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3

INTRODUCTION GENERALE

La théorie générale des obligations est une discipline majeure du droit. Avant
d’entrer dans l’étude du corps de règles qui la composent, il convient de cerner la
notion d’obligation ainsi que celle de théorie générale des obligations (1), de montrer
l’importance de celle-ci dans la formation du juriste (2). Ce n’est pas tout. Puisque les
obligations sont diverses, il importe de procéder à leur classification (3).

1) Définition de l’obligation et de la théorie générale des


obligations

La notion d’obligation sera d’abord précisée (a). A partir de cette précision, il


sera possible de mieux comprendre celle de la théorie générale des obligations (b).

a) Notion d’obligation

L’obligation revêt plusieurs significations. Hors du domaine du droit, les


obligations désignent les exigences diverses qui s’imposent à un individu. Ces
exigences peuvent être morales, religieuses ou politiques : obligation de répondre aux
salutations, devoir d’obéir aux commandements de dieu, devoir de participer à la vie
sociale, etc. Dans le domaine du droit, le terme « obligation » peut désigner plusieurs
réalités. De manière générale, on parle d’obligation quand une personne est tenue de
se conformer aux prescriptions légales. Il en est ainsi de l’obligation de circuler à
droite ou de s’arrêter lors du feu rouge, de payer ses impôts… En droit commercial,
les obligations sont des valeurs mobilières constatant un emprunt émis par une
collectivité publique ou une société privée. Par ailleurs, la pratique notariale qualifie
d’obligation l’écrit constatant un prêt.

L’obligation, au sens technique (au sens de la théorie générale des obligations),


ne se confond pas avec ces différentes acceptions. Elle a une signification précise.
Elle est un lien de droit de nature pécuniaire entre deux personnes, qui permet au
créancier d’obtenir de son débiteur une prestation positive ou négative 1. Ainsi,
l’obligation présente un certain nombre de caractères.

D’abord, il s’agit d’un lien juridique : ce caractère implique que le débiteur


peut être contraint, au besoin par le recours à la force publique, à exécuter
l’obligation. Par ce trait, l’obligation juridique se distingue des obligations non
juridiques (obligations morales, religieuses…) dont l’inexécution ne suppose pas
l’usage de la contrainte. Elle se distingue également de l’obligation naturelle qui se
caractérise par l’absence de recours à l’exécution forcée. Toutefois, à la différence
des obligations non juridiques, l’obligation naturelle exécutée volontairement, en
1Voy. sur la notion et les classifications des obligations : François Terré, Philippe Simler et Yves
Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 11e éd., 2013, n°s 1 à 6.

4
connaissance de cause, devient une obligation juridique2. La vigueur de ce lien
juridique a varié avec le temps. A l’origine, l’obligation reposait sur la notion de lien
personnel. L’obligé est étymologiquement celui qui est lié. Dans le droit romain,
l’exécution de l’obligation pouvait se faire sur la personne même du débiteur ; c’est la
contrainte par corps. Celui-ci devenait en quelque sorte la propriété du créancier,
c’est-à-dire son esclave, lequel pouvait être vendu, voire tué. Mais cette conception a
progressivement disparu. La loi du 22 juillet 1867 n’a laissé subsister la contrainte par
corps qu’en matière pénale. Actuellement, l’obligation ne s’exerce plus que sur les
biens du débiteur.

Ensuite, il s’agit d’un lien de nature pécuniaire : il signifie que l’obligation a


un caractère patrimonial, c’est-à-dire qu’elle est susceptible d’évaluation monétaire.
Elle fait partie ainsi des droits patrimoniaux de son titulaire. On parle ainsi
d’obligations patrimoniales3 par opposition aux obligations extrapatrimoniales qui ne
sont pas susceptibles d’évaluation pécuniaire. Constituent, par exemple, des
obligations extrapatrimoniales, les obligations familiales comme l’obligation pour
l’enfant de respecter ses père et mère (art. 508 Code des Personnes et de la Famille,
en abrégé CPF) ou l’obligation d’entretien des époux à l’égard de leurs enfants (art.
296 CPF).

Enfin, c’est un lien personnel : l’obligation lie deux personnes, un créancier à


un débiteur. Envisagée du côté du créancier, l’obligation fait naître une créance.
Envisagée du côté du débiteur, l’obligation fait naître une dette.

b) Notion de théorie générale des obligations

L’expression théorie générale des obligations signifie que les obligations


s’inscrivent dans un système d’ensemble cohérent dans lequel celles-ci découlent d’un
nombre (acte juridique et fait juridique) limité de sources et sont soumises à des
règles communes (régime général des obligations). La théorie des obligations entend
régir l’ensemble des obligations. Elle est dite générale car elle étudie les principes et
les mécanismes communs à toutes les obligations, et non les règles particulières à
chaque obligation4. On parle, à ce propos, de droit commun des obligations. Par
exemple, lorsqu’on considère les obligations contractuelles, il y a, à côté de la théorie
générale des contrats (droit commun des contrats) qui a vocation à s’appliquer à tout

2 La doctrine allemande distingue ces deux aspects comme suit : die Schuld, qui désigne la dette en
tant qu’élément du patrimoine, et die Haftung, qui désigne le pouvoir de contrainte ou le lien
obligatoire.
Voy. sur l’obligation naturelle Rémy Cabrillac, Droit des obligations, Dalloz, 8 e éd., 2008, n° 2.
3 Le patrimoine est l’ensemble des rapports appréciables en argent qui ont pour sujet actif ou passif

une même personne et qui sont envisagés comme formant une universalité juridique.
4 Ph. Malaurie, L. Aynes, Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, 7e éd., Paris, Defrénois, 2015, n° 9.

5
contrat, un droit des contrats spéciaux qui étudie les règles particulières à chaque
contrat (vente, bail, entreprise…).
La généralité de la théorie des obligations doit cependant être relativisée. Il
arrive, en effet, que la théorie générale des obligations intègre des règles particulières
qui sont dérogatoires du droit commun. Il en va ainsi de certains régimes spéciaux de
responsabilité délictuelle. En outre, la théorie générale des obligations se nourrit des
régimes spéciaux des obligations et utilise ceux-ci pour illustrer ses principes.

2) Importance de la théorie générale des obligations

L’étude des obligations est importante du point de vue pratique : chaque jour
nous passons de nombreux contrats ; notre responsabilité peut être engagée à tout
moment pour les dommages que nous causons. Du point de vue théorique et
technique, les obligations sont utilisées dans toutes les matières du droit 5 (le droit
commercial par exemple), de sorte que leur connaissance est nécessaire pour tout
juriste. Enfin, l’étude du droit des obligations revêt un intérêt certain sur le plan
social. C’est un droit qui évolue parce qu’étant au cœur des préoccupations humaines,
malgré une apparente stabilité. Il est au centre des conceptions morales, économiques
ou sociales d’une société. En ce sens, le droit des obligations, spécialement, le droit
des contrats (théorie générale du contrat), fait actuellement l’objet de réforme 6 ou de
projets de réforme. Au titre de ces derniers, on peut citer le projet d’Acte uniforme
OHADA sur le droit des contrats ou le projet d’Acte uniforme sur le droit des
obligations.
Les obligations peuvent être classées de multiples façons. L’on évoquera les
classifications selon leur objet et selon leurs sources.

3) Les classifications des obligations

Les obligations sont diverses. Elles peuvent donc être classées de multiples
façons. L’on évoquera les classifications selon leur objet et selon leurs sources.

a) La classification selon l’objet des obligations

Par leur objet, les obligations peuvent être rangées dans plusieurs catégories.
On peut d’abord retenir la classification proposée par le Code civil. Toutefois, celle-ci
n’épuise pas la question, car d’autres classifications existent.

5 M. Rémy Cabrillac (Droit des obligations, Dalloz Cours, 8e éd., 2008, n° 6) écrit : « Théorie générale,
le droit des obligations irrigue… l’ensemble du droit, transcendant même la distinction droit privé -
droit public : les contrats administratifs ou la responsabilité administrative s’inspirent largement du
droit des obligations ».
6 C’est le cas de la France avec l’Ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats,

du régime général et de la preuve des obligations.

6
a1) La classification du Code civil

Le Code civil distingue les obligations de donner, de faire ou de ne pas faire.


L’obligation de donner (du latin dare) : elle consiste à effectuer un transfert
de droit réel, c’est-à-dire le plus souvent à transférer la propriété d’une chose (chose
de genre et non corps certain où la propriété est automatiquement transmise par
l’accord de la volonté).

L’obligation de faire : elle consiste à accomplir une prestation autre qu’une


dation, par ex. exécuter un travail, un transport…

L’obligation de ne pas faire : elle consiste en une abstention, par ex. ne pas
se réinstaller dans un certain rayon.

a2) Les autres classifications

Outre la classification précédente, il y a lieu de relever :


- Les obligations de résultat et les obligations de moyens : les obligations
de résultat ont pour objet un résultat précis à atteindre, alors que les obligations de
moyens impliquent pour le débiteur de tout mettre en œuvre pour atteindre le
résultat.
- Les obligations pécuniaires, les obligations en nature et les obligations
de valeur7 : l’obligation pécuniaire est celle qui consiste à transférer la propriété
d’une certaine quantité de monnaie (obligation de somme d’argent). L’obligation en
nature est, à l’inverse, celle qui ne porte pas sur une somme d’argent (obligation de
faire ou de ne pas faire, obligation de donner portant sur un corps certain).
L’obligation de valeur est à mi-chemin entre l’obligation pécuniaire et l’obligation en
nature. Elle porte sur une dette de valeur : c’est une obligation qui, lors de
l’exécution, consiste au versement d’une somme d’argent. Mais, au lieu que le
montant de la somme d’argent soit fixé d’avance à un certain chiffre (comme dans
l’obligation pécuniaire), il est déterminé selon une valeur réelle appréciable au jour de
l’échéance. C’est le cas par exemple, de l’obligation de payer une somme dont le
montant dépend de la valeur d’un bien déterminé au jour de paiement.
- Les obligations positives (donner, faire) et les obligations négatives (de ne
pas faire).
- Les obligations réelles et les obligations ordinaires : l’obligation réelle, ou
propter rem, est celle qui pèse sur un débiteur qui est tenu seulement en tant que
7Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT et Eric SAVAUX, Droit civil. Les obligations. L’acte juridique, tome
1, 16 éd., 2014, n° 46 et s.

7
détenteur d’une chose déterminée ; le débiteur est quitte ou libéré par l’abandon de la
chose ; tel est le cas de celui qui a acquis un immeuble hypothéqué ou qui affecte son
immeuble en garantie de la dette d’autrui.

A côté de ces classifications en fonction de l’objet, il existe des classifications


des obligations d’après leurs sources.

b) La classification des obligations selon leurs sources

Il convient d’exposer succinctement cette classification avant de relever ses


insuffisances.
b1) L’exposé de la classification

Le Code civil Burkinabè, comme le Code civil français, sa source d’inspiration,


ne contient pas une véritable théorie générale sur l’obligation, contrairement au Code
civil allemand (Burgeliches GeztzBuch - BGB). Il traite la plupart des questions liées
aux obligations dans le Livre III intitulé « Des différentes manières dont on acquiert
la propriété ». A l’intérieur de ce livre se trouvent le titre III intitulé « Des contrats et
des obligations conventionnelles en général » (art. 1101 à 1369) et le titre IV « Des
obligations qui se forment sans convention » (art. 1370 à 1386). C’est seulement au
début de ce titre IV que le Code civil burkinabè propose une classification des
obligations. L’article 1370 distingue cinq sources des obligations : les contrats,
les quasi-contrats, les délits, les quasi-délits et la loi8.

Les conventions ou les obligations conventionnelles constituent, pour les


rédacteurs du Code civil, l’essentiel des obligations. Une convention est un accord de
volonté en vue de produire des effets de droit.

Les quasi-contrats sont définis par l’article 1371 comme les faits purement
volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et
quelquefois un engagement réciproque des deux parties. Le Code civil (art. 1372 à
1381) aborde deux quasi-contrats : la gestion d’affaires et la répétition de l’indu. Il
convient d’y ajouter l’enrichissement sans cause.
La gestion d’affaires est le fait d’une personne qui, sans avoir reçu mandat ou
ordre, entreprend spontanément de gérer les affaires d’autrui, comme le fait de
s’occuper des affaires d’un voisin absent. Tout va se passer, si du moins la gestion a
8 « Certains engagements se forment sans qu’il intervienne aucune convention, ni de la part de celui
qui s’oblige, ni de la part de celui envers lequel il est obligé.
Les uns résultent de l’autorité seule de la loi ; les autres naissent d’un fait personnel à celui qui se
trouve obligé.
Les premiers sont des engagements formés involontairement, tels que ceux entre propriétaires voisins,
ou ceux des tuteurs et autres administrateurs qui ne peuvent refuser la fonction qui leur est déférée.
Les engagements qui naissent d’un fait personnel à celui qui se trouve obligé résultent ou des quasi-
contrats, ou des délits ou quasi-délits ; ils font la matière du présent titre » (C. civ., art. 1370).

8
été utile, comme s’il y avait eu accord de volonté, d’où l’expression de quasi-contrat
ou, plus exactement, de quasi-mandat.
La répétition de l’indu est le mécanisme juridique qui permet d’exiger de celui
qui a reçu un paiement qui ne lui était pas dû de le restituer. Les règles qui lui sont
applicables sont similaires à celles du contrat de prêt ; c’est un quasi-prêt.
L’enrichissement sans cause a été consacré par la jurisprudence. Qualifié plus
exactement d’enrichissement injustifié, il consiste en l’enrichissement d’une personne
à la suite de l’appauvrissement d’une autre personne alors que ce transfert de
richesses n’est pas justifié par une raison juridique. La personne appauvrie peut
exercer l’action « de in rem verso ». La répétition de l’indu ne serait qu’une des
applications particulières de l’enrichissement sans cause.

S’agissant des délits et quasi-délits, contrairement aux quasi-contrats, ce


sont des faits illicites (contraires à la loi) qui, s’ils causent un dommage à autrui,
obligent leurs auteurs à le réparer. Le délit implique la volonté d’agir de façon illicite
tandis que le quasi-délit résulte d’une imprudence ou d’une négligence, c’est-à-dire
d’une faute involontaire. Les délits et quasi-délits, regroupés sous l’appellation
générique de responsabilité civile, ont pris une importance considérable à partir du
début du 20e siècle.

Les obligations légales, comme celles des parents vis-à-vis de leurs enfants
ou celles entre propriétaires mitoyens, sont celles qui, prévues par la loi, ne
ressortissent pas des quatre autres sources.

b2) La critique de la classification

La classification du Code civil n’est pas satisfaisante et appelle des critiques9.


On peut, en effet, lui reprocher d’être illogique, insuffisante et confusionniste :
- illogique, parce que le Code civil fait la distinction entre délits et quasi-délits
mais sans y attacher une quelconque importance ; illogique également parce que le
Code rapproche les contrats des quasi-contrats mais ce rapprochement est critiquable
car l’accord des volontés distingue nettement le contrat du quasi-contrat ;
- insuffisante, parce qu’elle ne fait pas de place à une source d’obligations
qu’est la déclaration unilatérale de volonté ;
- confusionniste, en ce sens qu’en prévoyant la loi comme source spécifique
des obligations, le Code civil feint d’ignorer que les autres sources reculèrent de la loi.

Pour remédier aux critiques faites à cette classification, des auteurs comme
Planiol ont proposé d’opposer le contrat à la loi. D’autres ont suggéré d’opposer les
actes juridiques aux faits juridiques. Cette distinction sera retenue ici surtout par
commodité.
9 Rémy Cabrillac, op. cit., n° 9, qui cependant considère comme plus pertinent de conserver la
classification du Code civil et de l’affiner.

9
Il faut cependant souligner que si la plupart des règles relatives aux obligations
sont fonction de leurs sources, un certain nombre d’entre elles s’appliquent aux
obligations quelles que soient leurs sources. C’est cette trame qui servira de division
fondamentale du cours. Ainsi seront étudiées :

- Livre I : Les obligations selon leurs sources ;

- Livre II : Les obligations quelles que soient leurs sources.

10
LIVRE PREMIER :

LES OBLIGATIONS SELON LEURS SOURCES

De nombreuses règles applicables aux obligations sont fonction de la source de


celles-ci. A cet égard, il est possible de traiter les obligations, et les règles y afférentes,
selon qu’elles découlent d’un fait juridique ou d’un acte juridique. Ainsi, l’on
examinera dans une :

- 1ère partie : Les actes juridiques ;


- 2éme partie : Les faits juridiques.

11
PREMIERE PARTIE :

LES ACTES JURIDIQUES


L’acte juridique, qui s’oppose au fait juridique, est une manifestation de volonté
en vue de produire des effets de droit10. L’acte juridique negocium, c’est l’acte juridique
considéré dans son contenu ou dans son essence. L’acte juridique instrumentum est
l’acte juridique considéré dans son contenant, c’est-à-dire le support, écrit (sous seing
privé ou acte authentique) sur support papier ou sur support électronique, sur lequel
il se trouve exprimé.

Le Code civil burkinabè, à l’inverse d’autres codes comme le code civil français
(Article 1100-1) et le BGB allemand, n’évoque pas la notion générique d’acte
juridique. C’est la doctrine qui a conceptualisé l’acte juridique. Il existe deux
catégories d’actes juridiques : les actes juridiques bilatéraux (ce sont les contrats ou
conventions) ou les actes juridiques unilatéraux. Toutefois, il y a lieu de souligner
qu’ils sont d’inégale importance. Alors que l’on continue de se demander si le droit
reconnaît ou doit reconnaître l’acte unilatéral et que l’étude de celui-ci est
nécessairement sommaire (Sous-Partie II), le contrat, quant à lui, est d’usage courant
et appelle des développements importants (Sous-Partie I).

10 Un avant-projet de texte uniforme sur le droit des obligations, préparé par trois professeurs
africains en 2009, retient sur les actes juridiques ce qui suit :
« Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils
peuvent être conventionnels, collectifs ou unilatéraux.
L’acte juridique conventionnel est un accord de volonté conclu entre deux ou plusieurs personnes.
L’acte juridique collectif est la décision prise collégialement par les membres d’une collectivité.
L’acte juridique unilatéral émane d’une ou plusieurs personnes unies dans la considération d’un même
intérêt.
L’acte juridique collectif et l’acte juridique unilatéral obéissent, en tant que de raison, pour leur
validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats » (article 4 du Projet qui en compte 616).

12
PREMIERE SOUS-PARTIE :

LES ACTES JURIDIQUES BILATERAUX : LES


CONTRATS (OU LA THEORIE GENERALE DU
CONTRAT)
Les actes juridiques bilatéraux sont les contrats ou les conventions. Ils revêtent
une grande importance théorique et pratique (dans la vie de tous les jours et
particulièrement dans la vie des affaires : en droit, faire des affaires, c’est avant tout
passer des contrats). Mais aussi important soit-il, le contrat suscite des questions sur
le plan conceptuel. Il importe donc de préciser préalablement sa notion (Titre
préliminaire). Une fois celle-ci brièvement cernée, il conviendra de s’attarder sur le
régime juridique du contrat. Celui-ci comporte deux phases essentielles qui se
succèdent de manière quelque peu chronologique. Il s’agit en premier lieu de la
formation du contrat (Titre I) et, en second lieu, de la production des effets du
contrat ou de son exécution (Titre II).

13
TITRE PRELIMINAIRE : LA NOTION DE CONTRAT

L’article 1101 du Code civil burkinabè définit le contrat comme une


convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou
plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. En d’autres termes,
c’est une convention faisant naître une ou plusieurs obligations ou bien créant ou
transférant une droit réel11. Il importe de situer le contrat par rapport à l’acte
juridique et à la convention qui, tous deux, sont des manifestations de volontés,
qu’elles soient unilatérales ou bilatérales, qui produisent ou modifient une situation
juridique.

La convention est l’acte juridique conclu par deux ou plusieurs personnes ayant
pour objet de modifier ou d’éteindre une obligation ou de créer, modifier ou éteindre
un droit autre qu’un droit personnel. Autrement dit, c’est un accord de volonté en
vue de produire un effet de droit. On peut en conclure que l’acte juridique est plus
large que la convention qui est plus large que le contrat. Mais la distinction entre
contrat et convention n’a plus guère d’intérêt et ne se rencontre plus dans les codes
modernes. En pratique, et même dans le Code civil, on emploie indifféremment les
deux termes12.
Le rôle du contrat est fonction du système économique. Dans une économie
libérale, le rôle du contrat sera important. En revanche, dans un système dirigiste ou
socialiste, le rôle du contrat sera plus effacé car le législateur interviendra par de
nombreuses lois pour réglementer l’économie.
Il faut aller plus loin que ces brèves précisions pour comprendre le contrat.
Pour le cerner davantage, il est nécessaire de tenter de clarifier son fondement
(Chapitre I) et, puisqu’il existe plusieurs catégories de contrats, de procéder à la
classification de ceux-ci (Chapitre II).

11 Lexique des termes juridiques, op. cit.


12 Voy. dans ce sens :
- Rémy Cabrillac, op. cit., n° 12. L’auteur écrit que « tous les auteurs s’accordent à considérer les deux
termes comme synonymes ».
- Weil et Terré, Droit civil, Les obligations, 4 e éd., 1986, n° 23.

14
CHAPITRE I : LE FONDEMENT DU CONTRAT

Il ne s’agit pas d’étudier ici le fondement positif du contrat qui est connu. En
effet, celui-ci, tel qu’il est régi au Burkina Faso, puise ses règles dans le Code civil de
1804 qui a consacré une grande partie de ses dispositions au contrat (Livre III, Titre
III), même si des législations spéciales, commandées par le dirigisme économique,
ont remis en cause le rôle prépondérant du code civil. En France, il faut noter qu’un
changement s’est produit avec l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du
droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, dont les
dispositions ont remplacé depuis le 1er octobre 2016 celles du Code civil sur le
contrat (Livre III).
Le fondement recherché est philosophique. Il s’agit de se demander quel est le
principe ou l’idée qui explique le régime juridique du contrat et notamment la force
obligatoire de celui-ci : pourquoi la loi oblige-t-elle les parties à tenir les engagements
nés des contrats ? La quête est donc celle de l’essence du contrat. A cette question,
plusieurs réponses ont été proposées. La réponse, construite à partir des dispositions
du Code civil de 1804 et qui a longtemps dominé la matière, repose sur le principe
(ou la théorie) de l’autonomie de la volonté (Section I). Mais avec le déclin de cette
théorie, d’autres explications ont vu le jour (Section II)

Section I : La théorie de l’autonomie de la volonté

Après avoir exposé la théorie (§ I), on évoquera son déclin (§ II).

§ I : L’exposé de la théorie

La théorie de l’autonomie de la volonté affirme que la volonté tire d’elle-même


sa force créatrice d’obligations. Celle-ci ne se rattache à aucune autorité extérieure
quelconque. Cette théorie est née du libéralisme politique du 18e siècle et du
libéralisme économique qui s’est développé au cours du 19e siècle. Les philosophes
avaient voulu faire disparaître toutes les contraintes de l’Ancien régime qui,
soutiennent-ils, asservissaient l’individu. C’est pourquoi, ils ont soutenu que seule la
volonté d’un individu pouvait limiter sa liberté et ils en déduisaient qu’il n’y avait pas
de meilleure règle que celle voulue. Le contrat sera nécessairement juste parce que
voulu. Selon Fouillée, « qui dit contractuel dit juste ». Le débiteur d’une obligation ne
pourra pas se plaindre parce qu’il l’a voulue. En revanche, toute obligation venue de
l’extérieur de l’individu est injuste parce qu’elle limite sa liberté.
Cette théorie a entraîné certaines conséquences : la liberté contractuelle (A) et
le respect de la volonté contractuelle (B).

15
A- La liberté contractuelle

La liberté contractuelle va se manifester principalement à deux points de vue.


D’une part, elle se traduit par la liberté de conclure ou de ne pas conclure. La
liberté de conclure implique que toute personne doit pouvoir passer un contrat avec
n’importe quelle personne et que les parties sont libres de déterminer le contenu du
contrat. La liberté de ne pas conclure signifie que personne n’est obligé de conclure
un contrat qui ne lui donne pas entière satisfaction. Selon certains auteurs, le Code
civil consacre ces libertés. En effet, s’il prévoit la réglementation de certains contrats
appelés contrats nommés (vente, louage, dépôt, cautionnement…), ces règles sont
supplétives. Les parties peuvent s’y référer mais elles peuvent les ignorer et créer de
toute pièce un contrat (contrats innommés). Ce système est profondément différent
de ce que connaissait le droit romain. A Rome, les parties n’étaient pas libres de
déterminer le contenu de leurs contrats. Elles étaient obligées de se rapporter à un
contrat type ou à contrat précis (vente, donation, mandat ou dépôt, par exemple).
Chacun de ces contrats avait une réglementation propre et une action en justice qui
permettait d’obtenir son exécution.

D’autre part, la liberté contractuelle se manifeste par le consensualisme.


Celui-ci signifie que le seul consentement des parties suffit à former le contrat. Les
parties ne sont pas obligées de respecter certaines formes, du moins en règle générale
ou sont libres d’adopter les formes qui leur conviennent. On dit ainsi qu’en principe
les contrats sont consensuels. Il n’y a pas de forme sacramentelle pour la
manifestation du consentement. Le droit romain était, à cet égard, différent. Les
contrats ne s’accomplissaient pas sans formalités. Pour certains, les parties étaient
obligées de prononcer des paroles solennelles. Pour d’autres, elles devaient rédiger un
écrit ou remettre une chose. Si ces formalités n’étaient pas respectées, il ne s’agissait
que de simples pactes sans valeur juridique, sans force exécutoire.

B. Le respect de la volonté contractuelle

Le contrat doit être respecté parce que les parties l’ont voulu et il doit être
exécuté tel quel parce que les parties l’ont débattu. Ce respect de la volonté
contractuelle implique d’abord le principe de la force obligatoire du contrat que
l’article 1134, alinéa 1er, du Code civil semble consacré en ces termes : « les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». En
conséquence, elles ne peuvent être révoquées ou modifiées que de leur consentement
mutuel, ou pour les causes que la loi autorise (art. 1134, al. 2). Le respect de la
volonté implique également le principe d’effet relatif des conventions : seul celui qui
a manifesté sa volonté de s’engager dans un contrat est lié par ce contrat. C’est ce qui
ressort de l’article 1165 qui dispose que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les

16
parties contractantes ». Le respect de la volonté interdit enfin toute intervention du
juge ou du législateur dans la détermination du contenu du contrat. D’où le principe
de la survie de la loi ancienne en matière contractuelle ou l’interdiction de la révision
judiciaire du contrat en cas d’imprévision. Mais par la suite, la théorie de l’autonomie
de la volonté connaîtra un déclin.

§ II : Le déclin de la théorie de l’autonomie de la volonté

Les arguments sur lesquels repose la théorie de l’autonomie de la volonté sont


critiquables et la remise en cause de la théorie (A) va entraîner des conséquences (B).

A- La remise en cause de la théorie

La remise en cause de la théorie s’est faite à partir d’arguments ou de données


d’ordre philosophique, moral, social ou juridique.
Sur le plan philosophique d’abord, le postulat de la liberté de l’homme ne peut
pas être soutenu car la vie de l’homme se passe en société et la vie en société suppose
des contraintes. En réalité, les individus sont tenus de respecter les réglementations
prévues par le législateur. Même dans les matières qui ne sont pas entièrement
réglementées par le législateur, la volonté des individus aménage seulement des
rapports de droit dans le cadre de la loi et dans la mesure où celle-ci le permet.
Sur le plan moral ensuite, il n’est pas exact de soutenir que tout ce qui est voulu
ou décidé par contrat est juste car, souvent, la partie économiquement la plus forte
impose sa volonté à la partie économiquement la plus faible. Donc, la formule de
Fouillée « qui contractuel dit juste » n’est pas toujours vraie.
Sur le plan économique également, la liberté contractuelle peut conduire à
l’anarchie dans la production et à l’injustice dans la répartition des richesses. On a pu
écrire que « le laissez faire laissez passer », cher au libéralisme économique, c’est le
renard libre dans le poulailler libre. On le constate, le libéralisme économique ne
répond pas de manière satisfaisante à tous les problèmes qui se posent dans une
société, comme les problèmes environnementaux.
Sur le plan juridique enfin, il n’est pas exact de dire que le Code civil consacre
la théorie de l’autonomie de volonté. L’article 1134 dudit code paraît plaider en ce
sens. En faisant état de « conventions légalement formées… », il laisse penser que
c’est dans la loi que le contrat tire, en dernière analyse, sa force obligatoire. Au
surplus, le Code civil soumet, en son article 613, la volonté contractuelle au respect de
l’ordre public et aux bonnes mœurs, ce qui démontre que la volonté seule ne suffit
pas à créer des règles obligatoires.
B. Les conséquences de la remise en cause de la théorie

17
La remise en cause de la théorie de l’autonomie de la volonté se manifeste à
deux égards. En premier lieu, il convient de noter le déclin de la liberté contractuelle.
D’abord, la liberté de conclure ou de ne pas conclure n’est plus complète. En effet, le
choix du cocontractant n’est pas toujours libre. Certaines personnes bénéficient d’un
droit de préemption14. Le commerçant n’est pas libre de passer tel ou tel contrat.
Ainsi, les personnes détentrices d’un monopole sont tenues de contracter avec les
personnes qui sollicitent leurs services. En outre, les parties ne sont plus toujours
libres de déterminer le contenu de leur contrat. En effet, les contractants sont obligés
de respecter l’ordre public économique et social, c’est-à-dire les lois qui réglementent
l’économie et le travail. Parfois même, les contrats sont pré-rédigés par le législateur
et les parties ne peuvent y déroger du tout ou seulement sur les clauses de moindre
importance. Il en est ainsi par exemple pour le contrat de travail, les baux ruraux et
les baux professionnels. Certains contrats sont même imposés comme le
renouvellement des baux professionnels. Par ailleurs, le principe du consensualisme
est battu en brèche. Un certain formalisme renaît, surtout en matière commerciale.
En second lieu, le principe de la force obligatoire du contrat a été critiqué. Ce
principe peut, en effet, conduire parfois à des bouleversements ou à des crises
économiques, à la dépréciation monétaire...Appliqué à la lettre, il interdit, même
lorsque les conditions économiques changent, de modifier le contrat. C’est pourquoi,
le législateur est intervenu pour permettre la révision de certains contrats à certaines
époques ou pour organiser cette révision. En droit français, la révision du contrat est,
à la demande d’une partie, permise par le nouvel article 1196 du Code civil, issu de
l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime
général et de la preuve des obligations, en cas d’absence ou d’échec de la négociation
et à défaut d’accord sur la résolution ou la révision du contrat.

En conclusion, on peut retenir que le principe de l’autonomie est fortement


critiqué. Cependant, les critiques formulées à son encontre ne doivent pas conduire à
confondre le déclin de ce principe et le déclin du contrat. On assiste, en effet, à un
renouveau du concept contractuel qui se manifeste principalement dans le domaine
de la politique économique et sociale. L’Etat parfois passe des contrats avec des
entreprises, d’après lesquels les entreprises bénéficient de certains avantages,
notamment fiscaux et/ou douaniers, si elles exécutent la politique gouvernementale.
En matière sociale, le législateur a invité les partenaires sociaux (syndicats
d’employeurs et syndicats d’employés) à se mettre d’accord sur leurs différends par le
moyen des conventions collectives du travail qui relèvent à bien des égards de la
matière contractuelle.
La persistance du phénomène contractuel, en dépit du déclin de la théorie de
l’autonomie de la volonté, a conduit certains auteurs à trouver d’autres explications
au contrat.

14 Droit reconnu dans certains cas à l’Administration, et à certains organismes de droit privé
accomplissant une mission de service public, d’acquérir la propriété d’un bien lors de son aliénation
par préférence à tout autre acheteur.

18
Section II : Les théories alternatives

Plusieurs explications, ont été avancées pour fonder la force obligatoire du


contrat. Pour s’en tenir à l’essentiel, il s’agit de la théorie des attentes légitimes ou de
la confiance légitime (§ I), de la théorie fondée sur la conciliation entre liberté
contractuelle, l’utile et le juste (§ II), de la théorie du volontarisme social (§ III) et le
solidarisme contractuel (§ IV).

§ I. La théorie des attentes légitimes ou de la confiance légitime

Alors que la théorie de l’autonomie de la volonté se place du côté du débiteur


pour fonder la force obligatoire du contrat (seule la volonté d’une personne peut la
lier), la théorie des attentes légitimes propose de considérer la situation du créancier.
En vertu de cette théorie, le débiteur est obligé non pas par sa propre volonté, mais
par la confiance, l’attente qu’il a suscitée chez le créancier. L’idée est répandue dans le
système de common law où le concept d’attentes raisonnables est couramment
utilisé. Elle existe également dans certains textes français et burkinabè. Par exemple, il
est prévu dans les législations burkinabè et françaises protectrices des
consommateurs que les produits et les services doivent présenter la sécurité à laquelle
on peut légitimement s'attendre15. Dans cet exemple, l’obligation de sécurité
imposée au professionnel sera appréciée en fonction des attentes légitimes des
consommateurs (les créanciers). La théorie de l’apparence est aussi l’illustration que la
confiance légitime est créatrice d’obligations. Ainsi, le mandant est tenu à l’égard du
tiers parce que ce dernier a cru légitimement au pouvoir de représentation du
prétendu mandataire qui n’a reçu en réalité aucun pouvoir16.

Cette théorie entend donc déterminer l’existence ou le contenu des obligations


contractuelles en fonction des attentes du créancier. Ainsi, lorsque les stipulations
sont excessives, le débiteur pourrait obtenir du juge qu’il le libère ou tempère ses
engagements, car le créancier ne peut légitimement espérer l’exécution totale du
contrat17. En sens inverse, les stipulations minimes devraient être rehaussées à la
mesure de l’attente du créancier. Le problème est de savoir comment définir les
attentes légitimes. Ce qui est certain, la volonté du créancier n’est pas le seul

15 Cf. article 61 de la Loi burkinabè du 27 avril 2017 portant organisation de la concurrence au Burkina
Faso et article L. 221-1 du Code française de la consommation.
16 En droit burkinabè : C A Ouagadougou, 3 avril 1998, R.B.D., n° 36, 1999, pp. 250 à 253, obs. F.

Ouedraogo ; En droit français : Ass. plén. civ., 13 déc. 1962, D., 1963, p. 277, note J. Calais-Aulois ;
RTDciv., 1963, p. 572, note Cornu ; RTDcom., 1963, 333, n° 5, obs. Houin ; En droit belge : Cass., 20
juin 1988, R.C.J.B., 1991, p. 45, note R. Kruithof ; J.T., 1989, p. 541 et s.
17 François TERRE, Philippe SIMLER et Yves LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, Dalloz, 11e éd.,

2013, n° 42, p. 50.

19
paramètre à prendre en compte : une volonté illégitime du créancier sera écartée.
Pour le reste, devront être pris en considération des éléments extérieurs, comme les
stipulations contractuelles, la volonté du débiteur, les circonstances de lieu ou de
temps… On pressent que le rôle du juge sera ici prépondérant.

§ II. La théorie fondée sur la conciliation entre la liberté contractuelle,


l’utile et le juste

Cette théorie a été proposée par J. Ghestin18. A rebours du postulat de la


théorie de l’autonomie de la volonté qui consacre la primauté des droits subjectifs sur
le droit objectif, cet auteur soutient que les droits subjectifs doivent être subordonnés
au droit objectif (qui ne doit pas être confondu à la loi) 19. Selon l’auteur, « le législateur,
conformément au droit objectif qui le dépasse, ne devrait sanctionner le contrat que parce qu’il est
utile et à la condition qu’il soit juste »20. Ainsi, l’utilité et la justice seraient, d’après lui, le
fondement du contrat : « Le contrat n’est obligatoire que parce qu’il est utile et à la condition
d’être juste, c’est-à-dire conforme à la justice contractuelle »21.
L’utilité concerne non seulement l’utilité particulière de l’opération pour les
parties contractantes (spécialement dans les domaines des incapacités ou de
pouvoirs : les contrats conclus par les majeurs sous curatelle sans l’assistance du
majeur sont maintenus s’ils ne sont pas lésionnaires ou excessifs), mais surtout
l’utilité sociale. Le contrat est socialement utile car il est l’instrument privilégié de la
réalisation des opérations ou des échanges des biens et des services pour la
satisfaction des besoins concrets des individus, sous réserve du respect de l’intérêt
général. Il est également utile parce qu’il permet la prévision (sécurité juridique) et
l’expression de la liberté, avec son corollaire la responsabilité, dont la mise en œuvre
participe au bien commun. Quant à la justice contractuelle, elle implique un certain
équilibre dans les échanges (justice commutative) et le respect de la bonne foi aussi
bien dans la formation que dans l’exécution du contrat. Ainsi, dès lors que le contrat
est conclu par des individus libres et responsables, il y a présomption qu’il est
conforme à la justice. Cette présomption est cependant simple de sorte que la preuve
d’un déséquilibre excessif entre les prestations ou du fait qu’une des parties était en
position de faiblesse la fait tomber et appelle l’intervention des pouvoirs publics.
Dans ces derniers développements, cette théorie a érigé la liberté contractuelle
comme un principe directeur aux côtés de l’utilité et de la justice, laquelle liberté est
considérée comme un élément moteur du contrat et comme l’expression du pouvoir
d’initiative reconnu aux parties. Il en résulte que « …le régime juridique du contrat doit

18 Jacques GHESTIN, Traité de droit civil. Le contrat. Formation, 3e d., 1993, n°223 et s., p. 200 et s. ;
Jacques GHESTIN, « L’utile et le juste dans les contrats », D. 1982, Chron., p. 1.
19 Jacques GHESTIN, Traité de droit civil. Le contrat. Formation, op. cit., n° 224, p. 201.
20 Ibidem, n° 226, p. 203.
21 Ibidem, n° 265, p. 239.

20
obéir à un principe directeur subjectif, la liberté contractuelle, et à deux principes directeurs objectifs
avec lesquels elle doit se concilier, le juste et l’utile, finalités sociales du contrat… »22

§ III. La théorie du volontarisme social

D’après les partisans de cette théorie23, la volonté des individus n’a pas un
pouvoir créateur de droits ou d’obligations autonome, comme le prétend la théorie
de l’autonomie de la volonté. Elle n’a qu’un pouvoir créateur délégué : « la loi délègue
une partie de ce pouvoir aux membres du corps social parce qu’elle ne peut pas tout régler et parce
que les personnes doivent jouir d’une certaine autonomie dans la gestion de leurs intérêts. »24 Dans
ce schéma, les individus disposent d’un pouvoir initial qui leur permet de créer
librement des obligations nécessaires à la satisfaction de leurs besoins. C’est
l’expression du volontarisme. Toutefois, ce pouvoir est subordonné aux intérêts
fondamentaux de la société et à ceux de ses membres définis par la loi. C’est la
traduction du caractère social de ce volontarisme.

§ IV. Le solidarisme contractuel

Le solidarisme contractuel est l’application en droit des contrats du solidarisme


qui est une philosophie développée il y a plusieurs décennies en France. Il défend le
primat du social en matière contractuelle. Pour les défenseurs de cette théorie, le
contrat ne doit pas être le lieu où chaque contractant défend ses intérêts individuels
et égoïstes. Il doit être, au contraire, un lieu de sociabilité et de coopération où
chaque partie se préoccupe des intérêts des autres, puisque tous, faisant partie du
même groupe humain, sont unis par des liens de solidarité. En d’autres termes, le
contrat doit passer d’une vision antagonisme, représentée par la théorie de
l’autonomie, à une vision altruiste. La devise de ce nouvel ordre contractuel serait
alors : « Loyauté, solidarisme et fraternité ». Selon les partisans de cette théorie, le
solidarisme se manifesterait en droit positif par le développement de la bonne foi, les
obligations contractuelles de coopération ou de collaboration…
Le solidarisme contractuel a été critiqué, car il suscite d’énormes difficultés.
Une des principales difficultés est de savoir comment fixer la mesure de l’obligation
de coopération et de la prise en charge des intérêts de l’un et de l’autre. En outre, on
lui reproche d’être utopique, car il ignorerait la nature profonde de l’homme plus
porté à défendre ses intérêts.

22 Jacques GHESTIN, Grégoire LOISEAU et Yves SERINET, Traité de droit civil. La formation du
contrat. Le consentement, tome 1, 4e d., 2013, n°175.
23 Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT et Eric SAVAUX, Droit civil. Les obligations. 1. L’acte juridique,

16e éd., 2014, n° 120, p. 103 et s.


24 Ibid., p. 104.

21
CHAPITRE II : LA CLASSIFICATION DES CONTRATS

Bien que les parties puissent librement former les contrats qu’elles veulent,
d’après les articles 1102 à 1110, on peut classer les contrats en fonction de leurs
contenus (Section I), de leurs modes de formation (Section III), de leurs modes
d’exécution (Section II), de leurs réglementations (Section IV) et du nombre de
parties en présence (Section V). Outre ces classifications traditionnelles, des
classifications récentes existent (Section VI).

Section I : La classification des contrats en fonction de leur contenu

Au regard du contenu des contrats, on distingue :


- les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux (§ I) ;
- les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit (§ II) ;
- les contrats commutatifs et les contrats aléatoires (§ III).

§ I : Les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux

Dans le contrat synallagmatique ou bilatéral ou réciproque, chaque partie est à


la fois créancière et débitrice de l’autre. Il en est ainsi, par exemple, dans la vente : le
vendeur est créancier du prix et débiteur de la chose ; l’acheteur est débiteur du prix
qu’il doit verser mais créancier de la chose que le vendeur doit lui livrer.
Dans le contrat unilatéral, les obligations naissent à la charge d’une seule des
parties. Par exemple, dans la donation, seul le donateur (celui qui donne sa chose)
s’oblige à une prestation au profit du donataire (ou bénéficiaire de la donation), qui
ne fait que bénéficier ou profiter d’une libéralité. Toutefois, c’est un contrat et non
un acte unilatéral car il faut l’accord des deux parties et le donataire peut toujours
refuser la donation. Le testament, en revanche, n’est pas un contrat mais un acte
unilatéral.
Les intérêts pratiques de la distinction tiennent en ce que le contrat
synallagmatique connaît des règles particulières : la théorie des risques, l’exception
d’inexécution ou exceptio non adimpleti contractus, la règle du double original.

§ II : Les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit.

Le contrat à titre onéreux est celui où chacune des parties n’entend faire une
prestation qu’en échange d’une contrepartie. Ex. : la vente, le bail, le contrat de
travail, le contrat d’entreprise. Le contrat à titre gratuit est celui où l’une des parties
désire procurer à l’autre un avantage sans contrepartie, comme dans la donation.
Les intérêts de la distinction sont les suivants : celui qui donne ne peut être
contraint au même titre que celui qui se fait payer sa prestation ; en outre, le
législateur se méfie des donations parce qu’elles dépouillent les héritiers et les
créanciers du débiteur d’une partie de son patrimoine.

22
§ III : Les contrats commutatifs et les contrats aléatoires

Dans les contrats commutatifs, les prestations des parties sont certaines et
équivalentes, comme dans la vente ou le bail.
Dans les contrats aléatoires, la prestation à laquelle l’une des parties est obligée
dépend dans son existence ou son étendue d’un événement incertain. Exemple : le
contrat de rente viagère, le contrat d’assurance, le contrat de jeu ou de pari (la Loterie
nationale est un pari légal)…Les intérêts de la distinction sont les suivants : la lésion,
déséquilibre prononcé entre les prestations, qui est admise dans certains contrats
commutatifs, comme la vente d’immeuble au profit du seul vendeur, n’est jamais
prise en compte dans les contrats aléatoires, l’aléa ou le déséquilibre étant admis au
départ.

Section II : La classification des contrats en fonction de leur mode


d’exécution

On note à cet égard, d’une part les contrats instantanés (ou à exécution
instantanée), d’autre part les contrats successifs (ou à exécution successive). Le
contrat est dit instantané lorsque l’exécution des obligations qu’il crée se réalise en un
trait de temps. Ainsi de la vente au comptant. Le contrat est dit successif lorsqu’il
s’exécute pendant une certaine durée. Par exemple, le contrat de travail, le contrat de
bail, la location-vente, les contrats d’abonnement (eau, électricité, téléphone, etc.)…
Cette distinction présente plusieurs intérêts de la distinction. D’abord, seuls les
contrats instantanés peuvent être résolus, c’est-à-dire que lorsque l’une des parties
n’exécute pas son obligation, on va remettre les choses dans l’état où les parties se
trouvaient avant le contrat ; lorsqu’il s’agit au contraire d’un contrat successif, cela est
impossible : on ne peut que mettre fin au contrat pour l’avenir. En outre, le
déséquilibre des prestations survenant en cours d’exécution de ces contrats successifs
a suscité le problème de la révision du contrat pour cause d’imprévision.

Section III : La classification des contrats selon leur mode de formation

Elle permet de distinguer, d’une part, les contrats consensuels, solennels et


réels (§ I), d’autre part, les contrats négociés, les contrats d’adhésion et les contrats
type (§ II).

§ I : Les contrats consensuels, solennels et réels

23
C’est une distinction traditionnelle non mentionnée par le Code civil mais
résultant des dispositions de celui-ci.
Le contrat consensuel est celui qui se forme par le seul accord de volonté des
parties sans autre formalité, comme la vente. Il est la règle générale d’après le Code
civil. Attention : les autres contrats requièrent aussi l’accord de volonté mais celui-ci
ne suffit pas pour leur formation.
Le contrat solennel est celui pour la validité duquel la loi exige que le
consentement soit donné en certaines formes. Celles-ci consistent le plus souvent en
la rédaction d’un acte notarié. Exemples : la donation entre vifs, le contrat de mariage
(concernant les biens des époux).
Le contrat réel est celui qui exige pour sa formation non seulement l’accord des
parties mais en plus la remise d’une chose au débiteur. Par exemple sont des contrats
réels le commodat ou prêt à usage, le prêt de consommation ou mutuum, et le dépôt.
Ainsi, la promesse de prêter une somme d’argent ou un objet est bien un contrat
valable mais n’est pas un prêt. Le prêt ne se forme que par la remise de la chose à
l’emprunteur.

§ II : Les contrats négociés, les contrats d’adhésion, les contrats-types

Les contrats négociés, ou de gré à gré ou de libre discussion, sont ceux qui
répondent à la conception classique qui veut le contrat soit l’œuvre des parties qui
discutent sur un pied d’égalité les clauses de leur contrat.
Les contrats d’adhésion sont l’œuvre de l’une des parties, l’autre ne pouvant
qu’adhérer ou refuser d’adhérer aux clauses qui lui sont proposées ne variatur.
Exemples : contrat de transport avec la compagnie de chemin de fer ou avec une
compagnie de navigation maritime ou aérienne, contrat avec une banque…
Il arrive même que le contrat ne soit l’œuvre d’aucune des deux parties. Il s’agit
d’un contrat-type, parfois impératif, rédigé, soit par des agents d’une administration
ou d’une collectivité publique, soit par des organismes professionnels. L’accord des
deux parties n’est plus que la condition d’application aux deux particuliers d’un statut
obligatoire pour eux25. C’est le cas dans une certaine mesure du contrat de travail,
des baux commerciaux…

Section IV : La classification des contrats en fonction de leur


réglementation : les contrats nommés et les contrats innommés

De l’article 1107 du Code civil, il résulte que les contrats sont nommés ou
innommés.
Les contrats nommés sont ceux qui, prévus par le Code civil ou par d’autres
codes ou textes, ont non seulement un nom ou une dénomination mais surtout une

25 Voy. dans ce sens A. Weil et F. Terré, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 4e éd., 1986, n° 47.

24
réglementation. Exemple : vente, contrat d’entreprise, bail, dépôt, prêt, mandat,
cautionnement, contrat de travail…
Les contrats innommés sont ceux qui résultent de la liberté contractuelle et qui
ne rentrent pas dans le moule d’un des contrats nommés. L’élément caractéristique
est non pas l’absence de nom mais plutôt l’absence de réglementation. Ces contrats
sont le plus souvent un amalgame de contrats nommés : contrat de location de
coffre-fort, de renting, de déménagement, d’ingénierie, de compte courant, de
parking…
Qu’ils soient nommés ou innommés, les contrats sont valables et sanctionnés
en justice. Les contrats nommés sont soumis aux règles de la TGO et aux règles du
contrat spécial auxquelles les parties n’ont pas dérogé tandis que les contrats
innommés ne sont soumis qu’aux règles de la TGO. Cela pose l’importante question
de la qualification des contrats.

Section V : La classification des contrats en fonction du nombre de


parties : les contrats simples et les contrats conjonctifs

Elle permet de distinguer le contrat simple du contrat conjonctif. Le contrat


conjonctif est le contrat dans lequel plusieurs personnes sont rassemblées au sein
d’une partie plurale : cas de la coentreprise, de la coassurance, du pool bancaire
(comme cela se passe chaque année pour le financement des campagnes d’achat du
coton par la SOFITEX). A l’inverse, le contrat simple est constitué de deux parties
composées chacune d’une seule personne, comme dans le cas d’une vente conclue
par un seul vendeur et un seul acheteur. Les contrats simples sont de loin les
courants et ceux qui entraînent le moins de difficultés.
L’intérêt principal de la distinction est de faire apparaître une obligation de
collaboration et une obligation de ne pas nuire au sein de la partie plurale. Ainsi, par
exemple, les coentrepreneurs sont tenus de s’informer mutuellement de l’état
d’avancement de leurs travaux respectifs, voire de s’entraider pour assurer la
meilleure exécution au maître de l’ouvrage. De même, chaque coauteur d’une œuvre
de collaboration ne doit pas nuire aux autres, par exemple en ne respectant pas le
délai d’exécution.

Section VI : Les classifications récentes

Les mutations sociales et juridiques ont donné naissance à des classifications


nouvelles. On peut ainsi classer les contrats selon le mode d’extériorisation du
consentement et selon la qualité des parties contractantes.
Au regard du mode d’extériorisation du consentement, on distingue les
contrats traditionnels et les contrats électroniques. Les contrats traditionnels
s’entendent des contrats conclus à distance ou non par échange de paroles, par écrit
sur support papier, par gestes… Les contrats électroniques regroupent les contrats
conclus au moyen d’un équipement électronique à distance. C’est le cas des contrats

25
conclus par le biais de l’internet ou du réseau de la téléphonie mobile. L’intérêt de
cette distinction tient aux règles applicables à l’expression du consentement. Les
contrats traditionnels sont soumis aux conditions classiques de formation du contrat.
Les contrats électroniques sont, au contraire, subordonnés, outre à ces conditions, à
des règles spécifiques pour ce qui est de leur formation. Ainsi, selon la loi n° 045-
2009 du 10 novembre 2009 portant réglementation des services et des transactions
électroniques au Burkina Faso (articles 57 et s.), celui (le prestataire de services) qui
offre de conclure un contrat par voie électronique est soumis à des obligations
d’information et de transparence. Ainsi, lors de la formation du contrat, il doit
fournir certaines informations à son cocontractant, mettre en place un dispositif de
correction des erreurs de la commande, accuser réception de la commande… En
outre, le cocontractant du prestataire de services (le destinataire de service) bénéficie
d’un droit de rétractation.
Au regard de la qualité des parties au contrat, on distingue les contrats
égalitaires et les contrats de consommation. Les premiers sont conclus entre des
personnes d’égale puissance économique. C’est le cas des contrats passés entre
professionnels. Les contrats de consommation sont des contrats passés entre
professionnels et consommateurs. Le consommateur est défini comme « toute personne
physique agissant à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle »26.
L’intérêt de cette classification tient au fait que la loi aménage une protection
particulière pour le consommateur considéré comme la partie faible. La loi 016/2017
du 27 avril 2017 portant organisation de la concurrence au Burkina Faso prévoit dans
ce sens des mesures de protection au profit du consommateur : information du
consommateur (articles 42 et s.), interdiction des clauses abusives (article 54 et s.) et
sécurité du consommateur (articles 60 et s.).
L’éclairage ci-dessus, relatif au fondement et à l’évolution du contrat ainsi
qu’aux principales classifications des contrats, constitue une base pour aborder la
formation puis les effets du contrat.

26 Article 2, 5 de la loi n° 045-2009 du 10 novembre 2009 portant réglementation des services et des
transactions au Burkina Faso.

26
TITRE I : LA FORMATION DU CONTRAT
La formation du contrat est importante puisque de sa régularité dépendent les
effets que celui-ci peut produire. Du reste, la loi sanctionne les irrégularités en la
matière. Il conviendra donc d’étudier les conditions de formation du contrat
(Chapitre I) puis la sanction des conditions de formation du contrat (Chapitre II).

27
CHAPITRE I : LES CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT

L’article 1108 du Code civil énonce que quatre conditions sont nécessaires à la
validité d’une convention :
- Le consentement de la partie qui s’oblige ;
- Sa capacité de contracter ;
- Un objet certain qui soit la matière de l’engagement ;
- Une cause licite dans l’obligation.

Chacun de ses éléments, qualifiés d’essentiels par le Code civil, appelle des
développements plus ou moins importants. Il faut signaler que le droit anglais fait de
la consideration, contrepartie fournie ou promise par un contractant, l’élément
fondamental du contrat et ne se réfère pas à la notion de cause. Les projets
européens d’unification du droit des contrats (projet Gandolfi et projet Lando)
ignorent les notions d’objet et de cause et lui préfèrent celle de contenu du contrat.
Le droit français est désormais en ce sens. L’ordonnance française du 10 février
2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations ne fait plus état de la cause et a remplacé la notion d’objet par celle
de contenu (article 1128). Le projet d’acte uniforme de l’OHADA sur le droit des
contrats (théorie générale du contrat et régime général des obligations) ignore la
notion de cause subjective27.

Il convient d’examiner successivement la capacité (Section I) et le


consentement des parties (Section II), puis l’objet (Section III) et la cause du contrat
ou de l’obligation (Section IV et d’évoquer la forme du contrat (Section V).

Section I : La capacité

Pour contracter valablement, il faut être capable même si l’on contracte par
l’intermédiaire d’autrui par la technique de la représentation. Il sera donc examiné les
règles gouvernant la capacité de contracter de manière directe (§ I), puis celles de la
représentation (§ II).

§ I : La capacité dans les contrats passés de manière directe

Il convient de commencer par apporter un éclairage sur la notion de capacité


(A) avant d’examiner les contrats passés par les incapables (B).

27Pas de cause subjective mais la cause objective est prise en compte à travers la lésion, laquelle
devient une cause générale de nullité des contrats. Il en résulte finalement l’extension de la cause
objective.

28
A- Les notions relatives à la capacité

Il faut distinguer, d’une part entre capacité et pouvoir (1), d’autre part entre les
différentes incapacités (2).
1) La capacité et le pouvoir

La capacité est l’aptitude d’une personne à être titulaire de droits et à les


exercer. Les personnes qui sont dépourvues de cette capacité sont frappées
d’incapacité : ce sont des incapables. D’après l’art. 1123, le principe est la capacité. Il
ne faut pas confondre cette notion avec celle de pouvoir qui répond à la question de
savoir si une personne a la qualité nécessaire pour accomplir tel ou tel acte. En
d’autres termes, le pouvoir permet d’agir (en justice par exemple) au nom et pour le
compte d’une personne morale ou d’une personne physique atteinte d’une incapacité
d’exercice, de diriger ou de gouverner une personne privée ou publique. Le pouvoir
découle de la loi, du contrat ou du jugement. La capacité, aptitude à acquérir et à
exercer un droit, est fonction des capacités intellectuelles d’un individu tandis que le
pouvoir dépend du régime d’un bien (par ex. vente de la chose d’autrui).

2) Les différentes incapacités

Deux distinctions paraissent utiles. Il s’agit d’une part des incapacités de


jouissance et les incapacités d’exercice (a), d’autre part des incapacités absolues et les
incapacités relatives (b).

a) Les incapacités de jouissance et les incapacités d’exercice

L’incapacité de jouissance est celle qui prive l’incapable d’un droit ou qui le
rend absolument incapable pour l’accomplissement d’un acte juridique. Ainsi, les
donations sont interdites au mineur non émancipé.
Quant à l’incapacité d’exercice, c’est l’impossibilité pour une personne
d’accomplir elle-même ou seule certains actes. Par ex., le mineur est frappé d’une
incapacité d’exercice. Celui qui a commis un crime peut être frappé d’une incapacité
de disposer de ses biens.

b) Les incapacités absolues et les incapacités relatives

L’incapacité est absolue lorsque l’incapable ne peut contracter qu’avec certaines


formalités habilitantes (par ex. avec une autorisation), quelle que soit la personne de
son cocontractant. Sont frappées d’une telle incapacité les mineurs, les majeurs sous
tutelle ou sous curatelle et les personnes condamnées à une peine afflictive et
infamante. L’incapacité absolue peut être générale ou spéciale. Elle est générale si
l’incapable ne peut faire aucun acte juridique, sauf ceux prévus par le législateur : ex.

29
le majeur en tutelle. Elle est spéciale lorsque certains actes seulement sont interdits
par le législateur : ex. le majeur en curatelle.
L’incapacité est relative lorsqu’elle empêche une personne qui peut valablement
contracter de le faire avec telle personne déterminée. Par, il est interdit à un époux de
vendre un bien à son conjoint, sauf dans certains cas comme en cas de séparation
judiciaire (art. 1595 C. civ. bf) ; il y a aussi interdiction pour les tuteurs d’acquérir des
biens dont ils ont la tutelle et pour les mandataires d’acheter des biens dont ils sont
chargés de la vente… (art. 1596 C. civ. bf). De surcroît, il y a également des
incapacités qui interdisent à certaines personnes d’accomplir certains actes dans
certains lieux : ainsi, les juges, les greffiers, les huissiers, les avocats, les notaires ne
peuvent devenir cessionnaires de procès, droits et actions litigieux qui sont de la
compétence du tribunal dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions, à peine de
nullité, et des dépens, dommages et intérêts (art. 1597 C. civ. bf).

B- Les contrats passés par les incapables

Plusieurs hypothèses doivent être envisagées : le cas des mineurs (1) et celui
des majeurs incapables (2).

1) Les contrats passés par les mineurs non émancipés

Le législateur burkinabè, dans le Code des personnes et de la famille (art. 554),


a fixé la majorité à 20 ans mais en matière électorale elle est fixée à 18 ans. Tant
qu’un individu n’a pas atteint cet âge de 20 ans, il est frappé d’incapacité. Il convient
de bien délimiter le domaine d’une telle incapacité (a) et d’examiner les sanctions
applicables en cas d’actes irréguliers (b).

a) Le domaine de l’incapacité du mineur

L’incapacité du mineur est la règle. Le mineur est frappé d’une incapacité


naturelle mais son représentant (père et mère ou tuteur) peut agir pour lui. Dans
certains cas, le mineur peut être assisté de son représentant (autorisation requise pour
le cas du contrat de travail conclu par un mineur).
Ce principe comporte des exceptions. D’abord, lorsque le mineur a la faculté
de discernement, il peut accomplir seul certains actes. Ensuite, en ce qui concerne les
droits extrapatrimoniaux, il est inconcevable qu’une personne autre que le mineur
puisse les poser. Enfin, s’agissant des droits patrimoniaux, les mineurs peuvent
accomplir les actes relatifs à l’exercice de sa profession, les actes conservatoires, les
actes autorisés par l’usage ou adhérer à un syndicat professionnel à partir d’un certain
âge…

30
b) Les sanctions des actes irréguliers

Il y a deux sortes de sanctions possibles. D’une part, les actes qui requièrent
une formalité ou l’assistance de certaines personnes sont frappés de nullité si les
habilitations exigées par la loi n’ont pas été obtenues. D’autre part, les actes qui
devaient être accomplis par le représentant du mineur sont rescindables pour cause
de lésion lorsqu’ils ont été faits par le mineur seul. Cette règle est cependant écartée
en cas de paiement. En effet, selon l’article 1241 du Code civil burkinabè, « le
payement fait au créancier n’est point valable s’il était incapable de le recevoir, à
moins que le débiteur ne prouve que la chose payée a tourné au profit du créancier ».

2) Les majeurs incapables de contracter

Lorsqu’un mineur est émancipé par le mariage, il devient capable, sauf


quelques exceptions pour certains actes. Quant aux majeurs, le principe est la
capacité. Mais la loi a voulu protéger certains majeurs dont les capacités
intellectuelles, psychiques ou physiques sont déficientes. Pour ce faire, elle a organisé
une protection qui peut être continue (b) ou occasionnelle (a).

a) La protection occasionnelle

C’est l’hypothèse la plus répandue. Pour faire valablement un acte juridique, il


faut être sain d’esprit. Ainsi, celui qui a agi sous le coup d’un trouble mental ne
consent pas valablement. Mais qu’est-ce qu’un trouble mental ? Il s’agit de toute
aliénation mentale quelle que soit son origine : il en est ainsi de l’ivresse, de la
toxicomanie, de la vieillesse, ou de l’agonie, à condition que les facultés intellectuelles
soient altérées. En revanche ne peuvent être retenues la dépression nerveuse, la
jalousie, les crises de colère…
Il appartient à la victime du trouble de prouver l’existence de celui-ci. Cette
preuve est cependant difficile à établir puisque le majeur n’a aucune protection. Le
régime d’une telle preuve est fixé à l’article 629, alinéas 2 et 3, du CPF. Cet article
distingue suivant que la nullité est demandée du vivant de la victime du trouble
mental ou après son décès. Du vivant de la victime du trouble mental, la preuve du
trouble mental au moment précis de la conclusion du contrat doit être apportée par
la victime du trouble mental. Cette preuve pourra être apportée par tous moyens,
notamment par témoignages ou par présomptions.
Après le décès de la victime du trouble mental, l’acte ne pourra être attaqué
pour cause d’insanité d’esprit que dans les cas suivants :
- l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental ;
- l’acte a été fait dans un temps où la personne était sous la protection de
la justice ;
- une action avait été introduite avant le décès aux fins de faire ouvrir la
tutelle ou la curatelle.

31
Cette restriction se justifie. Il n’est pas rare, en effet, que des héritiers
prétendent que la victime avait des troubles mentaux lorsque celle-ci passait les
contrats, l’objectif étant de remettre en cause les actes du prédécédé qui leur sont
préjudiciables. Ouvrir l’action en nullité sans limite serait donc conféré une prime à la
mauvaise foi et créé une insécurité juridique.

b) La protection continue

Lorsque les facultés intellectuelles d’un majeur sont altérées durablement, une
mesure de protection peut être prise à son égard. Trois régimes de protection sont
prévus suivant la gravité de l’altération : la tutelle (b1), la curatelle (b2) et la
protection de justice (b3).

b1) Le majeur sous tutelle

Ce régime concerne les majeurs dont les facultés mentales et/ou corporelles
sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge et qui
empêchent la libre expression de leur volonté et que ceux-ci ont besoin d’être
représentés d’une manière permanente dans les actes de la vie civile (CPF, art. 552 et
641). Ces individus seuls ne peuvent en principe accomplir aucun acte juridique, sauf
les cas dans lesquels la loi ou les usages les autorisent à agir eux-mêmes. En effet, le
tuteur ou son représentant représente le majeur en tutelle dans tous les actes civils.
Les actes autres que ceux exceptionnellement autorisés que le majeur sous tutelle
aurait passés sont nuls de droit. Cela signifie que le juge doit prononcer la nullité si
l’acte est postérieur à la décision d’ouverture de la tutelle (CPF, art. 655). Toutefois,
la décision ne sera opposable aux tiers que deux mois après que mention aura été
portée sur le registre spécial des personnes sous tutelle, curatelle et protection de
justice (CPF, art. 671). Si l’acte accompli l’a été pendant un moment de lucidité, il est
néanmoins nul en raison de l’ouverture de la tutelle. Si l’acte a été passé avant
l’ouverture de la tutelle, il peut être annulé si la preuve est faite que la cause qui a
déterminé l’ouverture de la tutelle existait notoirement à l’époque où l’acte a été fait.
En pratique, il suffira de prouver que l’insanité existait à une époque antérieure au
prononcé de la tutelle.

b2) Le majeur sous curatelle

Les articles 660 à 668 du CPF prévoient ce régime pour les personnes dont les
facultés mentales sont diminuées mais de façon moins grave que pour les personnes
dont l’état justifierait l’ouverture de la tutelle ainsi que pour les personnes qui, par
leur prodigalité, leur intempérance ou leur oisiveté s’exposent à tomber dans le
besoin ou à compromettre l’exécution de leurs obligations familiales. A la différence
de la tutelle, la curatelle est un régime d’assistance et non de représentation. Le
majeur ne peut valablement agir qu’avec l’autorisation du curateur pour les actes

32
énumérés par la loi. Les autres actes peuvent être accomplis par le majeur seul 28. Les
actes irrégulièrement accomplis par le majeur sous curatelle sont sanctionnés de la
manière suivante :
- Les actes qui doivent être faits avec l’autorisation du curateur sont nuls si
cette autorisation fait défaut ;
- Les actes que le majeur sous curatelle peut faire seul ne peuvent être attaqués
que pour deux raisons : 1°- ils pourront être rescindés pour simple lésion ou réduits
en cas d’excès ; à cet égard, les tribunaux prendront en compte la fortune de la
personne protégée, la bonne ou la mauvaise foi de son cocontractant, l’utilité ou
l’inutilité de l’opération ; 2°- pour insanité d’esprit à condition de remplir les
conditions de l’art. 629 du CPF.

b3) Le majeur sous la protection de la justice

Ce régime est une innovation de la loi française du 3 janvier 1968, portant


réforme du droit des incapables majeurs, reprise par le CPF dans ses art. 632 à 640. Il
est destiné à mettre sous protection de justice des majeurs dont les facultés
intellectuelles sont moins altérées que les majeurs sous tutelle ou sous curatelle et qui
n’appellent pas un régime d’assistance ou de représentation. La décision de mise sous
protection a un « caractère provisoire d’une durée de deux mois et peut être
renouvelée par six mois » (art. 635, al. 2).
La personne protégée peut continuer à passer des actes juridiques. Cependant,
les actes qu’elle passe peuvent être rescindés pour lésion ou réduits en cas d’excès
alors même qu’ils ne pourraient être annulés en vertu de l’art. 629 du CPF. En outre,
l’action en nullité pour trouble mental intentée pour une personne placée sous la
protection de la justice sera facilitée, qu’elle soit introduite de son vivant ou après son
décès car dans ce dernier cas, on n’exigera pas une preuve intrinsèque concernant le
moment précis de l’acte.

Tableau comparatif des trois régimes de protection

Régime de Gravité de Régime juridique de Durée du régime


protection l’altération la passation des
physique ou actes juridiques
mentale
Tutelle Très grande Représentation Permanente jusqu’à
décision de
mainlevée (art. 659)
Curatelle Moyenne Assistance Permanente jusqu’à

28 « Toutefois, en ouvrant la curatelle ou dans un jugement postérieur, le juge, sur l’avis de toute
personne qualifiée, peut énumérer des actes que le majeur en curatelle aura la capacité de faire seul par
dérogation à l’article 663 ou, à l’inverse, ajouter d’autres actes à ceux pour lesquels cette disposition
exige l’assistance du curateur » (art. 666).

33
décision de
mainlevée (art. 661)
Protection de Légère Surveillance Courte : 2 mois
justice renouvelables par 6
mois (635, al. 2)

§ II : La représentation

La représentation est une technique juridique par laquelle une personne


appelée le représentant agit au nom et pour le compte d’une autre personne appelée
le représenté. Il convient d’aborder les conditions (A) puis les effets de la
représentation (B).
A- Les conditions de la représentation

Au titre des conditions, il faut un pouvoir (1) et une volonté de représentation (2).

1) La nécessité d’un pouvoir

La personne qui agit pour autrui doit avoir reçu le pouvoir pour ce faire. A cet
égard, on note trois sources de la représentation : la représentation conventionnelle
(a), la représentation judiciaire (b) et la représentation légale (c).

a) La représentation conventionnelle

La représentation peut résulter d’un contrat passé entre le représentant et le


représenté, en l’occurrence le contrat de mandat. Le représentant est appelé
mandataire et le représenté mandant. En principe, une personne peut toujours
convenir avec une autre que celle-ci la représentera. Par exception, il y a certaines
matières où la représentation n’est pas permise, comme pour le mariage à l’état civil
(art. 275 du CPF), la comparution en justice… D’autres fois, elle est soumise à
certaines formes. Ainsi, le contrat de mandat doit être fait dans les mêmes formes
que l’acte qu’il autorise à passer en vertu du parallélisme des formes. Dans ce cas, le
mandat doit alors être spécial. On admet en principe que si le mandat est rédigé en
termes généraux, il ne vise que les actes d’administration. Lorsqu’il s’agit de donner
mandat d’accomplir un acte de disposition, il faut conclure un mandat spécial.

b) La représentation judiciaire

Dans certaines hypothèses, c’est le tribunal qui confère le pouvoir de


représentation. Il en est ainsi dans l’article 302 du CPF. Selon cette disposition, « si
l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre époux peut se faire habiliter en
justice à le représenter d’une manière générale ou pour certains actes particuliers dans l’exercice des

34
pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant
fixées par le juge ».
c) La représentation légale

A ce titre, l’on relève, par exemple, que la loi investit le père et la mère des
pouvoirs d’administrateur légal des biens de leurs enfants mineurs (CPF, art. 539 et
s.). La représentation des mineurs, qui n’ont ni père ni mère ou lorsque ceux-ci sont
déchus de l’autorité parentale, et celle des majeurs sous tutelle est assurée par leurs
tuteurs.
Le pouvoir de représentation est nécessaire mais insuffisant : il faut en plus une
volonté de représentation.

2) La nécessité d’une volonté de représentation

Pour qu’il y ait représentation, il faut que le représentant agisse dans l’intention
de représenter et que le tiers avec qui il contracte sache qu’il traite avec un
représentant. Ainsi, le salarié n’est pas le représentant de son employeur. La volonté
de représentation non seulement doit exister mais en plus elle doit être exempte de
vices (erreur, dol, violence). En revanche, il n’est pas nécessaire que la volonté émane
d’une personne ayant la capacité d’exercice. C’est ainsi qu’un mineur ne peut pas agir
seul pour son compte mais il pourra agir en tant que mandataire si le mandat lui a été
conféré régulièrement parce que les effets du mandat se produisent dans la personne
du représenté et non dans celle du représentant (le mineur).

B- Les effets de la représentation

Les effets de la représentation peuvent être traités en deux propositions : le


représenté est seul partie au contrat (1) ; cependant, des liens de droit unissent le
représentant (ou mandataire) et le représenté (ou mandant) (2).

1) Le représenté est seul partie au contrat

Le représentant ne fait que transmettre la volonté du représenté. De là


découlent les deux propositions ci-après. Le représenté est seul engagé par le contrat
conclu par le représentant. C’est en la personne du représenté que vont se produire
tous les effets du contrat. Le représenté est donc le débiteur, sauf si le représentant
dépasse les pouvoirs qui lui ont été conférés. Le représentant n’est pas engagé par le
contrat qu’il a passé au nom du représenté. Le principe est, en effet, que le
représentant n’est ni créancier ni débiteur du tiers, sauf si le représentant s’est engagé
aux côtés du représenté (il s’est porté caution) ou si les agissements du représentant
ont été fautifs, par exemple, s’il a dépassé ses pouvoirs. Dans ce dernier cas, il pourra
engager sa responsabilité personnelle à l’égard du tiers qui aurait de ce fait subi un
préjudice.

35
2) Des liens de droit unissent le représentant et le représenté

Le représentant doit rendre compte au représenté. Ce dernier dispose d’une


action pour le contraindre à opérer la reddition des comptes. En outre, le
représentant est tenu d’une obligation de loyauté envers le représenté parce qu’il
contracte dans l’intérêt de ce dernier. Ce sont les parties elles-mêmes ou leurs
représentants possédant les pouvoirs requis qui vont former le contrat. Elles le feront
en exprimant leur volonté, leur consentement, lequel est indispensable à la formation
du contrat.

Section II : Le consentement

Pour qu’un contrat soit valablement conclu, il faut le consentement des deux
parties ou leur accord de volonté, lequel doit s’exprimer par l’échange des
consentements. Il convient d’examiner la nécessité d’un consentement (Sous-section
I) et l’échange des consentements (Sous-section II). La conclusion du contrat peut
être précédée de négociations précontractuelles, si bien qu’il peut être formé par
étapes (punctation). Ainsi, un avant-contrat peut être conclu (pacte de préférence,
promesse unilatérale, promesse synallagmatique). Un examen préalable, même
succinct, de la période précontractuelle semble donc utile (Section préliminaire).

Sous-section préliminaire : La période précontractuelle

La période précontractuelle comprend la négociation, l’offre et l’acceptation


qui sont abordées plus loin ainsi que les avant-contrats, questions qui étaient ignorées
du Code civil rendu applicable pendant la période coloniale. Ces questions sont
abordées sous l’angle de l’évolution de la jurisprudence et des projets de réforme du
droit des contrats.
§ I : La négociation

En droit commun, deux principes guident la négociation : la liberté


contractuelle et la bonne foi. Ainsi, chaque partie, n’étant pas tenu de conclure le
contrat, est libre de rompre la négociation (liberté contractuelle). Toutefois, il est
tenu à une obligation de loyauté de sorte que la rupture fautive des négociations
engage sa responsabilité délictuelle (application du principe de bonne foi). L’article
249 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG) consacre cette
solution. Selon cette disposition, « Les parties sont libres de négocier et ne peuvent être tenues
pour responsables si elles ne parviennent pas à un accord.
Toutefois, la partie qui conduit ou rompt une négociation de mauvaise foi est responsable du
préjudice qu’elle cause à l’autre partie.

36
Est, notamment, de mauvaise foi la partie qui entame ou poursuit des négociations sans
intention de parvenir à un accord. »
En droit français, le nouvel article 1112 du Code civil prévoit une solution
analogue. Il dispose que « L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations
précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ».
Dans les projets de réforme ou les réformes du droit des contrats, on note
l’existence de dispositions qui apportent des précisions sur la confidentialité qui doit
être observée29, l’engagement à négocier, les clauses-types, les dispositions établies à
l’avance par l’une ou l’autre des parties pour un usage général et répété, le régime des
accords destinés à aménager le déroulement ou la rupture des pourparlers.

§ II : Les avant-contrats

Au titre des avant-contrats, il y a lieu de retenir principalement les promesses


de contrat et le pacte de préférence.

A) Les promesses de contrat

Les promesses de contrat sont destinées à préparer la conclusion d’un contrat


définitif. Elles peuvent être unilatérales ou synallagmatiques.
La promesse unilatérale de contrat est définie comme la convention par
laquelle une partie (le promettant) promet à une autre (le bénéficiaire de la promesse),
qui en accepte le principe, de lui donner l’exclusivité pour la conclusion d’un contrat
dont les éléments essentiels sont déterminés, mais pour la formation duquel fait
seulement défaut le consentement du bénéficiaire. Du point de vue de ses conditions
de validité, la promesse doit préciser les éléments essentiels du contrat projeté ; elle
requiert également que le promettant donne son consentement définitif à la
conclusion du futur contrat. Enfin, il convient de noter la promesse comporte un
délai exprès ou implicite dans lequel le bénéficiaire est tenu d’opter pour la
conclusion ou non du contrat. Quant aux effets, il y a de distinguer deux périodes :
avant la levée de l’option et le moment de l’exercice de l’option. Avant la levée de
l’option, seul le promettant est engagé : il s’interdit de conclure un contrat avec un
tiers. Le bénéficiaire, disposant d’une option, est libre de conclure ou non. A la levée
de l’option, si le bénéficiaire décide de ne pas conclure le contrat, le promettant est
libéré et la promesse devient caduque. Si, en revanche, il décide de lever l’option, le
contrat projeté sera conclu aux conditions indiquées dans la promesse et au jour de la
levée de l’option. Il convient de retenir que l’exercice de l’option doit intervenir dans
le délai imparti, sans quoi le promettant est libéré.
Qu’en est-il lorsque le promettant a conclu un contrat avec un tiers en violation
de son engagement ? La solution traditionnelle est l’obligation du promettant est une

29 Ainsi, en droit français, l’article 1112-2. nouveau du code civil prévoit que : « Celui qui utilise ou
divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage
sa responsabilité dans les conditions du droit commun ».

37
obligation de faire qui se résout en dommages et intérêts, de sorte que le contrat
conclu avec le tiers est valable, le promettant n’engageant que sa responsabilité
contractuelle. En France, la solution a évolué depuis la réforme du droit des contrats
du 10 février 2016. Selon le code civil réformé, la violation de la promesse n’empêche
pas la formation du contrat projeté et entraîne la nullité du contrat conclu avec le
tiers (article 1124 Code civil).
La promesse synallagmatique, appelée également promesse bilatérale est la
convention dans laquelle les deux parties s’engagent à conclure le contrat principal.
Comme la promesse unilatérale, elle doit contenir les éléments essentiels du contrat
projeté. La seule différence est qu’elle implique que les deux parties donnent leur
consentement définitif au contrat projeté. Il se pose alors la question de savoir si la
promesse synallagmatique est différente du contrat principal. Pour répondre à cette
question, une distinction doit être faire suivant que le contrat projeté est consensuel
ou solennel. Si le contrat définitif est consensuel, il n’y pas de différence. C’est ce que
le Code civil burkinabè en matière de vente : « la promesse de vente vaut vente
lorsqu’il y a le consentement réciproque des deux parties sur la chose et le prix »
(article 1589 code civil). Si le contrat est solennel, c’est-à-dire si sa formation est
subordonnée à des formalités, la promesse est différente du contrat principal : par
exemple, les parties s’engagent dans la promesse de prêt à signer un acte notarié pour
la conclusion du contrat principal.
Quant au pacte de préférence pour un contrat futur, c’est la convention par
laquelle celui qui reste libre de le conclure s’engage, pour le cas où il s’y déciderait, à
offrir par priorité au bénéficiaire du pacte de traiter avec lui. Dans les deux cas, le
contrat conclu avec un tiers est inopposable au bénéficiaire du pacte de préférence
ou de la promesse, sous réserve des règles assurant la protection des tiers de bonne
foi. Il y a aussi la promesse synallagmatique dont l’utilité paraît limitée : en effet, le
Code civil en vigueur décide que la promesse synallagmatique de vente vaut vente.

Sous-section I : La nécessité d’un consentement

Celui qui veut passer un acte juridique doit émettre un consentement dénué de
tout vice (§ 1) et ce consentement doit être extériorisé (§ 2).

§ I : L’intégrité du consentement

Aux termes de l’art. 1109 du Code civil burkinabè, « il n’y a point de


consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été
extorqué par violence ou surpris par dol ». Il en résulte qu’il y a des vices de
consentement qui sont des faits de nature à entraîner l’altération du consentement et,
par voie de conséquence, la nullité de l’acte juridique. Ces vices, qu’il faut expliciter,
sont l’erreur, le dol et la violence.

38
A- L’erreur

L’erreur est une appréciation inexacte portant sur l’existence ou les qualités
d’un fait ou d’une chose ou sur l’existence ou l’interprétation d’une règle de droit. Il
faut déterminer les différents types d’erreur (1), avant d’examiner les conditions à
réunir pour obtenir la nullité du contrat par pour erreur (2).

1) Les différents types d’erreur

Selon l’article 1110 du Code civil, « l’erreur n’est une cause de nullité de la convention
que lorsqu’elle tombe sur la substance de la chose qui en est l’objet.
Elle n’est point une cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on
a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale
de la convention ».
Il résulte de cette disposition qu’il y a des erreurs cause de nullité (b) et des
erreurs indifférentes (c). Il existe cependant d’autres cas d’erreur qualifiés d’erreurs-
obstacles dont l’admission suscite des questions (a).

a) Les cas d’erreur-obstacle

L’erreur-obstacle est une erreur qui a empêché la rencontre des volontés et


dont l’effet serait d’entraîner la nullité absolue du contrat ou même de le rendre
inexistant. Il manque dans ce cas une condition essentielle à la formation du contrat,
qui est l’intention commune. A titre d’exemples, les erreurs dites obstacles sont :
- l’erreur sur la nature même du contrat : l’un croit acheter une maison et
l’autre pense seulement la donner en location ;
- l’erreur sur l’objet du contrat : l’un croit acheter une maison et l’autre
vendre des parts d’une société immobilière ; ou l’erreur sur l’unité de compte (l’un
parle en anciens francs et l’autre en nouveaux francs) ; ou un malentendu sur le prix :
pour l’un, il s’agit de 15 000 F CFA et pour l’autre de 150 000 F CFA ;
- l’erreur sur la cause : par exemple, une vieille dame fait donation de sa
fortune à une œuvre de charité croyant que son fils est décédé pendant la guerre ; ce
dernier revient et la question se pose de la nullité de cette donation.
La thèse de l’erreur-obstacle s’appuie sur l’article 1110 qui ne fait état que de
l’erreur sur la substance et de l’erreur sur la personne alors que l’erreur sur la nature
et celle sur l’objet sont plus graves et ne sont pas visés.
Pour de nombreux auteurs, ces erreurs-obstacles se ramènent à des erreurs sur
l’objet des obligations, c’est-à-dire sur la substance et ne se distingueraient pas de
l’erreur vice de consentement. En effet, l’article 1109 ne vise que l’erreur de façon
générale. Non sans avoir hésité, la jurisprudence s’est prononcée en faveur de la
nullité absolue. Il a même été décidé que le caractère inexcusable de l’erreur ne faisait
pas obstacle à l’annulation de l’acte. Avec l’évolution, la jurisprudence affirme

39
actuellement que l’erreur n’est une cause de nullité que dans la mesure où elle est
excusable30, ce qui va en l’encontre de l’admission de l’erreur-obstacle.

b) Les cas d’erreur cause de nullité

Certains ont été prévus par le Code civil (b1), d’autres par la jurisprudence (b2).

b1) Les cas de nullité prévus par le Code civil

Il y a un principe et deux exceptions. Le principe est que l’erreur n’est pas une
cause de nullité du contrat. Les exceptions tiennent en ce que l’erreur sur la substance
et l’erreur sur la personne entraînent la nullité du contrat.

- L’erreur sur la substance


Deux conceptions sont possibles : une objective et une subjective.
Dans une conception objective stricte, qui correspond à la tradition romaine, le
mot substance est pris dans son sens physique, dans sa matière. L’erreur sur la
substance est celle qui porte sur la matière dont la chose est faite : bois, fer, or,
diamant, bronze, soie, lin… Par exemple, j’achète un objet que je crois en or, il est en
airain ou en bronze, la vente sera nulle. La validité du contrat dépend ainsi de la
nature matérielle de l’objet31. Dans une telle conception, le critère est précis et étroit
et les hypothèses dans lesquelles l’erreur pourra être prononcée sont rares. Mais cette
condition risque de causer des injustices : si l’objet est en partie en or et en partie en
airain, le contrat ne peut être annulé car l’objet est en or, même si c’est seulement en
partie. De même, que décider lorsque l’objet du contrat n’est pas matériel, mais porte
sur un service ?
Dans la conception subjective, on doit prendre en considération l’élément
déterminant du consentement des parties. Il faudra alors admettre la nullité lorsque
l’erreur aura déterminé le contractant à passer l’acte. L’exemple donné par Pothier est
éclairant : je veux acheter un chandelier en argent, ceux que l’on me vend sont en
cuivre argent, il y a erreur sur la substance. Dans cette seconde conception, il faut
entendre par substance « la qualité de la chose que les contractants ont
principalement en vue ». La qualité substantielle d’une chose n’est plus celle qui
détermine objectivement sa nature spécifique, toujours la même quels que soient les
contractants. C’est la qualité que les contractants ont eue principalement en vue. La
nullité sera alors admise dans des cas où le critère objectif ne le permettait pas.

Le droit positif a consacré avec des distinctions le système subjectif.


C’est ainsi qu’il est de jurisprudence constante que l’erreur sur la substance s’entend
non seulement de celle qui porte sur la matière même dont la chose est composée

30 Soc., 3 juin 1990, Dalloz 1991, 507, note Mouly.


31 A. Weill, F. Terré, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 4 e éd., 1986, n° 166.

40
mais aussi, plus généralement, de celle qui a trait aux qualités substantielles
(authenticité, origine, utilisation…) en considération desquelles les parties ont
contracté.
La jurisprudence française a procédé aux distinctions et aux précisions
suivantes :
- Si le cocontractant de la victime de l’erreur a ignoré la qualité pour laquelle
l’acquéreur voulait acquérir la chose, la nullité n’est pas prononcée. La Cour de
cassation française, dans le cas de cautions, soutient, plus ou moins explicitement,
que l’erreur commise par les cautions sur la solvabilité du débiteur principal n’est pas
prise en compte lorsqu’elle n’est pas entrée dans le champ contractuel, aucune
demande n’ayant été faite à la banque à ce sujet32.
- L’erreur porte sur la prestation du cocontractant mais elle peut porter sur
celle de la victime de l’erreur.
- Le caractère d’authenticité d’une œuvre d’art est généralement déterminant
pour le consentement de l’acquéreur. La Cour de cassation française a estimé dans
une espèce qu’il y avait erreur substantielle si l’acquéreur a pensé acquérir une bergère
(des bergères Louis XV, large fauteuil à joues pleines, dossier rembourré et coussin
sur le siège) alors qu’il s’agissait d’une marquise (fauteuil à siège large, profond et à
dossier bas, bergère à deux places, sorte de canapé). Pour elle, en relevant toute
l’importance donnée par l’acheteur aux preuves d’authenticité qu’il avait exigées lors
de l’achat d’une statue chinoise présentée comme datant de l’époque Tang, les juges
du fond ont ainsi constaté qu’étaient substantielles non seulement l’authenticité de
l’objet, mais encore la possibilité de l’établir avec certitude ; à défaut de conclusion
certaine sur cette authenticité, la vente est à bon droit annulée33.
- L’erreur sur la date de sortie d’un véhicule est une erreur substantielle.
- L’erreur sur le montant des loyers est aussi une erreur substantielle.
- L’erreur de droit est admise : Par exemple, je contracte en pensant que le
contrat produit tel ou tel effet. Il est vrai que nul n’est censé ignorer la loi. Mais cet
argument ne peut être opposé en l’espèce car il s’agit d’un non-spécialiste du droit
qui s’attend à l’application de la loi. C’est pourquoi la jurisprudence admet l’erreur de
droit. Elle a ainsi reconnu l’erreur de droit dans les cas suivants : celui de l’héritier qui
avait cédé à vil prix ses droits successoraux parce qu’il s’est trompé sur l’étendue des
droits héréditaires que la loi lui attribue34 ; la vente à vil prix d’une récolte de vin dont
le vendeur a crû, par erreur, que le prix était taxé par la loi 35 ; celui des cautions
illettrées : les cautions intéressées, habitant un district rural, étaient illettrées et le
contrat ne leur avait pas été lu avant sa signature ; l’emprunteuse, par crainte de les
voir refuser de signer, ne leur avait pas dit exactement la vérité ; le représentant de la
caisse s’était borné à présenter aux cautions les actes à signer ; l’arrêt de la cour

32 1ère Civ., 19 mars 1985, JCP G, 1986, II, 20659, note P. Lebouteiller.
33 Civ. 1ère, 26 février 1980, Bull. civ. I, n° 66.
34 C. Cass. Civ. 17 nov. 1930, D. 1932.I.161, note J.-Ch. Laurent.
35 Montpellier, 23 octobre 1951, Dalloz 1952, 15.

41
d’appel estime à juste titre que les cautions avaient donné leur consentement en
pensant simplement faciliter l’obtention du prêt sans engager leur patrimoine36.

- L’erreur sur la personne

L’erreur sur la personne (identité civile, qualités essentielles du cocontractant,


situation de famille, sérieux professionnel, solvabilité) n’est admise
qu’exceptionnellement selon les termes mêmes de l’article 1110 et cela se comprend
aisément : en général, quand on contracte, on recherche tel ou tel objet sans que la
personne du cocontractant soit déterminante. Toutefois, si le contrat a été conclu
intuitu personae, c’est-à-dire en considération de la personne, comme en matière de
donation, de mandat, de cautionnement, de société de personnes, il est normal que
l’erreur sur la personne entraîne la nullité du contrat. Ainsi, l’ignorance par l’une des
parties d’une circonstance de nature à porter atteinte à l’indépendance d’esprit d’un
arbitre vicie le consentement donné par elle à la convention d’arbitrage et en entraîne
la nullité37. Tel n’est pas le cas si l’erreur n’a joué aucun rôle38.

b2) Les cas de nullité pour erreur prévus par la jurisprudence

La jurisprudence a donné un élargissement au terme substance. Au titre de


l’erreur sur la substance, elle admet l’erreur sur la nature du contrat, l’erreur sur
l’objet de la prestation (une personne cède ses droits d’usufruit dans une succession
alors qu’elle en a la pleine propriété), l’erreur sur la cause de l’obligation si elle a
déterminé le contrat.
c) Les erreurs indifférentes

Les erreurs indifférentes sont celles qui n’entraînent pas l’annulation du


contrat. Il en est ainsi de :
- l’erreur qui n’a pas été déterminante dans le contrat ;
- l’erreur sur les motifs (par exemple l’achat d’un bien dans un but de
défiscalisation que l’acheteur finalement ne peut pas réaliser) 39 ; en général, les motifs
sont ignorés de l’autre partie ; mais il en est autrement si le cocontractant avait été
informé des véritables motifs de l’acte et s’il avait accepté de conclure l’acte car alors
les motifs sont entrés dans le champ contractuel ;

36 Cass. Civ. 1ère, 25 mai 1964, Dalloz 1964, p. 626.


37 Civ. 2e, 13 avril 1972, Dalloz 1973, 2, note J. Robert.
38 Req., 17 janvier 1911, S. 1912, 1, 518. Dans cette affaire, un manœuvre était parvenu à se faire

embaucher sur un chantier de réfection de voie ferrée, en se présentant, pièces à l’appui, à son
employeur sous l’identité d’une autre personne. Réalisant par la suite l’usurpation d’identité,
l’employeur demanda l’annulation du contrat pour erreur sur l’identité du manœuvre. La Cour de
cassation rejeta le pourvoi au motif que s’il y a sans doute erreur, celle-ci « … n’a pas été le motif
principal et déterminant de la convention ». Ce cas est d’ailleurs plus proche du dol que de l’erreur.
39 Civ. 1ère, 13 février 2001, JCP 2001, I, 330, n° 5, obs. Rochefeld ; RTDCiv. 2001, 352, obs. J. Mestre

et B. Fages.

42
- l’erreur sur la valeur de la prestation : la jurisprudence, en raison de
l’article 1118, décide que l’erreur sur la valeur de la prestation n’entraîne pas la nullité
du contrat ; en effet, « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou
à l’égard de certaines personnes ». Le principe est que s’il y a un déséquilibre, celui-ci
n’entraîne pas la nullité, sauf dans les cas prévus par la législation. Mais lorsque le
déséquilibre est la conséquence d’une erreur sur la substance, il sera indirectement
pris en compte. En outre, l’erreur sur la valeur est prise en compte toutes les fois
qu’elle est la conséquence d’une violence. De toute façon, le juge annulera plus
facilement le contrat fait par dol ou par violence que par erreur.

Mais quelles sont les conditions de la nullité pour erreur ?

2) Les conditions de la nullité

Pour entrainer la nullité du contrat, l’erreur doit être commune et excusable (a).
Encore faut-il qu’elle soit prouvée (b).

a) L’erreur commune et l’erreur excusable

Le problème que suscite l’erreur commune est le suivant : faut-il pour retenir
l’erreur constater qu’elle a été commune aux deux parties ou suffit-il de l’erreur de
l’une des parties ? Si les deux parties ont commis une erreur, elles pourront l’une et
l’autre demander l’annulation du contrat. Mais il est certain que cette double erreur
n’est pas nécessaire pour justifier l’annulation du contrat, puisque les textes exigent
seulement l’erreur de la partie qui s’oblige. Il en résulte que la véritable difficulté de
l’erreur commune est celle de savoir si l’on doit subordonner l’annulation du contrat
pour erreur d’une partie à la connaissance de cette erreur par l’autre partie.
Autrement dit, l’erreur commise par l’une des parties mais ignorée de l’autre peut-elle
justifier l’annulation du contrat ? En principe, il faudrait l’admettre car la volonté du
cocontractant a été altérée. Toutefois, les tribunaux français exigent souvent que
l’erreur soit connue de l’autre partie contractante en vue de garantir la stabilité des
conventions et la sécurité de celles-ci. Cette exigence est aujourd’hui consacrée en
France par le nouvel article 1133 du Code civil qui dispose que : « Les qualités
essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en
considération desquelles les parties ont contracté ». Cependant, l’ignorance de l’erreur peut
faire douter de l’existence de celle-ci. En effet, on peut penser que celui qui n’a pas
fait connaître à son cocontractant l’élément déterminant de son consentement a
commis une faute et la meilleure sanction dans ce cas est de refuser l’action en nullité
de celui qui a commis l’erreur.

Quant au caractère excusable de l’erreur, il implique que celle-ci ne doit pas


résulter d’une légèreté ou d’une négligence excessive. Une telle légèreté ou négligence
rend l’erreur inexcusable. La jurisprudence n’admet pas la nullité lorsque celle-ci a

43
été inexcusable. Il en est ainsi lorsque l’erreur aurait pu être évitée en se renseignant.
La jurisprudence a eu maintes fois l’occasion d’appliquer l’erreur inexcusable, surtout
lorsque le cocontractant est un professionnel. C’est ainsi que la Cour de cassation
française a refusé d’annuler la vente d’un terrain qui était inapte à la construction
parce que l’acheteur était un professionnel, en l’espèce un architecte. Elle a de même
refusé d’annuler un contrat d’assurance pour une personne qui était déjà assurée.

b) La preuve de l’erreur

Conformément au principe de l’article 1315 du Code civil burkinabè, la charge


de la preuve pèse sur le demandeur. C’est donc à celui qui conteste la validité du
contrat de rapporter la preuve de l’erreur. Tous les moyens de preuve sont
recevables, l’erreur étant un fait juridique. Cependant, lorsque l’on veut prouver une
erreur sur la nature même de l’acte, il faudra le faire par écrit. De manière générale, il
ne sera pas aisé de faire la preuve de l’erreur car il s’agit de la preuve d’un fait
psychologique qu’il faut établir par des indices. Il faut prouver le rôle des faits. Les
tribunaux apprécieront en fonction de la situation des parties.
L’erreur est un vice de consentement important. Il en est de même du dol.

B- Le dol

Le dol est une manœuvre frauduleuse ayant pour objet de tromper l’une des
parties à un acte juridique en vue d’obtenir son consentement. Selon l’article 1116,
« le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des
parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il
ne se présume pas et doit être prouvé ». Le dol est une erreur provoquée. Il n’est donc pas à
proprement parler un vice de consentement. C’est une faute qui a pour conséquence
de provoquer l’erreur de l’autre partie. Ce qui est un vice de consentement, c’est
l’erreur provoquée par le dol40. Pour comprendre le régime du dol, il conviendra de
préciser la notion (1), avant d’examiner les conditions de l’annulation du contrat pour
dol (2).

1) La notion

Selon l’art. 1116, le dol est constitué de manœuvres, c’est-à-dire de toute espèce
d’artifice destinée à convaincre le cocontractant à passer l’acte. Le simple mensonge
peut, selon la jurisprudence, constituer le dol s’il a déterminé la victime à contracter,
sauf le dol émanant d’un incapable, notamment lorsque celui-ci déclare sa capacité.
Pour la Cour d’appel de Colmar (France), tous les agissements malhonnêtes tendant à
surprendre une personne en vue de lui faire souscrire un engagement qu’elle n’aurait

40 A. Weill, F. Terré, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 4e éd., 1986, n° 179.

44
pas pris si on n’avait pas usé de la sorte avec elle peuvent être qualifiés de manœuvres
dolosives41.
Mais faut-il admettre la réticence, c’est-à-dire le refus de fournir des
informations, comme une manœuvre dolosive ? Le législateur burkinabè répond par
l’affirmative dans certains cas. Il en va ainsi en matière d’assurance où l’assuré doit
déclarer toutes les circonstances pour permettre d’avoir une vue exacte de l’ampleur
du risque couvert, sous peine d’encourir la nullité du contrat. Par ailleurs, les articles
1641 à 1648 du Code civil burkinabè obligent le vendeur d’informer l’acheteur des
vices de la chose. En droit français, reprenant une solution jurisprudentielle
antérieure, l’article 1137, alinéa 2, nouveau du Code civil reconnait formellement la
réticence dolosive. Il dispose que : « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle
par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».

Finalement, pour retenir le dol, il faut, d’une part, l’élément psychologique,


l’intention de tromper (il n’y a pas dol si l’on trompe autrui parce qu’on se trompe
soi-même), et, d’autre part, les manœuvres, allégations mensongères, voire le silence
ou la simple réticence.

2) Les conditions auxquelles le dol est une cause de nullité

Le dol doit émaner du cocontractant et non d’un tiers (a) et seul le dol
déterminant est une cause de nullité (b).

a) Le dol doit émaner du cocontractant

Dans l’hypothèse où le dol émane d’un tiers, la nullité ne peut pas être
demandée mais la responsabilité délictuelle du tiers pourra être recherchée. Face à
l’invocation de manœuvres frauduleuses du débiteur principal pour tromper la
caution, la Cour de cassation française retient que « le contrat de cautionnement se forme
par l’accord de volonté de la caution qui s’oblige et du créancier qui accepte et que dès lors le dol
viciant le consentement de l’une des parties n’en peut emporter la nullité que s’il émane de l’autre
partie »42. Cependant, si le cocontractant a été complice du dol émanant d’un tiers, la
nullité pourra être prononcée. Le dol du mandataire est traité comme le dol du
mandant lui-même.

Ce principe n’est pas applicable aux contrats à titre gratuit ni aux contrats
unilatéraux. Par exemple, la donation doit procéder uniquement d’un esprit de
bienfaisance, ce qui suppose la complète liberté du donateur, d’où la prise en compte
du dol émanant d’un tiers. D’ailleurs, la nullité nuit moins à un donataire, qui perd
simplement un avantage, qu’à celui qui a traité à titre onéreux.

41 30 janvier 1970, Dalloz 1970, 297, note Alfandari.


42 Cour de cass., Civ. 1ère, 27 juin 1973, Dalloz 1973, p. 733, note Malaurie.

45
b) Seul le dol déterminant est une cause de nullité

Lorsque le cocontractant a commis des manœuvres pour décider l’autre partie


à contracter, celles-ci seront cause de nullité. Il s’agit alors du dol principal. Toutefois,
si les manœuvres n’ont exercé aucune influence sur le cocontractant ou ont exercé
une influence non décisive, on dit que le dol est incident et il n’entraînerait pas la
nullité puisque le cocontractant aurait de toute façon passé le contrat. En fait, la
distinction entre dol principal et dol incident n’est pas évidente puisque sans le dol
dit incident le contrat n’aurait pas été passé dans les mêmes conditions. Il revient au
juge de décider si le dol, principal ou incident, a déterminé la passation du contrat.
Si les juges du fond sont souverains pour apprécier la pertinence et la gravité
des faits allégués comme constitutifs du dol et, en particulier, pour dire s’ils ont été la
cause déterminante du contrat, il appartient à la Cour de cassation d’exercer son
contrôle sur le caractère légal de ces faits, c’est-à-dire la question de savoir si les
moyens employés par l’une des parties doivent être qualifiés de manœuvres illicites 43.
La victime a intérêt à se placer sur le terrain du dol qui est plus facile à prouver
par rapport à l’erreur, phénomène psychologique. De plus, le domaine du dol est plus
étendu que celui de l’erreur. A l’erreur et au dol s’ajoute la violence.

C- La violence

La violence est un fait de nature à inspirer une crainte telle que la victime
donne son consentement à un acte que, sans cela, elle n’aurait pas accepté. Elle est
prévue à l’art. 1109 et réglementée dans les art. 1111 à 1115. Un point commun unit
la violence et le dol : il ne s’agit pas non plus d’un véritable vice de consentement
mais de la crainte qu’elle provoque. Il faut examiner la notion (1) puis les conditions
de la nullité (2).

1) La notion

La violence provoque un vice de la volonté : c’est la contrainte exercée sur une


partie afin d’obtenir une acceptation forcée de la victime de la violence. La violence
peut être définie comme un fait de nature à inspirer une crainte telle que la victime
donne son consentement à un acte que, sans cela, elle n’aurait pas accepté.
L’important n’est cependant pas la cause (la violence) mais l’effet (le consentement
vicié). Il peut s’agir, soit d’une contrainte physique, soit d’une contrainte morale. La
violence résulte dans cette dernière hypothèse de la menace d’un mal qui sera infligé
à une personne si elle n’accepte pas de contracter : menace de mort, de privation de

43C. cass. fr., Civ. 30 mai 1927, D. H. 1927, 416 ; Com. 1er avril 1952, Dalloz 1952, 380 et 685, note
Copper-Royer.

46
liberté, d’atteinte à l’honneur, à la réputation, à la fortune… ; en d’autres termes, il
s’agit d’un chantage.

2) Les conditions de la nullité

Elles sont au nombre de deux : la violence doit avoir été déterminante (a) et
elle doit être prouvée (b).

a) La violence doit avoir été déterminante

Selon l’art. 1112, la violence doit avoir engendré la crainte d’exposer sa


personne ou sa fortune à un mal considérable. On a égard, en cette matière, à l’âge,
au sexe et à la condition des personnes.
La violence ou la crainte qu’elle provoque doit être grave. L’art. 1112
emploie le terme de présent mais en fait souvent le mal est futur. Le texte veut dire
que la violence doit avoir inspiré une crainte au moment de l’acte. Il faut qu’elle ait
été suffisamment grave pour déterminer la victime à contracter. Pour le juge, il faut
recourir à une appréciation objective (par référence à une personne raisonnable) ou
subjective (en examinant le cas spécifique de la personne qui invoque la violence).
La violence doit avoir été dirigée contre le cocontractant ou l’un de ses
proches : l’art. 1113 fait état de l’époux, des descendants et des ascendants mais il n’a
pas un caractère limitatif. Lorsque la violence est dirigée contre une personne autre
que celles citées, il faut prouver qu’elle a eu une influence sur la volonté de la victime
de la violence.
L’origine de la violence importe peu. La violence peut, à la différence du
dol, émaner d’un tiers. Tel est le cas de la violence morale exercée par des élus locaux
et le président du tribunal de commerce afin d’amener l’épouse du dirigeant d’une
entreprise en règlement judiciaire à se porter caution pour favoriser la reprise de
l’entreprise de son mari44. Mais la question a été posée de savoir si la violence
émanant d’un concours de circonstances pouvait être retenue. On a, à cet
égard, évoqué l’état de nécessité : par ex. un incendie qui pousse à contracter. La
difficulté provient des termes de l’art. 1111 selon lequel la violence exercée contre
celui qui a contracté l’obligation est une cause de nullité, encore qu’elle ait été exercée
par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite. Il est fait état
d’un tiers mais peut-on invoquer les circonstances extérieures ? La jurisprudence
n’est pas favorable à une telle extension. Cependant, la Cour de cassation fr. a admis
la violence résultant seulement des circonstances lorsque le cocontractant a profité de
ces circonstances et en a tiré un profit excessif. Elle a ainsi annulé pour cause de

44 C. cass., Com. 28 mai 1991, Dalloz 1992, 166, note Morvan.

47
violence un contrat de travail conclu avec un employé qui avait un besoin pressant
d’argent à cause de la maladie de son enfant. Dans le même sens, la nullité d’un
accord salarial passé dans des conditions d’agitation furieuse a été retenue45.

L’art. 1114 indique que la crainte révérencielle envers le père, la mère ou un


autre ascendant, sans qu’il y ait de violence exercée, ne suffit point pour annuler le
contrat.
Par ailleurs, un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence, si,
depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé soit expressément, soit
tacitement, soit en laissant passer le temps de la restitution fixé par la loi (art. 1115).
La violence doit être injuste ou illicite. Elle l’est toujours lorsque l’auteur de
la violence a eu recours à des voies de fait. Elle ne l’est pas forcément si son auteur a
utilisé d’autres procédés. Il n’y a pas de contrainte illégitime pour la femme qui se
porte caution pour éviter une poursuite bien fondée contre son mari 46, ou
l’employeur qui consent une augmentation de salaire sous la menace d’une grève ou
l’employé indélicat qui signe une reconnaissance de la somme détournée sous la
menace d’une plainte au pénal. Toutefois, la menace d’user d’une voie de droit peut
constituer une violence s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son
but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage, sans rapport ou
hors de proportion avec l’engagement primitif. Il en ait ainsi de la menace
d’expulsion proférée par un agent d’affaires dépourvu de tout droit ou titre47 ou la
menace de poursuites pénales ayant permis d’obtenir une prestation importante et
injustifiée48.

L’exploitation de la situation de dépendance du cocontractant est


qualifiée de violence en droit français. Aux termes de l’article 1147 nouveau du Code
civil « Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se
trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une
telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».

b) La violence doit être prouvée

Conformément aux principes généraux de la preuve, il revient à celui qui


invoque la violence de la prouver par tous moyens. En outre, celui qui s’est rendu
coupable de violence pourra être condamné à des dommages et intérêts pour réparer
le préjudice que la violence a causé49.

45 Tribunal civil de Nantes, 6 janvier 1956, Gazette du Palais 1956. 1. 61.


46 Civ. 25 février 1879, Dalloz 1879, I, 158.
47 Civ. 1ère, 3 novembre 1959, Dalloz 1960, 187, note Holleaux.
48 C. cass. fr., 17 juillet 1967, Dalloz 1967, 509.
49 Civ. 1ère fr, 17 juillet 1967, Dalloz 1967, 509.

48
En conclusion sur les vices de consentement, on soulignera le développement
de l’obligation précontractuelle de renseignements qui prévient la survenance des
vices de consentement. Or mieux vaut prévenir que guérir. La jurisprudence s’est
appuyée pour ce faire sur les dispositions du Code civil mais aussi sur des
dispositions ultérieures50. Le consentement non seulement doit exister mais aussi
s’extérioriser.
§ II : L’extériorisation du consentement

Le consentement peut s’exprimer par n’importe quel moyen. Cette totale


liberté conduit à poser la question de savoir si le silence peut équivaloir à un
consentement (A). Par ailleurs que décider quand il y a discordance entre la volonté
réelle et celle qui résulte de son expression ? (B)

A- Le silence vaut-il consentement ?

Le problème s’est posé en cas d’envois de catalogues de commande dans le


cadre de la vente par correspondance, des envois de colis… Si les destinataires de ces
catalogues ne répondaient pas, la pratique considérait qu’il y avait consentement. La
jurisprudence a cependant décidé que l’on n’est pas censé avoir consenti, en cas
d’absence de réponse51. Autrement dit, le principe est que le silence ne vaut pas

50 Des auteurs (François TERRE, Philippe SIMLER, Yves LEQUETTE, Droit civil, Les obligations,
Dalloz, 11e éd., 2013, n°s 258 à 260) écrivent à ce sujet : « Longtemps on a enseigné que, sauf
obligation légale précise, nul n’était tenu de renseigner son cocontractant… Mais prenant conscience
que l’inégalité dans l’information peut, tout autant que l’inégalité économique, nuire à l’équilibre du
contrat, sensible aussi à l’idée qu’il vaut mieux prévenir que guérir, la jurisprudence a progressivement
imposé à certains contractants l’obligation d’informer leurs partenaires. A cet effet, elle a pris appui sur
la notion de bonne foi. Bien que l’article 1134, alinéa 3, du Code civil vise la seule exécution du
contrat, la bonne foi irrigue la formation de celui-ci… Qualifiée d’obligation précontractuelle de
renseignements lorsqu’elle existe avant la conclusion du contrat et tend à faciliter l’émission d’un
consentement éclairé, elle devient une obligation contractuelle de renseignements lorsqu’elle se
présente comme un effet du contrat…
Conditions d’existence de l’obligation précontractuelle de renseignements
En premier lieu, une personne ne pourra être tenue de renseigner son partenaire que si elle détient une
information « pertinente »…
En second lieu, l’obligation d’information n’existera que si celui qui se prétend créancier de cette
obligation a lui-même ignoré le fait recelé et si cette ignorance est légitime…
Et de fait, l’obligation d’information trouvera un domaine d’application naturel dans les rapports entre
professionnel et consommateur…
Preuve et sanctions
« … la haute juridiction a… posé que celui qui est tenu d’une obligation d’information doit rapporter
la preuve de l’exécution de cette obligation. La violation de l’obligation d’information est
sanctionnée, non pas de façon autonome, mais par le biais du droit commun. Génératrice d’un
vice de consentement, elle entraîne la nullité du contrat ; constitutive d’une faute délictuelle, elle donne
lieu à l’application des règles de la responsabilité délictuelle ; à l’origine d’un vice caché ou d’une
éviction, elle déclenche le jeu de la garantie des vices cachés ou de la garantie d’éviction ».
51 Arrêt de la Cour de cass. fr. du 21 mai 1878.

49
consentement. Mais la Cour de cassation française a apporté des tempéraments et des
exceptions à cette règle.
S’agissant des tempéraments, il en va ainsi lorsque les parties sont en relation
d’affaires depuis un certain temps : par exemple, quand à intervalles réguliers, une des
parties s’adresse à son fournisseur pour lui commander une certaine quantité de
marchandises, si le client oublie de faire sa commande et que l’autre lui envoie les
marchandises, le silence vaut acceptation. Un autre exemple : une facture est envoyée
à la livraison par le fournisseur comportant des clauses qui n’avaient pas été
discutées, comme une clause attributive de compétence territoriale où il est prévu la
compétence du tribunal de telle ou telle ville. Le paiement de la facture vaut
consentement si cette procédure avait déjà été suivie 52.
S’agissant des exceptions, il en est ainsi, d’abord, lorsque la loi, le contrat ou
les usages prévoient que le silence vaut consentement. C’est le cas de la tacite
reconduction. Dans les contrats successifs, souvent une clause du contrat précise
que, faute pour une des parties de déclarer expressément qu’elle n’entend plus
continuer le contrat après son expiration, il sera reconduit. Il en est ainsi dans
nombre de contrats successifs, dont les baux et les contrats de travail. La clause de
tacite reconduction peut également résulter des usages ou de la loi. Dans ces cas, si
l’une des parties ne désire pas que le contrat se poursuive, elle doit en informer
l’autre partie un certain temps à l’avance. Il en est ainsi également lorsque l’offre a
été faite à l’avantage de celui qui l’a reçue (dans l’intérêt exclusif du destinataire),
il est normal dans un tel cas de penser que le silence vaut consentement. C’est le cas
retenu par la Cour de cassation française dans son arrêt du 29 mars 1938 : il s’agissait
d’un contrat de bail et le locataire ne payait pas ses loyers. Le bailleur lui a fait une
remise partielle de loyers arriérés et le locataire a gardé le silence. Le bailleur réclame
alors l’intégralité des loyers. La Cour de cassation a décidé que le locataire a dû
accepter la remise et que son silence valait consentement53.

B- La discordance entre la volonté réelle et la volonté déclarée

En droit burkinabè, comme en droit français, le rôle principal était reconnu à la


volonté psychologique ou interne. L’important, ce n’est pas ce qui a été dit mais ce
qui a été voulu. En conséquence, en cas de discordance entre volonté réelle et
volonté déclarée, c’est la première qui doit prévaloir. A cet égard, l’art. 1156 du Code
civil burkinabè déclare : « On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune
volonté des parties contractantes sans s’arrêter au sens littéral des termes ». Mais le droit
burkinabè considère aussi la déclaration de volonté. Ainsi, selon l’art. 1341 Code civil
burkinabè, l’on ne peut prouver contre un écrit que par un autre écrit.

52 Arrêt de la Cour de cass. fr. de 1924.


53 D. P. 1939, I, 5, note Voirin.

50
Une personne ne peut valablement être tenue par un engagement que si elle y a
consenti et tout contrat ne peut pas se former si les volontés des parties ne se sont
pas rencontrées.

Sous-section II : L’échange des consentements

L’échange des consentements conduit à expliciter le processus classique de


formation des contrats (§ I) et le particularisme de certains contrats quant à l’échange
des consentements (contrats entre absents) (§ II).

§ I : Le processus classique de formation des contrats

Le processus classique de formation comprend le diptyque offre/acceptation :


l’une des parties fait une offre et l’autre l’accepte. C’est la rencontre de cette offre (A)
et de cette acceptation (B) qui forme le contrat.

A- L’offre

L’offre ou pollicitation est une proposition de contracter comprenant les


éléments essentiels du contrat projeté qui, adressée à une personne déterminée ou
une personne indéterminée54, exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas
d’acceptation. Ainsi définie, l’offre doit remplir certaines conditions (1) pour
produire des effets (2).
1) Les conditions de l’offre

Pour être qualifiée comme telle, l’offre doit remplir les conditions suivantes :
- En premier lieu, elle doit être dénuée de tout vice de consentement.
- En deuxième lieu, elle doit être sérieuse et non faite par plaisanterie. On dit
qu’elle doit être ferme en ce qu’elle doit exprimer une volonté nette de conclure le
contrat dans l’hypothèse où elle serait acceptée. Il n’en est pas ainsi pour la pratique
commerciale dite de l’offre sans engagement ou de l’offre d’agrément ou l’offrant se
réserve le droit de modifier le prix indiqué. Mais, lorsque l’offre est faite jusqu’à

54Dans la vente commerciale, la proposition adressée à plusieurs personnes n’est pas une offre mais
une invitation à entrer en pourparlers (cf. article 241, in fine, de l’Acte uniforme relatif au droit
commercial général).

51
épuisement des stocks, l’offrant n’est pas engagé si au moment de l’acceptation les
stocks sont épuisés.
- En troisième lieu, l’offre doit être non équivoque (ou univoque). Elle peut
être tacite ou expresse mais elle ne doit pas faire l’objet d’un doute.
- En quatrième lieu, elle doit être précise et complète : elle doit indiquer les
éléments essentielles du contrat, comme la chose et le prix s’il s’agit d’une vente.
Lorsque l’une de conditions manque, la proposition n’est pas une offre mais
une invitation à entrer en pourparlers.

2) Les effets de l’offre

Si l’offre est acceptée, le contrat est conclu. Mais il faut rechercher si, avant
même cette acceptation, l’offre ne produit pas certains effets. A cet égard, il y a lieu
de noter qu’en droit français55 et en droit burkinabè de la vente commerciale56, l’offre
peut être rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. C’est dire que,
dans ce cas, elle ne peut produire d’effet qu’à la réception (théorie de la réception de
l’offre). Cette solution logique gagnerait à être étendue en toute matière en droit
burkinabè. Des lors que l’offre parvient à destination, deux difficultés se présentent :
celle de la caducité de l’offre (a) et celle de la révocation de l’offre (b).

a) La révocation de l’offre

Le principe est que l’offre n’a pas d’effet obligatoire pour celui qui l’a faite tant
qu’elle n’a pas été acceptée. Il y a cependant des exceptions. L’offre n’est révocable
qu’à l’expiration d’un certain délai. Lorsque le délai a été indiqué par l’offrant, il n’y a
aucun problème. Dans le cas contraire, on considère que l’offrant doit laisser
subsister l’offre pendant un certain temps (un délai raisonnable) pour la faire
examiner. Si l’offrant ne respecte pas ce délai, il peut être condamné à payer des
dommages-intérêts. En droit burkinabè de la vente commerciale, l’offre ne peut, en
outre, être révoquée si elle est stipulée irrévocable ou si le destinataire était
raisonnablement fondé à croire que l’offre est irrévocable et a agi en conséquence 57.
Comment expliquer cette obligation de maintien de l’auteur de l’offre ? Plusieurs
fondements, ont été avancés par la doctrine pour expliquer cette solution de maintien
de l’offre pendant un délai raisonnable.
Certains auteurs ont proposé de voir dans l’offre un avant-contrat car quand
l’offrant propose explicitement ou implicitement un délai pour accepter, celui-ci a été
tacitement accepté par son partenaire parce qu’il n’en tire que des avantages. Si on

55 Article 1115 nouveau du Code civil.


56 Article 242 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
57 Article 242, al. 3, de l’Acte uniforme relatif au droit commercial.

52
peut admettre cette solution lorsque l’offrant a proposé un délai, il n’en est pas de
même lorsque l’offrant n’a pas proposé de délai. Et pourtant, le juge oblige l’offrant à
maintenir son offre pendant un certain temps.
D’autres auteurs ont proposé la théorie de l’engagement par volonté
unilatérale. L’offre réalise alors un acte juridique unilatéral qui suffit pour maintenir
l’offre pendant un certain temps. Cette théorie est consacrée en droit belge. Mais
cette position a été critiquée car le Code civil français, comme celui du Burkina Faso,
ne contient aucune théorie d’engagement par volonté unilatérale.
Dans une troisième proposition, l’offrant engage sa responsabilité délictuelle
ou quasi-délictuelle s’il ne maintient pas l’offre pendant un certain temps. L’offrant
en retirant l’offre avant un certain délai cause un préjudice qu’il doit réparer. La faute
consiste alors, soit dans le fait de faire une offre non sérieuse, soit dans la rétractation
intempestive de l’offre. Cette solution semble avoir été consacrée récemment en droit
français. Selon l’article 1116 nouveau du Code civil, la rétractation (révocation) «…
engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit commun sans
l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat. » Mais dire que l’on commet
une faute en faisant une offre sans sérieux, n’est-ce pas admettre que l’on peut
s’engager par volonté unilatérale ? De même, si la faute est la rétractation
intempestive, c’est que l’offrant avait l’obligation de maintenir son offre pendant un
certain temps. Comment expliquer cette obligation ?
Pour surmonter cette difficulté, on a invoqué la théorie de l’abus des droits.
Il y a faute dans l’exercice d’un droit. L’offre n’est pas nécessairement obligatoire et
l’offrant peut donc la retirer. Mais l’offrant abuse de son droit par la rétractation
intempestive. Cette proposition semble plus cohérente.

b) La caducité de l’offre

Le problème de la caducité se pose lorsque l’auteur de l’offre décède ou


devient incapable avant que celle-ci ne soit acceptée ou lorsque le délai (raisonnable
ou prévu) est expiré.
En cas de décès et d’incapacité, deux solutions théoriques diamétralement
opposées sont proposées. L’une, d’inspiration allemande, repose sur l’idée que l’offre,
une fois exprimée, à une existence autonome de sorte que le décès ou l’incapacité
n’entraînent pas sa caducité. Aussi peut-elle être acceptée après le décès ou
l’incapacité de l’offrant. L’autre solution se fonde sur la liberté de s’engager et
implique que l’offre ne peut exister si son auteur ne peut plus manifester sa volonté.
Elle devient donc caduque en cas de décès ou d’incapacité de l’offrant. C’est
actuellement la conception française. Selon l’article 1117, al. 2, nouveau du Code civil
français, l’offre est caduque en cas d’incapacité ou de décès de son auteur. Cette
disposition met fin à la jurisprudence antérieure qui distinguait suivant que l’offre est
assortie ou non d’un délai. Dans l’hypothèse où l’offre est assortie d’un délai, il était
décidé que le décès (auquel il faut assimiler l’incapacité) de l’offrant n’entraîne pas la

53
caducité de l’offre58. En revanche, lorsque l’offre n’est pas assortie d’un délai, le décès
de l’offrant devait provoquer sa caducité59. Consacrant la théorie de la volonté
interne, le droit burkinabè devrait admettre que l’offre soit caduque en cas de décès
ou d’incapacité de l’auteur.
En cas d’expiration du délai (raisonnable ou prévu) de l’offre, celle-ci est
caduque. Il en a été ainsi formellement décidé en droit français. L’alinéa 1er de l’article
1117 précité dispose que « L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à
défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. »

B- L’acceptation

Lorsque l’offre est acceptée, le contrat est conclu si l’acceptation répond aux
conditions de validité d’une déclaration de volonté.
Conformément au principe du consensualisme, la forme de cette acceptation
est libre : elle peut être expresse ou tacite mais elle doit être exprimée avant que
l’offre ne soit rétractée. Cette liberté de forme connaît des exceptions. Ainsi, en
matière de contrats électroniques, l'article 60 de la loi du 10 novembre 2009 portant
réglementation des services et transactions électroniques au Burkina Faso dispose
indique qu'« Avant la conclusion du contrat, le prestataire met à la disposition du destinataire du
service les moyens techniques appropriés, efficaces et accessibles lui permettant d'identifier les erreurs
commises dans la saisie des données, de les corriger et de valider sa commande pour exprimer son
acceptation ». Il en résulte que l’acceptation émise par voie électronique est formée en
plusieurs étapes : le choix et la correction de la commande et la validation de la
commande.
Lorsqu’offre est faite à une personne déterminée, c’est seulement celle-ci qui
peut accepter. L’offre à personne indéterminée peut être acceptée par n’importe qui
(c’est la première personne qui se présente). L’acceptation en droit burkinabè de la
vente commerciale doit intervenir dans le délai stipulé ou, à défaut, dans un délai
raisonnable60. Ce délai d’acceptation court à compter de l’émission de l’offre (théorie
de l’émission)61. Cette date d’émission est celle indiquée dans l’offre ; à défaut, elle est
déterminée suivant les circonstances. Cependant, une offre verbale doit être acceptée
immédiatement62.
Pour que le contrat soit formé, l’acceptation ne doit pas comporter de réserve
sur des éléments essentiels du contrat, auquel elle constitue une contre-offre. L’Acte
uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG) exprime bien cette idée en
matière de vente commerciale, lorsqu’il dispose que « La réponse à une offre qui se veut

58 Civ. 3e, 10 décembre 1997, Bull. civ. III, n° 223, p. 150, Defrénois 1998, p. 336, obs. D. Mazeaud ;
D. 1999, Somm. p. 9, obs. Brun.
59 Req., 21 avril 1891, D. 1892.1.181 ; Civ. 3e, 10 mars 1989, Bull. civ. III, n° 109, p. 60, D. 1990, 365,

note Virassmy, RTDciv. 1990, p. 69, obs. Mestre.


60 Article 243 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG).
61 Article 246 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG).
62 Article 243 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG).

54
acceptation de cette offre, mais qui contient des additions, des limitations ou d’autres modifications,
vaut rejet de l’offre et constitue une contre-proposition. »63 En revanche, le contrat sera conclu
si les réserves portent sur des éléments accessoires ou complémentaires64. Mais il y a
un certain relativisme en la matière. Pour la Cour de cassation française, en effet, en
vertu de leur pouvoir souverain d’appréciation, les juges du fond peuvent estimer que
certaines modalités ordinairement accessoires, telles que la date du paiement du solde
du prix ou la date de prise de possession des lieux, ont été tenues par l’une des parties
comme des éléments constitutifs de son consentement et qu’à défaut d’accord sur ces
points, le contrat de vente ne s’est pas formé65.

Souvent, en cours de pourparlers, une personne remet une somme d’argent à


une autre. Cette somme d’argent prend le nom d’arrhes : elle est déduite du montant
du prix convenu lors de la formation du contrat. Mais cette somme ne constitue pas
toujours un acompte du prix. Elle peut avoir une autre fonction : c’est alors un
moyen de renoncer au contrat. Si celui qui a remis la somme renonce au contrat, il
n’est pas remboursé mais ne doit pas de dommages-intérêts. Si c’est celui qui reçoit la
somme qui renonce au contrat, il paye le double de la somme reçue mais il ne doit
pas de dommages-intérêts. Il est intéressant de savoir si la somme a été versée à titre
d’acompte ou comme moyen de renoncer au contrat. Si la somme a été payée à titre
d’acompte et que l’une des parties renonce au contrat, il devra payer à l’autre la
réparation correspondant au préjudice causé. Si c’est un moyen de renoncer au
contrat, on ne perd que la somme versée. Que décider lorsque la fonction des arrhes
n’a pas été précisée entre les parties ? Il appartient au juge de décider en fonction des
usages et de la nature du contrat considéré. Le législateur a prévu dans la loi du 5
décembre 1951 que les sommes versées d’avance produiront des intérêts au bénéfice
de celui qui les a versées.

§ II : Le particularisme de certains contrats quant à l’échange des


consentements

Un contrat peut être conclu par correspondance (échange de lettres), par


téléphone, télex, télégramme, par fax, par les nouvelles technologies de l’information
et de la communication (NTIC), en particulier par l’Internet, ce qui pose le problème
des contrats entre non-présents ou des contrats à distance qualifiés
traditionnellement de contrats entre absents (A). Par ailleurs, le contenu de certains
contrats peut être imposé par la partie économiquement la plus forte, par des
organismes professionnels ou par l’Etat (B). Il convient enfin d’examiner la question
du contrat avec soi-même (C).

63 Article 245.
64 Idem., al. 2.
65 Civ. 3e, 2 mai 1978, Dalloz 1979, 317, note Schmidt-Szalewski.

55
A- Les contrats entre personnes non présentes ou contrats à distance

Lorsqu’on utilise les moyens à distance, la question se pose de savoir quand et


où le contrat est conclu. Elle est d’importante car des intérêts pratiques dépendent de
sa solution (1). Il est surtout important de connaître les solutions proposées pour
résoudre ce problème, étant donné que le législateur burkinabè n’a pas posé un
principe général en la matière (2).

1) Les intérêts pratiques de la discussion

Certains intérêts s’attachent au moment (a), tandis que d’autres concernent le


lieu (b) de la formation du contrat.

a) Les intérêts s’attachant au moment de formation du contrat

Le contrat se forme-t-il lors de l’émission de la volonté de l’acceptant ou


seulement lors de la réception de la lettre ? En matière de vente, il est important de le
savoir parce que, d’abord, quand vous achetez un bien, vous en devenez
immédiatement propriétaire avant même la livraison, du moins quand il s’agit d’un
corps certain. En matière commerciale, le transfert de propriété est retardé jusqu’à la
livraison (AUDCG, art. 283). En outre, la capacité des parties, qui peut s’être
modifiée, s’apprécie au moment de la formation du contrat. Par ailleurs, pour
déterminer le domaine d’application d’une loi nouvelle entrée en vigueur, il est
important de savoir quand précisément le contrat s’est formé, celui-ci étant régi par la
loi en vigueur au moment de sa conclusion (principe de survie de la loi ancienne).
Enfin, en cas de rétractation de l’offre, sa validité pourrait dépendre du moment où
elle est intervenue : avant ou après la réception de la lettre ?

b) Les intérêts s’attachant au lieu de formation du contrat

La détermination du lieu de la formation présente des intérêts tant en droit


interne qu'en droit international. En droit interne, elle permet, tout d'abord, de
désigner la juridiction territorialement compétente en matière contractuelle. C'est
ainsi qu'en droit burkinabé, l'article 45 du Code de procédure civile dispose que le
demandeur peut, en matière contractuelle, saisir le tribunal du lieu où le contrat s'est
formé. Ensuite, la détermination du lieu de la formation du contrat permet
d'identifier les usages locaux servant à l'interprétation des clauses ambiguës
(article 1159 Code civil burkinabé). En droit international, en vertu de la règle locus
regit actum, la forme du contrat international peut être régie par la loi du pays où le
contrat est formé.

56
2) Les solutions

Il convient d’aborder l’approche classique (a), puis celle propre aux contrats
conclus par voie électronique (b).

a) L’approche classique

Il faut examiner les principales théories en présence avant d’évoquer le droit


positif.
Deux principales théories sont en présence. Il y a en premier lieu la
théorie de l’émission. Selon celle-ci, le contrat est formé au moment et au lieu de
l’émission de l’acceptation parce que c’est l’acceptation de l’offre qui réalise le
contrat. A l’appui de cette théorie, on invoquer l’art. 1985 du Code civil selon lequel
l’acceptation du mandataire peut être tacite et n’être pas connue du mandant. Les
partisans de cette théorie sont divisés en deux systèmes. Selon le premier système
dit de la déclaration, le contrat est conclu au moment où l’acceptant signe la lettre
d’acceptation. Cette solution est critiquée, car elle laisse le moment de la formation à
la totale discrétion de l’acceptant qui peut revenir sur sa décision sans qu’on puisse
opérer un contrôle. Les partisans de l’émission ont donc rallié le deuxième système
qui est celui de l’expédition. Selon ce dernier, le contrat est formé lorsque
l’acceptant a posté la lettre ou envoyé le télégramme. Les partisans de ce système
estiment que c’est à ce moment qu’il y a extériorisation de la volonté et que celle-ci
est nécessaire. L’inconvénient de ce second système est que l’acceptant pourra
toujours rétracter son offre par télégramme ou par téléphone, puisque l’acceptation
ne devient irrévocable que quand elle est reçue par l’offrant, d’où l’émergence d’une
deuxième théorie apparemment plus satisfaisante.
En second lieu, il y a la théorie de la réception. Selon celle-ci, le contrat est
formé au moment et au lieu où l’offrant a eu connaissance de l’acceptation. Elle se
fonderait sur l’ancien art. 932, al. 2, du Code civil français, qui dispose que
l’acceptation pourra être faite du vivant du donateur, par un acte postérieur et
authentique, dont il restera minute ; mais alors la donation n’aura d’effet, à l’égard du
donateur, que du jour où l’acte qui constatera cette acceptation lui aura été notifié.
C’est la même disposition que reprend le Code burkinabè des personnes et de la
famille (CPF) à son article 893, alinéa 2. Cette théorie a donné lieu à deux variantes.
La première est le système de l’information selon lequel le contrat est formé au
moment et au lieu où l’offrant est informé de l’acceptation ; la critique que l’on peut
lui faire est qu’elle entraîne des difficultés de preuve ; la seconde variante est le
système de la réception proprement dite : le contrat est formé dès l’instant où la
lettre arrive chez l’offrant, celui-ci étant présumé en avoir pris connaissance
immédiatement (le cachet de la poste sur le timbre peut aider à déterminer la date
d’arrivée).
Le système de la réception proprement dit a la faveur de nombreux droit
positifs. Il en est ainsi en France. L’article 1121 nouveau du Code civil qui dispose

57
que : « Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où
l’acceptation est parvenue ». Il en ainsi aussi de la Belgique66. Au Burkina Faso, ce système
est la règle en matière de vente commerciale. Selon l’article 244 de l’AUDCG,
« L’acceptation d’une offre prend effet au moment où l’expression de l’acquiescement parvient à
l’auteur de l’offre ». Ce système a ceci d’avantageux que la conclusion du contrat est
connue aussi bien de l’acceptant que de l’offrant. Le droit burkinabè devrait en faire
le principe dans la détermination du moment de la conclusion du contrat.

Il faut cependant retenir que les solutions de droit positif n’ont qu’un caractère
supplétif. Ainsi, les parties sont libres de convenir de la théorie à appliquer dans leurs
relations contractuelles.

b) L’approche en matière de contrats conclus par voie électronique

La détermination du moment et du lieu de formation des contrats


électroniques paraît avoir été modifiée par la loi du 10 novembre 2009 portant
réglementation des services et des transactions au Burkina Faso.

S’agissant du moment de la formation du contrat électronique, l’article 60 de


ladite loi prévoit que « Avant la conclusion du contrat, le prestataire met à la disposition du
destinataire du service les moyens techniques appropriés, efficaces et accessibles lui permettant
d'identifier les erreurs commises dans la saisie des données, de les corriger et de valider sa commande
pour exprimer son acceptation ». L’article 61 ajoute que le prestataire doit accuser
réception de la commande sans délai injustifié et par voie électronique. La loi ne
précise pas le rôle exact d’un tel accusé de réception. Deux solutions sont alors
envisageables. On peut d’une part considérer que l’accusé n’a aucune incidence dans
la conclusion du contrat électronique et que celui-ci est formé au moment de la
réception de l’acceptation comme en droit commun. D’autre part, on peut penser
qu’un tel accusé joue un rôle déterminant dans la formation du contrat électronique
de sorte que le moment cette dernière devrait être fixé à la réception de cet accusé.
En raison de la particularité des contrats électroniques, cette dernière conception
paraît préférable67.
S’agissant du lieu de la formation du contrat électronique, l'article 56, alinéa 3,
de ladite loi dispose que « Sauf convention contraire, toute communication par voie électronique
est réputée transmise du lieu où l’expéditeur a son établissement et reçue au lieu où le destinataire a
son établissement ». Il résulte de cette disposition qu'à moins de stipulations contraires,
le lieu d'expédition de la communication électronique est normalement le lieu

66 Cass. (belge), 16 juin 1960, R.C.J.B. 1962, pp. 301 et 302, note J. Heenen; Cass., 25 mai 1990, Pas.,
1990, I, p. 1087 ; J.T., 1990, p. 724 ; R.W., 1990-1991, p. 149, Concl. G. D'hoore ; Cass., 19 juin 1990,
Pas., 1990, I, p. 1182.
67 En ce sens, W. D. KABRE, La conclusion des contrats électroniques. Etudes de droits africain et européen,

L’harmattan, 2013, n°673 et s.

58
d'établissement de l'expéditeur et le lieu de réception est présumé être le lieu
d'établissement du destinataire du message. Ainsi, le législateur burkinabè a voulu que
le lieu de formation du contrat électronique soit fixe en raison de l’imprévision des
solutions résultant de l’application des théories classiques. Reste cependant à savoir si
ce lieu est celui du prestataire (offrant) ou celui du destinataire (acceptant). La loi est
silencieuse sur ce point. Il conviendrait, de lege ferenda, que ce lieu soit l’établissement
du destinataire68. Cette solution est protectrice de ce dernier qui est censé être la
partie faible dans le contrat électronique.

B- Les contrats à contenu imposé

On note principalement les contrats d’adhésion (1) et les contrats-type (2).

1) Les contrats d’adhésion

Il s’agit des contrats dont la conclusion n’est pas précédée par une discussion
entre les parties. Une des parties rédige le contrat ou ses clauses essentielles et les
offre au public de façon permanente. Les clauses sont établies à l’avance et bien
souvent imprimées. C’est donc la partie économiquement la plus forte qui impose sa
volonté à la partie économiquement la plus faible dont la liberté est limitée : elle ne
peut qu’accepter les clauses ou refuser le contrat. Les dangers de ces contrats sont
donc évidents. Parfois, certaines conditions ne sont pas portées à la connaissance des
cocontractants. Conclus entre parties inégales, ces contrats pourraient se révéler très
injustes. La question est donc de savoir comment protéger la partie économiquement
la plus faible. Certaines solutions proviennent des juges. Ainsi, la jurisprudence a
utilisé la technique contractuelle. Dans cette optique, elle recherche si l’adhérent
(partie économiquement la plus faible) a eu connaissance des différentes clauses et,
s’il les a ignorées au moment où il s’engageait, il n’est pas obligé de les respecter 69.
Elle a également eu recours à la théorie des vices de consentement, surtout l’erreur.

D’autres solutions viennent des parties : les parties peuvent, pour mieux se
protéger, s’informer davantage ou se grouper en syndicat ou en association pour
tenter d’obtenir la modification de certaines clauses.
La loi n’a pas été en reste. Elle établit des dispositions impératives pour éviter
les injustices les plus graves, en vue de protéger la partie faible : le travailleur dans le
contrat de travail (Code du travail) ou l’assuré dans le contrat d’assurance (Code
CIMA). L’on note également l’article 1162 du Code civil selon lequel, « dans le doute, la
convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation ».

68 En sens, notre thèse : W. D. KABRE, op. cit., spéc. n° 706.


69 C. cass., ch. com., 31 janvier 1950.

59
Enfin, l’on note le développement d’une législation protectrice du consommateur en
France70 comme au Burkina71. Celle-ci interdit notamment les clauses abusives dans
les contrats entre professionnels et non-professionnels, et impose des obligations
d’information. Elle met également en place des organes (Commission des clauses
abusives en France, Commission nationale de la concurrence et de la consommation
au Burkina) chargés d’appliquer cette réglementation.
Enfin, il arrive que l’administration impose des aménagements aux contrats au
moyen de la rédaction de cahiers des charges qui, par exemple, établissent les tarifs
que les sociétés concessionnaires peuvent réclamer aux adhérents.
On s’est beaucoup interrogé en doctrine sur la véritable nature du contrat
d’adhésion72, étant donné que la partie économiquement faible ne discute pas les
clauses du contrat. Certains auteurs (Raymond Saleilles, le civiliste, et Léon Duguit, le
publiciste) ont conclu qu’il n’y a pas de contrat mais un acte participant de la nature
de la loi ou de l’acte réglementaire. D’autres auteurs soutiennent que les contrats
d’adhésion ont une nature contractuelle. Mais c’est la qualification contractuelle,
consacrée au demeurant par le droit positif, qui protège le mieux la partie
économiquement faible. En effet, si on considère que le contrat d’adhésion participe
de la loi, quand une difficulté d’application est soulevée, on doit rechercher quelle a
été la volonté de celui qui a élaboré le contrat, en l’occurrence la partie forte.

2) Les contrats-types

Le contenu d’un contrat va être déterminé dans sa presque totalité par un tiers.
Il en est ainsi au moins dans deux hypothèses.

Dans la première hypothèse, le contenu du contrat est proposé par un


tiers aux parties. Cette pratique trouve une base juridique dans l’art. 1592 selon
lequel le prix peut être laissé à l’arbitrage d’un tiers. Les parties vont s’adresser à un
spécialiste (notaire, conseiller juridique, agent d’affaires…) qui va rédiger tout ou
partie des clauses du contrat. En droit, ce sont les parties qui sont censées avoir
voulu ce qui est décidé mais en fait l’influence de ces conseillers est déterminante.
Dans la seconde hypothèse, les contrats-types sont rédigés par des
organismes professionnels ou des administrations publiques. Dans certaines
professions, des organismes professionnels rédigent des contrats-types au profit de
leurs membres. Les membres de la profession, lorsqu’ils ont à passer des contrats
avec leurs fournisseurs ou leurs clients, se bornent souvent à se référer à tel ou tel
contrat-type. On cite souvent les contrats-types de la London Corn Trade
Association mais il y en a en matière d’assurance, de transport, de ventes importantes

70 Code français de la consommation.


71 La loi du 27 avril 2017 portant organisation de la concurrence au Burkina Faso.
72 A. Weill et F Terré, op. cit., n° 95 à 100 où les auteurs abordent les caractères des contrats

d’adhésion, sa nature avec les thèses anti-contractualistes, les thèses contractualistes et les solutions du
droit positif.

60
en gros ou en demi-gros… Certains contrats-types peuvent être rédigés par
l’administration, comme en matière de baux d’habitation au Burkina (au temps du
Conseil National de la Révolution) ou de baux ruraux en France. Ces contrats-types
permettent de réduire la durée de la phase précontractuelle et de remédier aux
insuffisances de la loi. Ils sont en principe facultatifs mais en fait ils créent de
véritables règles interprétatives dans la mesure où ils s’appliquent non seulement
quand ils ont été adoptés par les parties mais encore tacitement sauf clause expresse
contraire.

C- Le contrat avec soi-même

Le contrat avec soi-même recouvre différentes hypothèses. Il mérite d’être


explicité (1) avant de voir s’il valable (2).

1) La notion

Le contrat avec soi-même s’entend du contrat qu’une personne conclu avec


elle-même. Il recouvre au moins deux hypothèses. La première hypothèse est celle
de la représentation. Par ex., vous êtes mandataire d’une personne qui vous charge
de vendre son immeuble. Si vous décidez d’acheter l’immeuble, vous allez émettre
deux volontés : l’une en tant que vendeur en qualité de mandataire représentant le
mandant-vendeur, l’autre en tant qu’acheteur en votre nom personnel. Il en est
également ainsi lorsque l’on agit en tant que mandataire de deux personnes : une
personne vous a chargé de vendre son immeuble et une autre de lui acheter un
immeuble correspondant à celui dont vous êtes chargé de la vente. La deuxième
hypothèse est celle où une même personne administre deux patrimoines.

La notion de contrat avec soi-même doit être distinguée de l’acte unilatéral où


il n’y a qu’une personne et qu’une volonté comme dans le testament. En effet, il
s’agit d’un contrat parce que si une seule personne le fait, elle agit en tant deux
personnes avec deux volontés différentes et même contradictoires.

2) Les conditions de validité du contrat avec soi-même

Il est certain que le contrat avec soi-même peut être dangereux parce qu’une
personne va décider de deux intérêts contradictoires. La tentation de privilégier des
intérêts qui lui sont proches est grande. C’est pourquoi le législateur a pris des
dispositions restrictives. Ainsi, parfois la loi l’interdit comme dans l’art. 1596 du Code
civil aux termes duquel :
« Ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par
personnes interposées :
Les tuteurs, des biens dont ils ont la tutelle ;

61
Les mandataires, des biens qu’ils sont chargés de vendre ;
Les administrateurs, de ceux des communes ou des établissements publics confiés à leurs
soins ;
Les officiers publics, des biens nationaux dont les ventes se font par leur ministère ».

Parfois, au lieu de l’interdire, la loi se contente de le soumettre à un contrôle. Il


en est ainsi des contrats que les administrateurs de sociétés anonymes ou les gérants
et associés des sociétés à responsabilité limitée veulent conclure avec leurs sociétés.
La réglementation de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique (AUDSC) distingue les conventions interdites
(prêts, cautions, avals), les conventions réglementées et les conventions libres qui
sont les opérations courantes conclues à des conditions normales.
Outre le consentement, élément essentiel de la formation du contrat et la
capacité, le contrat doit avoir un objet.

Section III : L’objet

Contrairement au Code civil qui confond les deux, il faut soigneusement


distinguer l’objet du contrat de l’objet de l’obligation. L’objet du contrat est
l’opération juridique envisagée tandis que l’objet de l’obligation, ce sont les
prestations convenues. Par exemple, dans la vente, l’objet du contrat est la vente ou
l’achat ; l’objet de l’obligation du vendeur est la chose qui doit être livrée tandis que
l’objet de l’obligation de l’acheteur est le prix qui doit être payé. La même
différenciation peut être établie pour les différents contrats : bail, contrat de travail,
contrat d’entreprise…

Le Code civil énumère un certain nombre de caractères de l’objet (§ I) mais il


se pose également le problème de l’équilibre des prestations (§ II).

§ I : Les caractères de l’objet

Il faut envisager successivement l’objet de l’obligation et l’objet du contrat.

A) L’objet de l’obligation

Suivant la distinction tripartite de l’obligation, l’objet de celle-ci peut consister


en une :
- obligation de donner : la prestation consiste à transférer la propriété d’une
chose où à créer un droit réel sur cette chose ;
- obligation de faire : la prestation consiste en un fait du débiteur (l’architecte
doit élaborer le plan d’une maison, l’acteur doit tenir un rôle dans une pièce…) ;

62
- obligation de ne pas faire, c’est-à-dire de s’abstenir d’agir (le vendeur d’un
fonds de commerce ne doit pas ouvrir dans la même ville ou dans le même quartier
un commerce semblable à celui qu’il cède).
Pour l’essentiel, l’objet doit revêtir trois caractères : être dans le commerce (1),
être déterminé ou déterminable (2), être possible (3).

1) L’objet doit être dans le commerce

Selon l’article 1128 du Code civil burkinabè, « Il n’y a que les choses qui sont dans le
commerce qui puissent être l’objet des conventions » (art. 1128). Ainsi, en principe, toutes les
choses sont dans le commerce. Sont cependant hors du commerce :
- Les choses hors du commerce par nature : l’eau courante (autre que l’eau du
robinet), l’air, la lumière, la mer et ses rivages…
- Les biens du domaine public : ils peuvent faire l’objet de concessions mais ils
ne peuvent être aliénés.
- Certains biens déclarés incessibles, comme le droit d’usage et le droit
d’habitation.
- L’état et la capacité des personnes ainsi que la personne humaine, son
intégrité physique et morale qui doit être préservée, le corps humain, mort ou vif, en
tout ou en partie (organes, sang…). La question d’actualité en ce domaine est celle
des mères porteuses qui s’engagent, moyennant rémunération, à porter jusqu’à la
naissance, un embryon fécondé. Le contrat ainsi passé, qualifié de location d’utérus,
est considéré comme immoral en France par la Cour de cassation. Pour celle-ci, en
effet, « la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter
un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de
l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes »73 ;
- Les choses dont le commerce est réduit ou restreint pour des raisons de santé
publique, comme les substances vénéneuses ou les animaux atteints de maladies
contagieuses…
- Les fonctions publiques.
On a considéré pendant longtemps que les clientèles civiles, c’est-à-dire celles
des professions libérales, à la différence des clientèles commerciales toujours
cessibles, étaient incessibles. Avec l’évolution, pratiquement toutes les clientèles
civiles sont cessibles.

2) L’objet doit être déterminé ou déterminable

Les parties doivent avoir précisé en quoi consiste exactement la prestation


promise, faute de quoi l’objet ne sera pas déterminé. Si l’objet n’est pas déterminé, il

73 Ass. plén., 31 mai 1991, Association Alma Mater, Dalloz 1991, 417, rapport Chartier, note D.
Thouvenin ; François Terré et Yves Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile de Henri
Capitant, 10e éd., Dalloz, 1994, p. 224 à 232. La première décision dans le même sens sur une affaire
similaire est la suivant : Civ. 1ère, 13 décembre 1989, Dalloz 1990, 273, rapport Massip.

63
faut qu’il soit déterminable, c’est-à-dire le contrat doit fournir les éléments
nécessaires à sa détermination au moment de son exécution.
Lorsque la chose est individualisée, c’est-à-dire s’il s’agit d’un corps certain, il
n’y a pas de difficulté de détermination. Lorsque l’objet est une chose de genre, il
suffit qu’elle soit déterminée quant à son espèce (art. 1129, al. 1er). La qualité peut ne
pas être précisée : dans ce cas, le débiteur doit livrer une chose de qualité moyenne.
Mais la quotité ou quantité doit être déterminée ou déterminable. En effet, le
débiteur ne s’engagerait pas sérieusement s’il promettait simplement de livrer du vin,
du dolo, de l’huile ou du riz, sans aucune précision sur la quantité car il pourrait se
libérer par une prestation dérisoire.
Le prix doit aussi en principe être déterminé ou déterminable. Toutefois, la
Cour de cassation française admet des exceptions pour les contrats-cadre prévoyant
la conclusion de contrats ultérieurs, comme le contrat de franchisage 74. Dans ces
contrats, l’indétermination du prix n’affecte pas, sauf dispositions légales
particulières, la validité de celui-ci75. Seul l’abus dans la fixation du prix peut donner
lieu à résiliation ou à indemnisation76. Selon les professeurs Malaurie et Aynès, l’abus
est une notion souple, soumise à l’appréciation du juge, aussi difficile à définir que la
mauvaise foi : il suppose un faisceau de circonstances : excès, discrimination,
intention de nuire. Le fait que le prix soit élevé, même par rapport à celui du marché,
ne suffit pas à le caractériser.

3) L’objet doit être possible

On ne peut pas s’engager à accomplir une prestation impossible. A l’impossible


nul n’est tenu. L’hypothèse est rare car il s’agit d’une impossibilité absolue et
non d’une impossibilité relative, c’est-à-dire d’exécution. En revanche,
l’impossibilité de la chose, objet du contrat, est plus fréquente. L’impossibilité
dans ce cas peut être juridique ou matérielle. Elle est matérielle quand il s’agit d’un
corps certain : si cette chose périt au moment même où le contrat se conclut, le
contrat est impossible faute d’objet. Toutefois, si le contrat porte sur une chose
future, l’impossibilité résultant du fait que l’on ne peut pas se procurer
immédiatement la chose n’affecte pas la validité du contrat. Ainsi, la vente de récoltes
à venir, de voitures à fabriquer, d’une maison à construire… est licite.

74 Le contrat de franchisage est celui par lequel le titulaire d’un signe distinctif, généralement déposé à
titre de marque, en l’occurrence le franchiseur, en concède l’usage à un commerçant indépendant, le
franchisé, auprès duquel il assume une fonction de conseil et d’assistance commerciale, moyennant le
paiement d’une redevance sur le chiffre d’affaires du franchisé ainsi que son engagement de
s’approvisionner en tout ou en partie auprès du franchiseur ou de tiers déterminés et de respecter un
certain nombre de normes tant pour l’implantation que pour la gestion du point de vente.
75 Ass. plén., 1er décembre 1995 (4 arrêts) : Bull. Ass. Plén., n° 7, 8 et 9 ; Dalloz 1996, 17, conclusions

Jéol, note Laurent Aynès ; JCP, 1996, éd. G, II, 22 565, note Ghestin ; éd. E, II, note L. Leveneur ;
RTD Civ., 1996, p. 153, note J. Mestre.
76 Pour plus de développements, voy. P.-H., Antomattei et J. Raynard, Droit civil, Contrats spéciaux,

Litec, 5e éd., 2005, n°s 36 et 120.

64
L’impossibilité peut être juridique : il en est ainsi lorsque la chose objet du
contrat existe bien au moment du contrat, sans que le débiteur n’ait un droit sur elle.
S’agissant des choses de genre, le contrat est valable parce que l’impossibilité est
seulement relative : le débiteur pourra lui-même acquérir la chose afin de la livrer à
son acheteur. S’agissant, en revanche, d’un corps certain, l’impossibilité est absolue si
le droit du débiteur ne se concrétise pas lors de la formation du contrat, ce qui
entraîne une nullité relative si certaines conditions sont réunies (art. 1599).

B- L’objet du contrat

Il s’agit de l’opération juridique que les parties entendent réaliser. Cet objet doit
être licite et respecter l’ordre public et les bonnes mœurs. Aux termes de l’art. 6 du
Code civil, « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui régissent l’ordre
public et les bonnes mœurs ». S’agissant de l’ordre public, on distingue l’ordre public
classique (1) et l’ordre public économique (2).

1) L’ordre public classique

L’ordre public classique vise :


- la protection de la personne : elle porte d’abord sur les droits élémentaires
de la personne. Cela a pour conséquence la nullité des pactes sur succession future77
et de l’engagement perpétuel ou de la promesse de ne pas se marier. Dans ce dernier
cas, la liberté de se marier étant reconnue, la clause de célibat est illicite. Autre
conséquence : sont également illicites les clauses de non-concurrence sans limitation
de temps, d’espace ou dans les activités concernées ainsi que les clauses
d’inaliénabilité sans limite de temps et d’espace. L’ordre public porte aussi sur
l’intégrité du corps humain. Il s’ensuit le caractère non patrimonial du corps humain,
de ses éléments et de ses produits et les principes fondamentaux concernant l’état et
la capacité des personnes ou l’organisation de la famille ;
- la sauvegarde de l’organisation de l’Etat et du fonctionnement des
services publics : d’où le caractère incessible des attributs de la souveraineté (nullité
d’une cession de droit de vote ou d’une fonction publique) et la nullité de
l’engagement d’un fonctionnaire d’accorder des faveurs ou de la convention qui
aurait pour objet une fraude fiscale ;
- la protection d’une profession et du public : l’ordre public professionnel
est justifié par un souci de moralité publique (par exemple interdiction pour un
médecin de s’engager à procurer des clients à un pharmacien ou à un médecin
spécialiste). C’est sur cette base que la cession de clientèles civile avait été interdite
mais l’interdiction est levée désormais à condition que soit sauvegardée la liberté de
choix du patient.

77Selon la Cour de cassation fr. (Civ 11 nov. 1845, DP 1846, I, 25), en prohibant sans distinction les
conventions sur une succession non ouverte, le code civil a compris dans ses dispositions tout aussi
bien l’aliénation d’une chose particulière que celle de la totalité ou une quote-part de cette succession.

65
2) L’ordre public économique

L’ordre public économique fait l’objet, dans ses manifestations, d’une


distinction entre l’ordre public de direction et l’ordre public de protection. L’ordre
public de direction englobe les règles impératives permettant aux pouvoirs publics
de réaliser certains objectifs économiques, notamment la réglementation des prix ou
celle des clauses d’indexation. Plus spécialement, il existe un ordre public monétaire
destiné à protéger la monnaie. Sur ce dernier point, les clauses d’un contrat ne
doivent pas être contraires à l’ordre public monétaire. C’est ainsi qu’un créancier ne
pourrait pas stipuler le paiement or ou en devises étrangères, sauf si le contrat est
international. L’ordre public de protection a comme objectif de protéger les
parties considérées comme les plus faibles : salariés, consommateurs, locataires…
L’ordre public de direction assure la protection de l’intérêt général et de ce fait
la convention qui lui porte atteinte est entachée de nullité absolue. Au contraire,
l’ordre public de protection préserve les intérêts d’une partie et seule celle-ci peut
demander la nullité du contrat, qui est donc une nullité relative.

Quant aux bonnes mœurs, on les distingue mal de l’ordre public. Elles
apparaissent plutôt comme des normes de moralité publique, telle qu’elle est
entendue à une époque donnée. Elles concernent surtout la moralité sexuelle, le
respect de la personne humaine et de sa liberté, les gains jugés immoraux (prêts
usuraires, argent sale…). Les conventions qui lui portent atteinte sont entachées de
nullité absolue. Mais il faut signaler que les bonnes mœurs évoluent dans le temps.
Par exemple, en France, le courtage matrimonial a été considéré pendant longtemps
comme contraire aux bonnes mœurs avant d’être réglementé par une loi du 23 juin
1989.
L’objet du contrat pose également la question de l’équilibre des prestations.

§ II : L’équilibre des prestations

Le problème ici posé est celui de la lésion. La lésion est le préjudice subi par un
contractant et résultant, dans un contrat à titre onéreux, du défaut d’équivalence, au
moment de la conclusion du contrat, entre les prestations ou avantages
réciproquement stipulés. La lésion doit être distinguée de l’imprévision qui cause un
préjudice du fait que des circonstances postérieures au contrat et imprévues viennent
rendre l’exécution de celui-ci plus onéreuse pour une des parties.
La question est de savoir, dans l’hypothèse où celui qui a subi la lésion n’a pas
eu l’intention de faire une libéralité, si cette lésion peut faire obstacle à la formation
du contrat. Le Code civil burkinabè semble donner une réponse négative dans l’art.
1118 pour qui « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l’égard de
certaines personnes ». C’est dire que le législateur ne retient la lésion que dans des cas
exceptionnels mais la jurisprudence s’est efforcée d’élargir le domaine de la lésion.

66
Qu’en est-il de ces applications ? (A) Se posent également la question du fondement
(B) et celle des sanctions de la lésion (C).

A- Les applications de la lésion

Les applications de la lésion sont l’œuvre du législateur (1) mais également de la


jurisprudence (2).
1) Les applications légales de la lésion

Le droit romain n’admettait pas d’action en matière de lésion. Au Moyen-âge,


sous l’empire des Canonistes, on a admis l’annulation des contrats pour cause de
lésion car l’Eglise a voulu lutter contre l’exploitation dans les contrats et
particulièrement contre ce « mal dévorant » qu’est « l’injustice usuraire »78. Le droit
révolutionnaire ne fut pas favorable à la lésion par respect pour la liberté individuelle
et parce qu’il voulait pratiquement éviter des annulations ou des révisions de contrats
pour lésion, qui risqueraient de se développer pour dépréciation du fait des
assignats79. Le Code civil est moins sévère : tout en posant le principe de non
admission de la lésion, il a repris les cas qui étaient déjà consacrés antérieurement (a).
Cependant, des lois postérieures au Code civil ont prévu d’autres cas (b).

a) Les cas de lésion consacrés par le Code civil

Selon l’art. 1118 du Code civil, la lésion ne vicie le consentement qu’à l’égard
de certaines personnes et de certains contrats. Pour les personnes, il s’agit des
mineurs non émancipés et des majeurs placés sous la protection de la justice (CPF,
art. 636).
Pour les conventions, on relève principalement la vente d’immeubles (art.
1674) : si le vendeur a été lésé de plus de 7/12e, il a le droit de demander la rescision
quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à demander cette
rescision et qu’il aurait déclaré donner la plus-value. C’est donc la lésion du vendeur
qui est seule prise en compte et non celle de l’acheteur (art. 1683). La lésion ne
concerne que les immeubles et non les meubles, car le Code civil voulait protéger les
propriétaires d’immeubles, considérés comme des biens importants (res mobilis res
vilis). L’action en rescision doit être intentée dans les deux ans suivant le jour de la
vente (art. 1676). Ce délai est préfix. L’acheteur peut éviter la nullité du contrat en
payant le supplément du juste prix sous la déduction du dixième du prix total (art.
1681). Enfin, retenons que l’art. 1681, al. 2, accorde le même droit au tiers possesseur
(le sous-acquéreur), sauf sa garantie contre son vendeur.

78A. Weill et F Terré, op. cit., n° 199.


79 Papier-monnaie créé sous la Révolution française et dont la valeur était assignée sur la valeur des
biens nationaux.

67
Par ex. si un bien valant 24 000 000 F a été vendu à 8 000 000 F, la lésion
s’établit à 16 000 000 F et excède les 7/12 (16/24 = 8/12). Si l’acheteur veut garder
l’immeuble, il lui suffit de payer 16 000 000 F – 1/10 x 24 000 000 F = 13 600 000 F.
Le problème se complique lorsque la valeur réelle du bien a augmenté entre le
jour de la vente et le jour du rachat de la lésion. Sur quelle base calculer le
supplément que devra l’acheteur ? La Cour de cassation française a décidé que le
supplément à payer par l’acheteur pour éviter la rescision devait être calculé sur la
valeur de l’immeuble au jour du versement de ce supplément. Le complément doit en
effet être juste ; or il ne peut en être ainsi que s’il est suffisant et correspond au jour
du versement à la valeur de l’immeuble que le contrat lésionnaire n’a pas permis
d’acquérir ; en décider autrement laisserait, en fait, subsister la majeure part de la
lésion que la loi, en ce cas, a entendu proscrire 80. En d’autres termes, il faut
déterminer la lésion au jour du contrat et appliquer la proportion qu’elle représente à
la valeur actuelle du bien.
Illustration : Si l’on reprend l’exemple ci-dessus, et que l’on précise que la
valeur actuelle est de 60 millions, on aura :
- proportion de la lésion lors de la vente = 16 millions sur 24 = 8/12 ou 2/3 ;
- cette proportion appliquée aux 60 millions = 60 millions x 8/12 = 40
millions ;
- le prix à payer pour racheter la lésion = 40 millions – 1/10 x (40 millions + 8
millions) = 35,2 millions ; en effet, le dixième dont l’article 1681 autorise la déduction
est celui du « prix total » résultant des deux versements, initial et complémentaire, de
l’acquéreur81.
S’il préfère garder la chose en fournissant le supplément de prix, il doit l’intérêt
sur le supplément du prix du jour de la demande en rescision 82.
La lésion n’est pas admise dans certaines ventes immobilières. Il en va ainsi des
ventes qui ne peuvent être faites que d’autorité de justice (1684 code civil). Il en est
également, en principe, des ventes aléatoires83, comme les ventes moyennant rente
viagère, ne peuvent être rescindées. Si le montant des arrérages est inférieur au loyer
de l’immeuble vendu, l’acheteur ne court aucun risque puisque le loyer permet de
payer la rente. Il n’y a aucun aléa dans ce cas84. La jurisprudence considère alors que
80 Civ., 1ère sect. Civ., , 7 juin 1966, Dalloz 1966, 629, rapport du conseiller Ancel, qui affirme que le
supplément que doit payer l’acheteur pour échapper à la restitution de l’immeuble correspond non à la
valeur vénale de l’immeuble au moment où il a été vendu, mais à sa valeur réelle à l’époque où doit
intervenir ce règlement complémentaire. Voy. sur les modalités de calcul : Civ. 3e, 22 janvier 1970,
RTD civ. 1970, 788, obs. Cornu.
81 Civ. 3e, 4 déc. 1973, RTD civ. 1974, 431, obs. Cornu.
82 La somme à payer pour racheter la lésion, lorsqu’il n’y a pas eu de variation depuis la vente, est

déterminée comme suit :


(PT – PP) + (PT – PP)ti – PT x 1/10.
PT = prix total ; PP = prix payé ; ti = taux d’intérêt légal au jour de la demande.
83 Selon la Cour de cassation fr. (Req. 6 mai 1946, Dalloz 1946, 287), le caractère aléatoire des

conditions d’une vente immobilière s’oppose à ce qu’un tel contrat puisse faire l’objet d’une rescision
pour lésion de plus de sept douzièmes, en l’espèce un bail à nourriture).
84 Civ. 3e, 10 juin 1998, Bull. civ. III, n° 125.

68
ce contrat est annulable, non pas d’ailleurs pour lésion mais pour absence de cause. Il
en est de même dans les cas où l’état de santé ou l’âge du vendeur étaient tels que
l’acheteur n’encourait aucun risque.
Il faut enfin signaler la lésion en cas de partage (art. 888 du Code civil et 855 du
CPF qui fait état d’action en rectification, ouverte, entre autres, à l’héritier qui établit
qu’il a subi un préjudice de plus du quart dans l’évaluation des biens compris dans
son lot)85. La maxime affirme que l’égalité est l’âme des partages).

b) Les cas de lésion prévus par les lois postérieures au Code civil

Tout au long du 19e siècle, le législateur est resté, comme le Code civil, assez
hostile à la lésion. Le 20e siècle s’est montré plus ouvert à la lésion sous l’influence
des crises économiques, de l’instabilité de plus en plus grande des valeurs ainsi que de
doctrines plus favorables à l’intervention du législateur et du juge dans les rapports
contractuels. Au titre des lois postérieures, on note, entre autres :
- l’admission de la rescision pour lésion pour les majeurs sous la protection de
la justice (loi du 3 janvier 1968 en France ; CPF de 1989, art. 636, al. 2) ;
- l’admission de la lésion de plus d’un quart au profit de l’acheteur d’engrais, de
semences ou de plants destinés à l’agriculture, lequel peut obtenir une réduction du
prix et des dommages-intérêts, par la loi du 8 juillet 1907, modifiée par celle du 10
mars 1937 et du 13 juillet 1979 ;
- la rescision pour lésion de plus de 7/12e au profit de l’auteur d’une œuvre
littéraire et artistique (la loi du 11 mars 1957 et la loi burkinabè sur le droit d’auteur
reprend la même règle86) ;
- l’admission de la lésion dans les prêts d’argent et dans les ventes à
tempérament, à travers l’incrimination de l’usure par des textes spécifiques.
Il arrive que le législateur prenne des mesures préventives contre des
opérations qui pourraient être lésionnaires : interdiction de la vente à la boule de
neige, de la pratique des prix discriminatoires, de l’utilisation de clauses abusives… ;
ce genre de lois est souvent assorti de sanctions pénales et les contrats concernés
sont frappés de nullité absolue. Il faut signaler que le Projet d’Acte uniforme de
l’OHADA sur le droit des contrats prévoit une prise en compte généralisée de la
lésion si certaines conditions sont réunies87.

85 Concrètement, si une succession composée de biens en nature de 100 Millions doit être partagée
entre deux héritiers, la part de chacun doit être de 50 millions. Le quart de la part de chaque héritier
est de 12,5 millions. Cela veut dire que si la valeur réelle de la part reçue par l’un des héritiers est
inférieure en valeur aux ¾ de 50 millions, soit 37,5 millions, il pourra invoquer la lésion.
86 Loi n° 048-2019/AN du 19 novembre 2019 portant protection de la propriété littéraire et artistique.

Selon l’article 51 de cette loi, « en cas de cession du droit d’exploitation, lorsque l’auteur a subi un
préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de
l’œuvre, il pourra provoquer soit la rescision du contrat, soit la révision des conditions de prix du
contrat ».
87 L’article 3/10 (avantage excessif) du projet est ainsi libellé :

69
2) Les applications jurisprudentielles de la lésion

Liée par les termes très nets de l’art. 1118 du Code civil, la Cour de cassation
française a affirmé que les juges n’ont pas le droit, en dehors des cas prévus par les
textes, de rétablir l’équivalence des prestations en augmentant celle d’un contractant
ou en diminuant celle de l’autre ou en annulant les contrats comme étant léonins.
Elle se fonde sur la nécessité d’assurer la sécurité générale des affaires. Néanmoins, la
jurisprudence a recouru à divers moyens pour combler les insuffisances du Code civil
afin de modifier ou d’annuler les contrats lésionnaires.
L’une des interventions les plus importantes est relative à la réduction des
honoraires des membres des professions libérales (avocats, notaires, huissiers, experts
comptables, médecins…) lorsque les honoraires paraissent manifestement excessifs
au regard de la prestation fournie par le professionnel. Cette solution d’équité peut
trouver son fondement dans l’insuffisance de cause. Ainsi, le contrat de révélation de
succession par lequel un généalogiste s’engage moyennant rémunération à révéler à
un héritier une succession qu’il ignore a pu être annulé s’il s’avère que l’héritier devait
nécessairement connaître la succession qui lui est advenue.
L’absence ou l’insuffisance de cause a permis à la jurisprudence d’annuler les
ventes d’immeubles consenties moyennant une rente viagère dont les arrérages sont
inférieurs ou égaux aux revenus de l’immeuble, de sorte que l’acheteur n’a aucun
effort à fournir : il acquiert en quelque sorte l’immeuble sans bourse délier.

B) Les fondements de la lésion

Deux conceptions sont possibles (1) et la jurisprudence a du faire un choix (2).

1) Les deux conceptions possibles

1) La nullité du contrat ou de l’une de ses clauses pour cause de lésion peut être invoquée par une
partie lorsqu’au moment de sa conclusion, le contrat ou la clause accorde injustement un avantage
excessif à l’autre partie. On doit, notamment, prendre en considération:
a) le fait que l’autre partie a profité d’une manière déloyale de l’état de dépendance, de la détresse
économique, de l’urgence des besoins, de l’imprévoyance, de l’ignorance, de l’inexpérience ou de
l’inaptitude à la négociation de la première; et
b) la nature et le but du contrat.
2) Le tribunal peut, à la demande de la partie lésée, adapter le contrat ou la clause afin de le rendre
conforme aux exigences de la bonne foi.
3) Le tribunal peut également adapter le contrat ou la clause à la demande de la partie ayant reçu
une notification d’annulation pourvu que l’expéditeur de la notification en soit informé sans tarder
et qu’il n’ait pas agi raisonnablement en conséquence. Les dispositions du paragraphe 2 de l’article
3/15 sont alors applicables.

70
Dans une première conception dite subjective, la lésion résulte d’un vice de
consentement. La lésion fait présumer de l’existence d’un vice de consentement. On
peut invoquer à l’appui de cette thèse l’art. 1118 du Code civil selon lequel la lésion
ne vicie les conventions qu’à l’égard de certains contrats ou à l’égard de certaines
personnes. Dans une deuxième conception, on ne se préoccupe pas du
consentement, on va simplement évaluer les prestations des parties et la lésion sera
seulement admise dans certaines hypothèses parce qu’il faut protéger la sécurité des
transactions.
A l’analyse, il n’est pas possible d’adopter la première conception. En effet, si la
lésion faisait présumer un vice de consentement, le législateur aurait admis la lésion
dans tous les contrats puisque l’erreur, le dol et la violence sont des causes de nullité
pour tous les contrats. La deuxième conception semble donc préférable.

2) La position de la jurisprudence

Dans un premier temps, la jurisprudence a cherché la preuve d’un vice de


consentement même quand le déséquilibre requis était patent. Mais elle a opéré un
revirement le 28 décembre 193288. Dans les hypothèses où le législateur admet la
lésion, il n’y a pas à prouver un vice de consentement. C’est donc la conception
objective qui l’emporte en droit positif.

C- Les sanctions de la lésion

Qui doit prouver la lésion et par quels moyens ? De façon classique, c’est à
celui qui se sent lésé, c’est-à-dire celui qui invoque la lésion, de la prouver. En
principe, la preuve peut être rapportée par tous moyens mais en matière de vente
immobilière une expertise (trois experts qui dressent un procès-verbal en commun,
art. 1678) est nécessaire. Le vendeur peut apporter la preuve de l’intention libérale de
l’acheteur. Cependant, selon l’art. 1674, le vendeur a le droit de demander la rescision
de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté
de demander cette rescision, et qu’il aurait déclaré donner la plus-value. En cas de
révision du contrat, celui-ci est alors valable mais la prestation excessive est réduite. Il
en est ainsi dans le cadre de la loi française sur le sauvetage maritime.
La formation du contrat requiert la capacité des parties, leur consentement, un
objet existant et licite mais également une cause existante et licite.

Section IV : La cause

Rappelons d’entrée que la notion cause a été effacée du paysage juridique


français. Au Burkina, elle est continue d’être régie par trois articles du Code civil :

88C. cass., Requêtes, 28 décembre 1932, DP 1933, 1, 87, rapp. Dumas et Requêtes, 12 mars 1933, DH
1933, 235.

71
1131, 1132 et 1133. Aucun de ces articles ne donne une définition de la cause. Il
convient d’aborder successivement la notion (§ I), la fonction (§ II) et la preuve de la
cause (§ III).
§ I : La notion de cause

En doctrine, la cause a deux significations différentes : la cause abstraite ou


objective ou cause de l’obligation (A), laquelle s’oppose à la cause concrète ou
subjective ou cause du contrat (B).

A- La notion de cause au sens abstrait

La cause au sens abstrait, ou cause objective ou cause de l’obligation, est la


raison pour laquelle un contractant s’oblige envers un autre et cette raison est
identique pour un même type de contrats. Ainsi pour les contrats synallagmatiques,
chacune des parties s’engage parce que l’autre partie s’engage. En d’autres termes,
l’obligation de chacune des parties sert de cause à l’obligation de l’autre partie. Par
exemple dans la vente, l’acheteur s’engage à payer le prix parce que le vendeur
s’engage à lui livrer la chose et vice versa. Dans le contrat unilatéral, la cause de
l’obligation de restitution est la remise de la chose. Dans le prêt ou le dépôt, par
exemple, l’emprunteur ou le dépositaire s’engage à restituer la chose prêtée ou
déposée parce que le prêteur ou le déposant lui a préalablement remis la chose. Dans
les contrats à titre gratuit, la cause de l’obligation du donateur vis-vis du donataire est
l’intention libérale (animus donandi).
Avec cette notion, la cause est la même pour tous les contrats d’une même
catégorie. Il n’y a donc pas de cause illicite ou contraire aux bonnes mœurs. De ce
fait, le juge ne peut opérer un contrôle sur la cause. Or le Code civil décide que
l’obligation qui a une cause illicite est nulle. Pour pouvoir donner un rôle au juge, une
seconde conception a été dégagée.

B- La notion de cause au sens concret

La cause au sens concret, ou cause subjective ou cause du contrat, est


constituée des motifs qui ont déterminé le contractant à passer le contrat et les motifs
sont différents pour chaque contrat. Ainsi, le vendeur vend sa maison parce qu’il a
été muté dans une autre ville ou parce qu’il rencontre beaucoup de difficultés
financières, pour combler un « trou de caisse »... Dans le contrat de prêt,
l’emprunteur a emprunté de l’argent pour faire un cadeau à son amie.
La cause ainsi entendue permet au juge d’exercer un contrôle. Le contrat est
ainsi nul s’il est contraire aux bonnes mœurs. Dans la jurisprudence française, par
exemple, il avait été décidé que si une personne mariée donne de l’argent à sa
maîtresse afin de maintenir les relations adultérines, le contrat de donation est nul
comme contraire aux bonnes mœurs. Il en serait autrement si le cadeau était destiné à
favoriser la rupture. Il y a également cause illicite si une personne promet à une autre

72
une forte somme d’argent afin que cette dernière commette une infraction
(assassinat, empoisonnement ou autre).

§ II : La fonction de la cause

La cause est une condition de validité du contrat (C. civ., art. 1108). Sa
fonction varie suivant que la cause est abstraite (A) ou concrète (B).

A- La fonction de la cause abstraite

Selon l’art. 1131 du Code civil, l’obligation sans cause ou sur une fausse cause
ne peut avoir aucun effet. Si l’obligation de l’une des parties n’a pas de cause, le
contrat ne peut se former. Par exemple, si un contrat de vente est conclue sous la
forme d’une rente viagère, si la rente viagère servie est inférieure ou seulement égale
au revenu ou loyer de l’immeuble, la prestation du crédit-rentier est sans cause parce
que la prestation du débit-rentier n’est pas sérieuse : il acquiert la propriété
pratiquement sans bourse déliée. Le crédit-rentier n’a alors aucun intérêt à s’engager.

Quant à la fausse cause, elle se divise en deux branches : la cause erronée ou


imaginaire, qui est assimilée à l’absence de cause (une personne se croyant l’auteur
d’un accident s’engage à en réparer les conséquences et s’aperçoit par la suite qu’elle
n’en était pas responsable), et la cause simulée qui n’entraîne la nullité que si elle est
illicite (la donation déguisée en une vente).

B- La fonction de la cause concrète

L’art. 1131 exige que la cause soit licite. A une cause illicite le fait d’acheter une
maison pour y installer la débauche. Mais à quelles conditions la nullité sera-t-elle
prononcée ? Suffit-il qu’une seule des parties connaisse le motif ou le mobile illicite
ou faut-il que celui-ci soit connu des deux parties ?
Pour les contrats à titre onéreux, la jurisprudence exigeait que les deux parties
aient eu connaissance de l’illicéité de la cause pour annuler le contrat. On disait que la
cause doit être entrée dans le champ contractuel. Ainsi, un contrat de bail ne
comporte pas une cause illicite dès lors qu’il n’est pas prouvé que l’exploitation dans
les lieux loués d’une maison de tolérance ait été convenue entre les parties 89. Mais un
revirement a eu lieu : un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale,
même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou
immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat90. Pour les contrats à titre

89 Civ. 1ère, 4 décembre 1956, JCP 1957, II,10008, note J. Mazeaud.


90 Civ. 1ère, 7 octobre 1998, Bull. Civ. I, n° 285 et Dalloz 1998, 563.

73
gratuit, de manière classique, la cause illicite n’a pas besoin d’être connue des deux
parties.

§ III : La preuve de la cause

Deux questions se posent : la preuve de l’existence de la cause (A) et celle de la


licéité de la cause (B).

A- La preuve de l’existence de la cause

C’est à celui qui prétend que le contrat n’est pas causé à en rapporter la preuve.
Ainsi, par exemple, c’est à l’emprunteur de prouver que la somme ne lui a jamais été
remise et qu’en conséquence il n’a pas d’obligation de la restituer.
Une difficulté surgit à propos de l’art. 1132. L’hypothèse est la suivante : une
personne se reconnaît débitrice sans en indiquer la cause. L’art. 1132 valide ces
genres d’opérations parce qu’il crée une présomption simple qu’il existe une cause.
En effet, cet article est ainsi libellé : « La convention n’en est pas moins valable,
quoique la cause n’en soit pas exprimée ». Jusqu’à preuve contraire, un engagement
est sensé avoir une cause. Mais le débiteur peut faire tomber cette présomption par
tous moyens. Cette preuve par tous moyens comporte une exception. Ainsi, « dans les
rapports entre parties, la preuve de la fausseté de la cause exprimée à l’acte doit être administrée par
écrit, dans les conditions prévues par l’article 1341 du Code civil »91. On considère, en effet,
que dans ce cas il s’agit de prouver contre un écrit.

B- La preuve de la licéité de la cause

La cause est présumée licite dans un acte juridique. C’est donc à celui qui
entend se prévaloir de l’illicéité de la prouver92. Mais une fois démontrée la fausseté
de la cause, il incombe au créancier de prouver que sa créance repose sur une cause
licite, et, faute par lui de faire cette preuve, il doit succomber dans ses prétentions93.
Après des divergences doctrinales et jurisprudentielles, on admet la preuve par tous
moyens.

Section V : La forme du contrat

La forme du contrat n’est pas directement traitée par le Code civil burkinabè
en raison du principe du consensualisme qui postule que le contrat est valable même

91 Civ. 1ère, 4 juillet 1995, n° 93-16. 236 ; Com. 14 mars 2006, n° 04-17.433, Bull. civ. IV, n° 66 ; D.
2006, p. 948 ; Civ. 1ère, 8 avril 2009, n° 07-20.652 ; Civ. 1ère, 23 février 2012, D. 2012, p. 993.
92 Voy. dans ce sens C. cass. fr., Civ. 1 ère, 1er octobre 1986, Bull. I, n° 230, p. 230.
93 C. cass. fr., civ. 1ère, 20 décembre 1988, JCP 1989, IV, 71.

74
si le consentement est verbalement donné. Toutefois, dans certains cas, la formation
du contrat est soumise à des formalités de nature diverse. Il peut s’agir :

- de formalités solennelles : Les contrats dits solennels sont assujettis à


l’observation de formalités déterminées par la loi et dont l’irrespect est sanctionné
par l’annulation de l’acte. Par exemple, l’article 59 du Code CIMA exige, à peine,
l’établissement d’un écrit pour les contrats d’assurance sur la vie et les contrats de
capitalisation. De même, le contrat de mariage ou les donations entre vifs doivent
être conclus par acte notarié.

- de formalités probatoires : ici la forme n’est pas exigée pour la validité de


l’opération ; elle est seulement nécessaire pour la preuve du contrat. Ainsi, l’article
1341 C. civ. exige un acte sous seing privé ou authentique pour la preuve des contrats
dont la valeur supérieure à 500 F (25 000 F CFA selon la jurisprudence burkinabè94) ;
l’article 1326 C. civ. dispose que, pour leur preuve, les engagements unilatéraux
portant sur une somme d’argent ou chose appréciable doivent comporter la mention
écrite de la somme ou de la quantité de la chose de celui qui s’engage ; de même,
l’article 7 du Code CIMA impose l’écrit pour la preuve du contrat d’assurance.

- de formalités d’opposabilité ou de publicité : la formalité est exigée pour


que l’acte soit opposable à un tiers, c’est-à-dire qu’il soit porté à la connaissance des
tiers qui ne peuvent plus prétendre ignorer son existence. Il en va ainsi de
l’inscription des sûretés mobilières conventionnelles au Registre du commerce et du
crédit mobilier (RCCM) et de la publication des actes (vente, donation, hypothèque)
portant sur les immeubles au registre foncier. Dans ces cas, l’ignorance de la
publicité n’est pas sanctionnée par la nullité. Elle a pour conséquence que les tiers
sont fondés à ignorer le contrat conclu qui reste cependant valable entre les parties
contractantes.

- de formalités d’information : elles ont pour fonction de porter une


information à la connaissance des tiers. C’est le cas de l’article 6 du Code CIMA qui
impose une fiche d’information indiquant le prix, les garanties et exclusions et de
l’article 37 de la loi du 27 avril 2017 portant organisation de la concurrence qui exige
une information sur les conditions contractuelles. On peut noter les nombreuses
obligations d’information sur l’identité et la qualité du prestataire et ses activités, le
prix, les biens ou services, le contrat lui-même, les conditions contractuelles et sur le
processus de conclusion du contrat imposées par la loi du 10 novembre 2009 portant
réglementation des transactions et services électroniques au Burkina (articles 45, 57 et
58 notamment)95.

94 TGI Ouagadougou, jugement n° 301 du 21 mars 2001, inédit.


95 Pour de plus amples informations sur ces obligations, cf. W. D. KABRE, op. cit., n° 163 et s.

75
La question se pose de savoir quelle est la sanction à appliquer lorsque la
nature de la forme n’est pas précisée. Il arrive souvent que le législateur exige une
forme sans préciser la sanction applicable en cas de manquement. C’est le cas
fréquemment en matière d’obligations d’information. Dans cette hypothèse, le
régime de l’action en nullité pour défaut ou vice de forme dépend de la nature des
intérêts que la forme vise à protéger. Si ceux-ci sont essentiels, la nullité sera
prononcée. Dans le cas contraire, d’autres sanctions comme la responsabilité civile
ou l’effet obligatoire de l’information peuvent être mis en œuvre.
La formation du contrat requiert la réunion des conditions ci-dessus abordées
relatives à la capacité, au consentement, à l’objet, à la cause et à la forme du contrat.
Quelles sont les sanctions si certaines manquent ?

CHAPITRE II : LA SANCTION DES CONDITIONS DE FORMATION DU


CONTRAT

Si un contrat ne remplit pas les conditions de formation, il est nul, c’est-à-dire


sans effet. A cet égard, une distinction fondamentale est faite entre la nullité absolue
et la nullité relative. Mais il ne faut pas confondre la nullité avec d’autres techniques
comme la résolution du contrat, l’inopposabilité, la caducité et l’inexistence.
L’élément commun à la nullité et à la résolution, c’est que le contrat n’est pas
exécuté. Mais lorsqu’il manque une condition de formation, le contrat est nul. En
revanche, lorsque le contrat a été valablement formé et qu’une cause postérieure
empêche son exécution, il y a résolution.
Il ne faut pas confondre nullité et inopposabilité. En effet, en cas
d’inopposabilité, le contrat est valable, ce qui la distingue de la nullité. Mais il n’est

76
pas opposable aux tiers parce que certaines conditions exigées pour son opposabilité,
telle la publicité, ne sont pas respectées.
La nullité doit également être distinguée de la caducité. Le terme de caducité
s’emploie pour qualifier l’état d’un acte juridique qui est valable dans son principe
mais que la survenance ou la non-survenance d’un événement postérieur prive de ses
effets. Ainsi le contrat de mariage devient caduc s’il n’y a pas de célébration du
mariage. Le testament est caduc si le légataire meurt avant le testateur. De même, le
legs, disposition testamentaire, devient caduc si la chose sur laquelle il porte a disparu
du vivant du testateur.
On a également proposé de distinguer la nullité de l’inexistence. Selon une
théorie, un acte serait inexistant lorsqu’un élément essentiel lui manque. Cette théorie
est née à propos du mariage pour les cas où la loi n’a pas expressément prévu de
nullité alors que manifestement un élément indispensable à sa validité fait défaut : par
ex. l’union de personnes du même sexe. Des auteurs l’ont étendue à d’autres actes
comme les contrats en cas de défaut de rencontre des volontés, de vente en l’absence
de prix, et plus récemment lorsqu’il y des clauses prohibées que les textes qualifient
de non écrites. Les principales différences avec la nullité seraient que l’inexistence n’a
pas à être prononcée par un tribunal et l’acte inexistant ne bénéficie pas de la
prescription trentenaire (l’inexistence est donc imprescriptible). Mais cette théorie est
souvent écartée ou rejetée car la doctrine et la jurisprudence préfèrent en général
assimiler l’inexistence à la nullité absolue96. La notion d’inexistence a eu plus de
succès à propos des actes de procédure : ainsi, lorsque la loi exige un acte d’huissier,
par ex. pour une saisie, tout acte en une autre forme est inexistant.
L’analyse du régime de la nullité implique d’examiner d’abord la distinction des
nullités relative et absolue (Section I), de comprendre ensuite la mise en œuvre de la
nullité (Section II) et de préciser enfin les conséquences de ladite nullité (Section III).

Section I : La distinction des nullités relative et absolue

Toutes les conditions de formation du contrat encourent la même sanction, la


nullité, mais les conditions d’exercice de l’action en nullité varient en fonction de
l’intérêt qui a justifié la prescription légale. C’est pourquoi, on distingue deux
catégories de nullités : la nullité relative et la nullité absolue. Il convient d’examiner
les intérêts et le fondement de la distinction (§ I), puis les applications de celle-ci (§
II).

§ I : Les intérêts et le fondement de la distinction

96 Deux décisions de la Cour de cassation ont fait appel à la notion d’inexistence en y attachant les
conséquences qui lui sont propres. Ainsi, dans un arrêt rendu le 10 juin 1986, la Première chambre
civile s’est référée implicitement à la notion d’inexistence en y attachant des conséquences
significatives puisqu’elle a décidé que l’action en nullité était, en l’occurrence, imprescriptible (Bull.
Civ. I, n° 159). Autre référence : 5 mars 1991, Dalloz 1993, 508, 1 ère espèce. Pour plus de précisions,
voy. François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, op. cit., n° 414, note 1.

77
S’agissant des intérêts de la distinction, il faut retenir, en premier lieu, que
la nullité absolue peut être invoquée par toute personne intéressée alors que la nullité
relative ne peut être invoquée que par les personnes auxquelles la loi le permet. En
deuxième lieu, il y a lieu de savoir que la nullité absolue n’est pas, en principe,
susceptible de confirmation alors que la confirmation est possible en matière de
nullité relative. Enfin, le délai de prescription n’est pas le même.

S’agissant du fondement de la distinction, il n’a pas été fixé par le Code


civil. C’est la doctrine qui a proposé un critère en deux temps. Dans un premier
temps, la doctrine a estimé qu’il faut appliquer la nullité absolue lorsque l’un des
éléments de validité du contrat fait défaut et la nullité relative lorsque l’un de ces
éléments a été vicié. Ainsi, on aurait par exemple pour le consentement : - absence de
consentement : nullité absolue ; - vice de consentement (erreur, dol ou violence) :
nullité relative. Mais la jurisprudence n’a pas ratifié cette distinction. Elle a sanctionné
l’absence de consentement seulement par la nullité relative et l’illicéité de la cause par
la nullité absolue. Dans un second temps, un autre critère a été proposé : il faut
rechercher quel est l’intérêt qui justifie l’énoncé de la condition comme étant
essentielle au contrat. Si la condition a pour but de protéger un intérêt privé, la nullité
est relative ; si elle a pour but de protéger l’intérêt général, la nullité est absolue.

Il faut signaler que l’on parle de nullité textuelle quand la nullité est prévue par
un texte et de nullité virtuelle dans les autres cas. Tel peut être le cas quand la loi
exige une condition, de fond ou de forme, sans dire si son absence entraîne la nullité.
La jurisprudence décide dans un tel cas que la sanction est la nullité lorsqu’il apparaît
que la condition violée a suffisamment d’importance. Ainsi, de nombreuses nullités
sont virtuelles mais dans certaines matières s’applique le principe pas de nullité sans
texte.

§ II : Les applications de la distinction

L’on examinera les applications ayant trait aux éléments de fond de formation
du contrat (A) avant celles liées aux formes ou aux formalités (B).

A- Les nullités liées aux conditions de fond

Pour les cas de nullité relative, on note les vices de consentement (erreur, dol,
violence), l’incapacité (minorité, majeurs incapables mais pas les interdits), la lésion,
qui relève plus de l’objet que de la cause et, concernant l’objet, la vente de la chose
d’autrui.

78
Pour les cas de nullité absolue, on relève l’absence d’objet, l’illicéité de l’objet
ou de la cause, sauf si la condition violée a pour fonction de protéger une partie
(ordre public de protection) et l’immoralité de l’objet ou de la cause dans tous les cas
parce que l’ordre public et les bonnes mœurs sont concernés.
Dans d’autres cas, la nature de la nullité est discutée. Il en va ainsi de l’absence
de consentement et de l’absence de cause. Il semble qu’il faut retenir la nullité relative
car l’absence de cause est une erreur sur la cause, sur le motif déterminant, voire sur
les qualités substantielles, et l’exigence de la cause a pour but de protéger les
contractants.

B- Les nullités liées aux conditions de forme

Quant aux formes, elles reçoivent les sanctions en fonction des distinctions
suivantes :
- formes habilitantes : elles se rattachent aux incapacités d’exercice et sont
sanctionnées en principe par la nullité relative ;
- formes probatoires : elles ne sont pas prescrites à peine de nullité ; leur
violation rendra la preuve plus difficile mais en général l’aveu et le serment
demeurent possibles ;
- formalités de publicité : elles sont sanctionnées par l’inopposabilité vis-à-vis
des tiers et non pas par la nullité ; l’acte produit ses effets entre les parties ;
- formes solennelles : on estime que quand le législateur prescrit une
formalité, la sanction de son absence est la nullité absolue parce que les tiers et la
société ont intérêt à ce qu’un acte soit bien rédigé et conservé.

Section II : La mise en œuvre de la nullité

La mise en œuvre de la nullité conduit à examiner la question de savoir si la


nullité est subordonnée à une action en justice (§ I), puis celle des titulaires de l’action
(§ II) et celle de la période de l’action (§ III).

§ I : La nullité est-elle subordonnée à une action en justice ?

Il faut distinguer selon que le contrat a été exécuté ou n’a pas été exécuté.
Lorsque le contrat n’a pas été exécuté, la nullité n’est pas subordonnée à
une action en justice. Il suffit à celui qui peut se prévaloir de la nullité de l’invoquer
pour se refuser à exécuter le contrat. Il invoque alors l’exception de nullité. Mais il
n’est pas tenu d’attendre pour invoquer la nullité que l’exécution lui soit demandée. Il
peut prendre les devants en introduisant une action en justice.

Lorsque le contrat a été exécuté, il faut nécessairement demander la nullité


en justice. Alors se pose la question de savoir qui peut ou doit demander la nullité.

79
§ II : Les titulaires de l’action en nullité

La titularité de l’action en justice dépend du point de savoir si la nullité est


relative ou absolue.

En matière de nullité relative, le principe est que l’action appartient au


contractant que la loi a pour objet de protéger. Par exemple, seule la partie victime du
vice de consentement ou la partie incapable ou son représentant pourra invoquer le
vice ou l’incapacité. Une exception résulte cependant de l’art. 1310 du code civil
burkinabè selon lequel « le mineur n’est point restituable contre les obligations
résultant de son délit ou quasi-délit ». L’hypothèse est la suivante : un mineur proche
de la majorité se fait passer pour un majeur. Le mineur ne pourra pas obtenir
l’annulation de son contrat. Mais si le mineur a simplement déclaré qu’il était majeur
sans manœuvres frauduleuses, l’art. 1307 lui permet d’agir en nullité pour incapacité.

En matière de nullité absolue, la nullité absolue peut être demandée par


toute personne qui y a intérêt. Il faut que l’intérêt invoqué ait un rapport étroit avec
la nullité. Pourront ainsi invoquer la nullité : toutes les parties au contrat, leurs
héritiers, leurs créanciers et ceux qui subissent un préjudice du fait de ce contrat.
Quant au ministère public, il peut agir en nullité lorsque l’ordre public est
directement et principalement intéressé.

§ III : L’action en nullité ne doit pas être éteinte

Deux causes peuvent mettre fin à l’action en nullité : la confirmation (A) et la


prescription (B).
A- La confirmation

La confirmation est un acte unilatéral par lequel celui qui a qualité pour
demander la nullité d’un acte y renonce. Elle a pour effet de couvrir le vice dont cet
acte était atteint. Seules les causes de nullité relative peuvent faire l’objet de
confirmation parce que la nullité est érigée pour protéger un intérêt privé. En matière
de nullité absolue, en principe, on ne peut pas confirmer l’acte nul, c’est-à-dire
renoncer à la nullité parce que c’est l’intérêt général que la nullité veut protéger.
D’ailleurs, si une personne y renonce, les autres titulaires de l’action pourraient
toujours la demander. C’est pourquoi, lorsqu’un acte juridique est atteint de nullité
absolue, les parties au contrat peuvent refaire celui-ci, cette fois-ci sans la cause de
nullité. Ce deuxième contrat prend effet à compter du jour de sa passation tandis que
lorsqu’il y a confirmation, l’acte est valable à compter du jour où le contrat a été
formé à l’origine.
Seront sommairement examinés les conditions (1), les formes (2) et les effets
de la confirmation (3).

80
1) Les conditions de la confirmation

Pour la validité de la confirmation, quatre conditions sont doivent être réunies :


- l’acte doit être nul de nullité relative et non de nullité absolue ;
- seul le titulaire de l’action en nullité peut confirmer l’acte nul ;
- la cause de nullité doit avoir disparu, sinon elle entacherait la confirmation de
nullité ;
- il faut que l’auteur de la confirmation soit conscient du vice qui entachait le
contrat et il faut qu’il ait la volonté de le réparer (art. 1338).

2) Les formes de la confirmation

La confirmation peut être expresse ou tacite. Lorsqu’elle est expresse, il faut,


suivant l’art. 1338, que l’on trouve dans la confirmation la substance de l’obligation
confirmée, le motif de l’action en nullité et l’intention de réparer le vice. Ces trois
conditions sont exigées pour la preuve et non pour la validité de la confirmation.
Quant à la confirmation tacite, elle a pour base la volonté de renoncer à la nullité.
Elle se déduit d’un ou des actes de la personne ayant qualité pour invoquer la nullité.
L’art. 1338 donne un exemple de confirmation tacite : « A défaut d’acte de
confirmation, il suffit que l’obligation soit exécutée volontairement après l’époque à
laquelle l’obligation pouvait être valablement confirmée ».

3) Les effets de la confirmation

Entre les parties, l’acte est considéré comme valable à partir du jour où il a
été passé et non à partir de la confirmation. La confirmation a donc un effet
rétroactif. Le titulaire de l’action ne pourra plus l’invoquer. A l’égard des tiers,
quelques précisions sont nécessaires. La confirmation ne peut porter atteinte aux
droits des tiers ayants cause à titre particulier. L’ayant cause à titre particulier est
celui qui détient de son auteur des droits sur un bien déterminé ; par exemple,
l’acheteur est l’ayant cause particulier de son vendeur. Cependant, la confirmation
produit ses effets à l’égard des créanciers des contractants.

B- La prescription

La prescription est la consolidation d’une situation juridique par l’écoulement


d’un délai. Elle est acquisitive ou extinctive. La prescription extinctive, ici visée, fait
perdre un droit réel ou un droit personnel du fait de l’inaction prolongée du titulaire
du droit. La prescription sera étudiée en précisant ses délais (1) et ses effets (2).

1) Les délais de prescription

81
En matière de nullité relative, le délai est de 10 ans si l’on se réfère au Code
civil applicable au Burkina. Ce délai paraît trop long et demande à être réduit comme
en France où il est de 5 ans. En matière de lésion, le délai est de deux ans dans les
deux pays. En matière commerciale, au Burkina et dans les Etats parties au Traité de
l’OHADA, « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre
commerçants et non commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont soumises à des
prescriptions plus courtes » (AUDCG, art. 16).

Concernant le point de départ du délai, en principe, le délai se calcule à partir


du jour où l’acte a été passé. Mais il y a des exceptions. Dans l’hypothèse d’un vice de
consentement, la prescription court s’il y a eu violence à partir du jour où celle-ci a
cessé ; s’il y a eu erreur ou dol, à partir du jour où ils ont été découverts. En cas
d’incapacité, la prescription court à partir de la majorité ou de l’émancipation du
mineur ; à l’égard du majeur protégé, elle court à compter du jour où il a eu
connaissance de la cause de nullité alors qu’il était en mesure de refaire valablement
l’acte annulable. Dans l’hypothèse où l’incapable est décédé, le délai court contre ses
héritiers à partir de son décès, sauf si le délai avait commencé à courir du vivant de
l’incapable.
En matière de nullité absolue, la prescription est de 30 ans et le délai se
calcule à partir du jour où le contrat a été passé. En cas d’inexistence, si du moins
elle est admise, la prescription ne court pas. C’est l’une des spécificités de la notion.

2) Les effets de la prescription

A l’expiration du délai de prescription, l’action en nullité ne peut plus être


exercée. Mais la nullité peut toujours être invoquée par voie d’exception après 5, 10
ou 30 ans en vertu de la maxime : « si l’action est temporaire, l’exception est
perpétuelle ». Cette exception se justifie tant au plan de la nullité relative qu’à celui de
la nullité absolue. Sur le plan de la nullité relative, sans la perpétuité de l’exception, la
partie qui n’a pas été victime d’une des causes de nullité pourrait attendre l’expiration
du délai pour demander l’exécution du contrat alors que le titulaire de l’action en
nullité n’a peut-être pas exercé celle-ci pensant que son cocontractant renonçait à se
prévaloir du contrat.
Sur le plan de la nullité absolue, il est évident que, dans cette matière, le contrat
dont la cause est illicite ne devient pas valable par l’écoulement d’un délai de 30 ans.
Quid des conséquences de la nullité ?

Section III : Les conséquences de la nullité

Les conséquences de la nullité sont régies par un principe (§ I), lequel connaît
des limites (§ II).
§ I : Le principe

82
L’acte anéanti ne produit aucun effet. La nullité produit un effet rétroactif,
l’acte étant anéanti non seulement pour le futur mais également pour le passé. Il faut
donc effacer l’effet déjà réalisé, qu’il s’agisse d’une nullité relative ou d’une nullité
absolue. La rétroactivité va entraîner la restitution des prestations.
Mais lorsque le contrat est complexe et qu’une seule des clauses est nulle, la
nullité va-t-elle se restreindre à cette clause ou s’étendre à tout le contrat ? La
jurisprudence a proposé de rechercher si la clause a déterminé les parties à passer
l’acte. Dans l’affirmative, tout le contrat est nul. Dans la négative, seule la clause est
nulle et l’on fait alors souvent état de nullité partielle.

§ II : Les limites au principe

Dans certaines hypothèses, le principe de la rétroactivité ne sera pas appliqué


ou sera appliqué partiellement. Ces restrictions ou ces limites ont trois causes : la
nature du contrat (A), l’attitude des parties (B) et la capacité (C) .

A- En raison de la nature du contrat

Pour les contrats successifs, comme le contrat de travail ou le contrat de bail, il


est impossible de remettre les parties dans l’état antérieur dans lequel elles se
trouvaient. C’est pourquoi, la nullité jouera seulement pour l’avenir. C’est une
semblable distinction qui est retenue en cas d’inexécution du contrat : celui-ci sera
résolu (contrats instantanés) ou résilié (contrats à exécution successive)

B- En raison de l’attitude des parties

Quand les parties ont conclu un contrat immoral, l’action en restitution se


heurtera à la règle selon laquelle on ne peut pas se prévaloir de sa propre turpitude.
Dans une telle hypothèse, le contractant gardera la prestation perçue parce que la
jurisprudence refuse au cocontractant l’action en restitution uniquement pour
immoralité et non pour illicéité (contraire à un texte). Ainsi, si l’art. 1131 du Code
civil déclare sans effet l’obligation sur une cause illicite, il ne vise pas les obligations
ayant leur source dans un délit caractérisé par la loi pénale et dont la somme allouée
par les juges à la partie civile constitue la réparation97. Cette jurisprudence a été
vivement critiquée car elle conduit à une injustice puisqu’elle permet à celui qui a reçu
la prestation de ne pas fournir la sienne et de ne pas rendre celle qu’il a reçue.
Cependant, on justifie cette règle en faisant valoir son rôle préventif. A l’appui de
cette justification, on invoque les art. 549 et 550 du Code civil selon lesquels le
contractant de bonne foi, qui a ignoré la cause de nullité, n’a pas à restituer les fruits.

97 Crim. 7 juin 1945, Dalloz 1946, 149 selon lequel la cause illicite d’une obligation ne fait pas obstacle
à l’action en répétition et la maxime « in pari causa… » est sans application en l’espèce.

83
Mais d’une manière générale, la jurisprudence a tendance à restreindre la place des
règles « nemo auditur… »98 et « in pari causa… »99.

C- En raison de la capacité

Lorsqu’un acte est annulé pour incapacité, l’incapable n’est pas obligé de
restituer ce qu’il a reçu mais seulement ce qui lui reste. Ainsi, selon l’art. 1312, lorsque
les mineurs ou les majeurs en tutelle sont admis, en ces qualités, à se faire restituer
contre leurs engagements, le remboursement de ce qui aurait été, en conséquence de
ces engagements, payé pendant la minorité ou la tutelle des majeurs, ne peut en être
exigé, à moins qu’il ne soit prouvé que ce qui a été payé a tourné à leur profit. Mais la
jurisprudence interprète restrictivement cet article. En effet, elle considère que
l’incapable doit restituer en intégralité la prestation si elle a été utile, par ex. si elle a
servi à payer une dette. C’est au cocontractant de l’incapable de rapporter la preuve
de l’utilité du paiement.
En supposant que le contrat est parfait, c’est-à-dire valablement formé, il va
produire des effets, lesquels doivent retenir à présent l’attention.

98 Rouen, 2 octobre 1973, Dalloz 1974, 378, note le Tourneau, selon qui la convention qui donne
naissance à une obligation dont la cause est illicite est atteinte d’une nullité que tout intéressé peut
invoquer, sans que puisse lui être opposée la maxime « Nemo auditur… ».
99 Civ. 1ère, 27 novembre 1984, Gazette du Palais 1985, 2, 638, note Chabas.

84
TITRE II : LES EFFETS DU CONTRAT
Le contrat est conclu pour produire des effets : créer, transmettre ou éteindre
des obligations et, parfois aussi, des droits réels : par exemple, la vente entraîne la
transmission du droit de propriété.

Pour connaître les effets particuliers de chaque contrat, il faut savoir ce que les
parties ont réellement voulu, ce qui peut poser un problème d’interprétation
(Chapitre I). Tous les contrats ont pour effet d’obliger les parties (Chapitre II) et, si
l’une n’exécute pas ses obligations, certaines conséquences vont en résulter (Chapitre
III).

85
CHAPITRE I : L’INTERPRETATION DU CONTRAT

L’interprétation du contrat est l’opération par laquelle on en précise le sens et


la portée de ce contrat, en cas de lacune, d’ambiguïté ou de contradiction100.
L’interprétation doit être distinguée de la preuve. En effet, prouver un contrat, c’est
en démontrer l’existence. A défaut d’accord entre les parties, l’interprétation est
effectuée par le juge. Il faut donc aborder successivement les règles d’interprétation
(Section I) et le rôle du juge en matière d’interprétation (Section II).

Section I : Les règles d’interprétation

Les art. 1156 à 1164 du Code civil burkinabè donnent au juge certaines
directives (§ II) mais elles ne sont pas impératives, en ce sens qu’un pourvoi en
cassation fondé sur leur éventuelle violation est irrecevable. La recherche de
l’intention des parties apparaît comme la directive principale (§ I).

§ I : La directive principale : la recherche de l’intention des parties

L’article 1156 du Code civil burkinabè dispose que : « On doit dans les conventions
rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s’arrêter au sens
littéral des termes. » Il résulte de cette directive que :
1° Le juge doit rechercher l’intention commune et non l’intention d’une partie.
L’intention commune est celle que les parties avaient au moment de la conclusion du
contrat, mais leur comportement ultérieur peut être de nature à révéler cette
intention.
2° L’intention réelle doit l’emporter sur le sens littéral. En particulier, en cas de
contradiction entre une clause manuscrite et une clause imprimée, surtout une clause
de style (clause habituelle, utilisée dans tous les contrats du même genre et insérée à
l’avance), la première l’emporte, car elle est censée mieux révéler la volonté réelle.

§ II : Les autres directives d’interprétation

Des directives découlent des autres dispositions de la section du Code civil,


relative à l’interprétation des conventions. Elles se présent comme suit :

100 En Droit public, l’interprétation ne consiste pas seulement à dégager le sens exact d’un texte qui
serait peu clair, mais aussi à en déterminer la portée, c’est-à-dire le champ d’application temporel,
spatial et juridique, ainsi que l’éventuelle supériorité vis-à-vis d’autres normes. C’est grâce à cette
étendue de la notion d’interprétation que la Cour de justice des Communautés européennes a pu poser
le principe de la prééminence du Droit communautaire sur les Droits nationaux internes (Lexique de
termes juridiques).

86
1) Lorsqu’une clause est « susceptible de deux sens », l’un permettant de lui
faire produire des effets, alors que l’autre la prive de toute efficacité, on doit plutôt
retenir le premier (art. 1157). Raisonnablement, c’est sans doute ce premier sens que
les parties avaient adopté.
2) Quand deux sens, qui permettent de donner effet à la clause, sont possibles,
on doit prendre celui « qui convient le plus à la matière du contrat » (art. 1158). C’est
évidemment ce sens qui paraît le plus conforme à la commune intention des parties.
3) « Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en
donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier » (art. 1161). Cela veut dire que
les clauses doivent être interprétées non pas isolément, mais par référence à
l’ensemble de l’acte.
4) Afin de déceler la volonté des parties, il faut aussi tenir compte, lorsqu’il en
existe, des usages du lieu où le contrat a été conclu (art. 1159).
5) Si le doute subsiste, l’acte « s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur
de celui qui a contracté l’obligation » (art. 1162). L’expression « celui qui a stipulé »
a deux significations possibles : dans la conception traditionnelle, cette personne est
le créancier, par opposition à « celui qui a contracté l’obligation », c’est-à-dire le
débiteur. Mais la formule est parfois comprise comme visant celui qui a rédigé
l’acte, qui peut être, selon les circonstances, le créancier ou le débiteur. Quel qu’il
soit, on considère alors que l’acte doit s’interpréter contre lui, puisqu’il lui appartenait
de mieux le rédiger. Dans ce sens, en France, le Code de la consommation (art. L.
133-2, al. 2) contient une règle semblable au profit des consommateurs : dans les
contrats proposés par les professionnels aux consommateurs, les clauses doivent, en
cas de doute, être interprétées « dans le sens le plus favorable au
consommateur ».
6) Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est
conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont
proposé de contracter (art. 1163).
7) Lorsque dans un contrat on a exprimé un cas pour l’explication de
l’obligation, on n’est pas censé avoir voulu par-là restreindre l’étendue que
l’engagement reçoit de droit aux cas non exprimés (art. 1164).

Section II : Le rôle du juge dans l’interprétation

La question n’est pas a priori compliquée : en principe, seuls les juges du fond
ont compétence dans cette matière (§ I). Cependant, en cas de dénaturation du
contrat, la Cour de cassation est habilitée à intervenir (§ II).

§ I : Le rôle quasi exclusif des juges du fond

Par le biais de l’interprétation, les juges du fond ont parfois ajouté au contrat
des obligations qui n’avaient pas réellement été envisagées par les parties,
notamment : les obligations de renseignement ou même de conseil, surtout à la

87
charge des professionnels ; les obligations de sécurité dans certains contrats, tel le
contrat de transport.
Les juges ne sont pas liés par la qualification que les parties ont donnée au
contrat et ils ont la faculté de lui attribuer sa véritable qualification pour en déduire
des conséquences légales autres que celles envisagées par les contractants. Le principe
est donc que l’interprétation d’un contrat relève du pouvoir souverain des juges du
fond et le pourvoi fondé sur une mauvaise interprétation est irrecevable. C’est la
position de la Cour de cassation burkinabè dans son arrêt du 5 février 2004. Dans cet
arrêt, elle a reconnu qu'il « …n'est pas de la compétence de la Cour de contrôler l'interprétation
faite souverainement des dispositions contractuelles par les juges du fond »101. En France, c’est
l’arrêt Lubert de la Cour de cassation fr. du 2 février 1808 102 qui a consacré ce
pouvoir souverain des juges. La justification de ce principe est la suivante :
interpréter une clause obscure ou ambiguë entraîne des recherches de fait, dans
lesquelles la Cour de cassation n’a pas à s’immiscer.

§ II : L’intervention limitée de la Cour de cassation

La Cour de cassation française se réserve cependant le droit, depuis un arrêt


du 15 avril 1872103, de casser une décision qui dénature une clause contractuelle.
Pour elle, il n’est pas permis aux juges, lorsque les termes d’une convention sont
clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les
stipulations qu’elles renferment. La position de la Cour de cassation se justifie en ce
que la dénaturation suppose, à la différence de l’interprétation, une clause claire et
précise, que les juges ont déformée. Ce faisant, ils ont violé non seulement la volonté
des parties, mais aussi l’art. 1134, al. 1er, du Code civil, qui lui donne force obligatoire.
Donc, il ne s’agit plus d’une question de fait, mais d’une violation de la loi, ce qui
justifie la cassation. En pratique, la distinction entre dénaturation (lorsque la clause
est claire et précise) et la simple interprétation (lorsque la clause est obscure ou
ambiguë) n’est pas toujours aisée.

La Cour de cassation burkinabè s’est reconnue, dans son arrêt du 5 février


2004, compétente pour contrôler l’interprétation des dispositions contractuelles par
les juges du fond, lorsque cette interprétation s'appuie sur la qualification juridique
préalable d'un fait ou d'une situation104.

101 Arrêt 01 du 5 février 2004, affaire CIMAT c/C. G. N, www.juricaf.org.


102 H. Capitant et alii, Les Grands arrêts de la jurisprudence civile, 13e éd., 2015, arrêt n° 169.
103 DP 1872, 1, 176.
104 Arrêt 01 du 5 février 2004, affaire CIMAT c/C. G. N, www.juricaf.org

88
CHAPITRE II : LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT

Le contrat lie les parties mais, en principe, il n’a pas d’effet à l’égard des tiers :
on dit qu’il a un effet relatif. Pour mesurer l’étendue de ce principe, il convient
d’examiner le rapport entre le contrat et les parties (Section I), celui entre le contrat et
les tiers (Section II) et, enfin, le cas de la simulation qui fait intervenir les parties et les
tiers (Section III).
Section I : Le contrat et les parties

Le principe découlant de l’article 1134, alinéa 1er, du Code civil est que « les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »105. De
ce principe, qui est celui de la force obligatoire du contrat entre les parties, il résulte
trois conséquences principales, qui doivent être explicitées :
1° le contrat ne peut pas être unilatéralement révoqué (§ I) ;
2° le juge n’a pas le pouvoir de le modifier (§ II) ;
3° les contrats doivent être exécutés de bonne foi (§ III).

§ I : L’interdiction de la révocation unilatérale

Tirant la conséquence directe du principe de l’interdiction de la révocation


unilatérale énoncée dans l’alinéa 1er de l’article 1134, l’alinéa 2 du même article pose la
règle selon laquelle les conventions ne peuvent être révoquées que du consentement
mutuel des parties. Autrement dit, le contrat ne peut être défait que par un nouvel
accord (mutuus dissensus), c’est-à-dire un nouveau contrat qui n’a pas d’effet
rétroactif et qui se distingue ainsi de l’annulation qui anéantit rétroactivement un acte
atteint d’un vice au moment de sa formation.
Toutefois, la révocation unilatérale est autorisée dans certains cas. Il en est ainsi
pour la révocation prévue par les parties (A) et pour celle permise par la loi (B). Mais
il y a d’autres cas de moindre importance (C).

A- La révocation prévue par les parties

Les parties ont la faculté de prévoir dans le contrat que l’une d’elles pourra
revenir sur son engagement, souvent à la condition de payer à l’autre une somme
d’argent, fixée forfaitairement, à titre d’indemnité.

105L’article 1134 est une disposition centrale en matière de contrat. Il est libellé comme suit :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour des causes que la loi
autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

89
Cette somme est appelée dédit ou arrhes, surtout dans le droit de la vente.
Celui qui a versé les arrhes peut se libérer en les perdant, l’autre peut le faire en
restituant le double (art. 1590). Les arrhes constituent une réciprocité des dédits. Le
dédit et les arrhes sont à distinguer soigneusement de l’acompte, qui est un paiement
partiel du prix, accompli en exécution d’un engagement ferme de payer la totalité du
prix. Il est parfois difficile de déterminer à quel titre une somme a été versée lors de
la conclusion du contrat. En droit de la consommation, afin d’éliminer toute
difficulté d’interprétation, une loi française du 18 janvier 1992 incorporée dans le
Code de la consommation (art. L. 114-1, al. 4) dispose que, dans les contrats de vente
d’un bien meuble ou de fourniture de services, conclu entre un professionnel et un
consommateur, les sommes versées d’avance par celui-ci sont, sauf stipulation
contraire, des arrhes. Il s’ensuit que chacun des contractants peut revenir sur son
engagement : si c’est le consommateur, il perd les arrhes ; si c’est le professionnel, il
doit en restituer le double.

B- La révocation permise par la loi

La loi permet la révocation unilatérale dans certaines hypothèses : la dérogation


au principe de l’art. 1134, al. 2, est alors très nette. On peut distinguer divers cas de
dérogations légales. En premier lieu, il s’agit des contrats à exécution successive.
D’abord, tout contrat à exécution successive (contrat de bail, de travail…), qui a été
conclu pour une durée indéterminée, peut être résilié unilatéralement, sinon
l’engagement risquerait de devenir perpétuel, ce qui est prohibé. C’est là une
généralisation de la règle énoncée dans l’art. 1780, al. 1 et 2, du Code civil relatif au
louage des domestiques et ouvriers pour qui : « On ne peut engager ses services qu’à temps,
ou pour une entreprise déterminée.
Le louage de service fait sans détermination de durée peut toujours cesser par la volonté d’une
des parties contractantes ».
En outre, dans certains contrats à exécution successive conclus avec l’intuitus
personae, la résiliation unilatérale est possible à tout moment, même si une durée a été
convenue (mandat, art. 2003, dépôt, art. 1944 C. civ.). Mais, dans tous ces cas, la
résiliation doit être faite sans abus, et notamment en prévenant l’autre partie
suffisamment à l’avance (sauf urgence) afin de lui permettre de prendre ses
dispositions.
En second lieu, quelques textes organisent une faculté de révocation
unilatérale au profit de certains contractants. Par exemple en France, le locataire
d’un bail à usage d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 peut résilier le contrat à
tout moment, à condition de donner un préavis trois mois à l’avance par LRAR
(Lettre Recommandée avec demande d’Avis de Réception). Plusieurs lois destinées à
protéger les consommateurs leur accordent un droit de repentir dans un délai
déterminé. En droit burkinabè, l’article 63 de la loi du 10 novembre 2009 portant
réglementation des transactions et services électroniques confère au destinataire du
service un droit de rétractation lui permettant de renoncer au contrat électronique

90
dans un délai d’au plus sept jours au contrat sans avoir à justifier de motifs, ni à payer
de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de renvoi.

Le cas de la résiliation unilatérale du contrat lorsque l’autre partie n’exécute pas


son obligation sera examiné plus loin.

C- Les autres cas de révocation

Plus rarement, une faculté de dédit est admise par les usages et reconnue par la
jurisprudence, par exemple l’annulation d’une réservation en matière hôtelière, à
condition toutefois de ne pas être faite tardivement.

§ II : L’interdiction de la révision en cas de changement imprévu des


circonstances

Lorsque les parties concluent un contrat à exécution successive, elles tiennent


compte des circonstances actuelles et des modifications prévisibles. Or, si les
circonstances sont bouleversées par suite d’événements imprévus (guerre, crise
pétrolière), l’exécution du contrat peut devenir beaucoup plus onéreuse pour une
partie : peut-elle exiger une révision du contrat ? C’est le problème dit de
l’imprévision. La question de l’imprévision est à distinguer de celle de la force
majeure. En effet, en cas de force majeure, l’exécution devient impossible ; en cas
d’imprévision, l’exécution est seulement devenue beaucoup plus difficile. Il y a lieu
d’aborder le principe, qui est le rejet de la prise en compte de l’imprévision (A), et les
exceptions qu’il connaît (B).

A- Le principe

Contrairement à la jurisprudence du Conseil d’Etat français, en particulier


l’arrêt Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux du 30 mars 1916, appelé aussi
arrêt Gaz de Bordeaux106, la Cour de cassation interdit aux juges de modifier le
contrat dans le célèbre arrêt Canal de Craponne du 6 mars 1876107.

106 Dalloz 1916.3.25, concl. Chardenet, et Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, par
Long, Weil, Braibant, Delvolvé et Genevois, Dalloz, 12 e éd., 1999, 184-192. On y relève le considérant
suivant : « Considérant que par suite du concours des circonstances ci-dessus indiquées (guerre ayant
gêné la production du charbon qui sert à produire l’électricité), l’économie du contrat se trouve
complètement bouleversée ; que la Compagnie est donc fondée à soutenir qu’elle ne peut être tenue
d’assurer, aux seules conditions prévues à l’origine, le fonctionnement du service tant que durera la
situation anormale ci-dessus rappelée ».
107 Civ. 6 mars 1876, DP. P. 1876, I, 193, note Giboulot. Les juges du fond s’étaient arrogés le pouvoir

de réviser les redevances dues par les bénéficiaires d’un droit fixé par des contrats datant de trois
siècles, sous prétexte que cette redevance n’était plus en rapport avec les frais d’entretien du Canal de
Craponne. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Aix qui avait élevé à 30 centimes de 1843 à
1874, puis à 60 centimes à partir de 1874, la redevance fixée à trois sols par les conventions de 1560 et

91
Le principe de l’interdiction de réviser le contrat a pour fondement ou
justification la force obligatoire du contrat et le souci de préserver la sécurité des
transactions.
Mais plusieurs arguments, de valeur inégale, sont invoqués contre cette
solution. L’un est tiré de la volonté présumée des parties : elles auraient conclu le
contrat avec la clause sous-entendue qu’il faudrait le renégocier en cas de
bouleversement imprévu des circonstances (clause rebus sic stantibus). Cette
interprétation d’une volonté qui est purement hypothétique est artificielle. Un autre
argument se fonde sur la théorie de la cause : lorsque l’équilibre des prestations est
rompu, l’obligation, devenue beaucoup plus onéreuse, n’aurait plus de contrepartie et
donc plus de cause. Cependant, le défaut de cause suppose une absence de contre-
prestation réelle et un simple déséquilibre, même important, ne suffit pas. On
pourrait rapprocher cette position du principe selon lequel la lésion n’est pas une
cause d’annulation des contrats. Un troisième argument découle de l’obligation
pour les parties d’exécuter de bonne foi les conventions conformément à l’article
1134, al. 3, du Code civil : le créancier qui exige l’exécution d’une obligation devenue
très difficile pour son débiteur manque de bonne foi.
Malgré ces objections, le principe de l’interdiction de réviser le contrat est
maintenu mais diverses exceptions lui sont apportées.

B- Les exceptions

La révision peut être prévue par le contrat (1) ou autorisée par la loi (2).

1) La révision prévue par une clause du contrat

Il en est ainsi dans un certain nombre d’hypothèses. C’est d’abord le cas


lorsque le contrat contient une clause de variation automatique du prix que l’on
appelle clause d’échelle mobile ou d’indexation. Une telle clause fait varier le prix
automatiquement selon les fluctuations d’un indice choisi. C’est ensuite le cas du
contrat renfermant une clause par laquelle les parties s’engagent à négocier à
nouveau le contrat pour le cas où un déséquilibre profond surviendrait. Une telle
clause est dénommée clause de hardship ou de sauvegarde : c’est une sorte de clause
rebus sic stantibus expresse.

2) La révision permise par la loi

de 1567. Pour elle, « dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur
paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les
conventions des parties et substituer des charges nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par
les contractants ».

92
Les exceptions véritables découlent de lois qui permettent d’imposer une
révision, alors que les parties ne l’avaient pas envisagée. Tel est le cas par exemple
avec :
- l’art. 1889 C. civ., qui autorise le juge à obliger l’emprunteur d’une chose à la
rendre « s’il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu de son bien » ;
- les art. 900-2 et suivants du Code civil français, qui autorisent le juge à
modifier les charges et conditions d’une libéralité, en cas de « changement de
circonstances » rendant l’exécution de la charge « extrêmement difficile » ou
« sérieusement dommageable »108 ;
- la loi du 25 mars 1949, plusieurs fois modifiée, prévoyant une révision
automatique des rentes viagères en fonction d’un taux qui varie selon la date de
naissance de la rente ;
- les textes sur les baux commerciaux (décret du 30 septembre 1953, plusieurs
fois modifié et AUDCG) permettant au juge de réviser, tous les trois ans et si une
partie le demande, le loyer, en fonction de la « valeur locative » du local ; l’AUDCG
(art. 117) précise qu’à défaut d’accord entre les parties, le nouveau loyer est fixé par
le juge en fonction notamment : de la situation de l’immeuble, de sa superficie, de sa
vétusté, des prix des loyers commerciaux pratiqués dans le voisinage pour des locaux
similaires.

Il faut noter que le projet d’acte uniforme de l’OHADA sur le droit des
contrats basé sur les principes d’Unidroit maintient le principe de l’immutabilité du
droit tout en organisant les possibilités de renégociation et de modification du
contrat109. Le droit français semble avoir adopté cette solution. L’article 1195

108 Cette disposition, issue de la loi n° 84-562 du 4 juillet 1984 qui a pour objet la révision des
conditions et charges apposées à certaines libéralités, n’a pas d’équivalent dans le CPF burkinabè.
109 Ainsi, la section 2 intitule « bouleversement des circonstances », qui fait partie du chapitre 6

sur l’exécution du contrat, comprend les dispositions ci-après :


Article 6/22 (Respect du contrat)
Les parties sont tenues de remplir leurs obligations, quand bien même l’exécution en serait devenue
plus onéreuse, sous réserve des dispositions suivantes.
Article 6/23 (Définition) Il y a bouleversement des circonstances lorsque surviennent des événements
qui altèrent fondamentalement l’équilibre des prestations, soit que le coût de l’exécution des
obligations ait augmenté, soit que la valeur de la contre-prestation ait diminué, et
a) que ces événements sont survenus ou ont été connus de la partie lésée après la conclusion du
contrat;
b) que la partie lésée n’a pu, lors de la conclusion du contrat, raisonnablement prendre de tels
événements en considération;
c) que ces événements échappent au contrôle de la partie lésée; et
d) que le risque de ces événements n’a pas été assumé par la partie lésée.
Article 6/24 (Effets)
1)En cas de bouleversement des circonstances, la partie lésée peut demander l’ouverture de
renégociations. La demande doit être faite sans retard indu et être motivée.
2)La demande ne donne pas par elle-même à la partie lésée le droit de suspendre l’exécution de ses
obligations.
3)Faute d’accord entre les parties dans un délai raisonnable, l’une ou l’autre peut saisir le tribunal.

93
nouveau du Code civil français prévoit que « Si un changement de circonstances imprévisible
lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait
pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son
cocontractant ». Toutefois, « en cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent
convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander
d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation ». Ce n’est que s’il n’y a pas
d’accord, dans un délai raisonnable, que le juge peut, à la demande d’une partie,
réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. A l’analyse,
cette disposition n’accorde pas un pouvoir de révision automatique au juge. Celui-ci
ne peut procéder à la révision du contrat qu’en cas d’absence ou d’échec de la
renégociation et si les parties n’ont pas convenu de la résolution du contrat.

§ III : L’obligation d’exécuter de bonne foi les contrats

Cette obligation est formulée dans le 3e alinéa de l’art. 1134 : les parties doivent
faire preuve de loyauté (A) et de coopération (B), c’est-à-dire mettre tout en œuvre
pour respecter l’économie du contrat.

A- L’obligation de loyauté

La loyauté implique :
- de la part du débiteur, une exécution conforme à son engagement et à la
probité, et,
- de la part du créancier, l’absence de manœuvres qui rendraient plus difficile
l’exécution de la prestation de l’autre partie ; il y a déloyauté du créancier dans le cas
suivant : dans un contrat de bail, une clause prévoit la résolution de plein droit pour
non-paiement des loyers après une sommation de payer, restée infructueuse ; si le
bailleur envoie cette sommation en juillet ou en août, en sachant que le locataire est
en vacances, il n’exécute pas de bonne foi la clause du contrat ; lorsque la clause
résolutoire a été mise en œuvre de mauvaise foi, elle ne produit pas d’effet.

B- L’obligation de coopération

La coopération implique l’obligation pour chaque partie d’agir au mieux des


intérêts de son cocontractant, et notamment le devoir de lui donner les informations
qu’il a intérêt à connaître au sujet de l’exécution du contrat. Cette obligation
contractuelle d’information, relative à l’exécution du contrat, est à distinguer de
l’obligation pré-contractuelle de renseignements. La jurisprudence a mis à la charge

4)Le tribunal qui conclut à l’existence d’un cas de bouleversement des circonstances peut, s’il
l’estime raisonnable:
a) mettre fin au contrat à la date et aux conditions qu’il fixe; ou
b) adapter le contrat en vue de rétablir l’équilibre des prestations.

94
de chacun des contractants une obligation d’informer l’autre en fonction du type de
contrat et de la personne qui en est tenue. Elle pèse plus lourdement sur les
personnes qui ont des connaissances, et notamment les professionnels. Divers textes
précisent les informations que certains contractants doivent fournir : par exemple, la
législation sur les baux impose au bailleur de donner au locataire divers
renseignements. En droit burkinabè, l’article 53 de la loi 016-2017/AN du 27 avril
2017 portant organisation de la concurrence impose au professionnel d’indiquer au
consommateur la durée minimale des produits. En droit français, le vendeur de biens
meubles doit indiquer la période pendant laquelle il est prévisible que les pièces
indispensables à l’utilisation du bien seront disponibles sur le marché (art. L. 111-2 C.
consom.);

Section II : Le contrat et les tiers

Le principe en la matière est énoncé dans l’article 1165 du Code civil selon
lequel « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne
nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’art. 1121 »
En réalité, cet article n’est plus interprété aujourd’hui dans un sens absolu : dire que
le contrat ne nuit ni ne profite au tiers, cela signifie plus précisément qu’il ne peut
créer de rapport d’obligation qu’entre les parties contractantes et qu’il ne peut
pas rendre les tiers créanciers ni débiteurs. C’est ce qu’on appelle le principe de
l’effet relatif des contrats qu’il convient d’expliciter (§ I). En plus méritent d’être
abordés la situation des tiers (§ II) ainsi que le cas des contrats destinés à produire
des effets à l’égard des tiers (§ III).

§ I : L’effet relatif des contrats

Au plan de la justification, le contrat étant un accord de volonté, il est normal


que seuls ceux qui l’ont conclu soient liés. Quel est la portée de cet effet relatif ?
- Pour ce qui est des droits, le principe de l’art 1165 ne concerne que les droits
de créance, car les droits réels, créés ou transmis par un contrat, sont attachés à la
chose et produisent leurs effets à l’égard de tous, sous réserve éventuellement du
respect de certaines règles de publicité.
- Relativement aux personnes, l’article 1165 distingue les parties et les tiers. Le
contrat produit des droits et des obligations à l’égard, d’une part, des personnes qui
sont parties au moment de la naissance du contrat, c’est-à-dire qui l’ont conclu, soit
directement, soit par représentation, d’autre part, des personnes qui prennent la place
des parties, p. ex. en cas de décès de l’une d’elles.
De ce qui précède, les situations complexes qui méritent une étude
approfondie sont le cas de représentation (A) et le cas où les personnes prennent la
place des parties (B).
A- Le cas de la représentation

95
La représentation est le mécanisme par lequel une personne – le représenté –
fait conclure un contrat pour son compte par un intermédiaire ou représentant. C’est
une technique très utile qui permet la conclusion de contrats au nom d’une personne
qui n’est pas présente ou qui est incapable. Seul le représenté est partie au contrat. La
représentation a déjà été abordée plus haut à propos de la capacité. L’on peut
rappeler brièvement les conditions (1) et les effets de la représentation (2).

1) Les conditions

En premier lieu, le représentant doit avoir le pouvoir d’engager les biens


d’autrui. Ce pouvoir peut découler :
- de la loi, par exemple, le tuteur peut engager les biens de l’incapable ;
- d’un jugement, p. ex., un époux peut se faire habiliter en justice à représenter
son conjoint hors d’état de manifester sa volonté (art. 302 du CPF ou 219 C. civ. en
France) ;
- d’un contrat, appelé mandat : par ce contrat, une personne - le mandant -
charge son cocontractant - le mandataire - qui accepte cette mission, d’accomplir
pour elle et en son nom, un ou plusieurs actes juridiques, à des conditions plus ou
moins précises (par exemple, mandat de vendre, d’acheter, etc.).

En second lieu, le représentant doit avoir l’intention d’agir pour le compte du


représenté.
2) Les effets

Ils varient en fonction du caractère parfait ou imparfait de la représentation.


Le représentant peut agir au nom et pour le compte du représenté. La
représentation est dans ce cas parfaite, car elle produit immédiatement tous ses
effets :
- le contrat conclu par représentation crée des droits et des obligations à l’égard
du représenté ;
- il n’en produit aucun envers le représentant qui, par rapport à ce contrat, reste
un tiers ; toutefois, si le représentant a dépassé ses pouvoirs, il est personnellement
tenu des obligations qu’il a souscrites en dehors de sa mission. Un dépassement de
pouvoirs peut cependant être opposable au représenté en cas de mandat apparent,
c’est-à-dire lorsque le cocontractant pouvait croire légitimement, compte tenu des
circonstances, à la réalité des pouvoirs du représentant110.

110En ce sens : en droit burkinabè : C A Ouagadougou, 3 avril 1998, R.B.D., n° 36, 1999, pp. 250 à
253, obs. F. Ouedraogo ; en droit français : Ass. plén. civ., 13 déc. 1962, D., 1963, p. 277, note J.
Calais-Aulois ; RTDciv., 1963, p. 572, note Cornu ; RTDcom., 1963, 333, n° 5, obs. Houin ; en droit
belge : Cass., 20 juin 1988, R.C.J.B., 1991, p. 45, note R. Kruithof ; J.T., 1989, p. 541 et s.

96
Le représentant peut agir pour le compte du représenté mais en son nom
personnel : la représentation est alors imparfaite (contrat de commission, p. ex.). Ses
effets se déroulent en deux temps : d’abord, seul le représentant est partie au contrat ;
ensuite, il doit transférer ses droits au représenté qui devient partie.

B- Les tiers devenant parties

Il s’agit de personnes qui, lors de la conclusion du contrat, avaient la qualité de


tiers, mais qui deviennent ultérieurement parties. Deux événements peuvent causer
cette transformation : le décès de l’une des parties (1) ou la cession du contrat (2).

1) Le décès d’une partie

Le successeur de la personne décédée (ou de cujus) s’appelle un ayant cause


universel ou à titre universel. L’ayant cause est une personne qui a acquis un droit ou
une obligation d’une autre, que l’on appelle son auteur.
- L’ayant cause universel est celui qui a vocation à recevoir tout le patrimoine
de son auteur ; c’est le cas de l’héritier légal et du légataire universel (celui qui, en
vertu d’un testament, a vocation à recueillir la totalité des biens du testateur).
- L’ayant cause à titre universel est un héritier ou un légataire qui a vocation à
recueillir une fraction de la succession, composée de droits et d’obligations (actif et
passif).
En principe, les droits et obligations de l’auteur se transmettent à ses ayants
cause universels ou à titre universel. Donc, les contrats que leur auteur a conclus
produisent leurs effets à leur égard. Il y a des exceptions à cette règle. Il en va ainsi si
les contractants avaient prévu le contraire. De même, si le contrat est conclu intuitus
personae, il prend fin au décès d’un contractant ; selon le cas, l’intuitus personae concerne
une seule partie (par exemple l’avocat ou l’artiste peintre) ou les deux (dans le
mandat, le mandant et le mandataire) ; le décès de la partie dont la personnalité avait
été prise en considération met fin au contrat.

2) La cession de contrat

La cession de contrat peut provenir d’un accord de volonté entre le cédant et le


cessionnaire ou résulter de la loi. Ex. de cessions imposées par la loi :
- l’acquéreur d’un immeuble loué est tenu de respecter le bail (art. 1743 C.
civil.) ;
- l’acquéreur d’une entreprise est lié par les contrats de travail en cours (Code
du travail, art. 91 pour le Burkina et L. 122-12 C. pour la France).
Le cessionnaire est substitué au cédant, c’est-à-dire qu’il recueille ses droits et
assume ses obligations.
§ II : La situation des tiers

97
Les tiers ne peuvent être ni créanciers ni débiteurs en vertu d’un contrat auquel
ils sont étrangers. Mais la notion de tiers n’est pas uniforme. On peut distinguer les
tiers absolus (A) et les personnes se trouvant dans une situation intermédiaire (B).

A- Les tiers absolus ou penitus extranei

Ce sont toutes les personnes totalement étrangères au contrat et aux


contractants, c’est-à-dire qu’elles n’en sont pas les ayants cause ni les créanciers. Le
contrat ne fait naître ni droit ni obligation à leur égard, mais il leur est opposable en
tant que fait. Ainsi, une société ne peut être condamnée à payer des travaux qu’une
autre société avait commandés111. De même, le bénéficiaire d’une stipulation pour
autrui ne peut se prévaloir d’une clause compromissoire liant uniquement le stipulant
au promettant112.
Cela signifie notamment que les parties peuvent opposer le contrat au tiers (1)
et que le tiers a la faculté d’invoquer le contrat (2)113.

1) Les parties peuvent opposer le contrat aux tiers

Il convient de distinguer suivant qu’il s’agit d’un droit réel ou d’un droit de
créance. Si le contrat contient un droit réel, la règle est indiscutable, puisque par
nature un droit réel est opposable à tous. S’il s’agit de droits de créance, les tiers sont
tenus de les respecter. Ainsi, un tiers qui, en connaissance de cause, se rend complice
de la violation par un débiteur de ses obligations contractuelles commet une faute qui
engage sa responsabilité. Par ex. : un tiers se rend complice de la violation par un
commerçant d’une obligation contractuelle de non-concurrence ; un patron débauche
l’employé d’un concurrent et le conduit à rompre le contrat de travail qui le lie à cet
employeur. Mais pour que la responsabilité du tiers soit engagée, il faut qu’il ait
connaissance du contrat à la violation duquel il participe. La responsabilité, ne
découlant pas d’un contrat auquel il serait partie, est délictuelle (art. 1382 C. civ.).

2) Le tiers a la faculté d’invoquer le contrat

Le tiers peut invoquer le contrat dans deux hypothèses. D’abord, il peut en


faire état comme un élément de preuve : cet acte auquel il est étranger sert alors de
renseignement de nature à éclairer la décision du juge. Ensuite, il peut se prévaloir
d’un contrat dont la mauvaise exécution lui a causé un dommage : p. ex., si un
accident est provoqué par une machine contenant un vice de fabrication, la victime a
la possibilité, lorsqu’elle est un tiers au contrat de vente, d’invoquer le vice et

111 C. cass. fr., Civ. 1ère, 15 février 2000, Bull. Civ. I, n° 47.
112 C. cass. fr., Com. 4 juin 1985, Bull. Civ. IV, n° 178.
113 En ce sens, l’article 1200 nouveau du Code civil français : « Les tiers doivent respecter la situation

juridique créée par le contrat. Ils peuvent s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un
fait ».

98
d’engager la responsabilité délictuelle du fabricant (la responsabilité de celui-ci est
contractuelle si la victime est l’acheteur).

B- Les personnes se trouvant dans une situation intermédiaire

Il s’agit d’une part de l’ayant cause à titre particulier (1), d’autre part des
créanciers chirographaires (2).

1) L’ayant cause à titre particulier

C’est l’ayant cause auquel l’auteur ne transmet qu’un ou plusieurs droits


déterminés, p. ex. un acheteur, un donataire, un légataire particulier.
L’acheteur d’un bien acquiert le droit de propriété dont le vendeur de la chose
était titulaire, mais est-il tenu des dettes et profite-t-il des créances attachées à ce bien
par le précédent propriétaire ? Trois situations sont à distinguer.
- 1ère situation : Si l’ancien propriétaire avait constitué un droit réel, p. ex. une
servitude sur un immeuble, ce droit réel se transmet nécessairement avec la chose : il
est donc opposable à ou par l'acquéreur, suivant que le fonds acquis est le fonds
dominant, c’est-à-dire le fonds au profit duquel est établie une servitude, ou le fonds
servant.
- 2ème situation : Si le droit attaché au bien est un droit de créance, le problème
est plus délicat. Il est généralement admis que ce droit se transmet à l’ayant cause
comme un accessoire. Par ex., en cas de ventes successives, le droit pour un
acquéreur de mettre en œuvre la garantie due par son vendeur passe au bénéfice du
sous-acquéreur. L’ayant cause peut ainsi se prévaloir des droits personnels, qui sont
des accessoires du bien transmis.
- 3ème situation : s’il s’agit de dettes attachées au bien, il est admis que celles-ci
ne se transmettent pas en principe à des ayants cause à titre particulier, puisque ceux-
ci ne peuvent pas devenir débiteurs sans leur consentement. Par exemple, si l’ancien
propriétaire qui avait chargé un tiers d’effectuer des réparations sur la chose vendue
ne les a pas payées, sa dette n’est pas transmise à l’acquéreur du bien, sauf stipulation
contraire dans le contrat de vente. Exceptionnellement, la loi impose la transmission
de droits et d’obligations à un ayant cause à titre particulier : les droits et obligations
résultant d’un bail se transmettent à l’acquéreur de l’immeuble (art. 1743 C. civ.),
ceux qui découlent de contrats de travail à l’acquéreur de l’entreprise (art. L. 122-12
C. trav. fr. et art. 91 du Code du trav. burkinabè114).

114Loi n° 028-2008/AN du 13 mai 2008 portant Code burkinabè du travail. Selon l’art. 91, al. 1, de ce
code « s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par
succession, reprise sous une nouvelle appellation, vente, fusion, transformation de fonds, mise en

99
2) Les créanciers chirographaires

Ce sont des créanciers qui ne bénéficient pas d’une sûreté (par exemple, une
hypothèque, un gage, un nantissement, privilège général ou spécial) pour garantir le
recouvrement de leur créance. Mais ils ont un droit de gage général sur tous les biens
de leur débiteur (art. 2092 C. civ.), ce qui leur permet de saisir les biens si le débiteur
n’exécute pas son obligation. On verra plus loin la mise en œuvre de ce droit de gage
général.
Les créanciers chirographaires sont plutôt considérés comme des tiers par
rapport aux contrats conclus par leur débiteur. Néanmoins, comme ces contrats
peuvent diminuer leur droit de gage général, la loi leur accorde certaines prérogatives
en vue de les protéger. Il en va ainsi de l’action paulienne, l’action directe ou l’action
oblique.

§ III : Les contrats destinés à produire des effets à l’égard des tiers

Dans certains domaines (droit du travail, baux d’habitation), des accords


collectifs s’appliquent à des personnes qui ne les ont pas conclus et leur attribuent
des droits et des obligations. Il en est ainsi en particulier des conventions collectives
du travail. En dehors des accords collectifs, il est possible de conférer par contrat un
droit à un tiers. C’est le cas de la stipulation pour autrui (A). En revanche, on ne
peut imposer à tiers une obligation qu’il n’a pas consentie, d’où il résulte l’interdiction
de la promesse pour autrui (B). Toutefois, l’on peut se porter fort qu’un tiers s’oblige
(C).

A- La stipulation pour autrui

La stipulation pour autrui est l’opération, convenue dans un contrat, par


laquelle une personne, le stipulant, obtient de son cocontractant, le promettant, un
engagement au profit d’un tiers bénéficiaire. Elle déroge au principe de l’art. 1165, car
le contrat qui lui sert de support fait naître un droit au profit d’un tiers, en l’absence
de toute représentation. Sa validité est reconnue par l’art. 1121 du Code civil
burkinabè. En droit français, outre une admission claire de sa validité (article 1205
nouveau du Code civil), les articles 1206 à 1209 nouveaux du Code civil ont
consolidé les solutions jurisprudentielles relatives à son régime juridique.

C’est une institution qui a connu un essor considérable et qui sert à expliquer
plusieurs mécanismes comme :

société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel
employeur et le personnel de l’entreprise ».

100
- l’assurance sur la vie : le stipulant est le souscripteur du contrat d’assurance
et s’engage à verser des primes ; en contrepartie, l’assureur (promettant) promet de
payer, au décès de l’assuré, une somme à un tiers ;
- l’assurance pour le compte de qui il appartiendra : un expéditeur de
marchandises souscrit une assurance pour le compte de celui qui en sera le
propriétaire au jour du sinistre ;
- la donation avec charge : le donataire (promettant) s’engage envers le
donateur (stipulant) à faire quelque chose au profit d’un tiers qui est le bénéficiaire de
la stipulation.

La stipulation pour autrui appelle des observations succinctes relativement à


ses conditions d’existence et de validité (1), aux conditions de consolidation du droit
du tiers (2) et aux rapports juridiques nés de la stipulation pour autrui (3).

1) Les conditions d’existence et de validité

L’existence et la validité de la stipulation pour autrui requièrent un certain


nombre de conditions.
Premièrement, la stipulation est soumise aux conditions générales de validité
des actes juridiques, c’est-à-dire essentiellement les contrats (capacité, consentement,
objet et cause licites).
Deuxièmement, les parties doivent avoir l’intention de stipuler pour autrui : par
exemple, un vendeur demande à l’acquéreur de verser le prix à un tiers. Cette
intention ne se présume pas et doit être établie selon les modes de preuve ordinaires
des contrats. Dans le doute, on est censé avoir stipulé pour soi-même ou ses héritiers
(art. 1122). Mais la jurisprudence admet aussi des stipulations pour autrui tacites,
c’est-à-dire dans des cas où il n’est pas du tout sûr qu’un contractant ait réellement
voulu stipuler au profit d’un tiers. Il en est ainsi, par exemple, dans les cas suivants :
- dans le contrat de transport, le voyageur est censé avoir stipulé au profit des
personnes envers lesquelles il est tenu d’un devoir d’assistance que sont les parents et
le conjoint, ce qui permet à ces derniers, si le voyageur décède au cours du transport,
de se prévaloir des clauses du contrat et de demander des dommages et intérêts au
transporteur en invoquant l’obligation de sécurité dont celui-ci était débiteur ;
- le contrat conclu entre l’administration d’un hôpital et un centre de
transfusion sanguine comporte une stipulation au profit des personnes transfusées,
leur garantissant la pureté du sang.
Troisièmement, la stipulation pour autrui doit avoir pour support un contrat
valablement conclu entre le stipulant et le promettant (contrat quelconque :
assurance, vente, donation, bail, etc.).

Quatrièmement, le tiers bénéficiaire doit être désigné ou du moins


déterminable, comme c’est le cas d’une assurance sur la vie au profit d’un enfant à

101
naître. Si la personne ne peut pas être déterminée, la stipulation tourne au profit du
stipulant (ou de ses héritiers).
Cinquièmement, le contrat doit conférer au tiers un droit, ou un avantage
quelconque. Pendant longtemps, on a considéré que la stipulation pour autrui ne
permettait pas, même accessoirement, de faire peser une obligation sur le tiers. La
Cour de cassation française a cependant décidé, le 8 décembre 1987, que « la
stipulation pour autrui n’exclut pas, dans le cas d’acceptation par le bénéficiaire, qu’il soit tenu de
certaines obligations ». Le tiers pourra donc être tenu d’obligations, à condition qu’il les
accepte. En ce cas, il accepte en même temps le droit qui lui est attribué et les
obligations qui l’accompagnent. Par exemple, le tiers désigné comme bénéficiaire
d’une donation peut être lié, s’il accepte la stipulation, par la clause lui interdisant
d’aliéner ou de morceler le terrain qui lui a été donné. L’acceptation du bénéficiaire
joue toutefois, à propos de l’obligation, un rôle différent : alors qu’elle ne fait que
consolider son droit déjà né, elle est indispensable à l’existence même de l’obligation
mise à sa charge.

2) Les conditions de consolidation du droit du tiers

Pour que la stipulation pour autrui produise tous ses effets et que le droit du
tiers soit consolidé, il faut deux conditions supplémentaires : l’une est négative, l’autre
positive.
La première condition est l’absence de révocation de la stipulation. Les
questions qui se posent à cet égard sont les suivantes :
- D’abord, qui peut révoquer la stipulation ? C’est le stipulant ou, après son
décès, ses héritiers.
- Ensuite, concernant le moment, la révocation peut se produire tant que le
bénéficiaire de la stipulation ne l’a pas acceptée.
- Puis, s’agissant du comment, la révocation peut être expresse ou tacite, à
condition d’être sans équivoque.
- Enfin, concernant les effets, la stipulation ne disparaît pas, mais tourne au
profit du stipulant ou de ses héritiers, à moins que le stipulant ne désigne
un autre bénéficiaire.

La deuxième condition est l’acceptation du bénéficiaire. Plusieurs questions se


posent et appellent des réponses.
- Qui peut accepter ? Le bénéficiaire ou, après son décès, ses héritiers.
- Quand ? A tout moment, à condition que le stipulant n’ait pas révoqué la
stipulation.
- Comment ? L’acceptation peut être expresse ou même tacite, dès lors qu’elle
n’est pas équivoque.
- Effets : à partir de l’acceptation, la stipulation devient irrévocable.

3) Les rapports juridiques nés de la stipulation pour autrui

102
Si on met à part les rapports entre le stipulant et le promettant définis par le
contrat, il ressort de la stipulation pour autrui que :
- Le bénéficiaire a un droit direct contre le promettant et peut agir directement
contre lui pour le contraindre à exécuter son obligation. Comme le droit du tiers est
issu du contrat, son étendue et ses modalités en dépendent : le promettant peut donc
opposer au tiers les clauses du contrat (p. ex., des clauses limitatives de
responsabilité) et les dispositions légales qui le régissent.
- Le stipulant a la faculté d’agir contre le promettant afin de défendre les
intérêts du tiers : il peut prendre des mesures conservatoires pour protéger le droit du
tiers et même exiger l’exécution de l’obligation du promettant envers le tiers.

B- La prohibition de la promesse pour autrui

L’art. 1119 du Code civil dispose : « On ne peut s’engager… que pour soi-
même ». Il n’est pas possible d’engager autrui par un contrat, car nul ne peut devenir
débiteur d’une obligation contractuelle sans avoir donné son consentement, à moins
d’être un ayant cause du contractant dans les conditions examinées plus haut. Ainsi,
un débiteur ne peut se décharger sur autrui par un accord avec un tiers. Dans ce sens,
le débiteur qui a recours à un sous-contrat demeure tenu des obligations initiales à
l’égard de son cocontractant115, comme par exemple dans la sous-location ou dans la
sous-traitance.
Si une personne ne peut pas créer un engagement à la charge d’une autre, il lui
est tout au moins possible de promettre que le tiers s’engagera : c’est la promesse de
porte-fort.
C- La validité de la promesse de porte-fort

La promesse de porte-fort est l’hypothèse où une personne s’engage à l’égard


de son cocontractant à faire en sorte qu’un tiers s’oblige : le promettant est obligé,
mais le tiers n’a pas d’obligation tant qu’il ne donne pas son consentement.
Sa validité est admise en droit burkinabè par l’article 1120 du Code civil. Tel est
également le cas du droit français où l’article 1204 nouveau du Code civil apporte des
précisions sur ses effets.
Quant à ses effets, le promettant est tenu d’une obligation de faire, qui est de
résultat. Si le résultat (engagement du tiers) n’est pas obtenu, la responsabilité du
promettant est engagée. A cet égard, la promesse de porte-fort est à distinguer de la
promesse de bons offices, par laquelle le promettant s’engage seulement à faire tout
son possible pour que le tiers consente (obligation de moyens). Celui qui a promis ses
bons offices n’est donc responsable que si sa faute est prouvée.

C. cass. fr., civ. 3e, 13 juin 1969, Bull. Civ. III, n° 251 (le locataire principal est tenu de la même
115

manière que s’il occupait lui-même les lieux).

103
Si le tiers s’engage, c’est-à-dire ratifie le contrat, deux conséquences en
découlent :
- La première conséquence est que le promettant a exécuté son obligation et
est libéré. Sauf clause contraire, il s’est seulement engagé à ce que le tiers consente,
donc il n’est pas responsable si ce tiers, après avoir accepté, n’exécute pas son
obligation.
- La deuxième conséquence tient en ce que le tiers est rétroactivement engagé
dès le jour où le contrat de porte-fort a été conclu : c’est par cette rétroactivité que,
de façon très atténuée, la promesse de porte-fort déroge au principe de l’effet relatif
des contrats. Cette rétroactivité est consacrée par l’article 1204 nouveau précité
« Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d’un engagement, celui-ci est rétroactivement validé
à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit. »

La simulation pose un problème différent avec un contrat officiel destiné aux


tiers et un contrat secret liant les parties.

Section III : La simulation

Il faut évoquer la notion ( § I) et la validité (§ II) de la simulation avant de


préciser ses effets (§ III).
§ I : La notion

La simulation peut être définie comme l’opération par laquelle les parties
conviennent de cacher leur accord réel, appelé contre-lettre, derrière un acte
apparent. C’est donc un accord entre cocontractants tendant à faire croire à
l’existence d’une convention (acte apparent ou simulé) ne correspondant pas à leur
volonté véritable, exprimée par un autre acte, celui-ci secret, dénommé contre-lettre.
Il y a lieu d’examiner l’objet et les manifestations de la simulation (A) et les
conditions d’existence de celle-ci (B).

A- L’objet et les manifestations

Au titre de son objet et de ses manifestations, la simulation peut porter sur :


- l’existence même du contrat ou de l’opération : par exemple, un débiteur
aux abois vend fictivement ses biens pour éviter une saisie : l’acte apparent est la
vente, et la contre-lettre stipule que cette vente est fictive ;
- la cause ou la nature du contrat : on parle alors d’acte déguisé ; par
exemple, les parties concluent un acte apparent de vente mais, dans une contre-lettre,
elles stipulent que le prix ne sera pas versé (donation déguisée) ;

104
- l’objet du contrat, p. ex. le prix réellement convenu est différent du prix
mentionné dans l’acte apparent ;
- la personne même d’une partie : c’est l’interposition de personne ; par
exemple, quelqu’un veut faire une donation à un bénéficiaire qui est incapable, en
vertu de la loi, de la recevoir (telle une congrégation non autorisée) : il s’adresse alors
à un donataire apparent – appelé le prête-nom – qui s’engage à transmettre le bien
au véritable bénéficiaire.
B- Les conditions d’existence

La simulation suppose la réunion de trois conditions :


- un mensonge concerté ; le mensonge d’une seule partie peut constituer un
dol, mais non une simulation ;
- l’acte secret doit être contemporain de l’acte apparent ; si les parties font un
acte postérieur, c’est un acte qui modifie l’accord antérieur, et non une contre-lettre ;
- l’acte apparent ne doit pas révéler l’accord secret, sinon il n’y aurait pas de
véritable simulation.
Pour prouver son existence, la contre-lettre étant un accord de volontés, il
convient d’appliquer les règles de preuve des actes juridiques. Un écrit est donc, en
principe, nécessaire conformément à l’art. 1341 du Code civil. Parfois, la loi établit
des présomptions de simulation. Par exemple, certaines personnes sont incapables,
dans des conditions déterminées, de recevoir des libéralités. Si la libéralité a été
adressée à un proche parent de l’incapable (acte apparent), elle est présumée avoir été
faite à personne interposée, c’est-à-dire, en réalité, au profit de cet incapable (acte
secret).

§ II : La validité

Souvent, la simulation cache une fraude, mais ce n’est pas toujours le cas.
Ainsi la simulation n’est pas en elle-même une cause de nullité : l’acte secret est
valable s’il réunit les conditions de validité des contrats ; cependant, si l’acte secret ne
réunit pas ces conditions, par exemple parce que la cause est illicite, il est nul et, en
principe, l’acte apparent ne produit pas d’effet, puisqu’il ne reflète pas la volonté
réelle des parties. Mais, dans certaines hypothèses, la loi prononce directement la
nullité de la contre-lettre, et selon les cas, les parties sont liées ou non par l’acte
apparent. Il en est ainsi de :
- La donation déguisée ou faite à personne interposée dans le but de dissimuler
la donation à un incapable (art. 911 C. civ.) ou entre époux est nulle et l’acte
apparent, qui ne révèle pas la volonté réelle des parties, est sans effet. Donc,
l’ensemble de l’opération est donc annulé.
- L’accord prévoyant un supplément de prix occulte dans la cession d’un
immeuble, d’un fonds de commerce ou d’un office ministériel est nul (art. 128 du
CET). Mais, dans cette hypothèse, l’acte apparent produit ses effets : le vendeur ne
peut pas s’en dégager et se trouve lié par le prix qui y figure, ce qui permet de

105
sanctionner plus efficacement la fraude fiscale, du moins dans l’hypothèse où le fisc
exerce son droit de préemption. En droit français, l’article 1202 nouveau du Code
civil prévoit que « Est également nul tout contrat ayant pour but de dissimuler une partie du
prix, lorsqu’elle porte sur une vente d’immeubles, une cession de fonds de commerce ou de clientèle,
une cession d’un droit à un bail, ou le bénéfice d’une promesse de bail portant sur tout ou partie d’un
immeuble et tout ou partie de la soulte d’un échange ou d’un partage comprenant des biens
immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle. »

§ III : Les effets de la contre-lettre

Entre les parties, la contre-lettre produit tous ses effets si elle est valable. A
l’égard des tiers, on relève deux principes complémentaires. En premier lieu, les
contre-lettres n’ont pas d’effet à leur égard (art. 1321 C. civ burkinabè et 1201 C. civ.
français). Sont aussi considérés comme tiers, au sens de l’art. 1321, les ayants cause à
titre particulier et les créanciers chirographaires auxquels la contre-lettre pourrait
nuire. En second lieu, les tiers peuvent s’en prévaloir s’ils y ont intérêt 116. Par
exemple, un créancier chirographaire a intérêt à se prévaloir de la contre-lettre dans
laquelle son débiteur qui, par un acte apparent a vendu un bien, reconnaît que cette
vente est fictive, ce qui lui permet de saisir le bien. S’agissant de la preuve de la
contre-lettre, la simulation pour les tiers n’est qu’un fait juridique qu’ils peuvent donc
prouver par tous moyens. Un conflit entre les tiers surgit lorsque les uns se prévalent
de l’acte apparent, les autres de l’acte secret. La Cour de cassation française fait
prévaloir l’acte apparent, car si on permet à des tiers d’invoquer la contre-lettre, c’est
à la condition qu’elle ne nuise pas à d’autres117.

116 En ce sens, Article 1201 nouveau C. civ. français.


117 Civ. 1ère, 22 février 1983, JCP 1985, II, 20359, note Verschave.

106
CHAPITRE III : L’INEXECUTION DU CONTRAT ET SES
CONSEQUENCES

Lorsque le débiteur n’exécute pas son obligation contractuelle, plusieurs voies


s’offrent au créancier. Il peut agir en justice pour contraindre son débiteur à
l’exécution. Cette action n’est pas propre au droit des contrats et peut être aussi
employée à propos des obligations extracontractuelles. Toutefois, si le débiteur était
tenu d’une obligation de faire ou de ne pas faire, la contrainte directe est, d’après l’art.
1142 du Code civil burkinabè, en principe interdite. Le débiteur peut seulement être
condamné à payer à son créancier des dommages et intérêts.
Dans tous les cas où le débiteur n’exécute pas son obligation née du contrat, il
engage, sauf cause d’exonération, sa responsabilité contractuelle par l’effet de laquelle
le créancier pourra exiger des dommages et intérêts (Section I). D’autres voies ne
concernent en principe que les contrats synallagmatiques, car elles résultent de
l’interdépendance des obligations : le créancier a la faculté de suspendre l’exécution
de son obligation ou même de demander la résolution du contrat (Section II).

Section I : La responsabilité contractuelle

Dès la fin du XIXe siècle, la doctrine et la jurisprudence ont créé le concept de


responsabilité contractuelle, en opérant des rapprochements avec la responsabilité
extracontractuelle. Ce concept est actuellement critiqué, au motif notamment que les
dommages et intérêts dus en cas d’inexécution d’un engagement contractuel sont un
mode de paiement forcé et non la réparation d’un dommage. Néanmoins, le droit

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positif utilise encore couramment la notion. Dire que le cocontractant qui n’exécute
pas le contrat engage sa responsabilité contractuelle signifie qu’il est tenu de réparer
les conséquences dommageables que cette inexécution cause à l’autre partie, laquelle
réparation est l’effet de la responsabilité (§ II). Mais, pour ce faire, des conditions
doivent être réunies (§ I). On doit enfin se demander si des modifications
conventionnelles du régime de la responsabilité contractuelle sont possibles (§ III).

§ I : Les conditions de la responsabilité contractuelle

La responsabilité contractuelle suppose la réunion de deux éléments : d’abord,


l’inexécution du contrat (A) ; ensuite, un dommage qui en résulte pour le
cocontractant (B). Dans nombre de cas, il peut aussi être nécessaire que le créancier
mette son débiteur en demeure d’exécuter sa prestation (C).

A- L’inexécution de l’obligation contractuelle

L’inexécution peut être un défaut total d’exécution (par exemple, le vendeur n’a
rien livré), une exécution partielle (il n’a livré que la moitié des marchandises), une
exécution défectueuse (il a livré des marchandises détériorées ou des produits avariés)
ou une exécution tardive. La preuve de l’inexécution incombe au créancier, mais le
fardeau est plus ou moins lourd selon que l’obligation inexécutée est de moyens ou
de résultat (1). Le débiteur peut échapper à la responsabilité en invoquant des causes
d’exonération (2)

1) La preuve de l’inexécution et la distinction des obligations de moyens


et des obligations de résultat

Il convient de commencer par indiquer les différences de régime, autrement dit


les intérêts de la distinction (a), avant d’aborder les critères de distinction (b) ainsi que
les nuances à faire sur ces derniers (c)

a) Les différences de régime

La distinction entre obligations de moyens et obligations de résultat a été


proposée par Demogue (1872-1938) vers 1930, puis adoptée par la jurisprudence.
Elle s’appuie sur deux textes du Code civil. Le premier est l’article 1137 qui
dispose : « l’obligation de veiller à la conservation de la chose … soumet celui qui en est chargé à y
apporter tous les soins d’un bon père de famille ». La référence aux soins du bon père de
famille signifie que :
- le débiteur n’engage sa responsabilité que s’il a commis une faute : on dit qu’il
est tenu d’une obligation de moyens ou de diligence,
- le créancier doit prouver cette faute
- la faute est appréciée in abstracto, c’est-à-dire par rapport à un modèle

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abstrait, l’homme normalement prudent et avisé et, s’il s’agit d’un
professionnel, par référence au membre normalement compétent de sa profession.

Le second est l’article 1147 qui énonce : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au
paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du
retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas d’une cause étrangère qui ne peut pas lui
être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ». Il résulte de cet article que :
- le débiteur est de plein droit responsable en cas d’inexécution ou de retard ;
- le créancier doit simplement prouver cette inexécution ou le retard dans
l’exécution, c’est-à-dire que le résultat promis n’est pas atteint ;
- le débiteur ne peut pas se dégager de sa responsabilité en prouvant seulement
qu’il n’a pas commis de faute ; il ne le peut qu’en établissant une « cause étrangère »
qui ne lui est pas imputable, tel un cas de force majeure ; de là découle le nom
d’obligation de résultat par opposition à celui de l’obligation de moyens.
Il n’est pas toujours facile de savoir si l’obligation est de moyens ou de résultat,
ce qui rend nécessaire la recherche d’un critère.

b) Les critères de distinction proposés par la doctrine

Ce point appelle quelque développement car plusieurs critères ont été proposés
par la doctrine pour opérer la distinction entre obligations de moyens et obligations
de résultat.

- La lettre des textes : l’art. 1137 parle seulement de celui qui est tenu de
conserver une chose et ne concernerait donc que ce débiteur, tandis que l’art. 1147,
rédigé en termes généraux, serait le principe et s’appliquerait à tout autre débiteur.
Mais cette interprétation littérale a été abandonnée parce qu’il n’y a pas de raison
d’instituer un régime particulier qui serait réservé à l’obligation du conservateur d’une
chose.
- La volonté des parties : si le débiteur promet d’exécuter une obligation aux
contours précis, par exemple livrer un appareil en bon état, son obligation est
ordinairement de résultat. S’il promet seulement de respecter « les règles de l’art », de
faire son possible pour arriver à un résultat, son obligation n’est que de moyens. La
volonté des parties joue dans certains cas un rôle décisif mais souvent elle est
insuffisante et les tribunaux doivent recourir à d’autres critères.
- L’objet de l’obligation : certaines obligations sont, de par leur objet même,
des obligations de résultat. Ainsi, celui qui s’engage à payer une somme d’argent
est tenu du résultat (le paiement) et ne promet pas seulement de faire tout son
possible pour y arriver. Le débiteur est également lié par une obligation de résultat
lorsque l’obligation consiste à ne pas faire quelque chose ou à livrer une chose de
genre. Le critère de l’objet n’est pas toujours déterminant.

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- L’existence ou l’absence d’aléa : si le résultat doit normalement être atteint
par la mise en œuvre de techniques dont dispose – ou devrait disposer – le débiteur,
l’obligation est de résultat, par exemple, livrer une marchandise en bon état,
transporter une personne ou une chose à bon port. Si le résultat est aléatoire,
l’obligation n’est que de moyens. Par exemple, le médecin ne promet pas la guérison,
mais s’engage à soigner le malade conformément aux données actuelles de la science.
Toutefois, en raison notamment des progrès de la médecine, une place est
maintenant accordée à des obligations de résultat, par exemple, en ce qui concerne la
qualité d’un appareil de prothèse ou en cas d’infections nosocomiales, c’est-à-dire qui
se répandent dans les hôpitaux. A l’image du médecin, l’avocat ne promet pas de
gagner un procès mais s’engage à défendre le plus efficacement possible les intérêts
de son client.
- Le rôle actif ou passif du créancier : Si le créancier a un rôle actif et garde
une certaine liberté d’action, le débiteur n’est tenu que d’une obligation de moyens,
comme l’obligation de sécurité de l’exploitant d’un manège d’équitation ou d’un
remonte-pente. Au contraire, la passivité du créancier est un indice de l’obligation de
résultat. Ainsi, la personne transportée dans un avion ou tout autre engin, comme un
train, un téléphérique, etc., sur la maîtrise duquel elle n’a aucun pouvoir, est
créancière d’une obligation de sécurité incombant à l’exploitant et qui est de résultat.
Pour la même raison, celui qui reçoit une transfusion sanguine est créancier d’une
obligation de résultat de la part du centre de transfusion, qui doit fournir du sang non
contaminé.
Ces critères sont, à des degrés divers, utilisés par les tribunaux, qui toutefois
qualifient souvent l’obligation de résultat ou de moyens sans donner de justification
précise. De plus, des nuances complexifient la distinction.

c) Les nuances dans l’application de la distinction

Les obligations de résultat sont les plus nombreuses car, en général, le créancier
attend un résultat (par exemple, les obligations de payer une somme d’argent, de
livrer une chose de genre, de ne pas faire). Mais la jurisprudence, abondante, est
pleine de nuances, parce que la réalité ne se laisse pas facilement enfermer dans deux
catégories bien distinctes. Aussi chaque groupe d’obligations comporte-t-il des
degrés.
Ainsi, l’obligation de résultat peut être :
- aggravée : par exemple, lorsque le débiteur est responsable même en cas de
force majeure ; l’obligation est alors dite de garantie ;
- allégée : certains débiteurs peuvent s’exonérer de leur responsabilité en
prouvant qu’ils ont fait tout leur possible pour éviter le dommage et n’ont pas
commis de faute (transporteurs maritimes et aériens, en cas de dommage subi par un
passager ou causé à la marchandise ; laboratoire photographique, en cas de perte des
pellicules qui lui ont été confiées pour les développer).

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Quant à l’obligation de moyens, elle est appréciée moins sévèrement lorsque le
débiteur agit à titre gratuit, et plus sévèrement si c’est un professionnel. L’obligation
de moyens peut être qualifiée d’obligation de moyens renforcée dans certains cas
puisqu’elle est fondée sur une présomption de faute. En effet, selon la jurisprudence,
si l’origine du dommage est inconnue, ses débiteurs ne sont pas en mesure de
prouver l’absence de faute (cette preuve supposerait en effet qu’on connaisse la cause
du dommage afin de pouvoir vérifier si le débiteur avait fait tout son possible pour
l’éviter), et de ce fait leur responsabilité est engagée.

2) Les causes d’exonération du débiteur

Les principales causes d’exonération du débiteur sont la force majeure (a) et le


fait du créancier (d). L’absence de faute du débiteur (c) est plus rarement une
véritable cause d’exonération.
a) La force majeure

L’art. 1148 exonère le débiteur lorsque l’inexécution provient d’une force


majeure ou d’un cas fortuit.
On distinguait parfois le cas fortuit, qui serait un événement interne à l’activité
ou à l’entreprise du débiteur, par exemple l’incendie de ses locaux, de la force
majeure qui lui serait totalement étrangère, par exemple un tremblement de terre.
Mais la jurisprudence n’opère pas cette distinction, et les deux expressions sont
souvent employées comme synonymes.
La force majeure peut être un événement de la nature ou le fait d’un tiers, y
compris l’administration. On parle dans ce dernier cas de fait du prince. Il convient
de déterminer ses caractères (a1) puis ses effets (a2).

a1) Concernant ses caractères

Il faut souligner que l’événement doit revêtir les caractères ci-après.


- Le caractère irrésistible ou insurmontable : c’est le caractère essentiel.
Dans certaines décisions, la Cour de cassation française a même admis que
l’irrésistibilité de l’événement était, à elle seule, constitutive de la force majeure,
lorsque de toute façon sa prévision ne permettait pas d’en empêcher les effets et que
le débiteur avait pris toutes les mesures requises pour éviter sa réalisation.
+ L’irrésistibilité est l’impossibilité d’exécuter et non pas simplement une plus
grande difficulté, laquelle ne suffit pas (à comparer avec l’imprévision).
+ Elle s’apprécie par référence aux capacités d’un homme normalement
diligent (la jurisprudence parle souvent d’un « événement normalement irrésistible »).
+ La jurisprudence en déduit que le débiteur d’une chose de genre qui a été
détruite peut rarement se libérer par la force majeure, car elle estime qu’il a toujours
la possibilité de la remplacer : genera non pereunt (les choses de genre ne périssent
point).

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- Le caractère imprévisible : l’imprévisibilité s’apprécie au jour de la
conclusion du contrat par référence à la prévoyance d’un homme raisonnable : la
jurisprudence parle couramment d’événements « normalement imprévisibles ». Mais
tout dépend des circonstances, par exemple une intempérie était prévisible, mais non
sa violence.
- Le caractère extérieur : cette condition est plus controversée. L’événement
doit être extérieur, en ce sens qu’il n’est pas imputable au débiteur ni aux personnes
dont il doit répondre : par exemple, le débiteur n’est pas exonéré lorsque son
employé a commis une faute, même imprévisible et irrésistible. Mais souvent la
jurisprudence adopte une conception très large de l’extériorité ou même ne l’exige
pas. Est une force majeure par exemple, si les deux autres conditions sont réunies, :
+ la maladie est « interne » au débiteur (sauf à admettre qu’elle a été causée par
un agent extérieur) ;
+ le chômage du débiteur ; la même analyse lui est applicable ;
+ la grève au sein de l’entreprise du débiteur est « interne », mais la
jurisprudence y voit un cas de force majeure, notamment si elle a des causes
extérieures à l’entreprise (critique de la politique sociale du gouvernement, par
exemple).

a2) Concernant les effets

Le débiteur est libéré de son obligation, sauf dans les hypothèses


exceptionnelles où sa responsabilité s’étend aux cas de force majeure, soit parce qu’il
avait accepté cette extension dans le contrat, soit parce que la loi la lui impose
(emprunteur qui emploie la chose à un autre usage ou plus longtemps que ce qui
avait été convenu, art. 1881 C. civ. transporteur routier de passagers, Code CIMA au
Burkina ou loi du 5 juillet 1985 en France). Si l’impossibilité d’exécution n’est que
momentanée, l’obligation du débiteur n’est pas éteinte, et son exécution est
seulement suspendue.

b) Le fait du créancier

Le fait du créancier – fautif ou non – exonère totalement le débiteur lorsqu’il a


été la cause exclusive de son dommage ; par exemple, le client d’un manège forain
commet une imprudence qui est la seule cause de l’accident. La faute du créancier
peut avoir concouru, avec celle du débiteur, à la réalisation du dommage : le débiteur
est alors partiellement exonéré, et un partage de responsabilité est prononcé. Mais,
dans ce cas, seule la faute du créancier est prise en compte. Le fait non fautif qui
n’aurait contribué que pour partie à la réalisation du dommage n’a pas d’incidence sur
la réparation.
c) L’absence de faute

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Si l’obligation est de résultat, le débiteur est responsable même lorsqu’il n’a
pas commis de faute : la preuve de l’absence de faute n’a aucun effet exonératoire. Si
l’obligation est de moyens, la responsabilité du débiteur n’est engagée que lorsque sa
faute a été prouvée : l’absence de faute n’est donc pas une cause d’exonération, c’est
tout simplement le défaut d’une condition indispensable à la mise en jeu de sa
responsabilité. En définitive, la preuve de l’absence de faute n’est une véritable cause
d’exonération que dans les cas de responsabilité fondée sur une présomption de
faute : le débiteur peut s’en dégager en prouvant qu’il a été diligent.

B- Le dommage

L’inexécution n’entraîne pas de plein droit une obligation à réparation : l’article


1147 précise que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages
et intérêts… ». Il faut aussi que le créancier ait subi un dommage. Il y a lieu
d’examiner successivement les types de dommages (1) ainsi que les caractères du
dommage (2).

1) Les types de dommages

Concernant les types de dommages, le dommage invoqué est fréquemment


matériel, mais il peut aussi être corporel ou moral (par exemple, les proches parents
d’un passager décédé au cours d’un transport peuvent réclamer au transporteur
réparation du préjudice résultant de la perte d’un être cher). Les solutions dégagées
en matière de responsabilité extracontractuelle sont aussi applicables dans le domaine
de la responsabilité contractuelle.
Quant à la preuve des dommages, l’inexécution, surtout si elle est totale, fait
présumer le dommage, mais le créancier doit en prouver l’étendue. En cas de retard
dans l’exécution, le simple retard dans l’exécution ne fait pas présumer le dommage :
le créancier devra le prouver, sauf s’il s’agit d’une somme d’argent (les intérêts de
retard lui sont alors de plein droit accordés, en principe à dater de la sommation de
payer, art. 1153, al. 2 et 3). Le dommage et son montant, faits juridiques, se prouvent
par tout moyen.
2) Les caractères du dommage

Quel qu’il soit, le dommage doit présenter plusieurs caractères qui sont les
mêmes qu’en matière extracontractuelle. Seuls des aspects concernant plus
spécialement les contrats sont présentés ici, ceux concernant la responsabilité civile
délictuelle étant abordés ailleurs. La différence essentielle entre les deux régimes de
responsabilité porte sur le caractère prévisible. En effet, les caractères certain et direct
sont sensiblement les mêmes qu’en matière de responsabilité délictuelle.

Pour le caractère certain, un préjudice certain, même futur (prolongation


certaine d’un état de choses actuel), est réparable, mais un préjudice simplement

113
éventuel ne l’est pas. Le caractère direct, prévu à l’art. 1151 du Code civil, exige
un lien suffisant de causalité avec l’inexécution. Le créancier peut réclamer réparation
de la perte éprouvée ou damnum emergens, par exemple, le prix qui avait été payé pour
acheter des marchandises, par la suite perdues au cours d’un transport et la réparation
du gain manqué ou lucrum cessans, par exemple, le bénéfice qui pouvait résulter de leur
revente. La frontière entre préjudice direct (réparable) et préjudice indirect (non
réparable) est parfois délicat à tracer. L’exemple de Pothier est édifiant : si un
marchand vend une vache malade, le dommage direct englobe le prix payé et la
valeur des animaux morts par contagion, mais les dommages plus éloignés –
impossibilité pour l’acheteur de cultiver ses terres, d’en tirer des revenus, de payer ses
créanciers, ce qui a provoqué la saisie de ses biens et sa ruine – sont indirects.

Quant au caractère prévisible de l’article 1150 du Code civil, le principe est


que le débiteur ne doit réparer que le dommage qu’il avait pu prévoir lors de la
conclusion du contrat. Cette condition propre à la matière contractuelle est en
général expliquée par l’idée que les conséquences de l’inexécution d’un contrat
dépendent de ce que les parties ont voulu et de ce qu’elles ont pu raisonnablement
prévoir. Si donc le dommage s’étend au-delà de ce qui était normalement prévisible,
le débiteur n’est pas tenu de réparer la fraction qu’il ne pouvait pas prévoir. D’après
la jurisprudence, l’imprévisibilité concerne non la cause du dommage (car le débiteur
ne peut pas prétendre que sa faute était imprévisible), mais son montant (car il faut
qu’il ait une idée de ce à quoi il s’expose s’il cause un dommage au créancier). Par ex.,
si une malle, transportée ou mise en dépôt et contenant des bijoux précieux, a
disparu, le débiteur (transporteur ou dépositaire), qui ignorait son contenu, doit
seulement rembourser la valeur de la malle et des articles que, habituellement et dans
des circonstances analogues, un objet de ce genre contient (l’évaluation ne peut être
qu’approximative et, dans les contrats de transport, elle dépend souvent du poids ;
sur l’étendue de l’indemnité due par un hôtelier, v. par ex. art. 1953 C. civ. qui le rend
responsable du vol ou du dommage causé aux effets du voyageur).
Toutefois, cette nécessité d’un dommage prévisible comporte une exception
prévue à l’article 1150 du Code civil burkinabè. Selon cette disposition, la réparation
s’étend au dommage imprévisible lorsque l’inexécution provient d’un dol du
débiteur. Le dol au sens de l’article précité est la faute intentionnelle commise dans
l’exécution du contrat, par exemple, un refus d’exécution sans raison légitime et en
sachant que le créancier va subir un préjudice. Le dol dans l’exécution du contrat est
à distinguer du dol dans sa conclusion. La jurisprudence assimile au dol la faute
lourde. Concernant la notion de faute lourde, à la différence du dol, elle n’est pas
intentionnelle mais elle est plus grave qu’une faute ordinaire : c’est une faute
grossière, une incurie grave ; par exemple, si de nombreux vols se sont déjà produits
chez un dépositaire, il commet une faute lourde en ne prenant pas des mesures pour
les éviter. Les tribunaux adoptent parfois une conception plus objective et déduisent
la faute lourde du caractère essentiel de l’obligation violée. Par exemple, la société
chargée de l’édition d’un annuaire commet une faute lourde si elle omet le numéro de

114
téléphone d’un abonné : le débiteur n’a pas accompli son obligation essentielle.
Comme le dol, la faute lourde entraîne la réparation du dommage même imprévisible
(application de l’adage « culpa lata dolo aequiparatur »).

C- La mise en demeure

La mise en demeure est l’acte par lequel le créancier somme le débiteur


d’exécuter son obligation. Son rôle et sa forme (1) et son domaine (2) appellent des
précisions.
1) Le rôle et la forme de la mise en demeure

Concernant le rôle de la mise en demeure, celle-ci vise à établir la carence


du débiteur. En conséquence, à dater de la mise en demeure :
- le créancier peut réclamer des dommages et intérêts ou, si l’exécution est
encore possible, des intérêts de retard ;
- il peut aussi demander soit la résolution du contrat pour inexécution, soit son
exécution forcée ;
- quand l’obligation a pour objet un corps certain, les risques de la force
majeure sont à la charge du débiteur (art. 1138, al. 2, C. civ.), c’est-à-dire que, si la
chose est détruite par force majeure avant sa livraison, le débiteur qui aurait dû la
livrer ne pourra pas invoquer cet événement pour se libérer.

Quant à la forme de la mise en demeure, l’article 1139 du Code civil exige


un acte solennel, signifié par un huissier (sommation, commandement, citation en
justice), ou tout acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes
une interpellation suffisante. Dans tous les cas, il faut que le créancier manifeste
clairement son intention d’obtenir l’exécution. En matière commerciale, la mise en
demeure peut se faire de manière simplifiée par lettre recommandée avec accusé de
réception.

2) Le domaine

La mise en demeure est tantôt utile, tantôt inutile.

La mise en demeure est inutile lorsque :


- L’exécution n’est plus possible, notamment parce que le débiteur a violé
son obligation de ne pas faire (art. 1145, C. civ.), le mal étant déjà fait ou parce que
l’obligation ne pouvait être exécutée que dans un certain temps que le débiteur a
laissé passer (art. 1146, C. civ.) ; par exemple, un artiste n’a pas participé au spectacle
pour lequel il avait été engagé.
- Le débiteur déclare au créancier qu’il n’exécutera pas la prestation.

La mise en demeure est surtout utile :

115
- en cas de retard. En effet, l’échéance du terme accordé n’entraîne pas de
plein droit un préjudice au créancier ; aussi doit-il adresser au débiteur une mise en
demeure avant de pouvoir lui réclamer des dommages et intérêts moratoires, c’est-à-
dire destinés à réparer le dommage découlant du retard (mora, en latin). Par exemple,
s’il s’agit d’une somme d’argent, les intérêts ne courent qu’à compter de la
sommation de payer (art. 1153, al. 3). Toutefois, une clause du contrat (art. 1139) ou
un texte spécial (par exemple, art. 1996 pour le mandat : le mandataire doit l’intérêt
des sommes qu’il a employées à son usage, à dater de cet emploi) peut dispenser de la
mise en demeure.
- Lorsqu’il faut que le débiteur soit informé de la volonté du créancier d’exiger
l’exécution, soit parce qu’aucune échéance n’avait été convenue dans le contrat, soit
parce qu’il ignore même l’existence ou le montant de sa dette : par exemple, le
propriétaire qui est tenu de supporter la charge de certains travaux sur l’immeuble
loué doit être informé de leur nécessité par le locataire.

§ II : L’effet de la responsabilité : la réparation du dommage

En principe, tout le dommage doit être réparé, ce qui soulève le problème des
modes de réparation (A). Une fois ces modes précisés, il convient de se pencher
particulièrement sur le régime juridique des dommages et intérêts (B).

A- Les modes de réparation

La réparation peut être faite en nature ou par équivalent (1). Toutefois, dans
certaines particulières, d’autres formes de réparation existent (2).

1) La réparation en nature ou en équivalent

Le principe de choix entre réparation par équivalent et réparation en nature est


énoncé dans l’article 1142 qui dispose que : « toute obligation de faire ou de ne
pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du
débiteur ». En d’autres termes, la réparation s’effectue par équivalent lorsqu’il s’agit
d’une obligation de faire ou de ne pas faire. Pour les autres obligations, la réparation
en nature s’impose. Cependant, se contenter de cette lecture est simpliste. Il convient
d’approfondir l’analyse en examinant d’une part le fondement et le domaine de la
règle (a), d’autre part les applications du principe (b).

a) Le fondement et le domaine de la règle

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L’article 1142 vise à éviter, et c’est là son fondement, qu’une contrainte
physique soit exercée contre la personne du débiteur. Quant à son domaine, il
n’envisage que les obligations de faire et les obligations de ne pas faire. Pour les
obligations de donner, c’est-à-dire de transférer la propriété d’un bien, il y a deux
situations possibles :
- ou bien le contrat, dès sa conclusion, entraîne le transfert de propriété : dans
ce cas, le contrat ne donne pas naissance à une obligation de donner et il n’y a pas de
problème (il en va de même si l’on retient une autre analyse, selon laquelle
l’obligation est exécutée au moment même où elle naît) ; en matière de vente, c’est la
situation la plus courante ;
- ou bien le contrat n’entraîne pas un transfert immédiat : dans cette hypothèse,
le transfert dépend d’un acte postérieur que doit accomplir le vendeur (p. ex.,
individualisation de la chose de genre ; pesage, comptage ou mesurage pour les
choses vendues « au poids, au compte ou à la mesure », art. 1585) ou l’acheteur
(paiement du prix), et l’exécution de l’obligation de donner est alors subordonnée à
celle d’une obligation de faire.
La raison d’être du principe implique son application quelle que soit la source
de l’obligation, contractuelle ou extracontractuelle.

b) Les applications du principe

La jurisprudence distingue deux situations :


- 1ère situation : si l’obligation a un caractère personnel, le juge n’a pas la
possibilité de condamner le débiteur à l’exécuter, il peut seulement le condamner à
une indemnité pécuniaire : par exemple, un peintre ne peut pas être condamné à faire
ou livrer un tableau, un écrivain à rédiger un livre.
- 2e situation : si l’obligation n’a pas ce caractère personnel, le juge peut
condamner le débiteur à l’exécution en nature, p. ex., à livrer la chose vendue, à
restituer une chose déposée, éventuellement sous la menace d’une astreinte
(condamnation à tant de francs par jour de retard). Mais aucune coercition ne doit
être exercée contre sa personne. Aussi, en cas de persistance du refus, l’exécution
forcée ne peut être effectuée que sur les biens du débiteur par la saisie puis la vente
de ses biens dont le prix servira à payer le créancier.

2) Les modalités particulières offertes au créancier dans certaines


situations

Elles se manifestent dans les situations ci-dessous.


- La destruction de ce qui a été fait en violation d’une obligation de ne
pas faire : elle est prévue à l’article 1143 du Code civil. Le créancier d’une obligation
de ne pas faire peut exiger que ce qui a été fait en contravention à l’engagement soit
détruit, par exemple imposer la démolition d’un ouvrage édifié en violation d’une
clause interdisant une construction. Si le débiteur refuse, le créancier doit se faire

117
autoriser par justice à détruire l’ouvrage aux frais du débiteur. En définitive, si le
créancier obtient une réparation en nature, le débiteur n’est tenu qu’à une indemnité
pécuniaire.
- L’exécution par une personne autre que le débiteur : le créancier d’une
obligation de faire inexécutée peut être autorisé par justice à la faire accomplir par un
tiers aux dépens du débiteur aux termes de l’article 1144. Celui-ci peut même être
condamné à payer l’avance des frais. Là encore, le créancier obtient ce qu’il attendait,
mais le débiteur est en dernier lieu seulement tenu à une somme d’argent.
- Les modes particuliers de réparation : parfois la loi prévoit des modes
particuliers de réparation. Il en va ainsi de la déchéance d’un droit (par exemple,
le prêteur déchu dans certains cas du droit aux intérêts ou le créancier peut être
déchu de ses sûretés en cas de comportement fautif ayant retardé la cessation des
paiements ou diminuer l’actif ou aggraver le passif du débiteur118) ou de la réfaction
du contrat (par exemple, l’article 1644 prévoit la faculté pour l’acheteur de garder la
chose atteinte d’un vice, en demandant une réduction du prix).
- La constatation d’un acte juridique par un jugement : lorsque
l’obligation de faire consiste dans l’accomplissement d’une formalité, notamment la
signature d’un acte notarié, il peut être passé outre au refus d’une partie par une
décision de justice qui remplace cet acte.

B- Le régime des dommages et intérêts

On distingue les dommages et intérêts compensatoires (1) des dommages et


intérêts moratoires (2).

1) Les dommages et intérêts compensatoires

Les dommages et intérêts compensatoires sont destinés à compenser le


préjudice découlant de l’inexécution totale ou partielle. Il importe de déterminer son
montant, la date de son évaluation et des intérêts qu’ils peuvent produire.

- S’agissant du montant des dommages et intérêts compensatoires, il doit


couvrir la totalité du dommage réparable, mais ne pas l’excéder. Exceptionnellement,
la loi fixe un plafond de réparation, par exemple, pour les bagages déposés chez un
hôtelier119 ou pour les dommages corporels ou matériels au cours d’un transport
maritime ou aérien.

118
Cf. article 118 de l’Acte uniforme OHADA relatif aux procédures collectives d’apurement du
passif du 10 septembre 2015.
119 Art. 1953, al. 3, C. civ. fr. issu de la loi n° 73-1141 du 24 déc. 1973. L’alinéa 3 est ainsi libellé :

« Dans tous les autres cas, les dommages-intérêts dus au voyageur sont, à l’exclusion de toute
limitation conventionnelle, limités à l’équivalent de 100 fois le prix de location du logement par
journée, sauf lorsque le voyageur démontre que le préjudice qu’il a subi résulte d’une faute de celui qui
l’héberge ou des personnes dont ce dernier doit répondre ».

118
- Quant à la date d’évaluation du dommage : la jurisprudence a décidé que
le dommage doit être évalué au jour du jugement définitif de condamnation, afin
que le créancier ne subisse pas les effets de l’érosion monétaire
- S’agissant de la production d’intérêts, il y a lieu de noter qu’en France, pour
inciter le débiteur à un paiement rapide, une loi du 5 juillet 1985 fait produire des
intérêts à la créance de réparation (art. 1153-1 C. civ.). C’est une règle « applicable en
toute matière », y compris dans le domaine des obligations contractuelles.
Concernant le point de départ des intérêts, la créance produit des intérêts à partir
du jour du prononcé du jugement, même en l’absence de demande ou de disposition
spéciale du jugement. Toutefois, le juge peut déterminer autrement le point de départ
des intérêts. Relativement à leur montant, les intérêts sont calculés en fonction du
taux légal. Celui-ci est défini chaque année (il est égal à « la moyenne arithmétique des
douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des
adjudications de bons de Trésor à taux fixe à treize semaines »). Le taux légal est fixé
en fonction du taux des avances de la BCEAO.

2) Les dommages et intérêts dus en cas de retard dans le paiement d’une


somme d’argent

Le débiteur doit des intérêts de retard ou dommages et intérêts moratoires, qui


sont calculés forfaitairement. Il s’ensuit que le créancier n’a pas à prouver son
préjudice (art. 1153, al. 2, C. civ.). Seront successivement clarifiés le calcul des
dommages et intérêts moratoires (a), le point de départ des intérêts (b), la possibilité
d’obtenir une indemnité supplémentaire (c) et la question de l’anatocisme (d).

a) Le calcul des dommages et intérêts moratoires

Les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution d’une somme


d’argent « ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal »
(art. 1153, al. 1er, C. civ.). Sa justification est que ce mode de calcul simple évite des
recherches compliquées sur le dommage qu’aurait réellement subi le créancier, quand
il n’a pas pu employer la somme qui devait lui être versée plus tôt. Les parties
peuvent aussi convenir d’un taux d’intérêt, appelé conventionnel, mais à condition
qu’il ne soit pas usuraire (caractère excessif déterminé selon des critères établis par la
loi).
b) Le point de départ des intérêts

Les intérêts courent à dater de la mise en demeure, sauf dans les cas où la loi
les fait courir de plein droit (p. ex., art. 1996 C. civ. pour les sommes que le
mandataire a employées à son usage).

c) Le droit à une indemnité supplémentaire

119
Le créancier a droit des dommages et intérêts supplémentaires dans certaines
circonstances. D’abord, lorsque le débiteur en retard a causé par sa mauvaise foi un
préjudice indépendant du retard (art. 1153, al. 4, C. civ.). Deux conditions sont
nécessaires :
- la mauvaise foi du débiteur, c’est-à-dire qu’il savait que, en ne payant pas, il
causait un préjudice au créancier ;
- le créancier doit subir un « préjudice indépendant du retard », c’est-à-dire
autre que la simple privation de la disposition des fonds (p. ex., le créancier a eu des
difficultés financières particulières).

Ensuite, dans des cas particuliers prévus par la loi (p. ex., en cas de non-
paiement d’une lettre de change : art. L. 511-45 C. com., art. 192 du Règlement de
l’UEMOA sur les systèmes de paiement120 ; lorsque l’associé qui devait apporter une
somme dans la société ne l’a pas fait à la date prévue : art. 1843-3, al. 5, C. civ. pour la
France ; art. 43 de l’AUDSC pour les Etats de l’OHADA121).

d) L’anatocisme ou capitalisation des intérêts

Les intérêts produisent à leur tour des intérêts, ce que l’on appelle capitalisation
des intérêts ou anatocisme, si cette capitalisation a été demandée en justice et
accordée par un jugement ou décidée par les parties dans une convention spéciale
(art. 1154 C. civ.). Dans tous les cas, l’anatocisme n’est possible qu’à partir d’une
année d’intérêts échus (art. 1154, in fine). Dans de rares hypothèses, l’anatocisme se
produit de plein droit. Par exemple, dans une convention de compte courant (par
laquelle deux personnes – souvent une banque et son client – conviennent d’inscrire
dans un compte unique toutes les créances qu’elles acquerront l’une contre l’autre), le
solde du compte est de plein droit productif d’intérêts, à chaque échéance.

§ III : Les modifications conventionnelles

Plusieurs questions méritent d’être examinées : la distinction entre les clauses


qui modifient le contenu des obligations et celles qui portent directement sur la
responsabilité (A), les clauses aggravant la responsabilité (B), les clauses limitant ou
écartant la responsabilité civile (C) et les clauses pénales (D)

120 Article 192


Le porteur peut réclamer à celui contre lequel il exerce son recours :
- le montant de la lettre de change non acceptée ou non payée, avec les intérêts s'il en a été stipulé ;
- les intérêts au taux légal à partir de l'échéance ;
- les frais du protêt, ceux des avis donnés ainsi que les autres frais.
121 Selon l’article 43 de l’AUDSC, « en cas de retard dans le versement, les sommes restant dues à la

société portent de plein droit intérêt au taux légal à compter du jour où le versement devait être
effectué, sans préjudice de dommages et intérêts, s'il y a lieu ».

120
A- La distinction entre les clauses qui modifient le contenu des
obligations et celles qui portent directement sur la responsabilité

Deux types de clauses se distinguent plus ou moins clairement. Certaines


clauses modifient le contenu de l’obligation, tel qu’il a été défini par la loi, soit
en l’étendant : par exemple, le locataire qui, de par la loi, c’est-à-dire l’art. 1720, al. 2,
C. civ. n’est tenu que des réparations locatives, peut aussi prendre en charge les
autres réparations, soit en le réduisant. C’est l’effet de la clause précédente à l’égard
du bailleur. Ces clauses, qui portent directement sur l’objet même de l’obligation, ont
néanmoins une incidence sur la responsabilité, dont l’étendue dépend du contenu de
l’obligation. Ainsi, lorsque l’obligation est allégée, les circonstances permettant la
mise en jeu de la responsabilité du débiteur sont réduites et c’est l’inverse qui se
produit lorsque l’obligation est étendue. En raison de la liberté contractuelle, elles
sont en principe valables, à condition de ne pas supprimer l’essentiel de la
prestation de l’une des parties : par exemple, dans un contrat de bail, une clause
stipulant que le bailleur ne s’engage pas à laisser au locataire la jouissance des lieux
loués viderait son obligation de sa substance.

D’autres clauses ne changent pas le contenu de l’obligation mais


modifient directement le régime de la responsabilité contractuelle : l’obligation
du débiteur est inchangée mais, en cas d’inexécution, sa responsabilité est, par
rapport aux règles légales, allégée ou aggravée.

B- Les clauses aggravant la responsabilité

Une partie au contrat accepte qu’une obligation qui pèse sur elle soit plus
lourde. Par exemple, celui dont l’obligation n’est que de moyens accepte qu’elle se
transforme en obligation de résultat ou bien le débiteur s’engage à réparer les
dommages découlant de la force majeure en général ou de certains cas de force
majeure (par exemple, les art. 1772 et 1773 C. civ. sur les baux à ferme). Ces clauses
sont valables. Toutefois, dans un souci de protection, le Code français de la
consommation par exemple, impose, dans les contrats conclus entre professionnels
et consommateurs, au professionnel qui stipule une clause de garantie, de mentionner
clairement que, en tout état de cause, la garantie légale ne disparaît pas (art. R. 211- 4
C. consom.). Il s’agit d’éviter que, par le biais d’une clause apparemment avantageuse
pour lui, le consommateur ne soit indirectement privé des règles légales de garantie.

C- Les clauses écartant ou limitant la responsabilité

Il faut succinctement aborder, d’une part, la notion et l’intérêt de ces clauses (1)
et, d’autre part, le sort qui est réservé à de telles clauses (2).

1) La notion et l’intérêt des clauses écartant ou limitant la responsabilité

121
Au plan des notions, la clause de non-responsabilité est celle dont l’objet est
d’affranchir le débiteur de sa responsabilité tandis que la clause limitative n’écarte pas
la responsabilité mais limite le montant de la réparation en instaurant un maximum.
Au titre des avantages et inconvénients, les clauses qui écartent ou limitent la
responsabilité présentent une utilité mais ont aussi des inconvénients. Leur utilité est
que le contractant dont la responsabilité est conventionnellement écartée ou réduite,
fait payer ses services moins chers. Comme inconvénients, elles peuvent inciter le
débiteur à une certaine négligence et privent le créancier de tout ou partie de
l’indemnisation de son dommage. Cela pose le problème de leur validité.

2) Le sort de ces clauses

En la matière, il y a ce que l’on peut considérer comme étant le droit commun


ainsi que des dispositions spéciales.
En droit commun, en vertu de la liberté contractuelle, ces clauses sont en
principe valables. Néanmoins, elles ne doivent pas faire échec au principe selon
lequel il faut exécuter de bonne foi les conventions (art. 1134, al. 3). Donc, elles sont
inefficaces en cas de dol (faute intentionnelle) ou de faute lourde ; elles n’exonèrent
donc le débiteur qu’en cas de faute légère. En outre, la clause ne doit pas contredire
l’obligation principale du contrat, sous peine d’être jugée non écrite. Ainsi, une
société de transport rapide ne peut se prévaloir d’une clause limitative de
responsabilité si elle effectue la livraison avec retard. Enfin, la validité des clauses
exonératoires ou même limitatives de responsabilité est discutée (quelle que soit la
gravité de la faute commise par le débiteur), lorsqu’elles concernent des dommages
causés à l’intégrité physique de la personne ; dans ce cas, les tribunaux les considèrent
parfois comme non écrites.
Dans les dispositions spéciales, certains textes tirés du droit comparé
prohibent les clauses écartant ou limitant la responsabilité, par exemple :
- la clause qui, dans le contrat de vente, a pour objet ou pour effet de
supprimer ou de réduire le droit du consommateur à une réparation en cas de
manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations (art. R. 132-1
C. consom.) ;
- la clause de non-responsabilité est nulle en cas de transporteur de
marchandises en cas de perte ou d’avarie ou de retard en droit OHADA des
transport ;
- la clause qui allège la responsabilité peut être déclarée abusive (article 23 de la
loi burkinabè du 5 mai 1994 portant organisation de la concurrence et l’art. L. 132-1
C. consom français).
D- Les clauses pénales

Il convient de commencer par définir la clause pénale et ses conditions de


validité et d’application avant d’examiner sa mise en œuvre. L’approfondissement des

122
clauses pénales appelle l’examen d’une part de la définition, des conditions de validité
et d’application de la clause pénale (1), d’une part la règle de la fixité en droit positif
burkinabè (2) et enfin les conditions de la révision en France (3).

1) Définition, conditions de validité et d’application de la clause pénale

Les clauses pénales sont celles qui évaluent par avance et forfaitairement
l’indemnité (peine) qui sera due par le débiteur en d’inexécution. La clause pénale est
à distinguer de la clause de dédit, par laquelle, par exemple, le bénéficiaire d’une
promesse unilatérale de vente s’engage, pour le cas où il déciderait de ne pas acheter,
à verser au promettant une somme d’argent destinée à l’indemniser du fait que cette
personne a dû immobiliser son bien pendant un certain temps. Cette clause de dédit
n’est pas une clause pénale, puisque celui qui doit l’indemnité n’était pas obligé
d’acheter et n’a donc pas failli à ses obligations contractuelles.
La clause pénale est en principe valable aux termes de l’article 1152, al. 1, du
Code civil). Pour mettre en œuvre une clause pénale, il faut préalablement :
- établir l’inexécution de l’obligation ;
- adresser au débiteur une mise en demeure, sauf dispense résultant de l’accord
des parties (art. 1230, C. civ.) ;
Il faut souligner que le créancier ne peut demander à la fois l’exécution forcée
et l’application de la peine convenue (art. 1229, al. 2, C. civ.) : il doit choisir.

2) La règle de la fixité en droit positif burkinabè

Si les conditions d’application sont réunies, la peine est due sans que le
créancier ait à établir l’existence et le montant de son dommage. L’article 1152 du
Code civil burkinabè dispose que « lorsque la convention porte que celui qui manquera de
l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre
partie une somme plus forte, ni moindre ». Il en résulte que, au Burkina et dans les pays qui
n’ont pas réformé le Code civil légué pendant la colonisation, le juge ne dispose
d’aucun pouvoir. La Cour d’appel de Ouagadougou a affirmé ce principe dans un
arrêt rendu le 7 janvier 2016. Selon elle, du moment que la clause pénale est insérée
de commun accord, «…seules les parties ont cette capacité de la modifier, la réviser ou la
supprimer simplement »122.

Pourtant, bien que la clause soit valable, son application peut être source
d’abus, si elle est disproportionnée par rapport au montant du préjudice réel. De ce
fait, en France, depuis 1975, «… le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité
ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.» (art. 1231-5, al. 2 nouveau du
Code civil).
3) Les conditions de la révision en France

122 Arrêt 17 du 07/01/2016, inédit.

123
Il faut une disproportion importante et flagrante entre la peine convenue et
le préjudice réel. Le juge peut réviser même d’office et même si une clause du contrat
interdit la révision. Quant à l’étendue de la révision, le juge dispose d’une large
marge de manœuvre :
- le juge peut réduire ou augmenter la peine, mais non la supprimer ;
- il en fixe souverainement le chiffre, mais le montant du préjudice reste une
limite, c’est-à-dire un plancher, s’il réduit la peine (il ne peut aller plus bas que le
préjudice réel), ou un plafond, s’il l’augmente (il ne peut aller plus haut) ;
- lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la peine peut être réduite, à
proportion de l’intérêt que cette exécution partielle a procuré au créancier (art. 1231-
5, al. 3, C. civ.).
- Toutefois, il est tenu de motiver sa décision. La Cour de cassation exige
du juge qui use de son pouvoir de révision d’en donner les raisons. En revanche, il
n’a pas à motiver spécialement sa décision, s’il fait application purement et
simplement de la clause, parce que la force obligatoire du contrat reste le principe.

Section II : Les règles particulières aux contrats synallagmatiques

Ces contrats sont caractérisés par l’interdépendance des obligations :


chacune des parties ne s’engage qu’en considération de la prestation promise par
l’autre ; par exemple, dans la vente, le vendeur ne promet d’exécuter la prestation qui
lui incombe que parce que l’acheteur s’est engagé à payer le prix, et réciproquement.
Cette interdépendance des obligations entraîne trois conséquences particulières en
cas d’inexécution par un contractant de sa prestation :
- l’autre partie peut suspendre l’exécution de son obligation ; c’est l’exception
d’inexécution (§ I) ;
- elle peut aussi demander en justice la résolution du contrat (§ II) ;
- si l’exécution est impossible en raison d’une force majeure, chaque
contractant est libéré, ce qui pose la question des risques (§ III).

§ I : L’exception d’inexécution

L’exception d’inexécution ou exceptio non adimpleti contractus (adimplere =


accomplir) est le droit accordé à chaque contractant de refuser d’exécuter son
obligation tant que l’autre n’accomplit pas la sienne. Par exemple, dans la vente au
comptant, l’acheteur peut refuser de payer le prix tant que le vendeur ne livre pas la
chose et vice versa. Il faudra préciser les caractères (A) , le domaine (B), les
conditions (C) et les effets de l’exception d’inexécution (D).

A- Les caractères

C’est un moyen de pression sur le débiteur et une garantie pour le créancier.

124
Sa mise en œuvre n’exige pas l’autorisation du juge (c’est une sorte de peine
privée), mais le juge peut être amené ultérieurement à contrôler si l’exception n’a pas
été utilisée abusivement.

L’exception a un caractère provisoire : le créancier suspend provisoirement


l’exécution de son obligation, qui n’est pas éteinte. S’il apparaît que le débiteur
n’accomplira pas sa prestation, il appartient alors au créancier de demander en justice
soit l'exécution forcée, soit la résolution du contrat, avec éventuellement des
dommages et intérêts.
B- Le domaine

Plusieurs articles du Code civil en font des applications particulières, par


exemple au profit du vendeur qui n’a pas été payé (art. 1612) ou du dépositaire qui
n’a pas reçu le salaire convenu (art. 1948). Sur cette base, la Cour de cassation
française a généralisé la technique à tous les contrats synallagmatiques, en se fondant
sur la théorie de la cause : « dans les contrats synallagmatiques, l’obligation de l’une des parties
a pour cause l’obligation de l’autre, de telle sorte que si l’obligation de l’une n’est pas exécutée,
l’obligation de l’autre devient sans cause et n’a pas à être exécutée »123. La jurisprudence l’a
étendue à tous les cas de relations réciproques nées d’un contrat ou encore de
l’annulation ou de la résolution d’un contrat. Ainsi, elle s’applique :
- aux contrats synallagmatiques imparfaits ;
- aux restitutions réciproques consécutives à l’annulation ou à la résolution
d’un contrat synallagmatique ; par exemple, après l’annulation d’une vente qui a déjà
été exécutée, chaque partie doit restituer à l’autre ce qu’elle a reçu ; ces obligations de
restitution sont interdépendantes, par conséquent, une partie peut refuser de rendre
ce qu’elle doit si l’autre n’exécute pas son obligation de restitution.
Lorsque le créancier détient la chose d’autrui, le mécanisme tend à se
confondre avec un droit de rétention (droit qui permet au créancier de refuser de
restituer une chose appartenant à son débiteur qui ne le paie pas).

C- Les conditions

L’exception d’inexécution est subordonnée aux conditions suivantes :


1° Les obligations doivent être connexes, c’est-à-dire avoir pour source le
même contrat synallagmatique.
2° Les obligations sont à exécuter simultanément.
Par exemple, dans la vente au comptant, l’acheteur est tenu de payer au
moment où le vendeur lui livre la chose, donc si l’un n’exécute pas son obligation,
l’autre est en droit de suspendre l’exécution de la sienne. Dans les hypothèses où, en
vertu du contrat, une partie doit exécuter son obligation avant l’autre : par exemple,

123 Cass. civ., 5 mai 1920, DP 1926. 1.37.

125
le vendeur à crédit qui doit livrer la chose avant d’être payé, cet ordre chronologique
l’empêche d’invoquer l’exception.
3° Il faut qu’une partie n’exécute pas son obligation, quelle qu’en soit la
cause (faute ou force majeure). Cependant, certains droits admettent l’exception
d’inexécution anticipée, c’est-à-dire la possibilité d’invoquer l’exception même si
l’obligation du débiteur n’est pas à terme. Il en va ainsi du droit français. L’article
1220 nouveau du Code civil dispose que : « Une partie peut suspendre l’exécution de son
obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les
conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être
notifiée dans les meilleurs délais ».
4° Il faut une certaine proportion entre la riposte du créancier, qui suspend
l’exécution de son obligation, et l’inexécution de l’obligation de son débiteur.
L’exception n’est donc offerte qu’au créancier de bonne foi : un contractant n’a pas
le droit de refuser d’exécuter son obligation, si l’inexécution de l’autre partie est
minime ou porte sur une obligation accessoire. Par exemple, le locataire ne peut pas
refuser de payer le loyer lorsque le bailleur n’effectue pas des réparations
d’importance secondaire. En cas d’inexécution partielle, le créancier est en droit de
refuser d’exécuter sa prestation soit partiellement, soit même totalement, à condition
que la riposte ne soit pas disproportionnée.
Une mise en demeure ou une demande en justice n’est pas nécessaire car
l’exception est simplement un moyen défensif qui permet à une partie de refuser
l’exécution lorsque l’autre la réclame.

D- Les effets

Les effets de l’exception sont provisoires : elle entraîne la suspension de


l’exécution de l’obligation. Mais l’obligation doit être exécutée dès que le
cocontractant accomplit la sienne. Un autre moyen à la disposition du créancier est la
résolution pour inexécution.
§ II : La résolution pour inexécution

En principe, lorsque l’une des parties manque à ses obligations, l’autre peut
réclamer la résolution, c’est-à-dire l’anéantissement du contrat : « La condition résolutoire
est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties
ne satisfera point à son engagement » (art. 1184, al. 1er).
L’expression employée dans l’art. 1184 s’explique par une raison historique
tirée du droit romain : à Rome, les parties inséraient dans certains contrats une clause
de résolution en cas d’inexécution, qui, peu à peu, est devenue une clause de style.
Les rédacteurs du Code civil ont franchi un pas de plus en la considérant comme
toujours sous-entendue. L’alinéa 2 de l’article 1184 offre au créancier une option :
soit demander la résolution, soit exiger l’exécution, si elle est encore possible. Le
droit de demander la résolution découle de l’interdépendance des obligations, chaque
obligation ayant pour cause l’obligation de l’autre.

126
La résolution produit des effets plus graves que l’exception d’inexécution : en
effet, le contrat est anéanti, d’où le principe de la nécessité d’une décision de justice.
Plus rarement, la résolution du contrat est prononcée en raison d’une mésentente
entre les contractants. Tel est le cas de mésentente grave entre associés (AUDSC, art.
200, 5°). Appellent des précisions le domaine (A), l’inexécution, le caractère judiciaire
(B) et les effets de la résolution pour inexécution (C).

A- Le domaine

La résolution pour inexécution concerne les contrats synallagmatiques, mais ce


principe connaît une extension et des limitations.

En premier lieu, la résolution de certains contrats unilatéraux est


également possible. Par exemple, dans le prêt à intérêts, si l’emprunteur ne paie pas
les intérêts, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital. C’est la
notion de cause qui explique cette extension : le prêteur a, au moment de la
formation du contrat, exécuté sa prestation en remettant la chose (l’argent). La cause
de son engagement réside dans l’engagement de l’emprunteur de payer les intérêts et
plus tard de restituer le capital. Si l’emprunteur ne satisfait pas à son engagement de
verser les intérêts, l’obligation du prêteur n’a plus de cause : le prêteur peut donc
exiger la restitution immédiate de la somme. De même, le débiteur qui a remis un
bien en gage à son créancier peut en exiger la restitution quand le créancier en abuse
(art. 2082, al. 1er).
En second lieu, la résolution de certains contrats synallagmatiques est
interdite par la loi ou par la jurisprudence pour des raisons diverses :
- la cession d’un office ministériel, car le cessionnaire est investi de la charge
par un acte administratif ;
- certains contrats aléatoires, comme par exemple la rente viagère 124, à cause
des difficultés de remettre les choses dans leur état antérieur ;
- le partage, en raison des perturbations qui découleraient de sa résolution et de
la difficulté d’en faire un autre.
B- L’inexécution

Il faut que le débiteur ne satisfasse pas à son engagement, dit l’art. 1184, al. 1. Il
peut donc s’agir d’une inexécution totale ou partielle. Mais la gravité de la sanction, à
savoir l’extinction du contrat, doit être proportionnée à l’importance de l’exécution,
si bien que les juges refusent la résolution si l’inexécution invoquée est mineure. La
doctrine estime en général que le mécanisme de la résolution judiciaire n’a été prévu
que pour le cas où l’inexécution est imputable au débiteur. Cependant, la Cour de

124Selon l’article 1978 du Code civil, « le seul défaut de paiement des arrérages de la rente n’autorise
point celui en faveur de qui elle est constituée, à demander le remboursement du capital : il n’a que le
droit de saisir et de faire vendre les biens de son débiteur et de faire ordonner ou consentir, sur le
produit de la vente, l’emploi d’une somme suffisante pour le service des arrérages ».

127
cassation a jugé que, l’article 1184 ne distinguant pas entre les causes de l’inexécution,
le mécanisme doit s’appliquer non seulement lorsqu’elle est fautive, mais aussi quand
elle est la conséquence d’une force majeure125.

C- Le caractère judiciaire

Le principe est que le recours au juge est nécessaire (1). Toutefois, la résolution
peut être non judiciaire (2).

1) Le principe : la nécessité du recours au juge

La nécessité de recourir au juge est prévue à l’article 1184, al. 3. Les raisons du
recours au juge sont les suivantes :
- d’abord, la résolution a des conséquences plus graves que l’exception
d’inexécution, puisqu’elle met fin au contrat ;
- ensuite, le juge doit vérifier si les conditions de la résolution sont réunies.

Plusieurs types de décisions sont possibles. En effet, le juge a un large


pouvoir d’appréciation. Ainsi, si l’inexécution est établie, il peut :
- prononcer la résolution ; si chaque contractant a commis une faute, la résolution
peut être prononcée aux torts réciproques ;
- la prononcer en condamnant en outre le débiteur à des dommages et intérêts ;
- condamner le débiteur à des dommages et intérêts sans prononcer la résolution,
notamment en cas d'inexécution partielle, ce qui aboutit à diminuer
indirectement la prestation due par le créancier ; le même résultat est atteint
par la réfaction du contrat, c’est-à-dire la réduction du prix, technique
surtout utilisée à propos de la vente commerciale ;
- accorder au débiteur un délai de grâce : art. 1184, al. 3 remplacé par l’art. 39 de
l’AUPSRVE.
Tant que la résolution n’a pas été définitivement prononcée, le débiteur a
encore, selon les circonstances, la possibilité d’exécuter valablement son obligation.
Toutefois, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, le juge peut estimer que cet
agissement tardif ne permet pas d’échapper à la résolution.

2) L’exception : la résolution non judiciaire

En dehors du cas où les parties sont d’accord pour mettre fin au contrat
(mutuus dissensus), la résolution résulte alors d’un nouveau contrat, on distingue trois
séries d’hypothèses.

a) La résiliation unilatérale autorisée dans certaines conditions par la loi

125 Cass. civ. 14 avril 1891, DP 1891. 1. 329.

128
Pour les contrats à durée indéterminée, la raison de la faculté de résilier
unilatéralement est d’éviter que l’engagement ne devienne perpétuel. Mais le droit de
rompre ne doit pas être exercé abusivement et, sauf circonstances particulières, un
préavis est nécessaire. En outre, dans certains contrats, la loi exige le respect de
conditions spécifiques, destinées à protéger une partie comme le licenciement d’un
salarié ou le congé donné à un locataire.
Pour les contrats fondés sur l’intuitus personae, la raison est que dans ces
contrats la prise en considération de la personne du contractant étant déterminante, il
est normal que la partie qui a placé sa confiance en l’autre puisse résilier l’acte si cette
confiance a disparu. La loi accorde expressément une faculté de résiliation unilatérale
à certains contractants, par exemple, au mandant (art. 2004) et au déposant (art.
1944).
Le droit de rompre unilatéralement peut être exercé pour n’importe quel motif,
mais là encore sans abus.

b) La clause de résolution convenue lors de la conclusion du contrat

Les clauses résolutoires sont valables, sauf exceptions légales : par exemple, la
prohibition totale dans les baux à ferme ou partielle dans les baux d’habitation. Leur
effet varie selon les termes employés :
- la clause se borne à dire que le contrat sera résolu en cas
d’inexécution : la jurisprudence y voit un simple rappel de l’art. 1184, ce qui ne
dispense donc pas du recours au juge, ni d’une mise en demeure pour constater
l’inexécution ; en définitive, elle ne sert à rien ;
- la clause stipule que « la résolution aura lieu de plein droit » : le recours
au juge n’est pas nécessaire, mais il faut une mise en demeure ;
- la clause stipule que la résolution aura lieu « de plein droit et sans
sommation » : elle dispense à la fois du recours au juge et de la mise en demeure.

c) La résolution unilatérale en l’absence de clause et de disposition


légale

La jurisprudence l’admet exceptionnellement, en cas de faute


particulièrement grave qui perturbe considérablement les relations contractuelles et
ne permet plus leur maintien : l’urgence justifie alors une résolution immédiate, sans
attendre une décision de justice (par exemple, l'expulsion du spectateur qui trouble
une représentation). Peu importe que le contrat soit à durée déterminée ou non.

Il faut noter que le droit français a récemment consacré le concept de


résolution notification en cas d’inexécution suffisamment grave. Selon l’article 1226
nouveau du Code civil, « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie

129
de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de
satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. »

d) Le contrôle judiciaire a posteriori

Dans tous les cas où la résolution judiciaire n’est pas nécessaire, le juge peut
être amené a posteriori, non à la prononcer, mais à vérifier si ses conditions étaient
bien réunies : par exemple, y-a-t-il eu manquement à une obligation visée par une
clause de résolution de plein droit ? Si un cocontractant a rompu à tort le contrat, il
engage sa responsabilité envers l’autre partie.

D- Les effets

En principe, la résolution provoque l’anéantissement rétroactif du contrat, ce


qui peut entraîner des restitutions comme dans le cas de l’annulation examiné plus
haut. Toutefois, la résolution, comme l’annulation, risque d’affecter les droits des
tiers. En matière mobilière, le sous-acquéreur de bonne foi peut se prévaloir de
l’article 2279 du Code civil pour qui « en fait de meubles, la possession vaut titre ». Si
le contrat est à exécution successive, on ne peut pas effacer certains faits comme le
travail accompli ou la jouissance du local. De là découle un aménagement nécessaire :
le contrat est anéanti, mais sans rétroactivité ; on parle alors de résiliation, c’est-à-dire
de l’extinction du contrat seulement pour l’avenir.
Le nouveau droit français des contrats ne se réfère pas au concept de contrat
d’exécution successive pour qualifier la rupture du contrat de résolution ou de
résiliation. Selon l’article 1229, al. 3, nouveau du Code civil, « Lorsque les prestations
échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties
doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. Lorsque les prestations
échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas
lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie;
dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. »
En outre, le nouveau droit français des contrats règle utilement, en cas de
résolution, le sort des clauses destinées à produire à la fin du contrat. Aux termes de
l’article 1230 nouveau du Code civil, « La résolution n’affecte ni les clauses relatives au
règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses
de confidentialité et de non-concurrence. »

§ III : La résolution due à la force majeure : la théorie des risques

Il faut commencer par poser le problème (A) avant de dégager les solutions qui
lui sont applicables (B).

130
A- La position du problème

Lorsqu’un événement de force majeure empêche une partie d’exécuter son


obligation, elle est libérée, mais qu’advient-il de l’obligation incombant à l’autre partie
et dont l’exécution est encore possible ? Par exemple, avant d’être livrée, la chose
vendue périt à cause d’une force majeure. Le vendeur n’est plus obligé à la livrer,
mais l’acheteur doit-il payer le prix ? C’est le problème dit des risques, car il s’agit de
savoir sur qui pèsent les risques de la force majeure. Ils peuvent peser :
- soit sur le créancier de l’obligation devenue impossible à exécuter en raison de
la force majeure ; il devra alors exécuter la sienne, sans recevoir de contrepartie (selon
la maxime latine res perit creditori : les risques sont pour le créancier – et il faut préciser
car, dans un contrat synallagmatique, chacun est créancier – de l’obligation qui ne
peut plus être exécutée) ;
- soit sur le débiteur qui ne peut pas exécuter sa prestation : il est libéré, mais
l’autre partie, qui pouvait encore accomplir la sienne, n’est plus tenue de le faire (res
perit debitori).
B- Les solutions

Deux situations sont à distinguer : la solution de principe (1) et la solution


particulière en cas de transfert de propriété (2)

1) La solution de principe

En principe, les risques pèsent sur le débiteur (res perit debitori). Les deux parties
sont donc libérées, et leur contrat est résolu de plein droit. Au titre de la
justification, puisque l’obligation d’un contractant est devenue impossible à
exécuter, l’obligation de l’autre se trouve privée de cause.

S’agissant du domaine, la règle est énoncée dans certains articles du Code


civil, p. ex. l’art. 1722 : si l’immeuble loué est détruit par force majeure, le bail est
résilié de plein droit, c’est-à-dire que le locataire est dispensé de payer le loyer, donc
les risques pèsent sur le bailleur, débiteur de l’obligation (mettre le local à la
disposition du locataire) qui ne peut plus être exécutée. La jurisprudence a généralisé
cette règle à tous les contrats qui ne transfèrent pas la propriété d’un bien 126.

Quant aux effets, une distinction est à faire selon que l’impossibilité est totale
ou partielle.
- Si l’impossibilité d’exécuter est totale, le contrat est entièrement résolu
ou résilié. La résolution résultant de la force majeure présente quelques différences
avec la résolution pour inexécution fautive. La doctrine estime en général que la
résolution à la suite d’une force majeure devrait s’opérer de plein droit et n’aurait

126 Cass. civ. 14 avril 1891, préc.

131
pas à être demandée au juge. Cependant, la jurisprudence fait application de l’article
1184, au motif que ce texte ne distingue pas entre les causes d’inexécution, et en
déduit que la résolution exige là aussi l’intervention du juge. Celui-ci vérifie
notamment si l’inexécution provient bien d’une force majeure. Toutefois, dans
certains cas particuliers, des textes prévoient expressément la résiliation de plein droit
du contrat, p. ex. l’article 1722 relatif au bail. Aucune partie ne pourra être
condamnée à des dommages et intérêts, puisque personne n’a commis de faute.

- Si l’impossibilité n’est que partielle, le créancier de l’obligation inexécutée


n’est pas totalement libéré : son obligation est seulement réduite en proportion (p.
ex., l’art. 1722 permet au locataire de demander une diminution du loyer, lorsque la
chose louée est détruite en partie).

2) La solution particulière en cas de transfert de propriété

Dans les contrats translatifs de propriété, les risques pèsent sur le propriétaire
(res perit domino) Il faut aborder, d’une part l’hypothèse visée et sa justification, d’autre
part la conséquence en cas de transfert retardé de la propriété (a) et l’exception en cas
de mise en demeure (b).

a) L’hypothèse visée et sa justification

L’hypothèse visée est la suivante : en cas de vente (ou d’échange, etc.), la


chose vient à périr après la conclusion du contrat, mais avant sa livraison à l’autre
partie. Si la règle res perit debitori s’appliquait, les risques pèseraient sur le vendeur, car
il est débiteur de l’obligation (de livrer) qui est devenue impossible. Mais la solution
est différente : les risques pèsent sur le créancier de cette obligation, c’est-à-dire
l’acquéreur, qui doit donc payer le prix (art. 1138, al. 2) : res petit creditori.

Quant à la justification, il faut savoir que la charge des risques est attachée à
la propriété ; or, en principe, l’acheteur devient immédiatement propriétaire dès la
conclusion du contrat : les risques pèsent donc sur lui, en tant que propriétaire
(dominus, en latin), d’où la maxime res perit domino.

b) La conséquence en cas de transfert retardé et l’exception en cas de


mise en demeure

132
Lorsque le transfert de propriété est retardé, ce qui est le cas pour les choses
de genre, pour les ventes commerciales de l’AUDCG (art. 275) ou pour les cas où le
contrat l’a prévu, les risques pèsent sur le vendeur, tant qu’il reste propriétaire.
Cependant, lorsque celui qui a acquis la chose a mis le débiteur de l’obligation
de livrer en demeure de livrer la chose, les risques pèsent sur ce débiteur, même s’il
n’est plus propriétaire, car la mise en demeure établit son retard fautif et, de ce fait, il
doit supporter toutes les conséquences (art. 1138, al. 2, in fine).

En conclusion, on peut ajouter que les parties sont libres de régler autrement le
fardeau des risques. Si l’impossibilité d’exécution due à la force majeure n’est pas
définitive, le contrat n’est pas résolu et son exécution n’est que suspendue :
- le débiteur dont l’obligation ne peut plus être exécutée momentanément n’est
pas libéré : dès que l’obstacle aura disparu, il devra accomplir sa prestation ;
- de son côté, le créancier est dispensé d’exécuter son obligation tant que le
débiteur n’exécute pas la sienne.

133
DEUXIEME SOUS-PARTIE :
L’ENGAGEMENT UNILATERAL DE VOLONTE

Un acte juridique unilatéral est une manifestation de volonté émanant d’un


individu qui entend créer certains effets de droit sans le secours d’aucune autre
volonté127. Le droit romain n’a jamais considéré qu’une personne pouvait se trouver
liée par sa seule volonté. La théorie de l’engagement unilatéral de volonté est due à
l’autrichien Siegel ainsi qu’à Saleilles. Le premier, en 1874, prétendit découvrir une
seconde source volontaire d’obligations : la volonté unilatérale du débiteur,
l’engagement unilatéral. Sa théorie a eu une certaine influence sur la rédaction des
codes modernes. Elle a rencontré l’approbation de quelques juristes français. Il ne
semble cependant pas qu’elle a trouvé un grand crédit auprès de la jurisprudence
française.
La question qui se pose est de savoir si l’on peut donner naissance à une
obligation par une volonté unilatérale. Il conviendra sommairement de faire l’exposé
et l’examen critique de la théorie de l’engagement unilatéral (Section I) avant de voir
le sort que lui a réservé le droit positif (Section II).

Section I : Exposé et examen critique

L’engagement unilatéral, qu’il faut se garder de confondre avec le contrat


unilatéral, est l’acte juridique qui crée une obligation à la charge d’une personne par
sa seule volonté. D’autres manifestations unilatérales de volonté produisent des effets
juridiques mais ne sont pas des engagements unilatéraux parce qu’elles ne créent
aucune obligation, le testament, par exemple, qui peut être modifié librement et à
tout moment par le testateur. La confirmation d’un acte nul est également un acte
unilatéral mais elle donne vie à un acte antérieur qui produit effet mais elle n’est pas
créatrice d’obligations nouvelles. La reconnaissance d’un enfant naturel est un acte
unilatéral mais sa nature mixte empêche d’y voir un engagement unilatéral
véritable128. Il y a d’autres actes unilatéraux comme l’acceptation ou la renonciation
d’une succession, la résiliation des contrats à durée indéterminée, la démission ou le
licenciement en droit du travail…
La réglementation lacunaire des actes unilatéraux n’a pas permis l’élaboration
d’une théorie générale si bien que l’on se réfère à la théorie générale des contrats avec
les adaptations nécessaires quand la loi n’a rien prévu. Cette référence est consacrée
en droit français. Selon l’article 1100-1 nouveau du Code civil, « Ils [les actes
juridiques unilatéraux] obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux
règles qui gouvernent les contrats. » La thèse de l’engagement unilatéral n’est pas contraire

127 Voy. dans ce sens François TERRE, Philippe SIMLER, Yves LEQUETTE, Droit civil. Les
obligations, Dalloz, 11e éd., 2013, n° 50.
128 Henri, Léon et Jean MAZEAUD, François CHABAS, Michel JUGLART , Leçons de droit civil, Tome

II, 1er volume : Obligations : Théorie générale, Editions Montchrestien, 7e éd., 1985, n° 359.

134
à l’autonomie de la volonté et aucun obstacle théorique ne s’oppose à son admission.
Cependant, son intérêt n’est pas considérable. En effet, l’engagement unilatéral ne
peut être efficace que s’il est accepté par le créancier. La seule différence avec le
contrat est donc la suivante : le contrat ne crée d’obligation qu’au moment où il se
forme par l’acceptation de l’offre, tandis que l’obligation résultant de l’engagement
unilatéral prend naissance dès cet engagement.
Dans la pratique, la thèse de Siegel présente des inconvénients graves. Le
débiteur risque de s’engager sans réflexion suffisante, s’il s’oblige en l’absence d’un
interlocuteur. En outre, le créancier aura les plus grandes difficultés à faire la preuve
d’un tel engagement puisqu’il faudra que le débiteur lui en constitue une et la lui
remette. Les partisans de la thèse de Siegel prétendent que seul l’engagement
unilatéral permet d’expliquer certaines institutions du droit positif et la question se
pose de savoir s’il en est bien ainsi.

Section II : L’engagement unilatéral et le droit positif

Les rédacteurs du Code civil de 1804 n’ont pas placé l’engagement unilatéral au
rang des sources d’obligations et il est peu probable qu’ils y aient eu implicitement
recours. La jurisprudence postérieure au Code civil n’a pas recours à la notion
d’engagement unilatéral. Le droit français semble avoir remédié récemment à cette
situation. Selon l’article 1100-1 du code civil français, « Les actes juridiques sont des
manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou
unilatéraux. » Ainsi, les actes juridiques étant consacrés, l’engagement unilatéral peut
trouver un fondement dans cet article. On observe cette position à propos de
certaines institutions pour lesquelles les partisans de la thèse de Siegel ont prétendu
que les solutions du droit positif s’expliquaient, au moins implicitement, par
l’admission de l’engagement unilatéral. La plupart des exemples donnés semblent
pouvoir se passer de l’engagement unilatéral (A) mais certaines institutions
s’expliquent difficilement sans celui-ci (B).

A- Les institutions pouvant se passer de l’engagement unilatéral

Ce sont à titre d’exemples l’offre et l’acceptation (1), la promesse de


récompense (2), la stipulation pour autrui (3) et, dans une moindre mesure, les titres
au porteur (4) et les fondations (5).

1) L’offre et l’acceptation

On sait que l’auteur de l’offre ne peut pas, sauf à s’exposer au paiement de


dommages-intérêts, révoquer son offre pendant le délai d’acceptation prévu ou, à
défaut, le délai raisonnable. Les partisans de la théorie de Siegel expliquent cette
solution par un engagement unilatéral du pollicitant. Mais d’autres explications sont
possibles : un avant-contrat se forme entre le pollicitant et le destinataire, en vertu

135
duquel le pollicitant s’engage à maintenir l’offre pendant le délai, la responsabilité
civile ou l’abus du droit de révocation.

2) La promesse de récompense

Une promesse de récompense (remettre une somme d’argent à celui qui


retrouve un document d’identité) ne peut être révoquée lorsque l’action pour laquelle
récompense est promise a été commencée. Si l’action a été accomplie dans
l’ignorance de la récompense, celle-ci est néanmoins due. Cette dernière hypothèse
semble consacrer la théorie de l’engagement unilatéral : le maintien de la récompense
alors que la personne récompensée n’était pas au courant de celle-ci, ne paraît
s’expliquer que par l’engagement unilatéral du promettant. Toutefois, ces effets de la
promesse de récompense peuvent s’expliquer sans faire intervenir l’engagement
unilatéral du promettant. On peut, en effet, considérer que la personne qui
entreprend les recherches accepte tacitement la promesse qui est faite dans son seul
intérêt. De même, on peut soutenir que la cause de la promesse est l’acte que le
promettant entend récompenser et peu importe qu’il ait été accompli avant ou après
la promesse. Il suffit, pour que le contrat se forme, que cette promesse soit acceptée
et elle peut l’être à tout moment, même après l’accomplissement de l’action.

3) La stipulation pour autrui

La stipulation pour autrui, qui permet au contrat entre le stipulant et le


promettant de produire des effets au profit du bénéficiaire, pourrait s’expliquer par
l’engagement unilatéral du promettant au profit du bénéficiaire avec lequel il n’est pas
lié par un contrat. Toutefois, la stipulation pour autrui n’est pas rattachée à
l’engagement unilatéral. Elle est plutôt considérée comme une exception au principe
de la relativité des conventions.

4) Les titres au porteur

Dans les titres au porteur (lettre de change, billet à ordre, chèques…), le


débiteur est tenu de payer tout porteur desdits titres, alors qu’il n’est pas lié
contractuellement à eux. Cette situation pourrait s’expliquer par le fait qu’il a un
engagement unilatéral à l’égard de tout porteur. Cependant, l’obligation pour le
débiteur de payer tout porteur peut s’expliquer simplement par la cession de la
créance incluse dans le titre qui oblige le débiteur à payer le nouveau créancier.

5) Les fondations

Les fondations peuvent être créées en droit allemand par volonté unilatérale en
lui affectant une masse de biens, même par testament. Mais la jurisprudence française
annule toute libéralité consentie à une œuvre qui n’est pas encore une personne

136
morale, ce qui rend très difficile la constitution de fondations par testament, ce qui
montre son refus d’admettre la validité de l’engagement unilatéral.

Finalement, la jurisprudence a recours à des explications aussi valables que


l’engagement unilatéral. Les codes étrangers n’admettent l’engagement unilatéral que
dans une mesure très restreinte et à titre exceptionnel. C'est le cas du Code civil
allemand qui, bien que voyant dans l’engagement unilatéral une source générale
d’obligations ne le retient que dans quelques rares hypothèses qu’il réglemente
minutieusement. Le droit français actuel (article 1100-1 nouveau C. civ.) reconnaît les
actes unilatéraux comme une source d’obligations. Ce faisant, l’engagement unilatéral
pourrait dans certains cas prendre place en droit positif français. Quant au droit
burkinabè, la position est celle du refus de l’engagement unilatéral au regard des
dispositions du Code civil.

B- Les institutions faisant appel à l’engagement unilatéral

Dans certains cas, on est obligé d’admettre l’existence d’un engagement


unilatéral. Il en va ainsi :
- de la promesse d’exécuter une obligation naturelle qui la mue en obligation
civile ;
- de l’obligation faite en France aux établissements de crédit par la loi Scrivener
du 10 janvier 1978 de maintenir les conditions que l’offre indique pendant un certain
délai ;
- de l’admission de la société unipersonnelle : si l’acte juridique unilatéral de
l’associé unique a pour objet principal de créer une personne morale, il oblige en
même temps celui qui est à l’origine de sa création à apporter à la société les biens qui
lui permettront de fonctionner ;
- des engagements ou décisions que l’employeur prend : selon la Cour de
cassation, une décision prise par un employeur devant le comité d’entreprise s’analyse
en un simple engagement unilatéral de sa part129 ; l’employeur qui « ne tient pas
l’engagement unilatéral qu’il a pris de limiter le nombre des licenciements pendant une période
déterminée » engage sa responsabilité130 ; des auteurs en concluent qu’en définitive,
« c’est principalement en droit social que la notion paraît recevoir application »131.

129 Soc., 19 novembre 1977, Bull. civ. V, n° 380.


130 Soc., 25 novembre 2003, JCP 2004, I, 163, n° 6, obs. G. Viney.
131 François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, op. cit., n° 54.

137
SECONDE PARTIE :
LES FAITS JURIDIQUES

Selon le professeur Gérard Léger132, le fait juridique est un agissement


volontaire ou involontaire qui crée des obligations non recherchées par son auteur.
Par exemple celui qui, intentionnellement ou par simple maladresse, cause un
dommage à autrui, est tenu de le réparer, sans avoir voulu cette obligation. Certains
faits juridiques produisent des conséquences de droit mais ne sont pas par eux-
mêmes créateurs d’obligation, par exemple le décès dont l’effet est d’ouvrir la
succession.
Les faits juridiques créateurs d’obligations se regroupent en deux catégories :
les faits juridiques licites ou quasi-contrats (Première sous-partie ) et les faits
juridiques illicites qu’on appelle délits et quasi-délits (responsabilité civile extra-
contractuelle) (Seconde sous-partie), ces derniers étant les plus importants.

132 Gérard Léger, Droit civil, Les obligations, Mémentos Dalloz, 17 e éd., 2001, p.132.

138
PREMIERE SOUS-PARTIE :
LES QUASI-CONTRATS
Les quasi-contrats sont définis par l’article 1371 comme les faits purement
volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et
quelquefois un engagement réciproque des deux parties. Ils se distinguent des actes
juridiques, bilatéraux ou unilatéraux, qui sont des manifestations de volonté en vue
de produire des effets de droit. Cependant, ils se rapprochent du contrat par leurs
effets.

Il y a lieu de les distinguer soigneusement des délits et quasi-délits, même si


tous deux naissent de faits juridiques. En effet, les quasi-contrats naissent de faits
licites tandis que les délits et quasi-délits naissent de faits illicites. Ces derniers
postulent toujours un dommage causé à autrui dont ils se proposent d’assurer la
réparation. Avec les quasi-contrats, c’est l’inverse : le fait qui est au centre des
rapports de deux individus, étrangers l’un à l’autre, est non plus un dommage mais un
avantage : le gérant d’affaires dans la gestion d’affaires, le solvens dans la répétition
de l’indu, l’appauvri dans l’enrichissement sans cause ont procuré un avantage 133.

Les quasi-contrats traités par le Code civil sont la gestion d’affaires (Chapitre
I), la répétition de l’indu (Chapitre II) et indirectement l’enrichissement sans cause
(Chapitre III). En conclusion, l’on notera qu’il s’est posé récemment la question de
l’existence d’une catégorie de quasi-contrats innommés.

133Terré François, Simler Philippe, Lequette Yves, Droit civil, Les Obligations, Dalloz, 11e éd., 2013,
n° 1029.

139
CHAPITRE I : LA GESTION D’AFFAIRES

La gestion d’affaires est le fait pour une personne, le gérant, d’accomplir des
actes d’administration dans l’intérêt d’un tiers, le géré ou maître de l’affaire, sans que
ce dernier l’en ait chargé et en dehors de tout pouvoir légal ou judiciaire. Les
engagements pris par le gérant obligent le tiers qui doit, en outre, si l’initiative est
utile ou nécessaire, rembourser au gérant ses dépenses. Ainsi, on est en présence de
la gestion d’affaires lorsqu’une personne, le gérant, qui n’est pas tenu d’agir en vertu
d’un mandat, de la loi ou d’une décision de justice, accomplit néanmoins un acte dans
l’intérêt et pour le compte d’un tiers, le maître de l’affaire. Par ex., une personne fait
des réparations urgentes à l’immeuble d’un voisin qui n’est pas sur les lieux ou paie
les obsèques d’un ami qui décède sans héritier connu.

La gestion d’affaires, régie par les articles 1372 et suivants du Code civil, est
une source d’obligations pour le maître de l’affaire qui devra indemniser le gérant
mais aussi pour celui-ci, qui en particulier est tenu d’accomplir la gestion en bon père
de famille. Les obligations qui résultent de ce quasi-contrat se rapprochent de celles
qui découlent d’un mandat, aussi parle-t-on de quasi-mandat.

Deux idées fondamentales caractérisent la gestion d’affaires :


- ne pas défavoriser les actes d’altruisme, autrement dit ne pas décourager les
bonnes volontés : en conséquence, le gérant doit au moins être indemnisé ;
- ne pas favoriser l’immixtion dans les affaires d’autrui : c’est ce qui explique
que le gérant peut se prévaloir des règles de la gestion d’affaires seulement si l’acte de
gestion a été utile pour le maître.

Il convient d’étudier succinctement les conditions de la gestion d’affaires puis


ses effets.
Section I : Les conditions de la gestion d’affaires

Elles sont relatives aux parties ou à l’acte de gestion.

§ I : Les conditions relatives aux parties

Les parties, si on peut les appeler ainsi puisqu’il n’y a pas de contrat, sont le
gérant d’affaires (A) et le maître de l’affaire (B) qui doivent chacun remplir un certain
nombre de conditions.
A- Le gérant d’affaires

Le gérant d’affaires doit être capable de s’engager par contrat.


Son intervention doit être volontaire et spontanée, c’est-à-dire qu’il agit sans
être tenu d’une obligation préexistante, découlant d’un contrat (mandat), de la loi (par
ex. dans le cadre d’une tutelle) ou d’une décision de justice (par ex. en vertu d’une

140
habilitation d’un époux à représenter son conjoint lorsque celui-ci est hors d’état de
manifester sa volonté : CPF, art. 302 ).
Il doit avoir l’intention de gérer les affaires d’autrui : s’il croit agir pour son
propre compte, alors qu’involontairement il rend service à un tiers (par exemple, une
personne répare un immeuble en croyant qu’elle en a hérité), ce n’est pas une gestion
d’affaires mais il peut dans un tel cas faire jouer les règles de l’enrichissement sans
cause. Dans ce sens, la Cour de cassation française a décidé dans un arrêt du 25 juin
1919 que l’éditeur qui a exploité des œuvres littéraires uniquement dans l’intérêt de
son commerce personnel et sans volonté de gérer l’affaire d’autrui ne peut pas
invoquer l’action de gestion d’affaires pour se faire allouer par le tiers auquel cette
exploitation a profité une partie des sommes dépensées134. C’est dire que la gestion
d’affaires suppose donc de la part du gérant un acte d’altruisme.

B) Le maître de l’affaire

Aucune condition de capacité n’est exigée du maître de l’affaire.

Il ne faut pas qu’il ait donné son accord, sinon on serait en présence du
véritable mandat. Il ne doit pas non plus avoir exprimé son opposition au gérant : en
effet, celui qui gère les affaires d’une autre personne, en dépit de l’opposition de
celle-ci, commet une faute ou un délit civil qui engage sa responsabilité (art. 1382) et
ne peut pas de ce fait se prévaloir des règles de la gestion d’affaires.

§ II : Les conditions relatives à l’acte de gestion

Après une distinction suivant les types d’actes de gestion (A), il convient
d’indiquer les caractères que doit revêtir l’acte pour qu’il y ait gestion d’affaires (B).

A- Les types d’actes de gestion

L’acte de gestion peut être :


- un acte matériel (le gérant répare lui-même l’immeuble de son voisin) ou
juridique (le gérant conclut un contrat avec un entrepreneur qui se charge de réparer
cet immeuble) ;
- un acte conservatoire, d’administration ou même de disposition (vente de
denrées périssables) ;
- un acte isolé ou un ensemble d’actes.

134DP 1923, I, 223; S., 1921, I, 12 ; Grands arrêts de la jurisprudence civile, tome 2, 15e 2015 n°239 p.
508.

141
B- Les caractères de l’acte de gestion

L’acte de gestion doit revêtir deux caractères essentiels :


- d’abord, il doit être utile au moment où il a été accompli, même si,
ultérieurement, par suite de circonstances extérieures, il ne procure aucun
enrichissement au maître ; c’est là une différence essentielle avec l’enrichissement
sans cause : l’enrichissement sans cause ne crée d’obligations que si, en définitive, un
patrimoine s’est trouvé augmenté ;
- ensuite, il ne doit pas en principe dépasser les actes d’administration ;
administrer les biens de quelqu’un, c’est lui rendre service et non disposer de ses
biens, ce qui serait excéder la mesure ; mais la jurisprudence ne paraît pas se montrer
très rigoureuse dans l’appréciation de cette condition : elle a considéré comme actes
d’administration la vente de denrées périssables, la réalisation d’un bail, la vente de
meubles meublants, la cession de valeurs mobilières pour un montant important en
se contentant de relever que « l’initiative est justifiée » 135 et même un échange
d’immeubles qui se révélait « utile et profitable »136.

Section II : Les effets de la gestion d’affaires

Les obligations qui naissent peuvent être regroupées en trois catégories.

S’agissant des obligations du gérant envers le maître, ce sont celles du


mandataire (art. 1372, al. 2) et se présent comme suit :
- Le gérant doit agir en bon père de famille (art. 1374, al. 1er) et engage sa
responsabilité s’il a commis une faute quelconque.
- Il doit continuer la gestion jusqu’à son terme, c’est-à-dire jusqu’à ce que le
maître ou ses héritiers soient en état d’y pourvoir (art. 1373).
- Il doit rendre compte de sa gestion.

S’agissant des obligations du maître de l’affaire envers le gérant, elles


déclinent de manière suivante :
- Il doit rembourser au gérant toutes les dépenses qui étaient utiles ou
nécessaires au moment où elles ont été engagées137. Peu importe que l’utilité ait
ultérieurement disparu ; par ex. après avoir été bien réparé, un toit est détruit par une
violente tempête : le maître devra quand même indemniser le gérant qui s’était chargé
des travaux.
135 Civ. fr, 28 octobre 1942, D. C. 1943, 29 et note P. L.- P.
136 Civ. 1ère fr, 15 mai 1974, Bull. civ. 1974 .I., n° 147, p. 125.
137 Selon la Cour de cassation française. (Req.10 février 1910, DP 1911. I. 137), les frais occasionnés

par l’hospitalisation d’un ouvrier victime d’un accident du travail, dans un hôtel où il a été recueilli,
constituent des dépenses utiles et nécessaires, auxquelles le patron ne peut se soustraire. En
conséquence, le patron doit, en, vertu des principes de la gestion d’affaires, rembourser intégralement
le montant de ces dépenses à l’hôtelier qui, sur le conseil d’un médecin, a recueilli l’ouvrier au moment
de l’accident l’ouvrier.

142
- Il doit payer les intérêts légaux sur les sommes utilisées à compter du jour où
elles ont été avancées (art. 2001).

S’agissant enfin des obligations du géré et du générant à l’égard des


tiers, il convient de distinguer deux hypothèses :
- Si le gérant a traité envers les tiers en son nom personnel, il est seul engagé
envers eux.
- S’il a déclaré agir pour le compte du maître, il n’est pas obligé envers les tiers
et seul le maître l’est, du moins si la gestion a été utile ou si le maître l’a ratifiée.

143
CHAPITRE II : LA REPETITION DE L’INDU

Le principe de la restitution de l’indu est énoncé dans l’art. 1235, al. 1 er : « Tout
paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition »,
c’est-à-dire à remboursement. Le régime du paiement de l’indu est précisé dans les
articles 1376 et s. : celui qui a reçu le paiement (accipiens) est tenu de rembourser la
somme perçue à celui qui a payé à tort (solvens) : c’est une sorte de quasi-prêt. Le
fondement du paiement de l’indu est :
- soit la théorie de la cause : le paiement indu n’a pas de cause et doit être
annulé ;
- soit, d’après l’opinion dominante aujourd’hui, plutôt dans la théorie de
l’enrichissement sans cause, dont le paiement de l’indu serait une application
soumise à des règles particulières.

Il y a lieu de préciser les conditions (Section I) et les effets du paiement de


l’indu (Section II).

Section I : Les conditions du paiement de l’indu

Le solvens doit prouver que le paiement était indu. Plusieurs conditions doivent,
à cet effet, être établies
En premier lieu, il doit s’agir d’un paiement : au sens juridique, c’est non
seulement la remise d’une somme d’argent, mais aussi une prestation quelconque.
En deuxième lieu, l’indu doit revêtir un certain caractère. Plusieurs cas peuvent
se présenter.
- Il s’agit d’abord de l’indu objectif : La dette n’existe pas ou n’existe plus (indu
absolu) ou, plus souvent, le solvens a trop payé (indu relatif)138.
- Il s’agit ensuite de l’indu subjectif : La dette existe mais pas dans les rapports
entre le solvens et l’accipiens : il y a erreur sur la personne du créancier ou du débiteur. Il
n’y a pas d’indu si le solvens s’acquitte volontairement d’une dette naturelle, d’une
dette non encore échue (puisqu’elle existe bien) ou lorsque le paiement avait été fait
en vue d’une libéralité ou d’une transaction (par ex. parce que la dette était douteuse).
En troisième lieu, faut-il que le solvens ait payé par erreur ? Pendant longtemps,
la jurisprudence exigeait en principe que le solvens prouve son erreur. Actuellement,
elle distingue deux situations, dont la première a une portée générale. Dans la
première situation où celui qui a reçu paiement n’était pas créancier, parce que la
dette n’existait pas ou parce que le solvens était bien débiteur mais d’une autre
personne, les articles 1235 et 1376 n’exigent pas d’autre condition que le paiement
indu. Pourquoi ? Parce que le droit au remboursement découle uniquement du

138Tel est le cas de l’entreprise qui spontanément paye des cotisation à l’URRSAF sur des primes
volontairement offertes en complément de l’indemnité légale alors qu’une récente décision de la Cour
de cassation excluait expressément ces primes de l’assiette des cotisations sociales (C. cass., Ass. Plén.,
2 avril 1993, Dalloz 1993, 373, conc. Jéol, Grands arrêts, op. cit, 375.

144
caractère indu du paiement : le fondement de l’obligation de restituer réside dans
l’absence de cause du paiement et non dans un vice du consentement (erreur) du
solvens. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation française en a conclu que le
solvens n’a pas à prouver son erreur : dès lors que le paiement était indu, le solvens « est
en droit, sans être tenu à aucune autre preuve, d’en obtenir la restitution »139.
Dans la seconde situation où l’accipiens était bien créancier, celui qui a payé sans
être débiteur doit prouver son erreur. Cette condition est requise dans ce cas
particulier par l’art. 1377 (« Lorsqu’une personne qui, par erreur, se croyait
débitrice »). La justification de cette solution est la suivante : si quelqu’un règle une
dette en sachant qu’il n’en est pas le débiteur, son acte s’explique par l’intention
d’accorder un prêt au véritable débiteur ou de lui faire indirectement une donation en
payant à sa place. ; de plus, comme de son côté le créancier attendait le paiement, il a
pu l’accepter d’une autre que son débiteur en pensant que le règlement était effectué
pour le compte de celui-ci. Par conséquent, pour exiger la restitution, le solvens doit
démontrer qu’il a payé sans être animé par le souci de gérer l’affaire d’autrui ni par
une intention libérale, c’est-à-dire que c’est bien par erreur qu’il a effectué le
paiement.

En dernier lieu, la faute du solvens a-t-elle une incidence ? Lorsque le solvens


a commis une faute, notamment parce qu’il a payé sans prendre des précautions
élémentaires, un accipiens qui n’a fait que recevoir ce qu’un tiers lui devait (indu
subjectif), la Cour de cassation lui refuse en principe l’exercice de l’action en
répétition. Toutefois, dans certains cas, elle a admis cette action, mais en permettant à
l’accipiens de faire une demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 1382
(la faute du solvens cause un dommage à l’accipiens en l’obligeant à restituer) : une
compensation s’opère alors entre les deux créances.

Section II : Les effets du paiement de l’indu

Lorsque les conditions du paiement de l’indu sont réunies, celui-ci produit les
effets ci-après :
- L’accipiens doit restituer ce qu’il a reçu ou son équivalent si la chose a disparu :
c’est la répétition de l’indu.
- S’il est de mauvaise foi, c’est-à-dire savait qu’il n’était pas créancier, il doit en
outre restituer tous les fruits et intérêts qu’il a perçus. En revanche, l’accipiens de
bonne foi n’est tenu des intérêts qu’à compter du jour de la demande de
remboursement.
- L’accipiens, de bonne ou de mauvaise foi, a droit au remboursement des
dépenses utiles ou nécessaires qu’il a pu faire.

139 2 avril 1993, Dalloz 1993, 373, concl. Jéol.

145
CHAPITRE III : L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE

Le Code civil n’a pas prévu de règle à portée générale concernant


l’enrichissement sans cause, en vertu de laquelle celui qui s’est enrichi sans cause ou
injustement au détriment d’autrui serait tenu d’une obligation d’indemnisation. Seules
des applications particulières sont envisagées par le Code civil : par ex. l’art. 555, en
cas de construction sur le terrain d’autrui ou sur les art. 1376 à 1381 relatifs au
paiement de l’indu. C’est la Cour de cassation qui a consacré en 1892, dans l’arrêt
Julien Patureau contre Boudier140, le principe d’une obligation de restitution en cas
d’enrichissement sans cause, en reconnaissant à l’appauvri le droit d’exercer une
action de in rem verso (c’est-à-dire en restitution) « dérivant d’un principe d’équité qui
défend de s’enrichir au détriment d’autrui ». L’arrêt ajoutait que l’exercice de cette
action « n’est soumis à aucune condition déterminée ». Ultérieurement, la
jurisprudence a assujetti cette action à des conditions strictes afin que l’équité ne soit
pas trop souvent facilement utilisée pour écarter les règles de droit et porter atteinte à
la sécurité des contrats. Après l’examen de ces conditions (Section I), les effets de
l’enrichissement sans cause seront évoqués (Section II).

Section I : Les conditions de l’enrichissement sans cause

Les conditions de l’enrichissement sans cause sont matérielles (§ I) ou


juridiques (§ II).
§ I : Les conditions matérielles

Il faut un déplacement de valeur d’un patrimoine à un autre, c’est-à-dire


l’enrichissement de l’un, l’appauvrissement de l’autre (A) et une corrélation entre
l’enrichissement et l’appauvrissement (B).

A- L’enrichissement de l’un et l’appauvrissement de l’autre

Pour ce qui est de l’enrichissement de l’un, il faut retenir que l’enrichissement


est un gain quelconque, c’est-à-dire une acquisition, une plus-value, l’usage d’une
chose ou même une diminution de passif (par ex. l’extinction d’une dette).
L’appauvrissement, qui doit atteindre l’autre, consiste en toute perte qui peut
être appréciée en argent, par ex. une dépense quelconque, un travail ou un service
non rémunéré, etc.

B- La corrélation entre l’enrichissement et l’appauvrissement


140DP 1892, I, 596 ; H. CAPITANT et alii, Les Grands arrêts de la jurisprudence civile, 13e éd., 2015, n°
241, p. 520.

146
La corrélation peut être directe : par ex. une concubine, par son travail non
rémunéré, enrichit le patrimoine de son compagnon.

Elle peut être indirecte, c’est-à-dire que le déplacement de valeur s’opère par
l’intermédiaire du patrimoine d’un tiers. Plusieurs exemples dans ce sens :
- Un fermier achète des engrais sans les payer : le propriétaire des terres s’est
enrichi au détriment du marchand d’engrais par l’intermédiaire du fermier (aff.
Patureau).
- Un homme et sa sœur vivent ensemble ; la sœur fait des achats pour la vie
commune mais ne les paye pas : le commerçant créancier peut agir contre le frère
(aff. jugée par la Cour de cassation française en 1901).

§ II : Les conditions juridiques

Les conditions juridiques tiennent dans l’exigence de l’absence de cause (A) et


au caractère subsidiaire de l’action d’enrichissement sans cause (B).

A- L’absence de cause

La cause est tout titre juridique qui justifie le déplacement de valeur :


chaque fois qu’une personne s’est appauvrie en vertu de la loi, d’un acte juridique
(vente à vil prix, donation)141 ou d’un jugement, elle ne peut pas exercer l’action de in
rem verso. Toutefois, si elle s’est appauvrie en fournissant à l’enrichi des prestations qui
excèdent les exigences de la loi, d’un contrat, d’une décision de justice ou d’un devoir
moral, elle a la possibilité d’exercer cette action (un époux qui est allé au-delà de
l’obligation de contribuer aux charges du ménage ; l’enfant qui a apporté à ses
parents une aide et une assistance dépassant les exigences de la piété filiale). La
cause se présume : il appartient donc à l’appauvri de démontrer que
l’enrichissement n’a pas de cause.
Selon la jurisprudence, l’appauvri ne peut pas se prévaloir des règles de
l’enrichissement sans cause, même si son appauvrissement ne résulte pas d’un acte
juridique, de la loi ou d’un jugement, dès lors qu’il a agi :
- à ses risques et périls en vue d’obtenir un avantage personnel ;
- ou a commis une faute d’une certaine gravité (garagiste qui fait d’importants
travaux qui ne lui avaient pas été demandés).
En revanche, une faute d’imprudence ou une simple négligence n’empêche pas
l’exercice de l’action.

141Le fournisseur de marchandises livrées au locataire-gérant d’un fonds de commerce n’a pas l’action
d’enrichissement sans cause contre le propriétaire du fonds lorsqu’il est spécifié au contrat de gérance
que les fournitures appartiendront au propriétaire en fin de gérance : l’entrée de ces valeurs dans le
patrimoine du propriétaire a sa juste cause dans les stipulations du contrat C. cass. fr., Civ., 28 février
1939, Soc. Lutetia contre Dambrin, DP 1940, I, 5, note Ripert.

147
B- Le caractère subsidiaire de l’action d’enrichissement sans cause

La subsidiarité de l’action de in rem verso signifie notamment que cette action ne


peut pas être intentée pour suppléer une autre action née d’un contrat, d’un délit,
d’un quasi-contrat ou de la loi, qu’un obstacle de droit (par ex. la prescription)
empêche d’exercer. Ainsi, la Cour suprême burkinabè (Chambre judiciaire) dans un
arrêt rendu le 1er juin 1999 , a décidé « Que l’enrichissement sans cause est une situation de
fait qui ne peut être invoqué que de façon subsidiaire, qu’elle ne saurait suppléer une autre action née
d’un contrat, d’un délit ou d’un quasi contrat ; qu’en somme elle ne doit pas servir à tourner les
conditions que la loi impose pour exercer les autres actions »142. Cette position est également
celle de la Chambre civile de la cour de cassation française depuis son arrêt du 2 mars
1915143.
Plus précisément, l’action de in rem verso est irrecevable dans trois situations.
- Il en est d’abord ainsi lorsque l’appauvri dispose d’une autre voie de droit
contre l’enrichi ; il lui appartient alors d’exercer cette voie.
- Le recours à l’action de in rem verso est également exclu dans le cas où
l’appauvri aurait pu utiliser une autre action mais dont l’exercice se heurte à tout
obstacle de droit, par ex. une prescription, une déchéance, l’effet de l’autorité de la
chose jugée ou l’impossibilité de produire les modes de preuve exigés par la loi.
L’action de in rem verso ne doit pas servir à tourner les règles normalement applicables
à la situation concernée.
- En cas de corrélation indirecte, l’appauvri doit d’abord s’adresser à la
personne par l’intermédiaire de laquelle l’enrichissement s’est produit (généralement
une action ordinairement de nature contractuelle) et ce n’est que s’il se heurte à
l’insolvabilité de cette personne qu’il pourra exercer son action contre l’enrichi144.

Section II : Les effets de l’enrichissement sans cause

Le principe est de rétablir l’équilibre faussé par le déplacement de valeur. Il ne


faut pas que l’appauvri reçoive plus que ce dont il s’est appauvri, sinon il s’enrichirait
à son tour, ni que l’enrichi rembourse plus que le montant de son enrichissement,
sinon il s’appauvrirait. Ainsi, si le montant de l’enrichissement diffère de celui de
l’appauvrissement, l’enrichi ne devra que la plus faible des deux sommes.
142 Arrêt n° 17 du 01 Juin 1999, www.juricaf.org.
143 DP 1920. I. 102 ; Grands arrêts… op. cit,. n° 242 p.527.
144 Civ. 1ère fr, 1er février 1984, D., 388, note Massip. Il en résulte que la condamnation obtenue contre

un autre débiteur de l’appauvri, lorsqu’elle est rendue vaine par l’insolvabilité de ce dernier, ne fait pas
obstacle à l’exercice, contre celui qui s’est enrichi, d’une action fondée sur son enrichissement sans
cause (action intentée par le premier mari contre le père d’un enfant, légitimé en application de l’art.
318 C. civ., après inexécution de la décision obtenue contre de la mère et condamnant celle-ci à
rembourser les sommes versées par son premier époux pour l’entretien de cet enfant).

148
L’enrichissement doit donc exister au jour de la demande. S’il a disparu, la demande
est rejetée, ce qui constitue une différence avec la gestion d’affaires.

Illustration : dans l’exemple classique de travaux effectués sur le terrain


d’autrui145, en dehors du domaine d’application de l’article 555 du Code civil, si ces
travaux ont coûté 10 000 000 FCFA et qu’ils apportent une plus-value de 7 000 000
FCFA, l’indemnité sera de 7 000 000 FCFA.

Mais il peut se poser des problèmes de date d’évaluation de l’enrichissement et


de l’appauvrissement : faut-il se placer au jour de l’enrichissement ou de
l’appauvrissement, au jour de la demande ou au jour du jugement ?

Dans l’exemple des travaux, s’ils ont coûté 10 000 000 FCFA, mais coûteraient
12 000 000 FCFA au jour de la demande et 15 000 000 FCFA au jour du jugement,
quelle somme retenir ? Quant à l’enrichissement s’il a apporté à l’immeuble une plus-
value de 7 000 000 FCFA le jour des travaux, mais de 11 000 000 FCFA au jour de la
demande en justice et de 13 000 000 FCFA le jour du jugement, quand se placer pour
l’apprécier ? La jurisprudence considère que pour apprécier l’enrichissement, il faut se
placer au jour où l’action est intentée146. Par contre, le principe du nominalisme
monétaire interdirait de réévaluer l’appauvrissement, qui doit être apprécié le jour où
il apparaît147. Dans l’exemple ci-dessus, l’enrichissement serait de 11 000 000 FCFA
et l’appauvrissement de 10 000 000 FCFA : l’indemnité serait donc de 10 000 000
FCFA.

En conclusion, des décisions récentes de la Cour de cassation française ont


conduit à se demander si celle-ci n’a pas créé une nouvelle catégorie de quasi-contrats
que l’on pourrait qualifier de quasi-contrats innommés. En effet, pour la Cour de
cassation viole l’art. 1371 la cour d’appel qui, pour condamner une société de vente
par correspondance à verser un certain montant de dommages-intérêts au
destinataire d’un document publicitaire, retient qu’en annonçant de façon affirmative
une simple éventualité, la société a commis une faute délictuelle constituée par la
création de l’illusion d’un gain important et que le préjudice ne saurait correspondre
au prix que l’intéressé avait cru gagner, alors que l’organisateur d’une loterie qui

145 Voy. Rémy Cabrillac, op. cit, n° 210 et 211.


146 C. cas. fr., civ. 1ère, 18 janvier 1960, Bull. civ. I, n° 30.
147 C. cas. fr., civ. 3e, 18 mai 1982, Bull. civ. III, n° 122, pour qui l’appauvrissement a pour mesure le

montant nominal de la dépense exposée. Comparez avec Civ. 1 ère, 26 octobre 1982, Bull. civ. I, n° 302
(pour évaluer l’appauvrissement d’une ex-épouse infirmière qui avait, pendant dix ans, aidé son mari
chirurgien sans être rémunérée et l’enrichissement de ce mari, il faut se placer à la date de la demande
en divorce, en raison de l’impossibilité morale pour la femme d’agir antérieurement contre son mari).

149
annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l’existence d’un
aléa s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer 148.

L’arrêt vise l’article 1371 relatif aux quasi-contrats en général alors que les faits
de l’espèce ne semblent correspondre ni à la gestion d’affaires, ni à la répétition de
l’indu, ni à l’enrichissement sans cause. Cette solution confirmée par la jurisprudence
postérieure149 a relancé l’intérêt de la jurisprudence pour la notion de quasi-contrat.
Une telle action aurait une nature contractuelle dans le cadre de la convention de
Bruxelles150.

148 Cass., Chambre mixte, 6 septembre 2002 (2 espèces), Dalloz 2002, 2963, note D. Mazeaud. Même
sens Civ. 1ère, 18 mars 2003, Dalloz 2003, IR, 1009 ; Paris, 7 février 2003, RCA 2003, n° 195, note
Radé.
149 Cour de cas. civ. 1ère, 18 mars 2003, Bull. civ., n° 85, Dalloz 2003, IR 1009.
150 CJCE 11 juillet 2002, aff. C-96/00, Dalloz 2002, IR 2579, JCP 2003, II, 10055, note Claret.

150
SECONDE SOUS-PARTIE :
LA RESPONSABILITE CIVILE EXTRACONTRACTUELLE

La responsabilité civile 151 ou responsabilité aquilienne (de la Lex Aquilia


romaine) ou encore responsabilité délictuelle et quasi délictuelle 152 est celle qui
s’attache à l’étude et à la détermination des conséquences des faits illicites ou fautes
qui causent un dommage à autrui. Aujourd’hui, il est plus exact de parler de
responsabilité civile extracontractuelle dans la mesure où la responsabilité civile peut
avoir d’autres sources que la faute.

Cette matière, conçue initialement comme étant d’importance mineure (art.


1382 à 1386, soit seulement 5 art. au total), a pris, avec l’interprétation
jurisprudentielle et les théories doctrinales hardies, un poids au point que son
importance pratique approche, voire atteint, celle des contrats.
Au plan des textes, notre droit positif repose sur les articles 1382 à 1386 du
Code civil qu’il convient de connaître du bout des doigts153 :
- Art. 1382 : faute intentionnelle ;
- Art. 1383 : faute par imprudence ou par négligence ;
- Art. 1384 : responsabilité du fait d’autrui et du fait des choses ;
- Art. 1385 : responsabilité du fait des animaux ;
- Art. 1386 : responsabilité du fait de la ruine des bâtiments.
Il convient cependant d’avoir à l’esprit que ces dispositions ne reflètent que
très imparfaitement l’évolution de la matière. Des règles régissant de responsabilité
ont été créées postérieurement au Code civil. A ce sujet, il faut signaler, au titre du
droit comparé, l’existence en Belgique d’un article 1386 bis (issu d’une loi de 1935)
relatif à la réparation du dommage causé par les personnes dont les facultés mentales
sont altérées et en France de l’article 492-2 du Code civil concernant le dommage
causé par celui qui était sous l’emprise d’un trouble mental154. Ajoutons qu’en
Belgique, la responsabilité pour faute de l’Etat est engagée devant les juridictions de
l’ordre judiciaire.
A ces dispositions générales, s’ajoutent des textes particuliers qui régissent,
dans certaines matières, la responsabilité civile. Il en va ainsi des articles 200 à 277 du
Code des assurances de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurance
(CIMA) connu sous le nom de Code CIMA, qui s’appliquent à l’assurance
obligatoire des véhicules terrestres à moteur et qui définissent le régime de la
responsabilité du fait des accidents causés par ces véhicules. Il en va de même des
151 Est utilisée dans certains cas pour désigner à la fois responsabilité contractuelle et responsabilité
délictuelle. Ici, elle est utilisée pour désigner seulement la seconde.
152 On utilisera souvent l’expression de responsabilité délictuelle tout court pour signifier la

responsabilité délictuelle et quasi délictuelle.


153 Voy. le Code civil élaboré par l’Unité de Formation et de Recherche Sciences Juridiques et

Politiques de l’Université de Ouagadougou.


154 Selon l’article 492-2 du C. civ. (loi du 3 janvier 1968), « celui qui a causé un dommage à autrui

alors qu’il était sous l’emprise d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation ».

151
articles 50 et s. de la loi du 11 mai 2006 portant Code de la sécurité sociale qui définit
les conditions d’indemnisation des accidents de travail. Il y a lieu également de
mentionner les textes qui déterminent d’indemnisation préjudices résultants des
accidents aériens. On peut également citer les nombreux textes qui, au Burkina Faso,
définissent, dans diverses professions (avocat, médecin…), les conditions de la
responsabilité professionnelle. En droit comparé, il convient de noter la directive
européenne du 25 juillet 1985 sur la responsabilité en matière de produits défectueux,
transposée en droit français par une loi du 19 mai 1998.
Mais le droit de la responsabilité civile n’aurait pas eu le rayonnement qu’on
connaît aujourd’hui sans l’œuvre créatrice de la jurisprudence. Celle-ci, confrontée à
de nouveaux cas de préjudices, n’a eu de cesse de renouveler la lecture de ces textes
en allant jusqu’à créer des régimes généraux de responsabilité auxquels les rédacteurs
du Code civil n’avaient pas pensé. Dans cette œuvre, elle a souvent été aiguillonnée
par la doctrine dont les analyses en la matière ont été d’un apport considérable. Mais
cette contribution a rendu la matière si touffue qu’il est malaisé d’en faire une
synthèse brève155.
La responsabilité fait appel à la réunion de trois conditions : le dommage, le
fait générateur et le lien de causalité (Titre I). Une fois ces conditions réunies, se pose
la question de sa mise en œuvre de cette responsabilité (titre II). Cependant, il est
nécessaire de clarifier à titre préliminaire la notion et le fondement de la
responsabilité civile.

Texte du Code civil d’application au Burkina Faso

Chapitre II : Des délits et des quasi-délits


1382. Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
1383. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par
son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
1384. On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par
son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on
doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.
156
Toutefois, celui qui détient à un titre quelconque tout ou partie de
l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera
responsable vis-à-vis des tiers des dommages causés par cet incendie que s’il est
prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est
responsable.
Cette disposition ne s’applique pas aux rapports entre propriétaires et
locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.

155D’où la tentative de recodification de la matière par le projet Catala en France.


156Ainsi complété par la loi du 7 novembre 1922, rendue applicable pour toutes les colonies par décret
du 22 novembre 1926.

152
« Les père et mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants
mineurs habitant avec eux »157.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et
préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis
pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance.
158
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans
prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences
invoquées contre eux ayant causé le fait dommageable devront être prouvées,
conformément au droit commun, par le demandeur de l’instance.
1385. Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à
son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût
sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé.
1386. Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par
sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa
construction.

157 Article 1065 du Code des personnes et de la famille (Zatu AN VII-0013/FP /PRES du 16
novembre 1989 portant institution et application d’un Code des personnes et de la famille au Burkina
Faso). L’article originaire était ainsi libelle : « Le père, et la mère après le décès du mari, sont
responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».
158 Ainsi modifié par la loi du 5 avril 1937, applicable aux colonies par décrets du 3 juillet 1938 et 9

février 1939. De par cette loi et ces décrets, la responsabilité de la colonie ou territoire (maintenant
Etat) a été substituée à celle des membres de l’enseignement public. L’Etat conserve un recours contre
ceux-ci.

153
TITRE PRELIMINAIRE : LA NOTION ET LE FONDEMENT DE
LA RESPONSABILITE CIVILE

La responsabilité étant le fait de répondre des conséquences dommageables de


son fait, du fait d'autrui ou d'une chose, il se pose la question de la distinguer de la
responsabilité morale, de la responsabilité pénale et de la responsabilité contractuelle
(Section I), avant d'en rechercher le fondement (Section II).

Section I : La distinction d’avec la responsabilité morale, la responsabilité


pénale et la responsabilité contractuelle

Il y a là matière à développement mais le temps n’autorise que des synthèses


brèves.
La responsabilité civile extracontractuelle doit être successivement distinguée
d’avec les trois autres sortes de responsabilité.

§ I : La distinction entre responsabilité civile et responsabilité morale

Cette distinction n’est qu’un aspect particulier de la distinction entre le Droit et


la Morale159. La responsabilité civile se distingue essentiellement de la responsabilité
morale sur le plan du fondement et de la sanction. S’agissant du fondement, la
responsabilité morale nait de la violation d’un devoir de conscience ou d’un devoir
envers Dieu ; la responsabilité civile résulte, au contraire, de la violation d’une
obligation juridique. S’agissant de la sanction, la responsabilité civile reçoit une
sanction externe (réparation) qui implique le recours à la contrainte publique, tandis
que la responsabilité morale donne lieu à une sanction interne (remords, regrets…).
Cependant, il n’y a de cloison étanche entre ces deux responsabilités. Certaines règles
de responsabilité civile traduisent des exigences morales ; il en va ainsi de la
responsabilité fondée sur la faute.

Qu’en est-il du rapport entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale ?

§ II : La distinction entre responsabilité civile et responsabilité pénale

Il est admis que jusqu’à l’affermissement de l’Etat moderne, il régnait une


confusion certaine entre responsabilité civile et responsabilité pénale. Des influences
diverses ont conduit à la distinction et à la séparation lente entre les deux
responsabilités.

La responsabilité pénale est celle qui consiste en la répression (dans le but de


dissuasion, de prévention, de punition, de réinsertion sociale) de l’auteur de tout fait
159Boris STARCK, Henri ROLAND et Laurent BOYER, Obligations, t. 1 Responsabilité délictuelle, 4e éd.,
Litec, 1991, n° 7, p. 8.

154
contraire à l’ordre social, c’est-à-dire, en droit positif, de l’auteur d’une contravention,
d’un délit ou d’un crime.
Il convient d’examiner les différences puis les rapports.

A- Les différences

Les différences entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale


s’observent sur plusieurs plans.

Sur le plan des éléments constitutifs d’abord, il n’y a d’infraction pénale que
si l’acte commis a été expressément prévu par un texte (pas d’infraction sans texte :
nulla crimen, nulla poena sin lege) alors que le délit civil suppose un fait dommageable
quelconque. L’infraction pénale existe même si elle n’a pu entraîner de dommage
(ainsi sont punissables tentative, vagabondage, mendicité, port d’armes prohibées…)
alors qu’en responsabilité civile, le dommage est absolument indispensable. Souvent,
la faute est en même temps civile et pénale (par exemple, les coups et blessures à
autrui) mais il reste que toute faute civile ne constitue pas forcément une faute
pénale.
Sur le plan des fonctions ensuite : certes, les deux responsabilités poursuivent
la punition et la dissuasion du fautif. Toutefois, la fonction d’élimination ou de
réadaptation de certains condamnés poursuivie par la responsabilité pénale est
étrangère à la responsabilité civile ; en revanche, la fonction de réparation, essentielle,
dans la responsabilité civile n’est pas prioritaire dans la responsabilité pénale.

Sur le plan des procédures aussi : la responsabilité pénale est prononcée à la


suite d’une action publique ; cette dernière est introduite devant les juridictions
répressives et est, en principe, déclenchée par le ministère public. La responsabilité
civile est, au contraire, le résultat d’une action civile introduite devant les juridictions
civiles ; celle-ci peut être engagée par toute personne victime d’un dommage.

Sur le plan des sanctions, la sanction de l’infraction pénale est répressive


(peines privatives ou restrictives de liberté, humiliantes ou infamantes : la dégradation
civique, privatives de droits - interdiction de certains droits civiques ou de famille -
ou pécuniaires, en l’occurrence les amendes)160. La sanction civile est réparatrice et se
traduit en général par l’octroi des dommages-intérêts. La sanction est proportionnée
à la gravité faute en droit pénal alors qu’il y a réparation intégrale du dommage sans
tenir compte de la gravité de la faute en droit

En dépit de ces différences majeures, la responsabilité pénale et la


responsabilité civile ne manquent pas de points de contact.

160 Articles 212-1 à 212-4 du Code pénal (loi n° 025/2018/AN du 31 mai 2018).

155
B- Les rapports

Ces rapports existent lorsque la faute constitue à la fois une infraction pénale et
un délit civil. En ce cas, la victime peut porter son action devant les tribunaux civils
ou devant les tribunaux répressifs. Lorsqu’elle saisit les juridictions répressives161,
en se portant partie civile, elle déclenche du même coup l’action publique obligeant le
ministère public à poursuivre. De même, il y a solidarité de prescription de l’action
civile et de l’action publique. Ainsi, la prescription de l’action civile ne sera plus de 30
ans mais de 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les
contraventions.

Lorsque la victime décide au contraire de demander réparation aux


juridictions civiles, deux principes s’appliquent. D’une part, l’instance civile est
suspendue jusqu’à ce qu’une décision définitive soit prononcée par les juridictions
pénales saisies du même fait. On dit que le criminel tient le civil en l’état. Selon la
jurisprudence burkinabè, cette règle ne s’applique pas en cas d’action civile fondée
sur l’article 1384, al. 1er (responsabilité du fait de la chose). Dans un arrêt rendu le 20
janvier 1998, la chambre judiciaire de la Cour suprême du Burkina, a, en effet, décidé
que « le juge civil saisi d’une action en responsabilité du fait des choses n’est pas tenu de surseoir à
statuer jusqu’à l’issue des poursuites pénales engagées contre le défendeur à l’occasion du même
fait »162. D’autre part, la décision du juge répressif statuant sur l’action pénale a au civil
l’autorité de la chose jugée sur ce qui a été effectivement et nécessairement jugé au
plan répressif à condition que le fondement soit le même. Par exemple, en cas de
poursuite pénale pour coups et blessures volontaires ou involontaires, s’il y a relaxe,
la victime ne peut obtenir satisfaction au plan civil en fondant sur action sur les
articles 1382 ou 1383. On explique cette prééminence du criminel sur le civil par
l’intérêt social, par l’enquête plus poussée (recherche plus approfondie de la vérité) et
par l’effet erga omnes du jugement pénal. Toutefois, l’action civile fondée sur l’art.
1384, al. 1er peut être exercée en cas de relaxe au pénal. Dans l’arrêt précité, la
chambre judiciaire de la Cour suprême a jugé « Que l’autorité de la chose jugée au criminel
ne peut être invoquée par le défendeur à l’action fondée sur l’article 1384 ; que peu importe qu’il ait
été acquitté sur le plan pénal, il n’en sera pas moins exposé à être condamné à des dommages intérêts
en réparation du préjudice causé du fait de sa chose »163.

161 Les avantages de cette action sont : procédure rapide et peu coûteuse et bénéfice des pouvoirs
importants de rassemblement des preuves du ministère public…
162 Arrêt n° 13, Société U. C/ Monsieur S.E. Monsieur G.D., www.juricaf.org , consulté le 07 mars

2016.
163 Ibidem.

156
§ III : La responsabilité extracontractuelle et la responsabilité
contractuelle

De manière générale, lorsque l’on parle de responsabilité civile sans autre


précision, on pense souvent à la responsabilité civile extracontractuelle. Pourtant, la
responsabilité civile englobe d’une part et la responsabilité délictuelle et quasi
délictuelle, d’autre part la responsabilité contractuelle. Plusieurs problèmes se posent
au niveau des liens qui rattachent ces deux responsabilités.

A. Unité ou dualité des deux responsabilités

Une partie de la doctrine défend l’unité de la responsabilité délictuelle et de la


responsabilité. Selon elle, il n’y aurait pas de différence de nature entre ces deux
responsabilités car celles-ci résultent d’une faute entendue comme la violation d’une
obligation préexistante, quelle que soit la nature (contractuelle ou délictuelle) de cette
dernière. Toutefois, la majorité de la doctrine ainsi que la jurisprudence et les textes
admettent la dualité des responsabilités.

Le facteur essentiel de distinction se trouve dans le fait générateur de


responsabilité et dans le dommage. S’agissant du fait générateur, il convient
d’observer que la responsabilité contractuelle résulte d’une inexécution d’une
obligation contractuelle alors que la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle
découle de la violation d’une obligation non contractuelle. S’agissant du dommage, il
y a lieu de remarquer que la responsabilité contractuelle ne permet de réparer que les
dommages prévisibles, tandis qu’en matière de responsabilité délictuelle ou quasi-
délictuelle, tout dommage, même imprévisible, est réparable. D’autres éléments de
distinction peuvent être avancés. Il en va ainsi du délai de prescription : en droit
burkinabè, l’action contractuelle se prescrit par 10 ans ; l’action délictuelle s’éteint, en
revanche, dans un délai de 30 ans. Mais cet élément ne paraît pas essentiel. Par
exemple, en droit français, le délai de prescription des deux actions est fixé 5 ans par
la loi du 17 juin 2008. Un autre élément de distinction se situerait dans le fait que les
clauses limitatives ou élusives de responsabilité sont admises en matière de
responsabilité contractuelle, ce qui ne serait pas le cas du domaine de la
responsabilité délictuelle. Il est permis cependant de douter de la pertinence de cette
distinction : rien ne paraît faire obstacle à leur validité en cette dernière matière.
Enfin, la mise en demeure exigée en matière contractuelle est généralement présentée
comme une différence avec la matière délictuelle. Mais si la mise en demeure est
souvent pratiquée dans le domaine de la responsabilité contractuelle, elle n’en est pas

157
tout à fait exclue, spécialement lorsqu’il se pose un problème d’exécution de
l’obligation164.

Des auteurs notent que la distinction entre la responsabilité extracontractuelle


et la responsabilité contractuelle, critiquable en raison de l’imprécision des critères,
est propre au droit français. Ainsi, elle n’est pas retenue par la directive européenne
du 25 juillet 1985 sur la responsabilité en matière de produits défectueux, transposée
en droit français par une loi du 19 mai 1998. L’évolution tendrait plutôt vers de
nouvelles distinctions, notamment entre responsabilité de droit commun et
responsabilités spécifiques, souvent liées à l’exercice d’une profession165.

B. Le problème dit du cumul des deux responsabilités

Puisque la responsabilité délictuelle est différente de la responsabilité


contractuelle, se pose la question de savoir si de savoir si le créancier qui se plaint de
l’inexécution fautive du contrat par son cocontractant pourra invoquer à son choix,
soit les règles de la responsabilité contractuelle, soit celles de la responsabilité
délictuelle si celles-ci sont favorables(réparation intégrale, absence de clause limitative
ou élusive), notamment parce que les articles 1382 et suivants du Code civil visent
une faute quelconque. C’est le problème, mal nommé166, du cumul des responsabilités
délictuelle et contractuelle.
La jurisprudence a résolu ce problème en consacrant la règle de « non cumul »
des responsabilités. Elle a jugé que la responsabilité délictuelle ne pouvait pas être
invoquée lorsqu’il s’agit d’une faute commise dans l’exécution d’une obligation
contractuelle167. Ainsi, lorsque les conditions de la responsabilité contractuelle sont
réunies, il est interdit à la victime de se prévaloir des règles de la responsabilité
délictuelle. On dit que la responsabilité contractuelle chasse la responsabilité
aquilienne. A l’appui de cette solution, on avance des divers arguments. D’abord, le
Code civil a consacré aux deux responsabilités des titres distincts. Ensuite, au plan
technique, les principes édictés pour l’une des responsabilités ne sont pas applicables
à l’autre (revoir les intérêts de la distinction). Enfin, en général, la responsabilité
contractuelle est moins favorable à la victime du fait notamment de la validité des
clauses de limitation de responsabilité et de l’exigence que le dommage soit
prévisible. Si le créancier pouvait à son gré invoquer la responsabilité délictuelle, les

164
Ph. MAULAURIE, L. AYNES et Ph. STOFFEL-MUNCK, op. cit., n°973, p. 530.
165 Voy. dans ce sens Rémy Cabrillac, op. cit., n° 216.
166 Car il ne s’agit ni de permettre au créancier de cumuler les réparations provenant des deux

responsabilités, ni de lui permettre de panacher les règles de responsabilité délictuelle ou contractuelle.


Il s’agit d’un choix à faire entre les deux responsabilités.
167 Civ. 11 janvier 1922, Dalloz 1922, 1, 16, S. 1924.1.105, note R. Demogue, Grands arrêts t. 2,

n°181 ; Civ. 1er, 24 novembre 1954, JCP 1955, II, 8625 ; 7décembre 1955, D. 1956, p. 136, JCP 1956,
II, 9246.

158
limitations contractuelles deviendront lettre morte. Ce serait une violation du contrat
et une négation de sa force obligatoire168.

On notera toutefois des solutions quelque peu dérogatoires :


- en cas de dol, la jurisprudence écarte toutes les règles qui atténuent la
responsabilité du débiteur contractuel mais il n’y a pas de cumul169 ;
- en cas de décès, les héritiers peuvent, en renonçant à la stipulation faite à leur
profit, agir en responsabilité délictuelle ;
- lorsque la faute constitue une infraction pénale, la Chambre criminelle de la
Cour de cassation française décide que la responsabilité est délictuelle 170.
Après avoir tenté de délimiter la responsabilité civile délictuelle et quasi
délictuelle, il convient d’en rechercher les fondements.

Section II : Le fondement de la responsabilité civile

Etre responsable, c’est être obligé de réparer un dommage. Rechercher le


fondement de la responsabilité civile, c’est déterminer la raison ou le motif pour
lequel on est obligé de réparer un dommage. Pour ce faire, il convient de noter
l’évolution de la responsabilité extracontractuelle (§ I) et les théories en présence (§
II).
§ I : L’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle

Elle doit être abordée sous l’angle sociologique (A) et sous l’angle technique
(B).
A. L’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle sous
l’angle sociologique

Envisagé objectivement, le problème de la responsabilité n’est qu’un problème


de répartition des risques. La coexistence des individus entraîne des dommages
résultant de l’entrecroisement des activités humaines. Tant que le nombre, la
fréquence, voire la gravité, des dommages sont limités, on pourrait facilement les
imputer au hasard, au sort, à la malchance, au destin. Ils n’attireront guère l’attention.
Le problème prend une tournure autre avec l’augmentation de la densité
sociale et de la diversité des formes d’exploitation du sol et des richesses. Etant de
plus en plus nombreux dans un espace donné, avec des activités diversifiées, les

168 En cas d'inexécution d'une obligation contractuelle, ni le débiteur ni le créancier ne peuvent se


soustraire à l'application des dispositions spécifiques à la responsabilité contractuelle pour opter en
faveur de la responsabilité extracontractuelle.
Toutefois, lorsque cette inexécution provoque un dommage corporel, le cocontractant peut, pour
obtenir réparation de ce dommage, opter en faveur des règles qui lui sont plus favorables (art. 1341 du
Projet Catala).
169 Cas. fr., Civ., 23 juin 1936, G. Palais 1936, 2, 353.
170 Crim. 12 déc. 1946, JCP 1947, II, 3621, note Rodière (responsabilité du médecin). Les juridictions

civiles considèrent que la responsabilité reste contractuelle (Civ. 9 janv. 1928, S. 1928, 1, 127).

159
hommes se gêneront mutuellement et les dommages s’accroîtront. On note en
particulier, avec le développement du machinisme au 19e siècle, la multiplication des
accidents du travail et de la circulation… Beaucoup de dommages ne sont pas dus à
une faute clairement identifiable. Les pertes ou dommages deviennent donc, quoique
l’on fasse, une donnée : même les astres s’entrechoquent, dit-on. Ce que la société
doit à l’individu, c’est une réparation car l’absence de réparation ou de compensation
pourrait compromettre le droit à l’existence de chacun, qui est le premier principe de
tout régime juridique.

Ne pouvant éviter les pertes ou dommages, le problème se pose de leur


répartition : Seront-ils à la charge de la société, de la victime ou de l’auteur du
dommage ? De la réponse à cette question dépendra le fondement de la
responsabilité. Il n’y a pas qu’une seule réponse possible.

B. L’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle sous l’angle


technique

Il s’agira ici d’aborder brièvement l’origine de la responsabilité civile (1), de


préciser le système du Code civil (2) et de présenter les évolutions postérieures à
celui-ci (3).
1) L’origine de la responsabilité civile

L’origine de la responsabilité civile est difficile à déterminer avec netteté. On


s’accorde cependant à admettre que la responsabilité civile ne se distinguait pas, au
départ, de la responsabilité pénale. Ainsi, en droit romain et dans l’ancien droit
français, a d’abord prévalu la vengeance privée : la victime, avec ou non l’appui son
groupe pouvait, en raison d’un préjudice résultant par exemple d’un vol ou d’un
meurtre, administrait une sanction qu’elle jugeait appropriée à l’auteur du préjudice
ou au groupe de celui-ci. Ainsi, il pouvait arriver que la sanction ne soit pas
proportionnée au mal subi. Ce système de vengeance privée a ensuite pris une forme
atténuée avec la consécration de la loi de Talion (œil pour œil). Avec elle, la victime
pouvait toujours se rendre justice ; mais la sanction devait être proportionnée au mal
commis. Mais, qu’il s’agisse de la vengeance privée ou de la loi de Talion, la
responsabilité était à la fois une réparation du préjudice subi par la victime et une
punition de l’auteur.
La distinction entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale
commence à voir le jour avec le système de composition pécuniaire consacré par
certaines lois germaniques ou romaines : pour échapper à la vengeance, l’auteur du
mal devait payer une certaine somme. Ce système de composition a d’abord a été
volontaire, puis imposé. Il faut cependant attendre l’émergence d’une autorité
publique capable d’imposer la répression des troubles sociaux (infractions),
indépendamment de la réparation des dommages causés aux victimes, pour constater
une distinction nette entre la responsabilité pénale et la responsabilité civile.

160
Mais si une chose est restée constante tout au long de cette évolution, c’est le
caractère objectif de la responsabilité : le responsable était l’acteur du dommage, non
l’auteur du dommage. Autrement dit, celui qui a commis le dommage devait
réparation, que sa conduite soit fautive ou non. On avait peu d’égard à la déviance
dans la conduite sociale. Autre caractère remarquable de la responsabilité de l’époque
était la collectivisation de la sanction : celle-ci engageait le groupe auquel appartenait
l’acteur.

2) La responsabilité civile dans le code civil

Sous l’influence des idées morales (la morale ne défend que le fait de nuire
injustement à autrui) et des idées utilitaristes (politique de prévention des dommages :
la prise en compte de la faute oblige l’homme à agir avec diligence), le droit a tendu à
subordonner l’obligation de réparer le dommage à une défaillance de conduite.
Prenant en compte cette évolution amorcée dans l’ancien droit français, le Code civil
de 1804 a consacré une responsabilité civile fondée sur l’idée de faute. Ainsi, ses
articles 1382 (« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ») et 1383 (« Chacun est
responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa
négligence ou par son imprudence ») prévoient-ils une responsabilité reposant sur
une faute prouvée.

Mais à côté de cette catégorie de responsabilité, le Code civil admet des


responsabilités fondées sur le fait d’autrui (article 1384 : responsabilité des père et
mère du fait de leurs enfants mineurs ; responsabilité des instituteurs et des artisans
du fait de leur élèves et de leurs apprentis ; responsabilité des maîtres et commettants
du fait de leurs domestiques et préposés) et sur le fait des choses (Article 1385 : le fait
des animaux ; article 1386 : le fait du bâtiment). Si pour ces catégories de
responsabilité, il ne s’agissait pas de faute prouvée, l’idée de faute n’en était pas pour
autant absente. Pour la majorité des commentateurs du Code civil, il s’agissait, dans
l’esprit des rédacteurs du Code civil, de faute présumée.

3) L’évolution de la responsabilité civile postérieurement au code


civil

A partir du système du Code civil, la doctrine et la jurisprudence, tenant


compte de l’évolution qui se traduit par la multiplication des dommages, ont tenté de
les atténuer par un élargissement de la responsabilité (a). Aujourd’hui, le régime de la
responsabilité semble être remis en cause par la socialisation de la responsabilité
civile ou l’apparition des dommages sériels (b).

a) L’élargissement de la responsabilité

161
Les évolutions économiques et sociales postérieures au code ont révélé les
limites de la responsabilité du fait personnel. L’apparition du machinisme dans
l’industrie, des transports par chemin de fer et l’automobile (symbole de la révolution
industrielle) ont non seulement multiplié les occasions de dommages, mais aussi
aggravé ces derniers. Ces dommages ne résultaient pas nécessairement d’erreurs
humaines (explosion d’une machine à l’intérieur d’une usine, perte de la direction
d’une automobile). Mais même s’il arrivait qu’une faute soit la cause du dommage, il
apparaissait difficile de la prouvée (en cas d’explosion d’une machine, comment
établir la faute de l’exploitant ou celle du fabriquant de la machine ?). Ces dommages,
qu’on a qualifiés d’« anonymes »171 ou d’accidentels172, restaient sans réparation dans
un système de responsabilité du fait personnel. Cette situation va pousser la
jurisprudence, sous l’impulsion de la doctrine, à imaginer des procédés
d’élargissement de la responsabilité. Ces derniers se sont manifestés par l’affinement
de la notion de faute (a1), la consécration des responsabilités sur faute présumée ou
des présomptions de responsabilité (a2), la transformation de la responsabilité
aquillienne en responsabilité contractuelle (a3).

a1) L’affinement ou l’élargissement de la notion de faute

Il faut entendre par affinement la tendance à voir une faute là où


précédemment on ne reconnaissait pas l’existence d’une faute, à voir des
imprudences dans des comportements qui, jadis, seraient passés inaperçus : faute
même très légère ou minime. Les auteurs ont joué un rôle important dans ce sens.

a2) Les présomptions de faute ou de responsabilité

Au lieu que la victime apporte la preuve d’une faute de l’auteur, ce dernier


devra démontrer qu’il n’a pas commis de faute. On instaure ainsi une présomption de
faute pesant sur l’auteur du dommage. Cela améliore considérablement la situation de
la victime.
Les présomptions peuvent d’ailleurs varier d’intensité. Elles peuvent être
simples ou juris tantum. Dans ce cas, la preuve de l’absence de faute apportée par
l’auteur entraîne exonération de la responsabilité : exemple : responsabilité des
parents du fait de leurs enfants mineurs jusqu’à l’arrêt Bertrand173.

171 François TERRE, Phippe SIMLER et Yves LEQUETTE, op. cit, n° 680, p. 733.
172 Patrice JOURDAIN, Les principes de la responsabilité civile, Connaissance du droit, Dalloz, 8e éd., 2010,
p. 10.
173 Jusqu’à l’arrêt Bertrand du 19 février 1997 (Dalloz 1997.265, note P. Jourdain), les père et mère

pouvaient s’exonérer de leur responsabilité en démontrant qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne
lieu à cette responsabilité. Par l’arrêt Bertrand, la Cour de cassation fr. décide que c’est une
responsabilité de plein droit, c’est-à-dire que les père et mère ne peuvent s’en affranchir qu’en
démontrant une force majeure ou une faute de la victime.

162
Les présomptions peuvent aussi être irréfragables ou absolues ou juris et de jure
lorsque la preuve de l’absence de faute ne suffit pas et qu’il faut en plus démontrer
une cause étrangère (1384, al. 1er, pour les choses, 1385 pour les anim. Dans ce cas, il
ne s’agit plus d’une simple présomption de faute mais plutôt d’une présomption de
responsabilité ou d’une responsabilité de plein droit174. Ainsi la jurisprudence décidait
que la responsabilité du fait des animaux (article 1385 code civil) ne pouvait être
écartée qu’en cas de force majeure (cause étrangère). Puis, par l’arrêt Teffaine (1896),
elle admettait la responsabilité pour vices occultes de la chose, excepté la preuve
d’une force majeure. En 1930, elle généralisait cette solution, à travers l’arrêt
Jand’heur, en consacrant le principe de la responsabilité de plein droit du gardien du
fait de choses qu’il utilise.

a3) La transformation de la responsabilité aquilienne en responsabilité


contractuelle

Avec la multiplication des accidents du travail et les difficultés qu’éprouvaient


les salariés pour établir une faute du patron, les législateurs européens ont dû
intervenir à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème pour élargir la responsabilité
contractuelle du chef d’entreprise en y incluant une obligation de sécurité. Ainsi, en
cas d’accident du travail, le salarié n’avait plus besoin de prouver une faute de
l’employeur. Seulement, la réparation était forfaitairement fixée. Actuellement, les
accidents du travail, auxquels sont assimilés les accidents de trajet, sont traités dans
les différents codes de sécurité sociale.
En matière de transport, il y a eu une évolution de la responsabilité aquilienne à
la responsabilité contractuelle avec une obligation de sécurité à la charge du
transporteur.
b) La remise en cause la responsabilité civile

La remise en cause de la responsabilité civile résulte de deux faits marquants.


La première manifestation d’une telle remise en cause tient à la tendance
actuelle à la « collectivisation » ou à la socialisation de la responsabilité civile. Alors
que la charge de la responsabilité découlant du code civil reposait sur l’individu, on a
assisté dans certains cas au déplacement de cette charge vers une collectivité. Il en va
ainsi d’abord du phénomène est l’assurance responsabilité civile. Avec cette dernière,
c’est la société d’assurance et donc la collectivité des assurés (l’assurance repose en
effet sur la mutualisation des risques à travers le paiement des primes), et non plus
l’auteur du dommage, qui procède à la réparation de celui-ci. Cette socialisation du
risque entraîne une condamnation quasi systématique dès lors qu’il y a une assurance,
sans qu’il y ait lieu d’établir une quelconque responsabilité. Elle peut être critiquée,
car elle accroît la charge financière de la société dans son ensemble, et une « idéologie

174 Voy. dans ce sens Gérard Léger, Droit civil, Les obligations, 17 e éd., 2001, p. 148.

163
de la réparation »175, qui multiplie de manière désordonnée ou excessive les recours
en responsabilité. Toutefois, l’on note un certain renouveau de la faute, avec une
décision du Conseil constitutionnel français de 1982176. En outre, cette indemnisation
collective n’écarte pas totalement la responsabilité civile, car elle implique que la
responsabilité de l’auteur du dommage et donc sa faute soit constatée ou, au moins,
déclarée à l’assurance. La socialisation de la responsabilité est, ensuite, consacrée dans
les hypothèses d’indemnisation collective directe. Celle-ci résulte des initiatives prises
par les pouvoirs publics d’indemniser certains dommages, sans que soit
préalablement établie une responsabilité. Ainsi, des fonds de garantie ou
d’indemnisation ont été mis en place. Au Burkina, un fonds d’indemnisation a été
mis en place en 2002 pour la liquidation et le paiement des droits individuels des
victimes de la violence en politique, c’est-à-dire des personnes ayant subi des
préjudices physiques ou moraux dans la conquête ou la gestion du pouvoir ou ayant
été tuées dans ce cadre177.
La seconde manifestation de la remise en cause de la responsabilité civile tient
à la crainte des dommages de masse ou dommages sériels, liés à l’environnement, qui
peuvent résulter des évolutions techniques nouvelles. L’idée fondamentale est que le
développement actuel comporte des risques susceptibles de créer des dommages
irréversibles, qui n’ont leur pareil dans le passé. Comme l’écrit Hans Jonas, « la
promesse de la technique moderne s’est inversée…Ce que l’homme peut faire aujourd’hui et ce que,
par la suite, il sera contraint de continuer à faire de ce pouvoir, n’a pas son équivalent dans
l’expérience passée »178. Ne faut-il pas, au nom du principe de précaution, imposer des
mesures tendant à prévenir ce type de dommages ? Une réponse affirmative mettrait
en cause la responsabilité civile qui repose sur l’existence d’un dommage certain.
Après ce bref aperçu de l’évolution, il est possible d’exposer brièvement les
différentes théories en présence.

§ II : Les théories en présence

175 V. dans ce sens L. Cadiet, Sur les faits et les méfaits de l’idéologie de la réparation, Mélanges P.
Drai, Dalloz 1999, p. 495 et s. ; Denis Mazeaud, Famille et responsabilité, Etude P. Catala, Litec, 2001,
p. 569 et s.
176 Conseil constitutionnel fr., 22 oct. 1982, Dalloz 1983.189, note F. Luchaire : « Le droit français ne

comporte en aucune matière de régime soustrayant à toute réparation les dommages résultant des
fautes civiles imputables à des personnes physiques ou morales de droit privé, quelle que la gravité de
cette faute ».
177 Cf. Décret 2001-275 du 08 juin 2001 portant création, organisation et fonctionnement d’un fonds

d’indemnisation des personnes victimes de la violence en politique ; modifié par le décret 2002-366 du
20 sept. 2002, J.O.BF. du 05 juill. 2001, p. 1161 ; Décret 2001-276 du 08 juin 2001 portant critères et
conditions d’indemnisation des personnes victimes de la violence en politique, J.O.BF du 05 juill.
2001, p. 1162 ; Décret 2002-97 du 05 mars 2002 portant modalités d’indemnisation des personnes
victimes de la violence en politique ; rectifié par le décret 2002-148 du 3 mai 2002, J.O.BF. du 9 mai
2002, p. 693.
178 In Le principe de responsabilité, Une éthique pour la civilisation technologique, cité par François TERRE,

Philippe SIMLER et Yves LEQUETTE, op. cit, n° 693, p. 746.

164
Par les théories, les auteurs veulent expliquer d’une manière cohérente le droit
positif ou le faire évoluer. La responsabilité ayant une fonction préventive,
moralisatrice, voire sanctionnatrice, elle ne peut remplir concrètement son rôle que si
elle fait l’objet d’explications cohérentes, claires et acceptées.
A ce sujet, des réponses ont été apportées par un certain nombre de théories
qui peuvent être classées en deux catégories : les théories principales (A) et les
théories de moindre portée (B).

A- Les principales théories

Il existe deux principales théories, à savoir la théorie de la faute et la théorie du


risque. Il convient de les exposer (1) avant d’apprécier succinctement leur portée (2).

1) L’exposé des deux théories

La théorie de la faute est assurément la première dans l’ordre chronologique


(a). Viennent ensuite les théories objectives (b)

a) La théorie de la faute ou théorie subjective

La responsabilité uniquement fondée sur la faute est dite subjective car elle
s’appuie sur l’analyse du comportement de l’auteur du dommage.
La faute est le fondement classique de la responsabilité civile. Il est certain que
c’est elle qui a inspiré le Code civil de 1804. Il n’y a de responsabilité que s’il y a une
faute volontaire ou involontaire : manque d’adresse, d’habilité, de diligence ou de
prudence dont le résultat pouvait être prévu, au moins confusément. La
responsabilité est ici liée à la culpabilité. Il appartient à la victime de prouver la faute
selon le droit commun de la preuve. Si elle n’y parvient pas, c’est qu’elle subit un
mauvais sort ou la malchance. Dans ce système, un nombre important de
dommages, correspondant à des fautes non prouvées, échappe à la réparation.
Mais dès 1804, on voit que la théorie n’est pas adoptée dans sa pureté : la faute
la plus légère est prise en compte, des présomptions existent. La qualification par la
jurisprudence de certaines de ces dernières en présomptions absolues s’éloigne de
l’idée de faute et se rapproche de la théorie du risque : « Que signifie, en effet, une
responsabilité fondée sur la faute, dans laquelle la preuve, rapportée aussi parfaitement que possible,
d’absence de faute n’est pas libératoire ? »179. Dans le même sens, Josserand note que « la
faute n’a plus d’autre valeur que celle d’un stratagème juridique, d’un procédé

179 Henri de Page, p. 919.

165
technique utilisé en vue d’expliquer artificiellement la naissance de l’obligation
délictuelle ».
Cependant, des auteurs tels que les frères Mazeaud et De Juglart persistent à
fonder toutes les solutions du droit positif sur la faute. Ils font appel à la notion de
faute civile ou de faute sociale, différente de la faute morale, autrement dit, à la faute
objective sans culpabilité : le seul fait de causer un dommage est anormal. Il en est de
même de la faute dans la garde : si le gardien d’une chose est responsable du
dommage qu’elle cause, c’est parce qu’il a nécessairement commis une faute dans la
garde.
C’est pour mieux expliquer les solutions du Code civil et de la jurisprudence et
en même temps élargir la réparation qu’est apparue la théorie du risque.

b) La théorie du risque ou théorie objective

Née à la fin du 19ème siècle à la suite de la multiplication des dommages et pour


améliorer radicalement la situation des victimes, la théorie du risque est défendue par
Saleilles et Josserand180.
Cette théorie fait complètement abstraction de l’idée de faute. Dans la théorie
classique, tout le poids du dommage repose en principe sur la victime, situation qui
est jugée injuste par les auteurs : le hasard ne doit pas fonctionner comme répartiteur
des dommages. La théorie du risque comporte deux variantes.
Selon la première variante, appelée théorie du risque-profit, il est normal et
même conforme à la règle morale que celui qui a le profit d’une activité supporte en
contrepartie la charge des dommages qui en résultent : là où y a le gain, il y a aussi la
charge. Ainsi, l’employeur et le transporteur doivent réparer les dommages résultant
d’accidents du travail ou de la circulation. L’insuffisance de cette première variante
réside dans l’explication des dommages ne provenant pas d’une activité économique
et où le profit paraît absent : par exemple, l’accident causé par un automobiliste qui
va en vacances ou à des funérailles.
C’est pourquoi, une seconde variante de cette théorie, en l’occurrence la
théorie du risque créé, a été proposée. Pour cette seconde variante, peu importe
que l’activité soit lucrative ou non. Tout avantage pécuniaire ou simplement moral,
tel que la joie de se promener, justifie la charge de la réparation.
Diverses critiques ont été adressées à la théorie du risque. D’abord, il s’agit
surtout de la négation totale du rôle de la faute alors que, malgré les artifices, la faute
conserve un rôle non négligeable dans la responsabilité civile. La constatation d’une
faute n’est pas indifférente, même quand elle n’est pas exigée. Ensuite, le recours
systématique à la théorie du risque paralyserait toute activité humaine. Enfin, qu’il
s’agisse du risque-profit ou du risque créé, la victime a également agi en sortant de
chez elle ou profitait également de l’activité créée, comme le salarié qui perçoit une
rémunération de la part de l’employeur.
180R. Saleilles, Le risque professionnel dans le Code civil, Réforme sociale, 1898 ; L. Josserand, La
responsabilité du fait des choses inanimées, 1897.

166
2) La portée des deux théories

Les rédacteurs du Code civil, dont les dispositions relatives à la responsabilité


délictuelle sont pratiquement les mêmes au Burkina, en France et en Belgique, sont
manifestement partis de l’idée de faute. La jurisprudence et la doctrine, dans leur
majorité, y restent attachées, en dépit de l’élargissement de la notion de faute et,
corrélativement, de la responsabilité.
La théorie du risque a une importance moindre, même si elle explique mieux
certaines solutions du Code et surtout de la jurisprudence. Elle a été consacrée par de
nombreuses lois particulières (par exemple, en France la loi du 31 mai 1924
concernant la responsabilité sans faute des exploitants d’aéronefs, la loi du 12
novembre 1955 modifiée prévoyant une responsabilité de plein droit applicable aux
exploitants d’installations et de navires nucléaires). Toutefois, l’évolution récente tend
à lui accorder une place grandissante : en effet, les nombreux cas de présomption de
responsabilité constituent des applications de la théorie du risque : responsabilité du
fait des choses et des animaux, responsabilité des commettants, responsabilité des
père et mère en France depuis 1997, responsabilité générale du fait d’autrui.
Les auteurs concluent souvent sur l’idée selon laquelle les solutions du droit
positif sont un mélange de faute et de risque. Il est d’ailleurs difficile de faire la part
précise revenant à chacune des deux théories.

B-Les théories de moindre importance

Même si elles ne semblent pas être retenues par le droit positif, leurs auteurs
prétendent par elles mieux expliquer les solutions retenues par le droit positif.

1) La théorie du Procureur général Leclercq

Le Procureur général Leclercq est un magistrat belge qui, dans les années 1930,
a voulu donner à la faute une portée plus large afin, disait-il, de répondre aux besoins
de notre époque. Pour lui, la seule atteinte au droit constitue par elle-même une faute
lorsqu’elle provient du fait immédiat de l’homme, c’est-à-dire le dommage provoqué
directement par l’homme ou par une chose maniée par lui. Cette théorie allège le
fardeau de la preuve pesant sur la victime : il suffit de démontrer le dommage et le
fait immédiat de l’homme ; il n’est pas nécessaire d’établir une faute. Cette théorie, de
l’avis d’une bonne partie de la doctrine belge, a très peu influencée les solutions
jurisprudentielles.
2) La théorie de la garantie

167
Développée depuis 1947 par Boris Starck181, cette théorie reproche aux autres
de se placer du seul côté de l’auteur du dommage. Pour lui, il faut se tourner du côté
de la victime qui a subi une atteinte à ses droits : droit à la vie, à son intégrité
corporelle ainsi qu’à celle de ses proches, à l’intégrité de ses biens et, plus
généralement, à sa sécurité matérielle et morale. Sa théorie repose sur une division
des dommages : d’une part, les dommages corporels et matériels qui sont garantis
objectivement sans que l’on exige la preuve de la faute de l’auteur ; d’autre part, les
dommages de nature purement économique ou morale, indépendants de toute
atteinte corporelle ou matérielle, qui ne sont pas garantis en principe, parce qu’ils
sont la suite normale, nécessaire même, de l’exercice du droit d’agir et de nuire que
possède l’auteur du dommage. Ainsi, le droit d’exercer le commerce dans un régime
de libre entreprise permet de faire concurrence à un autre commerçant et
éventuellement de lui nuire en lui retirant tout ou partie de sa clientèle. Pour cette
seconde catégorie de dommages, il est nécessaire d’établir la faute de l’auteur du
dommage.

Bien que prétendant expliquer les solutions du droit positif, cette théorie ne
semble pas avoir inspiré la jurisprudence ni la doctrine, probablement du fait qu’elle
est exagérément complexe. En dehors de la distinction entre les dommages, il y a une
distinction entre les droits qui permettent de nuire et des exceptions à la réparation
systématique des dommages corporels ou matériels : par exemple, en cas de pratique
d’un sport violent comme la boxe, le rugby ou le catch où l’on aurait accepté le
risque. Egalement, pour expliquer que seuls les inconvénients excessifs de voisinage
donnent lieu à responsabilité, bien qu’ils portent atteinte à la sécurité ou à la
tranquillité, on découvre un droit de nuire sur la tête de l’auteur du dommage et il n’y
a alors de responsabilité de l’auteur que s’il a commis une faute. Cela a fait écrire à un
auteur que « cette théorie paraît une construction intellectuelle fictive »182.
Boris Starck prétend lui aussi expliquer les solutions du droit positif. Mais sa
théorie, exagérément complexe et quelque peu artificielle en ce qu’elle crée des droits
nouveaux (droit de nuire au voisinage jusqu’à un certain seuil) et opère une
distinction subtile entre les dommages, n’a pas reçu un grand écho dans la pratique.

3) Les théories mixtes

Ils sont nombreux les auteurs qui estiment que la responsabilité repose
essentiellement sur la faute et accessoirement sur le risque ou qui admettent la dualité
sans prééminence.
Finalement, il y a plus de force dans la critique que dans la construction : la
critique est aisée mais l’art est difficile. On peut penser que l’existence de la

181 Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile en sa double fonction de garantie et de peine
privée, thèse Paris, 1947.
182 Rémy Cabrillac, op. cit., n° 223.

168
responsabilité précède son essence, c’est-à-dire les théories qui tentent de
l’expliquer.
En conclusion, il faut retenir qu’aucun fondement ou aucune théorie
n’explique à lui tout seul l’ensemble du droit de la responsabilité 183. On peut
cependant noter une certaine prééminence de la faute, ne serait-ce que
terminologique ou formelle, une forte présence du risque qui dispute la
prééminence à la faute et constater que dans l’ensemble aucune théorie ne
parvient à expliquer la réalité sans doute en raison du pragmatisme de la
jurisprudence et de l’artifice de certains rattachements. Tout cela est dû en
grande partie au caractère prétorien de ce droit, d’où l’idée de codifier les
grandes règles de la matière184.

183Rémy Cabrillac, op. cit., n° 230.


184En France, la partie relative à la responsabilité civile de l’avant-projet de nouveau Code civil Calala
a été confiée aux professeurs Geneviève Viney et Georges Durry (art. 1340 à 1385-5 avec le maintien
des art. 1386-1 à 1386-18 sur la responsabilité du fait des produits défectueux qui deviendront les art.
1386 à 1386-17).

169
TITRE I : LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE
EXTRACONTRACTUELLE

Pour qu’il y ait responsabilité civile, il est nécessaire que soient réunis trois
éléments : un dommage doit avant tout être constaté ; puis par l’établissement d’un
lien ou rapport de causalité, on pourra remonter au fait dommageable ou fait
générateur de responsabilité.
Devant la diversité des faits générateurs (Sous-Titre II), il apparaît des
constantes de la responsabilité, qui sont le dommage et le lien de causalité (Sous-Titre
I).

170
SOUS-TITRE I : LES CONSTANTES DE LA RESPONSABILITE
EXTRACONTRATUELLE : LE DOMMAGE ET LE LIEN DE
CAUSALITE

Le dommage et le lien de causalité sont des éléments nécessaires et constants


de toute responsabilité civile, qu’il convient d’étudier successivement.

171
CHAPITRE I :LE DOMMAGE

Le dommage peut être défini comme le préjudice (l’atteinte à la vie ou à la


santé, la diminution ou la perte de biens, de richesse ou d’avantages) résultant de la
lésion d’un droit ou d’un intérêt, c’est-à-dire que la victime avait droit à ce que sa
situation ne soit pas détériorée ou empirée ; cet intérêt doit être légitime et
juridiquement protégé.
Le dommage est la première condition de la responsabilité civile. Si un
automobiliste réussit à circuler en tenant sa gauche sans provoquer d’accident, il
n’encourt point de responsabilité civile : certes, il a commis une faute mais il n’a pas
causé de dommage. Seule la responsabilité pénale peut être encourue dans ce cas. La
preuve du dommage doit absolument être établie par celui qui se prétend victime.
L’approfondissement de la problématique185 du dommage passe par une
distinction classique entre les caractères du dommage réparable (Section I) et les
sortes de dommages (Section II).

Section I : Les caractères du dommage réparable

On ne tient pas compte de l’importance du dommage. Cependant, un préjudice


trop insignifiant pourrait se voir opposer la maxime procédurale : pas d’intérêt, pas
d’action, où l’intérêt doit être entendu d’un intérêt sérieux. Pour être rationnellement
réparable, le dommage doit être certain, personnel et direct (1). En plus, il y a une
exigence d’ordre juridique : le dommage doit résulter de la lésion d’un intérêt légitime
(2).
A- Les caractères certain, personnel et direct du dommage

Ces exigences relatives au dommage appellent de brèves précisions.

1) Le dommage doit être certain

Le caractère certain du dommage veut dire que le dommage doit exister, être
réel, vrai, non contestable même si la détermination de son montant peut soulever
des difficultés plus ou moins sérieuses186.
Il n’y a pas de problème lorsque le dommage est actuel : la victime a éprouvé
une perte ou manqué un gain. La situation se complique lorsqu’il s’agit d’un
dommage non actuel. La distinction du préjudice futur réparable et du préjudice
seulement éventuel non réparable se manifeste en cas de perte d’une chance. Est
perdue la chance qu’avait un plaideur de gagner son procès dès lors qu’un auxiliaire
de justice a négligé d’accomplir un acte de procédure en temps utile ; il en va de
même que de celle de gagner une course si le cheval ne peut prendre le départ à cause
d’un retard ou d’un accident, ou encore de la chance de réussir à un examen ou à un
185 Art ou science de poser les problèmes.
186 Voy. infra 2ème partie concernant la mise en œuvre de la responsabilité civile).

172
concours si un accident empêche le candidat de s’y présenter ; enfin est perdue la
chance de mariage si le fiancé décède à la suite d’un accident.
La question se pose de savoir dans quelle mesure ce qui a été perdu n’est pas
seulement éventuel puisque la réussite n’était pas assurée ou garantie. Les tribunaux
ont d’abord été hostiles à la réparation de ce genre de dommage. Puis, ils ont admis la
réparation lorsque la chance était sérieuse, par exemple si le cheval était un
champion, si le candidat présentait de sérieuses références, si la probabilité du
mariage était forte, par exemple si le mariage était programmé et proche. Une
tendance se dessine en faveur d’une prise en compte plus large de la perte de chance
en considérant que la chance perdue valait quelque chose et l’évaluation se fait par
des calculs de probabilité, en fonction des circonstances de chaque cas. Dans ce sens,
le Projet Catala en France retient que « la perte d’une chance constitue un préjudice
réparable distinct de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée »
(art. 1346).

2) Le dommage doit être personnel

Bien que les auteurs n’insistent pas sur cette condition, il est certain que les
tribunaux en tiennent compte, tout comme le font la procédure pénale et la
procédure civile. Selon le code de procédure pénale, l’action civile appartient à tous
ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l’infraction. « Chacun
pour soi ». Un particulier ne peut saisir un tribunal que dans la mesure où le trouble
qu’il dénonce l’atteint dans ses intérêts propres. Cette condition exclut qu’une
personne quelconque puisse poursuivre le responsable en cas d’abstention ou
d’inaction de la victime.
Ce caractère ne fait difficulté que pour les dommages collectifs subis par les
personnes morales telles que les syndicats professionnels et les associations, en
particulier les associations de consommateurs. Bien que leurs actions ne soient pas
aussi largement admises que celles des personnes physiques, on doit admettre qu’il
s’agit d’un dommage personnel consistant dans la lésion portée à l’intérêt collectif
qu’elles représentent. En général, il faut qu’une loi, comme en France la loi Royer de
1973, les autorise à agir en justice187.

187 Il n’est prévu en droit positif que la saisine de la Commission nationale de la concurrence et de la
consommation et non celle de la justice. Ainsi, selon l’article 10 de la 016-2017/AN du 27 avril 2017
portant organisation de la concurrence au Burkina Faso est libellé comme suit : « Pour les faits
susceptibles d’infractions au sens de la présente loi, la commission nationale de la concurrence et de la
consommation est saisie à l'initiative de l'administration ; des organes communautaires en charge de la
concurrence et de la protection des consommateurs ; du parlement ; des consommateurs et des
associations de consommateurs légalement reconnues ; des entreprises ou groupements d’entreprises
légalement constitués ; des organisations professionnelles et syndicales ; etc.
La commission nationale de la concurrence et de la consommation peut se saisir d'office des mêmes
faits ».

173
3) Le dommage doit être direct

Cette condition évoque le lien de causalité qui sera étudié ultérieurement. Dans
tous les cas, le bon sens, l’équité et la justice exigent que l’on ne fasse pas supporter à
quelqu’un toutes les conséquences lointaines de son acte, même fautif. Sur cette voie,
on ne sait plus où l’on s’arrêterait. On ne se sentirait d’ailleurs plus responsable au
sens moral alors que la responsabilité comporte également un aspect préventif et
punitif qui suppose que l’on perçoive un rapport net entre la faute (ou le fait) et le
dommage.
Cette condition évoque à un autre niveau le problème du dommage par
ricochet ou au second degré. Par exemple, une personne accidentée décède. Elle est
la victime directe. Ses héritiers recueillent son action dans la succession et peuvent
agir en tant que continuateurs de sa personne. Mais ils peuvent agir à un titre propre
pour le dommage matériel (perte de subsides ou d’aliments) ou pour le dommage
moral (la douleur qu’ils éprouvent pour la mort de cet être cher). Dans son dernier
état, la jurisprudence admet la réparation du dommage par ricochet s’il remplit les
mêmes conditions que celui du dommage subi par la victime directe (certain,
personnel…).

B- Le caractère légitime de l’intérêt

Le dommage doit résulter de la violation d’un intérêt légitime juridiquement


protégé. L’exigence d’un intérêt légitime rappelle en tout premier lieu la règle de
procédure selon laquelle l’action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt
légitime au succès ou au rejet d’une prétention188. D’autre part, elle est un écho de la
maxime nemo auditur propriam turpitudinem allegans (nul ne peut être entendu qui allègue
ou avance sa propre turpitude). Ainsi, selon l’art. 1965 du Code civil, la loi n’accorde
aucune action pour une dette de jeu ou pour le payement d’un pari.
Pour aborder de plus près la question, il y a lieu d’examiner successivement la
jurisprudence française, la jurisprudence belge, la jurisprudence burkinabè.

1) La jurisprudence française

Pendant longtemps, la jurisprudence a refusé la possibilité d’agir en justice à


tous ceux qui n’étaient pas liés à la victime par une créance alimentaire pour la
réparation du préjudice matériel en cas d’accident mortel subi par la victime. Il ne
suffit pas que la victime se soit effectivement occupée de la personne. Il faut que
cette dernière ait un droit contre la victime. Pour la réparation du préjudice moral,
elle exigeait un lien de parenté.

188 Article 12 du Code de procédure civile burkinabè (Loi 22-99/ du 18 mai 1999)

174
La jurisprudence a évolué sur ces questions, notamment à propos des
concubins. Doit-on admettre la réparation du dommage subi par un concubin
consistant dans la perte de la chance de continuer la vie commune lorsque l’un d’eux
meurt à la suite d’un accident ?
Avant 1937, la question était diversement résolue par les juges du fond.
A partir de 1937, la Chambre civile de la Cour de cassation française 189 a refusé
toute réparation au motif que, par leur irrégularité même, les relations de
concubinage ne peuvent présenter le caractère d’intérêts légitimes juridiquement
protégés. Appelée à se prononcer sur la question lorsque l’action civile était jointe à
l’action publique, la chambre criminelle de la Cour de cassation190 décidait que le
concubin survivant pouvait prétendre à des dommages et intérêts lorsque le
concubinage brisé était stable et non adultérin.
Pour mettre fin à la divergence, une Chambre mixte le 27 février 1970 a noté
qu’aucun lien de droit entre défunt et demandeur n’est nécessaire et qu’en l’espèce, le
concubinage ne présentait pas de caractère délictueux191.
La Chambre criminelle en 1975 laissait supposer que, même en cas
d’adultère, la concubine pouvait obtenir des dommages et intérêts si la femme
légitime n’a pas porté plainte192. Or, avec la loi française du 11 juillet 1975, le délit
d’adultère n’existe plus. Par conséquent, la réserve consistant en la plainte de l’épouse
légitime ne peut plus jouer.
Au terme de cette évolution, seule la condition de stabilité du concubinage est
exigée, de sorte que le concubin qui peut démontrer cette condition est légitime à
demander une indemnisation.
La condition de légitimité du dommage n’est pas pour autant entièrement
abandonnée. Elle subsiste dans certaines hypothèses où la victime s’est mise en
situation illicite ou a commis une infraction. Ainsi, il a jugé comme irréparable le
préjudice résultant de la perte de la rémunération ou de gains illicites (les
rémunérations ou profits tirés d’un travail non déclaré ou le gain d’un jeu interdit).

La question d’actualité sur ce plan est relative à la naissance d’un enfant avec
un handicap. En l’espèce, une femme enceinte qui présentait les symptômes de la
rubéole avait manifesté son intention de recourir à l’interruption volontaire de
grossesse en cas d’infection. Les erreurs commises par le médecin et le laboratoire de
biologie lui ont fait croire qu’elle était immunisée. Conformément à une solution déjà
admise par la Cour de cassation, les juges du fond ont décidé que les parents
subissent un préjudice réparable du fait que les fautes médicales les ont privés de la
possibilité de prendre une décision éclairée concernant une interruption volontaire de
grossesse et qu’ils doivent assumer le grave handicap de leur enfant. La Cour de
cassation a jugé que les fautes médicales ayant empêché la mère « d’exercer son choix

189 Civ, 27 juillet 1937, Dalloz, 1938, 1, 5.


190 Crim., 26 juin 1958, RTD Civil 1959, 534.
191 Gaudras contre Dangereux, Ch. Mixte, 27 février 1970, Dalloz 1970, 201.
192 19 juin 1975, Dalloz 75, 679.

175
d’interrompre la grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap,
ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé
par les fautes retenues »193. Cet arrêt a fait couler beaucoup d’encre : certains auteurs
le trouvent non fondé et indéfendable tandis que d’autres l’approuvent.

2) La jurisprudence belge

Elle a également évolué de la notion de dommage lésion d’un droit à celle de


dommage lésion d’un simple intérêt. Selon la Cour de cassation belge, « le dommage
est un élément de pur fait qui consiste dans une diminution d’avoir ou la privation
d’un avantage »194. Ainsi, nonobstant le caractère purement bénévole de l’entretien
journalier presté par un frère à ses deux sœurs (non infirmes), la Cour décide que
celles-ci « avaient un droit à ne pas être privées de l’avantage que la victime leur
octroyait sans pouvoir y être contrainte légalement ».
Cette évolution commune à la France et à la Belgique pourrait inspirer les
juridictions burkinabè. Elle est approuvée par certains parce qu’équitable et
condamnée par d’autres parce que prenant en compte les situations instables ne
constituant pas un droit. Critiquant cette solution, l’auteur belge Henri De Page se
demande « comment écarter du prétoire le fournisseur dont le meilleur client est tué
dans un accident imputable à la faute d’un tiers. Lui aussi n’est-il pas gravement lésé
dans ses "intérêts" ?»195.
3) La jurisprudence burkinabè

La jurisprudence burkinabè, à notre connaissance du moins, n’a pas eu à


résoudre directement la question. Le TPI de Ouagadougou, dans un jugement de sa
première chambre civile du 28 septembre 1967, a accordé réparation à une femme
dont le mari était décédé à la suite d’un accident alors qu’elle n’était pas en mesure de
produire un acte de mariage. Le tribunal s’est peut-être situé sur le terrain du mariage
coutumier, reconnu avant l’adoption du CPF, et dont la preuve n’exigeait pas la
production d’un acte de l’état civil.
Le même tribunal, dans un jugement civil du 26 septembre 1973, accordait des
dommages-intérêts à des personnes expulsées de leur maison en reconnaissant
qu'elles n'avaient aucun droit puisqu'elles devaient libérer les lieux dès la première
réquisition de l’administration (terrains non lotis).
Dans l’ensemble, si la jurisprudence burkinabè n’a pas eu à dire qu’il n’était pas
nécessaire que l’intérêt soit légitime, elle ne pose nulle part cette exigence.
En conclusion sur le droit positif, il faut noter que la lésion d’un intérêt
semble suffire pour constituer le dommage réparable. L’exigence qu’il soit légitime et
juridiquement protégé exprimerait seulement l’idée d’un refus d’action à certaines
situations qui sont contraires au droit ou à la morale. Ainsi, le tenancier d’une maison

193 Assemblée plénière, 17 novembre 2000, Dalloz 2000, 332, notes D. Mazeaud et P. Jourdain.
194 2 mai 1955, Pasicrisie 1955, I, 950.
195 Traité élémentaire de Droit civil belge, Bruylant, 1964.

176
de jeux clandestins ou d’une maison de tolérance ou de chambres de passage
n’obtiendra pas réparation si, par le fait d’autrui, son local est détruit et que tarissent
ainsi les sources de substantiels bénéfices.

Section II : Les différentes sortes de dommages

Il existe plusieurs catégories de dommage. Il peut s’agir du dommage subi par


la victime directe (§ I) ou de celui souffert par répercussion du premier dommage, en
l’occurrence le préjudice indirect ou par ricochet (§ II). Par ailleurs, le préjudice peut
être collectif (§ III) ou être de nature écologique (§ IV).

§ I. Les dommages des victimes directes

La victime directe est la personne qui souffre directement des dommages


causés. Ceux-ci peuvent être rangés dans deux grands groupes : les préjudices
patrimoniaux (A) et les préjudices extrapatrimoniaux (B).

A. Les dommages patrimoniaux

Les dommages patrimoniaux sont ceux qui sont directement susceptibles


d’évaluation pécuniaire. Ils peuvent consister, d’abord, en une perte éprouvée
(damnum emergans). Celle-ci se manifeste de deux façons. Il peut, en premier lieu, s’agir
d’un appauvrissement pécuniaire de la victime qui provient de l’atteinte matérielle à
un bien (destruction ou détérioration), des pertes d’exploitation ou des dépenses ou
frais exposés par la victime. En second lieu, la perte subie peut se traduire par les
conséquences pécuniaires résultant d’une atteinte à l’intégrité physique, comme les
frais de soin ou les pertes de revenus consécutifs à la diminution de la capacité
physique ou à l’invalidité.
Les dommages patrimoniaux peuvent consister, ensuite, en un gain manqué
(lucrum cessans) qui est une privation de l’enrichissement auquel pouvait s’attendre la
victime (Bonne affaire manquée, perte de chiffres d’affaires…).

B. Les dommages extraptrimoniaux

Les dommages extrapatrimoniaux sont ceux qui portent atteinte à un intérêt


moral et ne sont pas immédiatement susceptibles d’évaluation pécuniaire. Une partie
de la doctrine s’est insurgée contre l’indemnisation de cette catégorie de préjudice.
Selon elle, la réparation de celle-ci serait impossible (on efface par une indemnité les
souffrances d’ordre moral), choquante (car cela revient à monnayer la souffrance) ou
difficile (car l’évaluation du dommage serait difficile). Toutefois, la jurisprudence n’a
pas hésité à admettre l’indemnisation des dommages extrapatrimoniaux196.

196 Cass. (Chambres réunies), 25 juin 1833, S. 1833, I, 458.

177
Les dommages extrapatrimoniaux peuvent être rangés en deux catégories
principales. La première concerne les atteintes à un droit extrapatrimonial (droit à
l’honneur par la diffamation ou l’injure, droit à la vie privée par la révélation non
autorisées, droit à l’image par la diffusion d’images non autorisés). La seconde
catégorie de préjudices extrapatrimoniaux a trait aux atteintes à l’intégrité corporelle
de la personne. Il en ainsi du préjudice né des souffrances physiques consécutives
aux blessures ou à une intervention chirurgicale (pretium doloris), du préjudice
esthétique en cas de mutilation ou de cicatrices et du préjudice d’agrément consistant
en la privation des plaisirs spécifiques (pratique d’un sport ou d’une activité
déterminée) liée à un handicap physique. Ce dernier préjudice se subdivise en
préjudice sexuel, en préjudice d’établissement et en préjudice tenant au déficit
fonctionnel (atteinte aux fonctions physiologiques de l’organisme).

§ II. Les dommages par ricochet

Les dommages par ricochet, nommés également dommages réfléchis, sont des
préjudices subis par des personnes du fait des dommages causés à la victime directe.
Ils peuvent être patrimoniaux ou extrapatrimoniaux.
Les dommages patrimoniaux sont, tout d’abord, constitués par la perte des
subsides versées par la victime à ses proches (parents, époux, concubins, enfants…).
L’indemnisation de ce préjudice est subordonnée au décès de la victime et à la preuve
du versement effectif des subsides et du maintien probable d’un tel versement après
le décès. Ils impliquent, en outre, les dommages économiques liés aux dépenses
effectuées par les proches (frais médicaux, frais funéraires…) et la perte éprouvée par
les collaborateurs de la victime (associés, employeurs, créanciers …) en raison de la
privation des services résultant du décès ou de l’invalidité. Mais la jurisprudence se
montre réservée quant à l’indemnisation de ce dernier préjudice. Enfin, il peut s’agir
de compenser l’assistance procurée par les proches à la victime, au delà de ce réclame
l’exécution des obligations auxquelles ces derniers sont tenus (obligation d’assistance
et de secours pour l’époux, obligations légales entre parents et enfants).
Les dommages extrapatrimoniaux consistent essentiellement au préjudice
d’affection (pretium affectionis). Ce dernier résulte le chagrin ou les sentiments
ressentis en raison de la perte d’un être cher ou le spectacle de la souffrance ou de
l’infirmité de ce dernier. L’indemnisation de ce préjudice a suscité l’indignation d’une
partie de la doctrine qui reproche aux victimes par ricochet de vouloir monnayer
leurs larmes ou « tarir leur chagrin avec de l’argent ». La jurisprudence a cependant
admis une telle indemnisation tout en essayant de lui fixer, sans beaucoup de succès,
des bornes. Ainsi, elle a d’abord conditionné la réparation à l’existence d’un lien de
parenté ou d’alliance. Cette condition fût cependant abandonnée, le préjudice étant
une question de fait. Ensuite, elle a tenté de limiter l’indemnisation au cas de décès de
la victime directe. Une nouvelle fois, elle a dû reculer puisqu’elle a admis la
réparation en cas de survie de cette dernière lorsque les blessures sont d’une

178
exceptionnelle gravité. Aujourd’hui, plus aucune limite juridique n’existe pour
l’indemnisation du préjudice d’affectation.

§ III. Le dommage collectif

Il ne fait guère de doute que les groupements dotés de la personnalité peuvent


invoquer un préjudice personnel. On peut cependant se demander s’ils peuvent se
prévaloir d’une atteinte à des intérêts collectifs dont ils sont les défenseurs. Ces
intérêts sont, en effet, bien différents de ceux de la personne morale et ceux des
membres de cette dernière. Si on admettait une telle possibilité, ces groupements
pourraient concurrencer le ministère public dans la défense de l’intérêt général,
notamment lorsque l’action civile est introduite devant les juridictions pénales. Dans
un premier temps, la jurisprudence se montrer défavorable à l’action en réparation
des dommages collectifs intentée par les groupements197. Ainsi, en dehors des cas
d’habilitations légales, la jurisprudence n’a autorisé la défense des intérêts collectifs
qu’aux seules associations dont l’objet statutaire consiste en la défense des intérêts
collectifs de leurs membres. Encore faut-il relever que cette action est fondée sur le
mandat tacite. Aujourd’hui, il semble que la jurisprudence se montre favorable aux
actions intentées par les associations pour la défense des intérêts collectifs qui
transcendent les intérêts de leurs membres si tel est l’objet de ces associations
(associations de lutte contre le racisme, l’alcoolisme, le tabagisme ; les associations de
protection de l’environnement ou de la famille…).

§ IV. Le dommage écologique

Le dommage écologique résulte des atteintes portées à l’environnement et des


nuisances diverses. Il peut affecter les personnes (pécheurs, les habitants d’un
quartier) ; mais il peut toucher également le milieu naturel, c’est-à-dire les espèces, les
sols, les eaux, l’écosystème…Dans ce dernier cas, le dommage est qualifié de
« préjudice écologique pur ». En France, la Cour de cassation, dans l’affaire Erika, a
en ce sens admis que des indemnités soient allouées en raison d’une « atteinte directe
ou indirecte portée à l’environnement »198.
Le problème se pose de savoir qui peut en demander la réparation dans la
mesure où la nature n’a pas de personnalité juridique. En droit français, la
jurisprudence a parfois reconnu aux associations de protection de l’environnement la
possibilité de demander la réparation du préjudice écologique pur.

197Ch. réun., 15 juin 1923, DP 1923. I.153, S. 1924.I. 49.


198Crim. 25 septembre 2012, Gaz. Pal., sept. Oct., p. 2757, note B. Parance, JCP 2012, 1243, note K.
Le Kouviour, D. 2012, p. 2711, note Ph. Delebecque, RTDciv. 2013, p. 119, obs. P. Jourdain.

179
CHAPITRE II : LE LIEN DE CAUSALITE

Le lien de causalité est une question importante de la responsabilité civile,


surtout en doctrine, car la jurisprudence, par pragmatisme et sagesse, ne s’y attarde
pas souvent.
Le lien de causalité (ou relation causale ou rapport de cause à effet) existe si
en l’absence du fait incriminé (relevé), le dommage ne se serait pas produit.
Cette définition, qui se veut générale, contient déjà une connotation partisane du fait
qu’elle se rapproche un peu trop de la théorie de l’équivalence des conditions. Il ne
suffit pas qu’il y ait un dommage et un fait générateur de responsabilité : il faut qu’un
lien de cause à effet les unisse ; autrement dit, il faut que le fait générateur soit la
cause du dommage, sa cause efficiente.
Il faut souligner que l’article 1382 du code civil, qui dispose que « tout fait
quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui… », exige bien
un lien de causalité.
Dans l’examen de cette question, il est possible d’étudier : d’abord, la
problématique, les caractères et la preuve du lien de causalité (Section I) ; ensuite, les
théories en présence et le droit positif (Section II) ; enfin, l’hypothèse de la pluralité
d’auteurs ou de causes (Section III).

Section I : La problématique, les caractères et la preuve du lien de


causalité

Seront successivement abordés la problématique (§ I) les caractères (§ II) et la


preuve du lien de causalité (§ III).

§ I : La problématique

Le lien de causalité soulève de grandes difficultés. Lorsqu’on va au fond des


choses, il est à peu près impossible de déterminer, dans l’ensemble des événements
qui ont précédé un dommage, qui l’ont préparé et qui y ont concouru, celui d’entre
eux qui a vraiment joué le rôle de cause. En général, tous se combinent si bien entre
eux que sans l’un d’eux, apparemment secondaire, la chaîne aurait été rompue et le
dommage ne se serait pas produit. En plus, si on y ajoutait le sort, le destin, le hasard,
la fatalité…, on voit que la question semble insoluble d’un point de vue purement
scientifique.
§ II : Les caractères du lien de causalité

180
La jurisprudence exige que le lien de causalité soit certain (A) et direct (B).

A- Le rapport de causalité doit être certain

C’est dire qu’il doit exister, être incontestable et être démontré. Si la preuve
n’est pas faite parce qu’impossible, la demande en réparation est rejetée : par
exemple, au cours d’une battue, deux chasseurs tirent en même temps et un tiers est
blessé sans que l’on puisse savoir qui l’a atteint, en principe aucun ne peut être
condamné199. Parce qu’il n’y a pas de présomption de causalité. Par faveur pour la
victime, on s’oriente vers la responsabilité du fait des choses : les chasseurs ayant la
garde de leurs fusils, c’est à chacun d’eux d’apporter la preuve de la non-intervention
de son fusil, sinon ils sont solidairement responsables. Pour les groupements
personnalisés (sociétés civiles ou commerciales, associations…), la responsabilité de
la personne morale est admise dès que sont en cause des actes de ses organes.

B- Le rapport de causalité doit être direct

La jurisprudence ne retient la responsabilité que pour les dommages qui sont


une suite immédiate et directe (directe et nécessaire) du fait dommageable. Pour fixer
le point de rupture, les tribunaux recourent au bon sens, à l’existence d’une faute ou
d’une assurance.
§ III : La preuve

C’est à celui qui prétend – demandeur ou victime – qu’un fait générateur de


responsabilité lui a causé un dommage d’apporter la preuve du lien de causalité
existant entre le fait et le dommage. C’est une preuve assez difficile d’un point de vue
purement scientifique. Mais le droit n’étant pas une science exacte n’exige pas une
preuve parfaite.
D’abord, il suffit que la victime apporte des éléments rendant sa prétention
suffisamment vraisemblable, quitte à ce que le défendeur combatte cette
vraisemblance en faisant valoir d’autres faits.
Ensuite, la victime bénéficie de véritables présomptions posées par la
jurisprudence. Ainsi, dans la responsabilité du fait des choses, il suffit de prouver
l’intervention de la chose pour que celle-ci soit réputée être l’une des causes du
dommage. C’est au défendeur de démontrer une cause extérieure (force majeure, fait
d’un tiers, fait de la victime…). En cas de faute intentionnelle prouvée, la preuve de

199 Cass. fr., civ., 29 septembre 1941, Dalloz 41, 2, 437 ; également Carbonnier, Weill et Terré.

181
l’existence du dommage suffit. En effet, si tout s’est déroulé selon les prévisions de
l’auteur, il est normal de lui imputer les conséquences de son fait.

Section II : Les théories en présence et le droit positif

Le problème posé est de rattacher un dommage à un ou plusieurs faits


déterminés. Autrement dit, il s’agit de savoir si un fait précis a été la cause efficiente
ou agissante du dommage.
Par exemple, une agence de voyage prend en location un car auprès d’une
entreprise de location de véhicules. L’agence trouve un chauffeur pour conduire ses
touristes. A un virage dangereux, le car dérape et plusieurs touristes sont blessés et
quelques-uns uns meurent.
On relève :
- que le car avait les pneus lisses ;
- que le virage n’était pas signalé ;
- que le chauffeur était en état d’ébriété, ce qui sans doute ne lui a pas permis
de ralentir à temps pour tenir compte du virage.
Quelle est la cause du dommage consistant dans les blessures et la mort des
touristes ?
Des théories proposent des principes pouvant guider dans la recherche d’une
solution (§ I). Il convient d’examiner les théories en présence et l’accueil que leur fait
le droit positif (§ II).
§ I : Les théories en présence

Deux principales théories se partagent les faveurs de la doctrine : la théorie de


l’équivalence des conditions (A) et la théorie de la causalité adéquate (B). Mais il y a
d’autres théories qui semblent être abandonnées (C).

A- La théorie de l’équivalence des conditions (ou des causes)

Elle a été développée par l’auteur allemand Von Buri en 1885. Pour cette
théorie, tous les événements qui ont conditionné le dommage sont équivalents ; tous
en sont à titre égal la cause. Tout fait sans lequel le dommage ne se serait pas produit
peut en être dit la cause, et l’auteur du fait peut dès lors être obligé à réparer l’entier
dommage200.

200 Selon le Pr Gérard Légier (op. cit., p. 165), « tout événement qui est une condition du dommage,
c’est-à-dire sans lequel il n’aurait pu se produire, est considérée comme une cause et oblige son auteur
à une réparation intégrale ».

182
Cette théorie présente un grand intérêt pour la victime qui a ainsi de fortes
chances d’être indemnisée. Ainsi, dans l’exemple ci-dessus, la victime pourrait
engager, solidairement ou individuellement (dans ce dernier en s’en prenant à une
personne solvable qui peut prendre l’ensemble du dommage en charge), la
responsabilité :
- de l’entreprise de location de véhicules, qui a loué un car aux pneus lisses ;
- du chauffeur en état d’ébriété et de celui qui est son commettant, à savoir
l’agence de voyage ;
- l’Etat ou la collectivité publique responsable du bon état des routes.
Dans la pratique, certains événements ou causes pourraient de fait être
privilégiés, ce qui tendrait à rapprocher la théorie de l’équivalence des conditions de
celle de la causalité adéquate.

B- La théorie de la causalité adéquate

Elle est inspirée de l’Allemand Von Kries à la fin du 19e siècle. C’est une
théorie qui s’oppose à la précédente parce qu’elle est plus sélective. Elle ne retiendra
dans les éléments ayant concouru à la réalisation du dommage que celui ou ceux qui,
suivant le cours normal des choses, ou la suite naturelle des événements entraînent
des dommages de l’espèce considérée, par opposition aux causes qui n’entraînent un
tel dommage que par suite de circonstances extraordinaires (comme gifler quelqu’un
qui meurt). Dans l’exemple ci-dessus, l’état d’ébriété pourrait être considéré comme
la cause adéquate de l’accident. Il y a cependant de sérieuses difficultés de mise en
œuvre.
On retiendra cependant qu’il y a des théories abandonnées.

C- Les théories abandonnées

Il faut signaler l’existence de théories qui n’ont plus de défenseurs. On note :


- d’abord la théorie de la causa proxima, ou de la proximité de la cause, qui
retient comme cause l’événement qui est le plus proche dans le temps parmi ceux qui
ont conditionné le dommage ;
- ensuite, la théorie de la causa remota qui retient le premier élément de la
chaîne (difficile à découvrir car il faudrait peut-être savoir ce qui a entraîné le
chauffeur à boire).

§ II : L’accueil des théories en présence en droit positif

Il convient d’examiner sommairement cette question sous l’angle droit belge


(A), du droit français (B) et du droit burkinabè (C).

A- En droit belge

183
La jurisprudence retient assez nettement la théorie de l’équivalence des
conditions. Ainsi, la Cour d’appel de Gand soutient “que le juge du fond peut
considérer comme cause chaque circonstance sans laquelle le fait ne se serait pas
produit, tel qu’il a eu lieu”201. La Cour de cassation belge a décidé qu’il y a une
relation causale entre une faute et un dommage lorsque, sans la faute, ledit dommage
ne se serait pas réalisé de la manière dont il s’est produit 202.
Systématisant cette solution, de Page pose trois règles :
- dans la survenance d’un dommage, la causalité multiple est sans influence dès
l’instant où, parmi les événements qui ont concouru à la création du dommage, se
trouve une faute ;
- la relation causale, une fois établie, peut donner naissance à de multiples
effets (plusieurs dommages : matériel, moral, assurance, Etat) ;
- le lien qui unit dans l’ensemble des conditions la faute au dommage doit
revêtir un caractère de nécessité (même s’il est indirect ou médiat).

B- En droit français

La doctrine dans sa majorité, et pendant longtemps, a soutenu que la


jurisprudence est nettement favorable à la théorie de la causalité adéquate. L’examen
de la jurisprudence française ne permet pas de tirer une réponse aussi catégorique 203.
Par exemple, la Cour de cassation n’a pas retenu la responsabilité du propriétaire
d’un scooter pour l’accident causé par celui à qui il avait permis d’utiliser son engin
tout en connaissant sa débilité mentale et le fait qu’il ne possédait pas un permis de
conduire. Par contre, elle a retenu la responsabilité du propriétaire d’un local qui avait
laissé à la disposition de ses visiteurs des pétards que l’un d’eux a jeté dans l’ascenseur
blessant un tiers. On retiendra que dans la première affaire, l’absence d’un permis
empêchait le jeu de l’assurance tandis que dans le second cas, le propriétaire était bel
et bien assuré pour cette responsabilité.
Mais, en dernièrement, la jurisprudence française semble nettement s’être
penchée en faveur de l’équivalence des conditions, qui est plus favorable à la victime,
ce qui est plus conforme à l’évolution laquelle tend à une plus grande protection de la
victime. Ainsi, un arrêt de la Cour de cassation retient que la « pluralité de causes…
n’est pas de nature à faire obstacle à l’indemnisation de l’entier dommage par l’auteur
initial, par application du principe de l’équivalence des causes dans la production du
même dommage en matière de responsabilité délictuelle »204. Le suicide d’une

201 28 février 1910, Pasicrisie 1910, II, 119.


202 12 fév. 1971, Pas., 1971, I, 537.
203 Voy. dans ce sens Boris Starck, Droit Civil, Les obligations, Litec, 1972, p. 268.
204 Civ. 2e, 27 mars 2003, JCP 2004, I, 1012, n° 3, obs. G. Viney.

Le professeur Cabrillac écrit que « la jurisprudence semble aujourd’hui privilégier implicitement la


théorie de l’équivalence des conditions en affirmant que le lien de causalité existe dès lors qu’en

184
personne gravement blessée dans un accident de la circulation est imputable à
l’auteur de l’accident205. L’auteur d’un accident à la suite duquel une personne a été
transportée à l’hôpital, a été transfusée et a été contaminée est responsable de la
contamination206. Mais les choses ne sont pas toujours bien tranchées : c’est ainsi
qu’une personne qui a facilité un vol parce qu’il a laissé ses clés dans sa voiture n’est
pas responsable du dommage causé par le voleur207.
C’est pourquoi, des auteurs soutiennent que la jurisprudence ne s’appuie pas
nécessairement sur les théories.
C- En droit burkinabè

La formulation des arrêts publiés de la Cour suprême et celle des jugements du


Tribunal de première instance, devenue TGI en 1993, de Ouagadougou ne permet
pas de conclure à l’adoption de l’une ou l’autre théorie. Il est certain que la
jurisprudence admet assez largement l’existence du lien de causalité. Elle semble
s’inspirer beaucoup de la jurisprudence française. L’arrêt de la Cour suprême,
Chambre judiciaire, du 13 février 1976 évoque une jurisprudence constante et cite
dans ce sens un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 25 octobre 1949 (responsabilité
du fait des choses : aucun contact matériel entre le véhicule, cause du dommage, et la
victime n’est nécessaire).
En conclusion, les théories sont tranchées mais la pratique rapproche les
différents droits positifs. En effet, les juges semblent se fier à leur bon sens en tenant
compte de l'existence ou non d'une faute, de son caractère intentionnel, de l’existence
d’une assurance... C’est en quelque sorte au second degré que les théories interfèrent.

Section III : La pluralité d’auteurs et la pluralité de causes

Les deux hypothèses doivent être distinguées et abordées successivement.

§ I : La pluralité d’auteurs

Lorsque le fait fautif constitue une infraction, l’article 214-22 du nouveau Code
Pénal burkinabè (Loi 025-2018/AN du 31 mai 2018) instaure la solidarité entre les
coresponsables de sorte que la victime, dont la situation est très favorable, peut
obtenir réparation de l’un quelconque d’entre eux, quitte à ce que celui qui aura payé
se retourne contre les autres. Ledit article est ainsi libellé : « Toutes les personnes
condamnées pour un même crime ou pour un même délit sont tenues solidairement

l’absence de la survenance du fait retenu contre le défendeur, le dommage ne serait pas produit » (op.
cit., n° 323.
205 Crim. 14 janv. 1971, Dalloz 1971, 164.
206 Civ. 1ère, 17 fév. 1993, JCP 1994, II, 22226, note Dorsner-Dolivet.
207 Civ. 2e, 20 déc. 1972, JCP 1973, II, 17541, note Dejean de La Batte ; Civ. 2e, 17 mars 1977, Bull.

civ., n° 91 (le propriétaire d’une pelleteuse laissée avec la clé de contact n’est pas responsable des
dommages causés par le voleur avec l’engin).

185
des amendes, des restitutions, des dommages-intérêts et des frais. » Cette disposition
est interprétée de manière large par la jurisprudence. Elle s’applique en particulier aux
délits en matière fiscale. Dans tous les cas, il est nécessaire qu’il y ait une infraction.
Lorsqu’il n’y a pas d’infraction, la solidarité prévue par le Code pénal ne peut
jouer. Par faveur pour la victime, la jurisprudence a créé l’obligation in solidum ou
solidarité imparfaite qui permet à la victime de ne pas devoir diviser ses recours et
d’obtenir réparation de l’un quelconque des responsables, qui pourra se retourner
contre les autres. L’obligation in solidum comporte les effets essentiels de la solidarité
mais non les effets secondaires qui supposent l’idée de représentation réciproque,
comme ceux prévus par les articles 1206 et 1207 du Code civil (1206 : les poursuites
interrompant la prescription contre l’un sont valables à l’égard de tous ; 1207 : la
demande d’intérêt formée contre l’un est valable à l’égard de tous).
L’obligation in solidum joue dans les hypothèses suivantes :
- intervention prouvée de plusieurs personnes, de plusieurs choses ;
- faute collective de tous les participants : dans la pratique des jeux dangereux
(ou même non dangereux), si un tiers ou même un participant est blessé, la
responsabilité partielle du groupe est engagée ;
- garde collective (ballon de rugby, football) garde des fusils en cas de
chasse…).
Quant aux rapports entre coauteurs, ils sont complexes : s’ils sont tous tenus
sur la base de la faute (art. 1382), celui qui a payé peut se retourner contre les autres
et la répartition est fonction de la gravité de la faute de chacun ; s’il s’agit d’une
responsabilité du fait des choses, la répartition se fait par tête ; celui qui est tenu sur
la base de la faute ne peut se retourner contre celui qui est responsable sur la base de
1384, alinéa 1er. En plus de la subrogation, celui qui a payé dispose d’une action
personnelle lui permettant de poursuivre un coauteur que la victime a renoncé à
poursuivre208.
§ II : La pluralité de causes

C’est un problème complexe ayant donné lieu à des solutions approuvées ou


critiquées par les auteurs selon leurs conceptions en matière de fondement de la
responsabilité civile et du lien de causalité.
En droit français et en droit burkinabè, on peut poser le principe suivant lequel
à une causalité partielle répond une responsabilité partielle. Dans son arrêt du
14 décembre 1973, la Chambre judiciaire de la Cour suprême a eu à affirmer que
« l’auteur d’un accident n’est tenu d’en réparer les conséquences que dans la limite de
ce dont il est responsable ».
Il convient d’examiner quelques hypothèses de pluralité des causes. Mais il y a
de préciser qu’aucune des causes ne doit être nettement exclusive puisque, dans ce
cas, le problème de pluralité ne se poserait pas. On peut noter les hypothèses
suivantes :

208 Rémy Cabrillac, op. cit., n° 267.

186
- la force majeure et le fait de la victime : la victime supporte les conséquences
du choix du destin ;
- la force majeure et le fait du défendeur : le défendeur ne supportera que sa
part de responsabilité ; c’est la solution retenue par l’arrêt Lamoricière de la Cour de
cassation française, chambre com., du 19 juin 1951209, solution critiquée car avec la
théorie de l’équivalence des conditions, la responsabilité du défendeur est intégrale ;
- le fait du défendeur et le fait de la victime : c’est une responsabilité partagée si
le fait de la victime constitue une faute ;
- le fait du défendeur et le fait d’un tiers : on tombe dans l’hypothèse d’une
pluralité d’auteurs ; le défendeur peut être tenu pour le tout, quitte à se retourner
contre le tiers.

En conclusion sur ce chapitre, il faut retenir que :


- la faveur pour la victime a conduit à l’élargissement de la responsabilité par
l’élargissement de la notion de faute et à une large admission du risque ;
- la jurisprudence belge retient la théorie de l’équivalence des conditions ; la
jurisprudence française, qui penchait pour la théorie de la causalité adéquate, ce qui
entraînait des différences dans les solutions retenues, a récemment adopté la théorie
de l’équivalence des conditions ; la jurisprudence burkinabè semble être dans la
mouvance de la jurisprudence française ;
- on est déjà sensibilisé à ce niveau sur le caractère pratique et courant mais
complexe de la responsabilité civile.
Les éléments constants de la responsabilité civile sont le dommage et le lien de
causalité. Malgré leur importance, ils sont insuffisants pour que la responsabilité soit
retenue. Il convient d’y ajouter un élément variable qui est le fait générateur.

209 Cour de cas. fr., Com. 19 juin 1951, tous ouvrages : grande tempête et mauvais charbon,
responsabilité partagée (1/5 à l’armateur : gardien ; 4/5 à la tempête).

187
SOUS-TITRE II : L’ELEMENT VARIABLE DE LA RESPONSABILITE :
LE FAIT GENERATEUR

Il existe trois faits générateurs de la responsabilité civile :


- le fait personnel : art. 1382 et 1383 ;
- le fait d’autrui : art. 1384 ;
- le fait des choses : art. 1384, alinéa 1er, 1385 et 1386.
L’article 1384, al. 1er, à lui tout seul annonce ces trois faits générateurs quand il
énonce que l’on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son
propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit
répondre ou des choses que l’on a sous sa garde.
C’est à l’étude de chacun de ces faits générateurs qu’il convient de s’attacher
maintenant.

188
CHAPITRE I : LE FAIT PERSONNEL

Ce fait générateur appelle les remarques préliminaires suivantes :


- Il fait appel à la notion de faute. Selon l’art. 1382, « tout fait quelconque de
l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à
le réparer ». Malgré sa position incidente, il n’est pas douteux que le Code civil a
voulu lier la responsabilité du fait personnel à l’existence d’une faute. L’art. 1383
évoque l’imprudence et la négligence qui sont des fautes involontaires : « Chacun est
responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa
négligence ou par son imprudence ». Il y a une opposition entre fait et imprudence
ou négligence, le fait étant ici entendu comme une faute intentionnelle.
- Le Code ne définit pas la faute, élément caractéristique de cette
responsabilité.
- Là où la responsabilité peut être engagée sans faute personnelle (du fait
d’autrui ou du fait d’une chose), il reste possible de recourir à la responsabilité du fait
personnel en démontrant une faute. Comme l’a écrit Carbonnier210, c’est le droit
commun de la responsabilité. Certains auteurs parlent de responsabilité simple
fondée sur les articles 1382 et 1383 où il n'existe pas de présomption, ni de pluralité
de responsables (commettant et préposé pour 1384, al. 5) et de responsabilité
complexe en ce qui concerne le fait d’autrui et le fait des choses ;
- Le Conseil constitutionnel français a reconnu une valeur constitutionnelle au
principe énoncé dans l’article 1382 selon lequel toute faute dommageable imputable à
une personne physique ou morale de droit privé entraîne pour celle-ci une obligation
de réparer211.
Il faut étudier successivement :
- la notion de faute (Section I) ;
- les diverses espèces de faute (Section II) ;
- l’abus des droits (Section III) ;
- l’appréciation et la preuve de la faute (Section IV) ;
- les causes d’exonération (Section V).

Section I : La notion de faute

Pour bien cerner la notion de faute, il faut commencer par définir la faute (§ I)
avant d’examiner les éléments constitutifs de celle-ci (§ II).

§ I : La définition de la faute

Plusieurs définitions ont été proposées.

210 Droit Civil, 4, PUF, 1969, p. 325.


211 Décision du 22 octobre 1982 déclarant non conforme à la constitution la disposition d’une loi qui
interdisait l’exercice d’une action en réparation lorsque le dommage avait été causé par des salariés à
l’occasion d’un conflit collectif du travail.

189
Pour Planiol, la faute est un manquement à une obligation préexistante.
Quand l’obligation n’est pas déterminée, cette définition est d’un intérêt limité.
Une autre définition classique considère comme faute tout fait illicite
imputable à son auteur, c’est-à-dire que celui qui agit conformément à la loi ne
commet pas de faute. Mais la définition ne dit pas quand est-ce il y a faute (les juristes
suisses réclament la suppression du mot illicite et le retour à la faute).
Pour les frères Mazeaud (Leçons de Droit civil, p. 378), la faute est une erreur
ou une défaillance de conduite telle qu’elle n’aurait pas été commise par une
personne avisée, placée dans les mêmes circonstances « externes » que le défendeur.
Cette définition paraît embrasser les différentes catégories de faute. En France,
l’avant-projet Catala de réforme du Code civil reprend en substance cette
définition lorsqu’il retient que : « constitue une faute la violation d’une règle de
conduite imposée par la loi ou un règlement ou le manquement au devoir général de
prudence et de diligence » (art. 1352, al. 2).
La faute est considérée comme une notion de droit. De ce fait, il y a un
contrôle effectué par la juridiction de cassation (Cour de cassation au Burkina, en
France et en Belgique ; auparavant, il y a eu au Burkina la Chambre judiciaire de la
Cour suprême ou de la Haute cour judiciaire) sur le point de savoir si les faits
souverainement constatés par les juges du fond constituent une faute.

§ II : Les éléments constitutifs de la faute

Tout comme la faute pénale, des auteurs (Weill et Terré, Gérard Légier…) ont
soutenu que la faute civile (délit ou quasi-délit) nécessitait la réunion de trois
éléments : un élément légal, un élément matériel et un élément moral.

A- L’élément légal

Dans cette conception, il peut s’agir d’un texte quelconque comme le Code de
la route, le Code de l’urbanisme, le Code pénal (toute violation de la loi pénale est
aussi en général une faute civile mais une faute civile peut exister en l’absence de
faute pénale), d’un usage (par exemple consacré par un code de déontologie), d’une
réglementation privée (règles de jeu en matière sportive) et, plus généralement, en
l’absence d’un texte spécial, d’une règle d’origine morale : l’obligation d’agir de bonne
foi, de ne pas nuire à autrui, de se comporter de manière prudente et avisée. C’est
dire que les articles 1382 et 1383 suffisent comme fondement de la responsabilité. Il
n’est pas nécessaire qu’il y ait un texte précis visant des faits définis comme en droit
pénal où le principe est « nullum crimem, nulla poena sine lege ».

190
B- L’élément matériel

Il n’appelle pas de développement. C’est l’acte, le fait ou l’abstention qui a


provoqué le dommage. Il doit être la violation d’un devoir imposé par l’ordre
juridique. En pratique, une grande diversité s’observe en la matière, comme on le
verra plus loin.

C- L’élément moral

Le droit pénal connaît le dol aggravé (résultant de la préméditation), le dol


indéterminé (résultat non précisément visé), le dol praeter intentionnel (où le résultat a
été partiellement voulu) et le dol éventuel (résultat pas du tout voulu), et, enfin, les
infractions dites matérielles (où aucune intention n’est exigée).
En droit civil, il est difficile de parler d’élément moral pour les fautes par
imprudence ou par négligence où aucune intention n’existe. Si, en principe, la faute
suppose la faculté de discernement, le droit positif l’écarte parfois dans le souci de
faciliter l’indemnisation des victimes. Cela est particulièrement vrai pour les actes
commis par les déments ou les très jeunes enfants.

Section II : La diversité des fautes

La diversité des fautes civiles peut être approchée à travers un certain nombre
de classifications.

§ I : La faute intentionnelle et la faute non intentionnelle

La faute intentionnelle ou délictuelle est celle où le responsable a prévu et


accepté les conséquences de son acte (art.1382) : il a voulu briser les reins de son
voisin et il y est parvenu. Dans la faute non intentionnelle ou quasi délictuelle, le
responsable n’a pas voulu de dommage. Il a seulement voulu aller vite, il a voulu
nettoyer son fusil… et un dommage en est résulté.
Qu’il s’agisse d’une faute intentionnelle ou d’une faute non intentionnelle, les
dommages qui en résultent sont intégralement réparables. Quel peut alors être
l’intérêt d’une telle distinction ?
D’abord, on ne peut s’assurer pour ses fautes intentionnelles. Le Code CIMA
(art. 11, al. 2), reprenant en substance la loi du 13 juillet 1930 sur le contrat
d’assurance, telle qu’elle était applicable au Burkina (art. 12, al. 2), dispose que,
nonobstant toute convention contraire, « l’assureur ne répond pas des pertes et
dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ». Il faut
donc une faute intentionnelle ou dolosive qui n’existe qu’autant que l’acte
dommageable réalisé a été voulu par son auteur212. La faute lourde ne suffit pas213.
212 Civ. 1ère, 5 janvier 1970, D. 1970, 155.
213 Civ., 1ère, 24 juin 1966, D. 66, 256.

191
Ensuite, en matière de sécurité sociale, la loi n°015-2006 du 11 mai 2006
portant régime de sécurité sociale applicable aux travailleurs salariés et assimilés au
Burkina Faso (article 112), ne permet de poursuivre l’employeur ou ses préposés
en matière d’accidents du travail stricto sensu ou de maladie professionnelle que s’ils
ont intentionnellement provoqué l’accident ou la maladie.
La faute intentionnelle s’apprécie in conreto par rapport à la personne elle-même
tandis que la faute non intentionnelle s’apprécie in abstracto par rapport au bon père
de famille.
Dans les faits, la jurisprudence tient compte de la faute intentionnelle pour en
général ne plus rechercher l’existence d’un lien de causalité ou pour accorder une
réparation plus importante à la victime sans l’affirmer. Ce sont les dommages-intérêts
punitifs pratiqués aux Etats-Unis.

§ II : La faute par commission et la faute par omission

La faute par action ou par commission résulte des agissements de l’individu.


Elle est entendue au sens large dans la mesure où elle inclut les mensonges, la
diffamation, les injures…La faute par omission résulte d’une abstention ou d’une
inaction. On distingue l’abstention dans l’action (un automobiliste après avoir lancé
sa voiture s'abstient de freiner au moment décisif) et l’abstention pure et simple. La
faute par omission résultant de l’abstention dans l’action est largement admise par la
jurisprudence. Par contre, la faute par abstention pure et simple n’est sanctionnée
que dans les cas suivants :
- existence d’une loi ou d’un règlement : art. 521-7, CP burkinabè punissant la
non-assistance à personne en danger ; le non-respect des prescriptions du code de
route (allumer les phares d’une automobile la nuit) ; la jurisprudence emploie souvent
les expressions d’intention malicieuse ou dolosive, de malveillance ou de méchanceté
;
- intention de nuire : sachant qu’une vache est morte de fièvre charbonneuse,
des personnes s’abstiennent d’en avertir le boucher appelé par le propriétaire ; le
boucher contracte la maladie et meurt ; la Cour d’appel de Poitiers214 a retenu la
responsabilité de ces personnes.
En dehors de ces cas, bien qu’un auteur du nom de Loysel ait écrit que « qui
peut et n’empêche pêche », la jurisprudence ne semble pas admettre d’autres cas de
sanction de la faute par abstention. On estime que son admission généralisée serait
contraire à la liberté de l’individu.

§ III : La faute très légère, la faute légère, la faute lourde, la faute


inexcusable

214 12 novembre 1935, D. 1936, 2, 25.

192
C’est une distinction ou classification qui a perdu de son intérêt, sauf dans
certaines matières particulières. Le principe, en effet, est que la gravité de la faute n’a
aucun effet sur la fixation du montant des dommages-intérêts, lesquels sont fonction
uniquement du dommage. Il en est ainsi même s’il s’agit d’une faute légère (culpa
levis) ou même d’une faute très légère (et levissima culpa venit)215. Malgré ce principe
d’assimilation, la diversité des fautes n’est pas sans incidence en matière de
responsabilité délictuelle216.
La faute lourde, outre ses conséquences graves, est une faute stupide
traduisant l’incurie (insouciance, manque de soin) de son auteur. La faute lourde peut
consister dans l’abus dans l’exercice des voies judiciaires ainsi qu’on le verra.
La faute inexcusable est d’une gravité exceptionnelle et l’auteur a eu
conscience du danger qu’il a couru. En France, la faute inexcusable de l’employeur
permet au salarié ayant subi un accident du travail d’obtenir une majoration des
prestations que lui doit la sécurité sociale. La propre faute inexcusable du salarié
entraîne une diminution des prestations auxquelles il a droit. Sous l’empire de la loi
burkinabè de la sécurité sociale du 30 janvier 1959, ces distinctions semblaient
admises. Dans la réglementation en vigueur (loi du 11 mai 2006 portant code de la
sécurité sociale), il n’est nulle part question de faute inexcusable.
Faute lourde et faute inexcusable peuvent dans le droit commun influencer,
dans les faits, le juge dans la fixation des DI.

§ IV : La faute civile et la faute pénale

On sait que dans diverses hypothèses, le même fait constitue une faute civile et
une faute pénale, que certaines infractions ne sont pas des fautes civiles (mendicité,
vagabondage) et enfin que de manière générale la faute civile est plus large que la
faute pénale.
La question qui se pose concerne les personnes morales. Sont-elles
responsables en droit civil ? En droit pénal français, burkinabè et belge, le principe a
été pendant longtemps l’irresponsabilité des personnes morales, principe qui
supporte des exceptions pour certaines infractions économiques et fiscales 217. A la
suite de réformes récentes, le Code pénal français et le Nouveau code pénal
burkinabè consacrent le principe de la responsabilité pénale des personnes
morales218, même si cette responsabilité demeure discutable.

215 Cela serait une différence entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle, le débiteur
étant tenu dans cette dernière responsabilité seulement de sa faute légère et non de sa faute très légère.
En pratique, c’est le juge qui apprécie et n’est pas sûr qu’il fasse attention à cette différence.
216 Voy. dans ce sens François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, op. cit., 11e éd., 2013, n° 726 et

728.
217 Sur l’affirmation de l’irresponsabilité des personnes morales, voy. Cour de cass. fr., Criminel, 16

mai 1930, D 1930, 431.


218 Selon, l’article 131-2, alinéa 2, CP burkinabè, « Est aussi auteur ou coauteur toute personne morale

à objet civil, commercial, industriel ou financier au nom et dans l'intérêt de laquelle des faits

193
Le droit civil admet très largement et depuis longtemps la responsabilité des
personnes morales. Les explications réelles de l’admission de cette responsabilité
tiennent dans la plus grande solvabilité des personnes morales, notamment des
sociétés, ce qui n’est pas pour déplaire aux victimes, et également à une considération
de faveur pour les dirigeants. Sans revenir sur la « réalité »219 de la personnalité
juridique des sociétés et autres personnes morales, il n’est pas contestable que celles-
ci n’ont pas une volonté qui pourrait fonder sérieusement leur responsabilité pour
faute. La responsabilité sur la base des art. 1382 ou 1383 ne peut être engagée que
pour les faits des organes investis du pouvoir de décision et de représentation : CA,
président du CA ou directeurs généraux, P-DG, administrateur général dans les
sociétés anonymes, gérants des SARL, bureau pour une association ou pour un
syndicat. La personne morale peut engager sa responsabilité du fait d'autrui (salariés
de l'entreprise).

§ V : La faute ordinaire et la faute professionnelle

La faute ordinaire est celle qui n’est pas professionnelle. On appelle faute
professionnelle celle commise par une personne dans l’exercice de sa profession. Par
exemple, le médecin, le pharmacien, l’avocat, l’architecte, le transporteur.
La faute professionnelle implique une responsabilité civile professionnelle qui
appelle quelques remarques :
- d’une part, la faute professionnelle est appréciée selon le comportement du
professionnel avisé, diligent, appliquant les données acquises de la science ou de l’art
concerné ;
- d’autre part, la responsabilité professionnelle est essentiellement contractuelle
(transport, responsabilité médicale…) et, très souvent, l’obligation qui en résulte est
souvent une obligation de moyens et non de résultat.
Cependant, elle peut être délictuelle : en cas de décès du cocontractant, les
héritiers peuvent renoncer à l’action contractuelle du de cujus pour exercer une action
propre de nature délictuelle. (De plus, la responsabilité du notaire et la responsabilité
du transporteur bénévole sont délictuelles).
La responsabilité professionnelle est souvent couverte par une assurance, qui
peut être obligatoire.
Section III : L’abus de droit

Il faut commencer par tenter de cerner la notion et les critères de l’abus de


droit (§ I) avant d’en aborder le domaine (§ II)

§ I : La notion et les critères de l’abus de droit

d'exécution ou d'abstention constitutifs d'une infraction ont été accomplis par la volonté délibérée de
ses organes ou de son représentant, dans l’exercice de leur fonction. ».
219 La réalité est une fiction selon certains auteurs.

194
L’abus de droit peut être défini comme le fait pour le titulaire d’un droit de le
mettre en œuvre en dehors de sa finalité ou comme l’utilisation d’un droit en le
détournant de son objet ou de sa finalité dans une intention maligne, dans le but de
nuire à autrui.
En principe, lorsque l’on cause un dommage à autrui par l’exercice normal de
son droit, l’on n’est pas tenu à réparation. Par exemple, celui qui creuse dans le sol de
son terrain pour élever un immeuble et coupe les veines d’eau qui alimentent la
source qui jaillissait dans le fonds voisin ne saurait être rendu responsable.
Des auteurs tels que Planiol ont soutenu que le droit cesse où l’abus commence
(solution qui, si elle ne condamne pas l’existence de l’abus des droits refuse la
qualification). Pour eux, la loi ne peut défendre ce qu’elle permet.
Or la jurisprudence française, belge et burkinabè, même si elles réaffirment
chaque fois le principe selon lequel l’exercice d’un droit ne peut constituer une faute,
admettent l’existence de l’abus des droits, sauf en ce qui concerne les droits dits
discrétionnaires (ex., droit des parents d’autoriser ou de ne pas autoriser le mariage
d’un enfant mineur, droit d’acquérir la mitoyenneté d’un mur ou de s’opposer au
maintien des ouvertures qu’il comporte, droit de couper les branches qui débordent
d’un fonds voisin sur votre propriété).
Le principal critère le plus souvent retenu est l’intention de nuire sans motif
légitime. Les partisans des thèses sociales proposent un élargissement. Pour eux, les
droits sont accordés à des fins sociales. Dès lors que le droit est détourné de son but,
qu’il est utilisé anormalement, il y a abus des droits. Pour les frères Mazeaud, une
simple faute suffit.
§ II : Le domaine

L’abus des droits est retenu dans de nombreux domaines sur le fondement de
l’art. 1382, c’est-à-dire de la faute.
- L’exercice abusif du droit de propriété : il peut être illustré par l’affaire
Clément Bayard. En l’espèce, un propriétaire voisin d’un terrain d’atterrissage pour
ballons dirigeables avait construit sur son fonds, sans aucune utilité pour lui,
d’énormes hangars sur lesquels étaient implantés de longues lances d’acier, ce qui
gênait l’envol et l’atterrissage des dirigeables 220.
- L’exercice abusif des voies judiciaires (voies de recours, voies
d’exécution) : la Cour suprême a eu à affirmer dans plusieurs arrêts, dont celui de la
Chambre judiciaire, 26 janvier 1973, Kamouch contre Shell, que si l’exercice du droit
d’ester en justice n’est pas per ipsum reprochable même en cas d’échec, il peut devenir
une faute génératrice de dommages-intérêts s’il constitue dans la réalité un acte de
malice ou une erreur grossière équipollente au dol.
- L’exercice abusif du droit de grève : la grève politique ou non-respect des
procédures.

220 Affaire Clément Bayard, C. cas. 3 août 1915, tous ouvrages, Sirey 1920, 1, 300.

195
- La mise à l’index: c’est le fait pour les salariés d’empêcher l’embauche d’un
non syndiqué ou d’exiger le licenciement de celui-ci d’un non syndiqué ou encore
boycotter un fournisseur.
- L’exercice des droits extrapatrimoniaux : la rétractation malveillante du
consentement à mariage de son enfant.
- L’abus du droit de voisinage : il diffère de l’abus des droits en ce sens que
la responsabilité peut être engagée même sans faute mais à condition que le trouble
excède la mesure normale des inconvénients de voisinage (bruits excessifs, odeurs
nauséabondes, fumées…).

Section IV : L’appréciation et la preuve de la faute

L’existence d’une faute intentionnelle ne peut s’apprécier que par une analyse
subjective du comportement concret de l’individu compte tenu de ses particularités :
force physique, âge, caractère, profession... Il s’agit là d’une appréciation in
concreto. Les tribunaux peuvent utiliser des présomptions de l’homme, c’est-à-dire
déduire l’intention des circonstances de la cause.
La faute d’imprudence ou de négligence se détermine en se référant au modèle
abstrait que peut représenter le bon père de famille, c’est-à-dire l’homme raisonnable
placé dans la même situation : c’est donc une appréciation in abstracto mais la
profession, l’âge, le sexe, la force physique, la position sociale… interviennent dans
l’établissement du modèle de référence.
La preuve de la faute, comme celle du lien de causalité, peut être apportée par
le demandeur par tous moyens car il s’agit de faits juridiques et non d’actes
juridiques.
Section V : Les causes d’exonération

Elles sont nombreuses. La responsabilité du fait personnel admettant la


panoplie la plus large possible de causes d’exonération, c’est en ce qui la concerne
qu’elles seront étudiées. Par la suite, on fera des renvois.
Les causes d’exonération interviennent pour faire disparaître la responsabilité
ou en tout cas le droit à réparation quand apparemment un lien existe entre le
dommage et le fait du défendeur. Elles sont constituées par les causes de non-
imputabilité (§ I), la force majeure et les faits justificatifs (§ II) et les conventions
d’irresponsabilité (§ III).

§ I : Les causes de non-imputabilité

La responsabilité restant peu ou prou liée à l’idée de faute, même présumée, il


se pose la question de savoir si les personnes privées de raison (A) ainsi que les
personnes morales peuvent être tenues pour responsables (B).

A- Les personnes privées de raison

196
Il convient de remarquer d’entrée de jeu que la capacité aquilienne est moins
exigeante que la capacité contractuelle parce que d’une part il suffit d’une expérience
plus élémentaire pour ne pas commettre de faute, d’autre part les victimes n’ayant pas
choisi leur rôle méritent plus de protection que le cocontractant. La catégorie des
personnes privées de raison comprend l’infans (1) et les personnes atteintes d’un
trouble mental (2).

1) L’infans

Traditionnellement, l’infans, ou l’enfant en bas-âge qui n’a pas atteint l’âge de


raison, n’engage pas sa responsabilité personnelle lorsqu’il cause un dommage. Seule
la responsabilité de ses parents peut être engagée. Par contre, le mineur non infans
engage sa responsabilité du fait personnel (interprétation de l’article 1310 : il n’est
point restituable contre les obligations résultant de son délit ou de son quasi-délit).
Les droits français, belge et burkinabè admettent cette solution. Aucun âge n’est fixé.
Il semble que ce soit au-dessous de 7 ans.
En France, la situation a fondamentalement changé. Dans les arrêts Derguini et
Lemaire du 19 mai 1984221, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation française a
jugé qu’il n’est pas nécessaire de vérifier si le mineur était capable de discerner les
conséquences de son acte pour décider qu’il a commis une faute. La « faute » de
l’infans ne suppose donc plus l’imputabilité : seule subsiste la condition d’illicéité,
appréciée objectivement, c’est-à-dire un acte socialement défectueux et dangereux
pour autrui. La faute est expurgée de son aspect moral dans le but de permettre à la
victime du dommage causé par une personne qui n’est pas raisonnable d’obtenir une
indemnisation.
Au total, qu’il s’agisse d’un mineur ou d’un majeur incapable, on exige une
faute objective qui ne nécessite pas, pour être caractérisée, le discernement de l’auteur
de la faute222.
2) Les personnes atteintes d’un trouble mental

Avant les réformes intervenues en Belgique et France, la jurisprudence, ne


retenait pas la responsabilité personnelle des déments mais seulement la
responsabilité des personnes en ayant la garde à condition de démontrer leur faute.
Cette solution semble encore être celle du droit burkinabè.

Mais il est apparu choquant que les déments ne soient pas tenus des dommages
qu’ils causent, surtout lorsqu’il s’agit de déments très riches. Les législateurs belge et
français ont dû intervenir. En Belgique, la loi du 16 avril 1935 (art 1er) a ajouté un
article 1386 bis au Code civil qui prévoit que le dément peut être condamné à réparer
221 Dalloz 1984.524, conclusions Cabannes, note Chabas.
222 Rémy Cabrillac, n° 241.

197
le dommage qu’il a causé. En France, l’article 489-2 nouveau du Code civil résultant
de la loi du 3 janvier 1968 dispose « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il
était sous l’emprise d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation ».

Ainsi, il y a une tendance à obliger les déments en ce qui concerne la réparation


des dommages qu’ils causent. Le droit burkinabè pourrait s’en inspirer, soit dans une
réforme législative, soit de manière prétorienne mais la portée pratique d’une réforme
sera limitée en raison de ce qu’il y a rarement des déments fortunés.

B- Les personnes morales

La responsabilité civile des personnes morales (sociétés, associations…) est


admise. En premier lieu, les personnes engagent leur responsabilité du fait de leurs
préposés dépourvus de pouvoir de représentation sur la base de l’article 1384, al. 5. Il
s’agit d’un cas de responsabilité des commettants du fait de leurs préposés que l’on
examinera plus loin. En second lieu, les personnes morales peuvent être tenues
responsables quant le fait générateur leur est personnellement imputable. Il en va
ainsi, d’abord, lorsque la personne morale engage sa responsabilité du fait des choses
dont elle propriétaire. Il en va ainsi également quand la responsabilité de la personne
morale se fonde sur un fait non imputable à une personne physique en particulier 223.
Par exemple, il a jugé en France qu’une clinique a commis une faute dans son
organisation en raison de l’absence d’anesthésiste lors d’un accouchement224. Il en va
ainsi, enfin, de l’hypothèse où la responsabilité de la personne morale résulte d’une
faute commise par son organe, en l’occurrence ses dirigeants. Dans la mesure où son
organe est habilité à manifester la volonté de la personne morale, la faute commise
par le premier est celle de la seconde. La responsabilité de la personne morale
n’exclut pas celle de ses dirigeants dont la responsabilité personnelle peut être
engagée s’ils ont une faute incompatible avec l’exercice normal de leurs fonctions
sociales ou une faute détachables de ces dernières. En ce sens, l’article 161, al. 1er de
l’AUDSC/GIE225 dispose que : « Sans préjudice de la responsabilité éventuelle de la société,
chaque dirigeant social est responsable individuellement envers les tiers des fautes qu’il commet dans
l’exercice de ses fonctions » Cependant, la faute de la personne morale peut être retenue
indépendamment de la faute de ses dirigeants. La conséquence d’une telle évolution
est une extension de la responsabilité des personnes morales et une certaine
irresponsabilité des dirigeants226.

§ II : La force majeure et les faits justificatifs

223 Philippe MALAURIE, Laurent AYNES et Philippe STOFFEL-MUNCK, Droit des obligations,
LGDJ, 7 éd., 2015, n°40, p. 35.
224 Cass. civ. 1er, 15 décembre 1999, Bull. civ. I, n° 351 ; JCP G, 2000, II ; 10384, n. G. Mémentau.
225 Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique

adopté le 30 janvier 2014.


226 Voy. dans ce sens Rémy Cabrillac, op. cit., 242.

198
La force majeure (A) et les faits justificatifs (B) permettent tous les deux
d’échapper à la responsabilité.

A- La force majeure

C’est la cause d’exonération la plus généralement admise. Dans une conception


large, elle inclut le fait de la victime ou d’un tiers revêtant certains caractères. Ainsi,
selon la Cour d’appel de Ouagadougou227, « …pour être retenue, la force majeure …, doit
être une cause étrangère, imprévisible et irrésistible ». Il en résulte que trois caractères sont
exigés : l’extériorité, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité.
L’extériorité : la force majeure peut découler d’un événement de la nature ou
du fait d’un tiers. En revanche, un vice de la chose, instrument du dommage, même
inconnu du gardien, ne peut constituer une cause étrangère. Il en va de même de
l’acte du préposé ou de toute personne dont on doit répondre ou de l’éclatement de
pneu d’un véhicule228.
L’imprévisibilité : elle est appréciée in abstracto, par référence à une personne
raisonnable. Il suffit que, pour cette personne raisonnable, l’événement ait été
normalement imprévisible.
L’irrésistibilité : c’est la même méthode d’appréciation que plus haut.

B- Les faits justificatifs

Pour l’essentiel, il s’agit de questions étudiées par le droit pénal général que l’on
se bornera à évoquer. Il en va ainsi de :
- la légitime défense
Elle est traitée à l’art. 132-2, al. 1er, du CP burkinabè, selon lequel « N'est pas
pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui,
accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense de soi-même
ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de
l'atteinte. ». Selon l’alinéa 3 du même article sont notamment commandés par la
nécessité immédiate de la légitime défense les actes commis en repoussant de nuit
l’escalade ou l’effraction d’une maison ou d’un appartement habité ou de leurs
dépendances ou en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés
avec violence.

- L’ordre de la loi ou de l’autorité légitime


En ce qui concerne l’ordre de la loi, on donne comme exemple l’article 525-1
du CP burkinabè qui punit la révélation d’une information à caractère secret par une
personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une
227 C.A. de Ouagadougou, 21 fév.1992, R.B.D., n°27, janv.1995, p.98-101.
228 C.A. de Ouagadougou, 21 fév.1992, R.B.D., n°27, janv.1995, p.98-101

199
fonction ou d’une mission temporaire. Cependant, d’autres textes obligent les
médecins à déclarer certaines maladies graves. Du fait de cette obligation, le médecin
ne peut être poursuivi pour non-respect du secret professionnel. Quant à l’ordre de
l’autorité légitime, il pose plus de questions : il faut apprécier le caractère légal ou
illégal de l’ordre, l’apparence de sa légalité en tenant compte de la situation de la
personne qui l’a donné dans la hiérarchie administrative (il s’agit que la personne ait
crû que c’est l’autorité légitime).

- L’état de nécessité
De création jurisprudentielle, l’état de nécessité est la situation de désespoir ou
de dernière extrémité qui permet d’excuser totalement ou partiellement l’auteur d’une
infraction pénale. Autrement dit, il permet de causer un dommage pour éviter un
péril imminent. L’une des premières et des plus célèbres applications est due au juge
Magnaud, surnommé « Le bon juge de Château-Thierry ». Celui-ci acquitta une fille-
mère ayant volé un pain pour nourrir son enfant qui n’avait pas mangé depuis
plusieurs jours et risquait incessamment de mourir de faim 229. Malgré quelques
résistances au départ, la jurisprudence a maintenu l’excuse de nécessité, reprise plus
tard dans le Code Badinter. Au moins au plan pénal, l’état de nécessité doit réunir
trois conditions : il faut que le moyen utilisé ait été le seul ou le meilleur, que l’intérêt
sauvé soit supérieur à l’intérêt sacrifié et que la personne qui l’invoque n’ait pas
commis une faute.

- La provocation
La provocation n’entraîne qu’un partage de responsabilité en droit pénal
comme en droit civil.
- L’acceptation de la victime
Elle n’est pas en principe une cause d’exonération, surtout pour les droits
extrapatrimoniaux. Mais en ce qui concerne les biens et les droits dont la personne a
la libre disposition (droits patrimoniaux), l’exonération joue et si vous dites à votre
copain de brûler votre mobylette, vous ne pourrez pas après engager sa
responsabilité. C’est une cause d’exonération également dans le cas des sports
violents ou non violents (la victime d’un dommage ne peut agir contre un autre
participant qui lui a causé un dommage que si ce dernier n’a pas respecté la règle du
jeu), des opérations chirurgicales… L’acceptation des risques est considérée dans
certaines circonstances comme une faute dont la gravité conduit à un partage de
responsabilité.

- La prédisposition
Il s’agit d’une question d’importance qui appelle des développements. Par
exemple, un borgne qui perd dans un accident son œil valide ; une personne
dépressive qui se suicide à la suite d’un accident qui aggrave son état. Il est certain

229 Affaire Ménard 1898, Château-Thierry, Tribunal correctionnel, Dalloz 1899, 2, 329.

200
que l’état de la victime contribuant à l’aggravation du dommage en est une cause
partielle. En ce qui concerne le principe même de la responsabilité, cet état n’est pas
en soi libératoire. Dès lors que les conditions de la responsabilité sont établies (faute
ou présomption), le défendeur doit réparer l’entier préjudice qu’il a causé. La victime,
déjà affaiblie par l’âge ou un handicap quelconque, a droit, comme toute autre
victime, à être indemnisée. On note une décision de la Cour de cassation belge de
1951 pour laquelle l’existence de prédispositions pathologiques dans le chef de la
victime n’exclut pas l’obligation pour l’auteur du dommage de réparer celui-ci230.
En ce qui concerne le montant de la réparation, si les aptitudes de la victime
étaient déjà amoindries, le dommage causé ou aggravé par l’accident est réparé en
tenant compte de cette incapacité antérieure. Par exemple, si l’accident réduit l’usage
d’un bras, il est tenu compte du fait que les mouvements de ce membre étaient déjà
limités en raison d’une malformation ou d’une précédente blessure. Si avant
l’accident, la victime était déjà atteinte d’une incapacité partielle de 40 %, si l’accident
entraîne l’incapacité totale (100%), l’auteur ne sera condamné que pour les 60 %
restants.
En sens contraire, la Cour suprême (du Burkinabè), Chambre sociale, dans son
arrêt du 14 décembre 1973, affirme que la lésion antérieure à l’accident ne saurait être
prise en compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente partielle
(IPP).
§ III : Les conventions d’irresponsabilité

En droits français et burkinabè, les articles 1382 à 1386 sont considérés comme
étant d’ordre public. Par conséquent, une personne ne peut à l’avance s’exonérer de
sa responsabilité, tout au moins de sa responsabilité pour faute231. La victime ne peut
non plus par avance renoncer au droit qu’il en tire. Si le dommage est né, la
renonciation est valable. En France, le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur
constitutionnelle au principe énoncé dans l’art. 1382, selon lequel toute faute
dommageable imputable à une personne physique ou morale de droit privé entraîne
une obligation de réparer232. Par contre, en matière contractuelle, ces clauses sont
valables, sauf pour faute dolosive.
En droit belge, la matière de la responsabilité civile n’est pas d’ordre public et
les clauses de non responsabilité sont en principe valables, sauf en certaines matières
(responsabilité contractuelle si son admission détruit le contrat, lorsque la loi les
prohibe…).

230 Cas. belge, 8 juin 1951, Pasicrisie, 1951, I, 691. Voy. également Cour de cas. fr., Civ. 2 e, 19 juillet
1966, Dalloz 1966, 598.
231 « Sont nulles les clauses d’exonération ou d’atténuation de responsabilité en matière délictuelle, les

articles 1382 et 1383 C. civ. étant d’ordre public et leur application ne pouvant par avance être
paralysée par une convention » (Civ. 2e, 17 février 1955, Dalloz 1956, note P. Esmein ; JCP
1955.II.8951, note R. Rodière.
232 Décision du 22 octobre 1982 déclarant non conforme à la Constitution la disposition d’une loi qui

interdisait l’exercice d’une action en réparation lorsque le dommage avait été causé par des salariés à
l’occasion d’un conflit collectif du travail.

201
La responsabilité du fait personnel est considérée comme une responsabilité
simple par rapport à la responsabilité du fait d’autrui et à la responsabilité du fait des
choses.

202
CHAPITRE II : LA RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI

L’article 1384, al. 1er, en pose le principe : on est responsable du dommage qui
est causé par le fait des personnes dont on doit répondre. Les alinéas suivants
explicitent les différents cas de responsabilité du fait d’autrui.
Cette responsabilité appelle quelques remarques générales :
- L’idée commune est que certaines personnes disposent d’une autorité, d’un
pouvoir de fait ou de droit sur d’autres et elles doivent en disposer pour les empêcher
de commettre des dommages. La responsabilité est la sanction du non-
accomplissement de cette obligation.
- La responsabilité du fait d’autrui laisse subsister, sauf exception, la
responsabilité personnelle de la personne dont on répond (si du moins elle a la
capacité aquilienne).
- La personne qui répond d’une autre conserve en principe un recours contre la
personne dont elle répond et, a fortiori, contre le tiers coauteur du dommage.
- La responsabilité du fait d’autrui ne joue qu’en cas de dommage causé aux
tiers, c’est-à-dire aux personnes autres que celles dont on répond. Par exemple,
l’instituteur répond du dommage causé par l’élève et non de celui subi par l’élève lui-
même.
- Elle ne concerne que la responsabilité civile et non la responsabilité pénale.
Suivant les responsabilités visées à l’article 1384, seront examinées la
responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs (Section I), la
responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis (Section II), la responsabilité des
instituteurs du fait de leurs élèves (Section III), la responsabilité des maîtres et
commettants du fait de leurs domestiques et préposés (Section IV). Enfin, il sera
évoqué la question de l’admission d’un principe de responsabilité présumée du fait
d’autrui sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er (Section V).

Section I : La responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs

L’art. 1384, al. 4, applicable avant l’adoption et l’entrée en vigueur du CPF


était libellé comme suit : « Le père, et la mère après le décès du mari, sont responsables du
dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ». C’était l’époque de la
« puissance paternelle ». Avec le CPF, le père et la mère sont sur un pied d’égalité.
C’est pourquoi, l’art. 1065 du CPF modifiant l’alinéa 4 de l’article 1384, dispose que
« les père et mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec
eux ».
Il faut préciser que l’alinéa 7 de l’article 1384 prévoit que la responsabilité a lieu
à moins que les père et mère prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu
à cette responsabilité.
De ces dispositions, il ressort que des précisions doivent être apportées quant
aux conditions (§ I), au fondement (§ II) et aux causes d’exonération (§ III) de cette

203
responsabilité. Pour finir, il importe d’analyser cette responsabilité en relation avec la
structure familiale burkinabè (§ IV).

§ I : Les conditions de la responsabilité

La responsabilité des père et mère supposent la réunion des conditions


suivantes :
- Il faut un fait de l’enfant ou d’une chose dont il a la garde qui cause un
dommage à autrui ou, plus généralement, un fait quelconque de l’enfant qui est à
l’origine du dommage.
- L’enfant doit être un mineur non émancipé. Il n’y a pas lieu de distinguer
dans la responsabilité des parents entre les mineurs de manière générale et les infans.
Ainsi, la Cour d’appel de Ouagadougou a tort de prononcer la responsabilité du père
pour le vol d’une mobylette empruntée par un majeur de 21 ans233
- Il faut que l’enfant habite avec ses parents. Cette cohabitation est une
condition fondamentale. C’est lorsqu’il y a cohabitation que les parents pourront bien
les éduquer et les surveiller de sorte à les empêcher de commettre des faits
dommageables. Mais les parents demeurent tenus si le défaut de cohabitation est dû à
leur faute ou à leur fait (départ sans motif légitime comme une fugue de l’enfant ou
lorsqu’il est à l’internat). Certains tribunaux estiment que les séparations de fait
n’entraînant pas de modification dans l’exercice de l’autorité parentale, les père et
mère demeurent tenus.
- La présomption de faute concerne uniquement le père et la mère en tant
qu’ils sont détenteurs tous les deux de l’autorité parentale (art. 509, CPF).
Antérieurement au CPF, la responsabilité de la mère prenait le relais en cas de décès
du père ou quand l’autorité parentale est exercée par la mère en cas de condamnation
du père pour abandon de famille ou lorsque celui-ci est hors d’état de manifester sa
volonté… Cette situation conférait à la présomption un caractère alternatif. En
France et au Burkina depuis l’adoption du CPF, la présomption s’applique
solidairement au père et à la mère parce qu’ils exercent ensemble le droit de garde sur
l’enfant.
§ II : Le fondement de la responsabilité

La responsabilité des père et mère est liée au droit de garde, c’est-à-dire


aujourd’hui à l’autorité parentale. Il en résulte que son fondement tient à la faute dans
la garde ou dans l’éducation. Il y a, en effet, une présomption de faute admettant la
preuve contraire. Mais, on avance également la théorie de la garantie, les parents
étant plus solvables que leurs enfants234. D’ailleurs, la victime peut intenter l’action
contre les parents ou contre l’enfant.

233 CA Ouagadougou, 16 octobre 1992, RBD n° 30, 2e semestre 1996, p. 249 à 262, note F.
Ouédraogo
234 C’est sur la garantie que se fonde explicitement un arrêt de la Cour d’appel de Ouagadougou (16

octobre 1992, RBD n° 30, 2e semestre 1996, p. 249 à 262, note Ferdinand Ouédraogo) qui retient la

204
En France, la preuve de l’absence de faute est inopérante depuis l’arrêt
Bertrand de la Cour de cassation du 17 février 1997235, si bien que la responsabilité
des père et mère est devenue une responsabilité de plein droit et non une
responsabilité pour faute.
§ III : L’exonération

Une fois les conditions réunies, la présomption joue, c’est-à-dire que la victime
n’aura pas besoin d’apporter la preuve d’une faute des parents. Mais ceux-ci peuvent
s’exonérer en démontrant l’existence d’une cause d’exonération, en particulier
l’absence de faute dans l’éducation et dans la surveillance en vertu de 1384, al. 7, du
Code civil. Comme l’a affirmé la Cour de cassation française 236, la responsabilité du
père repose sur une présomption de faute qui cède devant la preuve qu’il a rempli ses
obligations de surveillance et de direction. Mais les tribunaux peuvent admettre plus
ou moins facilement que cette preuve d’absence de faute est faite.
En droit français, il n’en est plus ainsi. Avec l’arrêt Bertrand du 19 février
237
1997 , la Cour de cassation a décidé que la responsabilité des père et mère est une
responsabilité de plein droit, c’est-à-dire que les parents ne peuvent s’exonérer qu’en
démontrant la force majeure ou la faute de la victime.

§ IV : Responsabilité des parents et structure familiale burkinabè

Il faut se demander si la responsabilité ainsi conçue, comme indiqué plus haut,


est adaptée à la structure de la famille burkinabè, du moins dans sa forme
traditionnelle. De manière générale, la famille est très large et l’autorité suprême
appartient au patriarche. De plus, toute personne plus âgée que l’enfant, même si elle
ne fait pas partie de la famille, a une autorité sur lui. Elle peut l’envoyer pour exécuter
une commission, ou le corriger sans avoir besoin d’en référer aux parents. C’est
pourquoi, en général on ne reconnaît pas une responsabilité des parents pour les
dommages causés par leurs enfants, sauf peut-être pour les inviter à compléter la
correction.
La responsabilité ainsi conçue ne parait donc pas très adaptée avec celle
découlant du Code civil. Mais la famille burkinabè n’est-elle pas entrain d’évoluer
vers la famille à l’occidentale ou famille nucléaire ? Ce phénomène s’observe déjà en
ville chez les salariés des secteurs public et privé. L’on note que les instituteurs ont
perdu le droit de frapper les enfants.

responsabilité du père pour une mobylette empruntée par un majeur de 21 ans et qui a été volée. La
décision est critiquée par l’annotateur du fait que l’enfant est majeur et que l’on aurait dû appliquer la
responsabilité contractuelle (prêt à usage).
235 Civ. 2, D. 1997.265, note P. Jourdain.
236 Civ. 2, 12 octobre 1955, D. 1956, p. 301.
237 Civ. 2, D. 1997.265, note P. Jourdain.

205
Section II : La responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis

Il résulte des alinéas 6 et 7 de l’article 1384 du Code civil que les artisans sont
responsables du dommage causé par leurs apprentis pendant le temps qu’ils sont
sous leur surveillance, sauf s’ils prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne
lieu à cette responsabilité. Il convient de préciser les conditions de cette
responsabilité (§ I) et le régime de celle-ci (§ II).

§ I : Les conditions de la responsabilité

Cette responsabilité fait appel aux notions d’artisan et d’apprenti.


D’abord, l’artisan est toute personne qui s’engage à fournir une formation
professionnelle à l’apprenti.
Ensuite, l’apprenti est toute personne encore inexpérimentée qui apprend un
métier ou qui est en apprentissage sous la direction d’un artisan ou d’un maître ou
d’un patron de l’apprenti. Le Code ne pose pas de condition d’âge et n’exige pas la
cohabitation.
Enfin, il faut un acte dommageable de l’apprenti lorsqu’il est sous la
surveillance du patron. On dit que la présomption de responsabilité est continue
lorsque l’apprenti loge chez l’artisan et discontinue dans le cas contraire, c’est-à-dire
qu’elle est limitée au temps où l’apprenti est sous sa surveillance.

§ II : Le régime de la responsabilité

Traditionnellement, la jurisprudence fonde celle des artisans sur une


présomption de faute de surveillance et non sur une faute d’éducation comme dans la
responsabilité des père et mère, puisque l’artisan n’est pas en principe chargé de
l’éducation morale. L’effet de la présomption est de dispenser la victime de prouver
une faute de la part de l’artisan. Celui-ci peut cependant s’exonérer en prouvant
l’absence de faute, c’est-à-dire en démontrant qu’il n’a pas commis de faute, et cela
par interprétation de l’alinéa 7 de l’art. 1384, texte commun à la responsabilité des
père et mère et à celle des artisans.
La plupart des auteurs estiment cette particularité injustifiée et voudraient que
la responsabilité des artisans soit purement et simplement soumise aux règles
applicables aux commettants qui sont plus favorables aux victimes. Dans le cas de la
France, la nouvelle jurisprudence sur la responsabilité des père et mère devrait
logiquement s’étendre à celle de l’artisan, lequel serait tenu d’une responsabilité de
plein droit, dont il ne pourrait se dégager qu’en prouvant une force majeure ou une
faute de la victime. Le régime de la responsabilité de l’artisan s’alignerait alors sur
celui du commettant.
La victime dispose d’une option et peut agir contre l’apprenti sur le fondement
de sa responsabilité personnelle.

206
Section III : La responsabilité des instituteurs du fait de leurs élèves

Traitée par les alinéas 6 et 8 de l’article 1384, elle appelle des développements
autour de l’évolution historique (§ I), du régime général (§ II) et des règles
particulières à l’enseignement public (§ III).

§ I : L’évolution historique

A côté de la présomption pesant sur les parents et les artisans, il y en avait une
qui pesait sur les instituteurs pour les dommages causés par les élèves à des tiers ou à
d’autres élèves. Mais ils pouvaient s’exonérer en démontrant qu’une surveillance,
même attentive, n’aurait pas pu empêcher le dommage. Déjà le terme instituteurs
comprenait tous les éducateurs, à l’exclusion des enseignants du supérieur.
La responsabilité des instituteurs fut jugée trop sévère, ceux-ci n’ayant en
général ni le choix des élèves, ni celui des lieux de l’enseignement. Une loi du 20
juillet 1899 a donc substitué la responsabilité de l’Etat à celle des membres de
l’enseignement public.
§ II : Le régime général

Jugeant cette évolution insuffisante, une loi du 5 avril 1937, rendue applicable
aux colonies par des lois de 1938 et 1939, a ajouté un paragraphe 8 à l’article 1384.
Ainsi, en ce qui concerne les instituteurs, les fautes d’imprudence ou de négligence
invoquées contre eux devront être prouvées, conformément au droit commun par le
demandeur à l’instance. On remarquera :
- qu’il n’y a plus de présomption de faute ;
- qu’il s’agit de tout accident scolaire, c’est-à-dire d’un dommage causé par un
élève ou subi par lui ; peu importe que l’auteur soit l’instituteur ou un élève, que la
victime soit un élève ou un tiers ou que l’enseignement soit à titre gratuit ou onéreux,
public ou privé… ;
- que l’appréciation se fera in abstracto par rapport au comportement d’un
instituteur diligent (prudent).

§ III : Les règles particulières à l’enseignement public

En ce qui concerne les instituteurs de l’enseignement public, la victime doit


engager uniquement la responsabilité de l’Etat, mais en démontrant une faute causale
de l’instituteur. Les tribunaux civils sont compétents, que la faute soit de service ou
personnelle. Les instituteurs ne peuvent être mis en cause dans l’instance. Ils ne
peuvent même pas être témoins. Mais l’Etat condamné a une action récursoire contre
l’instituteur en cas de faute grave et cela sur le fondement du droit administratif. Mais
recours n’est pas, en général, exercé.

207
Section IV : La responsabilité des maîtres et commettants du fait de
leurs domestiques et préposés

La responsabilité des maîtres et commettants du fait de leurs domestiques et


préposés commis dans les fonctions auxquelles ils les ont employés est plus souvent
mise en jeu au Burkina en comparaison avec les autres chefs de responsabilité du fait
d’autrui. En outre, parmi les responsabilités du fait d’autrui, c’est celle qui a présenté
le plus d’originalité au départ. Elle exige un fait personnel du préposé présentant en
sa personne les conditions de la responsabilité du fait personnel : il faut donc une
faute. Cependant, certains auteurs français pensent qu’aujourd’hui un fait
dommageable quelconque suffit. Cette faute peut être le fait pour une personne de se
déporter à gauche pour éviter une crevasse en ne prévoyant pas qu’elle n’aura pas le
temps de revenir sur la partie droite de la chaussée avant de rencontrer un camion
venant en sens inverse238.

La jurisprudence française estime que la qualité de préposé est incompatible


avec celle de gardien, qui est caractérisée par un pouvoir de direction de la chose en
toute indépendance [ou le fait d’une chose qu’il utilise].
Pour bien cerner la responsabilité des commettants – ou celle des maîtres qui
lui est assimilée, il importer de déterminer les conditions de sa mise en jeu (§ I), ses
effets (§ II) et son fondement (§ III).

§ I : Les conditions de la responsabilité du commettant

La responsabilité du commettant implique un lien de préposition entre celui-ci


(A) et le préposé et un rapport entre le fait dommageable et la fonction (B).

A- L’existence d’un lien de préposition

Le lien de préposition ou de subordination implique la direction, la surveillance


et le contrôle que le commettant exerce sur le préposé. Il existe lorsque le
commettant a « le droit de donner au préposé des ordres ou des instructions sur la
manière de remplir les fonctions auxquelles il est employé. »239
Le plus souvent, ce lien résulte du contrat de travail conclu entre l’employeur et
le travailleur. Ainsi, ce dernier est dans un lien de subordination à l’égard de
l’employeur. Peu importe la rémunération ou la position hiérarchique du salarié
(ouvrier ou subalterne, ou cadre moyen ou supérieur), ce qui compte c’est la
dépendance juridique beaucoup plus que la dépendance économique. Ainsi, de
manière générale, le contrat d’entreprise exclut la subordination.
Toutefois, on assiste de plus en plus à la reconnaissance du lien de préposition
en dehors du contrat de travail. D’abord, l’indépendance professionnelle et technique
238 TPI, civ., Ouaga, 15 novembre 1962, inédit.
239 Civ., 4 mai 1937, DH 1937, 363 ; Grands arrêts, t. 2, n° 218.

208
de certaines personnes (médecin, avocats, notaires…) ne semble pas exclure la
possibilité que celles-ci se trouvent dans un lien de subordination et soient qualifiées
de préposés. Ainsi, le médecin salarié s’est vu qualifié de préposé d’un établissement
de santé. En outre, le lien de préposition a été retenu dans des situations où une
personne est en fait en mesure de donner des ordres à d’autres personnes, même de
façon occasionnelle. Il en va ainsi des relations familiales ou amicales ou de
concubinage lors des services rendus ou d’actes de complaisance.
La définition du lien de préposition peut s’avérer difficile en cas de pluralité de
commettants. Par exemple, un camion est mis avec le préposé à la disposition d’un
client. Il en est ainsi d’une infirmière mise à la disposition d’un chirurgien ou d’un
anesthésiste ou d’un chauffeur mis à la disposition d’un client avec son véhicule par
son employeur ou encore d’un salarié d’une entreprise temporaire mis à la disposition
d’une autre entreprise. Dans ces cas, d’après la jurisprudence française, il faut, pour
déterminer le commettant, rechercher qui avait, au moment du fait dommageable,
l’autorité effective ou principale sur le préposé. Le problème peut avoir été réglé dans
les conventions de mise à disposition. A défaut, c’est l’examen des circonstances de
chaque espèce qui permettra d’identifier le détenteur de l’autorité effective ou
principale. La jurisprudence semble être également dans ce sens. Le TPI de
Ouagadougou a ainsi, dans sa décision du 15 décembre 1976, retenu la responsabilité
d’un employeur (OPT) pour un agent de l’Etat qu’il utilisait occasionnellement pour
une faute commise dans ce cadre240. De ce qui précède, on dit que le lien de
préposition est alternatif et la tendance, en cas de doute, est de retenir le commettant
habituel. En droit belge, on préfère instaurer la solidarité entre commettants. La
responsabilité existe même lorsque le commettant n’a pas choisi son préposé.

B-Le rapport entre l’acte du préposé et la fonction

L’article 1384, al. 5, exige que le dommage soit causé par le préposé ou le
domestique dans les fonctions auxquelles le commettant ou le maître l’a employé. A
priori, la faute du préposé doit être commise pendant le temps de travail, sur les lieux
ou le trajet normal du travail avec les moyens, le but et l’intérêt du travail. Pour
mieux cerner la question des rapports, il faut distinguer les trois principales
hypothèses ci-après.
- 1ère hypothèse. L’acte posé n’a aucun rapport avec le travail : Par
exemple, un domestique subtilise le fusil de son maître pour ensuite commette un
meurtre chez lui (Carbonnier) ou bien un ouvrier en vacance tue quelqu’un (sur la
plage) ou encore le préposé qui se rend de son domicile au lieu de son travail et cause
un accident avec son véhicule personnel ; dans ces différentes hypothèses, le
commettant n’est pas responsable.
- 2e hypothèse. L’acte est posé dans l’exercice de ses fonctions : au cours
d’une livraison, le préposé, en l’occurrence un chauffeur-livreur, dans l’exercice de

240 Inédit.

209
ses fonctions, conduisant un véhicule de l’entreprise, écrase un piéton : le
commettant est responsable même si la faute du préposé constitue une infraction
pénale.

- 3e hypothèse. L’acte est posé à l’occasion des fonctions : c’est là que se


situent les difficultés ; en effet, il existe de nombreuses situations intermédiaires,
notamment lorsque le préposé commet un abus ou un dépassement de fonctions, par
exemple, il utilise, sans autorisation et à des fins personnelles, mais durant les heures
de travail, un véhicule que l’entreprise a mis à sa disposition seulement pour
l’exercice de ses fonctions ; la faute a des rapports mais lâches avec la fonction.

En France, la Chambre criminelle de la Cour de cassation adoptait une


conception extensive du lien avec la fonction. Pour elle, il suffisait que la fonction ait
fourni l’instrument du dommage ou en ait été l’occasion. Par contre, la Deuxième
chambre civile adoptait une conception plus restrictive du lien : dès lors que l’acte est
étranger aux fonctions, il y a abus et le commettant n’est pas responsable.
L’Assemblée plénière, en 1977 et surtout le 17 juin 1983241, a tranché en retenant la
conception restrictive mais en employant une formule large. Pour elle, « les
dispositions de l’art. 1384, al. 5, C. civ. ne s’appliquent pas au commettant en cas de
dommages causés par le préposé qui, agissant sans autorisation à des fins étrangères à
ses attributions, s’est placé hors des fonctions auxquelles il était employé ». En
l’espèce, la responsabilité du commettant n’a pas été retenue lorsqu’un livreur de
mazout a déversé le mazout dans une carrière, acte à l’origine d’une pollution de l’eau
potable.
La question restait posée de savoir si ces trois conditions sont cumulatives.
Afin d’assurer une indemnisation plus fréquente des victimes, l’exigence de trois
conditions pour l’exonération du commettant a été consacrée par l’Assemblée
plénière dans son arrêt du 19 mai 1988 pour qui « le commettant ne s’exonère de sa
responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé,
sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions »242. Ainsi, dans cet arrêt,
une compagnie d’assurance a été déclarée responsable du détournement de fonds
commis par un préposé parce qu’il avait reçu les fonds en exerçant ses fonctions.
Une solution identique a été adoptée lorsqu’un clerc de notaire ou un employé de
banque détourne des fonds en effectuant un acte qui entre dans ses attributions
(opération de prêt par exemple) ou même lorsqu’un préposé d’une société de
nettoyage commet un vol pendant l’accomplissement de son travail.
Un rôle important est donné à l’apparence dans les cas où la victime a été en
rapport avec un préposé afin de conclure ou d’exécuter un contrat qui la lie au
commettant. Celui-ci est responsable des actes de son préposé chaque fois que les
circonstances ou les usages laissaient croire à la victime que le préposé agissait dans
l’exercice de ses fonctions : le commettant ne peut pas échapper à sa responsabilité
241 Dalloz 1984, 134, note Denis.
242 Dalloz 1988, 13, note Larroumet.

210
au seul motif que celui auquel il a confié une tâche a agi à des fins personnelles. En
revanche, la responsabilité est écartée lorsque la victime a fait preuve d’une
imprudence incontestable en se livrant à une opération sortant des attributions
habituelles du préposé et quelque peu suspecte : elle ne pouvait légitimement croire
que le préposé avait agi pour le compte de son employeur.
La conséquence essentielle du dépassement ou de l’abus des fonctions est que
la responsabilité du commettant est écartée et seul le préposé répond de ses actes. Si
dans les mêmes conditions, il a utilisé une chose du commettant, il en est devenu
gardien et sa responsabilité peut être engagée sur le fondement de l’art. 1384, al. 1 er.
La jurisprudence belge n’est pas en reste ; elle retient la responsabilité du
commettant même en cas d’abus des fonctions.
La jurisprudence burkinabè semble admettre de manière large le lien entre
l’acte du préposé et sa fonction. Dans de nombreux cas, elle a retenu la responsabilité
du commettant.
§ II : Les effets de la responsabilité

La responsabilité des commettants est caractérisée par l’inefficacité de la


preuve de l’absence de faute (A) et les effets généraux de la responsabilité du fait
d’autrui (B).

A. L’inefficacité de la preuve de l’absence de faute

Le premier effet et le plus important, c’est que le commettant ne peut pas


s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve de l’absence de faute.
Des décisions du TPI de Ouagadougou du 10 juillet 1974 et du 15 décembre
1975, on peut retenir :
- qu’en matière de responsabilité du fait d’autrui, il existe un régime rigoureux
imposé au commettant ;
- qu’une interprétation jurisprudentielle acquise depuis longtemps n’exclut la
responsabilité du commettant que lorsque celui-ci rapporte la preuve que le
dommage subi trouve son origine dans un fait imprévisible et irrésistible.

De là, il faut tirer la conclusion que seule la démonstration de la force majeure


ou d’un fait en revêtant les caractères (tiers, victime) peut constituer une cause
d’exonération.

B. Les effets généraux de la responsabilité du fait d’autrui

La victime peut poursuivre ou le préposé ou le commettant ou les deux en


même temps. Le commettant peut exercer un recours contre le préposé, ce qu’il
faisait rarement en pratique. Dans ce sens, le TPI de Ouagadougou a rendu le 1 er avril
1965 une décision opérant un partage de responsabilité : 1/3 commettant, 1/3

211
préposé, 1/3 victime (il s’agissait de marchandises déposées dans un atelier de
soudure et qui ont brûlé).

La Cour de cassation française semble exclure la poursuite du préposé, et donc


la responsabilité personnelle de ce dernier, ainsi que le recours du commettant contre
le préposé lorsque le préposé a agi sans excéder les limites de sa mission243. Le
commettant ne peut donc poursuivre le préposé que si ce dernier a commis une faute
constitutive d’une infraction intentionnelle244 ou une faute pénale non intentionnelle
qualifiée245.

§ IV : Le fondement de la responsabilité des commettants

On a pensé à la faute pour fonder la responsabilité des commettants. Ces


derniers devraient, en effet, répondre du mauvais choix du préposé, du défaut de
surveillance de celui-ci ou de mauvaises instructions données. On a également pensé
au risque car le profit de l’activité du préposé va au commettant mais la possibilité
d’un recours du commettant contre le préposé ainsi que la nécessité de démontrer
une faute du préposé affaiblissent cette explication. La théorie de la garantie paraît
plus satisfaisante. Elle repose sur la prise en considération de l’intérêt de la victime
dont les droits ont été lésés. Mais cette théorie s’accorde mal avec la nécessité d’une
faute du préposé. La présomption de responsabilité semble être finalement une
explication convenable.

Section V : L’admission en France d’un principe de responsabilité


présumée du fait d’autrui sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er

L’idée d’admettre un principe général de responsabilité du fait d’autrui est


relativement récente. Certes, l’article 1384, al. 1er, du Code civil disposait déjà qu’on
est responsable du dommage qui est causé par le fait des personnes dont on doit
répondre. Toutefois, cette disposition était considérée comme un prologue
annonçant les responsabilités particulières du fait d’autrui prévus aux alinéas 4 et
suivant dudit article. Dans la doctrine, René Savatier avait été l’un des rares auteurs à
soutenir l’idée d’un général de responsabilité du fait d’autrui sur la base de l’al. 1 er de
l’article 1384 à l’image du principe général de responsabilité du fait de choses admis
par la jurisprudence à travers l’arrêt Jand’heur en 1930 246. Toutefois, sa proposition se
heurta à l’hostilité d’une grande partie de la doctrine. On prétendait, en effet, qu’il n’y

243 Cass. ass. plén, 25 février 2000 (arrêt Costedoat), D. 2000, p. 673, note Ph. Brun ; RTD civ. 2000.
582 ; JCP 2000. I. 241, obs. G. Viney.
244 Ass. plén., 14 décembre 2001, Bull. ass. plén., n° 17.
245 Crim., 28 mars 2006, Bull. crim., n° 91
246 René SAVATIER, « La responsabilité générale du fait des choses que l’on a sous sa garde a-t-elle

pour pendant une responsabilité générale du fait des personnes dont on doit répondre ? DH 1933,
chron., p. 81 s.

212
avait pas, en matière de responsabilité du fait d’autrui, de besoins sociaux pressants
comparables aux nécessités sociales qui avaient été à l’origine de la consécration du
principe général de responsabilité du fait de choses.

Si cette observation est pertinente à cette époque, elle est devenue, au regard
des évolutions sociales postérieures, contestable. En effet, les cas où certaines
personnes sont placées sous la surveillance ou le contrôle se sont multipliés : activés
exercées par des mineurs en dehors de la famille ou de l’école (colonies de vacances,
centre de loisirs…) ; prise en charge des mineurs ou des majeurs handicapés ou des
délinquants dans des établissements ; Enfants de plus en plus confiés à d’autres
personnes (tuteurs, grands parents, nourrices, colonies de vacances ou centres de
loisirs…) que les père ou mère…
Le souci d’indemniser les victimes dans ces cas où les responsabilités classiques
(fait personnel ou responsabilités particulières du fait d’autrui) ne pouvaient jouer a
amené la jurisprudence française à admettre des cas de responsabilité d’autrui en
dehors de ceux prévus par l’article 1384. Ainsi, dans une espèce où un handicapé
mental confié à un centre d’aide par le travail avait mis le feu à une forêt appartenant
aux consort Blieck, l’assemblée plénière rejeta, par un arrêt du 29 mars 1991, un
pourvoi formé contre un arrêt d’une Cour d’appel qui avait décidé d’appliquer en
l’espèce : « les dispositions de l’article 1384, al. 1er, du Code civil, qui énoncent le principe d’une
présomption de responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre ». Bien que cette
décision ne consacre pas un principe général de responsabilité du fait d’autrui, elle
constitue un abandon du caractère limitatif des cas de responsabilité du fait d’autrui.

S’engouffrant dans cette brèche, plusieurs arrêts ont admis la responsabilité du


fait dans diverses situations. Il en va ainsi des dommages causés par les personnes
handicapées ou les mineurs dangereux dont la garde était assurée par des organismes
de droit privé ou des associations. De même ont été tenus responsables le tuteur,
chargé d’organiser et de contrôler le mode de vie de son pupille, pour les dommages
causés par celui-ci247. Par ailleurs, la jurisprudence Blieck a été appliquée aux
associations sportives ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler
l’activité de leurs membres au cours des compétitions sportives 248.

Ces évolutions augurent-elles une consécration d’un principe général de


responsabilité du fait d’autrui ? L’avenir nous le dira.
Reste à savoir la nature de ces nouveaux cas de responsabilité du fait d’autrui.
La chambre criminelle de la Cour de cassation française semble avoir apporté une
réponse. Elle a précisé que la responsabilité dont une personne est tenue du fait
d’autrui est une responsabilité de plein droit. Ainsi, le responsable ne peut s’exonérer

247 Crim., 28 mars 2000, Bull. crim., n°140, D. 2000, somm., p. 446, obs. D. MAZEAUD ; JCP 2000,
I, 241, obs. G. VINEY.
248 Civ. 2e, 22 mai 1995, JCP 1995, II, 22550, note J. Mouly, I, 3895, n° 5, obs. G. Viney.

213
de sa responsabilité en démontrant qu’il n’a pas commis de faute249. La règle a été
cependant assouplie dans l’hypothèse de la responsabilité des organisations sportives
où une faute caractérisée consistant en la violation des règles du jeu doit être
prouvée. Ainsi, hormis cette hypothèse exceptionnelle, la responsabilité pour autrui
ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en établissant une cause étrangère.

249 Crim., 26 mars 1997 (3 arrêts) : JCP 1998, II, 10015, note M. Huyette (1 er arrêt), JCP 1997. II.
22868, rapp. F. Desportes, Grands arrêts, t. 2, n° 228 (2 e arrêt), D. 1997. 496, note P. Jourdain (3 e
arrêt).

214
CHAPITRE III : LA RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES

Selon l’article 1384, al. 1er, l’on est responsable du dommage causé par les
choses que l’on a sous sa garde. La consécration de cette responsabilité est le fruit
d’une évolution dont on doit connaître les étapes (Section I). Puis, pour comprendre
le régime de ladite responsabilité, il convient d’examiner ses conditions (Section II),
ses effets (Section III) et son fondement (Section IV). Enfin, l’on passera en revu
certaines responsabilités spéciales du fait des choses (cas des accidents causés par un
véhicule automobile et des produits défectueux) (Section V).

Section I : L’évolution

L’évolution doit être abordée au plan général (§ I) et au plan du droit (§ II).

§ I : Au plan général

Lors de l’adoption du Code civil en 1804, les dommages causés par les choses
étaient plutôt rares. Les articles 1382 et 1383 suffisaient même dans le cas où une
personne s’était servie d’une chose. Avec l’évolution vers la société industrielle, l’on a
assisté à la mécanisation ou à la « chosification » de l’activité, des moyens de
transport et à des installations et équipements divers destinés à faciliter la vie
quotidienne. Les machines diverses dans les usines, les véhicules (automobiles,
motos, bicyclettes) dans la circulation, les escaliers roulants, les ascenseurs, les
machines sophistiquées de soins, etc., tendent à rendre les accidents anonymes. Il
devient de plus en plus difficile, voire impossible, de prouver la faute d’une personne.
Quand un ouvrier travaillant sur une machine sophistiquée est blessé, est-ce qu’il y a
vraiment une faute de l’employeur ? On éprouve beaucoup de difficultés à
déterminer qui est fautif ou responsable dans nombre d’accidents de la circulation
(comme les carambolages).

§ II : Au plan du droit

Il est manifeste que les rédacteurs du Code civil, en écrivant l’article 1384, al.
1er, entendaient simplement annoncer les articles 1385 et 1386 concernant
respectivement les animaux et la ruine des bâtiments.

Devant le nombre de plus en plus important de dommages quêtant réparation


et, encouragés par le législateur qui avait organisé la réparation des accidents du
travail, jurisprudence et doctrine optèrent pour une lecture littérale de l’article 1384,
al 1er : on est responsable du dommage causé par le fait des choses que l’on a sous sa
garde. La faute n’y est pas mentionnée. C’est entre 1920 et 1930 que la jurisprudence
française de la Cour de cassation allait poser, particulièrement dans l’arrêt Jand’heur

215
du 13 février 1930250, les bases et les conditions de cette responsabilité. En l’espèce, il
s’agissait d’un accident d’automobile. La cour d’appel avait refusé d’appliquer 1384,
al. 1er, au double motif que ce texte ne joue pas à l’égard des choses « actionnées par
la main de l’homme » et que la preuve n’avait pas été rapportée que cette chose avait
quelque « vice propre ». L’arrêt de la cour d’appel est cassé aux motifs que la loi ne
distingue pas entre choses actionnées ou non actionnées par la main de l’homme ni
entre celles qui auraient un vice et celles qui n’en auraient pas. La Cour de cassation
ajoute que la présomption de responsabilité de l’art. 1384, al. 1er, ne peut être détruite
que par la preuve d’un cas fortuit ou d’une cause étrangère non imputable. Les
conditions de cette responsabilité venaient ainsi d’être précisées.

Section II : Les conditions de la responsabilité

De la jurisprudence, on déduit qu’il faut le fait d’une chose (§ II) et la garde de


cette chose (§ III). Mais il convient de préciser la notion de chose (§ I).

§ I : La chose

La chose est l’un des termes les plus vagues de la langue française. Il faut
évoquer successivement les choses comprises (A) et les choses non comprises (B)
ainsi que le cas du droit belge où l’on exige un vice de la chose (C).

A. Les choses comprises

Au résultat de l’évolution, toutes les restrictions ont été abandonnées. Il s’agit


donc de toutes les choses inanimées (à la différence des animaux), quelles soient
mobilières ou immobilières, dangereuses ou non, avec ou sans vice, actionnées ou
non par la main de l’homme, en mouvement ou non. Ainsi sont compris les
véhicules avec ou sans moteur, les navires, les aiguilles médicales, les arbres, les lames
de rasoir, les fils électriques, les bouteilles de gaz, les locomotives, la pierre projetée
par un pneu251 et même une personne réifiée (chosifiée, transformée en chose)
comme l’a admis la Cour de cassation française252.

B. Les choses non comprises

Il s’agit principalement des animaux, des bâtiments, de l’incendie mais il y a


d’autres choses non comprises.

250 Dalloz 1930, 1, 57.


251 Cour de cassation fr., Civ. 2e, 4 octobre 1961, Dalloz 1961, 755.
252 Civil, 2e, 2 mai 1968, R.T.D. Civ., 1968, 721, obs. Durry : la Cour de cassation y a décidé qu’un

automobiliste pouvait être condamné, en application de l’art. 1384, al. 1 er, lorsque sa passagère,
réifiée en quelque sorte, avait, en descendant du côté de la circulation et alors qu’elle tenait encore
la poignée de la portière, surpris un cycliste qui s’était grièvement blessé.

216
1) Les animaux

Aux termes de l’article 1385 du code civil, le propriétaire d’un animal ou celui
qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal
a causé, soit que l’animal fut sous sa garde, soit qu’il fut égaré ou échappé. Le
propriétaire ou celui qui s’en sert (cette expression est à rapprocher du gardien visé
par l’art. 1384, al. 1er) est présumé responsable et ne s’exonère que s’il démontre une
cause étrangère qui ne lui est pas imputable 253. Les animaux sauvages non appropriés
ne sont pas concernés. Dans l’ensemble, cette responsabilité est très proche de la
responsabilité générale du fait des choses de l’article 1384, al. 1er, et n’a donc plus de
raison d’être.
2) Les bâtiments

Selon l’article 1386 du code civil, le propriétaire d’un bâtiment est responsable
du dommage causé par sa ruine due au défaut d’entretien ou au vice de sa
construction. La victime doit prouver que la ruine a pour cause le vice de
construction ou le défaut d’entretien. Le propriétaire peut démontrer qu’il n’a pas
commis de faute ou que la ruine est due à la force majeure (ouragan, foudre,
inondation…). En dehors de ce cas de ruine pour défaut d’entretien ou vice de
construction, les bâtiments et les autres immeubles entraînent la responsabilité sur le
fondement de 1384, al. 1er.
3) L’incendie

A la lumière des alinéas 2 et 3 de l’article 1384 du code civil, celui qui détient à
un titre quelconque tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels
un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis des tiers des dommages
causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la
faute des personnes dont il est responsable. Il faut donc que l’incendie ait pris
naissance dans une chose qui provoque le dommage. Cette dérogation a été apportée
pour ne pas laisser accroître démesurément le coût de l’assurance254.
Ces dispositions ne s’appliquent pas dans le cadre contractuel, notamment dans
les rapports entre bailleur et locataires, qui sont régis par les articles 1733 et 1734 du
Code civil, qui prévoient une présomption de responsabilité du locataire, lequel ne
peut s’exonérer qu’en prouvant que l’incendie est arrivé par cas fortuit ou force
majeure ou le vice de la construction ou que le feu a été communiqué par une maison
voisine.
4) Les autres choses exclues

Les autres choses sont, par exemple, constituées par :


- les res nulius (choses non appropriées) : il manque la garde ;

253Cas. fr., civil, 29 avril 1969, Dalloz, 1969, Sommaire 97.


254Pour approfondissement Henri et Léon Mazeaud, et André Tunc, Traité théorique et pratique de la
responsabilité civile délictuelle et contractuelle, T2, Ed. Montchrestien, p. 347 à 367

217
- la personne humaine, du moins vivante ;
- et toutes les choses faisant l’objet d’un régime spécial.

C. Le cas du droit belge : le vice de la chose

Partant de l’article 1384, al. 1er, qui a la même rédaction en France et au


Burkina, la jurisprudence belge a construit un système propre. Elle dispense les
victimes de prouver la faute du gardien, mais les oblige à rapporter la preuve d’un
vice de la chose. Peu importe d’ailleurs que ce vice soit apparent ou secret, connu ou
non du gardien. Il suffit que l’accident ne puisse s’expliquer par aucune autre cause
concrète que le vice de la chose. Le vice est entendu de manière large : c’est toute
conformation, composition, imperfection qui rend la chose inapte à son usage
normal. L’élément vicieux peut être intrinsèque : un câble électrique à haute tension
qui est tombé, l’échappement de vapeur d’une locomotive d’une densité telle qu’elle
rend la circulation dangereuse sur la route qui longe la voie ferrée…

La victime doit démontrer le vice, le lien de causalité entre le vice et le


dommage et la garde. Le juge peut recourir à des présomptions (précises, graves et
concordantes) pour établir le vice mais, comme on le verra, ce système est moins
protecteur que le système français et burkinabè où il suffit d’un fait causal de la chose
et la garde.
§ II : Le fait de la chose

S’agissant du fait de la chose, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un contact entre
la chose et la victime (A) mais il faut un rôle actif de la chose (B). Par ailleurs, faut-il
un rapport entre le fait personnel et le fait des choses ? (C).

A. La non-exigence d’un contact entre la chose et la victime

Pour que le fait de la chose soit considéré comme causal, il n’est pas nécessaire
qu’il y ait un contact entre la chose et la victime, que la chose ait été en mouvement
au moment de l’accident ou que la chose soit dotée d’un mécanisme propre.
Exemple : la roue d’une auto qui fait sauter une pierre qui va briser une vitre ou un
pare-brise ; ou encore en se déportant brusquement sur la gauche, un camion oblige
le conducteur d’une voiture en train de le dépasser à faire un mouvement qui se
termine contre un arbre… Dans ce sens, l’arrêt n° 32 du 13 février 1976 de la
Chambre judiciaire de la Cour suprême de Haute-Volta réaffirme qu’aucun contact
matériel entre le véhicule cause du dommage et la victime n’est nécessaire.

B. La nécessité d’un rôle actif de la chose

Il y a lieu de distinguer entre les choses inertes et les choses en mouvement.


Pour les choses en mouvement, il suffit de prouver l’intervention de la chose. En

218
revanche, pour les choses inertes, comme les escaliers ordinaires (fixes) ou une chaise
pliante gisant à la terrasse d’un café, il est nécessaire de prouver son caractère
défectueux, son caractère anormal ou irrégulier. Ainsi n’a pas été retenue la
responsabilité de l’établissement de bains où une cliente en syncope était tombée sur
un tuyau brûlant. Par contre, celui qui a laissé une trappe ouverte dans un escalier
obscur peut voir sa responsabilité engagée.

C. Le rapport entre le fait personnel et le fait des choses

Avec la conception large de la responsabilité du fait des choses, dès lors que les
choses sont actionnées par l’homme, la responsabilité peut se fonder, soit sur 1382 –
1383, soit sur 1384, al. 1. Ce système est critiqué parce qu’il accorde deux
fondements à une action éventuelle et crée la confusion. Selon les critiques, il aurait
fallu réserver la responsabilité du fait des choses s’il y a un fait autonome de la chose
ne faisant pas intervenir l’homme.
Malgré ces critiques, la responsabilité englobe les situations où les choses sont
actionnées par l’homme, comme le dommage causé par le porte-aiguille que manie le
chirurgien, le casier à bouteilles que porte le livreur, ou encore le ski au pied du
skieur. Ce système présente de l’intérêt quand la victime ne peut prouver la faute et
même dans le cas de faute prouvée, l’art. 1384, al. 1er, permet à la victime de n’avoir
pas à subir la prescription de 10 ans, 3 ans ou 1 an quand le fait personnel constitue
une infraction pénale.
Dans la responsabilité du fait des choses, il est nécessaire de démontrer le fait
causal de la chose, ce qui paraît relativement aisé. Mais cela ne suffit pas. Il faut
démontrer que la personne dont on entend engager la responsabilité en avait la garde.

§ III : La garde

Il convient de préciser la notion de garde (A), le caractère alternatif de la garde


(B) et se demander si les déments peuvent être gardiens (C).

A. La notion de garde

La garde est constamment définie par la jurisprudence comme comportant


l’usage, la direction et le contrôle de la chose. Le gardien doit avoir le pouvoir de
surveiller et de contrôler tous les éléments de la chose, y compris les secrets internes
parce que c’est ainsi qu’il est à même de prévenir le dommage. Ainsi définie, la garde
appartient le plus souvent au propriétaire. Mais deux conceptions ont fait jour à ce
sujet. Il s’agit d’abord de celle de la garde dite juridique, qui ne retient que le
propriétaire comme gardien, à moins que celui-ci ait transféré la garde par contrat
(contrats de dépôt, de transport, de location, de prêt à usage, etc.). Il s’agit ensuite de
la garde dite matérielle, selon laquelle si le propriétaire est souvent gardien, il peut
en être différemment non seulement dans le cas de transfert par contrat mais

219
également dans le cas où il a été privé de l’usage, de la direction et du contrôle de la
chose.
A la question de savoir qui a la garde entre le propriétaire et le voleur de la
voiture, on note que l’arrêt des Chambres réunies de la Cour de cassation du 2
décembre 1941, rendu dans l’affaire Franck et Connot, lui a donné une réponse
satisfaisante255. Selon cet arrêt, celui qui n’a plus les attributs de la garde (usage,
direction et contrôle) ne peut plus être responsable du fait des choses (conception
proche de la garde matérielle). Ainsi, c’est le voleur qui est responsable de la chose
volée, sauf à démontrer la faute personnelle du propriétaire et son lien avec le
dommage. Le TPI de Ouaga, dans un jugement rendu le 22 novembre 1962, a retenu
une formulation qui laisse entendre qu’elle reconnaît seulement la garde juridique.
Selon lui, « O. D. étant le propriétaire du camion en avait la garde ; il importe peu, au regard de
1384, al. 1er, que O. D. ait délégué cette garde au chauffeur T. B… ». Mais peut-être
s’agissait-il là d’un commettant et d’un préposé. Dans ce cas, le commettant seul est
considéré comme gardien.

La garde n’exige pas une certaine durée. Ainsi, l’auteur d’un coup de pied
donné à une bouteille est gardien de celle-ci256. Elle est transférée en même temps
que la détention au locataire ou à l’emprunteur, sauf si le nouveau détenteur est
subordonné au propriétaire

B. Le caractère alternatif de la garde

Ce caractère ne signifie pas que plusieurs personnes ne peuvent pas être


considérées comme gardiens de la chose. Les copropriétaires, en ce qui concerne le
bien indivis, et les joueurs, en ce qui concerne le ballon, sont co-gardiens. Ce
caractère alternatif implique que si l’usage, le contrôle et la direction sont perdus, la
responsabilité du propriétaire ou de l’ancien gardien ne peut être retenue. Ne peut
être retenue que la responsabilité des personnes qui exercent concrètement ces
pouvoirs, par exemple le voleur. Il n’y a pas de solidarité entre l’ancien et le nouveau
détenteur.

Il s’est posé la question de la garde de la structure et de la garde du


comportement, qui pourraient coexister à un moment donné en matière de produits
faisant appel à une haute teneur technologique. Par exemple, au cours d’une livraison
à l’acheteur, une bouteille de gaz éclate et cause un dommage. Les causes étant
inconnues, la responsabilité, non du livreur, mais du fabricant a été retenue257. Cette
solution est critiquée parce qu’elle complique la responsabilité et risque d’être
préjudiciable à la victime qui doit savoir si son dommage est dû à un défaut de

255 Dalloz critique, 1942, 25, note G. Ripert ; Sirey 1941, I, 217, note H. Mazeaud ; JCP 1942, II, 1766,
note J. Mihura ; voy. également Grands arrêts et Mazeaud.
256 Civ. 2, 10 février 1982, JCP 1983, 20069, note A. Coeuret.
257 Cas. fr., civil, 5 janvier 1956, D, 57, 261.

220
structure et ou à un défaut de comportement. Il aurait mieux valu que la victime
poursuive le livreur, quitte à ce que celui-ci à son tour poursuive le fabricant. Dans
tous les cas, cette distinction n’est pas unanimement reconnue par tous les tribunaux.

C. Les déments peuvent-ils être gardiens ?

En droit burkinabè, les déments n’étant pas responsables de leur fait personnel,
ne sont pas gardiens et par conséquent leur responsabilité du fait des choses ne peut
être retenue. Mais un revirement jurisprudentiel n’est pas exclu.

En droit français et belge, les lois qui ont consacré la responsabilité des
déments semblent devoir être limitées au fait personnel, à condition que celui-ci
puisse être considéré comme une faute s’il avait été posé par une personne
consciente. Comme il n’est pas toujours facile de prouver un fait fautif, surtout
quand il y a intervention de choses, en jurisprudence française, on rencontre des
décisions considérant les déments comme gardiens. Selon l’arrêt Trichard258, le
propriétaire de la voiture en est en principe le gardien et, à la question de savoir si la
folie est un événement exonérant le gardien, l’arrêt répond négativement car il ne
s’agit pas d’un événement extérieur, étranger au gardien. Par la suite, elle a admis
qu’un très jeune enfant pouvait être gardien259.

Section III : Les effets

Une fois le fait causal de la chose et la garde démontrés, le défendeur ne peut


éluder sa responsabilité en démontrant l’absence de faute. Il y a là une présomption
irréfragable de faute et de responsabilité reconnue par la jurisprudence française,
belge et burkinabè. Pour s’exonérer, le défendeur doit démontrer des circonstances
extérieures, le fait de la victime ou d’un tiers revêtant les caractères de la force
majeure. C’est dans ce sens que s’est prononcé le TPI de Ouagadougou dans un
jugement du 22 novembre 1962. Il peut également s’exonérer en démontrant le rôle
passif de la chose.

Dans le cas du transport bénévole, la jurisprudence française refusait que la


victime transportée puisse engager la responsabilité du transporteur aux motifs qu’il y
a acceptation des risques et renonciation à l’article 1384, al. 1. Depuis 1968, cette
solution est complètement abandonnée260. La jurisprudence belge retient la

258 Civil 2ème, 18 décembre 1964, D. 1965, 191.


259 Arrêt Gabillet, Assemblée plénière, 9 mai 1984, Dalloz 1984, 525, conc. Cabannes, note Chabas.
260 Cas. fr., Ch. mixte, 20 décembre 1968 (3 arrêts), Dalloz 1969, 37. Opérant un revirement, la Cour

de cassation a décidé qu’en l’absence d’un texte contraire, l’article 1384, alinéa 1 er, s’appliquait en
matière de transport bénévole. Cette question a perdu une grande partie de son intérêt depuis la
réforme opérée par la loi du 5 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes des accidents de la
circulation, y compris les personnes transportées. Or, c’est en substance les dispositions de cette loi

221
responsabilité du transporteur bénévole soit sur la base de la faute prouvée, soit sur
le fondement du vice mais le transporteur peut s’exonérer en démontrant
l’acceptation des risques (par exemple, une personne monte dans une voiture en
sachant que le conducteur était dans un état voisin de l’ébriété (Bruxelles, 26 janvier
1950). La jurisprudence burkinabè admet la responsabilité du transporteur bénévole
au moins sur le fondement des articles 1382 et 1383 comme dans la décision du TPI
de Ouagadougou du 17 janvier 1963 (chambre civile).

Section IV : Le fondement de la responsabilité du fait des choses

Aucune théorie ne semble actuellement en mesure d’expliquer de manière


satisfaisante toutes les solutions du droit positif.

S’agissant de la théorie de la faute (la théorie subjective), on a d’abord


prétendu la responsabilité du fait des choses pouvait s’expliquer par la présomption
de faute qui pèserait sur le gardien. Mais le caractère irréfragable de la présomption
de faute rend cette explication inacceptable. Ensuite on a avancé qu’il y avait une
faute dans la garde, celle-ci étant définie tantôt comme une obligation d’empêcher
certaines choses de causer un dommage à autrui, tantôt comme consistant à avoir
laissé la chose échapper au contrôle matériel de l’homme. Mais cette faute n’a rien à
voir avec la faute des articles 1382-1383. Comme des auteurs l’ont écrit, on discerne
la faute parce que l’on a préalablement posé l’obligation d’empêcher le dommage261.

S’agissant de la théorie du risque, elle supposerait que l’on analyse l’altitude


de tous les agents au regard de cette théorie. Or, on tient compte de la faute de la
victime dans la responsabilité du fait des choses. Cela est contraire à la théorie du
risque qui ne considère que l’activité créatrice du risque.
S’agissant enfin de la théorie de la garantie, qui part de la prise en
considération de l’intérêt de la victime, elle semble mieux expliquer cette
responsabilité. Cependant, la distinction entre les dommages qui seraient
objectivement garantis (dommages corporels et matériels) et ceux qui ne le seraient
pas (dommages économiques ou moraux) n’est pas prise en compte par la
jurisprudence.

Au total, plus que les théories, c’est la volonté d’assurer, dans toute la mesure
où cela n’est pas choquant, la réparation en faveur des victimes qui explique cette
responsabilité. L’on permet en effet à des victimes qui ne peuvent démontrer une
faute sur la base des articles 1382 - 1383 de se fonder sur 1384, al. 1er, parce qu’une
chose a été utilisée dans la commission du dommage.

que reprend le Code CIMA applicable dans la plupart des Etats francophones d’Afrique dont le
Burkina.
261 Marty et Raynaud, cité par Weill et Terré, 81, p. 825.

222
Section V : Les responsabilités particulières du fait des choses

Il existe de nombreux cas de responsabilités particulières du fait des choses,


notamment en France : responsabilité de plein droit de l’exploitant d’un aéronef,
même en cas de force majeure, pour les dommages causés à la surface (art. L. 141-2
du code de l’aviation civile et 166 de l’ordonnance 69-25 du 12 mai 1969 portant
code de l'aéronautique civile du Burkina Faso)262 ; responsabilité de plein droit de
l’exploitant du navire transportant des matières nucléaires (loi du 12 décembre 1965),
du navire en cas de pollution par hydrocarbures. Le cas qui a des chances de recevoir
une application fréquente est relatif aux accidents de la circulation (Sous-section I).
On évoquera également le droit comparé relatif aux produits défectueux (Sous-
section II).

Sous-section I : Le cas de la responsabilité résultant d’un accident de la


circulation

La responsabilité du fait d’un accident de la circulation est régie par les articles
200 à 277 du Code CIMA, qui constituent une reprise des dispositions de la loi
française du 5 juillet 1985263. Ces dispositions sont d’une complexité rebutante. En
s’en tenant à l’essentiel, il sera examiné successivement les conditions du droit à
indemnisation des victimes (§ I), le fondement du droit à indemnisation des victimes
(§ II), les causes d’exonération (§ III), le problème des recours (§ IV) et les garanties
accordées à la victime (§ V).

§ I : Les conditions du droit à indemnisation des victimes

Il faut d’emblée souligner que le Code CIMA s’applique aussi aux victimes
transportées en vertu d’un contrat, si bien qu’il crée un régime uniforme, que la
responsabilité soit d’origine délictuelle ou contractuelle. D’après les dispositions du
Code CIMA (art. 200, 220 et 225), il faut un accident (A) de la circulation (B) causé

262 J.O.RHV. du 8 septembre 1969, p. 13) ; modifiée par l'ordonnance 75-46 du 29 septembre 1975
(J.O.RHV. du 16 octobre 1975, p. 776. L’article 166 de ce Code est ainsi libellé : « Responsabilité et
réparation. 1) L'exploitant de tout aéronef qui exerce une activité aéronautique [au Burkina Faso] ou
qui survole ce territoire est responsable des dommages causés aux personnes et aux biens de tiers à la
surface par un aéronef qu'il utilise personnellement ou par l'intermédiaire de ses préposés agissant au
cours de l'exercice de leurs fonctions, que ce soit ou non dans les limites de leurs attributions.
2) Toute personne qui subit un dommage à la surface dans les conditions fixées par la présente
ordonnance a droit à réparation, si elle prouve que le dommage provient d'un aéronef en vol ou d'une
personne ou d'une chose tombant de celui-ci. Toutefois, il n'y a pas lieu à réparation si le dommage
n'est pas la conséquence directe du fait qui l'a produit ou s'il résulte du seul passage de l'aéronef
conformément aux règles de la circulation aérienne fixées par la présente ordonnance ».
263 La loi tend à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à

l’accélération des procédures d’indemnisation.

223
par un véhicule terrestre à moteur (C). Bien entendu, il est nécessaire de constater un
dommage causé par celui-ci (D).
A. L’accident

Il peut être défini comme un événement soudain, fortuit (en latin : accidens = ce
qui arrive fortuitement), imprévu, dont la réalisation n’a pas été recherchée par le
conducteur du véhicule et qui a causé un dommage.
La Cour de cassation française en déduit que le dommage causé par la violence
volontaire d’un conducteur n’est pas le résultat d’un accident, par exemple, quand
l’automobiliste dirige intentionnellement son véhicule contre un piéton et le blesse.

B. La circulation

Un véhicule est en circulation quand :


- il est en mouvement en un lieu quelconque, public ou même privé : par ex. un
tracteur dans un champ, un appareil de damage sur une piste de ski ;
- il est en stationnement en un lieu ouvert au public.
En revanche, il n’est pas en circulation lorsque :
- le véhicule est immobilisé dans un lieu privé,
- le véhicule, immobilisé sur la voie publique, est employé à une fonction
utilitaire propre, étrangère à la circulation : un engin fonctionnait comme une
machine-outil (dommage causé par un engin de terrassement immobilisé).

Quid lorsque l’accident se produit au cours d’une compétition sportive ? La


Cour de cassation française applique la présente responsabilité si la victime est un
spectateur et l’exclut si la victime est un concurrent, ce qui conduit alors à appliquer à
ce dernier le droit commun de la responsabilité du fait des choses.

C. Le véhicule terrestre à moteur

Il s’agit de tout engin destiné au transport ou à un travail quelconque, doté


d’un moteur et qui se meut uniquement sur le sol : automobile, cyclomoteur,
balayeuse, tracteur, moissonneuse-batteuse, véhicule sur chenilles, etc. La loi étend
les règles aux dommages causés par une remorque ou une semi-remorque si elle était,
au moment de l’accident, attelée à un véhicule terrestre à moteur. Mais le Code
CIMA ne s’applique pas lorsque seul est concerné un chemin de fer ou un tramway
circulant sur les voies qui lui sont propres, c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas mêlé au reste
de la circulation (art. 203).

D. Le dommage causé par un véhicule terrestre à moteur

L’élément important ici est le fait d’être causé. Contrairement à la loi française
dont il s’inspire, le Code CIMA ne s’est pas contenté de la notion de dommage

224
impliquant un véhicule mais exige un dommage causé par un véhicule. Mais dans
le fond, la différence entre la réglementation française et celle du Code CIMA ne
semble pas importante.

1) Les différentes conceptions possibles

Une première conception, partant de la théorie de la causalité adéquate, exige


que le véhicule ait été l’instrument du dommage, c’est-à-dire ait joué un rôle actif.
Dans une deuxième conception, il suffirait d’une participation matérielle : par
exemple, en cas de heurt avec un véhicule en stationnement régulier, le véhicule est
dans ce cas l’occasion et non la cause du dommage. Une troisième conception
intermédiaire considère qu’une simple participation matérielle ne suffit pas mais le
rôle actif n’est pas exigé. Le véhicule doit avoir joué un rôle quelconque dans
l’accident. C’est dire que, dans cette dernière conception, l’on applique la théorie de
l’équivalence des conditions pour retenir que le véhicule n’est pas la cause de
l’accident si celui-ci se serait quand même produit en son absence.

La Cour de cassation française semble distinguer selon qu’il y a eu ou non


heurt avec le véhicule. En cas de contact avec le véhicule, celui-ci est a priori la cause
du dommage et il n’y a pas à rechercher s’il a joué un rôle actif, s’il était en
mouvement, à l’arrêt ou en stationnement. En l’absence de contact, la victime doit
prouver que le véhicule est intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance
de l’accident. C’est une solution assez proche de la théorie de l’équivalence des
conditions : un véhicule peut donc être considéré comme ayant causé le dommage
lorsqu’il ralentit brusquement et gêne la circulation des autres véhicules ou lorsque sa
position à l’arrêt obstrue la visibilité.

2) La preuve de la causalité et la distinction entre cause de l’accident et


cause du dommage

La preuve de la causalité incombe à la victime ou, plus exactement, la victime


doit établir certains faits, comme un choc avec un véhicule. Il appartient ensuite au
juge de décider si le véhicule est ou non la cause de l’accident.
La Cour de cassation a récemment introduit une distinction entre cause de
l’accident et cause du dommage, surtout à propos d’accidents complexes ou
successifs. Quand la preuve de l’implication du véhicule dans l’accident est établie, il
en résulte une présomption de causalité dans le dommage. Mais la preuve contraire,
c’est-à-dire que le véhicule n’est pas la cause du dommage, peut être rapportée. Par
exemple, un piéton est renversé par un véhicule A, non identifié, puis B passe sur le

225
corps de la victime ; le véhicule B est certainement impliqué dans l’accident mais
l’est-il dans le dommage ? En vertu de la présomption, la réponse est affirmative.
Toutefois, elle peut être écartée. Ainsi, le conducteur du second véhicule et son
assureur ne devront pas indemniser les héritiers de la victime s’ils démontrent que
celle-ci était déjà morte après le premier choc, c’est-à-dire que B n’est pas réellement
impliqué ou n’est pas la cause du dommage264.

§ II : Le fondement du droit à indemnisation des victimes

Le fondement de cette responsabilité, qui se pose en termes similaires en droit


français et dans le Code CIMA, est vivement discuté en doctrine (A). La
jurisprudence est intervenue pour trancher le débat (B).

A. Les conceptions doctrinales

Selon une première conception, la loi de 1985, et donc le Code CIMA, ne crée
pas une nouvelle règle de responsabilité ; elle aménage simplement les causes
d’exonération. De ce fait, les règles de responsabilité puisent leur source dans le droit
commun, notamment l’article 1384, alinéa 1er, sur lequel la loi vient se greffer.
Une deuxième conception, opposée à la première, considère que la loi se
détache de la responsabilité et instaure un droit à indemnisation des victimes dès lors
qu’un véhicule est impliqué. On n’a pas à rechercher un responsable. La loi désigne,
non celui qui est responsable, mais celui qui doit payer : l’assureur du véhicule
impliqué.

Pour une troisième conception intermédiaire, la loi reste une loi de


responsabilité mais introduit un régime autonome de responsabilité, distinct du droit
commun et qui découle de l’implication : celui dont le véhicule est impliqué est de
plein droit responsable.
B. La position de la jurisprudence

La Cour de cassation française adopte la troisième conception entraînant les


conséquences ci-dessous.
- La loi est autonome : l’indemnisation des victimes doit se fonder sur les
dispositions spécifiques et non et sur les articles 1382 et suivants du Code civil.

264 En cas d’accident complexe, lorsqu’un véhicule est impliqué dans un accident, l’implication du
véhicule à cet accident est présumée : c’est au conducteur ou gardien du véhicule qu’il appartient de
démonter que le dommage n’est pas imputable à l’accident dans lequel son véhicule est impliqué.
Ainsi, lorsque, après une collision entre deux véhicules, l’un des conducteurs a été éjecté de sa voiture
et que, gisant sur le sol, il a été heurté par un autre véhicule, le conducteur de ce dernier doit être
condamné à indemniser les ayants cause de la victime décédée, dès lors qu’il n’est pas établi que la
victime avait été mortellement blessé dans la première collision et que le défendeur ne rapportait pas la
preuve de l’absence de lien de causalité entre le dommage et le fait de la victime (C. cas., civ. 2 e, 25
mars 1991, Bull. civ. II, n° 96 ; TRD civ. 1991, 550, obs. Jourdain.

226
- La loi est fondée sur la responsabilité qu’elle modifie en ce sens que le
conducteur ou le gardien du véhicule impliqué engage sa responsabilité de plein droit
envers les victimes. Si plusieurs véhicules sont impliqués, la victime peut réclamer
réparation intégrale à l’un quelconque des conducteurs ou gardiens.
- La loi n’entraîne pas l’irresponsabilité des personnes qui ne sont pas des
conducteurs de véhicules à moteur. La responsabilité d’un cycliste ou d’un piéton
reste inchangée et peut être engagée sur le fondement du droit commun (1382 ou
1384, al. 1er) mais non sur la loi de 1985. Par exemple, en cas de collision entre une
automobile et une bicyclette : l’automobiliste est responsable envers le cycliste sur le
fondement de la responsabilité spéciale ; le cycliste engage éventuellement sa
responsabilité sur 1382 ou 1384, al. 1er.
- Le conducteur, victime d’un accident dans lequel seul son véhicule est
impliqué, ne peut pas demander une indemnisation à son propre assureur sur le
fondement de la loi de 1985. Il lui faut, pour être indemnisé, établir la responsabilité
selon les règles du droit commun. Par exemple, un automobiliste heurte un arbre
pour éviter un piéton qui surgit d’une voie mal signalée : il peut alors selon
l’hypothèse se prévaloir de la responsabilité du piéton (art. 1382) ou de celle de
l’entrepreneur qui a réalisé les travaux (art. 1382 ou 1384, al. 1 er).

La position de la jurisprudence burkinabè est ambigüe sur la question. Dans un


arrêt rendu le 25 avril 1997265, la Cour d’appel de Ouagadougou (Chambre
correctionnelle) décide « …qu’aux termes des dispositions du Code CIMA, la procédure
d’indemnisation des victimes est assujettie à une nouvelle notion de droit qui exclut celle de la
responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle….Que les dispositions de l’article 1384 ne peuvent plus
être le fondement juridique dans la mise en œuvre de la procédure d’indemnisation des victimes… ».
Toutefois, la même Cour, dans un autre arrêt rendu le 25 juillet 1997266, a admis
l’opposabilité de la faute à la victime et, subséquemment, un partage de responsabilité
(sur la base de l’article 1383 du Code civil) en matière indemnisation d’un préjudicie
corporel, et ce contrairement à l’article 228 du Code CIMA, avant de se fonder sur
celui-ci pour calculer le montant de l’indemnité.

§ III : Les causes d’exonération

Elles se caractérisent par deux règles : l’éviction de la force majeure (A) et une
prise en compte diversifiée de la faute de la victime (B).

A. L’éviction de la force majeure

Le principe est que la force majeure ne peut plus être invoquée contre la
victime par le conducteur ou le gardien d’un véhicule à moteur. C’est une
modification capitale car, sur le plan de la théorie, la responsabilité est normalement
265 in R.D.B. n°35, 1er semestre 1999, pp.107-118, note K. NIKIEMA,
266 in R.D.B. n°35,1er semestre 1999, pp.107-118, note K. NIKIEMA

227
écartée en cas de force majeure. Sur le plan pratique, tout le contentieux sur
l’appréciation des cas de force majeure est éliminé avec la loi française de 1985 et le
Code CIMA.

Quant au domaine de l’éviction :


- il n’est pas fait de distinctions suivant les victimes, donc la force majeure est
inopposable à toute victime (piéton, automobiliste) ni suivant que les dommages
soient corporels ou matériels ;
- les personnes privées du droit d’invoquer la force majeure sont le conducteur
et le gardien du véhicule à moteur : toute autre personne (cycliste, piéton, etc.) dont
la responsabilité serait mise en jeu peut se prévaloir de la force majeure.
- l’art. 226 du Code CIMA fait état de la force majeure et de la faute de la
victime.

La force majeure est extérieure aux parties : cela signifie que si c’est la faute de
la victime qui présente les caractères de la force majeure, la question de l’exonération
du conducteur ou du gardien doit se résoudre par application des dispositions qui
envisagent les effets de la faute de la victime. Le fait du tiers, s’il présente pour le
gardien ou le conducteur les caractères de la force majeure, n’est alors qu’une
application du cas précédent. Mais s’il n’a pas ces caractères, dans ce cas, même en
droit commun, il n’est pas une cause d’exonération.

B- La prise en compte diversifiée de la faute de la victime

La seule cause d’exonération maintenue est la faute de la victime mais le régime


est diversifié en fonction du type de dommages (1) et des catégories de victimes :
victimes directes (2) et victimes par ricochet (3)

1) La distinction entre les dommages aux biens et les atteintes aux


personnes

Pour les dommages causés aux biens, la faute quelconque commise par la
victime a un effet sur son droit à indemnisation. Ainsi, en principe, la faute de la
victime, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les victimes, a pour effet de limiter ou
d’exclure l’indemnisation des dommages aux biens qu’elle subit (art. 228, al. 3). La
faute de la victime va entraîner, soit un partage de responsabilité dans les conditions
du droit commun, soit même l’absence d’indemnisation lorsque la faute a été la cause
exclusive du dommage. Dans le cas particulier des dommages causés au véhicule
dont le conducteur n’était pas le propriétaire, ce dernier peut demander réparation à
l’auteur du dommage. Mais celui-ci est en droit de lui opposer la faute du conducteur,
susceptible d’entraîner un partage ou une exclusion d’indemnisation. C’est le seul cas
dans lequel la loi permet d’opposer à la victime, ici le propriétaire, le fait (en l’espèce

228
fautif) d’un tiers (le conducteur). Le propriétaire incomplètement indemnisé peut
exercer un recours contre le conducteur.
Pour les atteintes à la personne, l’incidence de la faute commise par la
personne lésée varie grandement selon la catégorie à laquelle elle appartient.

2) La distinction entre les victimes directes de dommages


corporels

Pour les dommages résultant des atteintes à la personne, ce qui englobe les
fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale, il y a deux situations à
distinguer : celle du conducteur (a) et celle des autres victimes, c’est-à-dire celle des
victimes autres que le conducteur (b).

a) Le conducteur de véhicules terrestres à moteur

Concernant l’incidence de la faute, la faute quelconque qu’il a pu commettre


a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. Cette
incidence se produit dès lors que la faute du conducteur a contribué à la réalisation
du préjudice : à son égard, les règles d’indemnisation sont donc identiques,
que le dommage soit matériel ou corporel.

La Cour de cassation française a précisé que :


- le conducteur d’un véhicule impliqué qui est l’auteur d’une faute n’a pas
d’action contre un autre conducteur qui n’a pas commis de faute ;
- lorsqu’un seul véhicule est impliqué dans l’accident, le conducteur qui n’en est
pas le gardien peut réclamer au gardien réparation de ses dommages sur le
fondement de la nouvelle réglementation. Le gardien pourra se défendre en opposant
au conducteur la faute qu’il a pu commettre.
Quant à la notion de conducteur, la jurisprudence française considère comme
conducteur la personne qui conserve une certaine maîtrise de son véhicule,
même quand le moteur était arrêté au moment de l’accident : par exemple, celui
qui, assis sur la selle d’un cyclomoteur dont le moteur était en panne, le fait avancer à
l’aide de ses jambes ; celui qui tient à la main un cyclomoteur dont le moteur est en
marche ou la personne au volant de son véhicule remorqué. En revanche, n’a pas la
qualité de conducteur la personne qui est à l’extérieur de son véhicule : par exemple,
celui qui est sorti pour quelque raison que ce soit (pour changer une roue ou diriger
une manœuvre de remorquage) ; celui qui, après avoir été éjecté de son véhicule est
heurté par un autre ; celui qui est en train de descendre de son véhicule ou s’apprête à
y monter ; dans le cas d’un véhicule à deux roues, celui qui le tient à la main. La
qualité de conducteur doit être prouvée par le défendeur qui l’invoque.

229
b) Les victimes autres que les conducteurs de véhicules à moteur

Il s’agit de toute autre personne : piéton, cycliste, passager, cavalier, etc. Le principe
est que la faute légère ou même d’une certaine gravité qu’elles ont pu commettre est
sans effet sur leur droit à indemnisation mais il y une distinction.

1ère situation : La victime était, au moment de l’accident, âgée de 16 à 70


ans et n’était pas atteinte d’une incapacité au moins égale à 80%
Le défendeur pourra lui opposer :
- soit le fait qu’elle a recherché volontairement le dommage, par ex. un
suicide ou une tentative de suicide ;
- soit une faute inexcusable, à condition que celle-ci ait été la cause exclusive de
l’accident. Deux conditions sont alors nécessaires dans cette hypothèse. D’abord, la
faute doit être inexcusable. La définition de la faute inexcusable, donnée par la 2e
chambre civile de la Cour de cassation le 20 juillet 1987 et reprise par l’Assemblée
plénière le 10 novembre 1995267, suivante : « Seule est inexcusable la faute volontaire d’une
exceptionnelle gravité exposant sans raison son auteur à un danger dont il aurait dû avoir
conscience ». Il ne peut donc s’agir que de fautes très graves, non de simples
inadvertances ou imprudences. Il en va ainsi de la traversée de nuit dans une zone
mal éclairée d’une autoroute ou du fait pour un passager de sauter d’un véhicule en
marche. En revanche ne sont pas des fautes inexcusables les fautes du piéton qui
traverse une voie alors que le feu est au vert pour les automobilistes. La faute
inexcusable est appréciée in abstracto, par référence au danger dont la victime aurait dû
avoir conscience. Ensuite, si la faute inexcusable est établie, elle doit avoir été
la cause exclusive de l’accident. En conséquence, si l’automobiliste a lui-même
commis une faute quelconque qui a contribué à la réalisation de l’accident (il roulait
trop vite), la faute inexcusable de la victime n’est pas la cause exclusive de l’accident
et son indemnisation doit être intégrale.
La preuve de la recherche volontaire du dommage ou de la faute inexcusable
qui est la cause exclusive du dommage incombe à celui qui s’en prévaut pour se
dégager de sa responsabilité. Donc si les circonstances de l’accident restent
indéterminées, cette preuve n’est pas rapportée et la victime bénéficie d’une
indemnisation totale. Si la preuve est rapportée, la victime n’a droit à aucune
indemnisation : c’est un système du tout ou rien, aucun partage n’est possible.

2e situation : la victime était, au moment de l’accident, âgée de moins de


16 ans ou de plus de 70 ans ou, quel que soit son âge, était titulaire d’un titre
lui reconnaissant un taux d’incapacité ou d’invalidité au moins égale à 80%
Dans ce cas, seule la recherche volontaire du dommage lui est opposable.

267 Dalloz 1995, 633, rapport Chartier.

230
3) La situation des victimes par ricochet

C’est une application de la règle du droit commun. La loi n’envisage que


l’opposabilité à la victime par ricochet de la faute commise par la victime directe. Elle
ne dit rien, en revanche, de l’incidence de la faute de la victime par ricochet elle-
même sur son indemnisation. La jurisprudence encore reste incertaine. L’une des
solutions proposées consiste à ne pas prendre en considération la faute personnelle
de la victime par ricochet. Selon un autre point de vue, il faudrait transposer aux
victimes par ricochet les règles édictées pour les victimes directes et les traiter comme
celles-ci en distinguant entre les dommages aux biens et les atteintes à la personne, les
conducteurs et les autres personnes lésées. Cette seconde solution a, pour l’instant,
été clairement adoptée lorsque la victime par ricochet est un conducteur.

Tableau récapitulatif des fautes opposables à la victime

Catégorie de victimes Atteintes à la Dommages aux


personne biens
Conducteurs de Faute quelconque Faute quelconque
véhicules à moteur
Autres victimes entre 16 - recherche Faute quelconque
et 70 ans volontaire du dommage
- faute inexcusable
à condition d’être la
cause exclusive de
l’accident
Autres victimes de recherche Faute quelconque
moins de 16 ans ou de plus de volontaire du dommage
70 ans ou ayant une incapacité
au moins égale à 80%

§ IV : Le problème des recours

La loi française du 5 juillet 1985 et le Code CIMA ne parlent pas de recours


entre coauteurs du même accident et la position de la Cour de cassation française a
varié sur ce point. Dans un premier temps, la Cour de cassation avait décidé que les
règles du droit à indemnisation ne s’appliquaient qu’aux rapports entre la victime et la
partie assignée en réparation et que, en conséquence, les rapports entre coauteurs
devaient se régler selon le droit commun des articles 1382 et suivants. L’inconvénient
de cette solution est que celui qui a payé (solvens) la victime est privée de recours
contre un coauteur, par exemple, un autre automobiliste dont le véhicule est impliqué
ou a causé l’accident, s’il ne peut pas démontrer soit une faute de celui-ci (recours sur
le fondement de l’art. 1382-1383), soit le fait actif de la chose dont il a la garde
(recours sur le fondement de l’art. 1384, al. 1er). C’est ainsi que, dans un deuxième

231
temps, par l’arrêt Coiffard du 6 mars 1991268, la Cour de cassation française avait
accordé une alternative au solvens qui pouvait exercer :
- soit un recours sur le fondement du droit commun (art. 1382 ou 1384, al.
1er) : c’est l’action dite personnelle ;
- soit un recours sur le fondement de la subrogation : c’est l’action
subrogatoire. Par cette technique, le solvens se prévalait des droits de la victime, dans
lesquels il était subrogé et invoquait donc, comme elle, les dispositions de la loi de
1985 (ou du Code CIMA). Dans ce cas, en l’absence de faute prouvée des coauteurs,
la contribution de chacun à la dette ne pouvait s’effectuer que par parts viriles, c’est-
à-dire à égalité.

Mais dans un arrêt du 14 janvier 1998269, la deuxième chambre civile de la Cour


de cassation décidait que le solvens ne pouvait exercer un recours que sur le
fondement du droit commun par la technique de la subrogation. Comme dans le
premier état de sa jurisprudence, le recours se fondait uniquement sur le droit
commun (ici l’art. 1382) et non pas sur la loi de 1985, mais avec cette différence qu’il
s’opérait par subrogation et non plus au moyen d’une action personnelle. Cette
dernière position a été critiquée. L’un des derniers arrêts sur la question, en
l’occurrence celui de la deuxième chambre civile du 13 juillet 2000, semble revenir à
la première solution, c’est-à-dire n’admettre le recours que sur le fondement
du seul droit commun et sans subrogation. Cela crée un obstacle à l’exercice d’un
recours : quel que soit le fondement utilisé, la Cour de cassation française déclare
irrecevable le recours du solvens contre le conjoint ou les parents de la victime
mineure et qui seraient coauteurs de l’accident, au motif que l’admission de l’action
récursoire aboutirait, en raison de la communauté de vie entre ces personnes et la
victime, à priver celle-ci d’une réparation intégrale (le responsable et son assureur
reprendraient d’une main ce qu’ils ont donné de l’autre). Toutefois, comme ce risque
disparaît lorsque ces coauteurs sont assurés, la Cour de cassation a décidé que le
recours était possible dans ce cas.

§ V : Les garanties accordées à la victime

Les garanties accordées à la victime existaient avant la réglementation spéciale


(loi de 1985 en France, Code CIMA en Afrique) mais celle-ci a étendu leur domaine.
Deux garanties sont prévues : l’obligation d’assurance (A) et le fonds de garantie (B).

A- L’obligation d’assurance

Toute personne, autre que l’Etat, dont la responsabilité peut être engagée en
raison de dommages subis par des tiers et résultant d’atteintes aux personnes ou aux
biens, dans la réalisation desquels un véhicule terrestre est impliqué, doit, pour faire
268 Dalloz 1991.257, note Groutel.
269 Dalloz 1998.174, note Groutel.

232
circuler ce véhicule, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité.
Le contrat d’assurance couvre également la responsabilité civile de toute personne
ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule. En cas d’accident, la
compagnie d’assurance doit rapidement proposer une offre de réparation
(transaction) à la victime. C’est là une des innovations du Code CIMA.

B- Le Fonds de garantie

En France, un Fonds de garantie est chargé d’indemniser les victimes des


dommages résultant d’une atteinte à la personne à la suite d’un accident causé par un
véhicule terrestre à moteur, ou impliquant un tel véhicule, lorsque le responsable est
inconnu ou n’est pas assuré ou encore l’assureur est totalement ou partiellement
insolvable. Le Fonds de garantie peut également prendre en charge, dans les
conditions et limites fixées par les textes, les dommages causés aux biens, nés d’un
accident du même type lorsque l’auteur du dommage est identifié mais n’est pas
assuré ou lorsque l’auteur est inconnu, mais à condition que l’accident ait aussi
entraîné des dommages corporels (pour éviter l’éventuelle fraude de la victime qui
prétendrait mensongèrement que ses dommages matériels seraient imputables à un
inconnu).

Le Code CIMA prévoit également la mise en place par chaque Etat d’un fonds
de garantie automobile à travers ses articles 600 et 601. Ce fonds est destiné à
l’indemnisation des victimes de dommages résultant d’atteintes à leurs personnes
lorsque le responsable des dommages demeure inconnu ou n’est pas assuré, sauf par
l’effet d’une dérogation légale à l’obligation d’assurance. Un règlement de la CIMA
fixera les modalités de fonctionnement du Fonds de garantie automobile ainsi que le
délai dans lequel il sera mis en place. La forme juridique et le mode financement du
Fonds de garantie automobile seront déterminés par chaque Etat. Ce fonds n’est pas
encore effectif dans la plupart des Etats de la CIMA dont le Burkina Faso.

Sous-section II : La responsabilité du fait des produits défectueux

Une telle responsabilité n’est pas prévue par les textes en vigueur en droit
burkinabè. Le droit comparé français et européen est néanmoins utile à connaître.
Transposant en droit français une directive communautaire du 25 juillet 1985, la loi
du 19 mai 1998 a inséré dans le Code civil les articles 1386-1 à 1386-18 qui édictent
des règles spécifiques pour la responsabilité du fait des produits défectueux. Ces
nouvelles dispositions ne font toutefois pas obstacle à l’application d’autres règles
plus favorables que la victime pourrait invoquer au titre du droit de la responsabilité
contractuelle ou extracontractuelle. Il importe d’identifier les conditions de la
responsabilité du fait des produits défectueux (§ I) avant d’examiner le régime de
celui-ci (§ II).

233
§ I : Les conditions de la responsabilité

De manière analytique, cette responsabilité requiert un produit, le défaut du


produit, un responsable, un dommage et une victime.
- Le produit, c’est tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un
immeuble : bien fabriqué, produit du sol, de l’élevage, de la pêche, de la chasse… Le
produit doit avoir été mis en circulation.
- Le défaut : le produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle
on peut légitimement s’attendre compte tenu des circonstances.
- Le responsable est le producteur, c’est-à-dire celui qui, à titre professionnel,
fabrique un produit fini, une partie composante ou produit une matière première.
- Le dommage : toute atteinte à la personne ou aux biens.
- La victime est un contractant ou un tiers : il n’y a lieu de distinguer entre
responsabilité contractuelle et délictuelle.

§ II : Le régime de la responsabilité

La responsabilité est de plein droit et il suffit à la victime de démontrer le lien


de causalité entre son dommage et le défaut du produit. La responsabilité peut jouer
même si le produit a été fabriqué dans les règles de l’art conformément aux normes
existantes ou a fait l’objet d’une autorisation administrative.

Au titre des causes d’exonération, on note que pour s’exonérer, le


producteur doit démontrer :
- qu’il n’avait pas mis le produit en circulation ou que le produit n’était pas
destiné à la vente ou à la distribution ;
- que le défaut n’existait pas au moment de la mise en circulation du produit
ou que le défaut existait mais l’état des connaissances ne permettait pas de le déceler ;
- la faute de la victime ou d’une personne dont celle-ci responsable.
Les clauses écartant ou limitant la responsabilité sont réputées non écrites,
sauf si elles sont conclues entre professionnels et ne concernent que des dommages
causés aux biens qui ne sont pas utilisés principalement pour la consommation
privée.

Quant à la prescription, elle est acquise 10 ans après la mise en circulation du


produit. A l’intérieur de ce délai, la victime doit agir dans les 3 ans à dater du jour où
elle a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du
producteur.

234
TITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE CIVILE
Le tout n’est pas de remplir les conditions de la responsabilité civile :
dommage, fait générateur et lien de causalité. En effet, en restant à ce stade, il n’est
pas certain qu’on obtiendra une réparation quelconque. Il convient de rechercher par
quelles voies (judiciaires ou non) la réparation pourra être obtenue (Sous-titre I). Il
faut ensuite aborder les caractères et les différentes sortes de réparation (Sous-Titre
II). Il y a lieu de mentionner que les règles de mise en œuvre de la responsabilité
civile sont en général considérées comme étant d’ordre public, d’où l’invalidité ou la
nullité des clauses exonératoire de responsabilité.

235
SOUS-TITRE I : LES VOIES DE LA REPARATION

Le droit à réparation de la victime peut être mis en œuvre de deux manières :


- soit elle conclut avec l’auteur du dommage ou, plus fréquemment, avec son
assureur, un contrat qui détermine la responsabilité et fixe le montant de la
réparation : c’est une transaction (Chapitre I) ;
- soit, à défaut d’accord sur la responsabilité ou sur le montant de la réparation,
elle doit engager une action en justice (Chapitre II).
Dans tous les cas, l’objectif de la victime est la réparation de son dommage.

236
CHAPITRE I :LA VOIE CONVENTIONNELLE

C’est l’article 2044 du Code civil qui définit la transaction. La transaction est un
contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une
contestation à naître. De manière succincte seront examinés la notion de transaction
(Section I), les conditions (Section II) et les effets ainsi que les causes de nullité ou de
rescision de la transaction (Section III).

Section I : La notion de transaction

La transaction est très souvent utilisée au Burkina, comme dans les autres pays
africains ou non africains, du moins pour les dommages d’une ampleur limitée. Le
recours préalable à la transaction est devenu obligatoire pour les compagnies
d’assurance en cas d’accidents de la circulation. On peut soutenir que la majorité des
dommages sont réparés par la voie de la transaction. Il faut d’ailleurs y inclure les
renonciations à réparation dues au caractère limité du dommage ou au dénuement de
l’auteur ou à des considérations morales ou sociales.
Les transactions présentent des avantages certains sur la voie judiciaire :
d’abord la rapidité ; ensuite le maintien d’un climat cordial ou fraternel entre les
intéressés ; puis la réparation pourra être réglée par d’autres moyens (notamment par
voie de renonciation de la victime) ; enfin, les intéressés n’ont pas à faire au coût de
la justice (honoraires de l’avocat, frais de procédure …) ni à passer beaucoup de
temps dans les audiences. De plus, comme le dit un proverbe, un mauvais
arrangement (transaction) vaut mieux qu’un bon procès. Mais l’arrangement peut être
si mauvais qu’il provoque lui-même un procès. En effet, le risque est grand que la
réparation accordée soit très inférieure au dommage, voire dérisoire, et surtout que
quelques temps après, des suites plus graves se manifestent alors qu’en général la
victime renonce dans la transaction à toute action de quelque nature que ce soit et
pour toutes les suites, même imprévisibles, de l’accident, contre le responsable et son
assureur. C’est pourquoi des conditions sont posées à la validité des transactions.

Section II : Les conditions et les effets

La transaction doit faire l’objet d’un écrit. Elle ne peut être passée qu’une fois
le dommage réalisé. On ne peut s’exonérer par avance de sa responsabilité en la
matière ni renoncer d’avance à son droit. Une fois, le dommage réalisé, la transaction
est valable si elle respecte les conditions de validité de tout contrat (capacité,
consentement, objet, cause).

Section III : Les causes de nullité ou de rescision

Les transactions ne sont annulables ou rescindables que dans des cas limités : la
découverte de pièces reconnues fausses, ou de titres nouveaux montrant l’absence de

237
droit d’une des parties, ou encore la transaction a été viciée par violence, dol, erreur
sur la personne ou erreur sur l’objet.

Par faveur pour les victimes, la jurisprudence tente d’élargir les causes de
nullité. Malgré une certaine hésitation, lorsque l’état de la victime s’est aggravé et que
l’indemnité se révèle dérisoire, elle a tendance à y voir une erreur sur l’objet de la
contestation. Seul le législateur pourrait édicter une réglementation suffisamment
protectrice pour les victimes, comme c'est le cas avec le Code CIMA pour le domaine
qu’il couvre.

238
CHAPITRE II : LA VOIE JUDICIAIRE

Elle soulève de nombreuses difficultés relevant pour une bonne part d’autres
matières et que nous ne pourrons qu’évoquer. Pour s’en tenir à l’essentiel, il convient
d’étudier : la compétence (Section I), l’action de la victime (Section II) et les actions
récursoires (Section III).
Section I : La compétence

Il convient de distinguer entre compétence d’attribution et compétence


territoriale.
§ I : La compétence d’attribution

La compétence d’attribution pose la question de savoir quelle est, parmi les


différentes catégories de juridictions existant sur le territoire national, celle qui peut
connaître d’une affaire en raison de la nature des faits (compétence ratione materiae) et,
éventuellement, de la personne qui les a commis ou posés (compétence ratione
personae). Elle appartient aux Tribunaux de grande instance (anciennement tribunal de
première instance) ou aux tribunaux d’instance pour les petits litiges, sauf le cas où
l’action civile est portée devant les tribunaux répressifs. La loi du 31 décembre 1957,
afin d’établir l’égalité entre les justiciables, a décidé que les accidents causés par un
véhicule quelconque, y compris ceux de l’Etat ou des collectivités publiques, seront
soumis aux tribunaux judiciaires et jugés conformément aux règles du droit civil 270.
Dans le système français, qui est celui adopté par le Burkina, la responsabilité
de l’administration, sauf celle des accidents de véhicules automobiles et celle des
services et établissements à caractère industriel et commercial, ne relève pas des
tribunaux de l’ordre judiciaire. De plus, elle n’est pas régie par les principes du Code
civil, car elle n’est ni générale ni absolue271.

§ II : La compétence territoriale

Pour ce qui est de la compétence territoriale, elle précise quel est, de tous les
tribunaux de même catégorie répartis sur le territoire national, celui qui devra
connaître de l’affaire en raison de sa localisation. Le tribunal compétent est, en
principe, celui du domicile du défendeur. Mais la victime a la possibilité d’assigner le
défendeur devant le Tribunal du lieu où le dommage a été subi ou s’est produit.

270Voy. dans ce sens TPI de Ouagadougou, Ch. civ., 30 août 1962.


271Voy. Tribunal des conflits, 1er février 1873, Arrêt Blanco ; voy. également André De Laubadère,
tome 1, 8ème éd, LGDJ, 715 ; Grands arrêts de la jurisprudence administrative.

239
Section II : L’action de la victime (ou des victimes)

Tout ce qui sera dit ici est valable pour la victime directe comme pour les
victimes par ricochet. En dehors de la question des pouvoirs importants dont dispose
le juge dans l’évaluation des DI, qui sera abordée dans le titre II, on retiendra les
caractères de l’action et la date de naissance de la créance de réparation.

§ I : Les caractères de l’action

L’action en réparation du préjudice subi revêt deux caractères essentiels : elle


n’est pas liée à la personne et elle est d’ordre public.

A- L’action n’est pas liée à la personne

C’est là la règle de principe. L’action fait partie du patrimoine de la victime où


elle tend à faire entrer une somme d’argent et son exercice n’implique pas
l’appréciation d’un intérêt moral. Comme l’a affirmé maintes fois la Cour de
cassation française, un créancier est recevable à exercer l’action civile née d’un délit
qui atteint le patrimoine du débiteur dans le cadre de l’article 1166 du Code civil. Il
s’agit de l’action oblique, qui est différente de l’action paulienne et de l’action directe
et qui permet aux créanciers d’exercer les droits et actions de leurs débiteurs qui
négligent de le faire et à condition que ces droits ou actions ne soient pas
exclusivement attachés à la personne.
Pour ces mêmes raisons, il faut excepter du principe les actions en réparation
d’un dommage moral (diffamation) ou d’un dommage corporel (atteinte à l’intégrité
physique).
B- L’action est d’ordre public

L’action en responsabilité civile a un certain caractère d’ordre public dans la


mesure où il est interdit d’y renoncer par avance. Les clauses d’irresponsabilité sont
nulles en matière de responsabilité aquilienne personnelle, du fait d’autrui ou du fait
des choses. Mais les renonciations et autres accords sont valables après la réalisation
du dommage.
§ II : La date de naissance de la créance de réparation

La question débattue est celle de savoir :


- si la créance de réparation naît au moment de la réalisation du dommage,
auquel cas le jugement aurait un caractère déclaratif ne faisant que constater une
situation existante ;
- ou si elle naît seulement lors du jugement, auquel cas le jugement serait
constitutif parce qu’il crée une situation juridique nouvelle, qui n’existait pas
antérieurement.

240
D’une importance capitale, cette question a été résolue dans l’intérêt de la
victime. A partir du droit positif, on peut poser un principe (A) et une exception (B).

A- Le principe : le jugement est déclaratif

La créance de réparation naît au moment de la réalisation du dommage, si du


moins les conditions de la responsabilité sont réunies 272. Les intérêts de la solution
sont les suivantes :
- si l’auteur est déclaré après en redressement judiciaire ou en liquidation des
biens, la victime est dans la masse et va pouvoir participer à la procédure mais subir
la loi du concours ;
- les conditions de la responsabilité doivent être réunies à ce jour : par exemple,
si l’auteur est un infans au jour du dommage et que, lors du jugement, il a atteint l’âge
de discernement, il n’y pas de responsabilité ;
- la loi applicable est celle en vigueur au jour du dommage ;
- la prescription court du jour du dommage ;
- en matière d’assurance, toute cause de déchéance postérieure à l’accident est
inopposable à la victime : par exemple, si après l’accident l’auteur ne paye plus ses
primes, cette circonstance est sans influence sur les droits de la victime 273 ;
- la victime peut prendre des mesures conservatoires et les actes frauduleux de
l’auteur ne lui sont pas opposables.

B- L’exception : le jugement est constitutif

L’exception concerne les cas dans lesquels il faut connaître le montant exact de
la réparation ou pratiquer la saisie-vente du débiteur ou encore faire produire à la
créance des intérêts.

272 Mazeaud Henri, Léon et Jean, Chabas, François, Juglart Michel de, Leçons de droit civil, Tome II,
1er volume : Obligations : Théorie générale, Editions Montchrestien, 7e éd., 1985, n° 619.
273 C. cas. fr., civ., 5 novembre 1945, Dalloz 1946, 33.

241
CHAPITRE III : LES ACTIONS RECURSOIRES

Deux hypothèses sont ici à prendre en considération. D’abord une personne


tenue avec une autre paye ; dispose-t-elle d’une action contre le ou les coresponsables
(Section I) ? Ensuite, les assurances, la sécurité sociale, les collectivités publiques ou
les entreprises payent à la victime des sommes d’argent à la suite notamment d’un
accident : ont-elles une action contre le responsable (Section II) ?

Section I : Les recours entre coresponsables

L’hypothèse la plus simple concerne, par exemple, le commettant tenu pour


son préposé et qui n’a pas personnellement commis de faute ou encore l’Etat qui
paye pour l’instituteur. Dans ces cas, celui qui a payé pourra obtenir du véritable
responsable le montant de la réparation versée (concernant le préposé, il doit avoir
excédé les limites de sa mission). Par contre, si le commettant a commis une faute, il
ne pourra obtenir qu’une partie correspondant à la part de responsabilité du préposé.

L’hypothèse complexe concerne les personnes condamnées solidairement (art.


214-22 CP burkinabè) ou in solidum. Une des personnes concernées paye. Il faut se
poser la question des conditions de recours (§ I) et de son fondement (§ II) et celle
de la part de l’indemnité qui pèse sur chaque responsable (§ III).

§ I : Les conditions du recours

Les conditions du recours sont différentes suivant que l’action est portée
devant la juridiction civile ou devant la juridiction répressive.

A- L’affaire est portée devant la juridiction civile

Si le juge condamne les coauteurs in solidum et détermine la part qui doit être
supportée par chaque responsable, il n’y a pas de difficulté : si la victime réclame
paiement intégral à l’un, ce dernier ne réclamera à chacun que sa part fixée. Mais si
un seul des coresponsables a été assigné par la victime, celui-ci peut assigner ses
coresponsables afin de se faire rembourser une partie de la dette à fixer par le
tribunal.
B- L’affaire a été portée devant la juridiction répressive

A moins que le juge répressif ait déterminé la part qui doit être supportée par
chacun, le coresponsable poursuivi doit par la suite attraire les coresponsables devant
la juridiction civile et dans le délai de la prescription des infractions pénales.

242
§ II : Le fondement de l’action récursoire

Dans le cadre de l’article 214-22 CP burkinabè, le fondement du recours


récursoire est la solidarité. Tous les individus condamnés pour un même crime ou
pour un même délit seront tenus solidairement des amendes, des restitutions et des
frais. Les recours sont prévus par les articles 1213 et 1214 du Code civil, qui
prévoient la division du montant entre les personnes condamnées solidairement et la
répartition entre eux, la répétition de celui qui a payé seulement pour la part et
portion de chacun ainsi que le partage de la part de l’insolvable entre tous, y compris
celui qui a payé.

S’il y a obligation in solidum, celui qui a payé est subrogé dans les droits du
créancier, ce qui lui permet de poursuivre les autres coresponsables. En effet, l’article
1251 du Code civil dispose que la subrogation a lieu de plein droit, entre autres, « au
profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt de
l’acquitter ».

§ III : La détermination de l’indemnité qui pèse sur chaque responsable

La détermination de l’indemnité est fonction de ce que les coresponsables sont


ou non des cocontractants.
Lors que les coresponsables sont des cocontractants, il faut appliquer les
règles du contrat. Par exemple, en matière d’accident du travail, si la société ayant la
qualité d’employeur ne peut payer, les associés seront tenus dans une société civile
par part virile au Burkina (en France, chaque associé est tenu proportionnellement au
capital détenu), dans une SNC indéfiniment et solidairement. En revanche, dans une
société anonyme ou dans une société à responsabilité limitée, les associés ou
actionnaires ne perdent que leurs mises.
Lorsque les coresponsables sont tenus délictuellement, trois principales
hypothèses sont à distinguer :
- chacun a commis une faute : la part de chacun se détermine en fonction de la
gravité respective de sa faute ;
- les coresponsables sont tenus sur la base de 1384, al. 1er : on tient compte du
nombre des responsables ;
- les uns sont condamnés sur la base d’une faute et les autres sur la base d’une
responsabilité de plein droit (choses, commettants) : les juges ont un pouvoir
souverain d’appréciation.

Section II : Le recours de la sécurité sociale, de l’assureur, des


collectivités publiques et des entreprises

243
Il convient d’examiner le recours de la sécurité sociale (§ I), celui de l’assureur
(§ II) et enfin celui des collectivités publiques et des entreprises (§ III).

§ I : Le recours de la sécurité sociale

Aux termes de l’article 111 du Code burkinabè de la sécurité sociale (loi du 11


mai 2006), lorsque l’événement ouvrant droit à une prestation est dû à la faute d’un
tiers, la Caisse nationale de sécurité sociale doit verser à l’assuré ou à ses ayants droit
les prestations prévues par la loi. L’assuré ou ses ayants droit conservent contre le
tiers responsable le droit de réclamer, conformément aux règles du droit commun, la
réparation du préjudice causé mais la Caisse est subrogée de plein droit à l’assuré ou à
ses ayants droit dans leur action contre le tiers responsable pour le montant des
prestations octroyées ou des capitaux constitutifs correspondants.
Dans le cas d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle,
l’employeur, ses préposés ou salariés ne sont considérés comme des tiers que s’ils ont
provoqué intentionnellement l’accident ou la maladie professionnelle. Le règlement
amiable intervenu entre le tiers responsable et l’assuré ou ses ayants droit ne peut être
opposé à la Caisse que si elle avait été invitée à participer à ce règlement (article 112
du Code burkinabè de la sécurité sociale).

§ II : Le recours de l’assureur

A l’occasion de divers dommages (décès, blessures, invalidité, dégâts causés


aux biens, incendie, vol, etc.), l’assurance est obligée de payer des sommes à titre de
réparation. L’assurance a-t-elle un recours contre le tiers responsable, notamment
lorsque ce dernier est l’assuré (B) ? La victime assurée peut-elle cumuler l’indemnité
versée par l’assurance avec des dommages intérêts éventuels du responsable (A) ?

A- La victime est assurée

S’il s’agit d’une assurance de personnes (sur la vie, le décès, l’invalidité…), la


victime peut cumuler l’indemnité de l’assureur avec la réparation à réclamer à l’auteur
du dommage. L’article 57 du Code CIMA dispose que l’assureur n’est pas subrogé
dans les droits du contractant ou du bénéficiaire contre les tiers à raison du sinistre
(anciennement, il s’agissait de l’art 55 de la loi du 13 juillet 1930).
S’il s’agit d’une assurance de dommages (dégâts causés aux biens de l’assuré), il
n’y a pas de cumul. L’assureur qui a payé est subrogé dans les droits et actions de
l’assuré pour les sommes payées et peut ainsi poursuivre le tiers responsable. La
victime peut poursuivre ce même tiers pour le surplus du dommage par rapport à
l’indemnité fournie par l’assureur (art. 42, Code CIMA).

B- L’auteur est assuré

244
Lorsque l’assuré est le tiers responsable (assurance responsabilité civile), la
victime dispose, en vertu de l’article 54, al. 1, du Code CIMA d’une action directe
contre l’assureur pour l’indemnisation de ses préjudices. Cette indemnisation n’est
pas possible que si l’action de la victime contre l’assuré existe. Elle s’effectue, par
ailleurs, conformément aux conditions du contrat d’assurance conclu entre l’assuré et
l’assureur. La victime ne peut cumuler le recours contre l’assureur et celui dirigé
contre le tiers responsable assuré. En principe, l’assureur n’a pas, en cette hypothèse,
d’action récursoire contre le responsable qui est son propre assuré. Toutefois, si son
assuré est responsable avec d’autres ou pour d’autres, il peut se subroger dans les
droits de son assuré et exercer son recours récursoire contre les coresponsables.

§ III : Le recours des collectivités publiques et des entreprises

Différents statuts réglementaires ou contractuels (fonction publique,


conventions collectives…) peuvent prévoir qu’en cas d’incapacité de travail, le
fonctionnaire ou le salarié continuera de percevoir des émoluments (avantage, profit
revenant légalement à une personne). Pourra-t-il cumuler cet avantage avec la
réparation due par l’auteur ? L’organisme payeur peut-il poursuivre le tiers pour
récupérer les sommes versées à la victime ?
A ces questions, le droit belge donne une réponse claire : « la réparation due à la
victime d’un accident, par l’auteur du fait dommageable, pour l’indemniser du préjudice matériel
résultant de l’incapacité de travail causée par l’accident, n’est ni exclue, ni restreinte du fait que la
victime a continué à percevoir ses appointements contractuels ou statutaires »274. L’organisme ne
peut donc pas poursuivre le tiers responsable pour obtenir le reversement des
sommes payées à ce titre.
En France, la Cour de cassation a décidé qu’un agent public ne peut cumuler
avec l’indemnité réparatrice de l’intégralité du dommage la pension à laquelle
l’accident lui donne droit275. De là, il découle que l’organisme peut réclamer les
sommes payées au responsable et la victime est fondée à réclamer au tiers
responsable l’indemnité nécessaire pour suppléer, le cas échéant, à l’insuffisance de la
pension.
La position du droit Burkinabè, qui ne ressort pas des décisions consultées, est
probablement proche de celle de la jurisprudence française dont elle s’inspire
souvent.

274 C. cass. belge, 10 avril 1972, Pasicrisie, 1972, I, 723.


275 Cour de cas, du 11 juin 1953, Dalloz 1953, 630.

245
SOUS-TITRE II : LES CARACTERES ET LES DIFFERENTES
SORTES DE REPARATION

Les voies, étudiées précédemment, trouvent leur intérêt en ce qu’elles tendent à


la réparation du dommage. La réparation revêt une importance pratique considérable.
Cependant, sur un plan théorique, les auteurs n’écrivent que très peu sur la question.
C’est, que malgré l’existence de quelques principes clairs, il revient à la jurisprudence
de décider, au cas par cas, en fonction des éléments des causes qui lui sont soumises.
Pour en savoir un peu plus, cernons d’abord les caractères de la réparation (Chapitre
I), puis les différentes sortes de réparation (Chapitre II).

246
CHAPITRE I : LES CARACTERES DE LA REPARATION

Selon les attendus de principe utilisés par la jurisprudence, le propre de la


responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit
par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la
situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit 276. De
là, on déduit le caractère compensatoire (Section I) et le caractère intégral de la
réparation (Section II).

Section I : Le caractère compensatoire de la réparation

De prime abord, réparer c’est faire en sorte que le dommage n’ait point existé
et rétablir la situation antérieure. C’est donc effectuer une réparation en nature.
Ainsi, si du fait d’une personne, votre mobylette neuve est volée, il suffira qu’elle
vous en rachète une autre. Si au cours d’un accident, les pneus d’une voiture éclatent,
il suffira de les remplacer. En matière de dommages causés aux biens, la réparation
en nature est très adaptée et facile à réaliser, encore que, très souvent, le responsable
payera une somme d’argent à la victime qui se chargera de faire disparaître le
dommage subi.
Mais pour les dommages corporels et moraux, la réparation en nature est
presque toujours impossible. On ne ressuscite pas les morts et il est difficile d’effacer
les injures, la diffamation, la douleur... Dans tous ces cas, la réparation ne va pas
entraîner l’effacement direct du dommage. Il va y avoir compensation (ou
réparation par équivalent) : de manière imagée, on peut dire que vous avez au
passif le dommage et à l’actif une somme d’argent de valeur équivalente, de sorte que
si l’on soldait le compte, il serait nul.

La réparation par équivalent est en pratique le droit commun de la


réparation. Le juge peut choisir entre la réparation en nature et la réparation par
équivalent quand les deux sont possibles. Mais la réparation en nature ne doit jamais
entraîner de contrainte sur la personne du débiteur. Le juge peut notamment
ordonner la réparation en nature quand les deux parties sont d’accord sur le principe,
quand l’auteur ou la victime le demande et que la décision n’entraîne pas une
contrainte sur la personne. Ainsi, il peut décider une publicité du jugement en
matière de dommage moral ou de dommage commercial matériel (concurrence
déloyale) ou la fourniture de biens autres que des sommes d’argent.

En conclusion, le juge a le choix entre la réparation en nature, dans le cas où


elle n’entraîne pas de contrainte par corps, et la réparation par équivalent. Ce dernier
mode est celui qui est le plus souvent utilisé, ce qui confère à la réparation son

276 Voy. dans ce sens par ex. Civ. 2e, 1er avril 1963, JCP 1963, II, 13408 ou Civ. 2 e, 9 juillet 1981, Bull.
II, n° 156, p. 101. Pour la Cour de cassation fr. viole l’article 1382 la cour d’appel qui fixe le préjudice
en équité à une somme forfaitaire (Civ. 1ère, 3 juillet 1996, JCP 96, IV, 2020).

247
caractère compensatoire. Il n’y a pas effacement du dommage mais compensation,
c’est-à-dire qu’on équilibre un effet par un autre, une perte par un gain… Même la
réparation en nature n’efface pas le dommage (rétroactivement), elle ne fait que le
compenser. Mais, pour être acceptable, la compensation doit être à la mesure du
dommage.

Section II : Le caractère intégral de la réparation

Il faut déjà exclure les hypothèses dans lesquelles ce sont les circonstances de
production du dommage qui empêchent la réparation intégrale, comme lorsque la
faute de la victime ou la force majeure ont concouru au dommage avec le fait du
responsable. En dehors de ce cas, il faut poser que la réparation doit être intégrale.
Les dommages-intérêts ou le montant de la réparation se mesurent sur le préjudice
subi, non sur la faute. La gravité de celle-ci doit rester sans influence sur le montant
des dommages-intérêts car le juge qui condamne le responsable ne le frappe pas
principalement d’une peine mais l’oblige à réparer un dommage.
En pratique, les juges se laissent souvent impressionner par la gravité de la
faute. Cependant, le principe de la réparation intégrale, ni plus ni moins que le
dommage, est réaffirmé régulièrement par les juridictions supérieures. La Cour
suprême de Haute-Volta277 rappelle que l’on doit rétablir l’équilibre détruit par le
dommage et replacer la victime dans la situation où elle serait demeurée sans l’acte
dommageable et que le principe de la réparation intégrale des conséquences
dommageables veut que le préjudice soit entièrement réparé mais non dépassé.
Autrement dit, tout le dommage, rien que le dommage, ni plus ni moins. En pratique,
la victime peut dans certains cas obtenir plus (§ I) ou moins (§ II).

§ I : La victime obtient plus

Telle est la situation quand :


- les juges se laissent influencer par la gravité de la faute, donc par l’idée de
peine privée, peine qui n’intéresse pas l’opinion publique et qui profite à un
particulier, comme cela semble être souvent le cas aux Etats Unis ; l’astreinte par
exemple peut aboutir à une telle conséquence ;
- la victime peut cumuler d’indemnité versée par le responsable avec d’autres
sommes (cas de l’assurance de personnes ou des émoluments versés par l’organisme
employeur ou la CNSS et cas de la Belgique).
- un bien vétuste est détruit et que l’on ne peut le remplacer par un bien de
même qualité (par exemple un immeuble construit), la jurisprudence accorde comme
indemnité le coût de la reconstruction du neuf, car en ne donnant que la valeur du
vieux, la victime pourrait ne pas être en mesure de trouver les sommes
complémentaires pour terminer la reconstruction, donc elle ne serait pas logée 278.
277 Chambre judiciaire, 14 décembre 73, 14 novembre 1969, inédit.
278 Civ, 2ème, 16 décembre 1970, RTD civ. 1971, 661 ; Cass. 3e Civ., 12 déc. 1973, JCP 1974. II. 17697.

248
- en période de pénurie et de taxation des prix (fixation autoritaire), la
jurisprudence, embarrassée compte tenu de l’existence de marchés noirs ou parallèles,
octroi aux victimes des indemnités supérieures à la taxe279.

§ II : La victime peut obtenir moins

Lorsqu’il y a une limitation légale de responsabilité, par exemple, les régimes de


sécurité sociale, s’ils tiennent compte du dommage, les juges limitent la réparation à
certaines proportions du salaire (accidents du travail non provoqués par une faute
intentionnelle de l’employeur ou de ses préposés). Il en est de même pour la
responsabilité du fait des aéronefs280.

Pour les biens taxés, si le juge accorde le prix taxé, la victime peut rencontrer
des difficultés pour acquérir le bien si on ne le trouve pas sur le marché officiel.
Lorsque la valeur de remplacement d’un bien, une voiture par exemple, est
inférieure au coût de la remise en état du bien endommagé, la jurisprudence impose à
la victime d’accepter cette valeur.

279Cas. fr., 26 juillet 1948, D. 1948, 535.


280Voy. Ord. 69-25 PRES/PL-TP du 22 mai 1969, portant Code de l’aéronautique civile, JO du 8
septembre, n° spécial.

249
CHAPITRE II : LES SORTES DE REPARATION

Cette question soulève en particulier celle de la variation du dommage (Section


I), de l’évaluation du dommage ou de la réparation (Section II), des fluctuations
monétaires (Section III) et de la forme de la réparation (Section IV). Ce sont là
quelques-unes des questions les plus difficiles du droit de la responsabilité civile.
Dans le cas général, il n’y a pas de règles écrites. La pratique judiciaire permet de
dégager quelques tendances.

Section I : La diversité liée aux sortes de dommages

On a vu que la réparation doit tenir compte uniquement du dommage. Les


juges du fond ont un large pouvoir pour déterminer l’étendue du dommage. « Les
juges du fond apprécient souverainement le préjudice subi et justifient suffisamment
le montant des dommages-intérêts par la simple évaluation qu’ils ont en font. Ils
peuvent même lorsque la victime ne fait pas de distinction entre les différents
dommages subis (corporel, matériel, moral) accorder des réparations pour ceux-ci. La
victime peut donc présenter une demande tendant à une réparation in globo de
l’ensemble des conséquences dommageables de l’accident ». Dans ce sens, on note
des décisions de la Chambre judiciaire de la Cour suprême du 13 février 1976 et du
11 juin 1976. La Cour de cassation française réaffirme très fréquemment ces mêmes
principes. Ainsi les dommages peuvent être de plusieurs sortes. A cet égard, on peut
distinguer le système classique du système (§ I) de celui du Code CIMA (§ II).

§ I : Le système classique

Le problème de l’évaluation doit être examiné suivant qu’il s’agit d’un


dommage matériel (A) ou d’un dommage corporel (B) ou encore d’un dommage
moral (C) 281.
A- L’évaluation du dommage matériel

C’est le dommage le plus facile à cerner. Une voiture est complètement détruite
dans un accident. On peut la remplacer ou donne sa valeur à son propriétaire. Un
autre exemple : un commerçant a raté un marché par la faute de quelqu’un. On sait
ce qu’il aurait put gagner là-dessus. On lui donne alors le gain manqué, estimé. Mais
comme on l’a déjà vu, il y a des problèmes en ce qui concerne le remplacement du
vieux par du neuf ou encore en cas de prix taxé (marché noir : la jurisprudence
accorde une somme supérieure au prix taxé).

281Voy. les 4 décisions de la Cour d’appel de Ouagadougou du 8 décembre 1989, du 26 janvier 1990,
du 24 avril 1991 et du 21 février 1992 qui datent d’avant l’adoption et la mise en application du Code
CIMA.

250
B- L’évaluation du dommage corporel

L’évaluation du dommage corporel suscite des difficultés de divers ordres.


D’abord, l’appréciation des diverses formes et des degrés d’incapacité, implique le
recours aux experts qui sont des médecins : incapacité temporaire, incapacité
définitive ou permanente, partielle ou totale ; on tente de réduire les divergences
entre les juridictions, ou à l’intérieur de la juridiction entre les juges, par l’élaboration
de barèmes et de normes d’appréciation282. Un auteur relève pertinemment que « si la
réparation des frais occasionnés par les soins ne fait guère difficulté, les dommages et
intérêts compensant l’incapacité de travail sont plus délicates à fixer. L’ITT
(incapacité temporaire totale) ou l’ITP (incapacité temporaire partielle), incapacités de
travail correspondant à la période pendant laquelle une personne ne peut exercer une
activité professionnelle, posent moins de problèmes que l’IPT (incapacité
permanente totale) ou l’IPP (incapacité permanente partielle), incapacités
permanentes d’exercer une activité professionnelle. Ces dernières doivent prendre en
compte les différents dommages subis par la victime, non seulement une éventuelle
diminution de salaire, mais également le préjudice d’agrément, les frais
supplémentaires occasionnés »283.
Ensuite, il se pose le problème du choix entre capital et rente (question
examinée à la section IV). Il existe certains barèmes et normes (âge, degré incapacité)
d’appréciation qui cependant ne lient pas le juge.

C- L’évaluation du dommage moral

C’est le dommage qui supporte l’évaluation la plus aléatoire, c’est-à-dire celui


qui, d’un jugement à l’autre, donne des montants entièrement divergents. C’est le cas
de dire que les juges ont un pouvoir d’appréciation souverain et arbitraire. Il est
impossible de chiffrer avec une exactitude mathématique le prix de la douleur ou le
montant compensatoire d’une diffamation.

Pour l’ensemble de ces préjudices, les juges utilisent des barèmes et


normes d’appréciation plus ou moins officieux (tant pour la perte d’une jambe,
tant pour les larmes d’une épouse) afin d’éviter de trop grandes disparités dans
l’appréciation des différents préjudices, ce qui créé incontestablement une inégalité
entre les victimes. Parmi les méthodes d’évaluation, il faut citer le « calcul au point »
utilisé en France pour le préjudice corporel. Le « point » est fixé compte tenu de la
situation économique et sociale de la victime. De ce fait, le « point » d’un cadre est
supérieur à celui d’un manœuvre. Le point tient également compte de l’âge et de

282 François Terré, Philippe Simler, Lequette Yves, Droit civil, Les Obligations, Dalloz, 8 e éd., 2002, n°
901.
283 Rémy Cabrillac, op. cit., n° 341.

251
l’importance de l’invalidité de la victime et l’indemnité s’établira en multipliant ce
« point » par le taux d’incapacité résultant de l’accident.
En tous les cas, le juge ne doit pas se référer expressément à tel ou tel barème.
Sa décision aurait toutes les chances d’être cassée parce que constituant un arrêt de
règlement. En effet, l’article 5 du Code civil défend aux juges de prononcer par voie
de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. Ce
serait un empiètement sur le pouvoir législatif (ce qui est grave dans un système de
séparation des pouvoirs). Un arrêt de la Chambre criminelle de la cour de cassation
française du 5 novembre 1955284 a cassé un arrêt de la Cour d’appel de Poitiers qui
allouait à la victime 2 500 000 F tout en reconnaissant l’importance du dommage au
motif que « la Cour ne croit pas pouvoir aller au-delà de son appréciation maximum
habituelle en cette matière ». Il aurait suffit qu’il n’y ait pas cette phrase pour que la
décision ne soit pas cassée.

§ II : Le système du Code CIMA

C’est un système qui joue lorsque le dommage causé fait intervenir une
compagnie d’assurance. Il est très technique. Il est fondé sur l’application de barèmes
forfaitaires. Il concerne à titre principal les atteintes aux personnes. Il procède à une
énumération des préjudices réparables et des bénéficiaires de la réparation dans les
articles art. 258 à 263 :
- D’abord pour les victimes directes : frais de toute nature avec un
plafonnement ; incapacité temporaire dont la durée est fixée par expertise médicale ;
incapacité permanente dont le taux est fixé de 0 à 100% par expertise médicale en
tenant compte de la réduction de capacité physique et par référence au barème
médical adopté par la CIMA et annexé au livre II : il se décompose en préjudice
physiologique calculé, sauf accord amiable, suivant l’échelle de valeur de points
d’incapacité ; en préjudice économique si le taux d’incapacité permanente est d’au
moins 50% et en préjudice moral s’il y a une incapacité permanente d’au moins 80%
(montant : une fois le SMIG) ; l’assistance d’une tierce personne ; la souffrance
physique et le préjudice esthétique ainsi que le préjudice de carrière.
- Ensuite pour les victimes par ricochet : frais funéraires ; préjudice
économique et préjudice moral des ayants droit du décédé.

Le Code CIMA rend obligatoire l’intervention d’un expert pour l’évaluation de


la plupart des préjudices. Le résultat de l’expertise a un caractère contraignant. La
« barémisation » s’applique au préjudice physiologique, au pretium doloris et au
préjudice esthétique. Lorsque l’expert médical fixe le taux d’incapacité, le juge calcule
l’indemnité suivant une échelle de valeur de points d’incapacité fournie par l’art. 260.
La valeur du point d’incapacité représente un pourcentage du salaire minimum
interprofessionnel garanti (SMIG) annuel. Elle est fonction du taux d’incapacité et de

284 Dalloz 56, 557.

252
l’âge de la victime. A titre d’exemple, pour une incapacité de moins de 5%, le point a
pour valeur 18 217 F pour une victime de moins de 15 ans et 15 181 F pour une
victime de 70 ans et plus ; pour une incapacité entre 91 et 100%, le point a pour
valeur 88 050 F pour une victime de moins de 15 ans et 54 651 pour une victime de
70 ans et plus.
Le système d’indemnisation du Code CIMA est une bonne démonstration du
bien-fondé de la théorie de l’enveloppe. Cette dernière signifie que « toute nation ne
dispose que d’une enveloppe pour réparer les préjudices subis par le citoyen. C’est une fraction du
produit national brut. Or, elle est toujours insuffisante quelle que soit la richesse du pays, pour
procurer l’idéal… »285.
Section II : Les variations du dommage

Le dommage peut varier de manière significative dans le sens d’une aggravation


ou d’une atténuation entre le jour où il est né et le jour où le juge statue ou même
ultérieurement après le jugement.

§ I : Les variations avant le jugement ou l’arrêt

Si la créance de réparation naît dès le jour de la réalisation du dommage


(jugement déclaratif), l’évaluation de l’étendue du dommage se fait en principe en se
plaçant au jour du jugement, et il faut entendre par là le jugement définitif (dernier
jugement ou arrêt non attaqué). En effet, « lorsque des variations se sont produites
entre le jour du dommage et le jour où le juge se prononce, il est normal qu’il [le
juge] en tienne compte si elles sont une conséquence du fait générateur »286.
Lorsque le préjudice s’est aggravé, le juge doit nécessairement en tenir compte
même si l'aggravation est due à des soins défectueux. Le chiffre de la provision
allouée peut être augmenté sur appel du seul responsable s’il est avéré que le
préjudice s’est aggravé 287. Là où cet arrêt est remarquable, c’est que le responsable se
plaignait d’avoir été condamné au paiement d’une trop forte somme. La Cour d’appel
constatant l’aggravation a augmenté la somme. Le responsable se pourvoit en
cassation en alléguant de l’ultra petita. Le pourvoi a été rejeté.
Si le dommage s’est atténué ou a même disparu, le juge doit en tenir compte
pour le présent et pour l’avenir mais il doit allouer une réparation pour le passé (par
exemple pour la douleur subie qui s’est arrêtée).
Là-dessus, il s’est posé un problème fort intéressant en France devant les
tribunaux en matière de préjudices corporels qui peuvent être atténués grâce à une
intervention chirurgicale. Peut-on diminuer la réparation si la victime refuse de s’y
soumettre ? Après avoir distingué entre les opérations comportant des risques sérieux

285 F. Chabas, « La réparation des accidents de la circulation dans la nouvelle législation uniforme des
Etats africains francophones », Gaz. Pal., 1993, p. 5 cité par K. Nikiéma, « Le Code CIMA : un
nouveau droit des accidents de la circulation au Burkina Faso, RBD, n° 27-janvier 1995, p. 84.
286 Terré François, Simler Philippe, Lequette Yves, op. cit., n° 903.
287 Cour suprême, Chambre judiciaire, formation pénale, arrêt n° 15, du 14 novembre 1969.

253
et ceux ne comportant pas de tels risques, certains juges ont accordé la réparation
intégrale et d’autres une réparation partielle en opérant une réduction de celle
accordée. Toutefois, un arrêt de la Chambre criminelle du 13 juillet 1969 288 est
intervenu contre cette jurisprudence. La Chambre criminelle déclare que les juges ne
peuvent imposer une opération à laquelle la victime refuse de se prêter et ce refus ne
peut entraîner une diminution de l’indemnité : la victime « n’est pas tenue de limiter
son préjudice dans l’intérêt du responsable »289. Le problème demeure controversé
car le système anglo-saxon admet la mistigation of damages. L’avant-projet Catala de
réforme du Code civil français envisage, de même que les projets Lando et Gandolfi,
une solution mesurée : intégrer cette mistigation of damages dans le Code civil, sauf en
cas de mesures susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique de la victime290.

§ II : Les variations après le jugement ou l’arrêt

Les solutions se fondent ici sur l’autorité de chose jugée. En cas d’aggravation
uniquement et s’il y a un nouvel élément du dommage, une indemnité peut être
allouée parce que ce supplément de préjudice par hypothèse n’existait. Du fait du
changement dans l’état de la victime, une nouvelle décision de condamnation est
nécessaire291. Si le préjudice s’atténue ou disparaît, la victime conservera toute
l’indemnisation déjà versée ou qui reste à verser (rente).

Le Professeur Boris Stark292 s’insurge contre ces solutions qui peuvent aboutir
à des situations choquantes :
- la veuve attend le jugement définitif lui allouant une indemnité pour le
préjudice moral et matériel que lui cause la perte de son mari puis se remarie ; si elle
s’était remariée avant le jugement, l’indemnité aurait été nettement moindre ;
- l’individu qui refuse de se soumettre à une intervention chirurgicale avant le
jugement, et à qui une indemnité élevée est allouée compte tenu de son état, puisera

288 RTD civ., 1969, 782. Voy. plus récemment Civ. 2 e, 19 juin 2003, JCP 2004, I, 101, p. 19, obs. G.
Viney, 2 arrêts : 1) une boulangère dans l’incapacité d’exploiter son fonds suite à un accident, fonds
qui a ainsi perdu toute valeur, peut être indemnisée de ce préjudice même si elle avait la possibilité de
faire exploiter le fonds par un tiers ; 2) une victime n’est pas tenue à peine de réduction de son
indemnisation de suivre une rééducation psychologique.
289 Civ. 2e, 19 juin 2003, op. cit.
290 L’article 1373 du Projet dispose : « Lorsque la victime avait la possibilité, par des moyens sûrs,

raisonnables et proportionnés, de réduire l’étendue de son préjudicie ou d’en éviter l’aggravation, il


sera tenu compte de son abstention par une réduction de son indemnisation, sauf lorsque les mesures
seraient de nature à porter atteinte à son intégrité ».
291 Crim., 20 mars 1952, D., 413 et surtout Crim. 9 juillet 1996, Bull. Crim. 286 ; JCP 1997, I, 4020, n°

23, obs. G. Viney, pour qui toute victime dispose d’une nouvelle action en réparation contre le
responsable en cas d’aggravation de son dommage, l’autorité de la chose jugée ne pouvant être
opposée à une nouvelle action tendant à la réparation d’un élément du préjudice inexistant au moment
de la demande initiale et sur lequel il n’a donc pu être statué.
292 Droit civil, Obligations, Lib. Tech., 1972, p. 337.

254
le courage nécessaire pour se faire opérer dans le principe de la « chose jugée » : son
état s’améliorera et il conservera l’indemnité accordée.
L’auteur ne souhaite pas le maintien d’une autorité de chose jugée rigide.

Section III : Les fluctuations monétaires

L’instabilité ou fluctuation monétaire a toujours existé mais dans des


proportions limitées par rapport à la période actuelle. D’une part, on a l’inflation ou
hausse des prix qui ne se traduit pas par un accroissement de la valeur des biens.
D’autre part, il y a les dévaluations, c’est-à-dire un accroissement des unités
monétaires nationales pour avoir une unité monétaire d’un autre pays. Par exemple,
avant la dévaluation intervenue en 1994 : IFF = 50 FCFA. Après, on a eu 1 FF = 100
FCFA, ce qui est une dévaluation de 100 %.
Le principe en matière monétaire est celui du nominalisme basé sur l’art. 1895
concernant le prêt d’argent et qui a fait l’objet de généralisation. Supposons une
chose valant 500 000 F en 1997 et détruite à cette date. Le juge qui statue en 2005
doit-il accorder cette valeur ou la valeur actuelle, c’est-à-dire le nombre d’unités
monétaires qu’il faut actuellement pour acquérir un tel bien ?
En raison du principe de la réparation intégrale, le juge doit se placer au jour
où il statue pour évaluer monétairement le dommage et accorder réparation. Ce
faisant, il évite les conséquences défavorables des fluctuations monétaires. Ce
principe ne joue que par faveur pour la victime. Si les prix ont diminué, ce principe
cesse de recevoir application. La considération des fluctuations monétaires entre en
ligne de compte dans le choix que l’on peut avoir à faire entre rente ou capital.

Section IV : La forme de réparation : la rente ou le capital

Il faut préciser les notions dans un premier temps (§ I) et opérer dans un


second temps le choix entre rentre et capital (§ II).

§ I : Les notions de rente et de capital

Le capital est une somme d’argent allouée en seule fois à la victime. Il en est
très souvent ainsi. Dans un certain nombre d’hypothèses, c’est le capital qui doit être
alloué : dommages subis par les choses, dommage moral. C’est si normal ou naturel
que l’on n’a pas coutume de parler de capital dans ce cas. Le problème se pose
uniquement pour le dommage matériel à caractère permanent dû à un dommage
corporel. Recevant un capital dans ce cas, la victime peut l’investir, le placer
convenablement, de sorte qu’il rapporte autant que la dépréciation monétaire, voire
plus. Evidemment, si la somme est dilapidée, la victime sera totalement démunie. Le
capital présente un inconvénient pour l’auteur qui devra en une seule fois décaisser

255
une somme élevée. Mais très souvent, c’est plutôt l’assurance qui supporte la
réparation.

Quant à la rente, elle consiste à évaluer les dommages-intérêts et à les répartir


au mois, au trimestre ou à l’année sur la période considérée qui peut être la durée de
vie de la victime. Pour la victime, la rente présente l’avantage de lui fournir
régulièrement un revenu, ce qui évite le risque de dilapidation. Mais cette somme
fixée nominalement peut se déprécier. Or les tribunaux sont généralement réticents à
fixer des rentes indexées au motif que ce serait faire preuve de méfiance à l’égard de
la monnaie, ce qui risque de provoquer une dépréciation de la monnaie nationale.
L’indexation était donc interdite par la Cour de cassation française 293. Selon celle-ci,
en effet, en cas d’allocation par jugement d’une rente, le caractère forfaitaire de ce
mode de réparation exclut, en principe, et à moins de réserves exceptionnelles du
juge, toute possibilité de révision à la demande de l’auteur du dommage. Les critiques
adressées à l’interdiction et la résistance de certaines juridictions ont finalement
entraîné un revirement de la Cour de cassation294 qui a admis l’octroi de rentes
flottantes en réparation de dommages.
Pour l’auteur, la charge de la rente étant répartie dans le temps, il peut plus
facilement l’assumer et celle-ci (la charge) ira en s’allégeant avec la dépréciation
monétaire.
§ II : Le choix entre rente et capital

Les juges du fond déterminent souverainement l’étendue du préjudice et le


mode de la réparation qui peut consister dans le versement, soit d’un capital, soit
d’une rente295. L’attribution d’un capital ne saurait légitimer un abattement de la
somme allouée sous prétexte que ce mode d’indemnisation, par ses possibilités
immédiates d’investissement, apporte un avantage à la victime.
Dans l’ensemble, on peut penser qu’il vaut mieux pour la victime obtenir un
capital à condition de l’investir convenablement, c’est-à-dire de réaliser un
investissement pas trop risqué et assez rentable, comme une construction. Toutefois,
la rente semble indiquée pour les victimes grabataires.

En conclusion de cette deuxième sous-partie :


- Les conditions de la responsabilité sont un dommage, un lien de causalité,
lequel rattache le dommage à un fait générateur de responsabilité qui peut être le fait
personnel, le fait d’autrui ou le fait d’une chose.
- La responsabilité civile est une matière essentiellement jurisprudentielle. Cette
matière d’une importance considérable est régie par seulement 5 articles dont 3
principaux (1382, 1383, 1384). L’avant-projet Catala de réforme du Code civil vise,
entre autres, à la légaliser en lui consacrant plus de dispositions.

293 Req., 30 décembre 1946, Dalloz 1947.


294 Cass., Chambre mixte, 6 novembre 1974, II. 17978.
295 Cour de cass . fr., 19 juillet 1933, Dalloz 63, Sommaire 42.

256
Ce système essentiellement jurisprudentiel a pour avantages la souplesse et
l’adaptabilité. Il a pour inconvénients le caractère aléatoire des solutions que l’on
constate dans la mise en œuvre, notamment dans l’évaluation des dommages-intérêts
où le juge dispose d’un pouvoir quasi souverain, ce qui peut entraîner une inégalité de
traitement entre victimes. De là découle l’importante d’une réforme de caractère
législatif pour trancher le point de savoir si la responsabilité doit rester liée un tant
soit peu à la faute, pour fixer des critères d’évaluation des dommages, pour décider
s’il faut fiscaliser la réparation des dommages dont les auteurs sont insolvables ou
introuvables... Dans ce sens, des solutions partielles ont été trouvées. En France, la
loi du 31 décembre 1951 organise la réparation du dommage corporel ou matériel
résultant d’un accident de la circulation sur le sol français. En France, la loi du 5
juillet 1985 et le Code CIMA en Afrique francophone constituent des réponses,
certes partielles mais importantes, à ce questionnement.

257
LIVRE DEUXIEME :

LES OBLIGATIONS QUELLES QUE SOIENT LEURS


SOURCES (OU LES REGLES COMMUNES AUX
OBLIGATIONS)

Les obligations, se voient appliquer un certain nombre de règles, quelles que


soient leurs sources296 à quelques exceptions près297. Ces règles définissent un régime
assez homogène du rapport d’obligation, que l’obligation découle d’un acte juridique,
bilatéral (contrats) ou unilatéral, ou d’un fait juridique, licite (quasi-contrats) ou
illicite (délits ou quasi-délits), d’une décision du juge ou d’une injonction de la loi.
L’obligation, qui crée un lien entre un créancier et un débiteur, a une existence
propre. Elle a souvent une valeur et constitue de ce fait un bien dans le patrimoine
du créancier. Ces règles communes ont trait :
- à la preuve des obligations : avec la grande distinction entre les faits juridiques
pour lesquels la preuve est libre et les actes juridiques où l’écrit est en principe exigé ;
- aux effets généraux de l’obligation : rapport avec le débiteur (exécution
forcée : mise en demeure, titre exécutoire, droit de gage général, mesures
conservatoires, saisies) ; rapport avec les tiers (action oblique, action paulienne,
actions directes) ;
- aux modalités des obligations liées au facteur temps (terme et condition,
résolutoire ou suspensive) ;
- aux modalités liées à la pluralité d’objets : obligation conjonctive (fournir
cumulativement plusieurs prestations), alternative (deux ou plusieurs prestations au
choix), facultative (l’obligation a un objet unique, mais le débiteur peut se libérer en
exécutant une autre prestation : par exemple, en cas de lésion) ; ou à la pluralité de
sujets : obligations conjointes (une obligation est dite conjointe lorsqu’elle comporte
plusieurs débiteurs ou plusieurs créanciers et se divise entre eux, activement, c’est-à-
dire entre les créanciers, ou passivement, c’est-à-dire entre les débiteurs), obligations
indivisibles, obligations solidaires (solidarité active et passive : L’obligation est
solidaire lorsque, en présence de plusieurs débiteurs ou créanciers, elle ne se divise
pas, en vertu de la volonté des parties ou de la loi, tout en étant divisible par nature),
obligations in solidum ;

296 On parle aussi de régime général des obligations mais dans ce cas il pourrait s’agir de l’ensemble de
la TGO. C’est le cas du Régime général des obligations au Mali (loi n° 87-31-AN-RM du 29 août 1987,
305 articles au total).
297 Voy., entre autres, sur les règles communes aux obligations :

- François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 11e éd., 2013,
n° 1075 et s. où les auteurs traitent de cette question dans le livre de leur ouvrage intitulé « Régime
général des obligations » ;
- Jacques Flour, Jean-Luc Aubert, Yvonne Flour, Eric Savux, Droit civil, Les obligations, 3 : Le rapport
d’obligation, Armand Colin, 9e éd., 2015.

258
- à la transmission de l’obligation : cession de créance, cession de dette, cession
de contrat ;
- à la transformation de l’obligation : novation (c’est l’opération par laquelle
une obligation nouvelle est substituée à l’obligation ancienne), délégation (la
délégation est l’opération par laquelle une personne, le délégué, accepte, sur l’ordre
d’une autre, le délégant, de s’obliger au profit d’un tiers, le délégataire) ;
- à l’extinction de l’obligation : par satisfaction directe : paiement, y compris le
paiement avec subrogation (légale ou conventionnelle) ; par satisfaction indirecte :
dation en paiement, compensation, confusion ; ou sans satisfaction : remise de dette,
prescription extinctive.

La plupart des règles afférentes à ce régime général seront brièvement


étudiées298 à travers l’examen :
- des règles régissant les modalités des obligations (Titre I) ;
- des règles relatives à la transmission ou à l’extinction des obligations (Titre
II) ;
- des règles ayant trait aux droits du créancier impayé sur le patrimoine de son
débiteur (Titre III).

298 La question de la preuve relève de l’introduction au droit.

259
TITRE II :: LES
TITRE LES MODALITES
MODALITES DES
DES OBLIGATIONS
OBLIGATIONS

L’obligation peut être pure et simple ou présenter une modalité particulière.


Certaines modalités font intervenir le facteur temps en liant le sort de l’obligation à
un événement futur, soit certain, c’est le cas du terme, soit incertain, c’est la
condition (Chapitre I). D’autres portent sur l’aspect quantitatif de l’obligation qui
peut avoir plusieurs objets ou plusieurs sujets : en ce cas, on dit que l’obligation est
plurale (Chapitre II).

260
CHAPITRE I : LES MODALITES DES OBLIGATIONS TIREES DU
FACTEUR TEMPS : LE TERME ET LA CONDITION

Le terme et la condition concernent soit l’exigibilité ou la durée de l’obligation


(terme), soit son existence même (condition). On examinera d’abord le terme
(Section I), puis la condition (Section II).

Section I : Le terme

Le terme peut être défini comme un événement futur mais certain mais dont
dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation. Il importe de connaître la variété des
termes (§ I), avant de se pencher sur le terme conventionnel (§ II) puis le terme de
grâce et le moratoire (§ III).

§ I : Les différentes sortes de terme

Plusieurs termes peuvent être distingués en fonction de la date de l’événement


(A), de l’effet de l’événement (B) et de la source du terme (C).

A- La différence quant à la date de l’événement

A cet égard, une distinction est faite entre le terme ayant une date certaine et
celui ayant une date incertaine. Le terme peut avoir une date certaine : cela signifie
que la date est connue à l’avance. On parle parfois de terme certain mais l’expression
est mal choisie puisque par définition le terme est toujours certain. Il s’agit plus
exactement de la date qui est certaine. Le terme peut avoir une date incertaine :
l’événement est bien certain mais sa date est inconnue, par ex. le décès d’une
personne.

B- La différence quant à l’effet de l’événement

A cet égard, il y a le terme suspensif et le terme extinctif.

Le terme suspensif est un événement dont la réalisation rendra l’obligation


exigible. Avant l’arrivée du terme, l’obligation existe bien mais son exécution ne peut
être exigée. Par exemple, l’acheteur promet de payer à la fin du mois.
Le terme extinctif est l’événement dont la réalisation mettra fin à l’obligation.
Par exemple, un contrat à exécution successive prendra fin à telle date. Ce terme est
une cause d’extinction des obligations.

261
C- La différence quant à la source du terme

Le terme peut puiser sa source dans une convention, dans la loi ou dans une
décision judiciaire. Cette distinction est très importante et sert de trame aux
développements suivants.

§ II : Le terme conventionnel

Le terme conventionnel résulte de la convention des parties. Ses modalités (A)


et ses effets (B) doivent être précisés.

A- Les modalités

Le terme peut être exprès ou tacite. Le terme exprès est le terme stipulé
dans un acte. On est en présence du terme tacite lorsque, compte tenu des
circonstances, l’obligation ne peut pas être exécutée immédiatement, par exemple
parce qu’elle suppose l’exécution d’un travail, soit en raison de la distance.

Quant aux bénéficiaires du terme, en général, le terme est stipulé au profit


du débiteur, et la loi (art. 1187) présume qu’il en est ainsi. Toutefois, il peut en être
autrement soit en vertu d’une stipulation du contrat, soit en raison des circonstances.
Ainsi, il est parfois présumé que le terme est stipulé :
- en faveur du créancier : par exemple, en cas de dépôt, le terme est présumé
stipulé au profit du déposant, qui est le créancier de l’obligation de restitution : art.
1944 ;
- ou, plus souvent, au bénéfice des deux parties : par exemple, dans le prêt à
intérêts, le terme est évidemment convenu au profit de l’emprunteur, mais il l’est
aussi en faveur du prêteur qui, grâce à ce délai, touchera des intérêts ; en
conséquence, le débiteur ne peut pas lui imposer un paiement anticipé.

B- Les effets

On distingue le terme extinctif (1) et le terme suspensif (2), le second appelant


plus de développements.
1) Le terme extinctif

Le terme extinctif est une modalité d’extinction de l’obligation : l’obligation


s’éteint, sans rétroactivité, à l’arrivée du terme ou échéance.

2) Le terme suspensif

262
Deux périodes sont à distinguer : celle d’avant l’arrivée du terme et celle de
l’échéance.
a) Avant l’arrivée du terme

Avant l’échéance, l’obligation existe bien. Il en résulte que :


- si le débiteur paie, son paiement n’est pas indu et il ne peut pas exiger le
remboursement ;
- le créancier peut prendre des mesures conservatoires, comme une
hypothèque, par exemple pour protéger son droit ;
- s’il s’agit d’une obligation de livrer un corps certain, les risques de force
majeure pèsent sur le créancier de cette obligation, car il est devenu propriétaire du
bien dès le jour du contrat (art. 1138).

Mais l’exécution de l’obligation est différée, d’où :


- le créancier ne peut pas exiger le paiement avant l’échéance ;
- il ne peut pas proposer sa créance en compensation d’une autre dont il serait
redevable envers son créancier, car cette compensation aboutirait à exiger un
paiement immédiat ;
- la prescription contre le créancier ne court pas avant l’arrivée du terme (art.
2257 : « La prescription ne court point… à l’égard d’une créance à jour fixe, jusqu’à ce que ce jour
soit arrivé »).
b) A l’arrivée du terme ou échéance

La créance devient exigible et le créancier peut poursuivre le débiteur. Il en va


de même quand la créance est devenue exigible par anticipation, notamment en cas
de renonciation au terme ou de déchéance

C- L’extinction

Il existe trois causes d’extinction du terme qui sont l’échéance, la renonciation


au bénéfice du terme et la déchéance du terme, la dernière appelant plus de
développements.

1) L’échéance et la renonciation au bénéfice du terme

L’échéance est la cause normale d’extinction ; si le délai expire le 15 juin, la


créance est exigible le lendemain à 0 heure.
La renonciation au bénéfice du terme doit émaner de celui au profit duquel le
terme a été stipulé, donc s’il a été convenu au profit du créancier et du débiteur, la
renonciation doit provenir des deux.

2) La déchéance du terme

263
La déchéance du terme est une sanction qui frappe le débiteur : il est tenu de
payer immédiatement. Deux circonstances de portée générale entraînent déchéance
du terme (des cas particuliers se rencontrent aussi en certains domaines, par exemple,
en matière d’actes portant sur un fonds de commerce ou d’effets de commerce).

a) La diminution des sûretés

Selon l’article 1188, « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme lorsque, par son
fait, il a diminué les sûretés qu’il avait données par le contrat à son créancier ». Dans cette
hypothèse, le créancier avait accordé un terme à son débiteur et obtenu de celui-ci
une sûreté en garantie du recouvrement de sa créance (hypothèque, gage,
cautionnement). On présume alors que le créancier avait accordé le délai en
contrepartie de la sûreté. Si cette garantie vient à être diminuée, en dehors d’un cas de
force majeure, le débiteur ne mérite plus la confiance du créancier qui est alors en
droit d’exiger un paiement immédiat. Il en est notamment ainsi en cas de déconfiture
du débiteur, c’est-à-dire lorsqu’une décision de justice constate son insolvabilité. La
déchéance elle-même doit être prononcée par le juge, qui apprécie l’importance de la
diminution des sûretés et les risques qui en résultent pour le recouvrement de la
créance.

b) Le jugement qui prononce la liquidation des biens

Il entraîne de plein droit la déchéance (Acte uniforme portant organisation des


procédures collectives d’apurement du passif, art. 76). En revanche, le jugement qui
ouvre une procédure de redressement judiciaire n’a pas cet effet (même acte, même
art. a contrario). Il faut signaler qu’en France, la loi du 8 février 1995 sur le traitement
des situations de surendettement des particuliers ne prévoit pas non plus de
déchéance du terme.
§ II : Le terme de grâce et le moratoire

Il convient d’examiner successivement le terme ou délai de grâce (A) et le


moratoire (B).
A- Le terme ou délai de grâce

D’après l’article. 1244 du Code civil, il est accordé par le juge, qui tient compte
de la situation du débiteur et des besoins du créancier, mais ne peut accorder un délai
supérieur à deux ans. L’article 39 de l’Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées et des voies d’exécution vient remplacer cette disposition. Il
dispose que :
« Le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette, même
divisible.
Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier,
la juridiction compétente peut, sauf pour les dettes d'aliments et les dettes cambiaires, reporter ou

264
échelonner le paiement des sommes dues dans la limite d'une année. Elle peut également décider que
les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Elle peut en outre subordonner ces mesures à l’accomplissement, par le débiteur, d'actes
propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ».

Le pouvoir du juge est assez étendu : il peut reporter le paiement de la dette ou


l’échelonner, ou encore décider que les sommes dues produiront intérêt à un taux
réduit, qui toutefois ne doit pas être inférieur au taux légal. Dans le souci de protéger
les droits du créancier, il a aussi la faculté de subordonner ces mesures à
l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement.
Tout cela est décidé souverainement par les juges du fond, qui doivent user de leur
pouvoir avec modération. Pour certaines dettes, l’octroi d’un délai de grâce est
impossible, par exemple, les dettes alimentaires, les obligations découlant d’un effet
de commerce, l’obligation de restitution incombant au dépositaire (art. 1944 C. civ.).

Le délai de grâce suspend seulement les mesures d’exécution, mais la dette est
échue et exigible. De ce fait, les intérêts continuent à courir de plein droit et la
compensation ci-dessous abordée (art. 1292) joue.

B- Le moratoire

Le moratoire est un délai de grâce accordée par la loi dans des circonstances
exceptionnelles, comme la guerre ou une grève particulièrement longue et
perturbatrice, et à titre temporaire. Les mesures prises sont très variables : le
moratoire peut avoir une portée générale et bénéficier en principe à tous les débiteurs
(loi du 5 août 1914), seulement à certaines catégories d’entre eux (mobilisés et
prisonniers de guerre : décret-loi du 1er sept. 1939 ; rapatriés d’Algérie : loi du 11 déc.
1963), ou à ceux qui sont tenus de certaines dettes (loyers, prix d’un fonds de
commerce, en vertu de divers textes spéciaux).

Section II : La condition

Tout comme le terme, la condition se définit comme un événement futur mais


incertain, à la différence du terme, et dont dépend l’existence même de l’obligation.
La condition comporte deux modalités. Première modalité : la condition concerne
la formation de l’obligation. Elle est dite suspensive. L’obligation envisagée n’existera
vraiment que si la condition se réalise. Par exemple, une personne fait une donation à
une autre, à condition que celle-ci se marie, ou bien quelqu’un s’engage à acheter un
bien mais à condition d’obtenir un prêt. Deuxième modalité : la réalisation de la
condition entraîne la disparition de l’obligation. Elle est alors appelée résolutoire, par
exemple, une donation qui sera résolue si le bénéficiaire, c’est-à-dire le donataire,
meurt avant le donateur. La condition résolutoire est plus rare car moins avantageuse
sur le plan fiscal : dans les actes translatifs soumis aux droits de mutation le fisc a

265
tendance à considérer la réalisation de la condition résolutoire comme une seconde
mutation. Il convient d’examiner brièvement la validité (§ I) puis les effets (§ II) de la
condition.
§ I : La validité de la condition

La validité de la condition dépend de sa possibilité, de sa licéité et de son


extériorité par rapport au débiteur.

A- La possibilité

La condition est un événement incertain mais encore il faut que sa réalisation


soit possible. Si la réalisation est impossible dès l’origine :
- la condition est nulle (art. 1172) ;
- la convention elle-même est nulle, mais seulement lorsque la condition était
essentielle dans l’esprit des parties, c’est-à-dire constituait pour elles une
cause impulsive et déterminante.

Si la réalisation, qui était possible lors de la conclusion du contrat, ne l’est plus,


la condition devient caduque, et le contrat a le même sort, quand elle était la cause
impulsive et déterminante de l’engagement.

B- La licéité

La condition ne doit pas être contraire à la loi, à l’ordre public ni aux bonnes
mœurs, par exemple, une clause imposant le célibat.
L’illicéité ou l’immoralité entraîne la nullité soit du contrat en entier, soit
seulement de la condition, selon qu’elle a été ou non une cause impulsive et
déterminante pour les parties.

C- L’extériorité par rapport à la volonté du débiteur

La réalisation de la condition ne doit pas dépendre exclusivement de la volonté


du débiteur. Le Code civil distingue trois types de condition : la condition casuelle et
la condition mixte (1), la condition potestative (2).

1) La condition casuelle et la condition mixte

Prévue par l’article 1169 du Code civil, la condition casuelle dépend du


hasard (casus), par exemple, le décès du donataire avant celui du donateur. Comme
cette condition est extérieure à la volonté des parties, elle est valable.
S’agissant de la condition mixte, d’après l’article 1171, elle dépend à la fois de
la volonté d’une partie et de celle d’un tiers, par exemple, un don à quelqu’un s’il

266
épouse telle personne ou l’achat d’un bien sous la condition de l’obtention d’un prêt.
La condition mixte est valable.

2) La condition potestative

Il résulte de l’article 1170 qu’elle dépend de la volonté d’une partie. L’article


1174 déclare la condition nulle lorsqu’elle est potestative de la part du débiteur. En
revanche, elle est valable lorsqu’elle dépend de la volonté du créancier.

a) La condition potestative de la part du créancier

Sa validité ne pose pas de problème, car une obligation peut exister, même si le
créancier n’a pas encore manifesté son intention d’en exiger l’exécution. Ainsi, la
vente à l’essai, dont la validité est indiscutable, est considérée comme une vente sous
condition suspensive de l’agrément de la chose par l’acheteur (art. 1588).

b) La condition potestative de la part du débiteur

L’article 1174 déclare la condition potestative de la part du débiteur nulle.


Cependant, il est apparu que dans certaines situations, cette sanction n’était pas
justifiée : en effet, des événements qui ne répondent pas à la définition des conditions
mixtes énoncées dans l’article 1171 ne dépendent toutefois pas uniquement du bon
vouloir du débiteur. C’est pourquoi doctrine et jurisprudence ont opéré une sous-
distinction en fonction du degré de discrétion laissée à la volonté du débiteur.
La condition simplement potestative dépend non seulement de la volonté
du débiteur, mais aussi de faits extérieurs qui vont la déterminer : par exemple, je
vous vends ma maison si je vais habiter dans une autre ville ou si je me marie ;
j’achète un appartement sous la condition suspensive que je vende celui dont je suis
propriétaire : une telle condition est valable.
La condition purement potestative est laissée à l’entière discrétion du
débiteur ; par exemple, une clause stipule que l’accord sera non avenu si, dans un
délai déterminé, celui qui a promis d’acheter un bien ne veut plus payer le prix. De
telles conditions sont nulles, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’engagement
sérieux299.
Ces distinctions sont quelque peu subtiles mais, en définitive, seules sont nulles
les conditions qui dépendent de la volonté discrétionnaire du débiteur. Les tribunaux

299 Dans la vente d’un immeuble conclue entre un acheteur et un vendeur non propriétaire de
l’immeuble au moment de la convention, mais s’engageant à obtenir du propriétaire actuel une
promesse unilatérale de vente, la condition ainsi mise à la vente est purement potestative, dès lors que
le vendeur reste libre d’acquérir ou ne pas acquérir sans être enfermé dans un quelconque délai (Civ.
3e, 13 octobre 1993, Dalloz 1994, Somm. 231, obs. Paisant).

267
recherchent donc dans chaque cas concret si l’existence de l’obligation est
subordonnée à un fait dont l’accomplissement est à la merci du débiteur.

§ II : Les effets de la condition

La condition est réalisée lorsque l’événement est arrivé dans le délai prévu.
Dans le cas où aucun délai n’avait été fixé, l’article 1176 du Code civil dispose que la
condition peut toujours s’accomplir et qu’elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est
devenu certain que l’événement n’arrivera pas (l’art. 1177 édicte une règle symétrique
pour le cas où l’obligation est contractée sous la condition qu’un événement
n’arrivera pas). Les effets sont automatiques et en principe rétroactifs. Ils diffèrent
selon que la condition est suspensive (A) ou résolutoire (B). Il conviendra en outre de
mettre cette rétroactivité en rapport avec les droits des tiers (C).

A- La condition suspensive

Trois situations sont à distinguer : la situation pendante conditione (1), la situation


où la condition se réalise (2) et la situation où la condition ne se réalise pas (3)

1) La situation pendante conditione

On ne sait pas encore si la condition va se réaliser


Deux idées dominantes expliquent les règles applicables à cette situation.
La première idée est que l’obligation n’existe pas encore, d’où :
- le créancier ne peut pas exiger le paiement ;
- si le débiteur paie, il a payé l’indu et peut donc réclamer le remboursement, ce
qui constitue une différence avec le bénéficiaire d’un terme.
La seconde idée est que le droit du créancier est en germe. Ainsi, cela
permet à ce dernier de prendre des mesures conservatoires pour le protéger.

2) La condition se réalise

L’obligation conditionnelle devient pure et simple. L’accomplissement de la


condition produit un effet rétroactif : le droit du créancier est censé avoir existé dès
le jour du contrat. Par exemple, en cas de vente sous condition suspensive,
l’acquéreur est réputé propriétaire dès le jour de la conclusion de la vente.

3) La condition ne se réalise pas

L’obligation est réputée n’avoir jamais existé et le créancier perd le droit


conditionnel qu’il avait. Toutefois, la condition est réputée accomplie lorsque le
débiteur en a empêché l’accomplissement (art. 1178), par exemple, l’acheteur sous

268
condition suspensive de l’obtention d’un prêt refuse le prêt qui lui est proposé à un
coût normal.

B- La condition résolutoire

Trois situations méritent ici aussi d’être examinées : la situation pendante


conditione (1), la situation où la condition se réalise (2) et la situation où la condition ne
se réalise pas (3)
1) La situation pendante conditione

A la différence de l’obligation sous condition suspensive, le droit du créancier


existe pleinement et produit tous ses effets, donc :
- le créancier peut exiger l’exécution de l’obligation contractée ;
- l’acquéreur, en cas de vente sous condition résolutoire, devient
immédiatement propriétaire, mais son droit est menacé d’anéantissement.

2) La condition se réalise

L’obligation est censée n’avoir jamais existé et le droit du créancier disparaît


rétroactivement. En conséquence, les droits qu’il avait éventuellement consentis à des
tiers sont rétroactivement anéantis.

3) La condition ne se réalise pas

La menace qui pesait sur le droit du créancier disparaît et, en conséquence,


l’obligation devient pure et simple.

C- La rétroactivité et les droits des tiers

L’effet rétroactif de la réalisation de la condition peut remettre en cause des


droits consentis à des tiers. La rétroactivité n’a cependant pas un caractère absolu.
D’abord, elle ne s’impose pas aux parties, qui peuvent l’écarter. Ensuite, les actes
conservatoires et, en règle générale, les actes d’administration accomplis pendante
conditione sont maintenus malgré l’accomplissement de la condition : par exemple, les
actes du vendeur sous condition suspensive ou de l’acheteur sous condition
résolutoire.

C’est en définitive surtout pour les actes de disposition que les droits des tiers
risquent d’être menacés : par exemple, l’acquéreur de bonne foi qui achète un bien à
un vendeur dont le droit est conditionnel. Néanmoins, ils bénéficient de deux modes

269
principaux de protection : en matière immobilière, ils sont informés de la condition
par la publicité foncière et, en matière mobilière, le possesseur de bonne foi peut se
prévaloir de l’article 2279.

CHAPITRE II : LES MODALITES DES OBLIGATIONS TIREES DE


LEURS OBJETS OU DE LEURS SUJETS : LES OBLIGATIONS
PLURALES

Une obligation est dite plurale lorsqu’elle a plusieurs objets (Section I) ou


plusieurs sujets (Section II).

Section I : La pluralité d’objets

Au regard de la pluralité d’objets, on distingue les obligations conjonctives, les


obligations alternatives et les obligations facultatives.

§ I : Les obligations conjonctives

Dans les obligations conjonctives qualifiées plus exactement d’obligations


cumulatives par l’article 1306 nouveau du Code civil français, le débiteur est tenu de
fournir cumulativement plusieurs prestations, par exemple, telle somme d’argent et
tel objet. Ainsi, lorsque dans un contrat d’échange les biens échangés sont de valeur
inégale, un coéchangiste fournira à l’autre partie un bien plus une somme d’argent,
appelée soulte. Le débiteur ne sera libéré que si toutes les prestations ont été
exécutées.

§ II : Les obligations alternatives

Le régime des obligations est précisé par les articles 1189 à 1196 du Code civil
burkinabè : l’obligation a également deux objets ou davantage, mais cette fois le
débiteur se libère en fournissant un seul d’entre eux, par exemple, telle somme
d’argent ou tel bien. Pour la vente, c’est l’article 1584, al. 2, qui prévoit que la vente
peut avoir pour objet une ou plusieurs choses alternatives. Le choix, discrétionnaire,
appartient en principe au débiteur, mais une clause expresse du contrat peut le laisser
au créancier.
Dans droit français, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, a renouvelé
quelque peu le régime de l’obligation alternative300. Il prévoit certes que le choix
appartient au débiteur. Toutefois, si ce choix n’est pas exercé dans un délai
raisonnable, le créancier peut le mettre en demeure d’avoir à faire ce choix ou
résoudre le contrat. Une fois le choix effectué, il devient définitif, de sorte que

300 Cf. article 1307 à 1307-5 nouveaux du Code civil français.

270
l’obligation perd son caractère alternatif. Ainsi, en cas de force majeure touchant
l’obligation choisie, le débiteur est libéré et ne peut être tenu d’exécuter l’autre
obligation.

§ III : Les obligations facultatives

L’obligation a un objet unique, mais le débiteur peut se libérer en exécutant


une autre prestation : par exemple, en cas de lésion, la vente est rescindable (ou
annulable dans le cas spécifique de la lésion), mais l’acheteur peut éviter la rescision
en versant le supplément du juste prix (art. 1681). Un seul objet est dû et l’autre n’est
qu’une faculté de paiement. Il en découle donc que : premièrement le créancier ne
peut exiger que l’exécution de l’obligation principale ; deuxièmement, si l’obligation
principale est nulle ou ne peut plus être exécutée à cause d’une force majeure, le
débiteur est libéré, cela à la différence de l’obligation alternative. Cette différence
n’est pas plus de mise en droit français si le débiteur procède au choix de la
prestation en cas d’obligation alternative (Cf. § II précédent).

Section II : La pluralité de sujets

La pluralité de sujets se traduit par les obligations suivantes qui seront


examinées successivement : les obligations conjointes (§ I), les obligations indivisibles
(§ II), les obligations solidaires (§ III) et les obligations in solidum (§ IV).

§ I : Les obligations conjointes

Une obligation est dite conjointe lorsqu’elle comporte plusieurs débiteurs ou


plusieurs créanciers et se divise entre eux, activement (entre les créanciers) ou
passivement (entre les débiteurs), d’où notamment :
- s’il y a plusieurs créanciers, chacun ne peut réclamer que sa part dans la
créance ; sauf disposition législative ou clause contraire, les parts sont
viriles (par tête), c’est-à-dire égales ;
- corrélativement, s’il y a plusieurs débiteurs, chacun n’est tenu que pour sa part
de la dette ; en principe, ils sont tenus de parts égales ;
- la mise en demeure adressée par un créancier à un débiteur ne produit d’effets
qu’entre ces deux personnes ;
- l’interruption de la prescription ne profite qu’au créancier qui l’a faite et ne
nuit qu’au débiteur à l’égard duquel elle a eu lieu.

271
Sauf disposition légale ou stipulation contractuelle contraire, les obligations
plurales sont conjointes. L'obligation conjointe représente donc le droit commun des
obligations plurales. Cependant, elles sont assez rares en pratique et se rencontrent
surtout en cas de décès du créancier ou du débiteur qui laisse plusieurs héritiers : la
créance ou la dette se divise de plein droit entre eux (art. 1220). Le caractère conjoint
de l’obligation est écarté en cas d’indivisibilité, de solidarité ou en présence d’une
obligation in solidum.

§ II : Les obligations indivisibles

L’obligation est indivisible lorsqu’elle ne peut être exécutée qu’en entier.


L’indivisibilité est donc un caractère de l’obligation découlant de son objet. Le
recours à cette notion n’a d’utilité qu’en présence de plusieurs créanciers ou de
plusieurs débiteurs : chaque créancier peut exiger le tout, chaque débiteur est tenu au
tout. Il faut en examiner les sources (A) puis le régime (B).

A- Les sources

L’indivisibilité est soit naturelle, soit artificielle ou conventionnelle.


L’indivisibilité est naturelle lorsque, en raison de la nature de son objet, l’exécution
de l’obligation ne peut pas être fractionnée. Par exemple, l’obligation de livrer un
animal vivant : l’impossibilité de diviser est matérielle ; l’obligation de ne pas faire :
dans ce cas, la raison s’oppose à la division, puisqu'une abstention ne peut être
partielle.
L’indivisibilité est artificielle ou conventionnelle lorsque l’obligation
pourrait être divisée, comme une somme d’argent, mais elle est rendue indivisible de
par la volonté des parties (art. 1218).

B- Le régime

Le régime des obligations indivisibles est prévu aux articles 1222 à 1225.
L’exécution de l’obligation ne peut pas être divisée activement ni passivement, d’où :
1° Si l’indivisibilité est active (plusieurs créanciers), chaque créancier peut
réclamer l’exécution en totalité, et le débiteur qui a tout payé à ce créancier est libéré ;
le créancier qui a reçu le paiement doit remettre à chacun des autres créanciers la part
à laquelle il a droit. Sauf disposition contraire, les droits des créanciers sont égaux.
2° Si l’indivisibilité est passive (plusieurs débiteurs), chaque débiteur est tenu
de payer la totalité ; celui qui a payé le créancier a un recours contre ses codébiteurs.
Sauf disposition contraire, les parts des débiteurs dans la dette sont égales.
3° Puisque l’objet est indivisible (naturellement ou par la volonté des parties),
l’obligation ne se fractionne pas, en cas de décès d’une partie, entre ses différents

272
héritiers ; par exemple, si un débiteur décède, chacun de ses héritiers est aussi tenu à
la totalité.
4° L’interruption de la prescription produit ses effets à l’égard de tous les
créanciers ou de tous les débiteurs.
Le régime de l’obligation indivisible est très proche de celui de l’obligation
solidaire.

§ III : Les obligations solidaires

L’obligation est solidaire lorsque, en présence de plusieurs débiteurs ou


créanciers, elle ne se divise pas, en vertu de la volonté des parties ou de la loi, tout en
étant divisible par nature. A la différence de l’obligation indivisible, l’obligation
solidaire se fractionne en cas de décès d’un débiteur ou d’un créancier du fait que la
nature de son objet ne rend pas la division impossible. Elle est active (A) ou passive
(B).
A- La solidarité active

La solidarité active est caractérisée par la présence de plusieurs créanciers. Par


exemple, les titulaires d’un compte bancaire joint sont créanciers solidaires de la
banque. Son régime, fixé par les articles 1197 à 1199, est le suivant :
1° Chaque créancier peut réclamer le paiement de la totalité de la créance.
2° Le débiteur qui a payé est libéré à l’égard de tous les créanciers.
3° La mise en demeure, la demande d’intérêts ou l’interruption de la
prescription faite par un créancier profite aux autres.
4° Le créancier qui a reçu le paiement doit remettre à chacun des autres
créanciers la part à laquelle il a droit. Sauf convention contraire, les parts sont égales.
5° Si l’obligation disparaît à l’égard d’un créancier, par exemple par l’effet d’une
remise de dette qu’il a consentie, le débiteur n’est libéré que pour la part due à ce
créancier.
B- La solidarité passive

La solidarité passive suppose plusieurs débiteurs. C’est une technique très


courante, destinée à éviter au créancier les inconvénients d’une division des
poursuites et à le garantir contre le risque d’insolvabilité d’un débiteur. Il convient
d’en examiner les sources (1) puis le régime (2).

1) Les sources

273
Elles sont au nombre de deux : la volonté des parties (a) et la loi (b).

a) La volonté des parties

L’article 1202, al. 1er, du Code civil dispose : « La solidarité ne se présume point ; il
faut qu’elle soit expressément stipulée ». La clause qui la stipule dans un contrat (ou un
testament) n’est toutefois pas assujettie à un formalisme spécifique, et les termes de
« solidarité » ou d’« obligation solidaire » ne sont donc pas indispensables : il suffit
que la volonté des parties soit clairement exprimée. En revanche, en vertu d’un usage
consacré par la jurisprudence, elle se présume en matière commerciale. Il en est de
même en matière de cautionnement selon l’article 20 de l’Acte uniforme portant
organisation des sûretés.
b) La loi

La loi prévoit de nombreux cas de solidarité passive, que l’on justifie par trois
idées principales.

La première traduit la communauté d’intérêts entre les débiteurs. Il en est


ainsi :
- lorsque plusieurs personnes ont emprunté ensemble la même chose, elles
sont engagées solidairement envers le prêteur (art. 1887) ;
- lorsqu’un mandataire « a été constitué par plusieurs personnes pour une
affaire commune », chacune d’elles est tenue solidairement envers lui de
tous les effets du mandat (art. 2002).

La deuxième idée vise le renforcement du crédit. Ainsi :


- les époux sont solidairement obligés pour les dépenses dont l’objet est l’entretien
du ménage ou l’éducation des enfants (CPF, art. 304) ;
- dans les sociétés en nom collectif, tous les associés sont solidairement
responsables des dettes sociales (AUDSC, art. 270) ;
- en matière d’effets de commerce, en vertu du règlement n°
15/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 relatif aux systèmes de
paiement dans les Etats membres de l’UEMOA, tous les signataires d’une
lettre de chance (art. 185), d’un billet à ordre (art. 230) ou d’un chèque (art.
93) sont solidairement tenus du montant de l’effet ou du chèque.

La troisième idée manifeste la conséquence d’une responsabilité en commun. Il


s’agit, par exemple :
- de la responsabilité solidaire des père et mère pour le dommage causé par
leurs enfants mineurs (art. 1384, al. 4).
- de la responsabilité solidaire personnes condamnées pénalement pour une
même infraction pour les restitutions et le paiement des dommages et
intérêts, amendes et frais (art. 214-22 CP burkinabè).

274
- de certaines hypothèses de responsabilité concernant la tutelle : si le conjoint du
tuteur s’est « immiscé dans la gestion du patrimoine pupillaire », il est solidairement,
responsable avec lui de la gestion (Burkina, CPF, art. 584 ; France, C. civ.,
art. 418) ; de même, il y a responsabilité solidaire du subrogé tuteur et du
tuteur en cas de défaut d’inventaire et de condamnation au profit du pupille
(Burkina, CPF, art. 598 ; France, C. civ., art. 451).
- de la responsabilité solidaire des exécuteurs testamentaires pour leur gestion
commune (CPF, art. 973 ; C. civ., art 1033).

2) Le régime

Le régime de la solidarité passive est prévu par les articles 1200 à 1216 du Code
civil. Il y a lieu de distinguer les effets dans les rapports entre le créancier et les
débiteurs solidaires et les effets dans les rapports des codébiteurs entre eux.

a) Les effets dans les rapports entre le créancier et les débiteurs


solidaires

Il y a les effets principaux et les effets secondaires.


a1) Les effets principaux s’expliquent par deux idées directrices : l’unité
d’objet et la pluralité de liens.
Sur le fait qu’il y a unité d’objet, c’est-à-dire qu’il n’y a qu’une dette,
découlent trois conséquences principales qui sont :
- le créancier peut réclamer la totalité de la dette à l’un quelconque des débiteurs
(art. 1203) ;
- le paiement effectué par un seul débiteur libère les autres (art. 1200) ;
- le débiteur poursuivi peut opposer au créancier toutes les exceptions tenant à la
nature, à l’objet ou à la cause de l’obligation (l’illicéité, p. ex.), ainsi que les
événements qui, telle la prescription, l’ont éteinte : c’est ce que l’on appelle
les exceptions communes (art. 1208, al. 1er).

Mais il y a pluralité de liens, c’est-à-dire que chaque débiteur est tenu en


vertu d’un lien distinct de celui des autres, d’où les conséquences suivantes :
- Le créancier peut poursuivre tous les débiteurs jusqu’à complet paiement (art.
1204).
- Les débiteurs peuvent être tenus différemment, soit quant à leur part dans la
dette, soit quant aux modalités de leur obligation qui, par exemple, peut être
conditionnelle pour l’un et assortie d’un terme pour un autre (art. 1201).
- Un codébiteur peut invoquer les moyens de défense qui lui sont personnels (art.
1208, al. 1er), tenant à un vice existant seulement à son égard (par exemple,
l’incapacité ou un vice qui ne touche que son consentement), à une modalité
insérée uniquement à son profit (p. ex., un terme) ou à une cause

275
personnelle d’extinction (par exemple, une remise de dette que le créancier
lui a accordée). En revanche, il ne peut pas opposer au créancier les
exceptions qui sont purement personnelles aux autres débiteurs (art. 1208,
al. 2.).
- Les moyens de défense personnels du débiteur ont des effets d’intensité variable.

Certaines exceptions sont dites purement personnelles en ce sens qu’elles


ne profitent qu’au débiteur concerné, ne modifient pas le montant de la dette totale
et ne peuvent pas être invoquées par les autres, notamment en cas d’incapacité ou de
vice du consentement d’un débiteur.

D’autres sont simplement personnelles dans la mesure où la libération d’un


débiteur a pour effet de diminuer le montant de la dette totale de la part qui lui
incombait : les codébiteurs peuvent se prévaloir de l’exception pour cette part. Par
exemple, lorsque le créancier a consenti une remise de dette à l’un des débiteurs sans
vouloir libérer les autres, ceux-ci restent tenus de la dette, mais déduction faite de la
part de celui qui a été libéré (art. 1285). De même, dans le cas où un débiteur est en
même temps titulaire d’une créance contre le créancier commun, il a seul le droit de
se prévaloir de la compensation, mais s’il la fait jouer, elle profite aux codébiteurs :
selon l’étendue de la compensation, il peut alors arriver que tous soient libérés.

a2) Les effets secondaires

Ils sont rattachés à une idée de représentation réciproque des débiteurs.


Les effets secondaires se ramènent donc au principe suivant : l’acte fait par ou contre
un débiteur produit aussi ses conséquences à l’égard des autres. La loi et la
jurisprudence ont en particulier précisé plusieurs effets secondaires qui apparaissent
comme suit :
- La mise en demeure de l’un des débiteurs produit effet à l’égard de tous (art.
1205).
- L’interruption de la prescription contre un débiteur vaut à l’égard de tous (art.
1206).
- La demande d’intérêts formée contre l’un des débiteurs fait courir les intérêts à
l’égard de tous (art. 1207).
- Le jugement rendu contre un débiteur est opposable à tous (solution
jurisprudentielle).
- Si un débiteur exerce une voie de recours dans le délai prescrit, les autres
peuvent s’y joindre, même après l’expiration du délai.

b) Les effets dans les rapports des codébiteurs entre eux

La première règle est que le codébiteur qui a payé ( solvens) a un recours


contre les autres.

276
- La solidarité n’est instituée qu’au profit du créancier, donc elle n’a plus à jouer
dans les rapports entre les débiteurs : l’obligation solidaire se divise de plein
droit entre eux et chacun n’est tenu que pour sa part et portion (art. 1213).
- Sauf disposition légale ou conventionnelle contraire, les parts sont égales : on dit
que chaque débiteur solidaire est tenu pour une part virile.
- Si un codébiteur est insolvable, sa part sera répartie entre les codébiteurs
solvables (art. 1214, al. 2).
La deuxième règle accorde à celui qui a payé l’une ou l’autre des deux
actions suivantes :
- une action personnelle, soit fondée sur le mandat (s’il y a eu contrat entre les
codébiteurs), soit fondée sur la gestion d’affaires (en payant, l’un des
débiteurs a géré spontanément l’affaire des autres) ;
- l’action qui appartenait au créancier lui-même (action subrogatoire), car le
débiteur qui a payé bénéficie de la subrogation de plein droit accordée par
l’article 1251, 3°, à celui qui était tenu avec d’autres. Si cette action est
utilisée : - le débiteur ne peut réclamer que ce qu’il a payé (donc sans les
intérêts qu’il aurait pu réclamer – à dater du jour du paiement – s’il avait
engagé l’action personnelle : c’est l’inconvénient de l’action subrogatoire) ; -
mais, exerçant les droits du créancier, il bénéficie des sûretés (hypothèque,
gage ou autre) qui, éventuellement, protégeaient la créance originaire (c’est
l’avantage de cette action) ; toutefois, le débiteur solvens n’est pas subrogé
dans la solidarité elle-même et doit diviser son recours entre les codébiteurs,
chacun n’étant tenu que pour sa part (par exemple, soit une dette de 3 000 à
l’encontre de 3 débiteurs, A, B, et C ; si A paie les 3 000, il doit demander
paiement de 1 000 à B et de 1 000 à C).

c) Les différences avec l’indivisibilité

Les effets secondaires de la solidarité ne s’appliquent pas en principe en


cas d’indivisibilité, au motif que, étant liée à la nature de l’objet, l’indivisibilité ne
repose pas, à la différence de la solidarité, sur une idée d’intérêts communs entre les
débiteurs et de représentation réciproque : les effets secondaires constituent donc
l’avantage de la solidarité. Cette différence n’est toutefois pas toujours très marquée :
l’interruption de la prescription, par exemple, produit les mêmes effets dans les deux
cas.
La dette solidaire se divise entre les héritiers du débiteur, ce que ne fait
pas la dette indivisible (c’est l’avantage de l’indivisibilité). Donc, si un débiteur
solidaire décède, chacun de ses héritiers n’est tenu que proportionnellement à sa part
successorale et non pour le tout. Par exemple, une dette solidaire de 3 000 pèse sur
trois débiteurs, dont l’un décède et laisse deux héritiers ; si le créancier décide d’agir
contre les héritiers du défunt, il devra diviser sa poursuite et réclamer 1 500 à chacun
d’eux. D’où l’intérêt pour le créancier de stipuler dans un acte à la fois la solidarité et
l’indivisibilité.

277
§ IV : Les obligations in solidum

C’est une création d’origine jurisprudentielle, concernant des dettes nées de


sources différentes mais qui tendent à donner au créancier la même satisfaction qu’en
cas de solidarité. Les obligations in solidum se rencontrent notamment :
- en matière de responsabilité délictuelle ; par exemple, sont in solidum les
obligations pesant sur les coauteurs d’un délit civil (chacun est tenu de réparer la
totalité du dommage) ou sur l’auteur d’un délit civil et son assureur ;
- en matière de responsabilité contractuelle ; par exemple, à propos de certains
codébiteurs qui ne sont pas liés par le même contrat au créancier, tels un architecte et
un entrepreneur, mais qui sont responsables pour le même dommage (dans cet
exemple, le dommage causé au maître de l’ouvrage) ;
- en matière alimentaire : chaque codébiteur d’une obligation alimentaire envers
le même créancier est tenu de subvenir à la totalité des besoins de celui-ci ;
- intérêt de l’obligation in solidum : éviter notamment au créancier de diviser les
poursuites.

Pour les effets, en principe, ce sont ceux de la solidarité passive, mais non les
effets secondaires, car l’idée de représentation réciproque ne s’applique pas, d’où
l’expression de solidarité imparfaite.

278
TITRE II : LA TRANSMISSION ET L’EXTINCTION DES
OBLIGATIONS

La transmission des obligations consiste au fait que les obligations se déplacent


d’un sujet à un autre. L’extinction des obligations est la disparition de celles-ci. Si
techniquement ces deux mécanismes ont peu de point commun, ils traduisent
cependant l’idée selon laquelle l’obligation représente une valeur. Leur étude est donc
importante à une période où le crédit et les moyens de sa mobilisation occupent une
place majeure. Aussi, après l’examen de la transmission des obligations (Chapitre I),
l’on se penchera sur l’extinction de celles-ci (Chapitre II).

279
CHAPITRE I : LA TRANSMISSION DES OBLIGATIONS

Les obligations peuvent se transmettre de deux manières. La transmission peut


s’opérer à titre universel, c’est-à-dire que l’obligation se transmet avec l’ensemble du
patrimoine, notamment en cas de décès du créancier ou du débiteur, sauf si
l’obligation est caractérisée par l’intuitus personae : la créance (en cas de décès du
créancier) ou la dette (en cas de décès du débiteur) est transmise aux héritiers et se
divise entre eux selon leur part successorale (art. 1220), sauf si elle est indivisible. La
transmission peut aussi se faire à titre particulier. Cependant, si la cession d’une
créance est admise sans difficulté (Section I), la cession d’une dette est plus difficile à
concevoir (Section II).
Section I : La cession de créance

Une créance peut être cédée entre vifs et à titre particulier : la cession
s’effectue alors au moyen d’une convention par laquelle le cédant transmet sa
créance à l’encontre de son débiteur (dit cédé) à un cessionnaire. Cette transmission
s’opère gratuitement (c’est une donation) ou moyennant un prix (c’est une vente),
qui ne correspond pas nécessairement à sa valeur nominale (p. ex., créance de 1 000
F peut être vendue à 800 F, parce qu’elle est à terme, conditionnelle, litigieuse, etc.).
Au regard du droit positif, il y a une cession de créances de droit commun dont il est
nécessaire de connaître les conditions (§ I) et les effets (§ II) et des formes simplifiées
de cession de créance (§ III).
§ I : Les conditions

Plusieurs conditions sont nécessaires à la mise en œuvre de la cession de


créances. Elles sont de validité (A) ou d’opposabilité (B).

A- Les conditions de validité

La cession de créance est une convention conclue entre le cédant et le


cessionnaire. En conséquence, elle est soumise aux conditions de validité communes
à tous les contrats (consentement, capacité, cause). Quelques particularités
concernent son objet : si, en principe, toute créance est cessible (pure et simple, à
terme, conditionnelle, future), la loi interdit toutefois la cession de certaines créances
dans le but de protéger leurs titulaires, comme les pensions alimentaires et la fraction
insaisissable des traitements et salaires.
Le consentement du débiteur, qui n’est pas partie à la cession, n’est pas
nécessaire. De même, en vertu du principe du consensualisme, la cession n’est
assujettie à aucune condition de forme pour sa validité, sauf, conformément au droit
commun, s’il s’agit d’une donation. Cette solution n’est plus d’actualité en France.
Selon l’article 1322 nouveau du Code civil, « La cession de créance doit être constatée par
écrit, à peine de nullité. »

280
B- Les conditions d’opposabilité

L’article 1690 du Code civil burkinabè exige une formalité, non pour la validité
de la cession entre les parties, mais pour son opposabilité aux tiers. Ces derniers, au
sens de cette disposition, sont :
- le débiteur cédé, car il faut qu’il sache à qui il doit effectuer le paiement ;
- un autre cessionnaire (dans le cas où le cédant a cédé deux fois la même
créance) ;
- un créancier du cédant qui voudrait saisir la créance et qui évidemment ne
pourra plus le faire si la cession lui est opposable.

Pour la formalité, l’article 1690 envisage deux types d’actes qui ont date
certaine à l’égard des tiers :
- soit la signification de la cession au débiteur cédé, c’est-à-dire que le débiteur
est informé solennellement de la cession, ordinairement par un acte d’huissier, qui lui
est délivré sur l’initiative du cédant ou du cessionnaire ;
- soit l’«acceptation » de la cession par le débiteur cédé dans un acte
authentique : en réalité, le mot « acceptation » signifie ici, non pas l’accord du
débiteur, mais simplement la reconnaissance qu’il est au courant de la cession.
Sur ce point, le droit français a profondément été modifié. Aux termes des
articles 1323 et 1324 nouveaux du Code civil, issus de l’ordonnance du 10 février
2016, les formalités de l’article 1690 ont été abandonnées. La cession de créances est
opposable au débiteur, « s’il n’y a pas déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris
acte. ». Vis-à-vis des tiers aucune formalité n’est pas prévue pour l’opposabilité de la
cession. Il est simplement prévu que la cession leur est opposable à la date du
transfert de la créance (article 1323).

La formalité ainsi exigée vise à rendre la cession opposable aux tiers à compte
de sa date.
D’abord à l’égard du débiteur cédé :
- Avant la formalité, il devait payer le cédant.
- Après, il sait qu’il est devenu débiteur du cessionnaire : s’il paie le cédant, il ne
se libère pas et s’expose à payer aussi le cessionnaire.
Ensuite à l’égard des autres tiers
- En cas de conflit entre cessionnaires successifs auxquels le cédant aurait
transmis la créance, préférence est donnée à celui qui, le premier, a effectué la
formalité d’opposabilité, sauf si le débiteur avait eu, par un autre moyen,
connaissance de la première cession.
- A l’égard des créanciers du cédant : la formalité les informe de la cession et ils
ne peuvent plus saisir la créance, puisqu’elle n’appartient plus au cédant.
En droit français, les solutions sont différentes. Aux termes de l’article 1325
nouveau du Code civil, « Le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en

281
faveur du premier en date ». A l’égard du débiteur et des créanciers du cédant, c’est la
date de notification de la cession au débiteur ou le jour où ce dernier en a pris acte
qui est déterminante pour savoir qui peut réclamer le paiement (article 1324, alinéa C
civ fr.).

§ II : Les effets de la cession de créance

La cession de créance transfère au cessionnaire les droits du cédant (A) et crée


des obligations à la charge des parties (B). En droit français, le régime des effets de la
cession de créance n’a pas considérablement été modifié par les réformes issues de
l’ordonnance du 10 février 2016, par rapport à l’état du droit antérieur (Code civil)
qui celui applicable au Burkina.

A- La transmission d’un droit

La créance est cédée :


- pour son montant nominal, quel que soit le prix payé par l’acheteur ;
- avec les garanties et accessoires qui l’accompagnent ;
- avec les vices qui l’infectent : le débiteur cédé peut donc opposer son
incapacité ou le vice de son consentement au cessionnaire, comme il aurait pu
l’invoquer contre le cédant : c’est le principe de l’opposabilité des exceptions.

B- La création d’obligations

Si la cession est à titre gratuit, elle produit les effets d’une donation ; si elle est à
titre onéreux, elle entraîne les obligations d’une vente, notamment :
- le cessionnaire doit payer le prix convenu ;
- le cédant doit lui remettre le titre de créance ;
- le cédant doit garantit au cessionnaire : il garantit l’existence de la créance (art.
1693), mais non la solvabilité du débiteur (art. 1694).
La garantie légale peut être modifiée par une clause expresse de la convention.
La garantie peut être aggravée : par exemple, le cédant garantit la solvabilité actuelle
du débiteur, c’est-à-dire au jour de l’échéance ; dans cette hypothèse, la garantie n’est
toutefois donnée qu’à concurrence du prix de la cession, et non du montant de la
créance (art. 1694). En droit français, il est précisé que « Lorsque le cédant a garanti
la solvabilité du débiteur, cette garantie ne s’entend que de la solvabilité actuelle »
(article 1326, in fine, nouveau C. civ.). En sens inverse, elle est parfois atténuée : par
exemple, le cédant ne garantit pas l’existence de la créance (sauf si elle s’est éteinte de
son fait, par exemple, parce qu’il a cédé une créance, alors qu’il avait déjà reçu
paiement du débiteur).
C- La cession d’une créance litigieuse

282
Dans le cas particulier de la cession d’une créance litigieuse, c’est-à-dire
faisant l’objet d’une contestation en justice (art. 1700), le débiteur peut exercer le
retrait litigieux, c’est-à-dire se substituer au cessionnaire en lui remboursant le prix
réel de la cession (plus les frais du contrat et les intérêts, art. 1699). Cette faculté de
retrait s’explique par la méfiance du législateur à l’égard des acquéreurs de créances
litigieuses.
§ III : Les formes simplifiées de cession de créance

La loi admet des modes simplifiés de cession de créance, caractérisés par la


dispense des formalités de l’article 1690. Ces techniques existent depuis longtemps en
droit commercial : ce sont ceux portant sur les titres négociables (A). Mais de
nouveaux modes sont apparus plus récemment en droit civil : c’est l’exemple du
bordereau Dailly (B).
A- Les titres négociables

Les titres négociables sont des titres dont la circulation est facilitée et n’est pas
assujettie aux formalités de l’article 1690. Ils se caractérisent aussi par une protection
renforcée du cessionnaire puisque, s’il est de bonne foi, le débiteur ne peut pas lui
opposer les exceptions qu’il est en principe en droit d’opposer au cédant. En matière
de titres négociables prévaut donc le principe inverse de celui du droit civil : c’est
l’inopposabilité des exceptions. Ces titres sont surtout utilisés en matière
commerciale. Trois types se distinguent.
- Les titres nominatifs : le droit de créance est constaté par une inscription
sur un registre tenu par le débiteur, par exemple, une société, lorsque le titre est une
action : la cession s’opère par une inscription sur le registre.
- Les titres au porteur : la créance est incorporée dans le titre et se transmet
donc par la simple remise matérielle du titre de la main à la main (ou tradition).
- Les titres à ordre : le titre à ordre est un écrit contenant la clause invitant le
débiteur à payer « à l’ordre de x », c’est-à-dire à « x », ou telle autre personne désignée
par « x » (lettre de change, chèque, billet à ordre) ; la cession s’effectue par une
signature au dos du titre, apposée par le cédant, d’où le nom d’endossement.

B- Le Bordereau Dailly

La loi Dailly du 2 janvier 1981 a institué un nouveau mode de cession réservé


aux créances professionnelles des personnes physiques et à toutes les créances des
personnes morales, qu’elles soient de droit privé ou de droit public. La cession
s’opère par la remise d’un bordereau énumérant les créances cédées et le
cessionnaire est obligatoirement un établissement de crédit. La remise entraîne
de plein droit transfert des créances et rend le bordereau ou la cession opposable aux
tiers, mais à l’égard du débiteur, la cession est opposable à condition de lui avoir été
notifiée par un moyen quelconque. Cette technique permet aux entreprises de se
procurer, en cédant leurs créances, du crédit auprès des banques.

283
Section II : La cession de dette

La cession de dette est en théorie l’opération symétrique de la cession de


créance : le débiteur céderait sa dette à un cessionnaire, sans le consentement du
créancier cédé. En conséquence, le cédant serait libéré et le cessionnaire deviendrait
le débiteur.
Mais un grave obstacle s’oppose à sa validité. Si on conçoit aisément le
mécanisme de la cession de créance, car en général peu importe pour le débiteur la
personne du créancier, il est plus difficile d’admettre une cession de dette sans
l’accord du créancier : il a accordé du crédit à tel débiteur, en raison de sa moralité et
de sa solvabilité, aussi paraît-il critiquable de lui en imposer un autre.
Sur ces bases le droit français et le droit burkinabè ont ignoré en principe la
cession de dette qui serait conçue sur le modèle de la cession de créance. En France,
la réforme issue de l’ordonnance du 10 février 2016 a fait un pas vers la
reconnaissance de la cession de dette à l’image de celle de créance. En outre, certains
procédés permettent, au Burkina comme en France, indirectement et souvent
imparfaitement d’aboutir à une session de dette. Il en va ainsi de la cession de dette
découlant de la cession du contrat (§ I) ou de l’aliénation d’un bien (§ II). Après
l’examen de ces procédés, on se penchera sur la question de la cession de dette isolée
(§ III).
§ I : La cession de dette découlant de la cession d’un contrat

La cession de contrat synallagmatique est admise par la jurisprudence (cession


d’un bail, par exemple), mais la cession de dette qui en résulte est imparfaite, car en
principe le cédant reste tenu envers le créancier, tant que ce dernier n’a pas accepté la
substitution de débiteur. Ce n’est que dans des cas particuliers que la loi prévoit la
libération du cédant sans l’accord du créancier (par exemple en droit français l’art.
1601-4 : l’acquéreur d’un immeuble à construire qui cède son contrat est libéré envers
le vendeur).

§ II : La cession d’une dette accessoire à l’aliénation d’un bien

Il s’agit là encore de cessions de contrats, mais qui vont entraîner la


transmission de la dette parce qu’elle constitue l’accessoire d’une chose aliénée. Ainsi,
la loi prévoit dans certains cas que l’acquéreur d’un bien est tenu des obligations du
cédant, en raison du lien étroit entre la dette et ce bien. Par exemple, selon l’article
1743, l’acquéreur d’un immeuble est tenu de respecter le bail conclu par le vendeur ;
de même, dans le Code des assurances CIMA (art. 40) et le Code français des

284
assurances (art. L. 121-10), le contrat d’assurance continue de plein droit en cas
d’aliénation de la chose assurée ; Dans le Code du travail (burkinabè : Loi n° 028-
2007/AN du 13 mai 2008, art. 91, al. 1 et français : art. L. 122-12, al. 2), le nouvel
employeur doit respecter les contrats de travail conclus par l’ancien en cas de cession
d’une entreprise.

§ III : La cession de dette isolée

La cession de dette isolée et qui résulterait du seul accord entre le cédant et le


cessionnaire n’est pas efficace à l’égard du créancier, puisqu’on ne peut pas lui
imposer une substitution de débiteur. Seules sont possibles ce que l’on appelle des
cessions imparfaites, conclues entre le cédant et le cessionnaire, mais qui n’ont pas
pour effet de libérer le cédant. Tel est le mécanisme de la stipulation pour autrui, par
lequel le tiers bénéficiaire (le créancier) acquiert, avant même de l’avoir accepté, un
droit direct contre le promettant (nouveau débiteur), tout en conservant un droit
distinct contre le stipulant.
En droit français, les articles 1327 à 1328-1 du Code civil, issus de
l’ordonnance du 10 février 2016, sont consacrés à la cession de dette. Il y est prévu
une cession de dette imparfaite car la cession doit se faire avec l’accord du créancier.
A défaut de celui-ci, le débiteur n’est pas libéré et est tenu solidairement au paiement
de la dette (article 1327-2). Dans l’hypothèse où le débiteur originaire n’est pas
libéré, lui et le débiteur substitué « …peuvent opposer au créancier les exceptions inhérentes à
la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation de dettes
connexes. Chacun peut aussi opposer les exceptions qui lui sont personnelles. » (article 1328 C.
civ. fr.)

285
CHAPITRE II : L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS

Deux catégories de causes d’extinction sont à distinguer :


- les unes apportent au créancier satisfaction, par exemple, le paiement
(Section I) ;
- les autres éteignent l’obligation sans que le créancier reçoive satisfaction, par
exemple, la prescription (Section II).

Section I : Les causes d’extinction apportant une satisfaction au


créancier

La principale est le paiement : c’est l’effet normal de l’obligation, celui que les
parties avaient en vue (§ I). D’autres procédés aboutissent également à la satisfaction
du créancier (II).
§ I : Le paiement

Le paiement est l’exécution d’une obligation quel qu’en soit l’objet :


remise d’une somme d’argent, d’une chose quelconque, exécution d’une prestation. Il
peut être pur et simple (A) ou avec subrogation (B).

A - Le paiement pur et simple

Les nombreux points appellent des éclaircissements. Il s’agit des parties au


paiement (1), de l’objet du paiement (2), de la monnaie de paiement (3), de la date et
du lieu du paiement (4), des incidents de paiement (5), de la preuve du paiement et
des effets du paiements (7)

1) Les parties au paiement

Les parties au paiement sont le solvens (a) et l’accipiens (b).


a) Qui peut payer ? : le solvens
Celui qui paie s’appelle le solvens. C’est habituellement le débiteur ou son
mandataire. Ce peut être aussi :
- « toute personne intéressée au paiement » (art. 1236, al. 1er), telle qu’une
caution ou un codébiteur ;
- même un tiers quelconque (art. 1236, al. 2) qui rend service au débiteur, p. ex.
un gérant d’affaires ou celui qui fait une donation : le créancier ne peut refuser le
paiement, sauf dans le cas d’une obligation de faire qui aurait un caractère personnel
(exécution d’une œuvre d’art par tel artiste).
En toute hypothèse, le solvens doit être (art. 1238, al. 1er) :
- propriétaire de la chose donnée en paiement ;
- capable d’aliéner ;
A défaut, le paiement est nul et le remboursement s’impose :

286
- si le solvens n’est pas propriétaire de la chose donnée en paiement, la nullité
peut être invoquée par le créancier ou le solvens ;
- si le solvens est incapable, la nullité ne peut être soulevée que par lui.
Par exception, le paiement d’une somme d’argent ou d’une autre chose qui se
consomme par l’usage ne donne pas lieu à remboursement lorsque le créancier l’a
consommée de bonne foi (art. 1238, al. 2).

b) A qui le paiement doit-il être fait ?

Celui qui reçoit le paiement est l’accipiens. Le paiement doit être fait au
créancier (ou à son représentant). Lorsque l’accipiens n’avait pas droit au paiement :
- il est tenu de le restituer (répétition de l’indu) ;
- le débiteur n’est pas libéré.
Le paiement fait à un tiers qui n’avait pas pouvoir de le recevoir est néanmoins
libératoire :
- si le paiement est ratifié par le créancier (art. 1239, al. 2) ;
- si le créancier a profité du paiement (même texte) ;
- si le paiement a été fait de bonne foi et par suite d’une erreur légitime à un
tiers « en possession de la créance » (art. 1240), par exemple l’héritier apparent du
créancier.
Le créancier doit être capable de recevoir le paiement ; à défaut (p. ex.,
paiement effectué à un majeur en tutelle), le paiement n’est pas valable, sauf si le
débiteur prouve que la chose payée a tourné au profit du créancier (art. 1241), c’est-à-
dire que l’incapable a employé utilement les fonds.

2) L’objet du paiement

Deux règles ont une portée générale (a) et d’autres sont propres au paiement
d’une somme d’argent (b).

a) Les règes de portée générale

D’une part, le débiteur doit payer la chose même qui est l’objet de la dette (a1) ;
d’autre part, il doit payer la totalité de la dette (a2).
a1) Le débiteur doit payer la chose même qui est l’objet de la dette
Le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre prestation.
- S’il s’agit d’un corps certain, le « débiteur est libéré par la remise de la chose
en l’état où elle se trouve lors de la livraison » (art. 1245). Lorsque la chose a été
détériorée dans l’intervalle séparant l’engagement et la livraison, le débiteur n’est
libéré que si les détériorations ne proviennent pas de son fait (ou de celui des
personnes dont il est responsable).

287
- S’il s’agit d’une chose de genre, autre que de l’argent, « le débiteur ne sera
pas tenu… de la donner de la meilleure espèce, mais il ne pourra l’offrir de la plus
mauvaise » (art. 1246).
Si le créancier accepte en paiement autre chose que ce qui était dû, il y a dation
en paiement, par exemple le débiteur, au lieu de payer la somme due, fournit une
prestation que le créancier accepte. La nature juridique de la dation en paiement est
discutée. Certains y voient une vente : le créancier acquiert la chose remise en
paiement, en renonçant à la somme qui lui était due et qui représente le prix ; d’autres
l’analysent comme une novation par changement d’objet.

a2) Le débiteur doit payer la totalité de la dette

Le débiteur doit payer la totalité de la dette de sorte que le créancier peut


refuser un paiement partiel, sauf si le juge accorde un délai de grâce en autorisant des
versements fractionnés (art. 1244 du Code civil, art. 39 de l’AUPSRVE).

b) Les règles particulières du paiement de somme d’argent

En la matière, il y a un principe : le nominalisme monétaire (b1). Il faut


cependant tenir compte du jeu des clauses d’indexation (b2).

b1) Le principe du nominalisme monétaire

En principe, le débiteur n’est tenu de payer que la somme même dont les
parties sont convenues. Ainsi, à propos du prêt d’argent, l’article 1895 énonce que
« l’obligation n’est toujours que de la somme numérique énoncée au contrat ». Par
exemple, en cas de prêt d’une somme d’argent, le remboursement qui s’effectuera
quelques années plus tard portera sur le même montant : le créancier supporte donc
les effets de l’érosion monétaire qui est plus ou moins forte suivant les pays et les
époques.
b2) Les clauses d’indexation ou d’échelle mobile

Du fait de l’érosion monétaire, les parties ont souvent recours, dans les
contrats qui s’échelonnent dans le temps, à diverses clauses d’indexation qui font
varier le montant de l’obligation en fonction d’un élément de référence, appelé
indice, par exemple :
- le cours de l’or ou clause valeur-or ;
- le cours d’une monnaie étrangère ou clause valeur-devise : la monnaie
étrangère est alors simplement une unité de compte, non une monnaie de paiement
(à distinguer des clauses de paiement en monnaie étrangère) ;
- certaines valeurs économiques, comme le prix d’un produit ou d’un service
ou clause d’échelle mobile).

288
Ces clauses ne sont pas toujours valables, car elles révèlent une méfiance des
parties envers la monnaie nationale. Une distinction est à opérer selon que le
paiement a un caractère international ou interne. Dans les paiements
internationaux, c’est-à-dire qui supposent un mouvement de marchandises ou de
fonds d’un pays à un autre, les clauses d’indexation sont en principe valables,
notamment les clauses stipulant l’évaluation de l’obligation, ou même son paiement,
en or ou en monnaie étrangère (sous réserve du respect de l’éventuelle
réglementation des changes). Dans les paiements internes, le recours aux indices
généraux, par exemple le niveau général des prix ou des salaires, le SMIC (salaire
minimum inter-professionnel de croissance), est prohibé par l’ordonnance du 30
décembre 1958, sauf pour des dettes d’aliments ou les rentes viagères. La clause
d’indexation n’est valable que si l’indice a un rapport direct :
- soit avec l’objet du contrat (par exemple, l’emprunt contracté pour acheter
une maison, peut être indexé sur le coût de la construction) ;
- soit avec l’activité de l’une des parties : par exemple, le prix de cession d’un
fonds de commerce de garagiste, peut être indexé sur le salaire d’un ouvrier
mécanicien.
La sanction de la clause illicite est la nullité absolue. Cependant, dans le souci
de préserver l’économie du contrat, les tribunaux ont aujourd’hui tendance à
substituer un indice valable à celui qui avait été convenu. Ils recherchent alors quel
est l’indice dont le choix serait licite et qui traduit le mieux l’intention commune des
parties. Par exemple, dans un contrat de fourniture entre un producteur de cassis et
un fabricant de sirops de fruits, les parties avaient choisi l’indice général des taux de
salaire horaire des ouvriers toutes catégories. Cette clause d’indexation, illicite parce
que générale, a été judiciairement remplacée par la référence à l’indice des prix
agricoles à la production. Parfois c’est la loi qui prévoit une substitution de plein
droit de la clause illicite par une indexation valable (par exemple, l’indice du coût de
la construction pour les baux d’habitation). Si le choix de l’indexation a eu une
incidence déterminante sur la conclusion du contrat, elle est analysée comme une
cause illicite qui entraîne la nullité du contrat.

3) La monnaie de paiement

Le paiement doit être effectué en monnaie ayant cours légal (billets et


pièces), donc le créancier est, en principe, en droit de refuser un paiement par
chèque. Toutefois, certains paiements doivent être faits par chèque barré non
endossable, par virement bancaire ou postal ou par carte de paiement ou de crédit.
Tel est le cas en France, notamment pour :
- divers règlements par un commerçant, lorsqu’ils excèdent 5 000 F (L. 22 oct.
1940, plusieurs fois modifiée) ;
- le règlement d’un traitement ou salaire supérieur à 10 000 F par mois (même
loi, art. 143-1 C. trav.).

289
La sanction en cas de paiement effectué en espèces est une amende fiscale (5 %
des sommes réglées) incombant solidairement au créancier et au débiteur, mais le
paiement est valable.
C’est dans ce sens que se situe la directive n° 08/2002/CM/UEMOA du 19
septembre 2002 portant sur les mesures de promotion de la bancarisation et de
l’utilisation des moyens de paiement scripturaux, qui impose le paiement par chèque,
par virement ou d’autres moyens de paiements scripturaux appropriés dans les
relations avec l’administration, entre commerçants, pour le paiement des salaires…

4) La date et le lieu du paiement

Concernant la date, si la créance est pure et simple, le paiement est


immédiatement exigible ; si elle est à terme, il doit s’effectuer au jour convenu. En
cas de paiement par chèque, le débiteur est réputé avoir acquitté sa dette à la date de
réception du chèque par le créancier et sous réserve d’encaissement.

Relativement au lieu, le paiement doit être fait, selon l’article 1247, au lieu
convenu. A défaut de convention sur le lieu, s’il s’agit d’une dette de corps certain, au
lieu où se trouvait la chose au moment de la conclusion du contrat. S’il s’agit d’une
dette de somme d’argent, le paiement se fait au domicile du débiteur ; c’est le
principe selon lequel les dettes sont « quérables » et non « portables ». Mais, en cas
« d’aliments alloués en justice », le paiement doit s’effectuer au domicile ou à la
résidence de celui qui doit les recevoir – sauf décision contraire du juge (art. 1247, al.
2).

5) Les incidents de paiement

Deux types principaux se distinguent selon que l’incident émane du créancier


lui-même (a) ou de l’un de ses créanciers (b).

a) Le créancier refuse le paiement

Si le créancier refuse le paiement au débiteur qui veut se libérer, par exemple,


en raison d’une contestation sur la somme due, le débiteur doit alors recourir à la
procédure des offres réelles et de la consignation. Trois étapes peuvent être
distinguées dans cette procédure.
1° Le débiteur fait, par l’intermédiaire d’un officier public, des offres réelles au
créancier, c’est-à-dire avec présentation effective de la chose due ;
2° Si le créancier refuse, le débiteur se dessaisit de la somme (ou de la chose)
offerte et la consigne (art. 1257).
A partir de cette consignation :
- le débiteur est à l’abri des poursuites ;
- les intérêts ne courent plus ;

290
- s’il s’agit d’un objet de corps certain, les risques de force majeure pèsent sur le
créancier ;
3° Si le créancier persiste dans son refus, le débiteur doit faire rendre un
jugement qui déclare les offres et la consignation bonnes et valables : ce jugement le
libère de sa dette.

b) Un créancier du créancier fait opposition au paiement

L’incident peut aussi provenir d’un créancier du créancier qui fait opposition
au paiement afin d’éviter la disparition de sa créance. Le créancier procède alors à
une saisie conservatoire, qui peut se transformer en saisie-attribution, au terme de
laquelle la somme lui sera directement versée.

6) Les preuves du paiement

La charge incombe au débiteur (art. 1315, al. 2). Mais la loi prévoit aussi
des présomptions de paiement, par exemple lorsque le créancier a remis au
débiteur le titre de créance (art. 1282). Pour les modes de preuve, en principe, un
écrit est exigé dans les conditions de l’article 1341 : le procédé normal est la
quittance, écrit signé du créancier et remis au débiteur. Mais la jurisprudence admet
la preuve par tout moyen (témoignage, présomption) en cas d’impossibilité morale de
se procurer une quittance (relation de famille, d’amitié, usages).

7) Les effets du paiement

Le paiement éteint l’obligation et ses accessoires (par exemple, une


hypothèque, un gage) et libère donc le débiteur. Un problème d’imputation des
paiements se pose lorsque le débiteur, qui est tenu de plusieurs dettes de même
nature (par exemple, de l’argent) envers le même créancier, effectue un paiement
incomplet : à quelle dette faut-il l’imputer ?
A défaut d’accord des parties :
- le débiteur choisit, mais dans certaines limites, p. ex., s’il verse une somme
d’un montant inférieur à l’une des dettes, il ne peut imputer son paiement sur celle-ci,
car ce serait imposer au créancier un paiement partiel ;
- à défaut de choix par le débiteur, le créancier décide de l’imputation ;
- à défaut de choix par l’un ou l’autre, l’imputation est réglée par la loi.
D’après la loi, l’imputation se fait d’abord « sur la dette que le débiteur avait le
plus d’intérêt d’acquitter » (art. 1256, al. 1), par exemple sur celle qui a le taux
d’intérêt le plus élevé ; si les dettes sont de même nature, elle se fait sur la plus
ancienne ; « toutes choses égales, elle se fait proportionnellement » (1256, al. 2)

B- Le paiement avec subrogation

291
C’est une modalité du paiement qui permet à celui qui a payé la dette (solvens)
d’exercer à son profit les droits du créancier : on dit qu’il est subrogé dans les droits
du créancier, appelé subrogeant. C’est une subrogation personnelle, à distinguer de la
subrogation réelle, qui a pour effet de substituer un bien à un autre. Le paiement avec
subrogation a une grande importance pratique, par exemple, l’assureur qui a payé à la
victime une indemnité est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les
droits de la victime contre le responsable. Il faut examiner ses sources (1) et ses effets
(2).
1) Les sources

La subrogation peut être d’origine conventionnelle (a) ou légale (b).

a) La subrogation conventionnelle

La subrogation conventionnelle résulte d’un accord conclu entre, d’une part, le


solvens et, d’autre part, soit le débiteur, soit le créancier.
1° Elle peut être consentie par le débiteur (art. 1250-2°)
L’hypothèse est la suivante : le débiteur qui veut payer sa dette emprunte des
fonds à un tiers et le subroge (c’est-à-dire le place) dans les droits du créancier qu’il
va désintéresser.
L’opération présente une utilité pour le débiteur, notamment lorsque la
nouvelle dette est plus avantageuse que la précédente, par exemple, en raison d’un
taux d’intérêts plus faible. Il y a deux conditions de validité :
- l’acte d’emprunt souscrit pour rembourser la première dette et la quittance
délivrée par le créancier désintéressé doivent être conclus par acte authentique ;
- la quittance doit constater que le paiement a été fait avec les deniers
empruntés.
Ces conditions sont exigées pour éviter certaines fraudes du débiteur : par
exemple, après avoir payé sa dette qui était garantie par une hypothèque, le débiteur
qui a encore besoin de fonds pourrait être tenté d’accorder à un nouveau prêteur la
subrogation dans la créance et l’hypothèque – qui sont pourtant éteintes – au moyen
d’un acte antidaté prévoyant frauduleusement que le nouvel emprunt est destiné à
payer la première dette. La rédaction d’un acte notarié, dont la date est certaine,
élimine ce risque d’antidate.
2° Elle peut être consentie par le créancier (art. 1250-1°)
Le créancier qui veut être payé immédiatement s’adresse à un tiers qui accepte
de lui verser le montant de la créance à la condition d’être subrogé dans le droit de
créance contre le débiteur. Les conditions de validité sont essentiellement de forme.
Des formes particulières ne sont pas nécessaires, mais il faut :
- que la subrogation soit consentie en même temps que le paiement (plus tôt, il
ne s’agirait que d’une simple promesse, puisque, tant que le créancier n’a pas été payé,
un tiers ne peut pas être subrogé dans ses droits ; plus tard, la créance serait déjà
éteinte) ;

292
- que l’accord des parties (le créancier et le solvens) soit exprès.

b) La subrogation légale

De nombreux cas sont prévus par le Code civil (art. 1251) et des textes
spéciaux, notamment dans le domaine des assurances et celui de la sécurité sociale.
Dans toutes ces hypothèses, la subrogation a lieu de plein droit. Il y a un cas à
portée générale (art. 1251-3°) : celui qui, tenu avec d’autres (situation de débiteurs
solidaires) ou pour d’autres (cas de la caution), a payé la dette, est subrogé dans les
droits du créancier. Mais il y a d’autres exemples :
- Le créancier qui paie un créancier de rang préférable est subrogé dans
ses droits et prend donc son rang (art. 1252-1°).
- L’acquéreur d’un immeuble qui emploi le prix pour payer les créanciers
titulaires d’une hypothèque sur l’immeuble (art. 1251-2°) leur est subrogé.
. La caisse de sécurité sociale ou l’assureur qui a dû verser une indemnité à
son assuré, victime d’un accident, est subrogé dans les droits de celui-ci contre le
responsable (Code CIMA, art. 42).

2) Les effets

Le créancier est payé : en cela la subrogation est une modalité de paiement.


Celui qui a payé (solvens) se substitue (est subrogé) au créancier : la créance, avec
ses accessoires, lui est transmise. Mais il existe des différences avec les effets de la
cession de créance :
- Le créancier qui a reçu paiement n’est pas tenu à garantie (à la différence du
cédant. Si la créance n’existe pas, le subrogé a certes un recours contre celui qu’il a
payé, mais ce recours est fondé sur la répétition de l’indu et n’est pas une action en
garantie.
- Le subrogé ne peut réclamer au débiteur une somme supérieure à celle qu’il a
versée au créancier, alors que le cessionnaire a le droit d’exiger la totalité de la
créance, quel que soit le prix qu’il a payé pour l’acquérir.
- Le codébiteur tenu avec d’autres et qui a payé toute la dette (et qui donc
bénéficie de la subrogation légale), ne profite pas intégralement des droits du
créancier, puisqu’il doit diviser son recours entre les autres codébiteurs. De son côté,
le cessionnaire d’une créance à l’encontre de plusieurs débiteurs dispose de tous les
droits dont le cédant était titulaire.
- Si le créancier subrogeant n’a reçu qu’un paiement partiel, il conserve tous ses
droits sur le solde et, dans la répartition des deniers, doit être payé par préférence au
subrogé (art. 1252) (sens de la formule : nul n’est censé avoir subrogé à son
détriment). En revanche, en cas de cession partielle d’une créance, le cessionnaire
est placé au même rang que le cédant qui reste titulaire d’une partie de la créance.

293
§ II : L’extinction de l’obligation par une satisfaction autre que celle qui
était due

En dehors de la dation en paiement qui a déjà été abordée, il convient d’étudier


la compensation, la confusion, la novation et la délégation.

A- La compensation

La compensation est un mode d’extinction de deux obligations ayant pour


objet de l’argent ou des choses fongibles, lorsque deux personnes deviennent
respectivement créancières et débitrices l’une de l’autre, par exemple, Jacques doit 1
000 F à Paul qui, par ailleurs, doit 800 F à Jacques.
L’extinction est totale si les deux obligations sont du même montant, sinon elle
est partielle et se produit à concurrence de la plus faible. Elle aboutit à une sorte de
double paiement abrégé. Au plan de ses sources, la compensation peut être légale
(1), conventionnelle (2) ou judiciaire (3).

1) La compensation légale

Elle s’opère de plein droit si certaines conditions sont réunies. Les deux
obligations réciproques doivent :
- porter sur des choses fongibles, c’est-à-dire de l’argent ou des choses de
même espèce ;
- être liquides, c’est-à-dire certaines et d’un montant déterminé ;
- être exigibles, c’est-à-dire échues : la compensation légale ne peut pas s’opérer
si une dette est à terme. Néanmoins, elle est possible lorsqu’un délai de grâce a été
accordé par le juge, car il s’agit simplement d’un report d’échéance pour permettre au
débiteur en difficulté de payer plus tard : par conséquent, s’il est en même temps
titulaire d’une créance contre son créancier, rien n’empêche un paiement immédiat
par compensation.
La compensation ne peut pas se réaliser dans certaines circonstances,
notamment :
- si l’une des créances est insaisissable, par exemple une créance alimentaire ;
- si elle porte atteinte à un droit acquis par un tiers ;
- si les parties y ont renoncé expressément ou tacitement.

2) La compensation conventionnelle

C’est un contrat par lequel deux personnes respectivement créancières et


débitrices l’une de l’autre sont d’accord pour une compensation qui ne peut pas se
faire de plein droit (par exemple, pour des dettes de nature différente ou non
exigibles).

294
3) La compensation judiciaire

La présente compensation est opérée par le juge saisi de deux demandes


fondées sur des créances réciproques dont l’une ou moins n’est pas liquide i/ou
exigible. Par exemple, A réclame sa créance à B, or B est titulaire contre A d’une
créance non liquide (ce qui empêche la compensation légale) et fait une demande
reconventionnelle : le juge décide souverainement s’il convient de liquider cette
créance et de procéder à la compensation.

B- La confusion

La confusion est la réunion, dans la même personne, des qualités de


créancier et de débiteur d’une obligation (à la différence de la compensation qui
suppose deux obligations distinctes), ce qui entraîne en principe son extinction. Par
exemple, un débiteur hérite de son créancier ou inversement ; une société fusionne
avec une autre, dont elle était créancière ou débitrice.
Il est généralement admis aujourd’hui que la confusion entraîne plutôt une
impossibilité d’exécution, une paralysie de l’obligation, sans l’éteindre de manière
absolue. L’obligation peut ainsi continuer à produire quelques effets, p. ex., elle doit
être prise en compte, en cas de confusion sur la tête d’un héritier, pour le calcul des
droits de mutation et la détermination de la réserve héréditaire. Elle pourrait même
revivre si les circonstances qui étaient à l’origine de la confusion venaient à cesser.

C- La novation

C’est l’opération par laquelle une obligation nouvelle est substituée à


l’obligation ancienne. A la différence de la cession de créance, il n’y a pas
transmission de l’obligation, mais extinction d’une obligation qui est remplacée par
une autre. Il convient d’examiner, dans un premier temps, les conditions communes
à tous les cas de novation (1) et, dans un second temps, les différentes novations (2).
Enfin, il sera évoqué les effets de la novation (3).

1) Les conditions communes à tous les cas de novation

Pour qu’il y ait novation, il faut :


- la substitution d’une obligation à une autre et les deux doivent être valables ;
-l’intention de nover. Il résulte de l’article 1273 que la novation ne se présume
pas, c’est-à-dire que le consentement des parties doit être certain et non équivoque.
La novation est donc en principe conventionnelle, mais parfois la loi prévoit un effet
similaire en l’absence d’accord des parties (par exemple, l’art. 767, dern. al., qui

295
permet aux héritiers d’exiger la conversion de l’usufruit du conjoint survivant en
rente viagère).

2) Les différentes sortes de novation

Il peut y avoir novation par changement de débiteur (a), de créancier (b) ou


d’un élément important de l’obligation (c).

a)La novation par changement de créancier (art. 1271-3°)

Par exemple, le débiteur d’un prix s’engage, à la demande du vendeur, à verser


la somme due à un tiers ; ce tiers est ainsi le nouveau créancier. Cette opération est
voisine de la cession de créance, mais elle s’en distingue par deux traits. D’abord, une
créance nouvelle remplace l’ancienne, donc :
- le débiteur ne peut opposer au nouveau créancier les exceptions qu’il pouvait
opposer à l’ancien : c’est le principe de l’inopposabilité des exceptions ;
- le nouveau créancier ne bénéficie pas des garanties qui éventuellement
protégeaient la première créance ;
Ensuite, l’accord du débiteur est nécessaire, puisqu’il va être tenu d’une dette
différente de la première.

b) La novation par changement de débiteur (art. 1271-2°)

Un nouveau débiteur se substitue à l’ancien, dont la dette est éteinte.


L’opération suppose le consentement du créancier et du nouveau débiteur, mais
l’accord de l’ancien débiteur, qui est libéré, n’est pas toujours indispensable, d’où
deux variantes.
- Première variante : Le premier débiteur demande à une personne, qui est le
plus souvent son propre débiteur, de s’engager envers son créancier et, en
contrepartie, celui-ci le libère (art. 1275). L’opération suppose l’accord des trois
parties :
- du premier débiteur, puisqu’il en est l’instigateur ;
- du nouveau débiteur, puisqu’il ne peut évidemment pas être engagé sans le
vouloir ;
- du créancier, puisqu’on ne peut pas lui imposer un changement de débiteur.
Cette opération se ramène très souvent à une délégation parfaite.
- Deuxième variante : L’opération se réalise sans le concours du premier
débiteur (art. 1274), c’est-à-dire qu’un tiers accepte de s’engager envers le
créancier moyennant la libération du premier débiteur. On peut en effet libérer
quelqu’un sans qu’il ait manifesté son accord, en s’engageant à sa place (expromissio),
de même qu’il est possible de payer pour lui (art. 1236, al. 2).
La novation par changement de débiteur se rapproche de la cession de dette,
mais s’en distingue car :

296
- la première dette est éteinte, et non transmise ;
- l’accord du créancier est toujours nécessaire.

c) La novation par changement d’un élément important de


l’obligation

Les parties restent les mêmes, mais sont d’accord pour modifier :
- l’objet de l’obligation, par exemple, à une dette de somme d’argent est
substituée une dette de corps certain ; cette opération se distingue de la dation en
paiement : celle-ci suppose un paiement immédiat sans création d’une nouvelle
obligation, alors que, dans la novation, une nouvelle dette remplace la première qui
s’éteint ;
- ou la cause de l’obligation, c’est-à-dire que le débiteur est tenu en vertu
d’un autre titre, par exemple, l’acheteur, qui doit payer le prix, convient avec le
vendeur qu’il le conserve un certain temps à titre de prêt ;
- ou une modalité importante, par exemple, l’insertion ou la suppression
d’une condition, car l’existence même de l’obligation en dépend. Mais l’octroi d’un
terme, qui ne concerne que l’exigibilité de la dette, ne la nove pas.

3) Les effets

Les effets de la novation sont principalement au nombre de deux :


- L’extinction de la première obligation avec ses accessoires et garanties, sauf
accord des parties pour les reporter sur la nouvelle dette (art. 1278).
- La création d’une obligation nouvelle qui se substitue à l’ancienne.

D- La délégation

La délégation est l’opération par laquelle une personne (le délégué) accepte, sur
l’ordre d’une autre (le délégant), de s’obliger au profit d’un tiers (le délégataire). Par
exemple, Pierre, qui doit 10 000 F à Paul, vend un objet pour 10 000 F à Jacques en
lui demandant de verser cette somme à Paul : Pierre est de délégant, Jacques, s’il
accepte, est le délégué, et Paul le délégataire. On distingue deux types de délégation
(1) qui produisent des effets différents (2). Il y a aura de comparer la délégation avec
des techniques voisines.
1) Les types de délégation

La délégation prend deux formes. L’une est appelée parfaite ou expromissio ,


l’autre est dénommée imparfaite ou adpromission. Dans la délégation parfaite, le
délégataire entend libérer le délégant. Elle produit donc un effet novatoire, puisqu’un
nouveau débiteur (délégué) se substitue à l’ancien (délégant) qui est libéré. D’où le
nom d’expromissio. Aussi, le consentement exprès du créancier (délégataire) est

297
indispensable. Dans la délégation imparfaite, le délégataire n’a pas manifesté
l’intention de libérer le délégant ; en conséquence, le créancier délégataire a deux
débiteurs au lieu d’un – ce qui explique l’appellation d’adpromissio.
2) Les effets de la délégation
La délégation crée un lien de droit entre le délégataire (a) et le délégué et
transforme la situation du délégant (b).

a) La création d’un lien de droit entre le créancier (délégataire) et le


nouveau débiteur (délégué)

Cet engagement est indépendant de celui du délégant, donc le délégué ne peut


opposer au délégataire les exceptions et moyens de défense qu’il pouvait invoquer
contre le délégant : c’est une application du principe de l’inopposabilité des
exceptions. Toutefois, dans leur accord, le délégué et le délégataire peuvent convenir
que l’obligation nouvelle est subordonnée à une condition (par exemple, que le
délégant exécute ses obligations) ou est limitée (par exemple, le délégué s’oblige
seulement dans la limite de ce que le délégant doit au délégataire). En conséquence
de cet accord, le délégué pourra opposer au délégataire une exception tirée de
l’inexécution par le délégant de ses obligations ou de l’étendue de celles-ci.

b) La situation du délégant

Si la délégation est parfaite, elle produit l’effet d’une novation par


changement de débiteur : le délégant est immédiatement libéré et remplacé par le
délégué. Le délégataire (le créancier) ne peut donc réclamer le paiement qu’au délégué
et n’a pas de recours contre le délégant, sauf clause expresse de l’acte ou insolvabilité
du délégué au jour de la délégation (art. 1276).

Si la délégation est imparfaite, elle n’a pas d’effet novatoire et le délégant


reste tenu, c’est-à-dire que :
- le délégant ne sera libéré que lorsque le délégué paiera le délégataire ;
- si le délégué ne paie pas, le délégataire a le droit d’agir contre le délégant.

3) Comparaison avec d’autres techniques

Bien que proche d’autres techniques (cession de créance, novation par


changement de débiteur, stipulation pour autrui), la délégation s’en distingue.

a) Les différences avec la cession de créance

Trois éléments de différenciation peuvent être relevés.


- La délégation entraîne la création d’une obligation nouvelle (entre le
délégataire et le délégué), et non une simple transmission.

298
- Le délégué (nouveau débiteur) déclare s’engager au profit du délégataire, alors
que, dans la cession de créance, le consentement du débiteur cédé n’est pas
nécessaire. Les formalités de la cession de créance, destinées à informer le débiteur,
sont donc inutiles en cas de délégation.
- Il ne faut pas que l’opération nuise au délégataire (créancier) qui doit être
payé, donc le délégant garantit la solvabilité du délégué au jour de la délégation. Dans
la cession de créance, seule l’existence de la créance est garantie, non la solvabilité du
débiteur cédé.

b) Les différences avec la novation par changement de débiteur

- La délégation imparfaite se distingue nettement de la novation par


changement de débiteur, puisque le délégataire a deux débiteurs.
- La délégation parfaite se combine ordinairement avec une novation par
changement de débiteur. Toutefois elle n’a pas toujours d’effet novatoire, car il n’est
pas nécessaire que le délégant soit débiteur du délégataire. En effet, s’il demande au
délégué de payer le délégataire, c’est parfois pour faire à ce dernier une donation ou
lui consentir un prêt : dans ces hypothèses, il n’y a rien à nover.
- En ce qui concerne la manifestation du consentement du créancier, le Code
civil énonce apparemment des exigences de degrés différents :
. En vertu de l’article 1237, l’intention de nover « ne se présume point » et il
faut qu’elle « résulte clairement de l’acte ». Il est cependant admis qu’elle peut être
tacite, à condition de ne pas être équivoque.
. D’après l’article 1275, la volonté du délégataire de libérer le délégant doit être
« expressément » déclarée.
Il n’est toutefois pas certain que, par ces formules distinctes, les rédacteurs du
Code aient voulu exprimer des exigences différentes.

c) Les différences avec la stipulation pour autrui

Le trait commun de la stipulation pour autrui et de la délégation imparfaite : le


tiers bénéficiaire, comme le délégataire, dispose de deux actions, l’une contre le
premier débiteur (stipulant ou délégant) et l’autre contre le nouveau débiteur
(promettant ou délégué), mais il existe des différences.
1° Quant à la formation, la validité de l’opération suppose :
- l’accord des trois parties, dans la délégation ;
- seulement l’accord du stipulant et du promettant, dans la stipulation pour
autrui.
2° De cela, il résulte que le droit du tiers est irrévocable :
- dès le jour où la délégation est convenue, si le tiers est le délégataire, puisque,
par hypothèse, il a donné son consentement à ce moment ;
- seulement à partir de son acceptation, s’il s’agit du bénéficiaire de la
stipulation pour autrui.

299
3° L’engagement du promettant envers le tiers dépend de ses rapports avec le
stipulant : il s’ensuit que le promettant peut opposer au tiers les exceptions
opposables au stipulant. En revanche, l’engagement du délégué envers le délégataire
est indépendant de ses rapports avec le délégant : le délégué ne peut donc opposer au
délégataire les exceptions opposables au délégant (sauf accord contraire entre le
délégué et le délégant).

Section II : Les causes d’extinction sans satisfaction du créancier

L’une suppose l’accord du créancier, c’est la remise de dettes (§ I) ; l’autre se


produit sans son accord, c’est la prescription (§ II).

§ I : La remise de dette

C’est l’acte par lequel le créancier renonce à sa créance et libère le débiteur qui
accepte. Il implique des conditions (A) et doit être prouvé (B) pour produire effets
(C).
A- Les conditions de validité

La remise de dette est une convention entre le créancier et le débiteur : ce


n’est donc pas un acte unilatéral. Elle est soumise aux conditions de validité exigées
pour tout contrat. Elle peut être consentie :
- à titre gratuit (il faut l’intention libérale du créancier) : les conditions de fond
– mais non de forme – des donations lui sont alors applicables ;
- à titre onéreux, par exemple, dans une transaction, le créancier abandonne
tout ou partie d’une créance, en échange d’une concession de la part de son
adversaire.
-
B- La preuve

La remise de dette peut être expresse ou tacite, et les règles de preuve des actes
juridiques lui sont applicables. Toutefois, les articles 1282 et 1283 instaurent une
présomption légale : lorsque le créancier remet volontairement son titre de créance
au débiteur, celui-ci est présumé libéré, soit par l’effet d’un paiement, soit par une
remise de dette. Parfois, il est nécessaire de savoir si la libération découle d’un
paiement ou d’une remise de dette car dans ce dernier cas seulement, l’opération peut
être à titre gratuit. Il appartient alors à celui qui invoque l’une ou l’autre de ces
qualifications de démontrer que l’opération en présente les caractères.

La force de la présomption varie en fonction de la forme du titre de créance :


- Si le titre est un acte sous seing privé ou un acte notarié rédigé en brevet
(c’est-à-dire dont l’original lui-même est délivré au créancier), le créancier qui le remet
au débiteur perd le seul moyen qu’il avait de prouver son droit ; on en déduit que son

300
intention de libérer le débiteur est certaine et que la présomption de libération est
absolue.
- Si le créancier a remis la copie exécutoire d’un acte authentique, il ne s’est pas
privé de tout mode de preuve, puisqu’il peut se faire délivrer une autre copie, donc la
présomption de libération est simple et peut être combattue par tout moyen.
C- Les effets

La remise de dette éteint l’obligation du débiteur, en totalité ou en partie,


suivant ce qui a été convenu. En cas de pluralité de débiteurs, il convient de
distinguer selon leur statut.
- S’il s’agit de débiteurs conjoints, la remise de dette faite à l’un ne profite pas
aux autres. Il en va toutefois différemment lorsqu’elle résulte de la remise du titre,
puisque le créancier s’est démuni de preuve (la force de la présomption de libération
varie alors selon la forme du titre comme on l’a vu plus haut).
- En présence de débiteurs solidaires, la remise de dette accordée à l’un profite
aux autres, sauf volonté contraire du créancier. Dans le cas où le créancier a réservé
ses droits contre les autres, il ne peut plus les poursuivre que déduction faite de la
part de celui auquel il a fait remise (art. 1285, al. 2).
- En cas de cautionnement, la remise de dette accordée au débiteur principal
libère la caution ; mais la remise faite à la caution ne libère pas le débiteur principal ;
la remise accordée à l’une des cautions ne libère pas les autres (art. 1287), à moins
qu’il ne s’agisse de cautions (art. 2021, in fine).

§ II : La prescription extinctive ou libératoire

La prescription extinctive ou libératoire est le mode d’extinction de


l’obligation résultant du non-exercice de son droit par le créancier pendant une durée
déterminée par la loi. Elle est à distinguer de la prescription acquisitive qui permet
à une personne d’acquérir un droit réel au bout d’un certain temps de possession.
Au nombre des questions importantes de la prescription se trouvent la durée (A) et le
régime (B) de celle-ci.
A- La durée de la prescription

En principe, elle est de trente ans (art. 2262). Mais, dans de nombreux cas, la
loi prévoit une prescription plus courte, par exemple :
. dix ans. c’est le cas :
- des obligations extra-contractuelles (art. 2270-1 C. civ. fr),
- des obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou
entre commerçants et non-commerçants en France (art. 189 bis C. com., devenu art.
L. 110-4 du nouv. C. com.) ;
. cinq ans
- pour les créances périodiques, c’est-à-dire « tout ce qui est payable par année
ou à des termes périodiques plus courts » (art. 2277), notamment les salaires, loyers,

301
pensions alimentaires, intérêts des sommes prêtées (le législateur a institué ce court
délai dans le but d’éviter une trop grande accumulation d’annuités) ;
- pour les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants,
ou entre commerçants et non commerçants, qui se prescrivent par cinq ans si elles ne
sont pas soumises à des prescriptions plus courtes (AUDCG, art. 16).
. deux ans :
- les créances des médecins, chirurgiens, dentistes pour leurs visites, opérations
et médicaments (art. 2272, al. 3),
- les créances des marchands pour les marchandises qu’ils vendent aux
particuliers (art. 2272, al. 4) ;
. un an :
- le paiement des actes d’huissier (art. 2272, al. 1er),
- l’action en responsabilité contre un transporteur (art. 108 C. com. et art. 25 de
l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandise par route) ;
. six mois pour les créances des hôteliers et restaurateurs (art. 2271, al. 2).
Les courtes prescriptions (jusqu’à deux ans en principe) sont fondées sur une
présomption de paiement, car il est d’usage d’acquitter dans un bref délai les dettes
auxquelles elles s’appliquent (qui, de plus ne sont pas ordinairement constatées par
un titre).
B- Le régime de la prescription

Il convient d’aborder la question du calcule du délai (1) et de survoler la mise


en œuvre (2).

1) Le calcul du délai

Seront abordés le point de départ (a), l’interruption (b) et la suspension du délai (c).

a) Le point de départ

Le délai court, en principe, à dater du jour où la créance est exigible, donc si la


créance est sous condition suspensive ou à terme, du jour de l’arrivée de l’événement
ou de l’échéance (art. 2257, al. 2 et 4). Pour les intérêts ou les loyers, il court à
compter de chaque échéance.
b) L’interruption

L’interruption est un arrêt du cours de la prescription qui recommence à courir


à dater de l’événement interruptif, pour toute sa durée, sans qu’on puisse tenir
compte de la période déjà écoulée. Concernant les causes, deux actes entraînent
l’interruption du cours de la prescription.
- un acte de poursuite du créancier (art. 2244), c’est-à-dire un acte par lequel il
manifeste solennellement son intention d’être payé, par exemple, un commandement
(sommation par huissier), une saisie, une assignation en justice (même en référé) ;

302
- la reconnaissance par le débiteur de sa dette (art. 2248) soit expressément
(dans un acte quelconque, sans forme particulière), soit tacitement, par exemple, en
payant un acompte, en demandant un délai de paiement.
Au plan des effets, on note que :
- la période déjà écoulée n’est pas prise en compte et la prescription
recommence à courir pour toute sa durée légale.
- dans le cas des courtes prescriptions fondées sur une présomption de
paiement, l’interruption entraîne une interversion, c’est-à-dire la substitution de la
prescription trentenaire à la courte prescription. Motif : l’interruption fait disparaître
la présomption de paiement qui servait de fondement à la courte prescription.

c) La suspension

C’est l’arrêt temporaire du cours de la prescription et qui, à la différence de


l’interruption, ne fait pas disparaître les effets de la durée déjà écoulée.

S’agissant des causes, le cours de la prescription est en principe suspendu,


lorsque le créancier est dans l’impossibilité d’agir, soit en vertu d’un texte spécial (par
exemple lorsque le créancier est un mineur ou un majeur en tutelle : art. 2252 ;
lorsqu’un époux est créancier de son conjoint : art. 2253) soit, plus généralement, en
vertu de la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qu’un obstacle
de force majeure empêche d’agir.
Pour les effets, la prescription s’arrête de courir tant que dure la cause de
suspension, puis reprend son cours pour la période qui reste, compte tenu du temps
déjà écoulé. Par exception, les délais dits préfix ne sont pas susceptibles
d’interruption ni de suspension.

2) La mise en œuvre

Au plan de la mise en œuvre, la prescription ne joue pas de plein droit ; le


débiteur doit l’invoquer (art. 2223) et ne doit pas y avoir renoncé.
Le débiteur ne peut pas valablement renoncer par avance à une prescription,
mais il peut renoncer expressément ou tacitement au bénéfice d’une prescription déjà
écoulée (art. 2220), sauf si elle a un caractère d’ordre public. Par ailleurs, la
jurisprudence décide qu’aucune considération n’empêche les parties de stipuler dans
leurs contrats l’abréviation des délais de prescription libératoire301.

301 Civ. 4 déc. 1895, DP1896, 1, 241.

303
TITRE III : LES DROITS DU CREANCIER NON PAYE SUR
LE PATRIMOINE DE SON DEBITEUR

Le créancier n’a pas de pouvoir de coercition sur la personne du débiteur, ce


qui implique que :
- si le débiteur refuse d’exécuter une obligation de faire (ou de ne pas faire), il
ne pourra en principe être condamné qu’à fournir l’équivalent pécuniaire sous forme
de dommages et intérêts (art. 1142) ;
- les seules mesures de contrainte dont dispose le créancier portent sur les
biens de son débiteur, par ex., il peut exercer une pression au moyen d’une astreinte
prononcée par le juge (condamnation à payer tant par jour de retard). La contrainte
par corps (emprisonnement pour dette) n’est admise qu’au profit du Trésor public
dans certains cas ;
- l’ultime recours du créancier non payé est de procéder à une voie d’exécution
ou saisie sur les biens du débiteur afin de se faire payer sur le prix de leur vente, car
tout créancier bénéficie d’un droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur.

304
CHAPITRE I : LE DROIT DE GAGE GENERAL

L’existence du droit de gage général est affirmée dans l’art. 2092 : « Quiconque
s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et
immobiliers, présents et à venir. » Ce droit de gage général permet au créancier de saisir
l’un quelconque des biens du débiteur. Il est à distinguer du gage, sûreté particulière
portant sur un meuble déterminé et conférant au créancier qui en bénéficie un droit
de priorité sur les autres.
Le droit de gage général revêt un certain nombre de caractères.
- Il englobe tous les biens du débiteur, à l’exception de ceux qui sont
insaisissables.
- Il porte sur les biens du débiteur, composant son patrimoine au jour où il est
mis en œuvre (par une saisie) : il ne comprend donc pas les biens déjà aliénés, sous
réserve d’une fraude.
- Il n’emporte pas un droit de préférence : les biens du débiteur sont le gage
commun de tous ses créanciers. Si ces biens sont saisis et vendus, le prix de leur
vente sera distribué entre eux par contribution, c’est-à-dire proportionnellement au
montant de leurs créances, sauf quand il existe des causes de préférence découlant de
la loi, d’un contrat ou d’un jugement, telles qu’une hypothèque (sûreté grevant un
immeuble), un gage (sûreté grevant un meuble), un privilège immobilier ou mobilier.

305
CHAPITRE II : LA PROTECTION DU DROIT DE GAGE
GENERAL

Elle est assurée par diverses mesures conservatoires mises à la disposition du


créancier. Celui dont la créance paraît fondée en son principe peut notamment
demander au juge, à condition de justifier de circonstances susceptibles d’en menacer
le recouvrement, l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens
meubles du débiteur (ce qui les rend indisponibles) ou de constituer une sûreté
judiciaire, c’est-à-dire une inscription provisoire d’hypothèque sur un ou plusieurs de
ses immeubles ou de nantissement sur des fonds de commerce, parts de société ou
valeurs mobilières (AUDSC, AUPSRVE). Dans des conditions plus particulières, le
créancier peut mettre en œuvre l’action oblique (Section I), l’action directe (Section
II) ou l’action paulienne (Section III).

Section : L’action oblique

Régie par l’article 1166, c’est l’action par laquelle le créancier exerce les droits et
actions de son débiteur : il fait entrer dans le patrimoine de son débiteur une valeur,
qu’il pourra ultérieurement saisir. Il convient d’examiner ses conditions d’exercice (§
I), puis ses effets (§ II)
§ I : Les conditions d’exercice

Premièrement, le créancier doit être titulaire d’une créance quelconque, à


condition qu’elle soit certaine, liquide et exigible.
Deuxièmement, le créancier doit justifier d’un intérêt sérieux et légitime, ce qui
suppose : - la négligence ou plus généralement l’inaction de son débiteur qui
s’abstient de recouvrer ses créances envers ses propres débiteurs ; - et que cette
attitude compromette les droits du créancier en mettant sa créance en péril,
notamment parce que le débiteur risque d’être insolvable.
Quant au domaine, le créancier peut exercer tous les droits et actions de son
débiteur (mesures conservatoires, actions en justice, voies d’exécution) contre les
débiteurs de celui-ci, sauf les droits et actions exclusivement attachés à la personne,
c’est-à-dire les droits extra-patrimoniaux qui mettent en jeu des considérations
d’ordre moral (révocation d’une donation pour ingratitude) ou cernent des biens
insaisissables (recouvrement d’une pension alimentaire).

§ II : L’exercice par le créancier des droits et actions de son débiteur

Trois principes caractérisent et encadrent l’exercice de l’action oblique.


1er principe : le créancier n’exerce pas un droit propre, mais le droit de
son débiteur, par conséquent :

306
- le tiers poursuivi peut opposer au créancier poursuivant toutes les
exceptions qu’il pourrait invoquer contre son propre créancier, par exemple,
l’extinction de la créance par compensation, renonciation, etc. ;
- l’action oblique fait entrer dans le patrimoine du débiteur un bien qui devient
le gage commun de tous ses créanciers. Le poursuivant n’a donc pas de privilège :
on dit que l’action oblique est individuelle dans son exercice, mais collective par
ses effets.
2ème principe : l’action oblique n’est pas une saisie et le débiteur n’est pas
dessaisi, donc il conserve l’exercice de ses droits et actions à l’égard du tiers, d’où, p.
ex., la possibilité pour le débiteur de recevoir un paiement de ce tiers ou de transiger
avec lui.
3ème principe : en vertu de la relativité de la chose jugée, le jugement rendu
contre le tiers n’a pas d’autorité à l’égard du débiteur, sauf s’il a été mis en cause, d’où
l’utilité de le mettre en cause afin que le jugement soit opposable à toutes les
personnes concernées.
Section II : Les actions directes

L’action directe – que la loi accorde seulement dans des cas particuliers –
permet à un créancier d’agir directement, en son nom personnel, contre certains
débiteurs de son débiteur. La loi accorde une action directe, par exemple :
- au bailleur d’immeuble contre le sous-locataire (art. 1753) ;
- à l’ouvrier contre le client de l’entrepreneur (art. 1798) ;
- au mandant contre le tiers que le mandataire s’est substitué (art. 1994, al. 2) ;
- à la victime d’un dommage contre l’assureur du responsable (art. 54 du Code
CIMA).
La jurisprudence a également créé des actions directes, par exemple au profit
du sous-acquéreur contre le premier vendeur.

Les différentes avec l’action oblique, également appelée aussi indirecte,


tiennent en ce que le créancier agit en son nom personnel, donc :
- Le débiteur est dessaisi de son droit : l’action, dès qu’elle est exercée, rend
inopposables au créancier (le demandeur à l’action) les actes de son débiteur relatifs à
la créance, notamment un paiement qu’il ferait.
- Le bénéfice de l’action est réservé au créancier, auquel la loi l’a accordée : il
échappe ainsi au concours des autres créanciers, et là réside la supériorité des actions
directes sur l’action oblique.

Section III : L’action paulienne

Grâce à cette action, un créancier peut faire déclarer inopposable à son égard
un acte que le débiteur a conclu en fraude de ses droits (de Paul, prêteur romain qui
l’aurait créée). Un certain de conditions doivent être réunies (§ I), afin que cette
action puisse produire effets (§ II)

307
§ I : Les conditions d’exercice

Les conditions d’exercice sont relatives à la créance du demandeur (A), à l’acte


(B) et aux parties (C)

A- Les conditions relatives à la créance du demandeur

La créance doit être :


- certaine au moment de l’exercice de l’action ; en revanche, la
jurisprudence n’exige pas qu’elle soit liquide et exigible, puisqu’il s’agit seulement
d’une mesure conservatoire ;
- née, au moins dans son principe, antérieurement à l’acte attaqué ; le
créancier ne peut, en effet, pas se plaindre des actes que son débiteur a conclus avant
la naissance de sa créance.

B- La condition relative à l’acte : le préjudice du créancier

Le débiteur doit avoir conclu un acte préjudiciable au créancier : le préjudice


découle d’un acte d’appauvrissement qui entraîne l’insolvabilité du débiteur.
Premièrement, il faut un acte d’appauvrissement, p. ex. une donation, une vente à vil
prix, la renonciation à une succession, mais à condition que l’acte ne soit pas relatif à
des droits exclusivement attachés à la personne ou à des biens insaisissables. Sont
également exclus :
- le paiement d’une dette échue, car ce n’est pas un appauvrissement ;
- le partage, car il serait délicat de remettre en cause les opérations complexes
qu’il suppose (mais, en contrepartie, les créanciers ont le droit de surveiller son
déroulement).
Deuxièmement, il faut que cet appauvrissement ait entraîné ou aggravé
l’insolvabilité du débiteur. Le créancier n’a pas à se plaindre s’il reste suffisamment de
biens saisissables dans le patrimoine du débiteur.

C- La condition relative aux parties à l’acte : la fraude

Concernant le débiteur, sa fraude est nécessaire : il faut qu’il ait conclu l’acte
avec conscience qu’il causait un dommage à son créancier en se rendant insolvable
ou en augmentant son insolvabilité.
Concernant le tiers contre lequel le créancier agit, tout dépend du caractère
gratuit ou onéreux de l’acte attaqué. Si l’acte attaqué est à titre gratuit, peu importe
que le tiers ait été ou non complice de la fraude : le créancier qui a subi une perte est
toujours préféré au tiers – même de bonne foi – qui se voit seulement privé d’un gain
obtenu sans contrepartie. Si l’acte est à titre onéreux, le demandeur doit prouver la
complicité du tiers, c’est-à-dire sa connaissance du préjudice que l’acte causait au
créancier.

308
§ II : Les effets

L’acte attaqué devient inopposable mais n’est pas annulé et l’action paulienne
est personnelle.
1°. L’acte est déclaré inopposable au demandeur, qui pourra donc exiger du
tiers la restitution du bien aliéné ou des dommages et intérêts, mais dans la limite de
son intérêt, c’est-à-dire sans excéder la valeur de sa créance.
2°. A la différence de l’action oblique, l’action paulienne est personnelle et ne
profite pas aux autres créanciers.
3°. L’acte n’est pas annulé : il continue à produire ses effets dans les rapports
entre le débiteur et le tiers.
En conclusion, on retient que l’action paulienne suppose un certain nombre de
conditions afin de produire des effets. De l’examen de ce régime, on peut relever des
différences avec l’action en déclaration de simulation. Dans l’action paulienne, le
créancier demande l’inopposabilité à son égard d’un acte d’appauvrissement réel ; en
cas de simulation, il s’agit d’un acte fictif. En outre, l’action paulienne suppose la
preuve d’une fraude ; dans l’action en simulation, il suffit de prouver le caractère
mensonger de l’acte.

309
CHAPITRE III : LE DROIT COMPARE FRANÇAIS : LES
RESTRICTIONS AUX DROITS DU CREANCIER ET LA PROTECTION
DU DEBITEUR EN CAS DE REDRESSEMENT POUR
SURENDETTEMENT DES PARTICULIERS

Diverses mesures sont prévues pour éviter une exécution trop rigoureuse de
son obligation par le débiteur. Tel est notamment le rôle des délais de grâce accordés
par le juge, question abordée plus haut, et des moratoires décidés par le législateur.
Des règles destinées à protéger le débiteur ont été également édictées dans le cadre
des procédures de règlement collectif des créanciers. Pendant longtemps seul le droit
commercial avait organisé des procédures de ce type. Elles s’appliquent aujourd’hui
aux commerçants, artisans, exploitants agricoles et personnes morales de droit privé.
La base du droit actuel se trouve dans l’Acte uniforme de l’OHADA portant
organisation des procédures collectives d’apurement du passif adopté à Abidjan le 10
septembre 2015302. En France, il s’agit des lois du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985,
dont les dispositions ont été reprises dans le nouv. C. com., art. L. 611-1 et s., et L.
620-1 et s303.

De son côté, le droit civil ignorait, jusqu’à ces dernières années, toute technique
comparable. En cas d’insolvabilité, la déconfiture du débiteur – évoquée dans
plusieurs articles du Code civil – ne donne pas lieu à l’organisation effective d’une
procédure collective de liquidation du patrimoine et n’entraîne que des effets limités
(p. ex., la révocation du mandat en cas de déconfiture du mandant ou du mandataire :
art. 2003 ; la faculté pour le vendeur de ne pas livrer la chose en cas déconfiture de
l’acheteur (art. 1613). Une procédure de prévention et de règlement des difficultés
liées au sur-endettement des particuliers a été instituée par une loi du 31 décembre
1989, modifiée par une loi du 8 février 1995 (art. L. 331-1 et s. C. consom.). Ces
dispositions permettent à certaines personnes de bénéficier de mesures de
redressement304.

302 Voy. sur le droit OHADA des procédures collectives, Filiga Michel Sawadogo, « Acte uniforme de
du 10 septembre 2015 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
commenté », in OHADA Traité et actes uniformes commentés et annotés, Edition 2015, Juriscope, 2016 ; -
OHADA : Droit des entreprises en difficulté, Bruylant, Bruxelles, Collection Droit uniforme africain, 2002,
444 p.
303 Pour le droit français voy. Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, Droit du

commerce et des affaires, Droit des entreprises en difficulté, Sirey, 2 e éd., 2006, 545 p.
304 Voy. sur cette procédure collective civile : P. Merle, Commentaire de la loi du 31 décembre 1989,

R.T.D. Com., 1990, 467 ; Chatain P. - L. et Ferrière F., Le nouveau régime de traitement des situations
de surendettement des particuliers issu de la loi du 8 février 1995, Dalloz, 1996, 39 ; Gjidara Sophie,
L’endettement et le droit privé, Préface de Alain Ghozi, LGDJ, 1999, 617 pages.

310
Section I : Les bénéficiaires

L’article L. 331-2 du Code de la consommation énumère les conditions à


remplir. Il faut : 1° être une personne physique ; 2° se trouver dans « l’impossibilité
manifeste » de faire face à l’ensemble… ; 3° … de ses dettes non professionnelles ; 4°
et être de bonne foi, c’est-à-dire notamment que le surendettement ne doit pas
imputable au débiteur, parce qu’il a contracté en sachant que ses revenus ne lui
permettaient pas de payer ses dettes.

Section II : Le fonctionnement

Une commission départementale de surendettement – que seul de


débiteur peut saisir :
- instruit la demande et dresse l’état d’endettement du débiteur ;
- peut demander au juge de l’exécution de suspendre, pour une durée maximale
d’un an, les mesures d’exécution diligentées contre le débiteur. Si une décision de
suspension est prononcée, elle interdit au débiteur, sauf autorisation du juge, de faire
tout acte qui aggraverait son insolvabilité et de payer ses dettes (autres
qu’alimentaires) ;
- essaie de concilier le débiteur et ses principaux créanciers en vue de
l’élaboration d’un plan conventionnel de redressement ; ce plan peut notamment
comporter des mesures de report ou rééchelonnement des paiements, de remise de
dettes, de réduction ou suppression du taux d’intérêt et subordonner ces mesures à
l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement
des dettes.

Si la mission de conciliation échoue, la commission peut recommander


diverses mesures du même type. Une partie a la possibilité de contester devant le juge
de l’exécution les recommandations formulées par la commission, dans le délai de
quinze jours suivant la notification qui lui en est faite. Il appartient au juge de
trancher cette contestation, et il peut prescrire toute mesure d’instruction qu’il estime
utile. A défaut de contestation (ou en cas de rejet), le juge confère force exécutoire
aux mesures recommandées.

311
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

PRINCIPAUX OUVRAGES

- Aubert Jean-Luc et Eric Savaux, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil,
14e éd., Paris, Sirey, 2012.
- Aubry C. et Rau C., Cours de droit civil français, t. VI, 6e éd. Par BARTIN, 1942.
- Batteur Annick, Annales droit civil des obligations, Paris, Dalloz, 2010.
- Bénabent Alain, Droit des obligations, 15e éd., Paris, Domat, 2016.
- Cabrillac Rémy, Droit des obligations, 8e éd., Paris, Dalloz, 2008, (dernière : 10e éd.,
2012).
- Carbonnier Jean, Droit civil, tome IV, Les obligations, 22e éd., Paris, PUF, 2000.
- Code civil, Les défis d’un nouveau siècle, 100e Congrès des Notaires de France, Paris,
16-19 mai 2004.
- Dekkers René, Précis de droit civil belge, tome 2, Bruxelles, Bruylant,1955.
- De Page Henri, Traité élémentaire de droit civil belge, tome 2, 3e éd., Bruxelles, Bruylant,
1964.
- Fabre-Magnan Muriel, Droit des obligations. Contrat et engagement unilatéral, tome 1, 3e
éd., Paris, PUF, 2012.
- Flour Jacques, Aubert Jean-Luc, Savaux Eric, Droit civil. Les obligations. L’acte juridique,
tome 1, 16e éd., Paris, Sirey, 2014.
- Flour Jacques, Aubert Jean-Luc, Savaux Eric, Droit civil. Les obligations. Le fait
juridique, tome 2, 14e éd., Paris, Sirey, 2011.
- Flour Jacques, Aubert Jean-Luc, Savaux Eric, Droit civil. Les obligations. Le rapport
juridique, tome 3, 9e éd., Paris, Sirey, 2015.
- Gaudemet Eugène, Théorie générale des obligations, Paris, Dalloz, 2004, (1ère éd., Sirey,
1937).
- Ghestin Jacques, Traité de droit civil, Paris, LGDJ (de nombreux auteurs pour de
nombreux volumes)
+ Le contrat. La formation. Le consentement, tome 1, 4e éd., 2013, par Jacques
Ghestin, Grégoire Loiseau ; Yves-Marie Serinet)
+ Le contrat. La formation. L’objet et la cause, tome 1, 4e éd., 2013, par Jacques Ghestin,
Grégoire Loiseau ; Yves-Marie Serinet)
+ Les effets du contrat, 3e éd., 2001, par J. Ghestin, C. Jamin et M. Billau ;
+ Le régime des créances et des dettes, 2005, par J. Ghestin, C. Jamin et C. Loiseau ;
+ La responsabilité, par Geneviève Viney (3 volumes : Introduction à la
responsabilité, 3e éd., 2008 ; Les conditions de la responsabilité, 3e éd., 2006, avec P.
Jourdain ; Les effets de la responsabilité, 3e éd., 2011, avec P. Jourdain).
- Larroumet Christian, Droit civil. Les obligations,

312
+ T. III : le contrat, 7e éd., Economica, 2014, par Christian Larroumet ;
+ T. IV : régime général, 3e éd. Economica, 2013, par Jerôme François ;
+ T. V : la responsabilité civile extracontractuelle, 2e éd., Economica, 2012, par Mireille
Bacache-Gebeili.
- Laurent, Principes de Droit civil, tome 20, Bruxelles, Bruylant, 1876.
- Légier Gérard, Droit civil, Les obligations, 17e éd., Paris, Mémentos Dalloz, 2001.
- Le Tourneau Philippe et alii, Droit de la responsabilité et des contrats, 10e éd., Paris,
Dalloz, 2014-2015.
- Malaurie Philippe, Aynès Laurent et Stoffel-Munck Philippe, Les obligations, 7e éd.,
Defrénois, 2015.
- Malinvaud Philippe, Droit des obligations, 10e éd., Paris, Litec, 2007.
- Marty et Raynaud, Droit civil. Les obligations, tome 1 : Les sources, par Pierre Raynaud,
2e éd. 1988, tome 2 : Les effets, par P. Raynaud et P. Jestaz, 2e éd., 1989.
- Mazeaud Henri, Léon et Jean, François Chabas, Leçons de Droit civil, tome 2, volume
1 : Les obligations : Théorie générale, Paris, Montchrestien, 9e éd., 1998.
- Mazeaud Henri et Léon et Tunc, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile
délictuelle et contractuelle, éd. Montchrestien, 3 tomes, 5ème éd.
-OHADA Traités et actes uniformes commentés et annotés, Edition 2015, Juriscope
2016.
- Planiol M., et Ripert G., Traité pratique de droit civil français, 2e éd., tome VI, Obligations,
par Esmein, t. VII, Obligations, par Esmein, par P. Esmein, J. Radouant et G.
Gabolde.
- Ripert et Boulanger, Traité de droit civil d’après le traité de Planiol, tome II, 1956.
- Sériaux Alain, Manuel de droit des obligations, 1ere éd., Paris, PUF, 2006.
- Starck Boris, Henri Roland, Boyer Laurent, Obligations
+ Responsabilité délictuelle, 5e éd., Litec, 1996 ;
+ Contrat, 6e éd, Litec, 1998 ;
+ Régime général, 6e éd., Lexis Nixis, 1999.
- Terré François, Simler Philippe et Lequette Yves, Droit civil. Les obligations, 9e éd.
2005, 10e éd. 2009 et 11e éd 2013, Paris, Dalloz.
- Terré François et Lequette Yves, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 13e éd., Paris,
Dalloz, Tome 1 (2015), Tome 2 (2015).
- Van Ommeslaghe Pierre, Droit des obligations. Introduction et sources des obligations, tome
1, Bruxelles, Bruylant, 2010.
- Weill Alex et Terré François, Droit civil. Les Obligations, Paris, Dalloz, 1986.
- Wéry Patrick, Droit des obligations. Théorie générale du contrat, vol. 1, Bruxelles, Larcier,
2010.
- Windpagnangdé Dominique Kabré, La conclusion des contrats électroniques. Etude de
droits africains et européens, Paris, L’Harmattan, 2013.

313
PERIODIQUES (A TITRE INDICATIF)

Burkina Faso
- Bulletin de la Cour suprême (parution arrêtée)
- Bulletin de la Cour de cassation du Burkina Faso (nouvelle publication)
- Revue Burkinabè de Droit

Afrique
- Penant
- Revue juridique et politique, Indépendance et coopération

France
- Revue trimestrielle de droit civil
- Dalloz
- La semaine juridique, JCP, édition générale
- Revue des contrats, (RDC)
Belgique
- Revue critique de jurisprudence belge
- Pasicrisie belge
- Revue de droit civil belge

CODES ET LOIS

- Code civil, in Codes et lois du Burkina Faso, Tome I, UFR Sciences juridiques et
politiques, Centre de recherche et d’études juridiques, 2003.
- Code civil français, éditions Dalloz, 116e éd., 2017.
- Eléments de droit comparé :
+ Le Code sénégalais des obligations civiles et commerciales (COCC), issu de la loi
du 10 juillet 1963, complété à plusieurs reprises depuis cette date.
+ Le Code civil de Guinée (Conakry) de 1983.
+ Le Code des activités économiques de Guinée (Conakry) de 1992.
+ La loi malienne du 29 août 1987 fixant le régime général des obligations.
+ Le Code civil mauricien.
+ Les fragments relatifs au droit des obligations des réformes allemandes, suisse,
espagnole.
+ Le projet CATALA de réforme du droit des obligations et de la prescription en
France (élaboré pour le Bicentenaire du Code civil français en 2004).
+ Le projet de la Chancellerie en France (Projet de réforme du droit des contrats,
juillet 2008).

314
+ Le projet LANDO en Europe (Principes du droit européen des contrats, élaborés
depuis les années 1980 et destinés à constituer les prémices d’un futur code
européen des contrats ou des obligations).
+ Le projet GANDOLFI en Europe (Code européen des contrats, proposé par
l’Académie des privatistes européens).
+ Le projet Fontaine en Afrique d’Acte uniforme sur le droit des contrats (déposé en
2006 auprès du Secrétariat permanent de l’OHADA).
+ Les principes d’UNIDROIT.
+ Les modèles-types de la CNUDCI.
+ La Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de
marchandises.
+ Les principes contractuels communs européens.

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE DE METHODOLOGIE JURIDIQUE

- Jean Louis Bergel, Méthodologie juridique, Paris, PUF, 2001.


- David Bonnet, L’essentiel de la méthodologie juridique (cas pratique, commentaire d’arrêt,
commentaire d’article, dissertation, fiche de jurisprudence, note de synthèse, oral, test de
connaissance), Paris, Ellipses, 2006.
- Simone Dreyfus, Laurence Nicolas-Vullierme, La thèse de doctorat et le mémoire, Etude
méthodologique (Sciences juridiques et politiques), Paris, Editions Cujas, 3 e éd.,
2000.
- Jérôme Bonnard, Méthodes de travail de l’étudiant en droit, Paris, Hachette Supérieur, 4e
éd., 2008.
- André Dunes, La documentation juridique, Méthodes du droit, Paris, Dalloz.
- Jean-Pierre Gridel, La dissertation et le cas pratique en droit privé, Méthodes du droit,
Paris, Dalloz,
- François Grua, Méthodes des études de droit, Conseils sur la dissertation et le commentaire,
Paris, Dalloz, 2006.
- M.-N. Jobard-Bachier et X. Bachelier, La technique de cassation, Paris, Dalloz, 6e éd.,
2006.
- Henri Mazeaud, Méthodes générales de travail, Exercices pratiques, Paris, Montchrestien,
1987. Du même auteur, Exercices pratiques de droit civil, tome II, Paris,
Montchrestien, 1977.
- Roger Mendegris et Georges Vermelle, Le commentaire d’arrêt en droit privé, Méthodes
du droit, Paris, Dalloz, 5e éd., 2004.
- Frédéric-Jérôme Pansier, Méthodologie du droit, Paris, Litec, 5e éd., 2009.
- Sourioux J.L. et Lerat P., L’analyse de texte, Méthode générale et applications au droit,
Dalloz, 5e éd., 2004.

315
DICTIONNAIRES OU LEXIQUES

- Alland D. et Rials S., Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, coll. ’’Quadrige’’,
2003.
- Cabrillac Rémy (sous la direction de), Le dictionnaire du vocabulaire juridique de l’étudiant
en licence en droit, Paris, Litec, 2009.
- Cornu Gérard (sous la direction de), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, coll.
’’Quadrige’’, 8e éd., 2007.
- Guinchard Serge et Montagnier Gabriel (sous la direction de), Lexique de termes
juridiques (de Raymond Guillien et Jean Vincent), Paris, Dalloz, 16e éd., 2007.
- Nicoleau Patrick, Lexique de droit privé, Pris, Ellipses, Dicojuris, 1996, 382.

316
Eléments succincts de méthodologie juridique
Pr Filiga Michel SAWADOGO

La connaissance de quelques principes relatifs au commentaire d’arrêt, au cas


pratique et au sujet théorique ou dissertation, autrement dit des éléments de
méthodologie juridique, apparaît tout à fait indispensable. Elle servira tout au long de
l’année universitaire et tout au long des études universitaires et, au-delà, dans la vie
professionnelle. Certes les connaissances sont indispensables : elles sont tirées du
cours, des travaux dirigés, des lectures… L’acquisition d’un ouvrage dans les matières
fondamentales comme la TGO est souhaitable, voire indispensable. Mais il est
impossible d’exceller sans un minimum de connaissances méthodologiques.
D’ailleurs vous devriez déjà être quelque peu au fait de ces questions, ce qui
n’empêche pas de revenir brièvement là-dessus en soulignant que chaque type
d’exercice a ses spécificités.

A- Le commentaire d’arrêt

L’arrêt est une décision juridictionnelle rendue par la Cour d’appel, la Cour de
cassation (anciennement Chambre judiciaire de Cour suprême en ce qui concerne
cette matière) ou une Cour spéciale. La méthode du commentaire est également
valable pour les jugements, c’est-à-dire les décisions rendues par les autres
juridictions (tribunal de première instance ou tribunal de grande instance, tribunal de
commerce, tribunal du travail…).
Quelques indications semblent utiles relativement à l’introduction, au corps du
travail et à la conclusion.

1) L’introduction

L’introduction revêt une grande importance. Elle donne déjà une bonne ou
une mauvaise impression du travail. Elle ne doit pas être bâclée, ni trop sommaire.
L’introduction doit contenir les éléments suivants agencés au mieux en
fonction de la décision en cause :
- un exposé succinct et clair des faits devant permettre de les comprendre
beaucoup mieux que dans la rédaction quelque peu rébarbative de l’arrêt ;
- éventuellement la procédure suivie (première instance, appel, cassation) ;
- la position du ou des problèmes de droit (qui découlent des faits, des
prétentions des parties et de la solution retenue par l’arrêt) ;
- l’annonce du plan (démontrer en quoi ce plan est justifié) ;
- s’il y a des problèmes accessoires, il y a lieu de les évacuer dans l’introduction
afin que le développement soit centré sur le ou les problèmes essentiels.

317
2) Le corps du travail ou développement

Il pose principalement la question du plan (essentiellement un problème de


méthodologie) mais aussi celle du contenu (qui fait principalement appel aux
connaissances).
Le travail doit être réalisé autour de deux parties, dans toute la mesure du
possible. Mais il peut s’avérer nécessaire et même souhaitable de traiter le
commentaire en trois parties mais pas plus.
Il faut éviter si possible (mais cela n’est pas toujours possible) les plans formels
tels que :
- Solution - portée ;
- Avant l’arrêt – après l’arrêt ;
- Solution - critique de la solution ;
- Position de la jurisprudence - position de la doctrine.
Il est préférable d’adopter un plan de fond, c’est-à-dire reposant sur les
problèmes posés ou que l’arrêt suggère fortement :
- s’il se pose un seul problème, celui-ci doit être scindé en deux ou trois
parties ;
- si deux ou plusieurs problèmes d’égale importance sont posés, prévoir une
partie pour chaque problème, au besoin en les regroupant s’ils sont nombreux, le
nombre de trois parties ne devant pas être dépassé ;
- s’il y a un problème très important et deux de moindre importance, consacrer
une partie au plus important et une autre pour les deux autres ;
- dans les cas de revirement de jurisprudence, consacrer une partie à la solution
ancienne et une autre à la solution de l’arrêt.
Dans le développement de vos parties, il faut toujours essayer d’introduire
chacune des parties de manière succincte et de faire un sous plan à l’intérieur de
chaque partie.
Le but de tout cela, c’est la clarté et la logique : il est impossible d’obtenir une
bonne note même avec un bon plan si les idées sont exposées pêle-mêle à l’intérieur
des parties. Les idées, points de vue, références doctrinales et jurisprudentielles
doivent être clairement exposés, s’enchaîner entre eux par des transitions
harmonieuses.

Dans tous les cas, les points traités dans un commentaire d’arrêt doivent être
liés à l’arrêt et rester très près de celui-ci, en y faisant référence le plus possible. Il est
proscrit de transformer le commentaire d’arrêt en sujet théorique une fois que l’on a
cerné le problème juridique.

318
3) La conclusion

La conclusion varie selon les problèmes traités. On enseigne même que pour
certains commentaires, il est possible de ne pas faire de conclusion si la conclusion de
la 2ème partie est satisfaisante.
Si les 2 parties ont posé des problèmes ou points de vue contradictoires,
essayer de trancher en faisant la balance en faveur de l’une des positions ou faire une
synthèse.
Faire une ouverture sur des problèmes plus vastes.
Conclure au réalisme ou à l’irréalisme de la solution, à son équité ou à son
iniquité et/ou proposer les évolutions souhaitables (de lege ferenda, c’est-à-dire dans
la perspective d’une réforme).
B- Le cas pratique

Le travail en matière de cas pratique ressemble dans une certaine mesure au


travail en matière de commentaire d’arrêt, sauf que vous avez ici un problème à
résoudre – et non pas un problème résolu à analyser et à apprécier comme dans un
commentaire d’arrêt. Dans tous les cas, sans vous perdre dans des développements
excessifs, il est nécessaire de fonder votre point de vue en droit, par un raisonnement
aussi logique que clair traduisant votre maîtrise de la ou des matières juridiques
concernées.
1) L’introduction

L’introduction doit contenir :


- un exposé succinct et clair des faits ;
- la position du problème juridique qui découle des faits et des prétentions des
parties ;
- l’annonce justifiée du plan qui doit être fondé sur les éléments du cas qui
vous est soumis.
2) Le plan et le corps du travail

Le plan en 2 parties est également conseillé pour le cas pratique. De préférence,


il doit s’agir d’un plan de fond fondé sur le ou les problèmes posés. Si les problèmes
posés sont nombreux et ne se prêtent pas à un quelconque regroupement, alors 3 ou
4 parties pourront être acceptées dans le cadre d’un cas pratique, l’objectif étant de
proposer une solution claire et fondée au (x) problème (s) posé (s).
Les développements doivent, malgré les nécessaires débordements théoriques
(sur la doctrine et la jurisprudence), rester très près du problème posé. On ne doit
pas, en effet, avoir l’impression que vous embarquez le correcteur loin du cas
pratique dans les domaines que vous maîtrisez davantage ou encore que vous
transformez le cas pratique en sujet théorique.

319
A la fin de vos développements, une solution doit apparaître même si vous la
nuancez.
Le cas pratique devrait constituer un exercice courant et maîtrisé par les
étudiants dans la mesure où il se rapproche du travail concret que le juriste aura à
faire dans sa vie professionnelle en tant que magistrat, avocat, conseiller juridique,
juriste d’entreprise… La multiplication de tels exercices participent à la
professionnalisation des formations ou des filières, unanimement recommandée.

3) Conclusion

Elle peut tirer la solution ou simplement l’apprécier. Elle peut faire une
ouverture sur des problèmes connexes ou plus larges mais ayant un rapport étroit
avec le problème étudié, ce qui peut montrer la bonne culture juridique de l’étudiant.

C- Le sujet théorique ou dissertation

La connaissance de quelques principes généraux relatifs à la dissertation


apparaît tout à fait indispensable. Vous devez déjà être quelque peu au courant de la
question en raison de son rapprochement avec la dissertation française ou
philosophique abordée au secondaire, ce qui n’empêche pas de revenir brièvement là-
dessus, d’autant que la dissertation juridique a ses particularités.
Il importe d’abord, comme pour tout travail, de comprendre le sujet posé et
d’avoir un minimum de connaissances. Ensuite, et à la différence de la rédaction
scolaire qui est purement descriptive, il faut avoir un esprit scientifique, un esprit de
raisonnement et de démonstration car il faut convaincre. Il ne suffit pas, en effet, de
juxtaposer des éléments plus ou moins en rapport avec le sujet. Il faut de la clarté et
de la logique.

La dissertation est une construction qui ne tient que si elle est bien charpentée.

1) L’introduction

- Elle est extrêmement importante.


- En général, il faut faire une introduction en entonnoir, c’est-à-dire partir de
problèmes généraux pour aboutir au problème qui vous intéresse et que vous devez
développer (ne pas partir de trop loin non plus).
- Evoquer brièvement les aspects inintéressants ou qui ne soulèvent pas de
difficulté pour les laisser tomber.
- Dire quelques mots sur l’importance ou l’intérêt du sujet avant d’annoncer et
de justifier votre plan qui doit venir très naturellement.

320
2) Le plan et le développement

Le plan doit être annoncé et justifié dans l’introduction. Il ne doit pas être
arbitraire.
Le mieux, c’est d’avoir deux parties plus ou moins équilibrées. Cela n’est pas
toujours possible : on peut être obligé de construire un plan en trois parties mais il ne
faut pas aller au-delà. En effet, s’il y a quatre problèmes ou quatre aspects, on peut
penser qu’ils peuvent être regroupés deux à deux.
Dans la mesure du possible, le plan doit être original mais non artificiel ou
purement intellectualiste. Cependant, dans de nombreux cas, on peut être amené à
adopter les plans suivants :
- conditions – effets ;
- notion – mise en œuvre ;
- doctrine – jurisprudence ;
- avant la réforme – depuis la réforme ;
- analyse de la solution – portée de la solution.
Chaque partie peut être divisée en deux sous-parties (ou trois).
Dans le traitement de vos parties, il faut passer très rapidement sur les
généralités pour s’attacher à l’approfondissement des points qui soulèvent des
difficultés.
Les transitions entre les parties et entre les sous-parties sont nécessaires dans la
mesure où elles permettent de saisir les liens qui existent entre les différents aspects
du ou des problèmes étudiés. Elles révèlent au correcteur la maîtrise que l’étudiant ou
le candidat a du sujet et de la technique de la dissertation.

3) La conclusion

La conclusion varie selon les questions traitées. On enseigne même que pour
certaines dissertations, il est possible de ne pas faire de conclusion générale si la
conclusion ou la fin de la 2e partie (ou de la 3e selon le cas) est satisfaisante.
Si les deux parties ont traité de problèmes ou de points de vue contradictoires,
il faut essayer de trancher en faisant la balance en faveur de l’une des positions ou
simplement faire une synthèse.
Il est indiqué d’opérer, pour terminer, une ouverture sur des problèmes plus
vastes ou sur les perspectives d’évolution.

N. B. : La dissertation est un travail relativement subjectif dont la réussite


dépend des connaissances, du style et de l’esprit de démonstration de l’étudiant et de
la manière dont celui-ci se sera exercé à faire de bonnes dissertations. Comme le dit
le dicton, c’est en forgeant que l’on devient forgeron. Pour cela, la lecture d’articles
de qualité est indispensable.

321
Pour l’ensemble de ces exercices (commentaire d’arrêt, cas pratique,
dissertation), il existe d’intéressants ouvrages de méthodologie et des dictionnaires et
lexiques indispensables pour la maîtrise des concepts. L’acquisition d’au moins l’un
d’eux est recommandée à chaque étudiant : on ne peut pas faire d’omelette sans
casser d’eux.

322
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE…………………………………………………………3
1)Définition de l’obligation et de la théorie générale des obligations………4
a) Notion d’obligation………………………………………………..4
b) Notion de théorie générale des obligations………………………...5
2)Importance de la théorie générale des obligations……………….………6
3)Les classifications des obligations……………………………………….6
a) La classification selon l’objet des obligations………………………....6
a1) La classification du Code civil……………………………………....7
a2) Les autres classifications……………………………………...……..7
b) La classification des obligations selon leurs sources………………….8
b1) L’exposé de la classification………………………………………...8
b2) La critique de la classification………………………………………9

LIVRE PREMIER : LES OBLIGATIONS SELON LEURS SOURCES………………..11


PREMIERE PARTIE : LES ACTES JURIDIQUES……………………………………...12
PREMIERE SOUS-PARTIE : LES ACTES JURIDIQUES BILATERAUX : LES
CONTRATS (OU LA THEORIE GENERALE DU CONTRAT)………………………13

TITRE PRELIMINAIRE : LA NOTION DE CONTRAT…………………………....14

CHAPITRE I : LE FONDEMENT DU CONTRAT………………………………15


Section I : La théorie de l’autonomie de la volonté ………………………………..15
§ I : L’exposé de la théorie…………………………………………………….15
A- La liberté contractuelle …………………………………………………..16
B. Le respect de la volonté contractuelle ……………………………………16
§ II : Le déclin de la théorie de l’autonomie de la volonté………………….…...17
A- La remise en cause de la théorie …………………………………………17
B. Les conséquences de la remise en cause de la théorie …………………….17
Section II : Les théories alternatives ……………………………………….…...19
§ I. La théorie des attentes légitimes ou de la confiance légitime …………….....19
§ II. La théorie fondée sur la conciliation entre la liberté contractuelle, l’utile et
lejuste………………………………………………………………………….20
§ III. La théorie du volontarisme social ………………………………………21
§ IV. Le solidarisme contractuel ………………………………………………21

CHAPITRE II : LA CLASSIFICATION DES CONTRATS ……………………….22


Section I : La classification des contrats en fonction de leur contenu ……………..22
§ I : Les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux…………………..22
§ II : Les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit.…………………22
§ III : Les contrats commutatifs et les contrats aléatoires …………………………23
Section II : Classification des contrats en fonction de leur mode d’exécution ……..23
Section III : La classification des contrats selon leur mode de formation …...……23
§ I : Les contrats consensuels, solennels et réels ……………………………….23
§ II : Les contrats négociés, les contrats d’adhésion, les contrats-types………….24

323
Section IV : La classification des contrats en fonction de leur réglementation :
les contrats nommés et les contrats innommés ……………………...……………24
Section V : La classification des contrats en fonction du nombre de parties : les
contrats simples et les contrats conjonctifs………………………………………..25
Section VI : Les classifications récentes …………………………………………..25

TITRE I : LA FORMATION DU CONTRAT ………………………………………..27

CHAPITRE I : LES CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT …………....28


Section I : La capacité …………………………………………………………….28
§ I : La capacité dans les contrats passés de manière directe……………………28
A- Les notions relatives à la capacité ………………………………………..29
1) La capacité et le pouvoir ………………………………………………29
2) Les différentes incapacités …………………………………………….29
a) Les incapacités de jouissance et les incapacités d’exercice…………...29
b) Les incapacités absolues et les incapacités relatives…………………29
B- Les contrats passés par les incapables……………………………………30
1) Les contrats passés par les mineurs non émancipés …………………....30
a) Le domaine de l’incapacité du mineur………………………………30
b) Les sanctions des actes irréguliers…………………………………..31
2) Les majeurs incapables de contracter ………………………………….31
a) La protection occasionnelle ………………………………………...31
b) La protection continue ………………………………………….….32
b1) Le majeur sous tutelle…………………………………………..…32
b2) Le majeur sous curatelle …………………………………………..32
b3) Le majeur sous la protection de la justice …………………………33
§ II : La représentation ………………………………………………………...34
A- Les conditions de la représentation ……………………………………...34
1) La nécessité d’un pouvoir ……………………………………………..34
a) La représentation conventionnelle ………………………………….34
b) La représentation judiciaire ………………………………………...34
c) La représentation légale …………………………………………….35
2) La nécessité d’une volonté de représentation …………………………35
B- Les effets de la représentation …………………………………………...35
1) Le représenté est seul partie au contrat ……………………………….35
2) Des liens de droit unissent le représentant et le représenté…………….36
Section II : Le consentement …………………………………………………….36
Sous-section préliminaire : La période précontractuelle …………………………..36
§ I : La négociation ……………………………………………………………36
§ II : Les avant-contrats ……………………………………………………….37
Sous-section I : La nécessité d’un consentement …………………………………38
§ I : L’intégrité du consentement ………………………………………………38
A- L’erreur ………………………………………………………………….39
1) Les différents types d’erreur …………………………………………...39
a) Les cas d’erreur-obstacle……………………………………………39
b) Les cas d’erreur cause de nullité ……………………………………40
b1) Les cas de nullité prévus par le Code civil…………………………40

324
b2) Les cas de nullité pour erreur prévus par la jurisprudence…………42
c) Les erreurs indifférentes …………………………………………..42
2) Les conditions de la nullité ……………………………………………43
a) L’erreur commune et l’erreur excusable …………………………….43
b) La preuve de l’erreur ………………………………………………44
B- Le dol ………………………………………………………………….44
1) La notion ……………………………………………………………..44
2) Les conditions auxquelles le dol est une cause de nullité ………………45
a) Le dol doit émaner du cocontractant ………………………………45
b) Seul le dol déterminant est une cause de nullité …………………….46
C- La violence …………………………………………………………….46
1) La notion …………………………………………………………46
2) Les conditions de la nullité ……………………………………………47
a) La violence doit avoir été déterminante …………………………….47
b) La violence doit être prouvée ……………………………………..48
§ II : L’extériorisation du consentement ……………………………………….49
A- Le silence vaut-il consentement ? ……………………………………….49
B- La discordance entre la volonté réelle et la volonté déclarée ……………50
Sous-section II : L’échange des consentements ………………………………….51
§ I : Le processus classique de formation des contrats ………………………..51
A- L’offre …………………………………………………………………51
1) Les conditions de l’offre ……………………………………………..51
2) Les effets de l’offre ………………………………………………….52
a)La révocation de l’offre ……………………………………………52
b)La caducité de l’offre ………………………………………………53
B- L’acceptation …………………………………………………………..54
§ II : Le particularisme de certains contrats quant à l’échange des
consentements……………………………………………………………...55
A- Les contrats entre personnes non présentes ou contrats à distance ……...56
1) Les intérêts pratiques de la discussion ………………………………...56
a) Les intérêts s’attachant au moment de formation du contrat ……….56
b) Les intérêts s’attachant au lieu de formation du contrat ……………56
2) Les solutions …………………………………………………………57
a) L’approche classique ………………………………………………58
b) L’approche en matière de contrats conclus par voie électronique…..56
B- Les contrats à contenu imposé ………………………………………….59
1) Les contrats d’adhésion ………………………………………………59
2) Les contrats-types ……………………………………………………60
C- Le contrat avec soi-même ………………………………………………61
1) La notion ……………………………………………………………61
2) Les conditions de validité du contrat avec soi-même ………………….61
Section III : L’objet ……………………………………………………………..62
§ I : Les caractères de l’objet ………………………………………………….62
A) L’objet de l’obligation……………………………………………………...60
1)L’objet doit être dans le commerce ……………………………………63
2) L’objet doit être déterminé ou déterminable ………………………….63
3) L’objet doit être possible …………………………………………….64

325
B- L’objet du contrat ………………………………………………………65
1)L’ordre public classique ……………………………………………….65
2)L’ordre public économique …………………………………………..66
§ II : L’équilibre des prestations ……………………………………………….66
A- Les applications de la lésion ……………………………………………67
1) Les applications légales de la lésion ………………………………….67
a) Les cas de lésion consacrés par le Code civil …………………….67
b) Les cas de lésion prévus par les lois postérieures au Code civil …….69
2) Les applications jurisprudentielles de la lésion ……………………….70
B- Les fondements de la lésion …………………………………………..70
1) Les deux conceptions possibles ………………………………………70
2) La position de la jurisprudence ………………………………………71
C- Les sanctions de la lésion ………………………………………………71
Section IV : La cause …………………………………………………………71
§ I : La notion de cause ………………………………………………………72
A- La notion de cause au sens abstrait ……………………………………..72
B- La notion de cause au sens concret ……………………………………..72
§ II : La fonction de la cause …………………………………………………..73
A-La fonction de la cause abstraite …………………………………………73
B- La fonction de la cause concrète ……………………………………….73
§ III : La preuve de la cause ………………………………………………….74
A- La preuve de l’existence de la cause …………………………………….74
B- La preuve de la licéité de la cause ……………………………………….74
Section V : La forme du contrat …………………………………………………74

CHAPITRE II : LA SANCTION DES CONDITIONS DE FORMATION DU


CONTRAT ………………………………………………………………………....76
Section I : La distinction des nullités relative et absolue …………………………77
§ I : Les intérêts et le fondement de la distinction ……………………………77
§ II : Les applications de la distinction ………………………………………..78
A- Les nullités liées aux conditions de fond ……………………………….78
B- Les nullités liées aux conditions de forme ………………………………79
Section II : La mise en œuvre de la nullité ……………………………………….79
§ I : La nullité est-elle subordonnée à une action en justice ?…………………...79
§ II : Les titulaires de l’action en nullité ……………………………………….80
§ III : L’action en nullité ne doit pas être éteinte ………………………………80
A- La confirmation ……………………………………………………….80
1) Les conditions de la confirmation …………………………………….81
2) Les formes de la confirmation ………………………………………..81
3) Les effets de la confirmation ………………………………………….81
B- La prescription …………………………………………………………81
1) Les délais de prescription …………………………………………….81
2) Les effets de la prescription …………………………………………..82
Section III : Les conséquences de la nullité ………………………………………82
§ I : Le principe ………………………………………………………………82
§ II : Les limites au principe ………………………………………………….83
A- En raison de la nature du contrat ………………………………………83

326
B- En raison de l’attitude des parties ……………………………………….83
C- En raison de la capacité ………………………………………………..84

TITRE II : LES EFFETS DU CONTRAT ……………………………………………85

CHAPITRE I : L’INTERPRETATION DU CONTRAT …………………………86


Section I : Les règles d’interprétation ……………………………………………86
§ I : La directive principale : la recherche de l’intention des parties ……………86
§ II : Les autres directives d’interprétation …………………………………….86
Section II : Le rôle du juge dans l’interprétation ………………………………..87
§ I : Le rôle quasi exclusif des juges du fond ………………………………….87
§ II : L’intervention limitée de la Cour de cassation ………………………….88

CHAPITRE II : LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT …………………..89


Section I : Le contrat et les parties ……………………………………………….89
§ I : L’interdiction de la révocation unilatérale ………………………………..89
A- La révocation prévue par les parties ……………………………………89
B- La révocation permise par la loi …………………………………………90
C- Les autres cas de révocation ……………………………………………91
§ II : L’interdiction de la révision en cas de changement imprévu des
circonstances …………………………………………………………………91
A- Le principe …………………………………………………………….91
B- Les exceptions …………………………………………………………92
1) La révision prévue par une clause du contrat …………………………92
2) La révision permise par la loi ………………………………………….92
§ III : L’obligation d’exécuter de bonne foi les contrats ……………………….94
A- L’obligation de loyauté …………………………………………………94
B- L’obligation de coopération ……………………………………………94
Section II : Le contrat et les tiers …………………………………………………95
§ I : L’effet relatif des contrats ………………………………………………..95
A- Le cas de la représentation ……………………………………………..95
1)Les conditions ………………………………………………………..96
2)Les effets …………………………………………………………….96
B- Les tiers devenant parties ………………………………………………97
1) Le décès d’une partie …………………………………………………97
2) La cession de contrat …………………………………………………97
§ II : La situation des tiers …………………………………………………….97
A- Les tiers absolus ou penitus extranei ………………………………………98
1) Les parties peuvent opposer le contrat aux tiers ………………………98
2) Le tiers a la faculté d’invoquer le contrat …………………………….98
B- Les personnes se trouvant dans une situation intermédiaire …………….99
1)L’ayant cause à titre particulier ………………………………………..99
2) Les créanciers chirographaires ……………………………………….100
§ III : Les contrats destinés à produire des effets à l’égard des tiers …………..100
A- La stipulation pour autrui
………………………………………………..100
1)Les conditions d’existence et de validité………………………………101

327
2) Les conditions de consolidation du droit du tiers …………………….102
B- La prohibition de la promesse pour autrui …………………………….103
C- La validité de la promesse de porte-fort ……………………………….103
Section III : La simulation ……………………………………………………..104
§ I : La notion …………………………………………………………...……..101
A- L’objet et les manifestations …………………………………………..104
B- Les conditions d’existence …………………………………………….105
§ II : La validité ………………………………………………………………105
§ III : Les effets de la contre-lettre …………………………………………..106

CHAPITRE III : L’INEXECUTION DU CONTRAT ET SES


CONSEQUENCES………………………………………………………………..107
Section I : La responsabilité contractuelle ………………………………………107
§ I : Les conditions de la responsabilité contractuelle ………………………..108
A- L’inexécution de l’obligation contractuelle …………………………….108
1) La preuve de l’inexécution et la distinction des obligations
de moyens et des obligations de résultat ……………………………108
a) Les différences de régime……………………………………...…..105
b) Les critères de distinction proposés par la doctrine ……………….109
c) Les nuances dans l’application de la distinction …………………..110
2) Les causes d’exonération du débiteur ……………………………….111
a) La force majeure ……………………………………………….111
a1) Concernant ses caractères ………………………………………111
a2) Concernant les effets …………………………………………..112
b) Le fait du créancier ………………………………………………112
c) L’absence de faute ………………………………………………112
B- Le dommage …………………………………………………………113
1) Les types de dommages …………………………………………….113
2) Les caractères du dommage …………………………………………113
C- La mise en demeure …………………………………………………..115
1) Le rôle et la forme de la mise en demeure …………………………..115
2) Le domaine ………………………………………………………...115
§ II : L’effet de la responsabilité : la réparation du dommage ………………..116
A- Les modes de réparation ………………………………………………116
1) La réparation en nature ou en équivalent ……………………………116
a) Le fondement et le domaine de la règle ………………………….116
b) Les applications du principe ……………………………………..117
2) Les modalités particulières offertes au créancier dans
certaines situations………………….…………………………………..117
B- Le régime des dommages et intérêts ………………………………..118
1) Les dommages et intérêts compensatoires …………………………..118
2) Les dommages et intérêts dus en cas de retard dans le paiement
d’une somme d’argent ………………………………………..……119
a) Le calcul des dommages et intérêts moratoires …………………..119
b) Le point de départ des intérêts …………………………………..119
c) Le droit à une indemnité supplémentaire ………………………..119
d) L’anatocisme ou capitalisation des intérêts ……………………….120

328
§ III : Les modifications conventionnelles …………………………………..120
A- La distinction entre les clauses qui modifient le contenu des
obligations et celles qui portent directement sur la responsabilité ……..121
B- Les clauses aggravant la responsabilité …………………………………121
C- Les clauses écartant ou limitant la responsabilité ……………………….121
1) La notion et l’intérêt des clauses écartant ou limitant la responsabilité..121
2) Le sort de ces clauses ……………………………………………….122
D- Les clauses pénales ……………………………………………………122
1) Définition, conditions de validité et d’application de la clause pénale ...123
2) La règle de la fixité en droit positif burkinabè ……………………….123
3) Les conditions de la révision en France ……………………………..123
Section II : Les règles particulières aux contrats synallagmatiques ………………124
§ I : L’exception d’inexécution ………………………………………………124
A- Les caractères …………………………………………………………124
B- Le domaine ……………………………………………………………125
C- Les conditions ……………………………………………………….125
D- Les effets …………………………………………………………….126
§ II : La résolution pour inexécution ………………………………………..126
A- Le domaine …………………………………………………………..127
B- L’inexécution …………………………………………………………127
C- Le caractère judiciaire …………………………………………………128
1) Le principe : la nécessité du recours au juge ………………………….128
2) L’exception : la résolution non judiciaire …………………………….128
a) La résiliation unilatérale autorisée dans certaines conditions
par la loi …………………………………………………………….128
b) La clause de résolution convenue lors de la conclusion du contrat...129
c) La résolution unilatérale en l’absence de clause et de disposition
légale ………………………………………………………………..129
d) Le contrôle judiciaire a posteriori ………………………………….130
D- Les effets ……………………………………………………………130
§ III : La résolution due à la force majeure : la théorie des risques ……………130
A- La position du problème …………………………………………….131
B- Les solutions …………………………………………………………131
1)La solution de principe ………………………………………………131
2) La solution particulière en cas de transfert de propriété ……………132
a) L’hypothèse visée et sa justification ……………………………..132
b) La conséquence en cas de transfert retardé et l’exception en cas de
mise en demeure…………………………………………………….132

DEUXIEME SOUS-PARTIE : L’ENGAGEMENT UNILATERAL


DE VOLONTE………………………………………………………………………134
Section I : Exposé et examen critique…………………………………………. ..134
Section II : L’engagement unilatéral et le droit positif………………………….. .135
A- Les institutions pouvant se passer de l’engagement unilatéral……............135
1) L’offre et l’acceptation ………………………………………………135
2) La promesse de récompense ……………………………………….136
3) La stipulation pour autrui ……………………………………………136

329
4) Les titres au porteur ………………………………………………..136
5) Les fondations ………………………………………………………136
B- Les institutions faisant appel à l’engagement unilatéral …………………137

SECONDE PARTIE : LES FAITS JURIDIQUES ………………………………...…..138

PREMIERE SOUS-PARTIE : LES QUASI-CONTRATS …………………………….139

CHAPITRE I : LA GESTION D’AFFAIRES …………………………………….140


Section I : Les conditions de la gestion d’affaires ………………………………..140
§ I : Les conditions relatives aux parties ……………………………………..140
A- Le gérant d’affaires …………………………………………………….140
B) Le maître de l’affaire …………………………………………………..141
§ II : Les conditions relatives à l’acte de gestion ……………………………..141
A- Les types d’actes de gestion …………………………………………..141
B- Les caractères de l’acte de gestion ……………………………………..142
Section II : Les effets de la gestion d’affaires 142

CHAPITRE II : LA REPETITION DE L’INDU ………………………………..144


Section I : Les conditions du paiement de l’indu ………………………………..144
Section II : Les effets du paiement de l’indu ……………………………………145

CHAPITRE III : L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE ………………………..146


Section I : Les conditions de l’enrichissement sans cause ……………………….146
§ I : Les conditions matérielles ………………………………………………146
A- L’enrichissement de l’un et l’appauvrissement de l’autre ……………….146
B- La corrélation entre l’enrichissement et l’appauvrissement …………….146
§ II : Les conditions juridiques ………………………………………………147
A- L’absence de cause …………………………………………………..147
B- Le caractère subsidiaire de l’action d’enrichissement sans cause ………..148
Section II : Les effets de l’enrichissement sans cause …………………………..148

SECONDE SOUS-PARTIE : LA RESPONSABILITE CIVILE


EXTRACONTRACTUELLE …………………………………………………………..151
TITRE PRELIMINAIRE : LA NOTION ET LE FONDEMENT DE LA
RESPONSABILITE CIVILE ………………………………………………………...154
Section I : La distinction d’avec la responsabilité morale, la responsabilité
pénale et la responsabilité contractuelle …………………………………………154
§ I : La distinction entre responsabilité civile et responsabilité morale ……….154
§ II : La distinction entre responsabilité civile et responsabilité pénale ………154
A-Les différences……………………………………………………….…155
B- Les rapports ………………………………………………………….156
§ III : La responsabilité extracontractuelle et la responsabilité contractuelle …..157
A.Unité ou dualité des deux responsabilités………………………………..157
B. Le problème dit du cumul des deux responsabilités ……………………158
Section II : Le fondement de la responsabilité civile …………………………….159
§ I : L’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle …………………159

330
A. L’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle
sous l’angle sociologique…………………………………………………..159
B.L’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle
sous l’angle technique ……………………………………………………..160
1)L’origine de la responsabilité civile …………………………………..160
2)La responsabilité civile dans le code civil …………………………….161
3)L’évolution de la responsabilité civile postérieurement au code civil ….161
a) L’élargissement de la responsabilité …………………………….161
a1) L’affinement ou l’élargissement de la notion de faute ……………162
a2) Les présomptions de faute ou de responsabilité ………………….162
a3)La transformation de la responsabilité aquilienne
en responsabilité contractuelle ……………………………………….163
b) La remise en cause la responsabilité civile ………………………163
§ II : Les théories en présence ……………………………………………….164
A- Les principales théories ……………………………………………….165
1) L’exposé des deux théories ………………………………………….165
a) La théorie de la faute ou théorie subjective ……………………….165
b) La théorie du risque ou théorie objective …………………………166
2) La portée des deux théories …………………………………………167
B-Les théories de moindre importance …………………………………..167
1)La théorie du Procureur général Leclercq ……………………………167
2) La théorie de la garantie …………………………………………….167
3) Les théories mixtes …………………………………………………168

TITRE I : LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE


EXTRACONTRACTUELLE ……………………………………………………….170
SOUS-TITRE I : LES CONSTANTES DE LA RESPONSABILITE
EXTRACONTRATUELLE : LE DOMMAGE ET LE LIEN DE CAUSALITE…...171

CHAPITRE I : LE DOMMAGE …………………………………………………172


Section I : Les caractères du dommage réparable ……………………………….172
A- Les caractères certain, personnel et direct du dommage ……………….172
1) Le dommage doit être certain ……………………………………….172
2) Le dommage doit être personnel ……………………………………173
3) Le dommage doit être direct ………………………………………...174
B- Le caractère légitime de l’intérêt ……………………………………….174
1) La jurisprudence française …………………………………………..174
2) La jurisprudence belge ………………………………………………176
3) La jurisprudence burkinabè …………………………………………176
Section II : Les différentes sortes de dommages ………………………………..177
§ I. Les dommages des victimes directes ……………………………………...177
A. Les dommages patrimoniaux ………………………………………….177
B.Les dommages extraptrimoniaux ……………………………………….177
§ II. Les dommages par ricochet …………………………………………….178
§ III. Le dommage collectif ………………………………………………….179
§ IV. Le dommage écologique ………………………………………………179

331
CHAPITRE II : LE LIEN DE CAUSALITE …………………………………….180
Section I : La problématique, les caractères et la preuve du lien de causalité …….180
§ I : La problématique ……………………………………………………….180
§ II : Les caractères du lien de causalité ………………………………………180
A- Le rapport de causalité doit être certain ……………………………….181
B- Le rapport de causalité doit être direct …………………………………181
§ III : La preuve ……………………………………………………………..181
Section II : Les théories en présence et le droit positif …………………………182
§ I : Les théories en présence ……………………………………………….182
A- La théorie de l’équivalence des conditions (ou des causes) ……………182
B- La théorie de la causalité adéquate …………………………………….183
C- Les théories abandonnées ……………………………………………..183
§ II : L’accueil des théories en présence en droit positif ……………………..183
A- En droit belge …………………………………………………………183
B- En droit français ………………………………………………………184
C- En droit burkinabè ……………………………………………………185
Section III : La pluralité d’auteurs et la pluralité de causes ………………………185
§ I : La pluralité d’auteurs ……………………………………………………185
§ II : La pluralité de causes ………………………………………………….186

SOUS-TITRE II : L’ELEMENT VARIABLE DE LA RESPONSABILITE :


LE FAIT GENERATEUR …………………………………………………………….188

CHAPITRE I : LE FAIT PERSONNEL ………………………………………..189


Section I : La notion de faute …………………………………………………..189
§ I : La définition de la faute …………………………………………………189
§ II : Les éléments constitutifs de la faute ……………………………………190
A- L’élément légal ………………………………………………………..190
B-L’élément matériel ……………………………………………………..191
C-L’élément moral ……………………………………………………….191
Section II : La diversité des fautes ………………………………………………191
§ I : La faute intentionnelle et la faute non intentionnelle …………………….191
§ II : La faute par commission et la faute par omission ………………………192
§ III : La faute très légère, la faute légère, la faute lourde, la faute inexcusable ...192
§ IV : La faute civile et la faute pénale ……………………………………….193
§ V : La faute ordinaire et la faute professionnelle ……………………………194
Section III : L’abus de droit ……………………………………………………..194
§ I : La notion et les critères de l’abus de droit ……………………………….194
§ II : Le domaine …………………………………………………………….195
Section IV :L’appréciation et la preuve de la faute ……………………………..196
Section V :Les causes d’exonération……………………………………………..196
§ I : Les causes de non-imputabilité ………………………………………….196
A- Les personnes privées de raison ……………………………………….196
1) L’infans ………………………………………………………………197
2) Les personnes atteintes d’un trouble mental ………………………..197
B- Les personnes morales ………………………………………………...198
§ II : La force majeure et les faits justificatifs …………………………………198

332
A- La force majeure ……………………………………………………..199
B- Les faits justificatifs ……………………………………………………199
§ III : Les conventions d’irresponsabilité …………………………………….201

CHAPITRE II : LA RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI……………….....203


Section I : La responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs……...…..198
§ I : Les conditions de la responsabilité ………………………………………204
§ II : Le fondement de la responsabilité ………………………………………204
§ III : L’exonération …………………………………………………………205
§ IV : Responsabilité des parents et structure familiale burkinabè ……………205
Section II : La responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis………………201
§ I : Les conditions de la responsabilité ………………………………………206
§ II : Le régime de la responsabilité ………………………………………….206
Section III : La responsabilité des instituteurs du fait de leurs élèves ……………207
§ I : L’évolution historique …………………………………………………..207
§ II : Le régime général ………………………………………………………207
§ III : Les règles particulières à l’enseignement public ……………………….207
Section IV : La responsabilité des maîtres et commettants du fait de leurs
domestiques et préposés ……………………………………………………….208
§ I : Les conditions de la responsabilité du commettant ……………………..208
A- L’existence d’un lien de préposition ……………………………………208
B-Le rapport entre l’acte du préposé et la fonction ……………………….209
§ II : Les effets de la responsabilité ………………………………………….211
A. L’inefficacité de la preuve de l’absence de faute ………………………..211
B. Les effets généraux de la responsabilité du fait d’autrui …………………211
§ IV : Le fondement de la responsabilité des commettants …………………...212
Section V : L’admission en France d’un principe de responsabilité présumée
du fait d’autrui sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er ……………………..212

CHAPITRE III : LA RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES …………….215


Section I : L’évolution…………………………………………………..…….…215
§ I : Au plan général …………………………………………………………215
§ II : Au plan du droit ……………………………………………………….215
Section II : Les conditions de la responsabilité ………………………………….216
§ I : La chose ………………………………………………………………..216
A. Les choses comprises …………………………………………………..216
B. Les choses non comprises ……………………………………………..216
1) Les animaux …………………………………………………………217
2) Les bâtiments ……………………………………………………….217
3) L’incendie ……………………………………………………………217
4) Les autres choses exclues …………………………………………….217
C. Le cas du droit belge : le vice de la chose ……………………………….218
§ II : Le fait de la chose ……………………………………………………..218
A. La non-exigence d’un contact entre la chose et la victime ………………218
B. La nécessité d’un rôle actif de la chose …………………………………218
C. Le rapport entre le fait personnel et le fait des choses ………………….219
§ III : La garde ………………………………………………………………219

333
A. La notion de garde …………………………………………………….219
B. Le caractère alternatif de la garde ………………………………………220
C. Les déments peuvent-ils être gardiens ? ………………………………..221
Section III : Les effets ………………………………………………………….221
Section IV : Le fondement de la responsabilité du fait des choses ……………….222
Section V : Les responsabilités particulières du fait des choses ………………….223
Sous-section I : Le cas de la responsabilité résultant d’un accident de la
circulation ………………………………………………………………………223
§ I : Les conditions du droit à indemnisation des victimes ……………………223
A. L’accident ………………………………………………………………224
B. La circulation ………………………………………………………….224
C. Le véhicule terrestre à moteur ………………………………………….224
D. Le dommage causé par un véhicule terrestre à moteur………………….224
1) Les différentes conceptions possibles………………………………...225
2) La preuve de la causalité et la distinction entre cause de l’accident
et cause du dommage ………………………………………………….225
§ II : Le fondement du droit à indemnisation des victimes …………………...226
A. Les conceptions doctrinales ……………………………………………226
B. La position de la jurisprudence ………………………………………...226
§ III : Les causes d’exonération……………………………………………….227
A. L’éviction de la force majeure …………………………………………..227
B- La prise en compte diversifiée de la faute de la victime …………………228
1)La distinction entre les dommages aux biens et les atteintes
aux personnes …………………………………………………………..228
2)La distinction entre les victimes directes de dommages corporels …….229
a) Le conducteur de véhicules terrestres à moteur …………………229
b) Les victimes autres que les conducteurs de véhicules à moteur……230
3)La situation des victimes par ricochet ………………………………...231
§ IV : Le problème des recours ……………………………………………….231
§ V : Les garanties accordées à la victime ……………………………………..232
A- L’obligation d’assurance ………………………………………………..232
B- Le Fonds de garantie …………………………………………………...233
Sous-section II : La responsabilité du fait des produits défectueux………………233
§ I : Les conditions de la responsabilité……………………………………….234
§ II : Le régime de la responsabilité……………………………………….…..234

TITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE CIVILE …………235

SOUS-TITRE I : LES VOIES DE LA REPARATION ……………………………..236

CHAPITRE I : LA VOIE CONVENTIONNELLE………………………………237


Section I : La notion de transaction………………………………………….…..237
Section II : Les conditions et les effets …………………………………………..237
Section III : Les causes de nullité ou de rescision ………………………………..237

CHAPITRE II : LA VOIE JUDICIAIRE …………………………………………239


Section I : La compétence ………………………………………………………239

334
§ I : La compétence d’attribution ……………………………………………..239
§ II : La compétence territoriale………………………………………………239
Section II : L’action de la victime (ou des victimes) ……………………………...240
§ I : Les caractères de l’action ………………………………………………...240
A- L’action n’est pas liée à la personne ……………………………………240
B- L’action est d’ordre public ……………………………………………..240
§ II : La date de naissance de la créance de réparation ………………………...240
A- Le principe : le jugement est déclaratif………………………………….241
B- L’exception : le jugement est constitutif ………………………………...241

CHAPITRE III : LES ACTIONS RECURSOIRES ………………………………242


Section I :Les recours entre coresponsables ……………………………………..242
§ I : Les conditions du recours ……………………………………………….242
A- L’affaire est portée devant la juridiction civile ………………………….242
B- L’affaire a été portée devant la juridiction répressive …………………...242
§ II : Le fondement de l’action récursoire …………………………………….243
§ III : La détermination de l’indemnité qui pèse sur chaque responsable ……..243
Section II : Le recours de la sécurité sociale, de l’assureur, des collectivités
publiques et des entreprises ……………………………………………………..243
§ I : Le recours de la sécurité sociale …………………………………………244
§ II : Le recours de l’assureur…………………………………………………244
A- La victime est assurée …………………………………………………..244
B- L’auteur est assuré ……………………………………………………...244
§ III : Le recours des collectivités publiques et des entreprises ………………..245

SOUS-TITRE II : LES CARACTERES ET LES DIFFERENTES SORTES DE


REPARATION……………………………………………………………………….246

CHAPITRE I : LES CARACTERES DE LA REPARATION …………………….247


Section I : Le caractère compensatoire de la réparation ………………………….247
Section II : Le caractère intégral de la réparation ………………………………...248
§ I : La victime obtient plus ………………………………………………….248
§ II : La victime peut obtenir moins ………………………………………….249

CHAPITRE II : LES SORTES DE REPARATION………………………………250


Section I : La diversité liée aux sortes de dommages …………………………….250
§ I : Le système classique ……………………………………………………..250
A- L’évaluation du dommage matériel …………………………………….250
B- L’évaluation du dommage corporel …………………………………….251
C- L’évaluation du dommage moral ………………………………………251
§ II : Le système du Code CIMA …………………………………………….252
Section II : Les variations du dommage …………………………………………253
§ I : Les variations avant le jugement ou l’arrêt ……………………………….253
§ II : Les variations après le jugement ou l’arrêt ………………………………254
Section III : Les fluctuations monétaires ………………………………………..255
Section IV : La forme de réparation : la rente ou le capital ………………………255
§ I : Les notions de rente et de capital ……………………………………….255

335
§ II : Le choix entre rente et capital ………………………………………….256

LIVRE DEUXIEME : LES OBLIGATIONS QUELLES QUE SOIENT LEURS


SOURCES (OU LES REGLES COMMUNES AUX OBLIGATIONS) ………………..258

TITRE I : LES MODALITES DES OBLIGATIONS ……………………………….260

CHAPITRE I : LES MODALITES DES OBLIGATIONS TIREES DU


FACTEUR TEMPS : LE TERME ET LA CONDITION ………………………..261
Section I : Le terme …………………………………………………………….261
§ I : Les différentes sortes de terme ………………………………………….261
A- La différence quant à la date de l’événement ………………………….261
B- La différence quant à l’effet de l’événement ……………………………261
C- La différence quant à la source du terme ………………………………262
§ II : Le terme conventionnel ………………………………………………..262
A- Les modalités ………………………………………………………….262
B- Les effets ………………………………………………………………262
1) Le terme extinctif ……………………………………………………262
2) Le terme suspensif …………………………………………………..262
a) Avant l’arrivée du terme ………………………………………….263
b) A l’arrivée du terme ou échéance …………………………………263
C- L’extinction ……………………………………………………………263
1) L’échéance et la renonciation au bénéfice du terme ………………….263
2) La déchéance du terme ………………………………………………263
a) La diminution des sûretés ………………………………………..264
b) Le jugement qui prononce la liquidation des biens ……………….264
§ III : Le terme de grâce et le moratoire ……………………………………..264
A- Le terme ou délai de grâce ……………………………………………..264
B- Le moratoire …………………………………………………………..265
Section II : La condition ………………………………………………………..265
§ I : La validité de la condition ………………………………………………266
A- La possibilité ………………………………………………………….266
B- La licéité ……………………………………………………………….266
C- L’extériorité par rapport à la volonté du débiteur ………………………266
1) La condition casuelle et la condition mixte ……………………………266
2) La condition potestative ………………………………………………267
a) La condition potestative de la part du créancier ……………………267
b) La condition potestative de la part du débiteur ……………………267
§ II : Les effets de la condition ……………………………………………….268
A- La condition suspensive ……………………………………………….268
1) La situation pendante conditione………………...…………………...262
2) La condition se réalise ……………………………………………….268
3) La condition ne se réalise pas ………………………………………...268
B- La condition résolutoire ………………………………………………..269
1) La situation pendante conditione …………………………………….269
2) La condition se réalise ……………………………………………….269
3) La condition ne se réalise pas ………………………………………...269

336
C- La rétroactivité et les droits des tiers …………………………………..269

CHAPITRE II : LES MODALITES DES OBLIGATIONS TIREES DE LEURS


OBJETS OU DE LEURS SUJETS : LES OBLIGATIONS PLURALES………….270
Section I : La pluralité d’objets ………………………………………………….270
§ I : Les obligations conjonctives …………………………………………….270
§ II : Les obligations alternatives …………………………………………….270
§ III : Les obligations facultatives …………………………………………….271
Section II : La pluralité de sujets ………………………………………………..271
§ I : Les obligations conjointes ……………………………………………….271
§ II : Les obligations indivisibles …………………………………………….272
A- Les sources …………………………………………………………….272
B- Le régime ………………………………………………………………272
§ III : Les obligations solidaires ………………………………………………273
A- La solidarité active ……………………………………………………..273
B- La solidarité passive ……………………………………………………273
1) Les sources ………………………………………………………….273
a) La volonté des parties ……………………………………………274
b) La loi …………………………………………………………….274
2) Le régime ……………………………………………………………275
a) Les effets dans les rapports entre le créancier et les débiteurs
solidaires …………………………………………………………275
a2) Les effets secondaires………………………………………...…..276
b) Les effets dans les rapports des codébiteurs entre eux …………….276
c) Les différences avec l’indivisibilité ………………………………...277
§ IV : Les obligations in solidum ……………………………………………….278

TITRE II : LA TRANSMISSION ET L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS …….279

CHAPITRE I : LA TRANSMISSION DES OBLIGATIONS ……………………280


Section I : La cession de créance ……………………………………………….280
§ I : Les conditions …………………………………………………………..280
A- Les conditions de validité ……………………………………………..280
B- Les conditions d’opposabilité ………………………………………….281
C- Les effets de la formalité de l’article 1690
………………………………Erreur ! Signet non défini.
§ II : Les effets de la cession de créance ……………………………………..282
A- La transmission d’un droit …………………………………………….282
B- La création d’obligations ……………………………………………….282
C- La cession d’une créance litigieuse ……………………………………..282
§ III : Les formes simplifiées de cession de créance ………………………….283
A- Les titres négociables ………………………………………………….283
B- Le Bordereau Dailly ……………………………………………………283
Section II : La cession de dette …………………………………………………284
§ I : La cession de dette découlant de la cession d’un contrat …………………284
§ II : La cession d’une dette accessoire à l’aliénation d’un bien ……………….284
§ III : La cession de dette isolée ……………………………………………..285

337
CHAPITRE II : L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS ………………………..286
Section I : Les causes d’extinction apportant une satisfaction au créancier ………286
§ I : Le paiement …………………………………………………………….286
A - Le paiement pur et simple …………………………………………….286

1) Les parties au paiement………………………………………………286


a) Qui peut payer ?: le solvens………………………………………..281
b) A qui le paiement doit-il être fait ? ………………………………...287
2) L’objet du paiement …………………………………………………287
a) Les règles de portée générale ……………………………………...287
a1) Le débiteur doit payer la chose même qui est l’objet de la dette …282
a2) Le débiteur doit payer la totalité de la dette………………………288
b) Les règles particulières du paiement de somme d’argent ………….288
b1) Le principe du nominalisme monétaire ………………………….288
b2) Les clauses d’indexation ou d’échelle mobile …………………….288
3) La monnaie de paiement …………………………………………….289
4) La date et le lieu du paiement ……………………………………….290
5) Les incidents de paiement …………………………………………..290
a) Le créancier refuse le paiement ……………………………………290
b) Un créancier du créancier fait opposition au paiement ……………291
6) Les preuves du paiement …………………………………………….291
7) Les effets du paiement ………………………………………………291
B- Le paiement avec subrogation ………………………………………….291
1) Les sources ………………………………………………………….292
a) La subrogation conventionnelle ………………………………….292
b) La subrogation légale …………………………………………….293
2) Les effets …………………………………………………………….293
§ II : L’extinction de l’obligation par une satisfaction autre que celle qui
était due………………………………………………………………………294
A- La compensation …………………………………………………….....294
1) La compensation légale …………………………………………….294
2) La compensation conventionnelle ………………………………….294
3) La compensation judiciaire ………………………………………….295
B- La confusion ………………………………………………………….295
C- La novation ……………………………………………………………295
1) Les conditions communes à tous les cas de novation ………………..295
2) Les différentes sortes de novation …………………………………...296
a)La novation par changement de créancier (art. 1271-3°) …………296
b) La novation par changement de débiteur (art. 1271-2°) …………..296
c) La novation par changement d’un élément important
de l’obligation ……………………………………………………….297
3) Les effets ………………………………………………………….297
D- La délégation ………………………………………………………….297
1) Les types de délégation …………………………………………….297
a) La création d’un lien de droit entre le créancier (délégataire) et le
nouveau débiteur (délégué) ………………………………..…….298

338
b) La situation du délégant …………………………………………298
3) Comparaison avec d’autres techniques………………………………298
a) Les différences avec la cession de créance………………………...298
b) Les différences avec la novation par changement de débiteur…….299
c) Les différences avec la stipulation pour autrui ……………………299
Section II : Les causes d’extinction sans satisfaction du créancier ……………….300
§ I : La remise de dette ………………………………………………………300
A- Les conditions de validité ………………………………………………300
B- La preuve ………………………………………………………………300
C- Les effets ………………………………………………………………301
§ II : La prescription extinctive ou libératoire ………………………………..301
A- La durée de la prescription …………………………………………….301
B- Le régime de la prescription ……………………………………………302
1) Le calcul du délai ……………………………………………………302
a) Le point de départ ……………………………………………….302
b) L’interruption …………………………………………………….302
c) La suspension …………………………………………………….303
2) La mise en oeuvre …………………………………………………..303

TITRE III : LES DROITS DU CREANCIER NON PAYE SUR LE PATRIMOINE


DE SON DEBITEUR ………………………………………………………………304

CHAPITRE I : LE DROIT DE GAGE GENERAL ……………………………..305


CHAPITRE II : LA PROTECTION DU DROIT DE GAGE GENERAL ………306
Section : L’action oblique ……………………………………………………306
§ I : Les conditions d’exercice ……………………………………………….306
§ II : L’exercice par le créancier des droits et actions de son débiteur ………...306
Section II : Les actions directes …………………………………………………307
Section III : L’action paulienne………………………………………………….307
§ I : Les conditions d’exercice………………………………………………...308
A- Les conditions relatives à la créance du demandeur…………………….308
B- La condition relative à l’acte : le préjudice du créancier…………………308
C- La condition relative aux parties à l’acte : la fraude……………………..308
§ II : Les effets……………………………………………………………….309

CHAPITRE III : LE DROIT COMPARE FRANÇAIS : LES RESTRICTIONS


AUX DROITS DU CREANCIER ET LA PROTECTION DU DEBITEUR EN
CAS DE REDRESSEMENT POUR SURENDETTEMENT DES
PARTICULIERS…………………………………………………………………..310

Section I : Les bénéficiaires……………………………………………………...311


Section II : Le fonctionnement………………………………………………….311

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE……………………………………………………...312

339
Mise en page et imprimer sur les presses
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