini, incedebatque indutus habitu comme l'or, aux yeux glauques pareils à la fleur du lin, et, pour ajouter au
Hispanico. Apparebat autem illi quamvis cum ea alii morarentur; et charme, élégamment vêtu à l'Espagnole. D'ailleurs, il ne laissait pas de lui
questus, prout faciunt amantes, exercens, et jactando basia, solitasque apparaître, malgré qu'elle se trouvât en compagnie; il se plaignait, comme font
preces repetendo tentabat mulierem, ut ad illius amplexus les amants, il pleurait, il lui envoyait des baisers, employait en un mot tous les
admitteretur. Videbatque, et audiebat illa sola præsentem ac moyens de séduction possibles pour obtenir ses faveurs. Elle seule le voyait et
loquentem, minime autem cæteri adstantes. l'entendait: pour tout autre qu'elle, il n'y avait rien.
Perseverabat in illa constantia mulier, donec contra eam iratus Notre bonne dame, donc, persévérait dans cette admirable constance, quand
Incubus, post aliquos menses blanditiarum novum persecutionis genus enfin, au bout de quelques mois, l'Incube irrité recourut à un nouveau genre de
adortus est. Primo abstulit ab ea crucem argenteam plenam Reliquiis persécutions. D'abord il lui enleva une croix d'argent remplie de saintes
Sanctorum, et ceram benedictam, sive Agnum papalem B. Pontificis Reliques, et une cire bénite ou Agneau papal du Bienheureux Pontife Pie V,
Pii V., quæ secum semper portabat; mox etiam annulos et alia jocalia qu'elle portait toujours sur elle; puis, ce fut le tour des bagues et autres bijoux
aurea et argentea ipsius, intactis seris, sub quibus custodiebantur, in d'or et d'argent, qu'il déroba, sans toucher aux serrures, dans la cassette où ils
arca suffuratus est. Exinde cœpit illam acriter percutere, et étaient enfermés. Ensuite il commença à la frapper cruellement, et après chaque
apparebant post verbera contusiones, et livores in facie, brachiis, volée de coups on lui voyait à la figure, au bras et à d'autres endroits du corps,
aliisque corporis partibus, quæ per diem unum, vel alterum des contusions et des bleus qui duraient un jour ou deux, et tout à coup
perdurabant, mox in momento disparebant contra ordinem contusionis disparaissaient en un moment, au rebours des contusions naturelles, qui
naturalis, quæ sensim paulatimque decrescit. Aliquoties ipsius décroissent peu à peu et par degrés. Quelquefois, tandis qu'elle donnait à teter à
infantulam lactentem cunis eripiebat, et illam, nunc super tecta in sa petite fille, il la lui enlevait de dessus ses genoux, pour la placer sur le toit, au
limine præcipitii locabat, nunc occultabat, nihil tamen mali in illa bord de la gouttière, ou bien il la cachait, mais sans jamais lui occasionner aucun
apparuit. Aliquoties totam domus supellectilem evertebat; aliquoties mal. Tantôt il mettait sens dessus dessous tout le ménage, tantôt il cassait en
ollas, paropsides, et alia vasa testea minutatim frangebat, subinde mille pièces les marmites, les assiettes et autres vases de terre, et en un clin d'œil
fracta restituebat integra. Semel dum ipsa cum viro suo cubaret, les rétablissait dans leur état primitif. Une nuit qu'elle était couchée avec son
apparens Incubus in forma solita, enixe deprecabatur ab ea mari, l'Incube, lui apparaissant sous sa forme habituelle, la pria énergiquement
concubitum, et dum ipsa de more constans resisteret, in furorem actus de se laisser faire; elle résista comme de coutume. Furieux, l'Incube se retire et,
Incubus abscessit, et infra breve temporis spatium reversus est, secum fort peu de temps après, le voici qui rentre avec une charge énorme de ces
ferens magnam copiam laminarum saxearum, quibus Genuenses in plaquettes de pierre, dont les habitants de Gênes et de la Ligurie en général se
civitate sua et universa Liguria domos tegunt, et ex ipsis fabricavit servent pour couvrir leurs maisons. De ces pierres, il bâtit autour du lit un mur si
murum circa lectum tantæ altitudinis, ut ejus conopeum adæquaret, élevé qu'il en atteignait le ciel et que nos époux, pour en sortir, eurent besoin de
unde necesse fuit scalis uti, si debuerunt de cubili surgere. Murus se faire apporter une échelle. Ce mur, du reste, était construit sans chaux; on le
autem fuit absque calce, et ipso destructo, saxa in angulo seposita, détruisit, et on mit les pierres dans un coin, où elles restèrent exposées à tous les
quæ ibi per duos dies remanserunt visa a multis, qui ad spectaculum regards pendant deux jours, après quoi elles disparurent.
convenerant; et post biduum disparuerunt.
Invitaverat Maritus ejus in die S. Stephani quosdam amicos viros Le jour de la Saint-Etienne, le mari avait invité à dîner quelques braves
militares ad prandium, et pro hospitum dignitate dapes paraverat; militaires de ses amis, et, pour faire honneur à ses hôtes, avait préparé un repas
dum de more lavantur manus ante accubitum, disparet in momento respectable. Tandis que, suivant l'usage, on se lave les mains avant de s'asseoir,
mensa parata in triclinio; disparent obsonia cuncta, olla, caldaria, zest! voilà tout à coup la table disparue: disparus aussi tous les mets, les
patinæ, ac omnia vasa in coquina; disparent amphoræ, canthari, marmites, les chaudrons, les plats et toute la vaisselle dans la cuisine; disparus
calices parati ad potum. Attoniti ad hoc stupent commensales, qui les cruches, les flacons, les verses. Je vous laisse à penser l'étonnement, la
erant octo, inter quos Dux peditum Hispanus ad alios conversus ait: stupeur de nos convives; ils étaient huit, et dans le nombre un capitaine
Ne paveatis, ista est illusio, sed pro certo mensa in loco in quo erat, d'infanterie Espagnol, lequel, se tournant vers ses camarades, leur dit: «N'ayez
adhuc est, et modo modo eam tactu percipiam. Hisque dictis circuibat pas peur, c'est une farce, mais sacrebleu! il y avait une table ici, elle y est encore;
cœnaculum manibus extentis tentans mensam deprehendere, sed cum minute, je vais la retrouver.» Ceci dit, notre brave fait le tour de la salle, les
post multos circuitus incassum laborasset, et nil præter ærem mains étendues, essayant de saisir la table; mais après bien des tours, voyant
tangeret, irrisus fuit a cæteris; cumque jam grandis esset prandii hora, qu'il n'arrivait à rien qu'à toucher de l'air, les autres se moquèrent de lui; et
pallium proprium eorum unusquisque sumpsit propriam domum comme il était déjà grand temps de dîner, chacun prit sa capote et se mit en
petiturus. Jam erant omnes prope januam domus in procinctu eundi devoir de rentrer chez soi. Ils étaient déjà tous à la porte de la maison avec le
associati a marito vexatæ mulieris, urbanitatis causa; cum grandem mari qui, par politesse, leur faisait un bout de conduite, lorsqu'ils entendent un
quendam strepitum in cœnaculo audiunt. Subsistunt parumper ad grand bruit dans la salle à manger. Ils s'arrêtent pour en savoir la cause, et
cognoscendum causam strepitus, et accurrens famula nuntiat in bientôt la servante accourt leur annoncer que la cuisine est pleine de vases
coquina vasa nova obsoniis plena apparuisse, mensamque in nouveaux chargés de mets, et que la table est remise en place dans la salle à
cœnaculo jam paratam esse restitutam. Revertuntur in cœnaculum, et manger. Ils y reviennent, et ne sont pas peu surpris de voir la table couverte de
stupent mensam mappis et manutergiis insolitis, salino, et lancibus nappes, de serviettes, de salières, de plateaux qui n'appartenaient pas à la
insolitis argenteis, salsamentis, ac obsoniis, quæ domi parata non maison, et de mets qui n'y avaient pas été préparés. Sur le côté était une grande
fuerant, instructam. A latere magna erecta erat credentia, supra quam crédence, où l'on admirait, disposés dans le meilleur ordre, des calices de cristal,
optimo ordine stabant calices crystallini, argentini, et aurei cum variis d'argent et d'or, avec toutes sortes d'amphores, de flacons, de coupes, remplis de
amphoris, lagenis, cantharis plenis vinis exteris, puta Cretensi, vins étrangers: vin de Crète, de Campanie, des Canaries, du Rhin, etc. Dans la
Campano, Canariensi, Rhenano, etc. In coquina pariter in ollis, et cuisine aussi, une abondante variété de mets dans des marmites et des plats qu'on
vasis itidem in ea domo nunquam visis varia obsonia. Dubitarunt n'avait jamais vus. Plusieurs de nos convives hésitèrent d'abord à goûter de ces
prius nonnulli ex iis eas dapes gustare, sed confirmati ab aliis mets; toutefois, encouragés par d'autres, ils se mirent à table, et tous eurent
accubuerunt, et exquisitissime omnia condita repererunt; ac bientôt fait leur affaire du repas, qu'ils trouvèrent exquis. Immédiatement après,
immediate a prandio, dum omnes pro usu illius temporis ad ignem comme ils étaient assis devant le feu suivant l'habitude de la saison, tout disparut
sedent, omnia ustensilia cum reliquiis ciborum disparuere, et repertæ à la fois, vaisselle et desserte, et à la place reparut l'ancien couvert du logis avec
sunt antiquæ domus supellectiles simul cum dapibus, quæ prius les plats qui avaient été préparés; mais, chose étonnante, tous les convives
paratæ fuerant; et quod mirum est, convivæ omnes saturati sunt, ita ut étaient rassasiés, si bien que personne n'eut envie de souper après un dîner de
nullus eorum cœnam sumpserit præ prandii lautitia. Quo convincitur cette magnificence. Ce qui prouve assez que les mets substitués aux premiers
cibos appositos reales fuisse, et non ex præstigio repræsentatos. étaient réels et non imaginaires.
Interea effluxerant multi menses, ex quo cœperat hujusmodi Cependant il y avait plusieurs mois que durait cette persécution, lorsque la dame
persecutio: et mulier votum fecit B. Bernardino Feltrensi, cujus s'adressa au Bienheureux Bernardin de Feltre, dont on vénère le corps dans
sacrum corpus veneratur in Ecclesia S. Jacobi prope murum illius l'église de Saint-Jacques, à une petite distance des murs de la ville. Elle lui fit
urbis, incedendi per annum integrum indutam panno griseo, et vœu de rester une année entière revêtue d'un froc gris, serré avec une corde,
chordulato, quo utuntur Fratres Minores, de quorum ordine fuit B. pareil à ceux que portent les Frères Mineurs, à l'Ordre desquels appartenait ce
Bernardinus, ut per ipsius patrocinium a tanta incubi vexatione Bienheureux Bernardin, espérant, par son intercession, être enfin délivrée des
liberaretur. Et de facto die 28. Septembris, qui est pervigilium persécutions de l'Incube. Et de fait, le 28 septembre, qui est la Vigile de la
Dedicationis S. Michaelis Archangeli, et festum B. Bernardini, ipsa Dédicace de Saint-Michel Archange, et la fête du Bienheureux Bernardin, elle
veste votiva induta est. Mane sequenti, quod est festum S. Michaelis, revêtit la robe votive. Le lendemain matin, fête de Saint-Michel, notre affligée
ibat vexata ad ecclesiam S. Michaelis, quæ ut diximus erat parochialis prit le chemin de l'église de Saint-Michel, qui était, comme je l'ai dit, sa propre
ipsius, circa medium mane, dum frequens populus ad illam confluebat; paroisse; c'était vers les dix heures, au moment où une foule énorme se rendait à
et cum pervenisset ad medium plateæ ecclesiæ, omnia ipsius la messe. Or, la pauvrette n'eut pas plutôt mis le pied sur le parvis de l'église, que
indumenta et ornamenta ceciderunt in terram et rapta vento statim tout à coup ses vêtements et ornements tombèrent à terre, et disparurent enlevés
disparuerunt, ipsa relicta nuda. Adfuerunt sorte inter alios duo equites par le vent, la laissant elle-même nue comme la main. Il se trouva là fort
viri longævi, qui factum videntes dejectis ab humero propriis palliis heureusement, parmi la foule, deux cavaliers d'un âge mûr, lesquels, voyant la
mulieris nuditatem, ut potuerunt, velarunt, et rhedæ impositam ad chose, s'empressèrent de quitter leurs manteaux, pour en cacher tant bien que
propriam domum duxerunt. Vestes et jocalia quæ rapuerat Incubus, mal la nudité de cette femme; et, l'ayant mise dans une voiture, la reconduisirent
non restituit nisi post sex menses. chez elle. Quant aux vêtements et aux bijoux dérobés par l'Incube, il ne les rendit
qu'au bout de six mois.
Multa alia, et quidem stupenda operatus est contra eam Incubus, quæ Bref, je pourrais vous conter bien d'autres tours, et des plus drôles, que lui joua
tædet excribere, et per multos annos in ea tentatione permansit, encore cet Incube, mais il y a terme à tout. Qu'il suffise de savoir que, pendant
tandemque Incubus videns operam in ea perdere, destitit a tam nombre d'années, il persista dans sa tentation; mais, enfin, voyant qu'il y perdait
importuna et insolita vexatione. son temps et sa peine, force lui fut de lever le siége.
29. In hoc casu, et similibus qui passim audiuntur et leguntur, 29. Dans le cas ci-dessus, comme dans quelques autres de même sorte qu'on
Incubus ad nullum actum contra Religionem tentat, sed solum contra peut lire ou entendre raconter de temps en temps, l'Incube ne fait tentation
castitatem. Hinc fit quod ipsi consentiens non peccat irreligiositate, d'aucun acte contraire à la Religion, mais seulement à la chasteté. En
sed incontinentia. conséquence, si l'on cède à la tentation, on ne pèche point par impiété, mais par
incontinence.
30. In confesso autem est apud Theologos et Philosophos, quod ex 30. Or, il est avéré pour les Théologiens et les Philosophes, que de la
commixtione hominis, cum Dæmone aliquoties nascuntur homines et copulation de l'homme, mâle ou femelle, avec le Démon, naissent quelquefois
tali modo nasciturum esse Antichristum opinantur nonnulli Doctores: des hommes; et c'est de la sorte que doit naître l'Antechrist, suivant bon nombre
Bellarm., lib. 1. de Rom. Pont. cap. 12., Suarez, tom. 2. disp. 54. sec. de Docteurs: Bellarmin, Suarez, Maluenda, etc. Ils observent en outre que, par
1.; Maluend., de Antichr. l. 2. c. 8. Immo observant, quod, qui une cause toute naturelle, les enfants ainsi procréés par les Incubes, sont grands,
gignuntur ab hujusmodi Incubis, naturali causa etiam evenit, ut très-robustes, très-audacieux, très-superbes et très-méchants. Voyez là-dessus
nascantur grandes, robustissimi, ferocissimi, superbissimi, ac Maluenda; quant à la cause en question, il nous la donne d'après Vallesius,
nequissimi ut scripsit Maluenda, loc. cit. § Ad illud; et hujus rationem Archiatre de Reggio. «Ce que les Incubes introduisent in uteros, n'est pas
recitat ex Vallesio Archiat. Reggio. Sac. Philosoph. c. 8., dicente quod qualecumque, neque quantumcumque semen, mais abondant, très-épais, très-
Incubi summittunt in uteros non qualecumque, neque quantumcumque chaud, très-chargé d'esprits et sans aucune sérosité. Ceci est d'ailleurs pour eux
semen, sed plurimum, crassissimum, calidissimum, spiritibus affluens chose facile: ils n'ont qu'à choisir des hommes chauds, robustes, et abundantes
et seri expers. Id vero est eis facile conquirere, deligendo homines multo semine, quibus succumbant; puis des femmes de même tempérament,
calidos, robustos, et abundantes multo semine, quibus succumbant, quibus incumbant, en ayant soin de procurer aux uns et aux autres voluptatem
deinde, et mulieres tales, quibus incumbant, atque utrisque voluptatem solito majorem, tanto enim abundantius emittitur semen, quanto cum majori
solito majorem afferendo, tanto enim abundantius emittitur semen, voluptate excernitur.» Tels sont les termes de Vallesius. Maluenda confirme ce
quanto cum majori voluptate excernitur. Hæc Vallesius. Confirmat qui a été dit plus haut, prouvant, par le témoignage de divers Auteurs, classiques
vero Maluenda supradicta, probando, ex variis et classicis Auctoribus, la plupart, que c'est à pareilles unions que doivent leur naissance: Romulus et
ex hujusmodi concubitu natos: Romulum ac Remum, Liv. decad. 1.; Rémus, d'après Tite-Live et Plutarque; Servius-Tullius, sixième roi des Romains,
Plutarch. in vit. Romul., et Parallel.; Servium Tullium, sextum regem d'après Denys d'Halicarnasse et Pline l'Ancien; Platon le Philosophe, d'après
Romanorum, Dionys. Halicar. lib. 4., Plin. lib. 36. c. 27.; Platonem Diogène Laërce et Saint Jérôme; Alexandre le Grand, d'après Plutarque et
Philosophum, Laer. l. 9. de Vit. Philos., D. Hyeron. l. 1. Controvers. Quinte-Curce; Séleucus, roi de Syrie, d'après Justin et Appien; Scipion
Jovinian.; Alexandrum Magnum, Plutarch., in vit. Alex. M.; Quint. l'Africain, premier du nom, d'après Tite-Live; l'empereur César-Auguste, d'après
Curt., l. 4. de Gest. Alex. M.; Seleucum, regem Syriæ, Just., Hist. l. Suétone; Aristomène de Messénie, illustre général Grec, d'après Strabon et
15., Appian., in Syriac.; Scipionem Africanum Majorem, Liv., decad. Pausanias. Ajoutons encore l'Anglais Merlin ou Melchin, né d'un Incube et
3. lib. 6.; Cæsarem Augustum Imperatorem, Sueton., in Octa. c. 94.; d'une Religieuse, fille de Charlemagne; et, enfin, comme l'écrit Cocleus, cité par
Aristomenem Messenium, strenuissimum ducem Græcorum, Strabo, de Maluenda, ce damné Hérésiarque, qui a nom Martin Luther.
Sit. Orb. lib. 8., Pausan. de Rebus Græcor. lib. 3.; et Merlinum, seu
Melchinum Anglicum ex Incubo et Filia Caroli Magni Moniali,
Hauller, volum. 2. Generat. 7.; quod etiam de Martino Luthero,
perditissimo Heresiarca, scribit Cocleus apud Maluendam, de Antich.
lib. 2. c. 6. § Cæterum.
31. Salva tamen tot, et tantorum Doctorum, qui in ea opinione 31. Cependant, sauf le respect dû à tant et de si grands Docteurs, je ne vois
conveniunt, reverentia, non video, quomodo ipsorum sententia possit pas comment leur opinion pourrait résister à l'examen. En effet, comme l'observe
subsistere; tum quia, ut optime opinatur Pererius, tom. 2. in Genes. très-bien Pererius, dans son Commentaire sur la Genèse, chap. 6, toute la force,
cap. 6. disp. 5., tota vis et efficacia humani seminis consistit in toute l'efficacité du sperme humain consiste dans les esprits, qui s'évaporent et
spiritibus, qui difflantur, et evanescunt, statim ac sunt extra genitalia s'évanouissent aussitôt sortis des vases génitaux, où ils étaient chaudement
vasa, a quibus foventur, et conservantur, ut scribunt Medici. Nequit emmagasinés: les Médecins sont d'accord là-dessus. Il n'est donc pas possible au
proinde Dæmon semen acceptum conservare, ita ut aptum sit Démon de conserver le sperme qu'il a reçu, dans un état d'intégrité suffisant pour
generationi, quia vas, quodcumque sit illud, in quo semen conservare produire génération; car, quel que soit le vase où il essayerait de le retenir, il
tentaret, oporteret, quod caleret calore assimetro a nativo organorum faudrait que le vase eût une chaleur égale à la chaleur naturelle des organes
humanæ generationis; similarem enim a nullo alio præterquam ab génitaux humains, laquelle ne se trouve nulle part que dans ces mêmes organes.
organis ipsis habere potest. In vase autem non calente vi tali calore, Or, dans un vase où cette chaleur n'est pas naturelle, mais factice, les esprits se
sed alieno, spiritus resolvuntur, nec sequi potest generatio. Tum quia résolvent, et aucune génération n'est possible. Une seconde objection, c'est que
generatio actus vitalis est, per quem homo generans de propria la génération est un acte vital par lequel l'homme, engendrant de sa propre
substantia semen defert per organa naturalia ad locum generationi substance, introduit le sperme, au moyen d'organes naturels, dans le lieu propre à
congruentem. In casu autem delatio seminis non potest esse actus la génération. Au contraire, dans le cas spécial qui nous occupe, l'introduction du
vitalis hominis generantis, quia ab eo non infertur in matricem; sperme ne peut pas être un acte vital de l'homme engendrant, puisque ce n'est
proinde nec dici potest, quod homo cujus est semen, generet fœtum, point par lui qu'il est introduit dans la matrice; et, par la même raison, on ne peut
qui ex eo nascitur. Neque Incubus ipsius pater dici potest; quia de pas dire que l'homme, à qui appartenait le sperme, ait engendré le fœtus qui en
ipsius substantia semen non est. Hinc fiet, quod nascetur homo, cujus est procréé. L'Incube, non plus, ne saurait être considéré comme son père,
nemo pater sit, quod est incongruum. Tum quia in patre naturaliter puisque le sperme n'est pas de sa propre substance. Voilà donc un enfant mis au
generante duplex causalitas concurrit, nempe materialis, quia semen, monde, et n'ayant personne pour père, ce qui est absurde. Troisième objection:
quod materia generationis, ministrat, et efficiens, quia agens quand le père engendre naturellement, il y a concours de deux causalités: l'une
principale est in generatione, ut communiter statuunt Philosophi. In matérielle, car il fournit le sperme, qui est la matière de la génération; l'autre
casu autem nostro homo ministrando solum semen, puram materiam efficiente, car il est l'agent principal dans la génération, suivant l'opinion
exhiberet absque ulla actione in ordine ad generationem; proinde non commune des Philosophes. Mais, dans notre espèce, l'homme, se bornant à
posset dici pater filii, qui nasceretur: et hoc est contra id, quod homo fournir le sperme, ne ferait l'apport que d'une matière pure et simple, sans
genitus ab Incubo non est illius filius, sed est filius ejus viri, a quo aucune action tendant à génération; donc, il ne pourrait être considéré comme le
Incubus semen sumpsit. père de l'enfant procréé dans ces circonstances: et ceci est contraire à la notion
que l'enfant engendré par un Incube n'est pas le fils de l'Incube, mais le fils de
l'homme dont cet Incube a emprunté le sperme.
32. Præterea omni probabilitate caret quod scribit Vallesius, et ex 32. En outre, ce qu'écrit Vallesius, et que nous avons cité d'après lui (voir
eo recitavimus supra no 30.; mirorque a doctissimi viri calamo talia plus haut, no 30), n'a pas la moindre probabilité; et je m'étonne qu'une telle
excidisse. Notissimum enim est apud Physicos, quod magnitudo fœtus énormité ait pu tomber de la plume d'un si docte personnage. Les Médecins, en
non est a quantitate molis, sed est a quantitate virtutis, hoc est effet, savent parfaitement que la grandeur du fœtus ne tient pas à la quantité de
spirituum in semine: ab ea enim tota generationis ratio dependet, ut matière, mais à la quantité de vertu, c'est-à-dire d'esprits contenus dans la
optime testatur Michael Ettmullerus, Instit. Medic. Physiolog. car. 22. semence; là est tout le secret de la génération, comme le remarque très-bien
thes. 1. fol. m. 39., scribens: Tota generationis ratio dependet a spiritu Michel Ettmuller, Institut. Medic. Physiolog.: «La génération,» dit-il, «dépend
genitali sub crassioris materiæ involucro excreto; ista materia seminis entièrement de l'esprit génital contenu dans une enveloppe de matière plus
crassa nullo modo, vel in utero subsistente, vel ceu materia fœtum épaisse; cette matière spermatique ne reste pas dans l'utérus, et ne contribue en
constituente: sed solus spiritus genitalis maris unitus cum spiritu rien à former le fœtus; seul, l'esprit génital du mâle, uni à l'esprit génital de la
genitali mulieris in poros uteri, seu quod rarius fit in tubos uteri se femme, pénètre dans les pores, ou, plus rarement, dans les tubes de l'utérus, qu'il
insinuat, indeque uterum fecundum reddit. Quid ergo facere potest féconde par ce moyen.» Quel peut donc être l'effet d'une grande quantité de
magna quantitas seminis ad fœtus magnitudinem? Præterea nec sperme, au point de vue de la grandeur du fœtus? De plus, il n'est pas toujours
semper verum est, quod tales geniti ab Incubis magnitudine molis vrai que les hommes ainsi engendrés par des Incubes, soient remarquables par la
corporeæ insignes sint: Alexander enim Magnus, qui, ut diximus, grandeur de leur corps; Alexandre le Grand, par exemple, qu'on raconte être né
natus taliter scribitur, statura pusillus erat; unde carmen, de cette manière, comme nous l'avons dit, était de fort petite taille, d'où ce vers:
Magnus Alexander corpore parvus erat. Magnus Alexander corpore parvus erat.

Item quamvis taliter concepti supra cæteros homines excellant, non Enfin, quoique les personnages conçus dans ces conditions soient généralement
tamen hoc semper est in vitiis, sed aliquando in virtutibus etiam in supérieurs aux autres hommes, ce n'est pas toujours dans les vices qu'ils
moralibus, ut patet in Scipione Africano, Cæsare Augusto, et Platone excellent, mais quelquefois aussi dans les vertus, même morales; exemple:
Philosopho, de quibus Livius, Suetonius et Laertius respective Scipion l'Africain, César-Auguste et Platon le Philosophe, qui, d'après les
scribunt, quod optimi in moribus fuere; ut proinde arguere possimus, témoignages respectifs de Tite-Live, Suétone et Diogène Laërce, étaient de
quod si alii eodem modo geniti pessimi fuere, hoc non fuerit ex hoc, mœurs excellentes. De quoi nous pouvons conclure que si d'autres individus,
quod fuerint ab Incubo geniti, sed quia tales ex proprio arbitrio engendrés de même manière, ont été de parfaits coquins, ce n'est pas parce qu'ils
extitere. devaient la vie à un Incube, mais parce que, de leur libre arbitre, il leur avait plu
d'être tels.
Pariter ex textu Sacræ Scripturæ, Gen. c. 6. v. 4., habemus quod On lit aussi dans la Sainte Écriture, Genèse, chap. 6, verset 4, que des géants
gigantes nati sunt ex concubitu filiorum Dei cum filiabus hominum, et sont nés du commerce des fils de Dieu avec les filles des hommes: ceci est la
hoc ad litteram sacri textus. Gigantes autem homines erant statura lettre même du texte sacré. Or, ces géants étaient des hommes de grande stature,
magna, ut eos vocat Baruch, c. 3. v. 26, et excedente communem comme il est dit dans Baruch, chap. 3, verset 26, et de beaucoup supérieurs aux
hominum proceritatem. Monstruosa statura, robore, latrociniis, et autres hommes. Outre cette taille monstrueuse, ils se signalaient encore par leur
tyrannide insignes; unde Gigantes per sua scelera fuerunt maxima, et force, leurs rapines, leur tyrannie; aussi est-ce aux crimes des Géants qu'il
potissima causa Diluvii, ait Cornelius a Lapid. in Gen. c. 6. v. 4. § convient d'attribuer la cause première et principale du Déluge, suivant Cornelius
Burgensis. Non quadrat autem quorumdam expositio, quod nomine a Lapide, dans son Commentaire sur la Genèse. Quelques-uns prétendent que,
filiorum Dei veniant filii Seth, et vocabulo filiarum hominum filiæ sous le nom de Fils de Dieu, il faut entendre les fils de Seth, et, sous celui de
Cain, eo quod illi erant pietati, Religioni, et cæteris virtutibus addicti, Filles des hommes, les filles de Caïn, parce que les premiers pratiquaient la
descendentes autem a Cain viceversa: nam salva opinantium, piété, la religion et toutes les autres vertus, au rebours des enfants de Caïn, qui se
Chrysost. Cyrill. Theodor. Rupert. Ab., et Hilar. in Psalm. 132. apud signalaient par tout le contraire; mais, sauf le respect dû à Chrysostome, Cyrille,
Cornel. a Lap. c. 6. G. v. 2. § Verum dies, reverentia, talis expositio Hilaire et autres qui partagent cette opinion, on avouera qu'elle est en désaccord
non cohæret sensui patenti litteræ; ait enim Scriptura, quod ex avec le sens patent du texte. Que dit en effet l'Écriture? Que de la conjonction
conjunctione talium nati sunt homines monstruosæ proceritatis des susdits sont nés des hommes d'une monstrueuse grandeur corporelle: donc,
corporeæ: ante illam ergo tales gigantes non extiterunt: quod si ex ea ces géants n'existaient pas auparavant; et si leur naissance a été le résultat de
orti sunt, hoc non potuit esse ex eo, quod filii Seth coivissent cum cette union, il n'est pas admissible qu'on puisse l'attribuer au commerce des fils
filiabus Cain, quia illi erant staturæ ordinariæ, prout etiam filiæ Cain, de Seth avec les filles de Caïn, lesquels, étant eux-mêmes de taille ordinaire,
unde oriri ex his naturaliter non potuerunt, nisi filii staturæ n'ont pu procréer que des enfants de taille ordinaire. Par conséquent, si la
ordinariæ; si ergo monstruosa statura filii nati sunt ex tali conjonction dont il s'agit a donné le jour à des êtres d'une monstrueuse stature, il
conjunctione, hoc fuit, quia non fuerunt prognati ex ordinaria faut y voir, non le commerce ordinaire de l'homme avec la femme, mais
conjunctione viri cum muliere, sed ex Incubis dæmonibus qui ratione l'opération des Démons Incubes, qui, à raison de leur nature, peuvent très-bien
naturæ ipsorum optime possunt vocari filii Dei, et in hac sententia être appelés fils de Dieu. Cet avis est celui des Philosophes Platoniciens et de
sunt Philosophi Platonici, et Franciscus Georgius Venetus, tom. 1. François Georges de Venise; et il n'est pas en contradiction avec celui de
problem. 74.: nec dissentiunt ab eadem Joseph. Hebræus, Philo Josèphe l'Historien, Philon de Judée, S. Justin martyr, Clément d'Alexandrie et
Judæus, S. Justinus Martyr, Clemens Alexandrinus, et Tertullianus. Tertullien, d'après lesquels ces Incubes seraient des Anges corporels qui se sont
Joseph. Hebræus, Antiq. l. 1., Philo, l. de Gigant., S. Justinus M., laissés glisser dans le péché de luxure avec les femmes. En effet, comme nous le
Apolog. 1., Clemens Alex., lib. 3., Tertull., lib. de Habit. Mul., apud montrerons plus loin, il n'y a là, sous une apparence double, qu'une seule et
Cornel., loc. cit., Hugo de S. Victor., Annot. in Gen., c. 6., qui même opinion.
opinantur illos fuisse Angelos quosdam corporeos qui in luxuriam cum
mulieribus delapsi sunt, ut enim infra ostendemus istæ duæ sententiæ
in unam, et eamdem conveniunt.
33. Si ergo Incubi tales, ut fert communis sententia, Gigantes 33. Si donc ces Incubes, d'après l'avis commun, ont engendré des Géants au
genuerunt, accepto semine ab homine, juxta id, quod supra dictum est, moyen de sperme emprunté à l'homme ainsi qu'il a été dit plus haut, il est
non potuerunt ex illo semine nasci nisi homines ejusdem staturæ plus, impossible qu'il soit né de ce sperme autre chose que des hommes de même
minusve, cum eo a quo semen acceptum est: nec enim facit ad altiorem taille, plus ou moins, que celui qui l'avait fourni; car ce serait en vain que le
corporis staturam major seminis quantitas, ita ut attracta insolite a Démon, en jouant avec l'homme son rôle de Succube, lui soutirerait une dose
Dæmone, dum succubus fit homini, augeat ultra illius staturam extraordinaire de liqueur prolifique pour en procréer des enfants de plus forte
enormiter corpus ab eo geniti; quia, ut supra diximus, hoc residet in taille: la dose ici ne fait rien à l'affaire, puisque, comme nous l'avons dit, tout
spiritu, et non in mole seminis: ut proinde necesse sit concludere, dépend de la vitalité de cette liqueur, non de sa quantité. Nous arrivons donc
quod ab alio semine, quam humano hujusmodi gigantes nati sint, et forcément à cette conclusion: que les Géants sont nés d'un sperme autre que
proinde Dæmon Incubus non humano, sed alio semine utatur ad celui de l'homme, et que, par conséquent, le Démon Incube, pour engendrer,
generationem. Quid igitur dicendum? emploie un sperme qui n'est pas emprunté à l'homme. Mais alors, que faut-il
dire?
34. Quantum ad hoc, sub correctione Sanctæ Matris Ecclesiæ, et 34. Sous le contrôle de Notre Sainte Mère Église, et à titre de simple opinion,
mere opinative dico, Incubum Dæmonem dum mulieribus je dis que le Démon Incube, dans son commerce avec les femmes, engendre le
commiscetur, ex proprio ipsius semine hominem generare. fœtus humain de sa propre semence.
35. Paradoxa in fide, et parum sana nonnullis videbitur hæc 35. Beaucoup de gens trouveront cette proposition hétérodoxe et peu sensée,
opinio; sed lectorem meum deprecor, ut judicium non præcipitet de mais je supplie mon lecteur de ne pas la condamner à la légère; car si, comme
ea: ut enim incivile est nondum tota lege perspecta judicare, ut Celsus, l'observe Celse, il n'est pas convenable de prononcer un jugement sans avoir
lib. 24. ff. de legib. et S. C., ait, ita neque damnanda est opinio, nisi examiné la loi sous toutes ses faces, de même il est injuste de condamner une
prius examinatis, ac solutis argumentis, quibus innititur. Ad opinion avant d'avoir pesé et réfuté les arguments sur lesquels elle s'appuie. Il
probandam igitur supradatam conclusionem, nonnulla sunt necessario s'agit donc de prouver ma conclusion, et je dois nécessairement, à cet effet,
præmittenda. entrer dans quelques développements.

36. Præmittendum primo de fide est, quod dentur Creaturæ pure 36. En premier lieu, je constate, comme un article de foi, l'existence de
spirituales nullo modo de materia corporea participantes, prout Créatures purement spirituelles, n'ayant aucun rapport avec la matière
habetur ex Concillio Lateranensi, sub Innocentio Tertio, c. Firm. de corporelle, ainsi que l'a décidé le Concile de Latran, sous Innocent III. Tels sont
Sum. Trin. et Fid. Cath. Conc. Eph. in Epist. Cyrill. ad Reggia, et les Anges bienheureux, et les Démons condamnés au feu éternel. Un certain
alibi. Hujusmodi autem sunt Angeli beati, et Dæmones damnati ad nombre de Docteurs, il est vrai, ont enseigné, même après ce Concile, que la
ignem perpetuum. Quamvis vero nonnulli Doctores, Bann. par. 1. q. 5. spiritualité des Anges et des Démons n'était pas article de foi; d'autres même,
ar. 1. Can. de Loc. Theol. l. 5. c. 5. Sixt. seu Bibliot. San. l. 5. annot. allant plus loin, ont affirmé qu'ils étaient corporels, d'où Bonaventure Baron a
8., Mirand. Sum. Concil. vo. Angelus, Molina, p. 1. q. 50., a. 1., conclu qu'il n'y avait rien d'hérétique ni d'incohérent à donner aux Anges et aux
Carranz., Annot. ad Synod. 7., etiam post Concilium illud docuerint Démons une double substance, corporelle et spirituelle. Cependant, en présence
spiritualitatem Angelorum et Dæmonum non esse de fide, ita ut de la déclaration formelle du Concile, qu'il est de foi que Dieu est le Créateur de
nonnulli alii, Bonav. in lib. 2. sent. dist. 3. q. 1., Scot. de Anim. q. 15., toutes choses visibles et invisibles, spirituelles et corporelles, qui a tiré du néant
Cajet. in Gen. c. 4., Franc. Georg. Problem. l. 2. c. 57., August. Hyph., toute créature spirituelle et corporelle, Angélique ou terrestre, je dis qu'il est de
de Dæmon., l. 3. c. 3., scripserint illos esse corporeos, et proinde foi d'admettre l'existence de certaines créatures purement spirituelles, et que tels
Angelos Dæmonesque corpore et spiritu constare non esse sont les Anges: non pas tous, mais un certain nombre.
propositionem hæreticam, neque erroneam probet Bonaventura Baro,
Scot. Defens. tom. 9. apolog. 2., act. 1., p. § 7.: tamen quia Concilium
ipsum statuit de fide tenendum, Deum esse Creatorem omnium
visibilium, et invisibilium, spiritualium, et corporalium, qui utramque
de nihilo condidit creaturam spiritualem et corporalem Angelicam,
videlicet ut mundanam: ideo dico de fide esse quasdam creaturas dari
mere spirituales, et tales esse Angelos, non quidem omnes, sed
quosdam.
37. Inaudita forsan erit sententia hæc, sed non destituta erit 37. Ceci paraîtra étrange peut-être, mais on conviendra que ce n'est pas
probabilitate. Si enim a Theologis tanta inter Angelos diversitas improbable. Si en effet les Théologiens s'accordent à constater parmi les Anges
specifica, et proinde essentialis statuitur, ut in via D. Thomæ, p. p., q. une diversité spécifique, et par suite essentielle, si grande que, à en croire S.
50., ar. 4., plures Angeli nequeant esse in eadem specie, sed quilibet Thomas, il n'existe pas deux Anges de même espèce, mais que chacun d'eux
Angelus propriam speciem constituat, profecto nulla invenitur constitue une espèce à lui seul, quelle difficulté trouvera-t-on à ce que certains
repugnantia, quod Angelorum nonnulli sint purissimi spiritus, et Anges soient des esprits très-purs, conséquemment de nature très-supérieure, et
proinde excellentissimæ naturæ, alii autem corporei, et minus qu'il y en ait d'autres qui soient corporels et de nature moins parfaite, différant
excellentes, et eorum differentia petatur per corporeum, et ainsi les uns des autres par leur substance corporelle et incorporelle? Cette
incorporeum. Accedit quod hac sententia facile solvitur alias doctrine, remarquons-le, a l'avantage de concilier aisément les décisions,
insolubilis contradictio inter duo Concilia Œcumenica, nempe autrement incompatibles, de deux Conciles Œcuméniques, savoir le Septième
Septimam Synodum generalem, et dictum Concilium Lateranense: Synode Général, et le susdit Concile de Latran. En effet, dans la cinquième
siquidem in illa Synodo, quæ est secunda Nicæna, actione quinta, séance de ce Synode, qui est le deuxième de Nicée, on produisit un livre de Jean
productus est liber Joannis Thessalonicensis scriptus contra quemdam de Thessalonique, écrit contre un Philosophe païen, où se trouvent les
Philosophum gentilem, in quo ita habetur: De Angelis, et Archangelis, propositions suivantes: «A l'égard des Anges, des Archanges et de leurs
atque eorum Potestatibus, quibus nostras Animas adjungo, ipsa Puissances, auxquelles j'adjoindrai nos propres Ames, l'avis réel de l'Église
Catholica Ecclesia sic sentit, esse quidem intelligibiles, sed non Catholique est que ce sont des intelligences, mais non tout à fait dépourvues de
omnino corporis expertes, et insensibiles, ut vos Gentiles dicitis, corps et insensibles comme vous autres Gentils le prétendez; elle leur reconnaît
verum tenui corpore præditos, et æreo, sive igneo, sicut scriptum est: au contraire un corps subtil, de la nature de l'air ou du feu, suivant ce qui est
qui facit Angelos suos spiritus, et ministros suos ignem urentem. Et écrit: Il fait des esprits ses Anges, et du feu ardent son Ministre.» Et encore:
infra: Quamquam autem non sint ut nos, corporei, utpote ex quatuor «Bien qu'ils ne soient pas corporels à notre manière, c'est-à-dire composés des
elementis, nemo tamen vel Angelos, vel Dæmones, vel Animas dixerit quatre éléments, il est néanmoins impossible de dire que les Anges, les Démons
incorporeas: multoties enim in proprio corpore visi sunt ab illis, quibus et les Ames sont incorporels; car ils sont apparus nombre de fois, revêtus de
Dominus oculos aperuit. Et cum omnia lecta fuissent coram Patribus leur propre corps, à ceux dont le Seigneur a daigné ouvrir les yeux.» Et après
synodaliter congregatis, Tharasius, Patriarcha Constantinopolitanus, que ce livre eut été lu dans son entier devant tous les Pères réunis en synode,
poposcit adprobationem Sanctæ Synodi his verbis: Ostendit Pater, Tharasius, Patriarche de Constantinople, le soumit en ces termes à l'approbation
quod Angelos pingi oporteat, quoniam circumscribi possunt, et ut du Saint Synode: «La démonstration du Père conclut à ce que les Anges doivent
homines apparuerunt. Synodus autem uno ore respondit: Etiam, être représentés en peinture, puisque leur forme est circonscrite, et qu'on les a
Domine. vus sous la figure humaine.» A quoi le Synode, d'une voix unanime, répondit:
«Oui, Monseigneur.»
38. Hanc autem Conciliarem adprobationem de materia ad longum 38. Maintenant, que cette approbation par un Concile de la doctrine exposée
pertractata a D. Joanne in libro coram Patribus lecto, statuere tout au long dans le livre de Jean, constitue un article de foi à l'égard de la
articulum fidei circa corporeitatem Angelorum, perspicuum est: unde corporéité des Anges, ceci ne fait pas l'ombre d'un doute: aussi les Théologiens
ad tollendam contradictionem hujus, cum allata definitione Concilii suent-ils sang et eau pour enlever à cette décision ce qu'elle a de contradictoire
Lateranensis multum desudant Theologi. Unus enim, Suarez, de avec la définition, rapportée plus haut, du Concile de Latran. A en croire Suarez,
Angelis, ait, quod Patres non contradixerunt tali asserto de si les Pères n'ont pas contredit une telle assertion de la corporéité des Anges,
corporeitate Angelorum, quia non de illa re agebatur. Alius, Bann., in c'est que ce n'était pas de cela qu'il s'agissait. Un autre prétend que le Synode a
p. p. q. 10., ait, quod Synodus adprobavit conclusionem, nempe bien approuvé la conclusion, à savoir qu'on pouvait peindre les Anges, mais non
Angelos pingi posse, non tamen adprobavit rationem, quia corporei le motif donné, qu'ils sont corporels. Un troisième, Molina, fait observer que les
sunt. Alius, Molin., in p. p., q. 50. a. 1., ait, quod definitiones définitions conciliaires émises par ce Synode, l'ont été seulement dans la
Conciliares in illa Synodo factæ sunt solum actione septima, proinde septième séance, d'où il conclut que celles des séances précédentes ne sont pas
ea quæ habentur in actionibus præcedentibus non esse definitiones de des définitions de foi. D'autres, enfin, écrivent que ni le Concile de Nicée, ni
fide. Alii, Joverc. et Mirand., Sum. Conc., scribunt nec Nicænum, nec celui de Latran n'ont entendu définir une question de foi: le Concile de Nicée
Lateranense Concilium intendisse definere de fide quæstionem; et ayant parlé suivant l'opinion des Platoniciens, qui fait des Anges des êtres
Nicænum quidem locutum fuisse juxta opinionem Platonicorum, quæ corporels et qui prévalait alors; le Concile de Latran, au contraire, ayant suivi
ponit Angelos corporeos, et tunc prævalebat; Lateranense autem l'autorité d'Aristote, lequel, au livre 12 de sa Métaphysique, établit l'existence
locutum esse juxta mentem Aristotelis, qui, l. 12. Metaphys., tex. 49., d'intelligences incorporelles, doctrine qui, depuis, a eu gain de cause contre les
ponit intelligentias incorporeas, quæ sententia contra Platonicos apud Platoniciens auprès de la plupart des Docteurs.
plerosque Doctores invaluit expost.
39. Sed quam frigidæ sint istæ responsiones nemo non videt, ac 39. Mais il est aisé de voir combien ces réponses sont faibles, et Bonaventure
eas minime satisfacere oppositioni palmariter demonstrat Baron (Scot. Defens., tome 9), démontre jusqu'à l'évidence qu'elles ne supportent
Bonaventura Baro, Scot. Defens., tom. 9., apolog. 2., actio. 1., § 2. pas l'examen. Donc, pour mettre d'accord ces deux Conciles, il faut dire que celui
per totum. Proinde ad tollendam contradictionem Conciliorum de Nicée a voulu parler d'une espèce d'Anges, et celui de Latran d'une autre
dicendum est, Nicænum locutum esse de una, Lateranense autem de espèce: la première corporelle, la seconde, au contraire, absolument incorporelle;
alia specie Angelorum, et illam quidem corpoream, hanc vero et c'est ainsi que se concilient deux Conciles autrement inconciliables.
penitus incorpoream; et sic conciliantur, aliter irreconciliabilia
Concilia.
40. Præmittendum 2o., nomen Angeli esse nomen officii, non 40. En deuxième lieu, nous devons observer que le nom d'Ange ne s'applique
naturæ, ut concorditer scribunt S. S. Patres: Ambros. in c. 1. epist. ad pas à la nature, mais à la fonction: là-dessus les Saints Pères sont d'accord (S.
Hebr., Hilarius, l. 5. de Trin., Augustinus, lib. 15. de Civit. Dei. c. Ambroise, sur l'Épître aux Hébreux; S. Augustin, Cité de Dieu; S. Grégoire,
23., Gregorius, Hom. 34. in Evang., Isidorus, l. de Sum. Bonit., c. Homélie 34 sur les Évangiles; S. Isidore, de la Suprême Bonté). L'Ange, dit très-
12.; unde præclare ait D. Ambrosius: Angelus non ex eo quod est bien S. Ambroise, n'est pas ainsi appelé pour sa qualité d'esprit, mais pour la
spiritus, ex eo quod agit, Angelus, quia Angelus Græce, Latine fonction qu'il remplit: Ἄγγελος en Grec, en Latin Nuntius, c'est-à-dire Envoyé;
Nuntius dicitur; sequitur igitur ex hoc, quod illi, qui ad aliquod d'où il résulte que ceux à qui Dieu confie quelque mission, esprits ou hommes,
ministerium a Deo mittuntur, sive spiritus sint, sive homines, Angeli peuvent recevoir la qualification d'Anges, et c'est réellement ce qui a lieu dans les
vocari possunt; et de facto ita vocantur in Scripturis Sacris: nam de Saintes Écritures, où se lisent les paroles suivantes appliquées aux Prêtres, aux
Sacerdotibus, Concionatoribus, ac Doctoribus, qui tanquam Nuntii Prédicateurs et aux Docteurs qui, en qualité d'Envoyés de Dieu, expliquent aux
Dei explicant hominibus divinam voluntatem, dicitur, Malach. c. 2. v. hommes la volonté divine (Malachie, chap. 2, v. 7): «Les lèvres du prêtre seront
7.: Labia Sacerdotis custodient scientiam, et legem requirent ex ore les dépositaires de la science, et c'est de sa bouche qu'on recherchera la
ejus, quia Angelus Domini exercituum est. D. Joannes Baptista ab connaissance de la loi, parce qu'il est l'Ange du Seigneur des armées.» Le même
eodem Propheta, c. 3. v. 1., vocatur Angelus, dum ait: Ecce ego mitto prophète, chap. 3, v. 1, donne le nom d'Ange à S. Jean-Baptiste, dans ce passage:
Angelum meum, et præparabit viam ante faciem meam. Et hanc «Je vais vous envoyer mon ange, qui préparera ma voie devant ma face.» Que
prophetiam esse ad litteram de S. Joanne Baptista testatur Christus cette prophétie se rapporte à la lettre à S. Jean-Baptiste, c'est ce qu'atteste Notre-
Dominus in Evangelio Matthæi, 11., v. 10. Immo et ipse Deus, quia Seigneur Jésus-Christ, Evangile selon S. Mathieu, 11, v. 10. Il y a plus: Dieu lui-
fuit missus a Patre in mundum ad evangelizandum legem gratiæ, même est appelé Ange, parce qu'il a été envoyé par son Père pour annoncer au
vocatur Angelus. Ita in prophetia Isaiæ, c. 9. v. 6., juxta versionem monde la loi de grâce. Témoin la prophétie d'Isaïe, chap. 9, v. 6, suivant la
Septuaginta: Vocabitur nomen ejus magni consilii Angelus, et version des Septante: «Il sera appelé Ange de grand conseil.» Et plus clairement
clarius in Malachiæ c. 3. v. 1.,: Veniet ad templum sanctum suum encore dans Malachie, chap. 3, v. 1: «Le Dominateur que vous cherchez, et l'Ange
Dominator quem vos quæritis, et Angelus testamenti, quem vos de l'alliance si désiré de vous, viendra dans son temple», prophétie qui s'applique
vultis. Quæ prophetia ad litteram est de Christo Domino. Sequitur littéralement au Seigneur Christ. Il n'y a donc, de notre part, aucune absurdité à
igitur nullum absurdum sequi ex hoc, quod dicimus Angelos quosdam dire que certains Anges sont corporels, puisque ce nom d'Ange est donné à des
esse corporeos, nam et homines, qui corpore constant, Angeli hommes, qui, assurément, ont un corps.
vocabulo efferuntur.
41. Præmittendum 3o., nondum rerum naturalium, quæ sunt in 41. En troisième lieu, il faut bien convenir que l'on n'a pas encore assez scruté
Mundo, satis perspectam esse existentiam, aut naturam, ut proinde l'existence ni la nature des choses naturelles de ce monde, pour qu'il soit permis
aliquid negandum sit ex eo, quod de illo nunquam alias dictum, aut de nier un fait, par cela seul que d'autres n'en ont jamais rien dit ou écrit. N'est-il
scriptum fuerit. Patet enim tractu temporis detectas esse novas pas avéré que, dans le cours des temps, de nouvelles terres ont été découvertes
terras, quas Antiqui nostri ignorarunt, novaque animalia, herbas, que nos Anciens avaient ignorées? de même des animaux nouveaux, des herbes,
plantas, fructus, semina nunquam alias visa; et si pervia esset Terra des plantes, des fruits, des semences que nulle part ailleurs on n'avait vus? Et si
Australis incognita, cujus indagatio, et lustratio a multis hucusque l'on arrivait enfin à explorer cette mystérieuse Terre Australe, comme tant de
incassum tentata est, adhuc nova nobis alia panderentur. Patet voyageurs l'ont vainement tenté jusqu'ici, combien de choses nouvelles nous
adhuc, quod per inventionem Microscopii, et alias machinas, et seraient encore révélées! N'est-ce pas aussi un fait avéré que l'invention du
organa Philosophiæ experimentales modernæ, sicut etiam per Microscope et d'autres instruments employés par la Philosophie expérimentale
exactiorem indaginem Anatomistarum, multarum rerum naturalium moderne, jointe aux procédés d'investigation plus exacts des Anatomistes, a mis
existentiam, vires, naturamque tum innotuisse, tum dietim ou met tous les jours en lumière l'existence, les propriétés, le caractère d'une foule
innotescere, quæ præcedentes Philosophi ignorarunt, ut patet in auro de choses naturelles inconnues aux anciens Philosophes, telles que l'or fulminant,
fulminante, phosphoro, et centum aliis chymicis experimentis, le phosphore, et cent autres compositions chimiques, la circulation du sang, les
circulatione sanguinis, venis lacteis, vasis lymphaticis, et aliis veines lactées, les vases lymphatiques et autres phénomènes semblables
hujusmodi quæ nuper Anatomistæ adinvenerunt. Proinde ineptum récemment découverts par les Anatomistes? Persifler une doctrine parce qu'on
erit aliquod exsibillare ex hoc quod de eo nullus Antiquorum n'en trouve mention dans aucun auteur ancien, est donc chose inepte, surtout si
scripserit, attento maxime Logicorum axiomate, quod locus ab l'on veut bien tenir compte de cet axiome de Logique: locus ab auctoritate
auctoritate negativa non tenet. negativa non tenet.
42. Præmittendum 4o., quod in Sacra Scriptura, et Ecclesiasticis 42. En quatrième lieu, observons que la Sainte Écriture et les traditions
traditionibus non traditur nisi id, quod ad Animæ salutem ecclésiastiques ne nous enseignent rien au delà de ce qui est nécessaire au salut de
necessarium est, quoad credendum, sperandum et amandum; unde l'âme, c'est-à-dire à la Foi, à l'Espérance et à la Charité. Donc, de ce qu'une chose
inferre non licet ex eo, quod nec ex Scriptura, nec ex traditione n'est constatée ni par l'Écriture, ni par la tradition, il ne faut pas conclure que cette
aliquod habetur, proinde negandum sit, quod illud tale existat: aut chose n'existe pas. Par exemple, la Foi nous enseigne que Dieu, par son Verbe, a
nos quidem Fides docet, Deum per Verbum suum omnia creasse créé des choses visibles et invisibles; et pareillement, que toute créature
visibilia, et invisibilia; pariterque ex Jesu Christi Domini nostri raisonnable obtient personnellement la grâce et la gloire par les mérites de Notre-
meritis tum gratiam, tum gloriam omni, et cuivis rationali creaturæ Seigneur Jésus-Christ. Maintenant, qu'il existe un Monde, autre que celui que
conferri. Num autem alius Mundus a nostro, quem incolimus, sit; et nous habitons; que dans ce monde-là il y ait des hommes non issus d'Adam, mais
in eo alii homines non ab Adam prognati, sed alio modo a Deo creati créés par Dieu de quelque autre manière, comme le supposent ceux qui logent des
existant (sicut ponunt illi, qui lunarem globum habitatum opinantur); habitants dans la lune; ou encore, que dans ce Monde même que nous habitons, il
pariterque num in hoc Mundo, quem incolimus, aliæ existant y ait des créatures raisonnables indépendamment des hommes et des Esprits
creaturæ rationales ultra homines, et Spiritus Angelicos, quæ Angéliques, lesquelles créatures nous sont généralement invisibles et ne se
regulariter hominibus sint invisibiles, et per accidens, et earum découvrent à l'homme que par accident, par un acte de leur propre puissance: tout
executiva potentia fiant visibiles: hoc nullo modo spectat ad fidem, et cela n'a rien à faire avec la Foi, et le savoir ou l'ignorer n'est pas plus nécessaire
hoc scire, aut ignorare non est ad salutem hominis necessarium, sicut au salut de l'homme, que de savoir le nombre ou la nature de toutes les choses
nec scire rerum omnium physicarum numerum aut naturam. physiques.
43. Præmittendum 5o., nullam inveniri repugnantiam, nec in 43. En cinquième lieu, ni la Philosophie, ni la Théologie ne fournissent aucune
Philosophia, nec in Theologia, quod dari possint creaturæ rationales objection à cette donnée de créatures raisonnables ayant esprit et corps, et
constantes spiritu et corpore, aliæ ab homine, quia si esset distinctes de l'homme. L'objection, en effet, ne saurait être qu'une impossibilité
repugnantia hoc esset vel ex parte Dei (et hoc non quia ipse tirée soit de Dieu (ce qui est faux puisque Dieu est tout-puissant); soit de la chose
omnipotens est), vel ex parte rei creabilis; et neque hoc, quia sicut à créer, ce qui est faux encore, car, de même qu'il existe des créatures purement
creatura mere spiritualis, ut Angeli, creata est, et mere materialis, ut spirituelles, comme les Anges, ou purement matérielles, comme le Monde, ou
Mundus, et partim spiritualis, partim corporea, corporeitate enfin moitié spirituelles, moitié corporelles, et d'une corporéité terrestre et
terrestri, et crassa, ut homo, ita creabilis est creatura constans épaisse, comme l'homme, de même peut-on admettre une créature douée d'un
spiritu rationali, et corporeitate minus crassa, sed subtiliore, quam esprit raisonnable, et d'une corporéité moins épaisse et plus subtile que l'homme.
sit homo. Et profecto post Resurrectionem Anima Beatorum erit unita Il n'est pas douteux d'ailleurs qu'après la Résurrection, l'âme des Bienheureux sera
corpori glorioso dote subtilitatis donato: ut proinde concludi posset, unie à un corps glorieux et subtil: d'où il est permis de conclure que Dieu a pu
potuisse Deum creare creaturam rationalem corpoream, cui créer un être raisonnable et corporel, dont le corps est naturellement subtil comme
naturaliter indita sit corporis subtilitas, sicut per gratiam corpori le corps glorieux transfiguré par la grâce.
glorioso confertur.
44. Astruitur autem magis talium creaturarum possibilitas ex 44. Mais, pour mieux établir la possibilité de ces créatures, nous allons
solutione argumentorum, quæ contra positam conclusionem fieri résoudre les arguments qu'on peut former contre notre conclusion et répondre aux
possunt, pariterque ex responsione ad interrogationes, quæ possunt questions qu'elle soulève.
circa eam formari.
45. Prima interrogatio est, an tales creaturæ dicendæ essent 45. Première question: ces créatures devraient-elles être appelées animaux
animalia rationalia? Quod si sic, quomodo different ab homine, cum raisonnables? et dans l'affirmative, en quoi différeraient-elles de l'homme, avec
quo communem haberent definitionem? lequel cette définition leur serait commune?
46. Respondeo quod essent animalia rationalia sensibus, et 46. Je réponds: oui, ce seraient des animaux raisonnables, munis de sens et
organis corporis prædita, sicut homo: differrent autem ab homine d'organes corporels, ainsi que l'homme; toutefois, elles différeraient de l'homme,
non solum ratione corporis tenuioris, sed etiam materiæ. Homo non-seulement par la nature plus subtile de leur corps, mais par la matière. En
siquidem ex crassiore elementorum omnium parte, puta ex luto, effet, l'homme a été formé, comme le constate l'Écriture, de la partie la plus
nempe aqua et terra crassa formatus est, ut constat ex Scriptura, épaisse de tous les éléments, c'est-à-dire de boue, mélange épais d'eau et de terre:
Gen. 2. v. 7.; ista vero formata essent ex subtiliore parte omnium, aut ces créatures, au contraire, seraient formées de la partie la plus subtile de tous les
unius, seu alterius elementorum; ut proinde alia essent terrea, alia éléments, ou de l'un d'eux; ainsi les unes tiendraient de la terre, les autres de l'eau,
aquea, alia ærea, et alia ignea, et ut eorum definitio cum hominis ou de l'air, ou du feu, et pour éviter de les définir dans les mêmes termes que
definitione non conveniret, addendum esset definitioni hominis l'homme, il faudrait ajouter à la définition de ce dernier la mention de la
crassa materialitas sui corporis, per quam a dictis animalibus matérialité épaisse de son corps, par où il différerait de ces créatures.
differret.
47. Secunda interrogatio est, quandonam hujus modi animalia 47. Seconde question: A quelle époque faudrait-il assigner l'origine de ces
fuissent condita, et num cum brutis producta a terra, aut ab aqua, ut animaux, et seraient-ils le produit de la terre ou de l'eau, comme les bêtes,
quadrupedia, et aves respective; an vero a Domino Deo formata, ut quadrupèdes, oiseaux, etc.; ou, au contraire, auraient-ils été créés, ainsi que
fuit homo? l'homme, par le Seigneur Dieu?
48. Respondeo quod de fide est, quod posito, quod existant de 48. Je réponds: Il est de foi, et le Concile de Latran l'a expressément défini,
facto, creata sint a principio Mundi: sic enim definitur a Concilia que tout ce qui existe de fait et actuellement, a été créé dès le commencement du
Lateranensi (Firm. de Sum. Trinit. et Fide cathol.); nempe quod Deus monde. Par sa vertu toute-puissante, Dieu a tiré ensemble du néant, à l'origine des
sua omnipotenti virtute simul ab initio temporis utramque de nihilo siècles, les deux ordres de créatures, spirituelles et corporelles. Or, les animaux en
condidit creaturam, spiritualem et corporalem. Sub illa etenim question seraient compris dans la généralité des créatures. Quant à leur formation,
Creaturarum generalitate etiam illa animalia essent comprehensa. on pourrait dire que c'est Dieu lui-même qui, par le ministère des Anges, a fait
Quo vero ad eorum formationem, decuisse ipsorum corpus a Deo leur corps comme il a fait celui de l'homme, auquel devait être uni un esprit
ministerio Angelorum formatum fuisse, sicut a Deo formatum immortel. En effet, ce corps étant, de sa nature, plus noble que celui des autres
legimus corpus hominis, quia ipsi copulandus erat spiritus animaux, il y avait lieu d'y joindre un esprit incorporel et très-noble.
immortalis, quandoquidem spiritus incorporeus, et proinde
nobilissimus corpori pariter originaliter nobiliori cæteris brutis
jungendus erat.
49. Tertia interrogatio, an talia animalia habuissent originem ab 49. Troisième question: Ces animaux descendraient-ils d'un seul individu,
uno solo, velut omnes homines ab Adam, an vero plura simul formata comme tous les hommes d'Adam; ou, au contraire, y en aurait-il eu plusieurs de
essent sicut fuit de cæteris animantibus a terra, et aqua productis, in créés en même temps, comme dans les différentes espèces produites de la terre et
quibus fuerunt Mares, et Fœminæ quæ speciem per generationem de l'eau, où se sont trouvés des mâles et des femelles pour se perpétuer par la
conservant? Et si hoc oporteret inter talia animalia esse génération? Ensuite, y aurait-il entre eux des distinctions de sexes? Seraient-ils
distinctionem sexus; ipsa nasci, et interire; passionibus sensus affici, sujets à naître et à mourir? Auraient-ils des sens, des passions, besoin de
nutriri, crescere; et tunc quo alimenta vescerentur, esset quærendum; nourriture, faculté de croissance? Et alors, quels seraient leurs aliments? Enfin,
præterea an vitam socialem ducerent, ut homines; qua politica vivraient-ils en société, comme les hommes? Par quelles lois seraient-ils régis?
regerentur; num urbes ad habitandum struxissent; num artes, studia, Bâtiraient-ils des villes pour y habiter? Cultiveraient-ils les arts et les lettres?
possessiones, et bella inter ea essent, sicut est in hominibus. Posséderaient-ils des biens et se feraient-ils la guerre entre eux, comme les
hommes?
50. Respondeo: potuit esse quod omnia ab uno, velut homines ab 50. Je réponds: Il se peut que tous descendent d'un seul individu, comme les
Adam, sint progenita; potuit pariter esse, quod ex iis multi mares, et hommes d'Adam; il se peut aussi qu'il en ait été créé, dès l'origine, un certain
plures fœminæ fuissent formatæ, a quibus per generationem eorum nombre, mâles et femelles, qui ont servi à propager l'espèce. Nous admettrons
species essent propagatæ. Ultro admitteremus talia animalia oriri, et encore qu'ils naissent et qu'ils meurent; qu'ils se divisent en mâles et en femelles;
mori; mares alios, alias fœminas inter ea esse; passionibus, sensibus qu'ils ont, comme les hommes, des sens et des passions; que leur corps se nourrit
agitari velut homines; nutriri et crescere secundum molem sui et se développe: toutefois, leur nourriture ne doit pas être grossière comme celle
corporis; cibum autem ipsorum non crassum qualem requirit qu'exige le corps humain, mais une substance délicate et vaporeuse, émanant par
crassities corporis humani, sed substantiam tenuem, et vaporosam effluves spiritueuses de tout ce qui, dans la nature, abonde en corpuscules très-
emanantem per effluvia spirituosa a rebus physicis pollentibus volatils, comme le fumet des viandes, et spécialement des viandes rôties, la
corpusculis maxime volatilibus, ut nidor carnium maxime assatarum, vapeur du vin, des fruits, des fleurs, des aromates, d'où se dégagent des effluves
vapor vini, fructuum, florum, aromatum, a quibus copiosa hujusmodi de ce genre, jusqu'à évaporation parfaite des parties subtiles et volatiles. Que, du
effluvia usque ad totalem partium subtiliorum, ac volatilium reste, ils puissent vivre en société; qu'il y ait entre eux différentes conditions de
evaporationem scaturiunt. Talia autem animalia civilem vitam rang et de préséance; qu'ils cultivent les arts et les sciences; qu'ils exercent des
ducere posse, et inter ea distinctos esse gradus dominantium ac fonctions, entretiennent des armées, bâtissent des villes, et fassent enfin tout ce
servientium pro conditione naturæ ipsorum, artesque, scientias, qui est nécessaire à leur conservation: c'est à quoi je ne verrais, au fond, rien à
ministeria, exercitia, loca, mansiones, ac alia necessaria ad eorum objecter.
conservationem, nullam penitus importat repugnantiam.
51. Quarta interrogatio est, qualis esset eorum corporis figuratio, 51. Quatrième question: Quelle serait la forme de leur corps? Serait-ce la
an humanam, an aliam formam, et qualem haberent, et an partes forme humaine ou quelque autre? Y aurait-il, entre les diverses parties de leur
corporis ipsorum haberent ordinem essentialem inter se, ut corpora corps, un ordre essentiel, comme on le voit dans les autres animaux, ou seulement
cæterorum animalium, an vero accidentalem tantum, ut corpora accidentel, comme dans les substances fluides, telles que l'huile, l'eau, les nuées,
fluidarum substantiarum, ut olei, aquæ, nubis, fumi, etc.; et num la fumée, etc.? Ces parties organiques seraient-elles composées de substances
substantiæ suarum partium organicarum diversimode constarent, ut différentes, comme les organes du corps humain, où se trouvent des parties très-
organa hominum, in quibus sunt aliæ partes crassissimæ, ut ossa, épaisses, telles que les os; d'autres moins épaisses, telles que les cartilages; et
aliæ minus crassæ, ut cartilagines, aliæ tenues, ut membranæ. d'autres minces, telles que les membranes?
52. Respondeo, quod quantum ad figuram corpoream nihil certi 52. Je réponds: En ce qui concerne la forme de leur corps, nous ne devons ni
affirmare debemus, aut possumus, cum talis figura non sit exacte ne pouvons rien affirmer de certain, puisque cette forme ne tombe pas sous nos
nobis sensibilis, nec quoad visum, nec quoad tactum præ sui corporis sens, étant trop délicate pour notre vue et notre toucher. Laissons donc cette
tenuitate, ac perspicacitate; qualis proinde vere sit, noverent ipsi, connaissance à eux-mêmes et à ceux qui ont le privilége de discerner
aliique, qui substantias immateriales intuitive cognoscere possunt. intuitivement les substances immatérielles. Mais, en tant que probabilité, je dis
Quoad congruentiam et probabilitatem dico, illa referre speciem que cette forme doit se rapporter à celle du corps humain, avec quelque
corporis humani, cum aliquo distinctivo a corpore humano, nisi forte particularité distinctive, si la délicatesse même de leur corps n'en est pas une
ad hoc sufficiat sua ipsorum tenuitas. Ducor, quia corpus humanum suffisante. Et ce qui me confirme dans cette opinion, c'est de considérer que le
plasmatum a Deo perfectissimum est, inter animalia quæque, et cum corps humain, de tous les ouvrages de Dieu, est le plus parfait; que, tandis que
cætera bruta in terram sint prona, eo quia anima eorum mortalis est, tous les autres animaux, dont l'âme est mortelle, sont courbés vers la terre, Dieu,
Deus, ut ait poeta Ovid., Metamorphos.: comme dit le poète Ovide, en ses Métamorphoses,
Os homini sublime dedit, cœlumque tueri A donné à l'homme un visage sublime, lui ordonnant de contempler le ciel,
Jussit, et erectos ad sidera tollere vultus; Et de tenir tes yeux élevés vers les astres,

quia anima hominis immortalis ordinata est ad cœlestem mansionem. et cela, parce que l'âme de l'homme a été créée immortelle, en vue de la demeure
Cum igitur animalia, de quibus loquimur, spiritum haberent céleste. Or, les animaux dont nous parlons, possédant un esprit immatériel,
immaterialem, rationalem, ac immortalem, et proinde capacem rationnel et immortel, conséquemment capable de béatitude et de damnation, il est
beatitudinis, ac damnationis, congruum est, quod corpus, cui talis logique d'admettre que le corps, auquel cet esprit est uni, soit semblable au corps
spiritus copulatur, simile sit omnium animalium nobilissimo, corpori le plus noble qui existe dans l'ordre animal, c'est-à-dire au corps humain. D'où il
humano. Ex hac positione sequitur, quod ejus corporis partes suit que les différentes parties de ce corps doivent avoir entre elles un ordre
ordinem inter se essentialem habere deberent; nec enim pes capiti, essentiel; que, par exemple, le pied n'est pas un appendice de la tête, ni la main du
aut ventri manus conjungi deberet: sed congrua membrorum ventre, mais que chaque organe est bien à sa place, suivant les fonctions
essentiali dispositione ordinata, ut essent idonea ministeriis propriis auxquelles il est destiné. Maintenant, pour ce qui est des parties constitutives
perficiendis. Quo autem ad partes componentes ipsarum organa, desdits organes, il est, à mon avis, nécessaire qu'il y en ait de plus ou moins
dico quod necessarium esset, ut nonnullæ ipsarum essent solidiores, solides, de plus ou moins délicates, afin de répondre aux exigences de l'opération
aliæ minus solidæ, aliæ tenues, aliæ tenuissimæ pro necessitate organique. Et si l'on objectait, sur ce point, la délicatesse même de leur corps, je
operationis organicæ. Nec contra hanc positionem facile potest dirais que la solidité, la consistance des parties organiques dont nous parlons, ne
asseri tenuitas ipsorum corporum: quippe soliditas aut crassities serait pas absolue, mais seulement relative aux autres parties plus délicates. C'est,
organicarum partium, de qua dicimus, non esset talis simpliciter, sed d'ailleurs, ce qu'on peut observer dans tous les corps fluides naturels, comme le
comparative ad alias partes tenuiores. Et hoc patere potest in vin, l'huile, le lait, etc.: si homogènes, si semblables entre elles que paraissent
omnibus corporibus fluidis naturalibus, ut vino, oleo, lacte, etc.; toutes les parties dont ils se composent, il n'en est cependant pas ainsi; car les
quantumvis enim omnes partes in ipsis videantur homogeneæ, ac unes sont argileuses, les autres aqueuses: il y a du sel fixe, du sel volatil, du
similares, non tamen ita est; nam in ipsis est pars terrea, pars aquea, soufre; et tout cela n'a besoin, pour sauter aux yeux, que d'être soumis à l'analyse
sal fixum, sal volatile, et pars sulfurea, quæ omnia manipulatione chimique. De même dans le cas qui nous occupe; car, en supposant que les corps
spargirica oculis subjici possunt. Ita esset in casu nostro: posito de ces animaux fussent subtils et délicats comme les corps naturels fluides: l'eau,
enim quod talium animalium corpora subtilia, et tenuia, ut corpora l'air, etc., il n'en faudrait pas moins reconnaître des différences dans la qualité de
naturalia fluida, velut aqua, et ær, essent, non tamen tolleretur, quin leurs parties constitutives, dont les unes seraient solides en comparaison d'autres
in ipsorum partibus diversæ inter se essent qualitates, et aliquæ plus menues, sans que les corps ainsi composés, pris dans leur ensemble,
ipsarum comparative ad alias essent solidæ, et aliæ tenuiores, cessassent de pouvoir être dits délicats.
quamvis totum corpus ex ipsis compositum tenue dici posset.
53. Quod si dicatur, quod hæc repugnant positioni supra firmatæ, 53. Mais, objectera-t-on, ceci répugne à ce qui a été dit plus haut de
circa partium essentialem ordinationem inter se: quandoquidem l'ordination essentielle des parties entre elles; car il est visible que, dans les corps
videmus, quod in corporibus fluidis, ac tenuibus una pars non servat fluides et subtils, une partie n'est pas coordonnée essentiellement, mais seulement
ordinem essentialem ad aliam, sed accidentalem tantum, ita ut hæc accidentellement avec une autre: ainsi, telle partie de vin qui, tout à l'heure, était
pars vini, quæ modo alteri parti contigua est, mox inverso vase, aut contiguë à telle autre partie, se trouve bientôt, soit qu'on renverse le vase ou qu'on
moto vino, alteri parti unitur, et sic omnes partes diversam agite le vin, en contact avec une troisième; et toutes les parties changent à la fois
positionem habent quantumvis semper idem vinum sit, et ex hoc de position, quoique ce soit toujours le même vin. D'où il suivrait que les corps de
sequeretur, quod talium animalium corpora figurata stabiliter non ces animaux n'auraient pas de figure stable et, conséquemment, ne seraient pas
essent, et consequenter, nec organica. organiques.
54. Respondeo negando assumptum; etenim in corporibus fluidis, 54. Ma réponse est bien simple: je nie la mineure. En effet si, dans les corps
quamvis non appareat, manet tamen essentialis partium ordinatio, fluides, l'ordination essentielle des parties n'est pas apparente, elle n'en est pas
qua stante stat in suo esse compositum, et hoc patet manifeste in moins réelle, et c'est par là qu'un corps composé reste ce qu'il est. Voyez, par
vino: expressum enim ab uvis videtur liquor totaliter homogeneus, exemple, le vin: à peine exprimé de la grappe, on dirait une liqueur tout à fait
non tamen ita est; in eo enim sunt partes crassæ, quæ tractu temporis homogène, et qui ne l'est point pourtant; car il y a des parties épaisses qui, à la
subsident in doliis: sunt etiam partes tenues, quæ evaporant: sunt longue, déposent au fond du tonneau; il y a aussi des parties menues, qui
partes fixæ, ut tartarus, sunt partes volatiles, ut sulphur, sive spiritus s'évaporent; des parties fixes, comme le tartre; des parties volatiles, comme le
ardens; sunt partes mediæ inter volatile ac fixum, ut phlegma. Partes soufre ou l'alcool; enfin des parties intermédiaires entre le volatil et le fixe,
istæ ordinem essentialem inter se mutant; nam statim, ac expressum comme le flegme. Ces diverses parties ne gardent pas respectivement un ordre
est ab uvis, et mustum dicitur sulphur, sive spiritus volatilis, ita essentiel; car, aussitôt que le moût a été exprimé des grappes, et qu'il prend le
implicatum manet particulis tartari, qui fixus est, ut nullo modo nom de soufre ou esprit volatil, il demeure si étroitement lié aux particules du
avolare valeat. tartre, qui sont fixes, qu'il lui est impossible de s'échapper.
55. Hinc est, quod a musto recenter ab uvis expresso nullo modo 55. C'est pour cela que le moût récemment exprimé des grappes, ne se prête en
potest distillari spiritus sulphureus, qui communiter vocatur aqua aucune façon à la distillation de l'esprit sulfureux, vulgairement nommé eau-de-
vitæ: sed post quadraginta dies fermentationis particulæ vini vie; mais, après quarante jours de fermentation, les particules du vin se déplacent;
ordinem mutant, ita ut spiritus, qui alligati erant particulis tartareis, les esprits qui, étant liés aux particules tartriques, les tenaient suspendues par leur
et propria volatilitate eas suspensas tenebant, et vicissim ab eis, ne propre volatilité, tandis que celles-ci les retenaient eux-mêmes, de manière à en
possent avolare detinebantur, ac tartareis particulis separantur, et empêcher l'évaporation, se séparent de ces particules, et demeurent mêlés
divulsi, ac confusi remanent cum partibus phlegmaticis, a quibus per confusément aux parties flegmatiques, puis s'en dégagent facilement par l'action
actionem ignis faciliter separantur, et avolant; sicque per du feu, et s'évaporent: ainsi, au moyen de la distillation, se fait l'eau-de-vie, qui
distillationem fit aqua vitæ, quæ aliud non est quam sulphur vini n'est pas autre chose que le soufre contenu dans le vin, volatilisé par la chaleur
volatile cum tenuiore parte phlegmatis simul cum dicto sulphure vi avec la partie la plus délicate du flegme. Au bout de quarante jours, commence
ignis elevata. Post quadraginta dies, alia incipit vini fermentatio, une autre fermentation qui se prolonge plus ou moins, suivant que la maturité du
quæ longiori, aut minus longo tempore perficitur, pro vini vin est plus ou moins parfaite, et se termine d'une façon ou d'une autre, selon que
perfectiori, aut imperfectiori maturitate, et alio, atque alio modo l'esprit sulfureux est plus ou moins abondant. En effet, s'il y a dans le vin
terminatur, pro minore aut majore spiritus sulphurei abundantia. Si abondance de soufre, il s'aigrit par la fermentation et tourne au vinaigre; si, au
enim abundat in vino sulphur, acescit fermentatione, et evadit contraire, il contient peu de soufre, le vin s'amollit, et c'est ce qu'on appelle en
acetum; si autem parum sulphuris continet, lentescit vinum, et Italice Italien: vino molle, ou vino guasto. Si le vin est mûr tout d'abord, comme il arrive
dicitur vino molle, aut vino guasto. Quod si vinum maturum sit, ut dans d'autres cas, il tourne en moins de temps du doux à l'aigre, ou s'amollit,
cæteris paribus est, vinum dulce breviori tempore, aut acescit, aut comme le démontre l'expérience de chaque jour. Or, dans la fermentation dont il
lentescit, ut quotidiana constat experientia. In dicta autem est parlé, l'ordre essentiel des parties du vin subit un changement, mais non sa
fermentatione ordo essentialis partium vini mutatur; non enim ipsius quantité ou sa matière, qui ne change, ni ne diminue: une bouteille pleine de vin,
quantitas, aut materia imminuitur, aut mutatur: videmus enim par exemple, au bout d'un certain temps, se trouve être pleine de vinaigre, sans
lagenam vino plenam tractu temporis evadere plenam aceto, qu'il y ait rien de changé quant à la quantité de matière; l'ordre essentiel des
nullatenus mutata circa quantitatem materiæ, quæ prius ibi extabat, parties est seul changé: le soufre qui, comme nous l'avons dit, était uni au flegme
sed tantum mutato partium essentiali ordine: nam sulphur, quod, ut et séparé du tartre, se mêle de nouveau au tartre et reste fixé avec lui; de sorte que
diximus, erat phlegmati unitum, ac a tartaro separatum, iterum si l'on distille le vinaigre, il en sort d'abord un flegme insipide, puis un esprit de
tartaro implicatur, et cum eo fixatur, et proinde si distilletur acetum, vinaigre, qui est le soufre de vin entremêlé de particules de tartre moins fixe. Or,
primo prodit phlegma insipidum, et post spiritus aceti, qui est la mutation essentielle des susdites parties affecte la substance de la liqueur
sulphur vini illaqueatum particulis tartari minus fixi. Mutatio autem exprimée du raisin, comme le prouvent manifestement les effets contraires et
essentialis partium supradictarum variat substantiam liquoris variés du moût, du vin, du vinaigre et du vin mou ou corrompu; ce qui fait que les
expressi ab uva, quod manifeste patet ex variis, et contrariis deux premiers sont matière propre à la consécration, mais non les deux autres.—
effectibus, quos causant mustum, vinum, et acetum, et vinum lentum, Nous avons emprunté cette exposition de l'économie du vin au savant ouvrage de
quod vocatur corruptum, ut proinde duo prima apta materia sint ad Nicolas Lémery, Parfumeur du Roi de France, Cours de chimie, p. 2. c. 9.
consecrationem, secus alia duo. Hanc porro vini economiam
hausimus ab erudito opere Nicolai Lemerii, Regis Galliarum
Aromatarii, Curs. de Chimi., p. 2. c. 9.
56. Datam ergo naturalem doctrinam applicando consequenter 56. Maintenant, si nous appliquons à notre sujet la doctrine naturelle ci-dessus,
dico, quod data dictorum animalium corporeitate subtili, et tenui, je dis qu'étant donné la corporéité subtile et délicate des animaux en question,
sicut corpora liquidorum, et data pariter eorundem organizatione et analogue à la substance des liquides; étant donné pareillement leur organisation et
figuratione, quæ partium essentialem ordinationem exigunt, non leur figure, qui exigent une ordination essentielle des parties, il n'y aurait, à
sequerentur inconvenientia ex adverso illata: nam sicut supposer le contraire, aucun argument à élever contre leur existence: car de
(quemadmodum dicebamus) ex confusione partium vini, et diversa même, avons-nous dit, que la confusion des parties du vin et la diversité de leurs
ipsarum accidentali positione non variatur ordinatio earumdem positions accidentelles n'affectent en rien l'ordination essentielle de ces parties, de
essentialis, ita esset in corpore tenui dictorum animalium. même il en serait à l'égard du corps subtil de nos animaux.
57. Quinta interrogatio est, an talia obnoxia essent ægritudinibus, 57. Cinquième question: Ces animaux seraient-ils sujets aux maladies et autres
ac aliis imperfectionibus, quibus homines laborant, ut ignorantia, infirmités dont souffrent les hommes, telles que l'ignorance, la peur, la paresse, la
metu, segnitie, sensuum impedimentis, etc.? An laborando paralysie des sens, etc.? Se fatigueraient-ils par le travail, et auraient-ils besoin,
lassarentur, et ad virium reparationem egerent somno, cibo, ac potu, pour réparer leurs forces, de dormir, de manger, de boire? Quelles seraient leur
et quo? et consequenter an interirent, et subinde, an a cæteris nourriture et leur boisson? Seraient-ils destinés à mourir, et pourraient-ils être tués
animalibus casu, aut ruina possent occidi? soit par accident, soit par le fait d'autres animaux?
58. Respondeo, quod ex quo corpora ipsorum, quamvis tenuia, 58. Je réponds: Du moment que leurs corps, quoique subtils, seraient matériels,
essent materiata, essent quidem corruptioni obnoxia; et ex ils seraient par cela même sujets à corruption; conséquemment, ils pourraient
consequenti possent pati ab agentibus contrariis, et ita ægrotare, souffrir des agents contraires et, par suite, être malades, c'est-à-dire que leurs
puta, aut simpliciter, aut nisi ægre, perverse, aut vitiose præstare non organes se refuseraient à remplir, ou ne rempliraient qu'avec peine et
posse munera, ad quæ eorum organa essent ordinata; in hoc imparfaitement les fonctions qui leur seraient assignées, car c'est en cela que
siquidem consistit animalium quorumdam ægritudo quævis: ut consiste toute maladie quelconque chez certains animaux, comme l'enseigne
resolutive docet præstantissimus Michael Ettmullerus, Physiol. c. 5., doctoralement le très-illustre Michel Ettmuller, Physiologie, c. 5, thèse 1. A la
thes. 1. Verum est, quod ex eo, quod tantam materiæ crassitatem non vérité, comme la matière de leur corps serait moins épaisse que celle du corps
haberent, et forte ex tot elementorum mixtione eorum corpus non humain, comme elle serait formée de moins d'éléments mêlés ensemble, partant
constaret, et minus compositum esset, quam humanum, non tam moins composite, ils ne souffriraient pas aussi aisément de l'action des contraires,
facile paterentur a contrariis, et consequenter non tot ægritudinibus ils seraient donc moins sujets que l'homme aux maladies, et leur vie serait aussi
velut homines essent obnoxia, et longiorem, etiam homine, vitam plus longue: car, plus l'animal est parfait, pris dans son espèce, plus il vit
ducerent: quo enim perfectius est animal, a tota specie, etiam longtemps, témoin l'espèce humaine, dont l'existence est plus longue que celle des
cæteris, diutius vivit, ut patet de specie humana, cujus vita longior autres animaux. Je n'admets pas, en effet, la vie séculaire des corneilles, des cerfs,
cæteris animalibus est. Nec enim admitto sæcularem vitam cornicum, des corbeaux et autres semblables, dont Pline nous conte des fables à sa manière;
cervorum, corvorum, et similium, de quibus more suo fabulatur et, quoique ses rêveries aient été reproduites, sans examen préalable, par divers
Plinius, et ejus somnia sine prævia discussione secuti sunt cæteri: auteurs, il n'en est pas moins certain que personne, pour écrire ainsi, n'a
quandoquidem nullus est, qui talium animalium natale et interitum exactement pris note de la naissance et de la mort de ces créatures: on s'est
fideliter adnotaverit, ut pari modo de eo scripserit; sed insolitam diu contenté d'adopter la fable courante, comme on l'a fait à l'égard du Phénix, dont la
fabulam quisque secutus est; sicut etiam illud, quod de Phœnice longévité est traitée de conte par Tacite, Annales, l. 6. Il faudrait donc inférer que
dicitur, quod ut quid fabulosum, circa ejus vitæ spatium recenset les animaux dont nous parlons surpasseraient l'homme lui-même en longévité;
Tacitus, l. 6. Annal. Inferendum subinde esset quod illorum car, ainsi que nous le dirons plus bas, ils seraient plus nobles que l'homme;
animalium vita etiam humana deberet esse diuturnior: ut enim infra conséquemment aussi, ils seraient sujets aux autres affections corporelles, et
dicemus, illa essent homine nobiliora, consequenter dicendum esset, auraient besoin de repos et de nourriture comme nous l'avons dit au no 50.
quod essent obnoxia cæteris corporeis pathematis, et quiete, et cibo Maintenant, en leur qualité d'êtres raisonnables et, par suite, éducables, ils
indigerent, quale diximus supra no 50. Quia vero rationalia, et pourraient aussi rester ignorants si leurs esprits n'étaient pas cultivés par l'étude et
proinde disciplinabilia essent, ex consequenti etiam capacia la discipline, et il s'en trouverait parmi eux de plus ou moins versés dans les
ignorantiæ, si eorum ingenia non essent exculta studiis, et disciplina, sciences, de plus ou moins habiles, suivant que leur intelligence aurait été plus ou
et inter ea pro intellectus eorum majori, et minori acumine essent moins exercée. Toutefois, à les prendre en général et dans l'universalité de leur
aliqua magis, aliqua minus in scientiis excellentia: universaliter espèce, ils seraient plus instruits que l'homme, non à cause de la subtilité de leur
vero, et a tota specie essent homine doctiora, non ob eorum corps, mais peut-être soit parce que leur esprit serait plus actif, soit parce que leur
corpoream subtilitatem, tum forte, ob majorem spirituum activitatem, vie serait plus longue et leur permettrait d'apprendre plus de choses que les
tum ob diuturniorem vitæ durationem, in qua plura, quam homines hommes: telles sont effectivement les causes assignées par Saint Augustin (Divin.
discere possent, quas causas assignat D. Augustinus, lib. de Divin. Démon., ch. 3, et de l'Esprit et de l'Ame, ch. 37), à la prescience des choses
Dæm. c. 3. init. tom. 3., et lib. de Spir. et Anima, c. 37., pro futures chez les Démons. Il pourraient, d'ailleurs, souffrir par le fait d'agents
futurorum prænotione in Dæmonibus. Ab agentibus autem naturels, mais difficilement être tués, à cause de la vitesse avec laquelle ils
naturalibus pati quidem possent, ac difficulter occidi ratione échappent au danger; aussi paraît-il à peine concevable qu'ils puissent être tués ou
velocitatis, qua possunt se subtrahere a nocentibus; quapropter, nec mutilés par les bêtes ou par l'homme, au moyen d'armes naturelles ou artificielles,
a brutis, nec ab homine armis naturalibus, seu artificialibus nisi tant ils sont prompts à éviter le coup qui les menace. Cependant, ils pourraient
maxima difficultate possent occidi, aut mutilari, et maxima être tués ou mutilés pendant leur sommeil, ou dans un moment d'inadvertance, au
eorumdem velocitate in declinando contrarium impetum. Possent moyen d'un corps solide, tel qu'une épée vibrée par un homme ou une pierre
vero in somno, aut in non advertentia occidi, et mutilari a corpore lancée avec force; car, quoique subtil, leur corps serait divisible, comme l'air qui,
solido, ut ense vibrato ab homine, aut lapide delapso per ruinam, tout vaporeux qu'il soit, est cependant divisé par une épée, un bâton, ou quelque
quia eorum corpus licet tenue, tamen et quantum, et divisibile esset, autre corps solide. Quant à leur esprit, il serait indivisible et, comme l'âme
velut ær qui ferro, fuste, aut alio corpore solido dividitur quamvis humaine, tout entier dans tout et dans chaque partie du corps. Conséquemment, la
tenuis sit. Eorum autem spiritus impartibilis esset, et ceu anima division de leur corps effectuée, comme il est dit ci-dessus, par un autre corps,
hominis totus in toto, et totus in quavis corporis parte. Hinc fieret peut causer une mutilation et même la mort, car il ne serait pas possible à l'esprit,
quod diviso corpore ipsorum, ut præfertur, per aliud corpus, sequi qui est lui-même indivisible, d'animer l'une et l'autre partie d'un corps divisé. Sans
posset mutilatio, et proinde etiam mors: non enim fieri posset ut doute, de même que les parties de l'air, divisées par l'intermédiaire d'un corps, se
diviso corpore idem spiritus utramque partem informaret, cum ipse réunissent aussitôt ce corps retiré, pour former le même air qu'auparavant; de
indivisibilis esset. Verum est quod sicut partes æris divisæ, per même les parties du corps divisé, comme il est dit plus haut, pourraient se réunir
intermedium corpus, hoc sublato iterum uniuntur, et evadit idem ær, et revivre avec le même esprit. Mais, de cette manière, il faudrait conclure que
possent pariter partes corporis divisæ, ut supra ponitur, reuniri, et nos animaux ne pourraient être tués par des agents naturels ou artificiels: il serait
ab eodem spiritu revivificari. Sed hoc modo nequirent talia animalia plus raisonnable de nous en tenir à notre première position; car, du moment qu'ils
ab agentibus naturalibus, aut artificialibus occidi: sed rationabilior seraient communs en matière avec les autres créatures, il est naturel qu'ils soient
esset prima positio; ex hoc enim, quod communicarent cum cæteris exposés à souffrir du fait de ces créatures, suivant la loi commune, et jusqu'à la
in materia, æquum est, ut a cæteris, etiam usque ad eorum interitum mort même.
pati possent, ut fit cum cæteris.
59. Sexta interrogatio est, an ipsorum corpora possent alia 59. Sixième question: Leur corps pourrait-il pénétrer d'autres corps, comme les
corpora penetrare, ut parietes, ligna, metalla, vitrum, etc., et an murs, le bois, les métaux, le verre, etc.? Pourraient-ils résider en grand nombre
multa ipsorum possent in eodem loco materiali consistere, et ad dans un même lieu matériel, et à quel espace s'étendrait ou se restreindrait leur
quantum spatium extenderetur, seu restringeretur eorum corpus? corps?
60. Respondeo, quod cum in omnibus corporibus quantumvis 60. Je réponds: Tous les corps, si compactes qu'ils soient, ont des pores,
compactis dentur pori, ut ad sensum patet in metallis, de quibus témoin les métaux qui, plus que tous les autres, sembleraient devoir en être
major esset ratio, quod in ipsis non darentur pori: microscopio privés; en effet, à l'aide d'un microscope parfaitement organisé, on discerne les
perfecte elaborato discernuntur pori metallorum, cum suis diversis pores des métaux, avec leurs différentes figures. Or, ces animaux pourraient
figuris, utique possent per poros insinuari quibusvis corporibus, et s'insinuer par les pores dans d'autres corps quelconques et ainsi les pénétrer,
hoc modo ista penetrare, quantumvis tales pori penetrari non possent encore bien que ces mêmes pores soient impénétrables à des liqueurs ou esprits
ab alio liquore, aut spiritu materiali, aut vini, salis ammoniaci, aut matériels, de vin, de sel ammoniac ou autres semblables, parce que leurs corps
similium, quia longe tenuiora essent istis liquoribus illorum corpora. seraient de beaucoup plus subtils que ces liqueurs. Cependant, quoique plusieurs
Quamvis autem plures Angeli possint esse in eodem loco materiali, et Anges puissent résider dans un même lieu matériel, et même se resserrer dans un
etiam restringi ad locum minorem minore non tamen in infinitum, ut espace de plus en plus étroit, non toutefois jusqu'à l'infini, comme le prouve Scott,
probat Scotus in 2. dist. 2. q. 6. § Ad proposi. et quæst. 8., per totum, il serait téméraire d'accorder la même faculté aux corps des animaux dont il s'agit;
hoc tamen concedendum non esset de corporibus talium animalium; leurs corps, en effet, sont déterminés en substance, impénétrables l'un à l'autre; et
tum quia corpora ipsa essent quanta, et eorum dimensio non esset si deux corps glorieux ne peuvent être dans un même lieu, bien qu'un glorieux et
reciproce penetrabilis; tum quia si duo corpora gloriosa non possunt un non glorieux puissent s'y trouver ensemble, comme le veulent certains
esse in eodem loco, quamvis possint simul esse gloriosum, et non docteurs, bien moins encore le pourraient les corps de ces animaux, subtils sans
gloriosum, ut voluit Gotofredus de Fontibus, quodlibet 6. q. 5., a quo doute, mais non jusqu'à égaler la subtilité du corps glorieux. En ce qui regarde
non discordat Scotus in 2. distinct. 2. q. 8. in fine; multo minus leur pouvoir d'extension ou de compression, nous prendrions exemple de l'air,
possent simul esse istorum corpora, quæ, licet subtilia, non tamen qui, raréfié et condensé, occupe un espace plus ou moins grand, et peut même, par
æquarent subtilitatem corporis gloriosi. Quo autem ad extensionem, des moyens artificiels, être resserré au point de tenir dans un espace plus étroit
et restrictionem dicendum esset, quod sicut ex rarefactione, et que son volume naturel ne l'exigerait; c'est en effet ce qu'on voit dans ces ballons
condensatione majus, aut minus spatium occupatur ab ære, qui etiam qu'on enfle pour s'amuser, au moyen d'un chalumeau ou d'un tube: l'air y est
arte potest constringi, ut in minori loco contineatur, quam sit suæ introduit et comprimé violemment, et le ballon en contient une quantité plus
quantitati naturaliter debitus, ut patet in magnis pilis lusoriis, quæ grande que sa capacité naturelle ne l'exigerait. Tout pareillement, les corps des
per fistulam seu tubum inflatorium inflantur: in his siquidem ær animaux dont il s'agit pourraient, par leur vertu naturelle, s'étendre à un espace
violenter immittitur, et constringitur, et ejus major ibi continetur plus grand, mais qui n'excéderait pas cependant leur propre substance; ils
quantitas, quam naturalis pilæ capacitas exigat; ita pariformiter pourraient aussi se comprimer, mais non en deçà de l'espace déterminé exigé par
talia corpora ex ipsorum naturali virtute possent ad majus spatium cette même substance. Et comme parmi eux, de même que parmi les hommes, il y
non tamen excedens eorumdem quantitatem, extendi: ut pariter etiam en aurait de grands et de petits, il serait naturel que les grands pussent s'étendre
restringi, non tamen circa determinatum locum suæ quantitati plus que les petits, et ceux-ci se comprimer plus que les grands.
debitum. Et quia ipsorum nonnulla prout etiam in hominibus est,
essent magna, et nonnulla parva, congruum esset, ut magna possent
plus extendi, quam parva et hæc ad minorem locum restringi, quam
magna.
61. Septima interrogatio est, an hujusmodi animalia in peccato 61. Septième question: Ces animaux naîtraient-ils dans le péché originel, et
originali nascerentur, et a Christo Domino fuissent redempta; an auraient-ils été rachetés par le Seigneur Christ? La grâce leur serait-elle conférée,
ipsis conferretur gratia, et per quæ sacramenta; sub qua lege et par quels sacrements? Sous quelle loi vivraient-ils, et seraient-ils capables de
viverent, et an Beatitudinis, et Damnationis essent capacia? Béatitude et de Damnation?
62. Respondeo, quod articulus Fidei est, quod Christus Dominus 62. Je réponds: C'est un article de foi, que le Christ a mérité la grâce et la
pro universa creatura rationali gratiam, et gloriam meruit. Pariter gloire pour toute créature raisonnable. C'est encore un article de foi, que la gloire
articulus Fidei est, quod Creaturæ rationali gloria non confertur nisi n'est conférée à la créature raisonnable qu'autant qu'elle a d'abord été dotée de la
præcedat in ea gratia, quæ est dispositio ad gloriam. Similis grâce, qui est la disposition à la gloire. Un autre article, c'est que la gloire n'est
articulus est quod gloria non confertur nisi per merita. Hæc vero conférée que par les mérites. Or ces mérites ont leur fondement dans l'observance
fundantur in observantia perfecta mandatorum Dei adimpleta per parfaite des commandements de Dieu, accomplie par la grâce. Les questions ci-
gratiam. Ex his satis fit positis interrogationibus. Incertum est an dessus posées se trouvent ainsi résolues. Maintenant, ces créatures ont-elles péché
tales Creaturæ originaliter peccavissent, necne. Certum tamen est, originellement ou non, je ne saurais l'affirmer. Il est certain, toutefois, que si leur
quod si ipsarum Prothoparens peccasset, sicut peccavit Adam, ipsius premier Père avait péché, comme a péché Adam, ses descendants naîtraient dans
descendentes in peccato originali nascerentur, quemadmodum le péché originel, comme y naissent les hommes. Et comme Dieu ne laisse jamais
nascuntur homines. Et quia Deus nunquam reliquit Creaturam sans remède la créature raisonnable, aussi longtemps qu'elle est dans la voie, si les
rationalem sine remedio, dum ipsa est in via; si hujusmodi creaturæ créatures en question étaient entachées du péché, soit originel, soit actuel, Dieu
in peccato originali, aut actuali inficerentur, Deus providisset illis de les aurait pourvues d'un remède; mais est-ce le cas et de quelle sorte est ce
remedio, sed quale sit, an fecisset, noverit Deus, noverint ipsæ. Hoc remède, ceci est leur secret, à Lui et à elles. Assurément, si elles disposaient de
certum est si inter ipsas essent eadem, aut alia Sacramenta, ac sunt Sacrements identiques ou analogues à ceux en usage dans l'Église humaine
in Ecclesia humana militanti, ipsa habuissent, et institutionem, et militante, elles en devraient l'institution et l'efficacité aux mérites de Jésus-Christ,
efficaciam a meritis Jesu Christi, qui omnium creaturarum qui est le Rédempteur et Sauveur universel de toutes les créatures raisonnables. Il
rationalium Redemptor, et Satisfactor universalis est. serait également convenable, nécessaire même, d'admettre qu'elles vivraient sous
Convenientissimum pariter, immo necessarium esset quod sub aliqua quelque loi à elles donnée par Dieu, et dont l'observance leur pourrait mériter la
lege a Deo sibi data viverent, ut per ipsius observantiam possent sibi béatitude; mais quelle serait cette loi, naturelle seulement ou écrite, Mosaïque ou
beatitudinem mereri; quænam autem lex fuisset, an naturalis tantum, Évangélique, ou entièrement distincte et spécialement instituée par Dieu, ceci
aut scripta, Mosaica, aut Evangelica, aut alia ab his omnibus nous est inconnu. Quelle qu'elle fût cependant, il n'en résulterait aucune objection
differens, prout Deo placuisset, hoc nobis incognitum. Quoquomodo contre l'existence de ces créatures.
autem fuisset, nulla resultaret repugnantia possibilitatem talium
creaturarum excludens.
63. Unicum porro argumentum, et quidem satis debile post 63. Le seul argument, et encore assez faible, qu'une longue méditation me
longam meditationem mihi subit contra talium creaturarum suggère contre la possibilité de ces créatures, c'est que, s'il en existait réellement
possibilitatem: et est quod si tales creaturæ in Mundo existerent, de dans le Monde, nous les trouverions mentionnées quelque part dans les
ipsis notitia aliqua tradita fuisset a Philosophis, Sacra Scriptura, Philosophes, la Sainte Écriture, la Tradition Ecclésiastique ou les Saints Pères:
Traditione Ecclesiastica, aut Sanctis Patribus; quod cum non fuerit, pareille mention n'existant pas, il faudrait conclure à l'impossibilité absolue de ces
tales creaturas minime possibiles esse concludendum est. créatures.
64. Sed hoc argumentum, quod revera magis pulsat existentiam, 64. Mais cet argument qui, en réalité, attaque plutôt leur existence que leur
quam possibilitatem illarum, facili negotio solvitur ex iis quæ possibilité, se résout facilement par les prémisses que nous avons posées ci-
præmissimus supra no 41. et 42. Argumentum enim ab auctoritate dessus, nos 41 et 42. En effet, un argument ne peut valoir par autorité négative.
negativa non tenet. Præterquam quod falsum est, quod de illis Ensuite, il est faux que ni les Philosophes, ni l'Écriture, ni les Pères, ne nous
notitiam non tradiderint tum Philosophi, tum Scriptura, tum Patres. disent rien à leur sujet. Platon, comme le rapportent Apulée (Démon de Socrate)
Plato siquidem, ut refert Apuleius de Deo Socratis et Plutarchus de et Plutarque (d'Isis et d'Osiris), définit ainsi les Démons: des êtres du genre
Isid. apud Baronem, Scot. Defens., tom. 9. Apparat. p. 1. fol. 2., animal, âmes passives, intelligences raisonnables, corps aériens, éternels quant à
voluit Dæmones esse animalia genere, animo passiva, mente la durée; et il donne à ces créatures le nom de Démon, qui en lui-même n'a rien de
rationalia, corpore ærea, tempore æterna: creaturasque istas nomine malsonnant, car il signifie plein de sagesse; aussi lorsque les auteurs veulent
Dæmonum intitulavit; quod tamen nomen non male sonat ex se: désigner le Diable (ou mauvais Ange), ils ne l'appellent pas simplement Démon,
importat enim plenum sapientia; unde cum Diabolum (Angelum mais Cacodémon, et ils disent de même Eudémon lorsqu'ils veulent parler du bon
nempe malum) volunt auctores exprimere, non simpliciter Ange. Quant à la Sainte Écriture et aux Pères, ils font également mention de ces
Dæmonem, sed Cacodæmonem vocant: sicut Eudæmonem, quando créatures, comme nous le montrerons ci-après.
bonum Angelum volunt intelligi. Similiter in Scriptura Sacra et
Patribus, de dictis creaturis habetur mentio, et de hoc infra dicemus.
65. Stabilita huc usque talium creaturarum possibilitate, ad 65. Maintenant que nous avons établi la possibilité des créatures en question,
earumdem existentiam probandam descendamus. Supposita tot allons plus loin et prouvons leur existence. Nous admettons d'abord la véracité
historiarum veritate de coitu hujusmodi Incuborum et Succuborum des récits qui nous sont faits touchant le commerce des Incubes et des Succubes
cum hominibus et brutis, ita ut hoc negare impudentia videatur, ut ait avec les hommes et les bêtes, récits tellement nombreux que ce serait impudence
D. Augustinus quem dedimus, supra no 10., ita arguo: Ubi reperitur de nier le fait, comme dit S. Augustin, dont le témoignage est cité ci-dessus (no
propria passio sensus, ibidem necessario reperitur sensus ipse, cum 10). Ceci posé, nous arguons: Là où est la passion propre du sens, là est
juxta principia philosophica propria passio fluat a natura, sive ubi nécessairement le sens lui-même, car, suivant les principes philosophiques, la
reperiuntur actiones, seu operationes sensus, ibidem reperitur sensus passion propre découle de la nature, c'est-à-dire que là où sont les actions ou
ipse, cum operationes et actiones sint a forma. Atqui in hujusmodi opérations du sens, là est le sens lui-même, les opérations et actions n'étant que sa
Incubis aut Succubis, sunt actiones, operationes, ac propriæ forme extérieure. Or, chez les Incubes et les Succubes qui nous occupent, on
passiones, quæ sunt a sensibus; ergo in iisdem reperitur sensus: sed observe des actions, des opérations, des passions propres qui viennent des sens:
sensus reperiri nequit nisi adsint organa composita, nempe ex donc ils possèdent le sens; mais le sens ne peut exister sans accompagnement
potentia animæ et determinata parte corporis: ergo in iisdem d'organes composites, sans une combinaison d'âme et de corps: donc ils ont un
reperiuntur corpus et anima; erunt igitur animalia: sed etiam in ipsis corps et une âme, et conséquemment ce seront des animaux; mais leurs actions et
et ab ipsis sunt actiones, et operationes animæ rationalis: ergo opérations sont aussi celles d'une âme raisonnable: donc leur âme sera
eorum anima erit rationalis: et ita de primo ad ultimum tales Incubi raisonnable; et ainsi, du premier au dernier point, ces Incubes sont des animaux
sunt animalia rationalia. raisonnables.
66. Minor probatur quoad singulas ejus partes. Passio siquidem 66. Notre mineure se démontre facilement par l'analyse. En effet, la passion
appetitiva coitus est passio sensus; mœror, ac tristitia, ac iracundia appétitive du coït est une passion du sens; le chagrin, la tristesse, la colère, la
et furor ex coitu denegato passiones sensus sunt, ut patet in quibusvis fureur causés par le refus de coït sont des passions du sens, comme on le voit chez
animalibus; generatio per coitum est operatio sensus, ut notum est. tous les animaux; la génération par le coït est évidemment une opération du sens.
Hæc porro omnia in Incubis sunt, ut enim probavimus supra a no 25. Or tout cela s'observe chez les Incubes, ainsi que nous l'avons prouvé plus haut:
et seq.; ipsi coitum muliebrem, et quandoque virilem appetunt, ils sollicitent les femmes, quelquefois même les hommes; éprouvent-ils un refus,
tristantur, et furunt, ut amantes, amentes, si ipsis denegetur; coeunt ils s'attristent, se mettent en fureur, comme les amants: amantes, amentes; ils
perfecte et quandoque generant. Concludendum ergo quod polleant pratiquent parfaitement le coït, et engendrent quelquefois. Donc il faut conclure
sensu, et proinde corpore; unde inferendum etiam perfecta animalia qu'ils sont doués de sens, et conséquemment qu'ils ont un corps; conséquemment
esse. Pariter clausis ostiis ac fenestris intrant ubivis locorum: igitur aussi, qu'ils sont des animaux parfaits. Il y a plus: portes et fenêtres closes, ils
ipsorum corpus tenue est; item futura prænoscunt, annuntiant, entrent partout à leur fantaisie, donc leur corps est subtil; enfin ils connaissent et
componunt, ac dividunt; quæ operationes sunt propriæ animæ annoncent l'avenir, ils composent et ils divisent, toutes opérations qui sont le
rationalis: ergo anima rationali pollent; et ita sunt vera animalia propre d'une âme raisonnable, donc ils sont doués d'une âme raisonnable, et ce
rationalia. sont bien, en réalité, des animaux raisonnables.
Respondent communiter Doctores, quod malus Dæmon est ille qui A cela les Docteurs répondent communément que ces actes impurs sont le fait du
tales impudicitias operatur, quod passiones, nempe amorem, Malin Esprit: lui seul simule les passions, l'amour, le chagrin du refus de coït, afin
tristitiamque simulat ex coitu denegato, ut animas ad peccandum de faire tomber les âmes dans le péché et de les perdre; et si parfois il pratique le
alliciat, et eas perdat; et si coit, et generat, hoc est ex semine, et in coït, s'il engendre, c'est d'une semence et à l'aide d'un corps empruntés, comme il
corpore alieno, ut dictum fuit supra no 24. a été dit plus haut (no 24).
67. Sed contra Incubi nonnulli rem habent cum equis, equabus, 67. Mais répliquons-nous, il y a des Incubes qui s'attaquent à des chevaux, à
aliisque etiam brutis, quæ si coitum adversentur, male ab ipsis des juments ou à d'autres bêtes, et qui, s'ils les trouvent rebelles à leur passion, les
tractantur, ut quotidiana constat experientia; sed in istis cessat ratio maltraitent, comme cela se voit tous les jours: là, pourtant, il n'est plus possible
adducta, nempe quod fingat appetitum coitus, ut animas perdat, cum d'avancer que le Démon simule le désir du coït afin de perdre les âmes, puisque
anima brutorum damnationis æternæ sit incapax. Præterea amoris et les âmes des brutes ne sont pas sujettes à damnation éternelle. De plus, l'amour et
iræ passiones in ipso contrarios effectus reales producunt. Si enim la colère produisent chez eux des effets entièrement opposés. Si, en effet, la
aut mulier aut brutum amatum illis morem gerant, optime ab Incubis femme ou l'animal aimé cèdent à leurs caprices, ces Incubes les traitent
tractantur; viceversa pessime habentur, si ex denegato coitu parfaitement; au contraire, il n'est pas de sévices qu'ils ne leur fassent subir sous
irascantur et furant; et hoc firmatur quotidiana experientia; ergo in l'impression de la colère, de la fureur causée par le refus de coït: l'expérience de
ipsis sunt veræ passiones sensus. Insuper mali Dæmones, ac chaque jour le démontre assez. Donc ces Incubes ont réellement les passions du
incorporei, qui rem habent cum Sagis et Maleficis, ipsas cogunt ad sens. En outre, les Malins Esprits, les Démons incorporels qui ont affaire aux
eorum adorationem, ad denegandam Fidem Orthodoxam, ad Sorcières et aux Possédées, les contraignent à les adorer, à renier la Foi
maleficia et scelera enormia perpetranda tanquam pensum infamis Orthodoxe, à commettre des maléfices et des crimes énormes, le tout comme
coitus, ut supra no 11. dictum fuit: nihil horum prætendunt Incubi, condition de l'infâme coït, ainsi qu'il a été dit ci-dessus (no 11): or les Incubes
ergo mali Dæmones non sunt. Ulterius malus Dæmon, ut ex Peltano n'exigent rien de pareil, donc ce ne sont pas de Malins Esprits. Enfin, pour mettre
et Thyreo scribit Guaccius, Compend. Malef. lib. 1. c. 19. fol. 128., en fuite le mauvais Démon, pour le faire trembler et frémir, il suffit, comme l'écrit
ad prolationem nominis Jesu aut Mariæ, ad formationem signi Guaccius, du nom de Jésus ou de Marie, du signe de la Croix, de l'approche des
Crucis, ad approximationem sacrarum Reliquiarum, sive rerum saintes reliques ou des objets bénits, des exorcismes, adjurations ou injonctions
benedictarum, et ad exorcismos, adjurationes, aut præcepta des prêtres; c'est ce qu'on voit tous les jours dans le cas des énergumènes, et
sacerdotum, aut fugit aut pavet, concutiturque, et stridet, ut Guaccius en rapporte maints exemples tirés des jeux nocturnes des Sorcières, où,
conspicitur quotidie in energumenis, et constat ex tot historiis, quas au signe de la Croix formé par l'un des assistants, au nom de Jésus simplement
recitat Guaccius, ex quibus habetur, quod in nocturnis ludis Sagarum prononcé, Diables et Sorcières disparaissent tous ensemble. Les Incubes, au
facto ab aliquo assistentium signo Crucis, aut pronuntiato nomine contraire, soumis à ces épreuves, ne prennent nullement la fuite, ne manifestent
Jesu, Diaboli et secum Sagæ omnes disparuerunt. Sed Incubi ad aucune frayeur; parfois même c'est par des ricanements qu'ils accueillent les
supradicta nec fugiunt, nec pavent, quandoque cachinnis exorcismos exorcismes; il y en a qui battent les Exorcistes eux-mêmes et déchirent les
excipiunt, et quandoque ipsos Exorcistas cædunt, et sacras vestes vêtements sacrés. Or, si les mauvais Démons, subjugués par Notre-Seigneur
discerpunt. Quod si mali Dæmones, utpote a D. N. J. C. domiti, ad Jésus-Christ, tremblent d'effroi au bruit de son nom, à la vue de la Croix et des
ipsius nomen, Crucem, et res sacras pavent: boni autem Angeli objets sacrés; si, d'autre part, les bons Anges se réjouissent des mêmes choses,
eisdem rebus gaudent, non tamen homines ad peccata et Dei sans cependant exciter les hommes à pécher et à offenser Dieu, tandis que les
offensam sollicitant: Incubi vero sacra non timent, et ad peccata Incubes, tout en n'ayant aucune peur des choses sacrées, provoquent au péché: il
provocant, convincitur ipsos nec malos Dæmones, nec bonos Angelos est clair que ces Incubes ne sont ni de mauvais Démons, ni de bons Anges; il est
esse; sed patet, quod nec homines sunt, cum tamen ratione utantur. clair également que ce ne sont pas des hommes, encore qu'ils soient doués de
Quid ergo erunt? Si in termino sunt, et simplices spiritus sunt, erunt raison. Que seront-ils donc? Si on les suppose arrivés au terme, et de purs esprits,
aut damnati aut beati: non enim in bona Theologia dantur puri ils seront damnés ou bienheureux, car, en bonne Théologie, il n'y a pas de purs
spiritus viatores. Si damnati, nomen et Crucem Christi revererentur; esprits en voie de salut. Damnés, ils auraient en révération le nom et la Croix du
si beati, homines ad peccandum non provocarent; ergo aliud erunt a Christ; bienheureux, ils ne provoqueraient pas les hommes au péché; donc ils
puris spiritibus; et sic erunt corporati, et viatores. seront autre chose que de purs esprits, et, par conséquent, ils auront un corps, et
seront dans la voie du salut.
68. Præterea agens materiale non potest agere nisi in passum 68. Observons aussi qu'un agent matériel ne peut agir que sur un passif
similiter materiale; tritum siquidem est axioma philosophorum, quod également matériel. C'est, en effet, un axiome philosophique bien connu, que
agens, et patiens debent communicare in subjecto; nec id quod l'agent et le patient doivent avoir un sujet commun: ce qui est purement matière
materiatum est, potest agere in rem pure spiritualem. Dantur autem ne peut agir sur un objet purement spirituel. Or, il y a des agents naturels qui
agentia naturalia, quæ agunt contra hujusmodi Dæmones Incubos; agissent contre les Démons Incubes en question; il s'ensuit donc que ces Incubes
sequitur igitur quod isti materiati, seu corporei sunt. Minor probatur sont matériels, ou corporels. Notre mineure est prouvée par les témoignages de
ex iis quæ scribunt Dioscorides, l. 2. c. 168. et l. 1. c. 100., Plinius, Dioscoride, de Pline, d'Aristote et d'Apulée, cités par Guaccius, Comp. Malef., l.
lib. 15. c. 4., Aristoteles, Probl. 34., et Apuleius, l. De Virtute 3, chap. 13, fol. 316; elle est confirmée par la connaissance que nous avons de
Herbarum, apud Guaccium, Comp. Malef., l. 3. c. 13. fol. 316., et plusieurs herbes, pierres et substances animales qui ont la vertu de chasser les
confirmatur experientia, nempe de pluribus herbis, lapidibus ac Démons, comme la rue, le mille-pertuis, la verveine, la germandrée, le palma-
animalibus, quæ Dæmones depellunt, ut ruta, hypericon, verbena, christi, la centaurée, le diamant, le corail, le jais, le jaspe, la peau de la tête du
scordium, palma Christi, centaureum, adamas, corallium, gagates, loup ou de l'âne, les menstrues des femmes et cent autres: pour quoi il est écrit: A
jaspis, pellis capitis lupi aut asini, menstruum muliebre, et centum celui qui soutient l'assaut du Démon, il est permis d'avoir des pierres, ou des
alia; unde habetur 26, q. 7. cap. final.: Dæmonium sustinenti liceat herbes, mais sans recourir aux enchantements. D'où il résulte que les pierres ou
petras, vel herbas habere sine incantatione. Ex quo habetur, petras les herbes peuvent, par leur vertu naturelle, maîtriser l'effort du Démon:
aut herbas posse sua vi naturali Dæmonis vires compescere, aliter autrement le Canon susvisé n'en permettrait pas l'emploi, et l'interdirait au
Canon hoc non permitteret, sed ut superstitiosum vetaret. Et de hoc contraire comme superstitieux. Un exemple éclatant de ce fait est celui que nous
luculentum exemplum habemus in Sacra Scriptura, ubi Angelus trouvons dans la Sainte Écriture, où l'Ange Raphaël dit à Tobie, ch. 6, v. 8, en
Raphael dixit Tobiæ, c. 6. v. 8.: cordis ejus (nempe piscis, quem a parlant du poisson qu'il avait péché dans le Tigre: «Si tu jettes sur des charbons
Tigri attraxerat) particulam, si super carbones ponas, fumus ejus une parcelle de son foie, la fumée fera fuir toute espèce de Démons.»
extricat omne genus Dæmoniorum. Et ejus virtutem experientia L'expérience démontra la vérité de ces paroles, car le foie du poisson ne fut pas
comprobavit: nam incenso jecore piscis, fugatus est Incubus, qui plus tôt livré au feu, que l'Incube amoureux de Sara prit la fuite et disparut pour
Saram deperiebat. ne plus revenir.

69. Respondent ad hæc communiter Theologi, quod talia agentia 69. A cela les Théologiens répondent d'ordinaire que ces agents naturels
naturalia inchoative tantum fugant Dæmonem, completive autem vis chassent bien le Démon, mais seulement inchoativement, et que l'effet complétif
supernaturalis Dei aut Angeli, ita ut virtus supernaturalis sit causa est dû à la force surnaturelle de Dieu ou de l'Ange: de telle sorte que la force
primaria, directa, et principalis, naturalis autem secondaria, surnaturelle est la cause première, directe et principale, la force naturelle n'étant
indirecta, et minus principalis. Unde ab probationem, quæ supra que secondaire, indirecte et subordonnée. Ainsi, pour expliquer comment la
adducta est de Dæmone fugato a fumo jecoris piscis incensi a Tobia, fumée du foie de ce poisson brûlé par Tobie put mettre le Démon en fuite,
respondet Vallesius, De Sac. Philosoph., c. 28., quod tali fumo indita Vallesius allègue que cette fumée avait reçu de Dieu le pouvoir surnaturel de
fuit a Deo vis supernaturalis fugandi Incubum, sicut igni materiali chasser l'Incube, de même que le feu matériel de l'Enfer a le pouvoir de torturer
Inferni data est virtus torquendi Dæmones et animas Damnatorum. les Démons et les âmes des Damnés. D'autres, comme Lyranus et Cornelius,
Ad eamdem autem probationem respondet Lyranus, et Cornelius ad enseignent que la fumée du cœur du poisson a chassé le Démon inchoativement
c. 6. Tob. v. 8., Abulentis in 1. Reg. c. 16. q. 46., Pererius in Daniel., par vertu naturelle, mais complétivement par vertu angélique et céleste: par vertu
pag. 272., apud Cornel. loc. cit., fumum cordis piscis expulisse naturelle, en opposant à l'action du Démon une action contraire, car l'Esprit Malin
Dæmonem inchoate vi naturali, sed complete vi angelica et cœlesti: met en œuvre des causes et des humeurs naturelles, dont les qualités sont
naturali autem impediendo actionem Dæmonis per dispositionem combattues par les qualités contraires de choses naturelles que l'on sait capables
contrariam, quia hic agit per naturales causas et humores, quorum de chasser les Démons; et cette opinion est partagée par tous les auteurs qui
qualitates expugnantur a qualitatibus contrariis rerum naturalium, traitent de l'art des exorcismes.
quæ dicuntur Dæmones fugare; et in eadem sententia sunt omnes
loquentes de arte exorcista.
70. Sed hæc responsio, que tamen validas habet instantias, ad 70. Mais cette explication, si plausibles que soient les faits sur lesquels elle se
plus quadrare potest contra malos Dæmones obsidentes corpora, aut fonde, peut tout au plus être admise à l'égard des Esprits Malins qui obsèdent les
per maleficia inferentes ipsis ægritudines, aut alia incommoda, sed corps ou, au moyen de maléfices, leur communiquent des maladies ou autres
nullo modo facit ad propositum de Incubis: siquidem isti nec corpora infirmités. En ce qui est des Incubes, elle manque absolument de portée. Ceux-ci,
obsident, nec ipsis officiunt per ægritudines habituales, sed ad plus en effet, n'obsèdent pas les corps; ils ne leur communiquent pas de maladies, et
ictibus et percussionibus torquent. Quod si equas coitum adversantes leur méchanceté se borne à des coups, à des mauvais traitements. S'ils font
macras reddunt, hoc faciunt subducendo illis cibum, et hoc modo maigrir les juments qui se refusent au coït, c'est en leur enlevant leur nourriture,
macrescere, et tandem interire eas faciunt. Ad hæc autem patranda par suite de quoi elles dépérissent et finissent par mourir. Pour ce faire, l'Incube
non eget Incubus alicujus rei naturalis applicatione (qua tamen eget n'a pas besoin d'employer un agent naturel, comme l'Esprit Malin lorsqu'il veut
malus Dæmon inferens ægritudinem habitualem), ea enim potest ex communiquer une maladie: il lui suffit d'exercer sa force organique naturelle. De
sua vi organica naturali. Pariter Dæmon malus plerumque obsidet même, quand l'Esprit Malin obsède les corps et leur communique des maladies,
corpora, et infert ægritudines ad signa cum ipso conventa et posita a c'est le plus souvent à l'aide de signes convenus avec lui et disposés par une
Saga aut Malefico, quæ signa multoties res naturales sunt, præditæ sorcière ou un sorcier, lesquels signes sont généralement des choses naturelles,
vi nativa nocendi, quibus naturaliter resistunt alia pariter naturalia ayant en elles-mêmes vertu de nuire, auxquelles on oppose naturellement d'autres
contrariæ virtutis. Incubus vero non sic; quia ex se, et nulla choses également naturelles et douées de vertu contraire. L'Incube, lui, procède
concurrente aut Saga aut Malefico, suas vexationes infert. Præterea différemment: c'est de lui-même, et sans le concours d'aucun sorcier ou sorcière,
res naturales fugantes Incubos suam virtutem exercent, ac effectum qu'il inflige les mauvais traitements. En outre, les choses naturelles qui mettent les
sortiuntur absque interventu alicujus exorcismi aut sacræ Incubes en fuite, exercent leur vertu et produisent ce résultat sans l'intervention
benedictionis; ut proinde dici non possit, quod fuga Incubi inchoative d'aucun exorcisme ou bénédiction; on ne saurait dire par conséquent que l'Incube
sit a virtute naturali, completive autem a vi divina, quia ibi nulla soit chassé inchoativement par vertu naturelle et complétivement par force divine,
particularis intervenit divini nominis invocatio, sed est purus effectus puisqu'il n'y a ici aucune invocation du nom divin, mais effet pur et simple d'une
rei naturalis, ad quem non concurrit Deus, nisi concursu universali, chose naturelle, auquel Dieu ne concourt qu'à titre d'agent universel, comme
tanquam auctor naturæ, et causa universalis, et prima in ordine auteur de la nature, cause universelle et première dans l'ordre des efficientes.
efficientium.
71. Duas circa hoc historias do, quarum primam habui a 71. Voici à ce sujet deux histoires: je tiens la première d'un Confesseur de
Confessario Monialium, viro gravi, ac fide dignissimo. Alterius vero Nonnes, homme grave et très-digne de foi; quant à la seconde, j'en suis témoin
sum testis oculatus. oculaire.
In quodam Sanctimonalium monasterio degebat ad educationem Dans un monastère de saintes Religieuses vivait comme pensionnaire une
Virgo quædam nobilis tentata ab Incubo, qui diu noctuque ipsi jeune vierge de noble famille, laquelle était tentée par un Incube qui lui
apparebat, ipsam ad coitum sollicitando eniximis precibus, tamquam apparaissait jour et nuit, et, avec les plus instantes prières, avec les allures de
amasius præ amore dementatus; ipsa tamen semper restitit tentanti l'amant le plus passionné, la sollicitait sans cesse au péché: elle cependant,
gratia Dei, ac sacramentorum frequentia roborata. Incassum abiere soutenue par la grâce de Dieu et la fréquentation des sacrements, demeurait ferme
plures devotiones, jejunia et vota facta a puella vexata, exorcismi, dans sa résistance. Mais malgré toutes ses dévotions, ses jeûnes, ses vœux; malgré
benedictiones, et præcepta ab exorcistis facta Incubo, ut desisteret a les exorcismes, les bénédictions, les injonctions faites par les exorcistes à l'Incube
molestia illa; nec quidquam proficiebatur multitudo reliquiarum, de renoncer à ses persécutions; en dépit de la multitude de reliques et autres objets
aliarumque rerum benedictarum disposita in camera virginis tentatæ, sacrés accumulés dans la chambre de la jeune fille, des flambeaux ardents qu'on y
nec benedictæ candelæ noctu ibidem ardentes impediebant, entretenait toute la nuit, l'Incube n'en persistait pas moins à lui apparaître comme
quominus juxta consuetum appareret ad tentandum in forma de coutume sous la forme d'un très-beau jeune homme. Enfin, parmi les doctes
speciosissimi juvenis. Consultas inter alios viros doctos fuit quidam personnages consultés à ce propos, se trouva un Théologien d'une grande
Theologus magnæ eruditionis: iste advertens virginem tentatam esse érudition: lequel, observant que la jeune fille tentée était d'un tempérament tout à
temperamenti phlegmatici a toto, conjectavit Incubum esse dæmonem fait flegmatique, conjectura que cet Incube devait être un démon aqueux (il y a en
aqueum (dantur enim ut scribit Guaccius, Comp. Malefic. l. 1. c. 19. effet, comme en témoigne Guaccius, des démons ignés, aériens, flegmatiques,
fol. 129., Dæmones ignei, ærei, phlegmatici, terrei, subterranei, et terrestres, souterrains, ennemis du jour), et ordonna qu'on fît immédiatement dans
lucifugi), et consuluit quod in camera virginis tentatæ continue fieret la chambre de la jeune fille une fumigation de vapeur. On apporte en conséquence
suffimentum vaporosum sequens. Requirunt ollam novam figulinam une marmite neuve en terre transparente; on y met une once de canne aromatique,
vitreatam; in hac ponitur calami aromatici, cubebarum seminis, de poivre cubèbe, de racines d'aristoloche des deux espèces, de cardamome grand
aristolochiæ utriusque radicum, cardamomi majoris et minoris, et petit, de gingembre, de poivre long, de caryophylles, de cinnamome, de canelle
gingiberis, piperis longi, caryophyllorum, cinnamomi, canellæ caryophyllée, de macis, de noix muscades, de storax calamite, de benjoin, de bois
caryophyllatæ, macis, nucum myristicarum, styracis calamitæ, d'aloès, et de trisanthes, le tout dans trois livres d'eau-de-vie demi-pure; on place
benzoini, ligni ac radicis rodiæ, ligni aloes, triasantalorum una la marmite sur des cendres chaudes, afin de faire monter la vapeur fumigante, et
uncia, semiaquæ vitæ libræ tres; ponitur olla supra cineres calidas ut l'on tient la chambre close. La fumigation faite arrive l'Incube, mais qui, cette
vapor suffimenti ascendat, et cella clausa tenetur. Facto suffimento fois, n'osa jamais pénétrer dans la chambre; seulement, si la jeune fille en sortait
advenit denuo Incubus, sed ingredi cellam nunquam ausus est: sed si pour se promener dans le jardin ou dans le cloître, il lui apparaissait aussitôt tout
tentata extra eam ibat, et per viridarium ac claustra spatiabatur, aliis en restant invisible aux autres, et lui jetant ses bras autour du cou, lui dérobait ou
invisibilis sibi visus apparebat Incubus, et puellæ collo injectis plutôt lui arrachait des baisers, ce qui faisait cruellement souffrir cette honnête
brachiis violenter, ac quasi furtive oscula rapiebat: quod pucelle. Enfin, après nouvelle consultation, notre Théologien ordonna à la jeune
molestissimum honestæ virgini erat. Consultus denuo Theologus ille fille de porter sur elle de petites boulettes composées de parfums exquis, tels que
ordinavit puellæ, ut deferret pixidulas unguentarias exquisitorum musc, ambre, civette, baume du Pérou et autres. Ainsi munie, elle s'en alla se
odorum, ut moschi, ambræ, zibetti, balsami Peruviani, ac aliorum promener dans le jardin où sur-le-champ lui apparut l'Incube, furieux et menaçant;
compositorum; quod cum fecisset, deambulanti per viridarium puellæ toutefois il n'osa point l'approcher, et après s'être mordillé le doigt, comme s'il
apparuit Incubus faci minaci, ac furenti; non tamen ad illam méditait une vengeance, il disparut pour ne plus revenir.
approximavit, sed digitum sibi momordit tanquam meditans
vindictam; tandem disparuit, nec amplius ab ea visus fuit.
72. Alia historia est, quod in Conventu Magnæ Cartusiæ 72. Voici l'autre histoire: dans le Couvent de la Grande Chartreuse de Pavie
Ticinensis, fuit quidam Diaconus, nomine dictus Augustinus, vivait un Diacre nommé Augustin, lequel était en butte, de la part de certain
maximas, ac inauditas, et pene incredibiles sustinens a quodam démon, à des vexations excessives, inouïes et presque incroyables; plusieurs
Dæmone vexationes; quæ tolli nullo remedio spirituali (quamvis exorcistes avaient tenté en vain de le délivrer: tous les remèdes spirituels étaient
plura juxta plures exorcistas, qui liberationem, sed incassum restés sans effet. Le Vicaire du couvent, qui avait la charge spirituelle de ce
tentarunt, fuissent adhibita) potuerunt. Me consuluit illius Conventus pauvre clerc, vint me consulter. Moi, voyant l'inefficacité des exorcismes
vicarius, qui curam divexati, utpote Clerici ex officio habebat. Ego ordinaires, et me rappelant l'exemple ci-dessus rapporté, je conseillai une
videns frustranea fuisse consueta exorcismorum remedia, exemplo fumigation de parfums semblable à celle dont il a été question, et ordonnai au
historiæ suprarecensitæ consului suffimentum simile superiori, utque diacre de porter sur lui des boulettes odoriférantes de même nature; de plus,
divexatus pixidulas odoramentorum supradictas deferret; et quia comme il avait l'usage du tabac et qu'il aimait beaucoup l'eau-de-vie, je lui
tabacchi usum habebat, et aqua vitæ delectabatur, suasi, ut et recommandai le tabac et l'eau-de-vie musquée. Le démon lui apparaissait sous
tabaccho et aqua vitæ moschata uteretur. Dæmon illi apparebat diu, différentes formes: squelette, cochon, âne, Ange, oiseau; ou bien il empruntait les
noctuque ultra alias species, puta scheleti, suis, asini, Angeli, avis, traits de quelques Religieux du couvent; une fois même ce fut son propre Abbé ou
modo in forma unius, modo alterius ex suis Religiosis, et semel in Prieur, lequel l'exhorta à purifier sa conscience, à se confier en Dieu, à user
forma sui Prælati, nempe Prioris, qui hortatus est vexatum ad fréquemment de la confession; il lui persuada de lui faire sa confession
puritatem conscientiæ, ad confidentiam in Deum, et ad frequentiam sacramentelle, récita avec lui les psaumes Exsurgat Deus et Qui habitat, et
confessionis; suasit ut sibi sacramentalem confessionem faceret, l'Évangile de Saint Jean: aux mots Verbum caro factum est il fléchit le genou,
quod etiam fecit; et expost Psalmos Exsurgat Deus et Qui habitat, et puis saisissant une étole qui était dans la cellule et le goupillon d'eau bénite, il
mox Evangelium S. Joannis simul cum vexato recitavit, et ad ea bénit la cellule et le lit, et, comme s'il eût été réellement le Prieur, il enjoignit au
verba Verbum caro factum est genuflexit, et accepta stola, quæ in démon de ne plus oser à l'avenir tourmenter son subordonné: après quoi il
cella erat, et aspergillo aquæ benedictæ benedixit cellæ, ac lecto disparut, trahissant ainsi ce qu'il était, car autrement le jeune diacre le prenait pour
vexati, et ac si revera fuisset ipsius Prior præceptum fecit Dæmoni, son véritable Prieur. Or, nonobstant les fumigations et les parfums que j'avais
ne auderet illum suum subditum amplius divexare, et post hæc conseillés, ce démon n'en continua pas moins ses obsessions; bien plus, il revêtit
disparuit, sicque prodidit quisnam esset: aliter vexatus illum suum les traits de sa victime pour se présenter chez le Vicaire, auquel il demanda de
Prælatum esse reputaverat. Postquam igitur suffimentum, ac odores, l'eau-de-vie et du tabac musqué, choses qu'il aimait, disait-il, passionnément.
ut supra dictum est, consulueram, non destitit Dæmon juxta solitum Ayant obtenu l'un et l'autre, il disparut en un clin d'œil, montrant ainsi au Vicaire
apparere; imo assumpta figura vexati fuit ad cameram Vicarii, et ab qu'il avait été le jouet du Démon: et ceci fut amplement confirmé par le Diacre,
eo petiit aquam vitæ, ac tabaccum moschatum, dicens sibi talia valde qui affirma avec serment qu'il n'était pas allé ce jour-là dans la cellule du Vicaire.
placere. Vicarius utrumque illi dedit: quibus acceptis disparuit in Le tout me fut rapporté, d'où je conclus que loin d'être aqueux, comme l'Incube
momento, quo facto cognovit Vicarius se fuisse illusum a Dæmone amoureux de la jeune fille dont il a été parlé plus haut, ce démon était igné ou tout
tali pacto: quod magis confirmavit assertum vexati, qui cum au moins aérien, puisqu'il se délectait de substances chaudes, comme vapeurs,
juramento affirmavit, se illa die nullo modo fuisse in cella Vicarii. parfums, tabac et eau-de-vie. Le tempérament du jeune diacre, bilieux et sanguin,
Iste mihi totum retulit, et ex tali facto conjeci Dæmonem illum non mais où le bilieux l'emportait, ne fit que fortifier mes conjectures, car ces démons
fuisse aqueum, ut erat Incubus, qui virginem ad coitum sollicitabat, ne s'attaquent jamais qu'à ceux dont le tempérament est conforme au leur:
ut dictum supra est, sed igneum, vel ad minus æreum, ex quo nouvelle preuve de la vérité de mon opinion sur leur corporéité. Je recommandai
gaudebat vaporibus, ac odoribus, tabacco, et aqua vitæ, quæ calida en conséquence au Vicaire de faire prendre à son pénitent des herbes froides de
sunt. Et conjecturæ vim addidit temperamentum divexati, quod erat leur nature, telles que nénuphar, hépatique, euphorbe, mandragore, joubarde,
colericum quo ad prædominium cum subdominio, tamen sanguineo. plantain, jusquiame, et autres semblables, pour en composer deux faisceaux dont
Dæmones enim tales non accedunt nisi ad eos, qui secum in il suspendrait l'un à la fenêtre, l'autre à la porte de la cellule, ayant soin également
temperamento symbolizant; ex quo validatur opinio mea de illorum d'en joncher sa chambre et son lit. Chose prodigieuse! le Démon apparut encore,
corporeitate. Unde suasi Vicario, ut acciperet herbas natura frigidas, mais en restant hors de la cellule, sans vouloir entrer; et comme le diacre lui
ut nymphæam, hepaticam, portulacam, mandragoram, sempervivam, demandait la cause de cette réserve inusitée, pour toute réponse il se répandit en
plantaginem, hyoscyamum, et alias similes, et ex iis compositum injures contre moi qui avais conseillé ces moyens de défense, puis il disparut et
fasciculum fenestræ, alium ostio cellæ suspenderet; similibusque jamais plus ne revint.
herbis, tum cameram, tum lectum divexati sterneret. Mirum dictu!
comparuit denuo Dæmon, manens tamen extra cameram, nec ingredi
voluit, et cum divexatus illum interrogasset, quare de more intrare
non auderet, multis verbis injuriosis jactatis contra me, qui talia
consulueram, disparuit, nec amplius reversus est.
73. Ex his duabus historiis apparet tales odores, et herbas 73. Ces deux histoires établissent clairement la mise en fuite des Démons par
respective sua naturali virtute, nullaque interveniente vi supernaturali la seule vertu naturelle des herbes ou des parfums, suivant le cas, sans nulle
Dæmones propulisse; unde convincitur quod Incubi patiuntur a intervention de force surnaturelle; donc les Incubes sont sujets à être affectés par
qualitatibus materialibus, ut proinde concludi debeat, quod des qualités matérielles; donc ils participent de la matière de ces mêmes choses
communicant in materia cum iis rebus naturalibus, a quibus fugantur, naturelles qui ont le pouvoir de les mettre en fuite, et conséquemment ils ont un
et ex consequenti corpore sint præditi, quod est intentum. corps, ce que nous voulons démontrer.
74. Et magis conclusio firmatur, si impugnetur sententia Doctorum 74. Mais, pour mieux asseoir notre conclusion, il convient de signaler l'erreur
supracitatorum, dicentium, Incubum abactum a Sara fuisse vi Angeli où sont tombés certains docteurs, comme Vallesius et Cornelius a Lapide, quand
Raphaelis, non vero jecoris piscis callionymi, qualis fuit piscis a Tobia ils prétendent que Sara fut délivrée de l'Incube par la vertu de l'Ange Raphaël, et
apprehensus ad ripam Tigris, ut cum Vallesio, Sacr. Philos., c. 42., non par celle du foie de ce poisson callionyme que Tobie avait pris sur les bords
scribit Cornelius a Lap. in Tob. c. 6., v. 2., § Quarto ergo: salva enim du Tigre. En effet, sauf le respect dû à de si grands docteurs, une telle
tantorum Doctorum reverentia, talis expositio manifeste adversatur interprétation est évidemment contraire au sens précis du Texte, dont il n'est
sensui patenti Textus, a quo nullo modo recedendum est dummodo non jamais permis de s'écarter tant qu'il ne conduit pas à l'absurde. Or, voici les
sequantur absurda. En verba Angeli ad Tobiam: «Cordis ejus paroles de l'Ange à Tobie: «Si tu jettes sur des charbons une parcelle de son
particulam, si super carbones ponas, fumus ejus extricat omne genus foie, la fumée fait fuir toute espèce de Démons, et le possédé, homme ou femme,
Dæmoniorum, sive a viro, sive a muliere, ita ut ultra non accedant ad en est débarrassé pour toujours; quant à son fiel, il est souverain pour la
eos, et fel valet ad unguendos oculos, in quibus fuerit albugo, et guérison des yeux atteints d'albugo.» (Tobie, c. 6., v. 8 et 9.) Notez, je vous prie,
sanabuntur.» (Tob., c. 6. v. 8. et 9.) Notetur, quæso, assertio Angeli que cette assertion de l'Ange touchant la vertu du cœur ou du foie et du fiel de
absoluta, et universalis de virtute cordis, seu jecoris, et fellis illius ce poisson, est absolue, universelle; car il ne dit pas: «Si tu jettes sur des
piscis: non enim dicit: Si pones particulas cordis ejus super carbones, charbons des parcelles de son foie, tu feras fuir toute espèce de Démons, et si tu
fugabis omne genus Dæmoniorum, et si felle unges oculos, in quibus appliques son fiel sur des yeux atteints d'albugo, ils seront guéris.» S'il eût dit
fuerit albugo, sanabuntur: si enim ita dixisset congrua esset expositio, cela, j'admettrais avec les commentateurs que Raphaël eût réalisé, par sa propre
quod nempe Raphael supernaturali sua virtute illos effectus patrasset, vertu surnaturelle, les effets que la simple application de la fumée et du fiel était
ad quos perficiendos inepta esset applicatio fumi, et fellis: sed non ita impuissante à produire: mais il ne parle pas ainsi, il dit au contraire, et d'une
loquitur, sed ait talem esse virtutem fumi, et fellis absolute. façon absolue, que telle est la vertu de la fumée et du fiel.
75. Quæro modo, an Angelus veritatem puram dixerit de virtute 75. On demandera si l'Ange a dit la vérité pure de la vertu des choses, ou s'il
rerum, an mentiri potuerit; pariter an albugo ab oculis Tobiæ senioris a pu mentir; et pareillement, si l'albugo a été enlevée des yeux du vieux Tobie
ablata sit vi naturali fellis piscis, aut virtute supernaturali Angeli par l'effet du fiel du poisson, ou par la vertu surnaturelle de l'Ange Raphaël?
Raphaelis? Angelum mentiri potuisse blasphemia hæreticalis est; Dire que l'Ange a pu mentir serait blasphème et hérésie, donc il a exprimé la
sequitur igitur puram veritatem fuisse ab eo assertam; talis autem non vérité pure; mais ce ne serait plus cette vérité si toute espèce de démons n'était
esset, si omne genus Dæmoniorum non extricaretur a fumo jecoris pas chassée par la fumée du foie du poisson sans l'intervention de la force
piscis nisi addita vi supernaturali Angeli, maxime, si hæc esset causa surnaturelle de l'Ange, et surtout si cette intervention était la cause principale de
principalis talis effectus, quemadmodum scribunt de hoc casu l'effet produit. Le médecin qui dirait: telle herbe guérit radicalement la pleurésie
Doctores. Mentiretur absque dubio medicus qui diceret, talis herba ou l'épilepsie, mentirait sans aucun doute si cette herbe ne guérissait que d'une
curat taliter pleuritidem, sive epilepsiam, ut amplius non revertatur: si façon inchoative et si, pour obtenir la parfaite guérison, il fallait ajouter une
herba illa non curaret illas ægritudines nisi inchoate, et perfecta autre herbe à la première; de même que Raphaël aurait menti en affirmant que la
illarum sanatio esset ab alia herba conjuncta priori; sic pari modo fumée du foie chassait toute sorte de démons, sans qu'ils pussent revenir, si ce
mentitus fuisset Raphael asserens fumum jecoris extricare omne genus résultat était obtenu par la fumée d'une façon inchoative seulement, et
Dæmoniorum ita ut ultra non accedant, si talis effectus esset a fumo principalement, complétement, par la vertu de l'Ange. En outre, ce phénomène
solum inchoate, principaliter vero, et perfecte a virtute Angeli. de la mise en fuite du démon devait se produire universellement et par le seul
Præterea talis fuga Dæmonis, vel secutura erat universaliter, et fait du placement par n'importe qui du foie du poisson sur des charbons ardents,
semper posito jecore piscis super carbones a quoquam, vel debebat ou bien il ne devait se produire que dans ce seul cas particulier, à savoir du
sequi in illo solummodo casu particulari, jecore incusso a juniore placement du foie par le jeune Tobie. En admettant la première hypothèse, il
Tobia. Si primum, ergo oportet, quod cuicumque talem fumum per faut supposer que toute personne à qui il plaira de faire cette fumée en brûlant le
accensionem jecoris paranti, assistat Angelus qui supernaturali virtute foie, sera assistée d'un Ange pour chasser le Démon, par sa vertu surnaturelle,
Dæmonem miraculose abigat regulariter; et hoc est absurdum; ad miraculeusement et régulièrement tout ensemble: ce qui est absurde, car, ou les
positionem enim rei naturalis deberet regulariter sequi miraculum, mots n'ont plus de sens, ou un fait naturel ne saurait être régulièrement suivi de
quod est incongruum, et si absque Angeli operatione fuga Dæmonis miracle; et si le Démon n'était pas mis en fuite sans le secours de l'Ange,
non sequeretur, mentitus fuisset Raphael asserens eam esse virtutem Raphaël aurait menti en affirmant que le foie avait cette vertu. Si au contraire
jecoris. Si autem effectus ille sequi non debeat, nisi in illo casu l'effet en question ne devait se produire que dans ce cas particulier, Raphaël
particulari, mentitus fuisset Angelus enuncians universaliter virtutem aurait encore menti en attribuant à ce poisson, d'une manière générale et
piscis, in fugando omni Dæmoniorum genere, quod non est dicendum. absolue, la propriété de mettre en fuite le Démon: or, que l'Ange ait menti, cela
ne se peut dire.
76. Ulterius albugo oculorum detracta est ab oculis Tobiæ senioris, 76. Passons maintenant au vieux Tobie: l'albugo a été enlevée de ses yeux et
et ipsius cæcitas sanata est a virtute naturali fellis piscis illius, ut sa cécité guérie par la vertu naturelle du fiel de ce même poisson, comme
Doctores affirmant (Liran. Dyonisius; et Seraci. apud Cornel. in Tobi., l'affirment les Docteurs. En effet le poisson callionyme, appelé en Italien bocca
c. 6. v. 9). Piscis enim Callionymus, qui vocatur Italice bocca in capo, in capo, et dont s'est servi Tobie, possède un fiel très-renommé pour la guérison
et quo usus est Tobias, fel habet pro celeberrimo remedio ad de l'albugo: là-dessus, tout le monde est d'accord, Dioscoride, Galien, Pline,
detegendas albugines oculorum, ut scribunt concorditer Dioscorides, l. Aclanius, Vallesius, etc. Le texte Grec de Tobie. c. 11, v. 13, porte ce qui suit:
1. c. 96., Galenus, De Simpl. Medicam., Plinius, l. 32. c. 7., Aclanius, «Il répandit le fiel sur les yeux de son père en disant: Ayez confiance, mon père;
De Ver. Histor., l. 13. c. 14. et Vallesius, De Sacr. Philos., c. 47. Textus et comme il y avait érosion, il lui frotta les yeux et enleva l'albugo par écailles
Græcus Tobiæ, c. 11. v. 13., habet: «Inspersit fel super oculos patris aux angles des paupières.» Or, puisque, d'après le même texte, l'Ange a révélé à
sui, dicens: Confide, Pater; ut autem erosi sunt, detrivit oculos suos, et Tobie la vertu du foie et du fiel du poisson, et que le fiel, par sa vertu naturelle, a
disquamatæ sunt ab angulis oculorum albugines.» Cum igitur eodem guéri la cécité du vieux Tobie, il faut en conclure que c'est également par sa
contextu Angelus aperuerit Tobiæ virtutem jecoris, et fellis piscis, et force naturelle que la fumée du foie a mis en fuite l'Incube. Et ceci est confirmé
hoc sua naturali virtute cæcitatem Tobiæ senioris curaverit, d'une façon concluante par le texte Grec, qui, dans Tobie, c. 8., v. 2, au lieu de
concludendum est, quod etiam fumus jecoris sua naturali vi Incubum cette leçon de la Vulgate: «Il jeta des charbons ardents,» porte tout au long: «Il
fugaverit: quod concludenter confirmatur a Textu Græco, qui ad prit de la cendre ou de la braise de parfums, y mit le cœur et le foie du poisson,
Tobiæ c. 8. v. 2., ubi Vulgata habet: «Partem jecoris posuit super et fit de la fumée: le Démon n'eut pas plutôt senti l'odeur, qu'il s'enfuit.» Quant
carbones vivos», sic habet: «Accepit cinerem, sive prunam au texte Hébreu, il dit: «Asmodée sentit l'odeur et s'enfuit.» De tous ces textes, il
thimiamatum, et imposuit cor piscis, et hepar, fumumque fecit, et résulte que le Démon s'est sauvé pour avoir senti une fumée qui lui était
quando odoratus est Dæmon odores, fugit.» Et Textus Hebraicus ita contraire et nuisible, et nullement par l'effet de la vertu surnaturelle de l'Ange.
cantat: «Percepit Asmodeus odorem, et fugit.» Ex quibus textibus Que si, dans cette délivrance de Sara des poursuites de l'Incube Asmodée,
apparet, quod Dæmon fugit ad perceptionem fumi, sibi contrarii, ac l'opération de la fumée du foie fut suivie d'une intervention de Raphaël, ce fut
nocentis, non autem a virtute Angeli supernaturali. Quod si in tali pour enchaîner le Démon dans le désert de la Haute-Égypte, comme il est dit
liberatione Saræ ab impetitione Incubi Asmodei, ultra fumum jecoris dans Tobie, c. 8, v. 3; car, à une si grande distance, la fumée du foie ne pouvait
intervenit operatio Raphaelis, hoc fuit in alligatione Dæmonis in agir sur le Démon, ni l'enchaîner. Et ici nous avons un moyen de concilier notre
deserto superioris Ægypti, ut dicitur c. 8. v. 3. Tobiæ; fumus quippe opinion avec celle des docteurs cités plus haut, lesquels attribuent la délivrance
jecoris nequibat in tanta distantia agere in Dæmonem, aut illum parfaite de Sara à l'opération de Raphaël: en effet, pour ces docteurs, Sara ne fut
alligare. Quod inservire potest pro concordia supracitatorum parfaitement guérie qu'après que le Démon eut été enchaîné dans le désert, ce
Doctorum (qui voluerunt Saram perfecte liberatam a Dæmone virtute qui fut l'œuvre de l'Ange, et nous le concédons; mais la délivrance proprement
Raphaelis) cum sententia, quam tuemur: dico enim, quod ipsi dite, l'expulsion de la chambre à coucher de Sara, ce fut, nous le maintenons,
senserint, quod perfecta curatio Saræ a Dæmone fuerit in alligatione l'effet direct de la vertu native du foie du poisson.
ejus in deserto, quæ fuit ab Angelo, quod et nos concedimus; sed
extricatio, sive fugatio ejusdem a cubiculo Saræ fuerit a vi innativa
jecoris piscis, quod nos tuemur.
77. Probatur tertio principaliter nostra conclusio de existentia 77. Une troisième preuve principale de notre conclusion touchant l'existence
talium animalium, seu de Incuborum corporeitate, ex auctoritate D. des animaux dont il s'agit, en d'autres termes, touchant la corporéité des Incubes,
Hieronymi, in vita S. Pauli primi Eremitæ. Refert is D. Antonium iter c'est le témoignage de S. Jérôme dans la Vie de S. Paul, le premier ermite. S.
per desertum arripuisse, ut ad visendum D. Paulum perveniret, et post Antoine, raconte ce docteur, se mit un jour en route pour aller voir S. Paul.
nonnullas diætas itineris Centaurum reperiisse, a quo cum fuisset Après plusieurs journées de voyage, il rencontra un Centaure, auquel il demanda
percontatus mansionem D. Pauli, et ille barbarum quid infrendens la demeure de l'ermite: sur quoi le Centaure, en balbutiant quelques mots
potius, quam proloquens, dextræ protensione manus iter D. Antonio barbares et à peine intelligibles, lui indiqua de la main la route de l'ermitage et
demonstrasset, in sylvam se abdidit cursu concitatissimo. Prosecutus courut au galop se cacher dans la forêt. Le saint Abbé continua son chemin:
iter S. Abbas in quadam valle invenit haud grandem quemdam nouvelle rencontre, cette fois d'un petit homme, presque un nain, au mains
homunculum, aduncis manibus, fronte cornibus asperata, cujus crochues, au front hérissé de cornes, et dont l'extrémité du corps se terminait en
extrema pars corporis in caprarum pedes desinebat. Ad ejus aspectum pieds de chèvre. A cette vue, S. Antoine s'arrêta et, craignant les artifices du
substitit Antonius, et timens Diaboli artes signo Sanctæ Crucis se diable, se munit du signe de la Sainte Croix. Mais, loin de fuir à ce signe, loin
munivit. Ad tale signum nec fugit, nec metuit homuncio ille, immo ad même d'en paraître effrayé, le petit homme s'approcha respectueusement du
sanctum senem actu humili appropinquans palmarum fructus ad saint vieillard et lui offrit des fruits de palmier, comme pour témoigner de ses
viaticum quasi pacis obsides illi offerebat. Tum B. Antonius quisnam intentions pacifiques. Alors le bienheureux Antoine lui ayant demandé qui il
esset interrogans, hoc ab eo responsum accepit: «Mortalis ego sum, et était: «Je suis mortel,» répondit-il, «et l'un des habitants du Désert, que la
unus ex accolis Eremi, quos vario errore delusa Gentilitas Faunos, Gentilité, dans son erreur capricieuse, honore sous les noms divers de Faunes,
Satyros, et Incubos vocans colit; legatione fungor gregis mei; de Satyres et d'Incubes; je suis envoyé en mission par mon troupeau; nous
precamur, ut pro nobis communem Deum depreceris, quem pro salute venons te demander de prier pour nous le Dieu commun, que nous savons être
mundi venisse cognovimus, et universam terram exiit sonus ejus.» Ad descendu pour le salut du monde et dont les louanges retentissent dans toute la
quæ gaudens D. Antonius de gloria Christi, conversus ad terre.» A ces mots, à cette glorification du Christ, S. Antoine, transporté de joie,
Alexandriam, et baculo terram percutiens, ait: «Veh tibi, Civitas se tourna vers Alexandrie, et, frappant la terre de son bâton, s'écria: «Malheur à
meretrix, quæ pro diis animalia veneraris!» Hæc D. Hieronymus, qui toi, Ville prostituée, qui adores des animaux comme des dieux!» Tel est le récit
late prosequitur hoc factum, ipsius virtutem longo comprobans de S. Jérôme, qui s'étend au long sur ce fait et en développe toutes les
sermone. conséquences.
78. De hujus historiæ veritate dubitare temerarium est, cum eam 78. Douter de la vérité de cette histoire, quand elle est affirmée par le plus
constanter referat SS. Ecclesiæ Doctorum maximus D. Hieronymus, de grand des Docteurs de l'Église, par S. Jérôme, dont aucun catholique ne
cujus auctoritate nullus Catholicus dubitabit. Addit fol. 21. 25. contestera jamais l'autorité, serait assurément chose téméraire. Examinons-en
Notandæ proinde veniunt illius circumstantiæ, quæ sententiam donc les circonstances, et faisons voir à quel point elles confirment notre
nostram evidentissime confirmant. opinion.
79. Primo notandum est, quod si ullus Sanctorum artibus Dæmonis 79. Premièrement, il faut noter que si jamais saint fut en butte aux artifices du
impetitus fuit; si ullus diversas ejus artes nocendi calluit; si ullus Démon, pénétra son art infernal et remporta sur lui victoires et trophées, à coup
victorias, ac illustria de eodem trophea reportavit, is fuit D. Antonius, sûr ce fut S. Antoine, comme le constate sa vie, écrite par S. Athanase. Or S.
ut constat ex ejus vita a D. Athanasio descripta. Dum igitur D. Antoine ne reconnut pas un diable dans ce petit homme, mais un animal, disant:
Antonius homunculum illum non tanquam Diabolum agnovit, sed «Malheur à toi, Ville prostituée, qui adores des animaux comme des dieux!»,
animal intitulavit dicens: Veh tibi, Civitas meretrix, quæ pro Diis d'où il ressort que ce n'était nullement un diable ou pur esprit, chassé du ciel et
animalia veneraris! convincitur, quod ille nullo modo fuit Diabolus, damné, mais un animal quelconque. Il y a plus: S. Antoine instruisant ses
seu purus spiritus de cœlo dejectus, ac damnatus, sed aliquod aliud moines et les mettant en garde contre les entreprises du Démon, leur disait,
animal. Et confirmatur, quia D. Antonius erudiens suos monachos, comme le rapporte le Bréviaire Romain (fête de S. Antoine, Abbé): «Croyez-moi,
eosque animans ad metuendas Dæmonis violentias, aiebat, prout mes frères, ce que Satan redoute dans les hommes pieux, ce sont les veilles, les
habetur in lectionibus Breviarii Romani in festo S. Antonii Abb. l. 1., prières, les jeûnes, la pauvreté volontaire, la miséricorde, l'humilité: par-dessus
quæ recitantur in festo ipsius: «Mihi credite, Fratres, pertimescit tout, l'ardent amour du Christ Notre-Seigneur, puisque, pour le mettre en fuite,
Satanas piorum vigilias, orationes, jejunia, voluntariam paupertatem, il suffit du signe de la Très-Sainte Croix.» Or le petit homme en question,
misericordiam, et humilitatem; maxime vero ardentem amorem in lorsque S. Antoine crut devoir se munir contre lui du signe de la Croix, ne
Christum Dominum, cujus unico Sanctissimæ Crucis signo debilitatus montra aucune frayeur, ne songea nullement à s'enfuir; bien au contraire, il
fugit.» Dum igitur homunculus ille, contra quem D. Antonius Crucis s'approcha du saint d'un air confiant et respectueux, en lui offrant des dattes:
signo se munivit, ad ejus aspectum, nec pavit, nec fugit, immo preuve certaine que ce n'était pas un diable.
confidenter, humiliterque accessit ad eum dactalos illi offerens,
signum est, illum nullo modo Diabolum fuisse.
80. Secundo notandum, quod homunculus ille dixit: Mortalis et ego 80. Secondement, il faut noter que ce petit homme dit: «Je suis mortel, moi
sum; ex quibus verbis docemur, quod ille erat animal morti obnoxium, aussi», d'où il résulte que c'était un animal sujet à la mort, et qui avait reçu l'être
et proinde, quod per generationem esse accepit: spiritus enim par génération; en effet, un esprit immatériel est immortel parce qu'il est simple,
immaterialis immortalis est, quia simplex, et ideo non accipit esse per et conséquemment ne reçoit pas l'être par génération d'une manière préexistante,
generationem ex præjacente materia, sed per creationem; unde nec mais par création; conséquemment encore, il ne perd pas l'être par corruption,
amittit esse per corruptionem, quæ dicitur mors, sed per autrement dite mort; et il ne saurait cesser d'être que par annihilation. Donc, en
annihilationem tantum potest desinere esse. Quod si ille se mortalem se disant mortel, il a déclaré être un animal.
esse dixit, professus est se esse animal.
81. Tertio notandum, quod ait se cognovisse communem Deum in 81. Troisième observation: Il sait, dit-il, que le Dieu commun a souffert dans
carne humana fuisse passum. Ex his verbis convincitur illud fuisse la chair de l'homme. Ces paroles prouvent que c'était un animal raisonnable. En
animal rationale: siquidem bruta nihil agnoscunt, nisi sensibile et effet, les bêtes ne connaissent rien au delà du sensible et du présent, et ne
præsens, unde ab ipsis Deus nullo modo cognosci potest. Quod si peuvent conséquemment avoir aucune connaissance de Dieu. Si, comme le dit
homunculus ille ait, se cum aliis suis cognovisse Deum in carne ce petit homme, lui et ses pareils savent que Dieu a souffert dans la chair
humana passum, hoc probat, quod aliquo revelante habuit notitiam de humaine, cela prouve que, grâce à quelque révélation, il a eu connaissance de
Deo, sicut etiam nos habemus de illo fidem revelatam; pariterque Dieu, de la même manière que nous en avons nous-mêmes la foi révélée; et cette
Deum carnem humanam assumpsisse, et in ea passum: quæ duo sunt notion, que Dieu a revêtu la chair humaine et y a souffert, constitue les deux
articuli nostræ Fidei principales, nempe Dei unius, et Trini existentia, principaux articles de notre Foi: d'abord, l'existence de Dieu un et triple, puis
et ipsius Incarnatio, Passio, et Resurrectio; ex quibus omnibus son Incarnation, sa Passion et sa Résurrection. Tout cela démontre, comme je
habetur, ut dicebam, illud fuisse animal rationale capax divinæ l'ai dit, que c'était un animal raisonnable, capable de la connaissance divine par
cognitionis, per revelationem, ut nos, et proinde pollens anima voie de révélation, ainsi que nous-mêmes, doué d'une âme raisonnable, et, par
rationali, et ex consequenti immortali. conséquent, immortelle.
82. Quarto notandum, quod oraverit nomine omnium gregis sui, 82. Quatrième observation: Au nom de tout son troupeau, dont il se déclare le
cujus legatione fungi se profitebatur, D. Antonium, ut communem délégué, il demande à S. Antoine de prier pour eux le Dieu commun. D'où je
Deum pro illis deprecaretur. Ex his deducitur, quod homunculus ille déduis que ce petit homme était capable de béatitude et de damnation, et qu'il
capax erat beatitudinis, et damnationis, et quod non erat in termino, n'était pas in termino, mais in via; en effet, du moment qu'il est un animal
sed in via: ex hoc enim, quod, ut supra probatum est, se prodidit raisonnable, et, conséquemment, doué d'une âme immortelle, comme il a été
rationalem, et anima immortali consequenter donatum, consequens prouvé plus haut, la logique veut également qu'il soit capable de béatitude et de
est, quod, et beatitudinis, et damnationis capax sit: hæc enim propria damnation: c'est là, effectivement, le propre de la créature raisonnable, ange ou
passio est Creaturæ rationalis, ut constat ex natura angelica, et homme. De même, je déduis qu'il était dans la voie, in via, c'est-à-dire capable
humana. Item deducitur, quod ipse erat in via, et proinde capax meriti, de mérite et de démérite; car, s'il eût été au terme, in termino, il eût été ou
et demeriti: si enim fuisset in termino, fuisset vel beatus, vel damnatus; bienheureux ou damné. Or, il ne pouvait être ni l'un, ni l'autre; car les prières de
neutrum autem potuit esse, quia orationes D. Antonii, quibus se S. Antoine, auxquelles il se recommandait, ne pouvaient lui être d'aucun
commendabat, ipsi nullo modo prodesse potuissent, si fuisset finaliter secours, s'il était définitivement damné; et, s'il était bienheureux, il n'en avait pas
damnatus; et si beatus fuisset illis non eguisset. Quod ipsi se besoin. Puisqu'il se recommandait à ses prières, c'est qu'elles pouvaient lui
commendavit, signum est eas sibi prodesse potuisse, et proinde in statu servir, et qu'il était, par conséquent, dans la voie du salut, in statu viæ et meriti.
viæ, et meriti.
83. Quinto notandum, quod homunculus ille professus est, se esse 83. Cinquième observation: Ce petit homme, en disant: «Je suis envoyé en
legatum aliorum suæ speciei, dum dixit legatione fungor gregis mei, ex mission par mon troupeau», se déclare le délégué d'autres créatures de son
quibus verbis plura deducuntur. Unum est, quod homunculus ille non espèce. D'où nous pouvons tirer plusieurs conséquences: d'abord, que ce petit
solus erat, unde potuisset credi monstrum raro contingens, sed quod homme n'était pas seul, c'est-à-dire un monstre exceptionnel et rare, mais qu'il
plures erant ejusdem speciei; tum quia simul congregati gregem en existait plusieurs de même espèce, puisque, réunis ensemble, ils formaient un
faciebant; tum quia nomine omnium veniebat: quod esse non posset si troupeau, et qu'il se présentait au nom de tous: ce qui n'eût pas été vrai, si un
multorum voluntates in illum non convenissent. Aliud est, quod isti grand nombre de volontés n'eussent concouru à le déléguer. Ensuite, que ces
profitentur vitam socialem: ex quo nomine multorum unus ex ipsis animaux vivent en société, puisqu'ils envoient l'un d'eux pour les représenter
missus est. Aliud est, quod quamvis dicantur habitare in Eremo, non tous. Enfin que, tout en habitant le Désert, ils n'y sont cependant pas fixés à l'état
tamen in eo fixa est eorum permanentia: siquidem cum D. Antonius in permanent: en effet, S. Antoine n'ayant jamais eu jusqu'alors l'occasion de
illa eremo alias non fuisset (distabat enim illa per multas dietas ab visiter cette solitude, qui était très-éloignée de son ermitage, ils n'auraient pu
eremo D. Antonii), scire non potuerunt quisnam ille esset cujusve savoir qui il était, ni à quel degré de sainteté il était parvenu; il était donc
sanctitatis; necessarium igitur fuit, quod alibi eum cognoverint, et ex nécessaire qu'ils l'eussent connu ailleurs, et, conséquemment, qu'ils eussent
consequenti extra desertum illum vagaverint. voyagé hors de ce désert.
84. Ultimo notandum, quod homunculus ille ait esse ex iis, quos 84. Dernière observation: Ce petit homme dit être de ceux que les Gentils,
cæco errore delusa Gentilitas Faunos, Satyros et Incubos appellant; et abusés par une erreur aveugle, appellent Faunes, Satyres et Incubes: ce qui
ex his verbis convincitur nostrum intentum principale, Incubos nempe prouve bien la vérité de notre thèse principale, savoir: que les Incubes sont des
esse animalia rationalia beatitatis, et damnationis capacia. animaux raisonnables, capables de béatitude et de damnation.
85. Talium homuncionum frequens est apparitio in metallorum 85. L'apparition de petits hommes de cette sorte est fréquente dans les mines
fodinis, ut scribit Gregorius Agricola, lib. De Animal. subterran., métalliques, comme l'enseigne Gregorius Agricola, dans son livre De Animal.
prope finem. Isti nempe coram fossoribus minerarum comparent induti subterran. Ils se font voir aux mineurs vêtus des mêmes habits qu'eux; ils jouent
habitu, qualem habent fossores ipsi, et jocantur inter se, tripudiantque, et badinent ensemble, rient, plaisantent, jettent aux mineurs de petites pierres en
ac rident et cachinnantur, parvosque lapides joco mittunt in manière de jeu; et c'est alors bon signe, dit l'auteur précité: on est sûr de
metallarios, et tunc signum est, ait Auctor prædictus, optimi proventus, découvrir quelque riche rameau ou même un tronc d'arbre minéral.
ac inventionis alicujus rami, aut trunci principalis arboris mineralis.
86. Tales homunculos subterraneos negat Petrus Thyræus 86. Pierre Thyræus, de Neuss, dans son livre De Terrification. Nocturn., nie
Novesianus, lib. De Terrificatio. Noctur., c. 2., per totum, nixus l'existence de ces petits hommes, en s'appuyant sur des arguments qu'on
argumentis sane puerilibus, quæ sunt hæc: si darentur hujusmodi trouvera sans aucun doute puérils. Étant donné, dit-il, de petits hommes de cette
homunciones, ubinam degunt, et quænam, et ubi habent sua domicilia, espèce, où vivent-ils, comment et où logent-ils? de quelle manière se perpétue
qua ratione genus suum conservant, si per generationem, aut leur espèce, par génération ou autrement? naissent-ils, meurent-ils, usent-ils de
quomodo? si oriantur, et intereant, quo cibo vitam suam sustentent; si nourriture pour soutenir leur vie? sont-ils capables de béatitude et de damnation?
beatitudinis, et damnationis capaces sunt, et quibus mediis propriam et par quels moyens obtiennent-ils leur salut? Tels sont les arguments qui
salutem consequantur? Hæc sunt argumenta Thyræi, quibus permotus suffisent à Thyræus pour nier cette existence.
negat talem existentiam.
87. Sed viri parum cordati est negare id, quod graves Aucthores, 87. Mais, on l'avouera, c'est faire preuve de peu de sens que d'oser nier ce
fideque digni scribunt, quodque quotidiana constat experientia. qu'ont écrit des auteurs graves et dignes de foi, ce qu'atteste d'ailleurs une
Argumenta Thyræi nec minimum cogunt, ac ea solvimus supra a no 45. expérience de chaque jour. Les arguments de Thyræus n'ont pas la moindre
et seq. Remanet solum satisfacere quæstioni ubinam locorum habitent portée, et nous les avons résolus d'avance, nos 45 et suivants. La seule question à
hujusmodi homunculi, seu Incubi? Ad quod dico, quod ut supra laquelle il reste à satisfaire est celle-ci: où demeurent ces petits hommes, ces
dedimus no 71. ex Guaccio, istorum alii sunt terrei, alii aquei, alii Incubes? A cela je réponds: ainsi qu'il a été exposé plus haut (no 71) d'après
ærei, alii ignei, quorum nempe corpora, aut constant ex talium Guaccius, les uns sont terrestres, d'autres aqueux, d'autres aériens, d'autres ignés,
elementorum subtiliori parte, sive licet ex pluribus constent elementis, c'est-à-dire que leurs corps sont composés de la partie la plus subtile de l'un des
prævalet tamen in iis, aut aqua, aut ær pro ipsorum natura. Mansiones éléments, ou si plusieurs éléments s'y trouvent réunis, il y en a pourtant un qui
igitur, et domicilia eorum erunt in elemento illo cujus natura in eorum domine, soit l'eau, soit l'air, suivant leur nature. Leurs demeures,
corporibus prævalet: ignei enim nisi violenter, et forte nullomodo in conséquemment, se trouveront dans celui de ces éléments qui entrera comme
aquis aut locis palustribus morabuntur, cum hæc sint sibi contraria, partie dominante dans la composition de leur corps; les Incubes ignés, par
nec aquei ad superiorem ætheris partem ascendere poterunt ob sibi exemple, ne résideront pas volontiers ou même ne résideront jamais dans l'eau
repugnantem regionis illius subtilitatem, quod etiam videmus accidere ou dans les marécages, qui leur sont contraires, et les Incubes aqueux ne
hominibus, qui ad quorumdam Alpium summa juga pervenire nequeunt pourront s'élever jusqu'à la partie supérieure de l'éther, cette région étant trop
præ summa æris subtilitate, quæ homines crassiori æri assuetos subtile pour leur nature. Ceci même s'observe dans les hommes qui, accoutumés
nutrire nequit. à un air épais, ne peuvent résider sur certains sommets des Alpes où l'air est trop
subtil pour eux.

88. Pluribus sanctorum Patrum auctoritatibus, quas congerit 88. Molina, dans son Commentaire de S. Thomas, réunit plusieurs
Molina in p. p. D. Thom., q. 50., ar. 1. circa med., probare possemus témoignages des Saints Pères, qui pourraient nous servir à prouver la corporéité
Dæmonum corporeitatem; quæ tamen stante determinatione Concilii des Démons; mais, en présence de la décision du Concile de Latran, rapportée
Lateranensis de incorporeitate Angelorum, ut dictum fuit supra no 37., plus haut (no 87), touchant l'incorporéité des Anges, nous devons entendre que
exponi debent de Dæmonibus istis Incubis, ac viatoribus adhuc, non les Saints Pères ont eu en vue ces Démons Incubes, qui sont encore dans la voie
autem de Damnatis. Tamen ne nimis longus sim, solius D. Augustini, du salut, et non les Anges damnés. Cependant, sans aller plus loin, nous nous
summi Ecclesiæ Doctoris, aucthoritates damus, quibus evidenter bornerons à citer S. Augustin, ce grand Docteur de l'Église, et l'on verra à quel
convincitur illum fuisse in sententia, quam nos docemus. point sa doctrine concorde avec la nôtre.
89. D. Augustinus igitur, lib. 2. super Genesim ad litteram c. 17. de 89. S. Augustin donc, dans son Commentaire de la Genèse, liv. 2, ch. 17,
Dæmonibus, sic habet: «Quædam vera nosse, partim quia subtiliore s'exprime ainsi au sujet des Démons: «Ils connaissent certaines vérités, soit
sensus acumine, partim quia subtilioribus corporibus vigent,» et lib. 3. parce que leurs sens sont plus vifs et plus subtils, soit parce que leurs corps eux-
c. 1., «etsi Dæmones ærea sunt animalia, quoniam corporum æreorum mêmes sont plus subtils,» et au livre 3, ch. 1er: «les Démons sont des animaux
natura vigent.» Et Epistola 115. ad Hebridium affirmat, eos esse aériens, parce qu'ils participent de la nature des corps aériens.» Dans son
«animantia ærea, seu ætherea acerrimi sensus.» Et de Civit. Dei lib. 11. Épitre 115 à Hebridius, il affirme que ce sont «des animaux aériens, ou éthérés,
c. 23, affirmat «Dæmonem pessimum habere corpus æreum.» Et lib. doués d'un sens très-délicat.» Dans la Cité de Dieu, liv. 11, ch. 23, il dit que «le
21. c. 10. scripsit: «Sunt sua quædam etiam Dæmonibus corpora, sicut pire Démon a un corps aérien.» Au livre 21, ch. 10, il écrit: «Certains Démons
doctis hominibus visum est, ex isto ære crasso et humido.» Et lib. 15. ont même des corps composés, comme l'ont cru des philosophes, de l'air épais et
c. 23. ait «se non audere definire, an Angeli corpore æreo, ita corporati humide que nous respirons.» Au livre 15, ch. 23: «il n'ose définir si les Anges,
possint etiam hanc pati libidinem, ut quomodo possint, sentientibus doués d'un corps aérien, pourraient ressentir cette passion sensuelle qui les
fœminis misceantur.» Et in Enarrat. in Psal. 85. ait «corpora beatorum pousserait à s'unir aux femmes.» Dans son commentaire du Psaume 85, il dit
futura post resurrectionem, qualia sunt corpora Angelorum;» et que «les corps des bienheureux seront, après la résurrection, pareils aux corps
Enarrat. in Psal. 14. 5. ait «corpus Angelicum inferius esse anima.» Et des Anges;» au Psaume 14, il observe que «le corps des Anges est inférieur à
lib. De Divinit. Dæmonum, passim per totum, maxime c. 23., docet l'âme.» Enfin, dans son livre de la Divination des Démons, notamment ch. 23, il
«Dæmones subtilia habere corpora.» enseigne que «les Démons ont des corps subtils».
90. Potest etiam sententia nostra aucthoritatibus Sacræ Scripturæ 90. Notre doctrine peut également s'appuyer sur les témoignages des Saintes
comprobari, quæ licet ab Expositoribus aliter declarentur, non Écritures, quelque diverse que soit l'interprétation qu'en donnent les
incongrue tamen ad nostrum intentum possunt aptari. Prima est Commentateurs. Nous avons d'abord le Psaume 77, v. 24 et 25, où il est dit:
Psalmi 77., v. 24. et 25., ubi habetur: panem Angelorum manducavit «l'homme a mangé le pain des Anges, il leur a donné le pain du ciel.» David
homo, panem cœli dedit eis. Hic loquitur David de Manna, qua cibatus parle ici de la Manne, dont le peuple d'Israël s'est nourri tout le temps qu'il a erré
fuit Populus Israel toto tempore, quo peregrinus fuit in deserto. dans le désert. Or, on demandera dans quel sens on peut dire de la Manne que
Quærendum ergo venit, quo sensu Manna dici possit panis Angelorum. c'est le pain des Anges. La plupart des Docteurs, je ne l'ignore pas, interprètent
Scio quidem plerosque Doctores exponere hunc passum in sensu ce passage dans un sens mystique, disant que la Manne figure la Sainte
mystico, aientes in Manna figuratam esse Sacram Eucharistiam, quæ Eucharistie, appelée aussi le pain des Anges, parce que les Anges jouissent de la
vocatur panis Angelorum, quia Angeli fruuntur visione Dei, qui per vue de Dieu, qui se trouve par concomitance dans l'Eucharistie.
concomitantiam in Eucharistia reperitur.
91. Sed hæc expositio aptissima est quidem, et quam amplectitur 91. Cette interprétation est assurément très-admissible, et elle est adoptée par
Ecclesia in officio Sanctissimi Corporis Christi, sed in sensu spirituali l'Église dans l'office du Très-Saint Corps de Jésus-Christ, mais c'est là un sens
est. Ego autem quæro sensum litteralem: neque enim in illo Psalmo spirituel. Or, ce que je cherche, c'est le sens littéral, car, dans ce psaume, David
David loquitur prophetice de futuris, sicut facit in aliis locis, ut ne parle pas en prophète de choses futures, comme il le fait dans d'autres
proinde facile non sit sensum litteralem habere; sed loquitur historice endroits où il est difficile de trouver un sens littéral; il parle ici en historien, de
de præteritis. Ille enim Psalmus, ut patet legenti, est pura choses passées. Ce psaume, en effet, pour quiconque le lit, est une pure
anacephalestis, seu compendium omnium beneficiorum, quæ contulit anacéphaléose, soit une récapitulation de tous les bienfaits conférés par Dieu au
Deus Populo Hebræo ab egressu ipsius de Aegypto, usque ad tempus peuple Hébreu depuis sa sortie d'Égypte jusqu'au temps de David, et il y est
Davidis, et in eo versu loquitur de Manna Deserti, ut proinde quæratur parlé de la Manne du Désert, qu'il appelle le Pain des Anges: pourquoi et dans
quomodo, et quo sensu Manna vocetur Panis Angelorum. quel sens, voilà la question.
92. Scio alios, Lyran., Euthim., Bellarm., Titelman., Genebrard., in 92. D'autres docteurs, je le sais encore, voient dans le Pain des Anges un pain
Psal. 77. v. 24. et 25., interpretari Panem Angelorum Panem ab préparé par les Anges, ou envoyé du Ciel par le ministère des Anges. Le
Angelis paratum, seu Angelorum ministerio a Cœlo demissum; cardinal Hugo explique cette qualification, en disant que cette nourriture
Hugonem autem Cardinalem Panem Angelorum exponere: quia ille produisait en partie sur les Juifs l'effet que la nourriture des Anges produit sur
cibus hoc efficiebat in Judæis, quod in Angelis efficit cibus illorum, ces derniers. Les Anges, effectivement, ne sont sujets à aucune infirmité; et d'un
pro parte: Angeli enim non incurrunt infirmitatem. Voluerunt enim autre côté, les commentateurs Hébreux, et Josèphe lui-même, affirment que tout
expositores Hebræi, ut etiam asseverat Josephus, quod Judæi in le temps que les Juifs sont restés dans le Désert, se nourrissant de la manne, ils
Deserto vescentes manna, nec senescerent, nec ægrotarent, nec n'ont connu ni vieillesse, ni maladie, ni fatigue; cette manne était donc
lassarentur; proinde illa esset tanquam panis, quo vescuntur Angeli, semblable au pain dont se nourrissent les Anges, qui ne vieillissent pas et ne
qui nec senio, nec ægritudine, nec lassitudine unquam laborant. sont sujets à aucune fatigue ni maladie.
93. Istas quidem expositiones recipere æquum est, utpote tantorum 93. Ces interprétations, assurément, méritent d'être accueillies avec le respect
Doctorum aucthoritate suffultas. Facessit tamen difficultatem, quod dû à l'autorité de si grands Docteurs. Il y a cependant une difficulté: c'est que,
ministerio Angelorum Hebræis non minus parata fuere columna nubis, indépendamment de la manne, le ministère des Anges a également procuré aux
et ignis, coturnices, et aqua de petra, quam manna; nec tamen ista Hébreux la colonne de nuée et de feu, les cailles, l'eau du rocher, et que
dicta fuere columna, aqua, aut potus Angelorum. Cur ergo potius l'Écriture ne dit pas: la colonne des Anges, l'eau ou la boisson des Anges.
vocari deberet manna, quia parata ministerio Angelorum, Panis Pourquoi donc appeler la manne le Pain des Anges, parce qu'elle était préparée
Angelorum, quam Potus Angelorum aqua eorumdem ministerio saxo par leur ministère, et ne pas appeler Boisson des Anges cette eau qui était tirée
educta? Insuper in sacra Scriptura panis dum dicitur panis alicujus, du roc aussi par leur ministère? De plus, dans la Sainte Écriture, quand il est dit
dicitur panis ejus qui illo vescitur, non ejus qui illum parat, aut d'un pain que c'est le pain de quelqu'un, c'est toujours le pain de celui qui s'en
fabricat, et de hoc infinita habemus exempla in sacra Scriptura: ut nourrit, non de celui qui le prépare ou le fabrique. Les exemples en sont infinis:
Exod. c. 23. v. 25. Benedicam panibus tuis, et aquis; lib. 2. Reg. c. 12. ainsi, dans l'Exode, ch. 23, v. 25: «Afin que je bénisse ton pain et ton eau;» au
v. 3. De pane illius comedens; Tob. c. 4. v. 17. Panem tuum cum livre 2 des Rois, ch. 12, v. 3: «Mangeant de son pain;» dans Tobie, ch. 4, v. 17:
egenis comede; et v. 18. Panem tuum super sepulturam Justi constitue; «Mange ton pain avec les pauvres,» et v. 18: «Répands ton pain sur la sépulture
Ecclesiast. c. 11. v. 1. Mitte panem tuum super transeuntes aquas; Isai. du Juste;» dans l'Ecclésiaste ch. 11, v. 1; «Répands ton pain sur les eaux qui
c. 58. v. 7. Frange esurienti panem tuum; Jerem. c. 11. v. 19. Mittamus passent;» dans Isaïe, ch. 58, v, 7: «Romps ton pain avec celui qui a faim;» dans
lignum in panem ejus; Matth. c. 15. v. 26. Non est bonum sumere Jérémie, c. 11, v. 19: «Mettons du bois dans son pain;» dans S. Mathieu, ch. 15,
panem filiorum; Luc. c. 11. v. 3. Panem nostrum quotidianum. Ex v. 26: «Il n'est pas juste de prendre le pain des enfants;» dans S. Luc, ch. 11, v.
quibus locis patenter habetur, quod panis dicitur ejus, qui eo vescitur, 3: «Notre pain quotidien.» Tous ces passages démontrent surabondamment que
non vero, qui ipsum conficit, affert, aut parat. Commode igitur in loco le pain de quelqu'un, dans le langage des Écritures, c'est le pain de celui qui s'en
citato Psalmi accipi potest Panis Angelorum, cibus quo vescuntur nourrit, et non de celui qui le fait, l'apporte ou le prépare. Il est donc très-naturel,
Angeli non quidem incorporei (isti enim materiali cibo non egent), sed dans l'endroit du Psaume que nous avons cité, d'entendre par Pain des Anges, la
corporei, ista nempe rationalia animalia, de quibus hucusque nourriture dont se servent non pas les Anges incorporels (puisque ceux-ci n'ont
disseruimus, degentia in ære, et quæ ratione tenuitatis suorum pas besoin de nourriture matérielle), mais les Anges corporels, c'est-à-dire ces
corporum, ac rationalis naturæ, quam maxime ad Angelos animaux raisonnables dont nous traitons ici, qui vivent dans l'air, et qui, par la
immateriales accedunt, ut proinde nuncupentur. subtilité de leurs corps et leur qualité d'êtres raisonnables, approchent de si près
des Anges immatériels, que la même dénomination leur est appliquée.

94. Ducor, quia cum animalia sint, et ideo generabilia et 94. Je déduis: étant des animaux, c'est-à-dire se reproduisant par génération
corruptibilia, egent cibo, ut restauretur substantia corporea, quæ per et sujets à corruption, ils ont besoin de nourriture pour restaurer leur substance
effluvia deperditur; vita enim sentientis non consistit nisi in motu corporelle, dont la déperdition a lieu par les effluves: la vie de tout être sentant
partium corporearum quæ fluunt, ac refluunt, acquiruntur, ac ne consiste, en effet, que dans le va-et-vient des éléments corporels qui affluent
deperduntur, ac iterum reparantur; quæ reparatio fit per substantias et refluent, s'acquièrent, se perdent et se réparent, au moyen de substances
spirituosas, materiales tamen, attractas a vivente, tum per æris spiritueuses, matérielles pourtant, que l'être vivant s'assimile soit par la
inspirationem, tum per fermentationem cibi, per quam substantia illius respiration de l'air, soit par la fermentation de la nourriture, qui spiritualise sa
spiritualizatur, ut rationatur doctissimus Ettmullerus, Instit. Medic. substance, comme l'enseigne le très-docte Ettmuller (Instit. Medic. Physiolog.,
Physiolog., c. 2. ch. 2).
95. Quia autem eorum corpus tenue est, tenui pariter, et subtili eget 95. Or, comme leur corps est subtil, la nourriture qui lui convient doit être
alimento. Hinc est quod sicut odoribus aliisque substantiis vaporosis, également délicate et subtile. Aussi, de même que les parfums et autres
ac volatilibus suæ naturæ contrariis læduntur ac fugantur, ut constat substances vaporeuses et volatiles, quand elles sont contraires à leur nature, les
ex historiis recitatis supra, no 71. et 72., ita paribus rebus sibi offusquent et les mettent en fuite, témoin ce que nous avons raconté ci-dessus
convenientibus delectantur, et aluntur. Porro manna non est aliud, (nos 71 et 72), de même aussi, lorsque leur nature y est conforme, ils se délectent
quam halitus aquæ, terræque, solis calore exacte attenuatus et coctus, a de ces substances ou autres pareilles et en font leur nourriture. Or, «la manne
frigore secutæ noctis in unum coactus, densatusque, ut scribit n'est pas autre chose,» comme l'écrit Cornelius, «qu'une émanation d'eau et de
Cornelius; manna dico, quam demissam de cœlo comederunt Hebræi, terre raffinée et cuite par la chaleur du soleil, puis coagulée et condensée par la
quæ toto cœlo differt a manna nostrate, quæ in medicinis adhibetur; fraîcheur de la nuit»: je parle, bien entendu, de la manne envoyée du ciel pour la
nam hæc, ut scribit Ettmullerus Schroder, Dilucid. Physiolog., c. 1. de nourriture des Hébreux, laquelle diffère du tout au tout de la manne nostrate ou
Manna, fol. m. 154., nihil aliud est, quam succus quarumdam arborum médicinale: celle-ci en effet, suivant Ettmuller (Dilucid. Physiol., ch. 1), «n'est
tenuis, vel earum transsudatio, quæ nocturno tempore permixta cum pas autre chose que le suc ou la transsudation de certains arbres qui se mêle la
rore, matutino tempore superventu caloris solis coagulatur, et nuit à la rosée et, le matin venu, se coagule et s'épaissit à la chaleur du soleil.»
inspissatur. Manna autem Hebræorum diversis orta principiis calore La manne des Hébreux, au contraire, formée de principes différents, loin de se
solis non coagulabatur, sed vice versa liquefiebat, ut patet ex coaguler, se liquéfiait à la chaleur du soleil, comme l'atteste l'Écriture, Exode,
Scriptura, Exod. c. 16. v. 22. Manna ergo Hebræorum utpote constans ch. 16, v. 22. Cette manne des Hébreux était donc une substance
ex halitibus tenuibus terræ et aquæ, profecto tenuissimæ erat extraordinairement subtile, puisqu'elle était composée d'émanations de terre et
substantiæ, utpote, quæ a sole solvebatur, et disparebat; optime ergo d'eau, et que le soleil la faisait dissoudre et disparaître; il se peut donc très-bien
potuit esse talium animalium cibus, ita ut diceretur a David Panis qu'elle soit la nourriture des animaux en question, et qu'ainsi David l'ait appelée
Angelorum. avec raison le Pain des Anges.
96. Alia auctoritas habetur in Evangelio Joannis, in quo, Joannes, 96. Nous avons de plus, à l'appui de notre thèse, l'Évangile de S. Jean, ch. 10,
c. 10. v. 16., ita dicitur: Alias oves habeo, quæ non sunt ex hoc ovili, et v. 16, où il est dit: «J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie;
illas oportet me adducere, et vocem meam audient, et fiet unum ovile, il faut aussi que je les amène, et elles entendront ma voix, et il n'y aura qu'une
et unus Pastor. Si quæramus quænam sint oves, quæ non sunt ex hoc seule bergerie et qu'un seul berger.» Si nous demandons quelles peuvent être
ovili, et qualenam sit ovile de quo loquitur Christus Dominus, ces brebis qui ne sont pas de cette bergerie, et quelle est cette bergerie dont parle
respondent communiter Expositores unum ovile Christi esse le Seigneur Christ, tous les Commentateurs nous répondent que la seule bergerie
Ecclesiam, ad quam perducendi erant per prædicationem Evangelii du Christ, c'est l'Église, à laquelle la prédication de l'Évangile devait amener les
Gentiles, qui erant oves alterius ovilis, ab ovili Hebræorum: opinantur Gentils, qui étaient d'une autre bergerie que celle des Hébreux. Pour eux, en
enim Synagogam esse Christi ovile, quia dicebat David, Psal. 94. v. 9: effet, la bergerie du Christ, c'était la Synagogue, d'abord parce que David avait
Nos populus ejus et oves pascuæ ejus; et quia Messias promissus dit, Psaume 94, v. 7: «Nous sommes son peuple et ses brebis qu'il nourrit dans
fuerat Abraham et David oriturus ex eorum semine, et a populo ses pâturages»; puis, parce que la promesse avait été faite à Abraham et à David
Hebræo expectatus, et a Prophetis qui Hebræi erant vaticinatus, et que le Messie sortirait de leur race, parce qu'il était attendu par le peuple
ejus adventus, conversatio, passio, mors et resurrectio in sacrificiis, Hébreu, annoncé par les Prophètes, qui étaient Hébreux, et que son avénement,
cultu, et ceremoniis Hebræorum legis erant præfigurata. ses actes, sa passion, sa mort et sa résurrection étaient comme figurés d'avance
dans les sacrifices, le culte et les cérémonies de la loi des Hébreux.
97. Sed salva semper Sanctorum Patrum, ac aliorum Doctorum 97. Mais, sauf le respect dû aux Saints Pères et autres Docteurs, cette
reverentia, non videtur talis expositio ad plenum satisfacere. Habemus explication n'est pas de tout point satisfaisante. Il est de foi en effet que l'Église
enim quod de fide est a principio mundi Ecclesiam Fidelium extitisse des Fidèles a été une et a existé depuis le commencement du monde, et qu'elle
unam, usque ad finem sæculi duraturam. Cujus Ecclesiæ caput est durera ainsi jusqu'à la fin des siècles. Le chef de cette Église est Jésus-Christ,
mediator Dei et hominum Christus Jesus, cujus contemplatione creata médiateur de «Dieu et des hommes, créateur et auteur de toutes choses. La foi
sunt universa, et omnia per ipsum facta. Fides enim unius Dei Trini dans la Trinité divine, (quoique moins explicite) et l'Incarnation du Verbe ont
(quamvis non ita explicite), et Verbi Incarnatio revelata fuit primo été révélées au premier homme, lequel en a instruit ses fils, et ceux-ci à leur tour
homini, et ab ipso edocti ejus filii, et ab iis descendentes. Hinc est leurs descendants. Aussi, bien que la plupart des hommes se fussent laissé
quod quamvis plerique homines ad idolatriam deflexerint, ac veram égarer dans l'idolâtrie et eussent déserté la vraie foi, beaucoup cependant
fidem deseruerint, multi tamen veram fidem a patribus sibi traditam gardèrent cette foi qui leur venait de leurs pères, et, observant la loi naturelle,
retinuerunt, et legem naturæ servantes in vera Ecclesia Fidelium restèrent dans la vraie Église des Fidèles. C'est la remarque que fait le Cardinal
permanserunt, ut observat Cardinalis Toletus in Job, c. 10. v. 16., et Tolet, à propos de Job, qui fut un saint au milieu des Gentils Idolâtres. Et
apparet in Job, qui inter Gentiles Idololatras sanctus fuit. Quamvis quoique Dieu eût conféré des faveurs spéciales au peuple Hébreu, qu'il eût établi
autem Deus populo Hebræo speciales favores contulerit, pour lui une loi et des cérémonies spéciales, et qu'il l'eût séparé des Gentils,
peculiaremque legem, ac ceremonias illi præscripserit, ac a Gentilibus cette loi n'était pas cependant obligatoire pour les Gentils, et les Hébreux fidèles
segregaverit, non tamen ad eam legem Gentes tenebantur, nec fideles ne constituaient pas une Église différente de l'Église des Gentils qui professaient
Hebræi aliam Ecclesiam constituebant ab Ecclesia Gentilium, qui la foi en un seul Dieu et en la venue du Messie.
fidem unius Dei et Messiæ venturi profitebantur.
98. Hinc est, quod etiam ex Gentilibus fuere, qui Christi adventum, 98. On remarquera de plus que, même parmi les Gentils, il y en eut qui
et alia Christianæ fidei dogmata prophetarunt, ut patet de Balaam, prophétisèrent la venue du Christ et les autres dogmes de la foi Chrétienne,
Mercurio Trismegisto, Hydaspe, ac Sibyllis de quibus loquitur témoin Balaam, Mercure Trismégiste, Hydaspe et les Sibylles, dont parle
Lactantius, lib. 1. c. 6., ut scribit Cardinalis Baronius in Apparatu Lactance, livre 1, ch. 6; voir aussi Baronius, Apparat. Annal., no 18. Que le
Annal. no 18. Et quod Messias erat a Gentilibus expectatus habet Messie fût attendu par les Gentils, nous en avons la preuve dans plusieurs
Isaias in pluribus locis, et luculentum testimonium de hoc est passages d'Isaïe, et surtout dans la Prophétie du Patriarche Jacob touchant le
prophetia Patriarchæ Jacob de Messia, quæ sic ait, Gen. c. 49. v. 10: Messie, ainsi conçue, Genèse, c. 49, v. 10: «Le sceptre ne sortira point de Juda,
Non auferetur sceptrum de Juda, et dux de femore ejus, donec veniat ni le prince de sa postérité, jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé; et
qui mittendus est, et ipse erit expectatio Gentium. Item Prophetia c'est lui qui sera l'attente des nations.» De même dans la prophétie d'Aggée, c.
Aggæi, c. 2. v. 8: Movebo omnes Gentes, et veniet desideratus cunctis 2, v. 8: «J'ébranlerai toutes les Nations, et le désiré de toutes les nations
gentibus, quem locum explicans Cornelius a Lap. in Aggæ. c. 2. v. 8. § viendra», ce que Cornelius a Lapide commente en ces termes: «Les Gentils
Denique gentes, ait: Gentes ante Christum credentes in Deum lege antérieurs à la venue du Christ, qui croyaient en Dieu et observaient la loi de
naturæ, æque ac Judæi expectabant ac desiderabant Christum. Pariter nature, attendaient et désiraient le Christ aussi bien que les Juifs.» Le Christ
Christus ita se prodidit, et manifestavit Gentibus, sicut Judæis: si enim lui-même s'est annoncé et manifesté aux Gentils ainsi qu'aux Juifs; car en même
in ipsius nativitate per Angelum ejus notitia data fuit Pastoribus, per temps que l'Ange donnait aux bergers la nouvelle de sa nativité, au moyen de
stellam miraculosam ad sui adorationem vocavit Magos, qui cum l'étoile miraculeuse il conviait à l'adorer les Mages qui, étant Gentils, furent les
essent Gentiles fuerunt primitiæ Gentium in Christo agnoscendo, et premiers d'entre les Nations, comme les bergers le furent parmi les Juifs, à
adorando, ut ait S. Fulgentius, Sermon. 6. de Epiph., sicut Pastores reconnaître et adorer le Christ (voyez S. Fulgence, Sermon sur l'Épiphanie). De
fuerunt primitiæ Judæorum. Itidem manifestatio adventus Christi per même, ce furent les Gentils qui, avant les Juifs, connurent l'avénement du Christ
prædicationem (non quidem Apostolorum) prius facta est Gentilibus, par la prédication (je ne dis pas la prédication des Apôtres). En effet, comme
quam Judæis: siquidem ut scribit Ven. Mater Soror Maria de Agreda, l'écrit la Vénérable Mère Sœur Marie d'Agreda, dans sa Vie de Jésus-Christ et
in Vita J. C. et B. M. V., p. 1. l. 4. c. 26. n. 664: Quando B. M. Virgo de la Bienheureuse Vierge Marie: «Lorsque la Bienheureuse Vierge Marie,
cum S. Joseph portavit Puerum Jesum in Aegyptum, fugiendo Herodis fuyant avec S. Joseph la persécution d'Hérode, emporta en Égypte l'Enfant
persecutionem, mansit ibi per septennium: quo tempore ipsa Jésus, elle y resta sept ans; et pendant ce temps-là la Bienheureuse Vierge
Beatissima Virgo prædicavit Aegyptiis veri Dei fidem, et Filii Dei in prêcha elle-même aux Égyptiens la foi du vrai Dieu et la venue du Fils de Dieu
carne humana adventum. Ulterius in Christi nativitate multa fuere dans la chair humaine.» En outre, lors de la nativité du Christ, il y eut de
prodigia non solum in Judæa, sed in Aegypto, ubi corruerunt idola, ac nombreux prodiges, non-seulement en Judée, mais en Égypte, où les idoles
oracula conticuere; Romæ ubi fons olei scaturiit; visus globus aurei s'écroulèrent et les oracles se turent; à Rome, où jaillit une fontaine d'huile, où
coloris de cœlo in terram descendere; apparuere tres soles; ac contra l'on vit un globe de couleur d'or descendre du ciel sur la terre, où trois soleils
naturam circulus variegatus ad modum Iridis solis discum apparurent, et où un cercle extraordinaire, de nuances variées comme l'arc-en-
circumscripsit; in Græcia, ubi oraculum Delphicum obmutuit, et ciel, entoura le disque du soleil; en Grèce, où l'oracle de Delphes devint muet;
interrogatus Apollo ab Augusto ipsi sacrificante in proprio palatio, ubi au sujet de quoi Apollon, interrogé par l'empereur Auguste qui lui sacrifiait dans
eidem aram extruxerat, de causa silentii sui, respondit, ut referunt son propre palais, où il lui avait élevé un autel, répondit:
Nicephorus, l. 1. c. 17., Suidas, verbo Augustus, et Cedrenus,
Compend. Histor.:
Me puer Hebræus, Divos Deus ipse gubernans, «Un enfant Hébreu, qui commande aux Dieux et est Dieu lui-même,
Cedere sede jubet, tristemque redire sub orcum; M'ordonne de quitter mon siége, et de rentrer dans les Enfers;
Aris ergo dehinc tacitis abscedito nostris. Nos autels sont muets maintenant, il faut t'en éloigner.»

Et multa alia acciderunt prodigia, quibus prænuntiabatur Gentilibus Il y eut encore beaucoup d'autres prodiges annonçant aux Gentils l'avénement du
Filii Dei adventus, quæ ex variis Aucthoribus recitat Baronius, Fils de Dieu: on les trouvera relatés dans Baronius, Apparat. Annal. Eccles., et
Apparat. Annal. Eccles. no 24. et seq., et Cornelius in Aggæ. c. 2. v. 8. dans Cornelius, Commentaire d'Aggée.
99. Ex istis patet, quod etiam Gentiles pertinebant ad ovile Christi 99. De tout ceci il appert que les Gentils eux-mêmes appartenaient, comme
idem, ad quod spectabant Judæi, puta ad Ecclesiam eamdem fidelem; les Juifs, à la bergerie du Christ, c'est-à-dire à la même Église des fidèles. Par
igitur non potest recte dici, quod illa verba Christi: Alias oves habeo, conséquent, ces paroles du Christ: «J'ai d'autres brebis qui ne sont pas de cette
quæ non sunt ex hoc ovili, accipienda sint de Gentilibus, qui bergerie», ne sauraient s'entendre des Gentils qui eurent, de commun avec les
communem cum Hebræis habuerunt de Deo fidem, de Messia spem, Hébreux, la foi en Dieu, l'espérance du Messie, les prophéties, l'attente, les
prophetiam, expectationem, et signa, et prædicationem. prodiges et la prédication de son avénement.
100. Dico igitur quod nomine aliarum ovium commode possunt 100. Je dis donc que par ces mots: d'autres brebis, on peut fort bien entendre
intelligi Creaturæ istæ rationales, sive animalia de quibus hucusque ces créatures ou animaux raisonnables dont nous avons traité jusqu'ici. En effet,
disseruimus. Cum enim, ut diximus, capaces sint beatitudinis, et nous avons établi qu'elles sont capables de béatitude et de damnation; or Jésus-
damnationis, et Christus Jesus sit mediator Dei, et hominum, immo Christ étant médiateur de Dieu et des hommes, ainsi que de toute créature
totius rationalis Creaturæ (creaturæ enim rationales, quæ raisonnable (car c'est par l'application des mérites du Christ que les créatures
beatitudinem consequuntur, hanc obtinent intuitu meritorum Christi raisonnables obtiennent la béatitude, au moyen de la grâce qu'il leur confère), il
per ab eo sibi collatam gratiam, sine qua nequit beatitudo obtineri), en résulte que toute créature raisonnable a dû avoir, en même temps que la foi
debuit omnis rationalis creatura de eo venturo spem habere, sicut de en un seul Dieu, l'espérance de l'avénement du Christ, et la révélation de sa
uno Deo fidem, et de ipsius in carne nativitate, et de præceptis legis naissance dans la chair et des préceptes de la loi de grâce. Voilà donc les brebis
gratiæ manifestationem. Istæ igitur erant oves, quæ non erant ex hoc qui n'étaient pas de cette bergerie humaine, et qu'il lui fallait amener; les brebis
ovili humano, et quas adducere Christum oportebat, et quæ ejus vocem qui devaient entendre sa voix, c'est-à-dire l'annonce de son avénement et de la
nempe notitiam de ipsius adventu, et de evangelica doctrina, quantum doctrine évangélique, soit directement de lui-même, soit par l'intermédiaire des
per se, tum per Apostolos Christus erat manifestaturus audire Apôtres; les brebis enfin qui, réunies aux hommes dans la béatitude céleste,
debebant, et ex iis, ac hominibus in cœlo beatificatis fieri unum ovile, devaient réaliser cette promesse d'une seule bergerie et d'un seul berger.
et unus Pastor.
101. Huic expositioni quam incongruam non puto, vim addit id 101. Cette interprétation, à mon avis très-raisonnable, tire une nouvelle force
quod supra no 77. ex D. Hieronymo retulimus de homunculo illo qui de ce que nous avons rapporté, d'après S. Jérôme, de ce petit homme qui
rogavit D. Antonium, ut communem Deum, quem in carne humana demanda à S. Antoine de prier pour lui et les siens le Dieu commun, qu'il savait
esse passum cognoverat, pro se et suis deprecaretur. Innuitur enim ex avoir souffert dans la chair humaine. Ceci implique, en effet, qu'ils avaient
his, quod illi notitiam habuerunt de adventu, et morte Christi, quem connaissance de l'avénement et de la mort du Christ, et qu'ils désiraient, en sa
tamquam Deum optabant sibi propitium, ut proinde ad hoc qualité de Dieu, se le rendre favorable, puisqu'ils recouraient, dans ce but, à
intercessionem D. Antonii expostularent. l'intercession de S. Antoine.
102. Facit ad idem id, quod ex Eusebio de Præparat. Evang. l. 5. c. 102. Un autre fait à l'appui de ma conclusion, c'est celui que mentionne le
9., et Plutarcho l. de Defectu Oracul., refert Cardinalis Baronius Cardinal Baronius (Appar. Annal., no 129), d'après Eusèbe et Plutarque, comme
Appar. Annal. no 129., et recenset inter prodigia, quæ tempore mortis un des prodiges qui signalèrent la mort du Christ. Au temps de l'Empereur
Christi evenere. Recitat igitur ex citatis Aucthoribus quod Tiberii Tibère, sous qui eut lieu la passion du Christ, des navigateurs allant de Grèce en
Imperatoris, sub quo passus est Christus, tempore, navigantibus Italie et se trouvant la nuit, par un temps calme, dans le voisinage des îles
nonnullis a Græcia in Italiam, circa Insulas Echinades, cessatis ventis, Échinades, leur navire vint à toucher la terre. Alors une grande voix fut entendue
noctu navigium appulit prope terram. Audita fuit ab omnibus vox de tous, qui appelait Tramnus. C'était le nocher: «Présent,» répondit-il; et la
magna quæ vocavit Tramnum. Erat is Nauclerus navigii, quo même voix répliqua: «Lorsque tu seras arrivé auprès de tel marais, tu
respondente Adsum, replicavit vox: Quando perveneris prope annonceras que LE GRAND PAN EST MORT.» Tramnus obéit, et tout à coup une
quandam paludem, annunciabis MAGNUM PANA MORTUUM ESSE: quod immense clameur s'éleva comme d'une multitude infinie, éclatant à la fois en
cum Tramnus fecisset, auditi sunt repente multorum, imo multitudinis gémissements et en sanglots. Qui étaient-ce donc, sinon des Démons ou Anges
prope infinitæ gemitus, et ululatus. Profecto isti fuerunt Dæmones, seu corporels, ou des animaux raisonnables habitant près de ces marais, à cause,
Angeli corporei, seu animalia rationalia prope paludem degentia, sans doute, de leur nature aqueuse, et qui, à l'annonce de la mort du Christ
utpote aquea, quæ audita morte Christi, qui nomine magni Pan désigné par ce nom de Grand Pan, se répandaient en larmes et en lamentations?
efferebatur, in lacrymas, et lamenta effusa sunt; prout etiam Hebræi Ainsi, parmi les Juifs qui avaient assisté à la mort du Christ, il y en eut un grand
nonnulli visa Christi morte percutientes pectora sua revertebantur nombre qui s'en retournèrent en se frappant la poitrine (S. Luc, c. 23, v. 48). De
(Luc. c. 23. v. 48.). Ex hucusque igitur deductis patet, quod dantur toutes les déductions ci-dessus, il ressort donc qu'il existe des Démons de cette
hujusmodi Dæmones, succubi et incubi, constantes sensu, et ipsius sorte, succubes et incubes, lesquels sont doués de sens, et sujets aux passions
passionibus obnoxii, ut probatum est; qui generantur, corrumpuntur, des sens, comme il a été prouvé; qui naissent par génération et meurent par
et capaces sunt beatitudinis, et damnationis, et ratione corporis corruption; qui sont capables de béatitude et de damnation; qui, à raison de la
subtilioris, nobiliores homine sunt, et qui si cum hominibus, maribus subtilité de leur corps, sont plus nobles que l'homme, et qui, s'il leur arrive
aut fœminis, carnaliter commiscentur, peccant, et eo peccato, quo d'avoir un commerce charnel avec l'homme ou la femme, commettent un péché
peccat homo jungendo se cum bruto, quod est homine ignobilius; analogue à celui dont l'homme se rend coupable en s'unissant avec la brute, qui
proinde non raro hi Dæmones consuetudinem habentes cum homine, lui est inférieure. Aussi n'est-il pas rare que ces démons, après avoir entretenu
equabus aut plurimum post longam habitam communicationem eas des rapports prolongés avec des hommes, des femmes ou des juments, finissent
interficiunt. Causa porro hujus est, quod si inter tales datur peccatum, par tuer leur complice, et cela s'explique: étant sujets à pécher, ils doivent aussi,
cum sint in via, dari etiam debet pœnitentia; sicut ergo homini puisqu'ils sont dans la voie du salut, in via, pouvoir se repentir; or, de même que
peccanti consuetudinaliter cum bruto, ad tollendam occasionem l'homme, qui pèche habituellement avec une bête, reçoit de son confesseur
recidivandi, Confessarius injungit, ut brutum tollat de medio, ita tali l'injonction de détruire cette bête afin de supprimer les occasions de récidive, de
Dæmoni consuetudinario in peccato, et tandem pœnitenti accidit, ut même il peut arriver au démon repentant de tuer l'homme ou la bête avec qui il
animal cum quo peccavit, sive homo, sive brutum fuerit, occidat; nec péchait d'habitude; et ce démon, en donnant ainsi la mort à un homme, ne
enim tali Dæmoni mors data homini peccatum erit, sicut mors data péchera pas, pas plus que ne pèche l'homme en donnant la mort à une bête: car,
bruto non imputatur tamquam peccatum homini: ratione enim étant observé la différence essentielle qui sépare de l'homme un démon de cette
essentialis differentiæ inter Dæmonem hujusmodi, et hominem, idem sorte, l'homme sera au démon ce que la bête est à l'homme.
erit homo Dæmoni, quod est homini brutum.
103. Scio multos, et forte plerosque, qui hæc legerint, dicturos de 103. Je sais que beaucoup de mes lecteurs, la plupart peut-être, diront de moi
me, quod Epicurei, et Stoici Philosophi nonnulli dixerunt de Divo ce que les Épicuriens et bon nombre de Philosophes Stoïciens disaient de S. Paul
Paulo, Actor. c. 17. v. 18.: Novorum Dæmoniorum videtur (Actes des Apôtres, c. 17, v. 18): «Il semble qu'il annonce des divinités
annunciator, et datam doctrinam exsibillabunt. Sed isti tenebuntur nouvelles», et tourneront ma doctrine en ridicule. Mais ils n'en seront pas moins
solvere argumenta supra posita, et dicere quinam sint Dæmones isti tenus de détruire les arguments qui précèdent, de nous dire ce que c'est que ces
Incubi vulgo Folletti, qui exorcismos, res sacras, et Christi Crucem Démons Incubes, vulgairement appelés Follets, qui n'ont peur ni des
non pavent, ac alios effectus istorum, ac phænomena salvare, quæ nos exorcismes, ni des objets sacrés, ni de la Croix du Christ, et enfin de nous
ex data doctrina ostendimus. expliquer les divers effets et phénomènes relatés par nous dans l'exposition de
cette doctrine.
104. Solvitur ergo ex his, quæ hucusque deducta sunt, quæstio, 104. Les arguments déduits ci-dessus nous amènent donc à une solution du
quam proposuimus supra no 30. et no 34.: resolutive innuimus; problème posé aux nos 30 et 34, à savoir: comment une femme peut être
quomodo mulier potest ingravidari a Dæmone Incubo. Non enim hoc fécondée par un Démon Incube. Ceci, en effet, ne peut provenir de sperme
præstare potest ex semine sumpto ab homine, ut fert communis opinio, emprunté d'un homme, malgré l'opinion commune que nous avons réfutée, nos
quam confutavimus no 31 et 32: sequitur ergo, quod ipsa imprægnatur 31 et 32; il s'ensuit donc qu'elle est directement imprégnée par le sperme de
a semine Incubi, cum enim animal sit, et generet, proprio pollet l'Incube, lequel, étant animal et capable d'engendrer, dispose d'un sperme qui lui
semine: et hoc modo optime salvatur generatio Gigantum secuta ex est propre. Ainsi se trouve parfaitement expliquée la génération des Géants,
commixtione Filiorum Dei cum Filiabus hominum; nati siquidem sunt résultat du commerce des Fils de Dieu avec les Filles des hommes: car, quoique
ex tali concubitu Gigantes, qui licet homini essent similes, corpore semblables à l'homme, ces Géants étaient de plus haute stature; et quoique
tamen erant majores: et quamvis a Dæmonibus geniti, viribus proinde engendrés par des Démons qui leur communiquaient de leur force, ils ne les
pollerent, non tamen Dæmonum vires et potentiam æquabant, ut égalaient pourtant ni en vigueur, ni en pouvoir. C'est exactement le cas des
sequitur in mulis, hinnis et burdonibus, qui medii quodammodo sunt mulets, des bardeaux ou des muletons, qui tiennent en quelque sorte le milieu
inter eas species animalium, a quibus promiscue generantur, et entre les espèces d'animaux dont ils sont engendrés, surpassant la plus
superant quidem imperfectiorem, non attingunt autem perfectiorem imparfaite, mais n'égalant pas la plus parfaite: exemple le mulet, produit de l'âne
speciem generantium: mulus enim superat asinum, sed non æquat et de la jument, qui est supérieur au premier, mais n'atteint pas à la perfection de
perfectionem equæ, a quibus generatur. la seconde.
105. Confirmat autem hanc sententiam consideratio, quod animalia 105. A l'appui de cette conclusion, nous ferons observer que les animaux
genita ex commixtione diversarum specierum non generant; sed sunt engendrés de l'union d'espèces différentes n'engendrent pas eux-mêmes, mais
sterilia, ut patet in mulis. Gigantes autem non leguntur Gigantes sont stériles, comme on le voit dans les mulets. Or nous ne lisons nulle part que
generasse, sed natos a Filiis Dei, puta Incubis, et filiabus hominum: les Géants aient été engendrés par d'autres Géants, mais bien qu'ils sont nés des
cum enim concepti fuerint ex semine Dæmoniaco mixto cum humano, Fils de Dieu, c'est-à-dire des Incubes, et des Filles des hommes: ainsi conçus du
non potuerunt, tamquam mediæ speciei inter Dæmonem et hominem, sperme démoniaque mêlé au sperme humain, formant une espèce mitoyenne
generare. entre le Démon et l'homme, ils n'avaient pas pouvoir d'engendrer.

106. Dicetur fortasse contra hoc, non posse, ex semine Dæmonum, 106. On objectera peut-être que le sperme des Démons qui, de sa nature, doit
quod pro sui natura oportet esse tenuissimum, fieri mixturam cum nécessairement être très-fluide, ne saurait se mélanger avec le sperme humain,
semine humano, quod crassum est; unde nec generatio sequi possit. qui est épais; et que, par conséquent, il n'en pourrait suivre aucune génération.
107. Respondeo quod, ut dictum fuit supra no 32: virtus generandi 107. Je réponds, suivant ce qui a été dit plus haut, no 32: la vertu génératrice
consistit in spiritu, qui simul cum materia spumosa et viscida deciditur consiste dans l'esprit qui est répandu par l'opérateur avec la matière spumeuse et
a generante; sequitur ex hoc, quod semen Dæmonis quantumvis visqueuse; donc le sperme du Démon, si fluide qu'il soit, étant cependant
tenuissimum, quia tamen materiale, optime potest commisceri cum matériel, peut très-bien se mêler avec l'esprit matériel du sperme humain, et
spiritu materiali seminis humani, ac fieri generatio. produire génération.
108. Replicabitur adhuc contra conclusionem, quod si vere fuisset 108. On répliquera que si la génération des Géants était réellement sortie du
Gigantum generatio ex semine Incuborum et Mulierum, nunc quoque sperme combiné des Incubes et des Femmes, il naîtrait aujourd'hui encore des
Gigantes nascerentur, non desunt enim mulieres coeuntes cum Incubis, Géants; car il ne manque pas de femmes ayant commerce avec les Incubes,
ut patet ex gestis SS. Bernardi et Petri de Alcantara, et aliarum comme on le voit dans les Gestes de S. Bernard et de Pierre d'Alcantara, et
historiarum, quæ passim ab Auctoribus recitantur. d'autres histoires racontées par divers auteurs.
109. Respondeo, quod prout ex Guaccio dictum fuit supra no 81: 109. Je réponds, suivant ce qui a été dit ci-dessus, no 81, d'après Guaccius:
alii sunt hujusmodi Dæmones terrei, alii aquei, ærei alii, et alii ignei, des Démons dont il s'agit, les uns sont terrestres, les autres aqueux, les autres
qui respective in propriis eorum elementis habitant. Videmus autem aériens, les autres ignés, et chacun réside dans l'élément qui lui est propre. Or un
animalia eo majora esse, quo majus est elementum in quo degunt, ut fait connu, c'est que les animaux sont d'autant plus grands, que plus grand est
patet in piscibus, inter quos licet multi sint minuti, ut etiam sunt plura l'élément où ils demeurent, témoin les poissons: beaucoup sans doute sont très-
animalia terrestria minutissima, et tamen quia elementum aquæ majus petits, comme il arrive pour les animaux terrestres, mais de même que l'élément
est elemento terræ (utpote continens majus semper est contento), ideo aqueux est plus grand que l'élément terrestre (le contenant étant toujours plus
pisces a tota specie superant in magnitudine molis animalia terrestria, grand que le contenu), de même les poissons dans toute leur espèce dépassent en
ut patet in balenis, orcynis, pistis seu pistricibus, thynnis, ac aliis grandeur la masse des animaux terrestres: ceci est clair à voir les baleines, les
piscibus cetaceis, seu viviparis, qui quodvis animal terrestre longe thons, les cachalots et autres poissons cétacés ou vivipares, qui l'emportent de
superant. Porro cum Dæmones hujusmodi animalia sint, ut hucusque beaucoup sur n'importe quel animal terrestre. Conséquemment, les Démons dont
probatum est, eo erunt majores in magnitudine quo elementum majus il s'agit étant des animaux, comme nous l'avons prouvé, leur grandeur corporelle
pro sui natura inhabitabunt. Et cum ær excedat aquam, et ignis ære sera en proportion de la grandeur de l'élément où ils habiteront suivant leur
major sit, sequitur, quod Dæmones ætherei, ac ignei longe superabunt nature. Et comme l'air l'emporte sur l'eau, et le feu sur l'air, il s'ensuit que les
terrestres et aqueos, tum in mole corporis, tum in virtute. Nec contra Démons éthérés et ignés l'emporteront de beaucoup sur leurs congénères
hoc facit instantia de avibus, qui licet incolant ærem, qui major est terrestres et aqueux, soit en grandeur corporelle, soit en vigueur. On objectera
aqua, tamen corpore minores sunt a tota specie piscibus et peut-être que les oiseaux, habitants de l'air, qui est plus grand que l'eau, sont
quadrupedibus, quia aves licet per ærem volatu spatientur, revera néanmoins, pris en général, plus petits que les poissons et les quadrupèdes; mais
tamen pertinent ad elementum terræ, in qua quiescunt; aliter enim ceci ne prouve rien, car les oiseaux, tout en parcourant l'air de leur vol, n'en
pisces nonnulli qui volant, ut hirundo marina, et alii, dici deberent appartiennent pas moins à la terre, où ils se reposent; autrement il faudrait
animalia ærea, quod falsum est. classer certains poissons volants, comme l'hirondelle de mer, parmi les animaux
aériens, ce qui est faux.
110. Advertendum autem, quod post diluvium ær iste terraqueo 110. Maintenant, une remarque essentielle, c'est qu'après le déluge, cet air qui
globo citissimus magis incrassatus est ex humiditate aquarum, quam enveloppe notre globe terrestre et aqueux est devenu, par suite de l'humidité des
fuerit ante diluvium, et hinc forte est, quod ex tali humido, quod est eaux, plus épais qu'il n'était avant le déluge; et comme l'humidité est le principe
principium corruptionis, fiat, quod homines non ætatem ita producant, de la corruption, c'est peut-être pour cela que la vie des hommes ne se prolonge
ut faciebant ante diluvium. Ex ista autem æris crassitie fit, quod plus autant que dans les âges antédiluviens. Cette épaisseur de l'air est aussi
Dæmones ætherei, ac ignei, cæteris corpulentiores, nequeunt diutius cause que les Démons éthérés et ignés, d'une corpulence plus forte que les
manere in hoc ære crasso, et si descendunt aliquando hoc fit violenter, autres, ne peuvent plus demeurer dans cet air épais, et s'ils y descendent
et eo modo quo urinatores ad ima maris descendunt. quelquefois, c'est violemment et de la même manière que les plongeurs
descendent au fond de la mer.
111. Ante diluvium autem, cum adhuc ær non ita crassus erat, 111. Or avant le déluge, lorsque l'air n'était pas encore aussi épais, les
veniebant Dæmones, et cum mulieribus miscebantur, et gigantes Démons venaient sur la terre et avaient commerce avec les femmes, procréant de
procreabant, qui magnitudinem corpoream Dæmonum generantium la sorte des Géants d'une stature presque égale à celle des Démons leurs pères.
æmulabantur. Nunc vero ita non est: Dæmones enim Incubi, qui Mais à présent il n'en est plus ainsi: les Démons Incubes qui accolent les
fœminas incessunt, sunt aquei quorum corporis moles magna non est: femmes sont aqueux et de taille restreinte; aussi les voit-on paraître sous la
et proinde in forma homuncionum apparent, et quia aquei etiam forme de petits hommes, et, par la raison qu'ils sont aqueux, ils sont
salacissimi sunt; luxuria enim in humido est: ut proinde Venerem e excessivement lascifs. Luxure et humidité sont deux termes correspondants: ce
mari natam Poetæ finxerint, quod Mythologi explicant de libidine, quæ n'est pas sans raison que les Poëtes ont fait naître Vénus de la mer, voulant
oritur ab humiditate. Cum ergo Dæmones, qui corpore parvi sunt, his indiquer, comme l'expliquent les Mythologues, que la luxure a sa source dans
temporibus mulieres imprægnent, non gigantes, sed staturæ ordinariæ l'humidité. Donc lorsque les Démons, qui sont de petite stature, engrossent
filii nascuntur. Sciendum porro quod si miscentur corporaliter cum aujourd'hui les femmes, ils leur font des enfants de taille ordinaire et non des
mulieribus Dæmones in sua ipsorum corpulentia naturali, nulla facta géants. Ici se place une observation: lorsque ces Incubes s'unissent
immutatione aut artificio, mulieres illos non vident, nisi tanquam charnellement aux femmes dans leur corps propre et naturel, sans métamorphose
umbram pæne incertam, ac quasi insensibilem, ut patet in muliere illa, ni artifice, les femmes ne les voient pas, ou, si elles les voient, c'est comme une
de qua diximus supra no 28., quæ osculabatur ab incubo, cujus tactus ombre presque incertaine et à peine sensible: tel était le cas de cette dame dont
vix ab ea sentiebatur. Quando vero volunt se visibiles amasiis reddere, nous avons parlé au no 28, qui recevait les baisers d'un incube dont elle sentait à
atque ipsis delectationem in congressu carnali afferre, sibi peine le contact. Quand, au contraire, les galants veulent se rendre visibles à
indumentum visibile assumunt, et corpus crassum reddunt. Qua vero leurs maîtresses, atque ipsis delectationem in congressu carnali afferre, alors ils
hoc arte fiat, ipsi norunt. Nobis curta nostra Philosophia hoc non revêtent une enveloppe visible, et leur corps devient palpable. Par quel art, ceci
pandit. Unum scire possumus, et est, quod tale indumentum seu corpus est leur secret. Notre philosophie à courte vue est impuissante à le découvrir.
ex solo ære concreto constare nequiret, hoc enim esse deberet per Tout ce que nous savons, c'est que cette enveloppe ou ce corps ne pourrait
condensationem, et proinde per frigus; unde oporteret, quod corpus consister seulement en air concret, car ceci ne s'effectuerait que par la
illud ad tactum esset veluti glacies, et ita in coitu mulieres non condensation, et conséquemment par le froid; un corps ainsi formé produirait au
delectaret, sed torqueret, cum tamen contrarium eveniat. toucher l'effet de la glace; et ita in coitu mulieres non delectaret, il les ferait
plutôt souffrir, lorsque cependant c'est le contraire qui arrive.
112. Visa igitur differentia Dæmonum spiritualium, qui cum sagis 112. Etant donc admis la distinction des Démons spirituels, qui ont
coeunt, et Incuborum, qui cum fœminis minime sagis rem habent, commerce avec les sorcières, et des Incubes, qui ont affaire à des femmes pas du
perpendenda est gravitas hujus criminis in utroque casu. tout sorcières, il nous reste à peser la gravité du crime dans l'un et l'autre cas.
113. In coitu Sagarum cum Dæmonibus, eo quia non fit nisi cum 113. Le commerce des Sorcières avec les Démons, par les circonstances qui
apostasia a Fide, et Diaboli cultu, et tot aliis impietatibus quas l'accompagnent: apostasie de la Foi, culte du Diable, et tant d'autres impiétés
recensuimus supra a no 12. ad 24., est maximum quorumque que nous avons énumérées plus haut, nos 12 à 24, est le plus grand de tous les
peccatorum, quæ ab hominibus fieri possunt: et ratione tantæ péchés qu'il soit donné à l'homme de commettre; et si l'on considère l'énormité
enormitatis contra Religionem, quæ præsupponitur coitu cum Diabolo, de cet attentat contre la Religion, que présuppose le coït avec le Diable,
profecto Dæmonialitas maximum est criminum carnalium. Sed assurément la Démonialité est le plus grand, de tous les crimes de la chair. Mais
spectato delicto carnis ut sic, et ut abstracto a peccatis contra à envisager le péché de la chair comme tel, et abstraction faite du péché contre
Religionem, Dæmonialitas redigenda est ad simplicem pollutionem. la Religion, la Démonialité n'est plus que pollution simple. La raison, et une
Ratio, et quidem convincentissima, est quia Diabolus, qui rem habet raison très-convaincante, c'est que le Diable qui a affaire aux Sorcières, est un
cum sagis, purus spiritus est, et est in termino ac damnatus ut dictum pur esprit, arrivé au terme et damné, comme il a été dit plus haut;
supra fuit; proinde si cum sagis coit, hoc facit in corpore assumpto, conséquemment, s'il paillarde avec les Sorcières, c'est au moyen d'un corps
aut a se formato, ut sentiunt communiter Theologi. Porro corpus illud emprunté, ou qu'il s'est formé lui-même, suivant l'opinion commune des
quamvis moveatur, non tamen vivens est; sequitur ergo quod coiens Théologiens. Or, quoique mis en mouvement, ce corps, toutefois, n'est pas
cum tali corpore, sive mas sive fœmina fuerit, idem delictum committit, vivant; d'où suit que l'être humain, mâle ou femelle, coiens cum tali corpore,
ac si cum corpore inanimato, aut cadavere coiret, quod esset simplex commet le même délit que s'il le faisait avec un corps inanimé, un cadavre: ce
mollities, ut alias demonstravimus. Verum est, quod, ut observavit qui serait pollution simple ou mollesse, comme nous l'avons démontré ailleurs.
etiam Cajetanus, talis coitus effective potest habere deformitates Il est vrai, du reste, ainsi que l'a observé Cajetan, qu'un commerce de cette
aliorum criminum juxta corpus a Diabolo assumptum, et vas: si enim nature peut très-bien revêtir les caractères honteux d'autres crimes, suivant le
assumeret corpus virginis consanguineæ, aut sacræ, effective esset tale corps emprunté par le Démon et l'organe employé: car s'il empruntait le corps
crimen incestus aut sacrilegium, et si in figura bruti coiret, aut in vase d'une parente ou d'une religieuse, le crime serait effectivement inceste ou
præpostero, evaderet bestialitas, aut Sodomia. sacrilége; et s'il paillardait sous la forme d'une bête, ou in vase præpostero, ce
serait bestialité ou Sodomie.
114. In coitu autem cum Incubo, in quo nulla habetur qualitas, vel 114. Quant au commerce avec l'Incube, où ne se rencontre aucun élément, si
minima, criminis contra Religionem, difficile est rationem invenire, faible soit-il, d'offense contre la Religion, il est difficile de voir pourquoi ce délit
per quam tale delictum Bestialitate et Sodomia gravior esset. Siquidem serait plus grave que la Bestialité et la Sodomie. En effet, si la Bestialité est plus
gravitas Bestialitatis præ Sodomia, prout supra diximus, consistit in grave que la Sodomie, comme nous l'avons dit plus haut, c'est que l'homme
hoc, quod homo vilificat dignitatem suæ speciei jungendose cum bruto, avilit la dignité de son espèce en s'unissant avec la brute, qui est d'une espèce
quod est speciei longe inferioris sua. In coitu autem cum Incubo bien inférieure à la sienne. Mais dans le commerce avec l'Incube, c'est le
diversa est ratio: nam Incubus ratione spiritus rationalis, ac contraire qui a lieu: car l'Incube, du chef de son esprit raisonnable et immortel,
immortalis, æqualis est homini; ratione vero corporis nobilioris, est égal à l'homme; du chef de son corps plus noble et plus subtil, il est plus
nempe subtilioris, est perfectior, et dignior homine; et hoc modo homo parfait et plus digne que l'homme. Conséquemment, l'homme qui s'unit à
jungens se Incubo non vilificat, immo dignificat suam naturam, et ita, l'Incube n'avilit pas sa nature, il la dignifie plutôt; et à considérer la chose à ce
juxta hanc considerationem, Dæmonialitas nequit esse gravior point de vue, la Démonialité ne saurait être plus grave que la Bestialité.
Bestialitate.
115. Tamen gravior communiter censetur, et ratio, meo videri, 115. Cependant l'opinion commune veut qu'elle soit plus grave; et voici, à mon
potest esse: quia peccatum contra Religionem est, quævis sens, ce qui peut justifier cette manière de voir: c'est qu'il y a péché contre la
communicatio cum Diabolo, sive ex pacto, sive non; puta habendo Religion dans toute communication avec le Diable, soit en vertu d'un pacte, soit
cum eo consuetudinem aut familiaritatem, seu ab eo petendo sans pacte, comme, par exemple, en ayant avec lui des relations d'habitude ou de
auxilium consilium, favorem, aut ab ipso quærendo revelationem familiarité, ou en lui demandant secours, avis, faveur, ou en cherchant à obtenir de
futurorum, relationem præteritorum, absentium, aut alias lui la révélation des choses futures, la connaissance des choses passées, absentes ou
occultorum. Hujusmodi autem homines, seu mulieres, concumbendo cachées. Hommes et femmes, en s'unissant ainsi avec des Incubes qu'ils ne savent
cum Incubis, quos nesciunt animalia esse, sed putant esse diabolos, pas être des animaux, mais croient être des diables, pèchent par intention ou erreur
contra conscientiam erroneam delinquunt; et hoc modo ex de conscience, ex conscientia erronea, et leur péché est le même en ayant affaire à
conscientia erronea ita peccant cum Incubis se jungendo, ac si cum des Incubes que s'ils avaient commerce avec des diables; d'où il suit que la gravité
diabolis coirent: unde et gravitatem ejusdem criminis incurrunt. de leur crime est exactement la même.
FINIS FIN.
APPENDICE

Le Manuscrit de la Démonialité s'arrête sur la conclusion qu'on vient de lire. Au point de vue purement philosophique et théorique, l'œuvre est complète:
car il suffisait à l'auteur de déterminer en termes généraux la gravité du crime, sans s'occuper de la procédure à suivre pour en établir la preuve, ni de la
peine à édicter. Ces deux questions, au contraire, avaient leur place naturellement marquée dans le grand ouvrage De Delictis et Pœnis, qui est un véritable
Code de l'Inquisiteur; et le Père Sinistrari d'Ameno ne pouvait manquer de les y traiter avec tout le soin et toute la conscience dont il a donné tant de
preuves dans les pages qui précèdent.
On sera bien aise de trouver ici cette conclusion pratique de la Démonialité.
(Note de l'Éditeur.)
Probatio
Dæmonialitatis
Preuve de la Démonialité

SUMMARIUM SOMMAIRE
1. De probatione criminis Dæmonialitatis, distinguendum est. 1. Distinctions à établir dans la preuve du crime de Démonialité.
2. Indicia probantia coitum Sagæ cum Diabolo. 2. Indices servant à prouver le commerce d'une Sorcière avec le Diable.
3. Requiritur confessio ipsius malefici ad plenam probationem. 3. Pour la preuve absolue, l'aveu du Sorcier lui-même est indispensable.
4. Historia de Moniali habente consuetudinem cum Incubo. 4. Histoire d'une Nonne qui entretenait de relations avec un Incube.
5. Si adsint indicia visa in recitata historia, potest ad torturam 5. Si l'accusation s'appuie sur des récits de témoins oculaires, on peut recourir
deveniri. à la torture.

1. Quantum ad probationem hujus criminis attinet, distinguendum est 1. En ce qui touche la preuve de ce crime, il faut distinguer l'espèce de
de Dæmonialitate, puta, vel ejus, quæ a Sagis, seu Maleficis fit cum Démonialité: à savoir celle qui se pratique entre Sorcières ou Sorciers et le
Diabolis; sive de ea, quæ ab aliis fit cum Incubis. Diable, d'une part, et d'autre part, celle que d'autres personnes pratiquent avec
les Incubes.
2. Quoad primam, probato crimine pacti facti cum Diabolo, probata 2. Quant à la première, étant prouvé le pacte fait avec le Diable, la Démonialité
remanet Dæmonialitas ex consequentia necessaria; nam scopus tum se trouve par là même prouvée; car le but des Sorcières, aussi bien que des
Sagarum, tum Maleficorum in ludis nocturnis, ultra convivia, et Sorciers, dans leurs sabbats nocturnes, après les festins et les danses, est le
choreas, est hujusmodi infamis congressus: aliter, illius criminis nullus commerce infâme dont il s'agit: autrement, il ne peut exister aucun témoin de ce
potest esse testis, quia Diabolus, qui Sagæ visibilis est, aliorum oculos crime, parce que le Diable, qui est visible pour la Sorcière, se dérobe aux yeux
effugit. Verum est, quod aliquoties visæ sunt mulieres in sylvis, agris, et des autres. Quelquefois, il est vrai, des femmes ont été vues dans les forêts, dans
nemoribus, supinæ jacentes, ad umbilicum tenus denudatæ, et juxta les champs, dans les bocages, couchées sur le dos, ad umbilicum tenus nudatæ,
dispositionem actus venerei, divaricatis, et adductis cruribus, clunes et juxta dispositionem actus venerei, les jambes divaricatis et adductis, clunes
agitare, prout scribit Guacc., lib. p. cap. 12, v. Sciendum est sæpius, agitare, ainsi que l'écrit Guaccius, liv. 1, chap. 12, v. Sciendum est sæpius, fol.
fol. 65. Tali casu emergeret suspicio vehemens talis criminis, dummodo 65. En pareil cas, la présomption du crime de Démonialité serait très-forte,
esset aliunde adminiculata, et crederem talem actum per testes pourvu qu'il existât d'ailleurs d'autres indices; et je croirais qu'un tel acte,
sufficienter probatum, sufficere Judici ad indagandam tormentis suffisamment prouvé par témoins, autoriserait le Juge à employer la torture pour
veritatem; et hoc maxime, si post aliqualem moram in illo actu, visus connaître la vérité; surtout si, peu après cet acte, on avait vu s'élever de la
fuisset a muliere elevari quasi fumus niger, et tunc mulierem surgere, femme comme une fumée noire, et alors la femme se redresser, comme l'écrit
prout ibidem scribit Guaccius; talis enim fumus, aut umbra, Dæmonem encore Guaccius; car dans cette fumée ou cette ombre on pourrait voir le
fuisse concumbentem cum fœmina inferre potest. Sicut etiam, si mulier Démon lui-même, concumbentem cum fœmina. Même conclusion, si, comme il
visa fuisset concumbere cum homine, qui post actum de repente est arrivé plus d'une fois au rapport du même auteur, on a vu une femme
evanuit, ut non semel accidisse idem auctor ibidem narrat concumbere cum homine, lequel, l'acte fini, disparaît tout à coup.
3. Cæterum, ad probandum concludenter aliquem esse Maleficum, seu 3. Du reste, pour prouver d'une manière concluante qu'un homme est un Sorcier
Maleficam, requiritur propria Confessio; nullus enim haberi potest de ou une femme une Sorcière, il faut avoir obtenu son propre aveu: car il ne peut
hoc testis, nisi forte sint alii Malefici, qui in judicio deponunt de exister de ce fait aucun témoin si ce n'est peut-être d'autres Sorciers qui
complicibus; sed quia socii criminis sunt, eorum dictum non concludit, déposent au procès contre leurs complices; mais, par cela même qu'ils sont
nec etiam ad torturam sufficit, nisi alia exstent indicia, puta, sigillum associés dans le crime, leur dire n'est pas concluant et ne suffit pas pour
Diaboli impressum in eorum corpore, prout diximus supra num. 23.; et autoriser la torture. Il faudrait pour cela qu'il y eût d'autres indices, comme, par
in eorum domibus, facta perquisitione, inveniantur signa, ac exemple, le cachet du Diable imprimé sur leur corps, ainsi que nous avons dit
instrumenta artis diabolicæ, ut ossa mortuorum, præsertim calvariam; plus haut (no 23), ou qu'après perquisition faite dans leurs maisons, on eût
crines artificiose contextos; nodos plumarum intricatos; alas, aut trouvé des signes et des instruments de l'art diabolique, tels que des os de morts
pedes, aut ossicula vespertilionum, aut bufonum, aut serpentium; et surtout un crâne; des cheveux artistement arrangés; des nœuds de plumes
ignotas seminum species; figuras cereas; vasculos plenos incognito embrouillés; des ailes, ou des pieds, ou des ossements de chauves-souris, de
pulvere, aut oleo, aut unguentis minime notis, etc., ut ordinarie crapauds, de serpents; des sortes de graines, des figures en cire, des vases
contingit reperiri a Judicibus, qui, accepta accusatione de hujusmodi remplis de poudre ou d'huile, ou d'onguents inconnus, etc., comme en
Sagis, ad capturam, et domus visitationem deveniunt, ut scribit découvrent ordinairement les Juges qui, sur une accusation de ce genre portée
Delbene, de Off. S. Inquis., Par. 2. Dub. 206. num. 7. contre des Sorciers, procèdent à leur arrestation et à une visite domiciliaire.
4. Quantum vero ad probationem congressus cum Incubo, par est 4. Quant à la preuve du commerce avec un Incube, la difficulté est la même; car
difficultas; non minus enim Incubus, ac alii Diaboli effugiunt, quando l'Incube, tout aussi bien que les Diables, se rend quand il le veut invisible à tout
volunt, visum aliorum, ut videri se faciunt a sola amasia. Tamen non autre qu'à sa maîtresse. Cependant, il arrive encore plus d'une fois aux Incubes
raro accidit, quod etiam visi sint Incubi modo sub una, modo sub alia de se laisser surprendre, tantôt sous une forme, tantôt sous une autre, en flagrant
specie in actu carnali cum mulieribus. délit de cohabitation charnelle avec les femmes.
In quodam Monasterio (nomen ejus et urbis taceo, ne veterem Dans un Monastère (je ne cite ni son nom, ni celui de la ville où il est situé,
ignominiam memoriæ refricem) quædam fuit Monialis, quæ cum alia pour ne pas rafraîchir la mémoire d'un vieux scandale), il y avait une Nonne,
Moniali, quæ cellam habebat suæ contiguam, simultatem ex levibus laquelle, à propos de riens, comme c'est l'habitude des femmes, et surtout des
causis, ut assolet inter Mulieres, maxime Religiosas, habebat. Hæc Religieuses, s'était brouillée avec une autre Nonne qui occupait la cellule
sagax in observando quascunque actiones Monialis sibi adversæ, per contiguë à la sienne. Celle-ci, fine mouche, s'étant mise à épier tous les pas et
plures dies vidit, quod ista in diebus æstivis, statim a prandio non démarches de son ennemie, remarqua plusieurs jours de suite, pendant l'été,
spatiabatur per viridarium cum aliis, sed ab iis sequestra, se qu'au lieu de se promener avec les autres dans le jardin au sortir de table, elle
retrahebat in cellam, quam sera obserabat. Observatrix igitur æmula s'éloignait pour se retirer dans sa chambre, dont elle fermait la porte à double
curiositate investigans, quid tali tempore illa facere posset, etiam ipsa tour. Vivement intriguée, notre observatrice voulut savoir ce qu'elle pouvait
in propriam cellam se recipiebat; cœpit autem audire submissam quasi bien faire tout ce temps-là, et dans ce but, elle s'enferma de son côté dans sa
duorum insimul colloquentium vocem (quod facile erat, nam cella cellule. Bientôt, elle entendit comme deux personnes qui parlaient ensemble à
parvo simplicis, scilicet lateris unius, disterminio dividebatur), mox voix basse (c'était facile, car les deux cellules n'étaient séparées que par une
sonitum poppysmatum,[1] concussionis lecti, gannitus, ac anhelitus, simple cloison très-mince); puis certain bruit de frottement, des craquements de
quasi duorum concumbentium; unde aucta in æmula curiositate, lit, des gémissements, des soupirs, quasi duorum concumbentium; c'en était
accuratius stetit in observatione, ut sciret, quinam in illa cella essent. assez pour surexciter sa curiosité: elle redoubla d'attention, afin de savoir qui
Postquam autem per tres vices vidit, nullam aliam Monialem egressam était dans la cellule. Mais, comme par trois fois elle n'en vit sortir que la Nonne
e cella illa, præter æmulam, dominam cellæ, suspicata est, Monialem son ennemie, elle soupçonna qu'un homme s'y était secrètement introduit, et
in camera absconditum aliquem virum, clanculum introductum qu'elle l'y tenait caché. Alors elle rapporta la chose à l'Abbesse qui, après avoir
retinere; unde et rem detulit ad Abbatissam, quæ consilio habita cum pris conseil de personnes discrètes, voulut entendre les bruits et observer les
Discretis, voluit audire sonitus, et observare indicia relata ab indices qu'on lui dénonçait, de peur d'agir précipitamment et sans réflexion. En
accusatrice, ne præcipitanter, et inconsiderate ageret. Abbatissa igitur conséquence, l'Abbesse et ses affidées se postèrent dans la chambre de
cum Discretis se receperunt in Cellam observatricis, et audierunt l'observatrice, d'où elles entendirent parfaitement les voix et autres bruits
strepitus, et voces, quas accusatrix detulerat. Facta igitur inquisitione, signalés. On fit une enquête pour s'assurer qu'aucune des Religieuses ne pouvait
an ulla Monialium potuisset secum in illa Cella clausa esse, et reperto, être enfermée avec l'autre dans cette cellule, et le résultat se trouvant négatif,
quod non; Abbatissa cum Discretis fuit ad ostium Cellæ clausæ, et l'Abbesse et sa suite se présentèrent à la porte de la cellule fermée, où elles
pulsato frustra pluries ostio, cum Monialis nec respondere, nec aperire frappèrent à plusieurs reprises, mais en vain: la Nonne ne voulait ni répondre, ni
vellet; Abbatissa minata est, se velle ostium prosterni facere, et vecte ouvrir. L'Abbesse dut la menacer de faire enfoncer la porte, et ordonna même à
aggredi opus fecit a quadam conversa. Tunc aperuit ostium Monialis, une sœur converse de l'attaquer avec un levier. Sur cette menace, la Nonne
et facta perquisitione, nullus inventus est in camera. Interrogata ouvrit sa porte: perquisition faite, on ne trouva rien. On l'interrogea: avec qui
Monialis cum quonam loqueretur, et de causa concussionis lecti, parlait-elle? pourquoi ces craquements de lit, ces soupirs, etc.? elle nia tout.
anhelituum, etc., omnia negavit.
Cum vero res perseveraret, accuratior, ac curiosior reddita Monialis Enfin, comme le manége continuait de plus belle, la Nonne rivale devenue plus
æmula perforavit tabulas lacunaris, ut posset Cellam introspicere; et attentive, plus curieuse que jamais, imagina de faire un trou à la cloison, de
vidit elegantem quemdam juvenem cum Moniali concumbentem, quem manière à voir ce qui se passait dans la cellule; et que vit-elle? un élégant
etiam eodem modo ab aliis Monialibus videndum curavit. Delata mox jouvenceau couché avec la Religieuse. Les autres Nonnes vinrent à la suite, à
accusatione ad Episcopum, ipsaque Moniali omnia negante, tandem qui elle fit voir la même chose. L'accusation fut bientôt portée devant l'Évêque:
metu tormentorum comminatorum adacta, confessa est, se cum Incubo la Nonne coupable voulut tout nier encore, mais, effrayée par la menace de la
consuetudinem habuisse. torture, elle finit par avouer qu'elle avait eu commerce avec un Incube.
5. Quando igitur adessent talia indicia, sicut in recitata historia 5. Lors donc qu'il existe des indices de la nature de ceux qui viennent d'être
intervenerunt, posset utique in rigoroso examine Rea constitui; sine relatés, il y aurait lieu, après un rigoureux examen, à prononcer la mise en
tamen ejus confessione, non censendum est delictum plene probatum, accusation; toutefois, à défaut de l'aveu de l'accusée, le délit ne doit pas être
quantumvis a testibus visus fuisset congressus; siquidem aliquando considéré comme pleinement prouvé, lors même que le congrès serait attesté
accidit, quod Diabolus ut infamiam alicui innocenti pararet, par des témoins oculaires, car il arrive parfois que le Diable, afin de perdre une
præstigiose talem concubitum repræsentaverit. Unde in his casibus innocente, simule ce congrès par quelque apparence fantastique. C'est pourquoi
debet Judex Ecclesiasticus esse perfecte oculatus. le Juge Ecclésiastique doit, en pareil cas, ne s'en rapporter qu'à ses propres
yeux.
Pœnæ
Peines
Quantum ad pœnas Dæmonialitatis, nulla lex Civilis, aut Canonica, quam Quant aux peines afférentes à la Démonialité, aucune loi civile ni canonique,
legerim, reperitur, quæ pœnam sanciat contra crimen hujusmodi. Tamen, que je sache, n'édicte de peine contre un crime de ce genre. Cependant,
quia crimen hoc supponit pactum, ac societatem cum Dæmone, ac comme un tel crime suppose pacte et société avec le Démon, apostasie de la
apostasiam a fide, ultra veneficia, atque alia infinita propemodum damna, foi, sans parler des maléfices et autres scélératesses en nombre presque infini
quæ a Maleficis inferuntur, regulariter extra Italiam, suspendio, et que commettent les Sorciers, il est puni régulièrement, hors d'Italie, de la
incendio punitur. In Italia autem, rarissime traduntur hujusmodi Malefici hart et du feu. Mais, en Italie, il est très-rare que les Inquisiteurs livrent ces
ab Inquisitoribus Curiæ sæculari. malheureux au bras séculier.
NOTICE BIOGRAPHIQUE[2]

Le Père Louis Marie Sinistrari, de l'Ordre des Mineurs Réformés de l'étroite Observance de Saint-François, naquit à Ameno, petite ville du district de
Saint-Jules, dans le diocèse de Novare, le 26 Février 1622. Il reçut une éducation libérale et fit ses humanités à Pavie, où il entra, en 1647, dans l'Ordre des
Franciscains. Se consacrant alors à l'enseignement, il fut d'abord professeur de Philosophie; puis il enseigna dans la même ville la Théologie pendant
quinze années consécutives, au milieu d'un concours nombreux d'étudiants que sa réputation avait attirés de tous les pays de l'Europe. Ses prédications dans
les principales villes de l'Italie, en même temps qu'elles firent admirer son éloquence, produisirent pour la piété les meilleurs résultats. Également cher au
Siècle et à la Religion, il avait reçu de la nature les dons les plus brillants: stature carrée, haute taille, visage ouvert, front large, œil vif, teint coloré,
conversation agréable et pleine de saillies;[3] mais ce qui était plus précieux, il possédait aussi les dons de la grâce, qui lui faisait supporter avec une
résignation invincible les attaques d'une maladie arthritique à laquelle il était sujet; remarquable d'ailleurs par son humilité, sa candeur et sa soumission
absolue aux règles de son Ordre. Homme de toutes sciences,[4] il avait appris sans maître les langues étrangères, et souvent, dans les Comices généraux de
son Ordre, tenus à Rome, il soutint des thèses publiques de omni scibili. Toutefois, il s'adonna plus particulièrement à l'étude des Droits Civil et Canonique.
Il occupa à Rome le poste de Consulteur au Tribunal suprême de la Sainte Inquisition; fut pendant près de deux ans Vicaire-Général de l'Archevêque
d'Avignon, et ensuite Théologien attaché à l'Archevêque de Milan. En 1688, chargé par les Comices généraux des Franciscains de compiler les statuts de
l'Ordre, il s'acquitta de cette tâche dans son traité intitulé Practica criminalis Minorum illustrata. Il mourut l'an de grâce 1701, le 6 Mars, à l'âge de
soixante-dix-neuf ans.[5]
TABLE DES MATIÈRES

PAGE

AVANT-PROPOS VII
Démonialité: origine du mot—En quoi ce crime diffère de ceux de Bestialité et de Sodomie.—Opinion de Saint Thomas. Nos 1 à 8. 1
Le commerce matériel avec les Incubes et les Succubes n'est pas imaginaire; témoignage de Saint Augustin. Nos 9 et 10. 15
Sorciers et Sorcières; leurs rapports avec le Diable; cérémonies de leur profession. Nos 11 à 23. 21
Artifices employés par le Diable pour se donner un corps. No 24. 31
Les Incubes ne s'attaquent pas seulement aux femmes. No 26. 35
Esprits Follets: n'ont aucune frayeur des exorcismes. No 27. 37
Histoire plaisante de la signora Hieronyma: le repas enchanté. No 28. 39
Hommes procréés par les Incubes: Romulus et Rémus, Platon, Alexandre le Grand, César-Auguste, Merlin l'Enchanteur, Martin Luther.—C'est d'un
Incube que doit naître l'Antechrist. No 30. 57
Les Incubes ne sont pas de purs esprits: ils engendrent, donc ils ont un corps qui leur est propre.—Observation sur les Géants. Nos 31 à 33. 59
Les Anges ne sont pas tous de purs esprits: décision conforme du deuxième Concile de Nicée. No 37. 77
Existence de créatures ou animaux raisonnables, autres que l'homme, et ayant comme lui un corps et une âme. Nos 38 à 43. 79
En quoi ces animaux diffèrent-ils de l'homme? Quelle est leur origine? Descendent-ils, comme tous les hommes d'Adam, d'un seul individu? Y a-t-il
entre eux distinction de sexes? Quelles sont leurs mœurs, leurs lois, leurs habitudes sociales? Nos 44 à 50. 93
Quelles sont la forme et l'organisation de leur corps? Comparaison tirée de la formation du vin. Nos 51 à 56. 101
Ces animaux sont-ils sujets aux maladies, aux infirmités physiques et morales, à la mort? Nos 57 et 58. 115
Naissent-ils dans le péché originel? Ont-ils été rachetés par Jésus-Christ, et sont-ils capables de béatitude et de damnation? Nos 61 et 62. 127
Preuves de leur existence. Nos 65 à 70. 133
Histoire d'un Incube et d'une jeune nonne. No 71. 151
Histoire d'un jeune diacre. No 72. 155
Les Incubes sont affectés par des substances matérielles: donc ils participent de la matière de ces substances. No 73. 161
Exemple tiré de l'histoire de Tobie: expulsion de l'Incube qui tourmentait Sara; guérison du vieux Tobie. Nos 74 à 76. 163
Saint Antoine rencontre un Faune dans le désert: leur conversation. Nos 77 à 84. 173
Autres preuves de la corporéité des Incubes, notamment la Manne des Hébreux ou Pain des Anges. Nos 90 à 95. 193
Comment il faut entendre ces paroles du Christ: «J'ai d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie».—Discours d'Apollon à l'Empereur Auguste:
la fin des Dieux. Nos 96 à 101. 205
«LE GRAND PAN EST MORT», ou la mort du Christ annoncée aux Faunes, Sylvains et Satyres; leurs lamentations. No 102. 217
Solution du problème: Comment une femme peut être fécondée par un Incube.—Comparaison des Géants avec les mulets. Nos 104 à 105. 224
En quoi consiste la vertu génératrice; pourquoi il ne naît plus de Géants. Luxuria in humido. Nos 106 à 111. 224
Appréciation du crime de Démonialité: 1o commis avec le Diable; 2o commis avec l'Incube. Nos 112 à 114. 234
La Démonialité est-elle plus grave que la Bestialité?—Conclusion. No 115. 238
APPENDICE. 243
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. 261
LETTRE
du
R. P. PROVINCIAL DES CAPUCINS
POUR LA PROVINCE DE P....
P..., vendredi [8 octobre 1875].

Pax
MONSIEUR ISIDORE LISEUX,
5, rue Scribe, Paris.
J'ai parcouru l'ouvrage que vous m'avez envoyé hier et, vraiment, j'ai été content de l'édition; ce n'est pas encore le moment de donner mon avis sur la
valeur de l'œuvre en elle-même. Ici vous n'auriez trouvé, en fait d'ouvrages du R. P. Louis-Marie d'Ameno, que son livre: Practica criminalis Minorum; le
De Delictis et Pœnis se trouve, je crois, dans un autre de nos couvents; mais vous auriez reçu un excellent accueil. Je crois que Des Grieux n'a guère
habité le Saint-Sulpice actuel, qui ne date que de 1816.
J'ai remarqué, à la page 132–133, une erreur de traduction assez grave: vous rendez Carthusia Ticinensis par Chartreuse du Tessin, quand il s'agit de
la fameuse Chartreuse de Pavie, fort connue de tous les voyageurs en Italie. Il y a aussi, autant qu'un coup d'œil superficiel m'a permis de m'en rendre
compte, quelques autres erreurs; mais, en somme, l'œuvre est bonne, et vous pouvez recevoir les félicitations de
Votre tout petit serviteur,
Fr. A.....
o. m. c.
m. p.
Couvent des Capucins, rue...

Paris.—Typographie MOTTEROZ, 31, rue du Dragon.


NOTES
[1] Poppysmatum. Cette expression étant peu usitée, il n'est pas inutile de consigner ici la définition qu'en donne le Glossarium eroticum linguæ Latinæ (auctore P. P., Paris, 1826):
POPPYSMA.—Oris pressi sonus, similis illi quo permulcentur equi et canes. Obscene vero de susurro cunni labiorum, quum frictu madescunt.
Le P. Sinistrari, très-versé dans la littérature classique, avait fait son profit de l'épigramme suivante de Martial (l. VII, 18):
IN GALLAM
Quum tibi sit facies, de qua nec fœmina possit
Dicere, quum corpus nulla litura notet;
Cur te tam rarus cupiat, repetat que fututor,
Miraris? Vitium est non leve, Galla, tibi.
Accessi quoties ad opus, mixtisque movemur
Inguinibus, cunnus non tacet, ipsa taces.
Di facerent, ut tu loquereris, et ipse taceret!
Offendor cunni garrulitate tui.
Pedere te mallem: namque hoc nec inutile dicit
Symmachus, et risum res movet ista simul.
Quis ridere potest fatui poppysmata cunni?
Quum sonat hic, cui non mentula mensque cadit?
Dic aliquid saltem, clamosoque obstrepe cunno:
Et si adeo muta es, disce vel inde loqui.
(Note de l'éditeur.)
[2] Cette Notice est extraite du tome Ier des Œuvres complètes du P. Sinistrari (Romæ, 1753).
[3] «Quadrato corpore, statura procera, facie liberali, fronte spatiosa, oculis rutilantibus, colore vivido, jucundæ conversationis, ac lepidorum salium.»
[4] «Omnium scientiarum vir.»
[5]Les Œuvres complètes du P. Sinistrari (Romæ, Giannini, 1753–1754, 3 vol. in-folio), comprennent les livres suivants: Practica criminalis Minorum illustrata,—Formularium criminale,—De
Incorrigibilium expulsione ab Ordinibus Regularibus,—De Delictis et Pœnis, auxquels il convient d'ajouter le présent ouvrage: De Dæmonialitate, publié pour la première fois en 1875.

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et succubes, by Louis Marie Sinistrari d'Ameno

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defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
written explanation to the person you received the work from. If you
received the work on a physical medium, you must return the medium with
your written explanation. The person or entity that provided you with
the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
refund. If you received the work electronically, the person or entity
providing it to you may choose to give you a second opportunity to
receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
is also defective, you may demand a refund in writing without further
opportunities to fix the problem.

1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.

1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied


warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
provision of this agreement shall not void the remaining provisions.

1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
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with this agreement, and any volunteers associated with the production,
promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
that arise directly or indirectly from any of the following which you do
or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.

Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of


electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the


assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.

Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive


Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit


501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.


Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations. Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at http://pglaf.org

For additional contact information:


Dr. Gregory B. Newby
Chief Executive and Director
gbnewby@pglaf.org
Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide


spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment. Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating


charities and charitable donations in all 50 states of the United
States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements. We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance. To
SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
particular state visit http://pglaf.org

While we cannot and do not solicit contributions from states where we


have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make


any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
ways including checks, online payments and credit card donations.
To donate, please visit: http://pglaf.org/donate

Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic


works.

Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm


concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.

Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed


editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
keep eBooks in compliance with any particular paper edition.

Most people start at our Web site which has the main PG search facility:

http://www.gutenberg.org

This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,


including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.

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