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Cours d’histoire moderne et

contemporaine de l’Algérie

Université M. Mammeri de Tizi-OuzouFaculté des


Lettres et Langues
Département de Langue et Culture amazighes

Sommaire

I. L’Algérie sous l’occupation turque


1. Le contexte de l’intervention turque en Algérie
2. L’administration turque

II. La colonisation française et les résistances populaires


3. La conquête française
4. Les principales résistances
5. L’administration coloniale et les lois foncières

III. Le mouvement national


6. Des Jeunes algériens à l’Etoile Nord-Africaine
7. Le Mouvement national et la conception de la nation
8. La crise dite « berbériste »

IV. La revendication identitaire post-indépendance


9. Les formes d’affirmation de soi après l’indépendance
10. Le mouvement de 1980
1er cours : Le contexte de l’intervention turque en Algérie

Après l’effondrement de l’empire des Almohades (Muwahiddun), le Maghreb se retrouve à


nouveau divisé en trois ensembles dont les contours géographiques et les influences politiques
n’étaient pas toujours clairs.
1. Le morcellement du Maghreb central
La dynastie zianide établie à Tlemcen au 13e siècle, ne parvient pas au long de son règne à
assoir son autorité sur le Maghreb central. En dehors de sa capitale et du territoire environnant, le
reste du pays est entre les mains de chefs locaux et de familles notables. A titre d’illustration,
Alger est dominée par une aristocratie locale soutenue par la tribu arabe des Tâalibas. Dans les
montagnes, les tribus essentiellement berbères sont autonomes de fait. La Kabylie par exemple
est gérée par les assemblées de villages (Tajmaεt) qui prennent de l’ampleur à la faveur de
l’affaiblissement et même de l’absence d’un Etat central. De l’autre côté, le Constantinois est sous
influence des Hafçides sans que ceux-ci puissent contrôler la région. Cet état de fait encourage les
Espagnols à occuper quelques villes du littoral. (Voir carte ci-dessous)
2. Le danger espagnol
Vers la fin du 15e siècle, l’Espagne parachève la Reconquista et chasse les Musulmans de
son territoire. Beaucoup d’entre eux doivent alors se réfugier en Afrique du Nord pour échapper
à l’Inquisition. Le pouvoir royal affiche alors ses ambitions impériales qui l’emmènent vers les
océans et la rive sud de la Méditerranée. En pourchassant les réfugiés andalous, les navires
espagnoles ciblent les côtes nord africaines et réussissent à y occuper quelques villes. Ainsi, Oran
est prise en 1509, Béjaïa en 1510 et Alger est à portée de leurs canons après la construction de la
forteresse du Peñon en 1510.
En outre, le mobile religieux encourage les incursions espagnoles. L’influence de l’Eglise
sur le couple royal impose la prise en considération des ambitions d’évangélisation dans toute
entreprise militaire. L’exemple du comportement des autorités religieuses à l’égard des
populations sud-américaines témoigne du zèle qu’elles mettent dans la conversion des
populations non chrétiennes. Ce danger se confirme avec les capacités des Espagnols à manipuler
les rivalités entre les chefs locaux autour des villes qu’ils occupent. Ce jeu, entraîne des réactions
dont la plus déterminante est sans doute l’appel lancé par les notables d’Alger aux frères
Barberousse en vue de les délivrer du péril ibérique.
2eme cours : La Régence d’Alger
1. Les frères Barberousse au secours d’Alger
C’est suite à la sollicitation des notables algérois que les frères Barberousse débarquent sur
les côtes algériennes. Sélim Toumi, le plus illustre de ces notables, appelle en fait les deux marins
afin qu’ils les délivrent du danger espagnol notamment après l’édification du Peñon. Véritable
épée de Damoclès, ce fort avait la ville d’Alger à portée de ses canons. Auparavant, les frères
Barberousse se distinguent par leurs actions en faveur des réfugiés andalous. Ils réussissent à
acheminer des milliers d’entre eux aux ports nord africains. Cela contribue à construire autour
d’eux une image héroïque suffisante pour se positionner comme des sauveurs.
C’est ainsi que Aroudj s’installe à Alger et réussit à se faire accepter comme roi en 1515.
Néanmoins, ses méthodes lui valent des oppositions parmi les notables mêmes de la ville. Il fait
alors assassiner Sélim Toumi qui l’avait fait venir auparavant. Aroudj tente d’étendre son pouvoir
et marche sur Tlemcen en vue d’y chasser la dynastie zianide. Il échoue dans la prise de la ville et
meurt lors de sa retraite en 1517. Son frère Kheireddine lui succède.

2. La fondation de la régence d’Alger


Alger est mise sous tutelle ottomane en 1518 après que Kheireddine soit nommé Beylerbey
par le sultan. Il tente alors d’élargir l’autorité turque en dehors de la ville et des territoires qui lui
sont proches. Il butte sur la résistance d’Ahmed Oulkadi (roi de Koukou) qui réussit à occuper
Alger et à chasser Kheireddine en 1520. Mais celui-ci rétablit son autorité en 1525 avec l’aide
d’Abd al Aziz (chef de la Qalâa des Beni Abbas). Il reprend Alger et détruit le Peñon en 1529. Il
met fin, ainsi, à la menace des Espagnols. Le Beylerbey installe son pouvoir et s’entoure d’un
Diwan comprenant les notables algérois dans un premier temps puis les Janissaires
exclusivement.

3. Les fondements de la régence d’Alger


Le pouvoir d’Etat institué à Alger s’appuie tout au long de l’histoire de l’autorité turque
enAlgérie sur deux catégories : les Janissaires et les Raïs. Les premiers sont les soldats de l’Odjaq
recrutés principalement en Anatolie mais jamais parmi les Algériens. Les seconds sont les marins
qui pratiquent la course et se livrent au commerce des captifs. Le pouvoir à Alger est le résultat
des rapports de force entre les deux taïfas qui se disputent ainsi le contrôle de la Régence. Les
Turcs ne se sont jamais assimilés aux populations autochtones. Durant trois siècles, ils vivent en
quasi autarcie et se distinguent par leurs faits d’armes ou les symboles de leur autorité. Quelques
janissaires se marient, néanmoins, avec des Algériennes. De ces unions naissent des Kouloughlis ou
Kouroughlis.

4. L’administration
Afin de contrôler le vaste territoire qui, théoriquement, est sous son emprise, les
autorités turques adoptent un système souple qui doit à la fois affirmer leur autorité et
contrôler le pays avec des effectifs de soldats très réduits. Ce système compte sur des
alliances avec des chefs locaux et profite des rivalités entre tribus et personnes notables. Dès lors,
l’administration turque instaure un système de Makhzen qui positionne des tribus auxiliaires
comme arbitres et représentantes de l’ordre turc en collectant les impôts notamment. En
compensation, elles reçoivent des dividendes (terres et prélèvements fiscaux).

5. L’histoire de la régence d’Alger s’organise en quatre grandes périodes :


- Les frères Bareberouse sont à l’origine de la Régence gouvernée par les Beylerbeys
(1516-1587)
- La Régence est gouvernée par les Pachas (1587-1659) désigné par le sultan
Constantinople.
- La Régence se dégage de l’autorité de l’Empire ottoman sous l’autorité des Aghas.
(1659-1671)
- La Régence est gouvernée par des Deys (1671-1830) jusqu’à la conquete de l’Algérie
par la France.
3eme cours : La conquête française

La première étape de la conquête commence avec la régence d'Alger, la partie


septentrionale de l'Algérie de juin à juillet 1830 et prend fin avec la signature de
l'accord de soumission du régent d'Alger Hussein Dey le 5 juillet 1830 à Alger. La
seconde étape commence avec la conquête de l'État d'Abdelkader de 1832 à 1847 et
s'achève officiellement avec la signature de l'armistice par l'émir Abdelkader ibn
Muhieddine à Sidi Tahar le 23 décembre 1847. Les territoires de l'ancienne Régence
d'Alger et ceux de l'État algérien sont annexés à la France en 1848 par la création de
trois départements (département d'Oran à l'ouest, département d'Alger au centre
et département de Constantine à l'Est). La dernière étape concerne le sud algérien. Elle
se termine avec sa conquête de mai à décembre 1902 et conduit au traité de reddition
de la confédération touarègue Kel Ahaggar du Sahara en décembre 1902.
1. Chronologie de la conquête française :

 Le blocus maritime de la Régence d'Alger.


 Le débarquement du corps expéditionnaire français à Sidi-Ferruch, le 14 juin 1830.
 La prise d'Alger, le 5 juillet 1830, par les troupes françaises, commandées
par Louis Auguste Victor de Ghaisne, comte de Bourmont.
 L'occupation des ports du littoral et le principe de l'occupation restreinte.
 La guerre contre l'émir Abdelkader et sa tentative de créer un État sur les ruines de
la Régence, de 1836 à 1848.
 Chute de Constantine, 1837.
 Défaite de l'émir et le découpage de l'Algérie en trois départements en 1848.
 La politique de la terre brûlée (1851-1860).
 Décret Crémieux et naturalisation des populations juives algériennes.
 La révolte des Mokrani (1870-1871).
 Expropriation des terres des tribus et code de l'indigénat.
 La révolte du Cheikh Bouamama au sud-ouest (1882-1902).
 Des opérations de colonisation des populations et des territoires, et la campagne du
Sahara (1900-1903).

- Le décret Crémieux est le décret qui attribue d'office en 1870 la


citoyenneté française aux « Israélites indigènes » d'Algérie, c'est-à-dire aux
35 000 juifs du territoire. Il est complété par le décret no 137 portant « sur
la naturalisation des indigènes musulmans et des étrangers résidant en Algérie.
La naturalisation est l’acquisition d’une nationalité ou d’une citoyenneté par
un individu qui ne la possède pas par sa naissance.
- Le régime de l'indigénat : fréquemment appelé code de l'indigénat, est
un régime pénal administratif spécial réservé aux sujets indigènes des territoires
coloniaux de la France aux XIXe et XXe siècles. Il s'agit d'une justice
administrative qui s'applique aux seules personnes définies comme
« Indigènes ». Elle ne respecte pas les principes généraux du droit français, en
particulier en autorisant des sanctions collectives, des déportations d'habitants et
en sanctionnant des pratiques que la loi n'interdit pas, sans défense ni possibilité
d'appel.
2. Les principales résistances
- La bataille de Staouéli
Après le débarquement des troupes françaises, le Dey Hussein charge son gendre
Ibrahim Agha d’organiser la riposte. Des troupes formées de Janissaires, de Kabyles et de
bédouins avancent alors sur Staouéli à l’ouest d’Alger. La rencontre avec l’armée française a
lieu le 19 juin 1830. L’affrontement tourne vite à la débâcle des résistants. Ibrahim Agha lui-
même est contraint à la retraite sur Alger. La nouvelle désempare les Algérois et rend furieux le
Dey. Le premier verrou menant à Alger est tombé et rien ne peut alors arrêter l’armée
d’Afrique de marcher sur la ville.

- Des résistances éphémères


Immédiatement après la capitulation du Dey, des résistances s’organisent autour de
chefs issus de la noblesse militaire ou des ordres religieux. Voici les principales résistances par
lesquelles les Algériens se jettent dans la bataille sans succès : L’Emir Abdelkader (1832-1847).
Boumaâza dans le Chellif, l’Ouarsenis et le Dahra (1845-1846). Ahmed Bey dans le Constantinois
(1837-1848). Les Zâatchas dans les Zibans (1848). Cherif Boubaghla et Fadma n Soumer en
Kabylie (1851- 1857). L’Aurès (1859). Hodna (1860). Ouled Sidi Cheikh dans le Sud oranais
(1864). La Kabylie en 1871

3. L’administration coloniale et les lois foncières.


1. Les procédés de spoliation des terres
La mainmise : sur les terres habous (propriétés des zaouïas) considérés comme biens publics.
Le séquestre : des terres de ceux qui s’étaient exilés et les terres des tribus qui prenaient les armes
contre la France.
L’intégration : aux domaines des terres du beylik turc et des terres incultes.
Le cantonnement : qui avait contraint les tribus à se resserrer et à abandonner leurs
pacages et leurs champs en jachère.
Les ordonnances : celles de 1844 et 1846 provoquent la dépossession de plusieurs tribus en
raison de l’absence de titres de propriété. Le Sénatus Consulte du 22 avril 1863 vient, néanmoins
rassurer les tribus en les reconnaissant comme « propriétaires des territoires dont elles avaient la
jouissance permanente et traditionnelle ». La loi Warnier impose, quant à elle, la propriété privée
et ruine des communautés entières dont les terres sont distribuées aux colons.

4. L’administration
Dès 1833, ce sont les Bureaux arabes qui se chargent de l’administration des territoires
conquis. En 1870, suite à l’instauration du régime civil au Nord, ces bureaux sont remplacés
soient par des communes mixtes ou de plein exercice. Tandis qu’ils se prolongent au Sud. Ces
bureaux sont dirigés par des officiers qui s’appuient sur des chefs locaux pour administrer les
populations. En 1870, il y a 49 bureaux arabes. Le bureau était composé de quelques officiers, un
médecin, un interprète, un khodja, deux commis secrétaires, un chaouch et un nombre variable
de spahis et de mokhaznis.
4eme cours : Des jeunes Algériens à l’Etoile Nord-Africaine

1. Effondrement de l’élite locale


Le système colonial adopté en Algérie provoque la décadence des grandes familles et la
disparition de l’aristocratie locale vers la fin du 19e siècle. La bourgeoisie traditionnelle des cités
(lettrés, cadis, commerçants) connait le même sort. Le renforcement de la colonisation de
peuplement et les résistances populaires achèvent cette élite. Elle est remplacée par des agents
recrutés pour leur fidélité à la France y compris parmi d’anciennes familles influentes. Il en
résulte un désarroi profond qui s’installe durablement jusqu’à l’apparition d’une élite formée à
l’école coloniale ou dans les institutions religieuses.
2. Les Jeunes Algériens
Les Jeunes Algériens ne forment pas une entité homogène et suffisamment structurée
pour les qualifier de parti politique. C’est un mouvement qui renferme une élite citadine
musulmane laïcisée et francisée. Il s’exprime dès le début du 20esiècle et s’appuie sur la presse et
des organisations qui portent leurs revendications. Celles-ci se focalisent autour du principede
l’égalité en droits pour l’ensemble des habitants de l’Algérie.

3. L’Etoile Nord- Africaine


Elle est fondée en mars 1926 par les ouvriers émigrés en France. Elle affiche dès ses
débuts un ton radical en revendiquant à la fois des réformes qui mettraient à égalité Européens
et indigènes et fixant comme objectif final l’indépendance de l’Algérie. L’idée de la création de
l’Etoile revient à Hadj Ali Abdelkader, un communiste membre du PCF. Il préside le premier
Comité central. Mais Messali Hadj s’impose comme le leader charismatique du parti et du
mouvement indépendantiste jusqu’en 1953. Son implantation en Algérie se remarque en 1936.
Le PPA (Parti du Peuple Algérien) lui succède en mars 1937. La filiation du parti est
repérable jusqu’au MTLD. Au-delà du fait que l’Etoile est le premier parti politique du
mouvement national, sa radicalité et le charisme de son leader lui impriment une identité
différente des autres courants nationalistes. Son orientation réformiste après la Seconde Guerre
mondiale va, néanmoins, creuser l’écart entre Messali et des jeunes militants avides de passer aux
armes. L’ENA revendique clairement dans son programme :
- Abolition immédiate du Code de l'indigénat et de toutes les mesures d'exception.
- Liberté de voyage absolue pour la France et l'étranger.
- Liberté de presse, d'association, de réunions, droits politiques et syndicaux.
- Suppression des communes mixtes et des territoires militaires, remplacement de ces
organismes par des assemblées municipales élues au suffrage universel.
- Accession de tous les Algériens à toutes les fonctions publiques sans aucune
distinction, fonction égale, traitement égal pour tous.
- L'indépendance totale de l'Algérie.
- Le retrait total des troupes d'occupation.
Les militants de l’ENA revendiquent l’indépendance des pays de l’Afrique du Nord.
Elle est la seule organisation à avoir exprimé les aspirations de la majorité des populations
algériennes. Elle conteste également toute forme de domination notamment la domination
culturelle en demandant la création d’école en langue arabe et l’accession de tous à
l’enseignement et à tous les degrés.
L’ENA était dans un premier temps une organisation politique. Mais, l’action de ses
acteurs avait élargi cette structure au-delà de la classe ouvrière et atteint plusieurs franges de
population Nord-Africaine. L’ENA organisa de nombreuses réunions et meetings. Les actions
des acteurs étaient d’un apport considérable dans la conscientisation des populations sur la
nécessité de l’indépendance nationale.
5eme cours : Le Mouvement National et la conception de la nation.

Le Mouvement National Algérien a vécu plusieurs phases :


La naissance de l’Etoile Nord-Africaine, en 1926 par les travailleurs émigrés algériens. Son
successeur, le PPA (Parti du Peuple Algérien) en 1937. Suite à sa dissolution, le MTLD
(Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques fut créé en 1946.
Dans la période qui va de 1949 à 1954, toute une série de crises affectent le PPA/MTLD.
- Crise de 1949, connue sous le nom de « crise berbériste », surgie dans la Fédération de
France du MTLD et qui se dénoue par l’exclusion de plusieurs militants kabyles.
- Crise de 1950, à la suite du démantèlement de l’OS par la police française.
- Crise de 1953, à la suite du 2eme congrès du MTLD ou vont s’affronter les partisans
de Messali (Les Messalistes) et les hommes du comité central (Les Centralistes) et qui
se dénoue dans l’été 1954 par la scission du MTLD.
1. Le Parti du Peuple Algérien
L’idée de la nation algérienne, du moins dans son acception moderne, apparaît avec le
mouvement national. Les élites politiques depuis la création du premier parti indépendantiste
(ENA) en 1926 jusqu’à l’indépendance, imaginent une nation où la dévalorisation de la région
fonctionne comme un paradigme par lequel elle est montrée sous une forme anachronique à
contre-courant du mouvement de l’histoire. Messali Hadj, leader du PPA héritier de l’ENA, est
alors séduit par les thèses de Chekib Arslan président du Comité syro-palestinien. Ses
nombreuses rencontres avec celui-ci le convainquent de la nécessité de poser des fondements
unicistes à la nation algérienne en diluant la diversité linguistique mais aussi religieuse, si on
incluait les Européens et les Juifs, dans l’aire arabo-musulmane. Dès lors, la nation algérienne est
définie selon ces deux fondements. A vrai dire, cette conception reprend aux thèses jacobines de
la nation les éléments d’une définition de soi et du lien national basés sur une seule langue. Le
PPA rajoute l’élément religieux comme trait distinctif du peuple algérien regroupé sous le vocable
de « Musulmans » face à la minorité européenne qui, elle, est de culture judéo-chrétienne. Le face-
à-face devient alors une stratégie d’affirmation de soi et de distinction nécessaire à l’entretien de
la communauté nationale unie contre le colonialisme et déterminée à s’en affranchir.

2. Les Oulémas
Les réformistes algériens notamment depuis la création de l’Association des Oulémas
Musulmans Algériens en 1931, fondent leurs actions sur l’enseignement de la langue arabe et de
la réforme religieuse en luttant contre les formes religieuses locales. Leurs revues (Chihab, al
Basa’ir …) ont largement contribué à diffuser leur devise « L’Algérie est notre patrie, l’islam notre
religion, l’arabe notre langue ». À ce propos, leurs historiens (Ahmed Tewfik al Madani,
Abderrahmane Djillali, Mbarek al Mili) contribuent à une réécriture de l’histoire dans laquelle
l’apologie de la conquête musulmane se présente comme le début même de l’histoire de l’Afrique
du Nord. Le passé amazigh est négligé ou considéré comme une période sombre. En outre,
l’origine "orientale" des Berbères est privilégiée, comme pour légitimer, par des détours de
parenté, l’islamisation et l’arabisation du Maghreb. La production prolifique de l’Association
alimente largement la définition de la nation. Selon Ernest Gellner : « Au XIXe siècle, la religion
musulmane algérienne qui a vénéré les lignages sacrés était dans la pratique, coextensive aux
lieux et aux cultes des saints à la campagne. Au XXe siècle, elle a rejeté tout cela et s’est identifiée
à un scripturalisme réformiste, refusant la légitimité d’une médiation sainte entre les hommes et
Dieu. Les lieux saints avaient défini les tribus et leurs limites ; le scripturalisme pouvait définir
une nation et il le fit ».
6eme cours : La crise berbériste

1. Le groupe des Berbéro-nationalistes :


La réalité amazighe éludée ou stigmatisée par les différents courants
nationalistes fait émerger de jeunes militants qui demandent alors à ce qu’elle soit prise en
compte dans la définition de la nation algérienne. Certains auteurs qualifient ce groupe de «
Berbéro-nationalistes », sans doute pour effacer le mot stigmatisant de « Berbéristes ».
Après les massacres de mai 1945 et la libération de Messali, les cadres du PPA
tiennent uneréunion à Alger en décembre 1946 pour examiner les modalités de réactivation du
Parti sous unnouveau nom : Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques. Le PPA
reste l’aile politique et secrète du mouvement. D’où l’appellation PPA/MTLD.
Le mouvement adopte une ligne réformiste et décide de prendre part aux élections
organiséespar l’administration coloniale. Il opte ainsi pour une lutte légale malgré l’opposition de
nombreux militants. Pour concilier les deux ailes, une organisation paramilitaire (Organisation
Spéciale) est créée en février 1947. Elle est chargée de préparer la lutte armée. Les militants de
l’amazighitésont parmi les plus radicaux et les plus farouches défenseurs du passage aux armes.
Le noyau est composé de Ouali Bennaï, Amar Ould Hamouda, Idir Aït Amrane, Rachid Ali
Yahia, Sadek Hadjeres, Hocine Aït Ahmed. Ceux-ci s’opposent ainsi à la ligne réformiste du
Parti et exigentl’introduction de la dimension amazighe dans le futur Etat algérien.

2. Sociologie des acteurs

Il convient de noter que les nationalistes militants de l’amazighité de l’Algérie sont tous
issus de la Kabylie. Un examen approfondi de leur origine géographique les placent plutôt dans
la Kabyle du Djurdjura et principalement dans l’axe Aïn El Hammam/ Larbâa Nah Iraten du
moinsen ce qui concerne les acteurs de la crise de 1949. Les militants Berbéro- nationalistes se
font remarquer par leur radicalité et leur impatience à passer aux armes contre l’ordre colonial.
Cette attitude est liée à la violence des rapports sociaux du moins dans leur dimension
symbolique caractéristique de leur région d’origine. En outre, l’émigration offre aux Kabyles
une double présence/absence. Enracinés dans un terroir, les émigrés kabyles s’affranchissent des
normes du village une fois hors de ses frontières symboliques. Cette mobilité permet aussi une
socialisation politique dans les villes et en émigration qui a largement contribué à tracer des
trajectoires militantes ouvertes au radicalisme et éloignées du réformisme caractéristique des élites
citadines.
Par ailleurs, les militants voulaient une Algérie algérienne qui serait multiethnique,
reconnaisse toutes les composantes du pays, y compris le berbérisme. L’émergence de jeunes
militants au PPA/MTLD, alimente le conflit degénération et place la revendication identitaire et
la lutte armée comme le choix d’une génération qui conteste le pouvoir des aînés. Les Berbéro-
nationalistes les plus actifs sont soit des lycéens Ali Laimeche, Amar Ould Hamouda, Hocine
Aït Ahmed, Rachid Ali Yahia…), soit des étudiants (Omar Oussedik, Yahia Henine, Mabrouk
Belhocine, Sadek Hadjeres, Saïd Oubouzar). Tous portent un intérêt pour la culture amazighe
et certains composent des chants nationalistes en kabyle : Laïmeche, Aït Ahmed et Aït Amrane
auteur de Kker a mmi-s umaziγ en 1945.

3. Au fil de la crise
La genèse de la crise remonte au refus de la direction du Parti d’autoriser la réunification de
la Kabylie en un seul district comme réclamée par les militants de la région. Le rapport présenté
par Aït Ahmed (successeur de Mohammed Belouizded à la tête de l’OS) au comité central du
Parti en décembre 1948 exacerbe Messali qui s’abstient de le voter. En effet, le document insiste
sur le caractère algérien de l’Algérie et ne se réfère ni à la religion ni à la langue. Un mois
auparavant (novembre 1948), la Fédération de France du Parti, sur initiative de Rachid Ali Yahia,
approuve par 28 voix sur 32 une motion qui affirme la thèse de « l’Algérie algérienne » et écarte
toute idée de « l’Algérie arabo-musulmane ». La direction du Parti réagit par des procédés
bureaucratiques. Elle condamne ces militants en les accusant de complot berbériste. Elle dissout
la Fédération de France et exclut du Parti les éléments « berbéristes ». Lors d’une réunion tenue
en juillet 1949 et en l’absence de Hocine Aït Ahmed alors chef national de l’OS, la direction
écarte les dirigeants kabyles arrêtés par la police française (Amar Ould Hamouda, Saïd
Oubouzar…) et remplace Aït Ahmed par Ahmed Ben Bella à la tête de l’OS.

La crise dite « berbériste » de 1949 est une date importante dans l’Histoire du
Mouvement National, est une crise qui a privé les Algériens de leur algérianité. La question
amazighe fut posée pour la première fois dans l’Histoire moderne de l’Algérie en 1949 dans la
foulée du Mouvement nationaliste indépendantiste. Il s’agissait d’une réaction d’un certain
nombre de militants kabyles au sein du Parti du Peuple Algérien (PPA) établis en France à un
mémorandum sur l’Algérie présenté aux Nations-Unies par Messali Hadj. La crise a été
provoquée par une falsification de l’Histoire, par le bureau politique du PPA/MTLD qui a
écrit dans un rapport adressé à l’ONU fin 1948 : « l’Algérie est une nation arabe et
musulmane depuis le 7eme siècle ».

En Juillet 1949, cinq étudiants, membres du PPA/MTLD, Henin Yahia, Belhocine


Mebrouk, Sadek Hadjeres, Said Oubouzar et Said Ali Yahia, diffusent une brochure intitulée
« L’Algérie libre vivra », sous le pseudonyme d’Idir El Watani. Ce texte est dans le but de
répondre au mémorandum de la direction du parti. Ce mémorandum a été vécu comme un
défi, une outrance, un outrage intolérable, inadmissible, inacceptable, qui a débouché sur le
champ des réactions hostiles. Le document définit la nation algérienne sous des termes
différents de ceux exposés par la direction du PPA. Pour les auteurs du document diffusé en
juillet 1949 : « La nation ne suppose obligatoirement ni communauté de race, ni de religion, ni
de langue ». La nation repose sur quatre éléments : « le territoire, l’économie, le caractère
national qui se traduit dans le mode de vie, la mentalité et la culture, leculte d’un même passé et
le souci d’un même avenir ». « L’existence en Algérie de deux langues parlées [arabe et berbère]
n’empêche pas du tout la compréhension mutuelle des éléments qui la parlent ». En outre le
document vient en réponse au « Mémorandum à l’ONU » diffusé à la fin de l’année 1948 par la
direction du MTLD et qui stipule que la « nation algérienne, arabe et musulmane, existe
depuis le 7e siècle » en référence à la conquête musulmane.

Les conséquences de la crise : Pour Messali Hadj, qui regarde la berbérité comme si
elle étrangère, et confond la religion et la nationalité, c’est l’islam, le facteur principal du
nationalisme, de l’identité nationale. Messali a dépossédé le peuple algérien de sa propre
Histoire, pour éliminer sa culture et sa langue maternelle. L’identité culturelle d’un pays
réside avant tout dans la vitalité de la langue maternelle. Il nie la vraie identité du peuple
algérien, la réduit à l’arabité et à l’islamité.
Les militants sont vite indexés et marginalisés. Certains sont éliminés par l’ALN, c’est le cas
de Amar Ould Hamouda et Mbarek At Menguellat, assassinés en 1956. D’autres militants
sont vite marginalisés, ils sont risqué de faire opposition à Messali, ils sont écartés des centres
de décision.
7eme cours : Mouvement de 1980

Le Printemps berbère désigne l'ensemble des manifestations réclamant


l'officialisation de la langue tamaziɣt et la reconnaissance de l'identité et de la langue
berbère en Algérie le 20 avril 1980 en Kabylie et à Alger. Il s'agit du premier mouvement
populaire d'opposition aux autorités depuis l'indépendance du pays en 1962.

Les causes :
1. Depuis l'indépendance de ce pays, l'arabe succède au français comme langue
officielle. La politique linguistique algérienne se traduit par une arabisation
massive de l'administration et de l'enseignement.
2. La réflexion sur la situation linguistique est d'abord le fait d'intellectuels expatriés
(Taos Amrouche, Mouloud Mammeri et des membres del'Académie berbère).
3. L'université de Tizi-Ouzou, créée dans cette région en 1977, est un lieu d'échange, y
compris sur le plan culturel. Comme ailleurs, l'organisation de débats et de concerts,
ainsi que la représentation de pièces en langue berbère y sont soumises à autorisations,
par ailleurs souvent refusées.

Les événements :

10 mars 1980: les responsables de la Wilaya de Tizi-Ouzou en Kabylie annulent une


conférence de l'écrivain Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne. Les personnes à
l'origine de cette décision refusent de s'expliquer; il s'agirait « d'un ordre émanant d'Alger
».

 11 mars: manifestations à Tizi-Ouzou, grèves en Kabylie et à Alger.


 7 avril: imposante manifestation à Alger. La répression est féroce et la journée se solde
par une centaine d'arrestations, de nombreux blessés et peut- être un mort. D'autres
rassemblements ont lieu dans plusieurs villes en Kabylie. Le Début de la grève à
l'université d'Oued Aissi.
 8 avril: une autre manifestation converge vers Alger, mais sans réactions violentes des
forces de police.
 10 avril: grève générale en Kabylie. Le syndicat étudiant UNJA, proche du
gouvernement, dénonce des manifestants « téléguidés de l'extérieur ».
 17 avril: dans un discours, le président algérien déclare que l'Algérie est un pays « arabe,
musulman, algérien », et que « la démocratie ne signifie pas l'anarchie ». Le même jour,
les grévistes sont expulsés de l'hôpital de Tizi Ouzou et des locaux de l'usine SONELEC.
 La nuit du 19 au 20 avril: l'université de Oued Aissi est prise d'assaut parles forces de
l'ordre.
 20 avril: à la suite d'une répression sur tous les lieux occupés (université, hôpital, usines)
de Tizi-Ouzou, Bejaia une grève générale spontanée estdéclenchée par la population de la
ville, plus aucune enseigne en arabe ne subsiste, ni plaque de rues. La Kabylie est
désormais coupée du monde.

24 animateurs du mouvement avaient été arrêtés. Le mouvement berbère se poursuit


jusqu'à leur libération au mois de juin. Il tient ensuite des assises au mois d'août lors du
Séminaire de Yakouren et décide de capitaliser l'avancée de ses idées dans le corps social en
multipliant les activités de terrain par la voie pacifique.
C'est ainsi que, dès la rentrée universitaire d'octobre 1980, chaque campus universitaire du
centre du pays se dote d'un collectif culturel chargé de la promotion des activités culturelles
berbères en milieu universitaire. Dès janvier 1981, de nombreux lycées suivent. Théâtre,
chansons engagées foisonnent et expriment un bouillonnement inattendu chez les
descendants de
« l'Éternel Jugurtha ». Mais c'est le succès considérable des « cours sauvages de berbère »
animés par Salem Chaker à la faculté centrale d'Alger.

Les conséquences :
1. Sur le plan social, le mouvement traduit l'émergence d'une génération d'intellectuels
engagés dans le combat démocratique (Tahar Djaout, Ferhat Mehenni…).
2. Sur le plan culturel, le Printemps berbère brise le tabou linguistique et culturel : il est
la traduction d'une remise en cause de l'arabisation intensive de l'administration au
détriment du berbère.
3. Naissance du Mouvement culturel berbère et naissance de la Ligue algérienne pour la
défense des droits de l'homme.

4. La reconnaissance de la langue Tamazight : Après le Printemps noir en 2001, le


président algérien annonce que le tamazight devient une « langue nationale en Algérie
» après une modification de la Constitution et l'ajout de l'article 3bis en 2002. Depuis
1995, un haut commissariat à l'amazighité (HCA) existe, créé avec pour mission
de soutenir
académiquement et administrativement l'enseignement de tamazight.

Le 5 janvier 2016, une grande avancée eut lieu. Le gouvernement algérien annonce
lors d'une conférence que le tamazight sera reconnu en tant que langue officielle et
nationale via un décret présidentiel qui sera présenté au parlement au cours de
l'année, modifiant ainsi la constitution.
8eme cours : Les formes d’affirmation de soi après l’indépendance

1. La production culturelle

C’est dans la production culturelle que l’affirmation identitaire va prendre


toute l’ampleur pour les défenseurs de l’amazighité. Il est à noter que les
premières productions berbérisantes autochtones remontent au début du 20 e siècle
(Boulifa). Les chants nationalistes écrits en kabyle relèvent d’une forme de
militantisme qui tend à désenclaver la langue amazighe. Vers la fin des années
quarante, Belaïd Aït Ali innove en produisant la première œuvre littéraire en kabyle.
Cette tendance se poursuit après l’indépendance et se remarque par une diversité
de produits culturels depuis les années soixante. On remarque ainsi deux
tendances : le courant culturaliste universitaire dit groupe de Vincennes et
regroupé autour de Mouloud Mammeri se penche sur des études linguistiques et
littéraires académiques; le courant de l’Académie Berbère fondée par Arab
Bessaoud en 1966 à Paris contribue à diffuser les néotifinagh et le calendrier
berbère. Dans les années soixante-dix, la production va déborder sur des
adaptations de pièces de théâtre, des traductions, des lexiques spécialisés, etc.

2. La chanson comme vecteur de l’affirmation identitaire

La chanson a, sans doute, été le canal le plus efficace dans le processus


d’affirmation de l’identité amazighe. Des chanteurs comme Slimane Azem ont
entretenu une vision critique de l’ordre établi et ont loué la terre des ancêtres.
Mais c’est aux débuts des années soixante-dix, que la chanson moderne va
propulser la culture amazighe au-delà de ses frontières et contribue ainsi à la
valorisation de l’image de soi et à la déstigmatisation de l’Amazigh. La chanson part
du terroir pour sauver de l’oubli une oralité en plein déclin. Idir incarne parfaitement
ce genre en réussissant à exporter les mots kabyles vers le monde entier. Son
album « A baba inuba »
- Ferhat Imaziγen Imula interprète Berzidan (paroles de Mohia), (le déserteur),
Adu ;
- Idir : Tagrawla, Tiγri n wegdud, muqleγ
- Aït Menguellet : Askuti
- Le groupe Djurdjura : Dderya Umaziy, Tilelli

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