Cours Monté de TGO
Cours Monté de TGO
Cours Monté de TGO
INTRODUCTION GENERALE
La théorie générale des obligations est une discipline majeure du droit. Avant
d’entrer dans l’étude du corps de règles qui la composent, il convient de cerner la
notion d’obligation ainsi que celle de théorie générale des obligations (1), de montrer
l’importance de celle-ci dans la formation du juriste (2). Ce n’est pas tout. Puisque les
obligations sont diverses, il importe de procéder à leur classification (3).
a) Notion d’obligation
4
connaissance de cause, devient une obligation juridique2. La vigueur de ce lien
juridique a varié avec le temps. A l’origine, l’obligation reposait sur la notion de lien
personnel. L’obligé est étymologiquement celui qui est lié. Dans le droit romain,
l’exécution de l’obligation pouvait se faire sur la personne même du débiteur ; c’est la
contrainte par corps. Celui-ci devenait en quelque sorte la propriété du créancier,
c’est-à-dire son esclave, lequel pouvait être vendu, voire tué. Mais cette conception a
progressivement disparu. La loi du 22 juillet 1867 n’a laissé subsister la contrainte par
corps qu’en matière pénale. Actuellement, l’obligation ne s’exerce plus que sur les
biens du débiteur.
2 La doctrine allemande distingue ces deux aspects comme suit : die Schuld, qui désigne la dette en
tant qu’élément du patrimoine, et die Haftung, qui désigne le pouvoir de contrainte ou le lien
obligatoire.
Voy. sur l’obligation naturelle Rémy Cabrillac, Droit des obligations, Dalloz, 8 e éd., 2008, n° 2.
3 Le patrimoine est l’ensemble des rapports appréciables en argent qui ont pour sujet actif ou passif
une même personne et qui sont envisagés comme formant une universalité juridique.
4 Ph. Malaurie, L. Aynes, Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, 7e éd., Paris, Defrénois, 2015, n° 9.
5
contrat, un droit des contrats spéciaux qui étudie les règles particulières à chaque
contrat (vente, bail, entreprise…).
La généralité de la théorie des obligations doit cependant être relativisée. Il
arrive, en effet, que la théorie générale des obligations intègre des règles particulières
qui sont dérogatoires du droit commun. Il en va ainsi de certains régimes spéciaux de
responsabilité délictuelle. En outre, la théorie générale des obligations se nourrit des
régimes spéciaux des obligations et utilise ceux-ci pour illustrer ses principes.
L’étude des obligations est importante du point de vue pratique : chaque jour
nous passons de nombreux contrats ; notre responsabilité peut être engagée à tout
moment pour les dommages que nous causons. Du point de vue théorique et
technique, les obligations sont utilisées dans toutes les matières du droit 5 (le droit
commercial par exemple), de sorte que leur connaissance est nécessaire pour tout
juriste. Enfin, l’étude du droit des obligations revêt un intérêt certain sur le plan
social. C’est un droit qui évolue parce qu’étant au cœur des préoccupations humaines,
malgré une apparente stabilité. Il est au centre des conceptions morales, économiques
ou sociales d’une société. En ce sens, le droit des obligations, spécialement, le droit
des contrats (théorie générale du contrat), fait actuellement l’objet de réforme 6 ou de
projets de réforme. Au titre de ces derniers, on peut citer le projet d’Acte uniforme
OHADA sur le droit des contrats ou le projet d’Acte uniforme sur le droit des
obligations.
Les obligations peuvent être classées de multiples façons. L’on évoquera les
classifications selon leur objet et selon leurs sources.
Les obligations sont diverses. Elles peuvent donc être classées de multiples
façons. L’on évoquera les classifications selon leur objet et selon leurs sources.
Par leur objet, les obligations peuvent être rangées dans plusieurs catégories.
On peut d’abord retenir la classification proposée par le Code civil. Toutefois, celle-ci
n’épuise pas la question, car d’autres classifications existent.
5 M. Rémy Cabrillac (Droit des obligations, Dalloz Cours, 8e éd., 2008, n° 6) écrit : « Théorie générale,
le droit des obligations irrigue… l’ensemble du droit, transcendant même la distinction droit privé -
droit public : les contrats administratifs ou la responsabilité administrative s’inspirent largement du
droit des obligations ».
6 C’est le cas de la France avec l’Ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats,
6
a1) La classification du Code civil
L’obligation de ne pas faire : elle consiste en une abstention, par ex. ne pas
se réinstaller dans un certain rayon.
7
détenteur d’une chose déterminée ; le débiteur est quitte ou libéré par l’abandon de la
chose ; tel est le cas de celui qui a acquis un immeuble hypothéqué ou qui affecte son
immeuble en garantie de la dette d’autrui.
Les quasi-contrats sont définis par l’article 1371 comme les faits purement
volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et
quelquefois un engagement réciproque des deux parties. Le Code civil (art. 1372 à
1381) aborde deux quasi-contrats : la gestion d’affaires et la répétition de l’indu. Il
convient d’y ajouter l’enrichissement sans cause.
La gestion d’affaires est le fait d’une personne qui, sans avoir reçu mandat ou
ordre, entreprend spontanément de gérer les affaires d’autrui, comme le fait de
s’occuper des affaires d’un voisin absent. Tout va se passer, si du moins la gestion a
8 « Certains engagements se forment sans qu’il intervienne aucune convention, ni de la part de celui
qui s’oblige, ni de la part de celui envers lequel il est obligé.
Les uns résultent de l’autorité seule de la loi ; les autres naissent d’un fait personnel à celui qui se
trouve obligé.
Les premiers sont des engagements formés involontairement, tels que ceux entre propriétaires voisins,
ou ceux des tuteurs et autres administrateurs qui ne peuvent refuser la fonction qui leur est déférée.
Les engagements qui naissent d’un fait personnel à celui qui se trouve obligé résultent ou des quasi-
contrats, ou des délits ou quasi-délits ; ils font la matière du présent titre » (C. civ., art. 1370).
8
été utile, comme s’il y avait eu accord de volonté, d’où l’expression de quasi-contrat
ou, plus exactement, de quasi-mandat.
La répétition de l’indu est le mécanisme juridique qui permet d’exiger de celui
qui a reçu un paiement qui ne lui était pas dû de le restituer. Les règles qui lui sont
applicables sont similaires à celles du contrat de prêt ; c’est un quasi-prêt.
L’enrichissement sans cause a été consacré par la jurisprudence. Qualifié plus
exactement d’enrichissement injustifié, il consiste en l’enrichissement d’une personne
à la suite de l’appauvrissement d’une autre personne alors que ce transfert de
richesses n’est pas justifié par une raison juridique. La personne appauvrie peut
exercer l’action « de in rem verso ». La répétition de l’indu ne serait qu’une des
applications particulières de l’enrichissement sans cause.
Les obligations légales, comme celles des parents vis-à-vis de leurs enfants
ou celles entre propriétaires mitoyens, sont celles qui, prévues par la loi, ne
ressortissent pas des quatre autres sources.
Pour remédier aux critiques faites à cette classification, des auteurs comme
Planiol ont proposé d’opposer le contrat à la loi. D’autres ont suggéré d’opposer les
actes juridiques aux faits juridiques. Cette distinction sera retenue ici surtout par
commodité.
9 Rémy Cabrillac, op. cit., n° 9, qui cependant considère comme plus pertinent de conserver la
classification du Code civil et de l’affiner.
9
Il faut cependant souligner que si la plupart des règles relatives aux obligations
sont fonction de leurs sources, un certain nombre d’entre elles s’appliquent aux
obligations quelles que soient leurs sources. C’est cette trame qui servira de division
fondamentale du cours. Ainsi seront étudiées :
10
LIVRE PREMIER :
11
PREMIERE PARTIE :
Le Code civil burkinabè, à l’inverse d’autres codes comme le code civil français
(Article 1100-1) et le BGB allemand, n’évoque pas la notion générique d’acte
juridique. C’est la doctrine qui a conceptualisé l’acte juridique. Il existe deux
catégories d’actes juridiques : les actes juridiques bilatéraux (ce sont les contrats ou
conventions) ou les actes juridiques unilatéraux. Toutefois, il y a lieu de souligner
qu’ils sont d’inégale importance. Alors que l’on continue de se demander si le droit
reconnaît ou doit reconnaître l’acte unilatéral et que l’étude de celui-ci est
nécessairement sommaire (Sous-Partie II), le contrat, quant à lui, est d’usage courant
et appelle des développements importants (Sous-Partie I).
10 Un avant-projet de texte uniforme sur le droit des obligations, préparé par trois professeurs
africains en 2009, retient sur les actes juridiques ce qui suit :
« Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils
peuvent être conventionnels, collectifs ou unilatéraux.
L’acte juridique conventionnel est un accord de volonté conclu entre deux ou plusieurs personnes.
L’acte juridique collectif est la décision prise collégialement par les membres d’une collectivité.
L’acte juridique unilatéral émane d’une ou plusieurs personnes unies dans la considération d’un même
intérêt.
L’acte juridique collectif et l’acte juridique unilatéral obéissent, en tant que de raison, pour leur
validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats » (article 4 du Projet qui en compte 616).
12
PREMIERE SOUS-PARTIE :
13
TITRE PRELIMINAIRE : LA NOTION DE CONTRAT
La convention est l’acte juridique conclu par deux ou plusieurs personnes ayant
pour objet de modifier ou d’éteindre une obligation ou de créer, modifier ou éteindre
un droit autre qu’un droit personnel. Autrement dit, c’est un accord de volonté en
vue de produire un effet de droit. On peut en conclure que l’acte juridique est plus
large que la convention qui est plus large que le contrat. Mais la distinction entre
contrat et convention n’a plus guère d’intérêt et ne se rencontre plus dans les codes
modernes. En pratique, et même dans le Code civil, on emploie indifféremment les
deux termes12.
Le rôle du contrat est fonction du système économique. Dans une économie
libérale, le rôle du contrat sera important. En revanche, dans un système dirigiste ou
socialiste, le rôle du contrat sera plus effacé car le législateur interviendra par de
nombreuses lois pour réglementer l’économie.
Il faut aller plus loin que ces brèves précisions pour comprendre le contrat.
Pour le cerner davantage, il est nécessaire de tenter de clarifier son fondement
(Chapitre I) et, puisqu’il existe plusieurs catégories de contrats, de procéder à la
classification de ceux-ci (Chapitre II).
14
CHAPITRE I : LE FONDEMENT DU CONTRAT
Il ne s’agit pas d’étudier ici le fondement positif du contrat qui est connu. En
effet, celui-ci, tel qu’il est régi au Burkina Faso, puise ses règles dans le Code civil de
1804 qui a consacré une grande partie de ses dispositions au contrat (Livre III, Titre
III), même si des législations spéciales, commandées par le dirigisme économique,
ont remis en cause le rôle prépondérant du code civil. En France, il faut noter qu’un
changement s’est produit avec l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du
droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, dont les
dispositions ont remplacé depuis le 1er octobre 2016 celles du Code civil sur le
contrat (Livre III).
Le fondement recherché est philosophique. Il s’agit de se demander quel est le
principe ou l’idée qui explique le régime juridique du contrat et notamment la force
obligatoire de celui-ci : pourquoi la loi oblige-t-elle les parties à tenir les engagements
nés des contrats ? La quête est donc celle de l’essence du contrat. A cette question,
plusieurs réponses ont été proposées. La réponse, construite à partir des dispositions
du Code civil de 1804 et qui a longtemps dominé la matière, repose sur le principe
(ou la théorie) de l’autonomie de la volonté (Section I). Mais avec le déclin de cette
théorie, d’autres explications ont vu le jour (Section II)
§ I : L’exposé de la théorie
15
A- La liberté contractuelle
Le contrat doit être respecté parce que les parties l’ont voulu et il doit être
exécuté tel quel parce que les parties l’ont débattu. Ce respect de la volonté
contractuelle implique d’abord le principe de la force obligatoire du contrat que
l’article 1134, alinéa 1er, du Code civil semble consacré en ces termes : « les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». En
conséquence, elles ne peuvent être révoquées ou modifiées que de leur consentement
mutuel, ou pour les causes que la loi autorise (art. 1134, al. 2). Le respect de la
volonté implique également le principe d’effet relatif des conventions : seul celui qui
a manifesté sa volonté de s’engager dans un contrat est lié par ce contrat. C’est ce qui
ressort de l’article 1165 qui dispose que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les
16
parties contractantes ». Le respect de la volonté interdit enfin toute intervention du
juge ou du législateur dans la détermination du contenu du contrat. D’où le principe
de la survie de la loi ancienne en matière contractuelle ou l’interdiction de la révision
judiciaire du contrat en cas d’imprévision. Mais par la suite, la théorie de l’autonomie
de la volonté connaîtra un déclin.
17
La remise en cause de la théorie de l’autonomie de la volonté se manifeste à
deux égards. En premier lieu, il convient de noter le déclin de la liberté contractuelle.
D’abord, la liberté de conclure ou de ne pas conclure n’est plus complète. En effet, le
choix du cocontractant n’est pas toujours libre. Certaines personnes bénéficient d’un
droit de préemption14. Le commerçant n’est pas libre de passer tel ou tel contrat.
Ainsi, les personnes détentrices d’un monopole sont tenues de contracter avec les
personnes qui sollicitent leurs services. En outre, les parties ne sont plus toujours
libres de déterminer le contenu de leur contrat. En effet, les contractants sont obligés
de respecter l’ordre public économique et social, c’est-à-dire les lois qui réglementent
l’économie et le travail. Parfois même, les contrats sont pré-rédigés par le législateur
et les parties ne peuvent y déroger du tout ou seulement sur les clauses de moindre
importance. Il en est ainsi par exemple pour le contrat de travail, les baux ruraux et
les baux professionnels. Certains contrats sont même imposés comme le
renouvellement des baux professionnels. Par ailleurs, le principe du consensualisme
est battu en brèche. Un certain formalisme renaît, surtout en matière commerciale.
En second lieu, le principe de la force obligatoire du contrat a été critiqué. Ce
principe peut, en effet, conduire parfois à des bouleversements ou à des crises
économiques, à la dépréciation monétaire...Appliqué à la lettre, il interdit, même
lorsque les conditions économiques changent, de modifier le contrat. C’est pourquoi,
le législateur est intervenu pour permettre la révision de certains contrats à certaines
époques ou pour organiser cette révision. En droit français, la révision du contrat est,
à la demande d’une partie, permise par le nouvel article 1196 du Code civil, issu de
l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime
général et de la preuve des obligations, en cas d’absence ou d’échec de la négociation
et à défaut d’accord sur la résolution ou la révision du contrat.
14 Droit reconnu dans certains cas à l’Administration, et à certains organismes de droit privé
accomplissant une mission de service public, d’acquérir la propriété d’un bien lors de son aliénation
par préférence à tout autre acheteur.
18
Section II : Les théories alternatives
15 Cf. article 61 de la Loi burkinabè du 27 avril 2017 portant organisation de la concurrence au Burkina
Faso et article L. 221-1 du Code française de la consommation.
16 En droit burkinabè : C A Ouagadougou, 3 avril 1998, R.B.D., n° 36, 1999, pp. 250 à 253, obs. F.
Ouedraogo ; En droit français : Ass. plén. civ., 13 déc. 1962, D., 1963, p. 277, note J. Calais-Aulois ;
RTDciv., 1963, p. 572, note Cornu ; RTDcom., 1963, 333, n° 5, obs. Houin ; En droit belge : Cass., 20
juin 1988, R.C.J.B., 1991, p. 45, note R. Kruithof ; J.T., 1989, p. 541 et s.
17 François TERRE, Philippe SIMLER et Yves LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, Dalloz, 11e éd.,
19
paramètre à prendre en compte : une volonté illégitime du créancier sera écartée.
Pour le reste, devront être pris en considération des éléments extérieurs, comme les
stipulations contractuelles, la volonté du débiteur, les circonstances de lieu ou de
temps… On pressent que le rôle du juge sera ici prépondérant.
18 Jacques GHESTIN, Traité de droit civil. Le contrat. Formation, 3e d., 1993, n°223 et s., p. 200 et s. ;
Jacques GHESTIN, « L’utile et le juste dans les contrats », D. 1982, Chron., p. 1.
19 Jacques GHESTIN, Traité de droit civil. Le contrat. Formation, op. cit., n° 224, p. 201.
20 Ibidem, n° 226, p. 203.
21 Ibidem, n° 265, p. 239.
20
obéir à un principe directeur subjectif, la liberté contractuelle, et à deux principes directeurs objectifs
avec lesquels elle doit se concilier, le juste et l’utile, finalités sociales du contrat… »22
D’après les partisans de cette théorie23, la volonté des individus n’a pas un
pouvoir créateur de droits ou d’obligations autonome, comme le prétend la théorie
de l’autonomie de la volonté. Elle n’a qu’un pouvoir créateur délégué : « la loi délègue
une partie de ce pouvoir aux membres du corps social parce qu’elle ne peut pas tout régler et parce
que les personnes doivent jouir d’une certaine autonomie dans la gestion de leurs intérêts. »24 Dans
ce schéma, les individus disposent d’un pouvoir initial qui leur permet de créer
librement des obligations nécessaires à la satisfaction de leurs besoins. C’est
l’expression du volontarisme. Toutefois, ce pouvoir est subordonné aux intérêts
fondamentaux de la société et à ceux de ses membres définis par la loi. C’est la
traduction du caractère social de ce volontarisme.
22 Jacques GHESTIN, Grégoire LOISEAU et Yves SERINET, Traité de droit civil. La formation du
contrat. Le consentement, tome 1, 4e d., 2013, n°175.
23 Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT et Eric SAVAUX, Droit civil. Les obligations. 1. L’acte juridique,
21
CHAPITRE II : LA CLASSIFICATION DES CONTRATS
Bien que les parties puissent librement former les contrats qu’elles veulent,
d’après les articles 1102 à 1110, on peut classer les contrats en fonction de leurs
contenus (Section I), de leurs modes de formation (Section III), de leurs modes
d’exécution (Section II), de leurs réglementations (Section IV) et du nombre de
parties en présence (Section V). Outre ces classifications traditionnelles, des
classifications récentes existent (Section VI).
Le contrat à titre onéreux est celui où chacune des parties n’entend faire une
prestation qu’en échange d’une contrepartie. Ex. : la vente, le bail, le contrat de
travail, le contrat d’entreprise. Le contrat à titre gratuit est celui où l’une des parties
désire procurer à l’autre un avantage sans contrepartie, comme dans la donation.
Les intérêts de la distinction sont les suivants : celui qui donne ne peut être
contraint au même titre que celui qui se fait payer sa prestation ; en outre, le
législateur se méfie des donations parce qu’elles dépouillent les héritiers et les
créanciers du débiteur d’une partie de son patrimoine.
22
§ III : Les contrats commutatifs et les contrats aléatoires
Dans les contrats commutatifs, les prestations des parties sont certaines et
équivalentes, comme dans la vente ou le bail.
Dans les contrats aléatoires, la prestation à laquelle l’une des parties est obligée
dépend dans son existence ou son étendue d’un événement incertain. Exemple : le
contrat de rente viagère, le contrat d’assurance, le contrat de jeu ou de pari (la Loterie
nationale est un pari légal)…Les intérêts de la distinction sont les suivants : la lésion,
déséquilibre prononcé entre les prestations, qui est admise dans certains contrats
commutatifs, comme la vente d’immeuble au profit du seul vendeur, n’est jamais
prise en compte dans les contrats aléatoires, l’aléa ou le déséquilibre étant admis au
départ.
On note à cet égard, d’une part les contrats instantanés (ou à exécution
instantanée), d’autre part les contrats successifs (ou à exécution successive). Le
contrat est dit instantané lorsque l’exécution des obligations qu’il crée se réalise en un
trait de temps. Ainsi de la vente au comptant. Le contrat est dit successif lorsqu’il
s’exécute pendant une certaine durée. Par exemple, le contrat de travail, le contrat de
bail, la location-vente, les contrats d’abonnement (eau, électricité, téléphone, etc.)…
Cette distinction présente plusieurs intérêts de la distinction. D’abord, seuls les
contrats instantanés peuvent être résolus, c’est-à-dire que lorsque l’une des parties
n’exécute pas son obligation, on va remettre les choses dans l’état où les parties se
trouvaient avant le contrat ; lorsqu’il s’agit au contraire d’un contrat successif, cela est
impossible : on ne peut que mettre fin au contrat pour l’avenir. En outre, le
déséquilibre des prestations survenant en cours d’exécution de ces contrats successifs
a suscité le problème de la révision du contrat pour cause d’imprévision.
23
C’est une distinction traditionnelle non mentionnée par le Code civil mais
résultant des dispositions de celui-ci.
Le contrat consensuel est celui qui se forme par le seul accord de volonté des
parties sans autre formalité, comme la vente. Il est la règle générale d’après le Code
civil. Attention : les autres contrats requièrent aussi l’accord de volonté mais celui-ci
ne suffit pas pour leur formation.
Le contrat solennel est celui pour la validité duquel la loi exige que le
consentement soit donné en certaines formes. Celles-ci consistent le plus souvent en
la rédaction d’un acte notarié. Exemples : la donation entre vifs, le contrat de mariage
(concernant les biens des époux).
Le contrat réel est celui qui exige pour sa formation non seulement l’accord des
parties mais en plus la remise d’une chose au débiteur. Par exemple sont des contrats
réels le commodat ou prêt à usage, le prêt de consommation ou mutuum, et le dépôt.
Ainsi, la promesse de prêter une somme d’argent ou un objet est bien un contrat
valable mais n’est pas un prêt. Le prêt ne se forme que par la remise de la chose à
l’emprunteur.
Les contrats négociés, ou de gré à gré ou de libre discussion, sont ceux qui
répondent à la conception classique qui veut le contrat soit l’œuvre des parties qui
discutent sur un pied d’égalité les clauses de leur contrat.
Les contrats d’adhésion sont l’œuvre de l’une des parties, l’autre ne pouvant
qu’adhérer ou refuser d’adhérer aux clauses qui lui sont proposées ne variatur.
Exemples : contrat de transport avec la compagnie de chemin de fer ou avec une
compagnie de navigation maritime ou aérienne, contrat avec une banque…
Il arrive même que le contrat ne soit l’œuvre d’aucune des deux parties. Il s’agit
d’un contrat-type, parfois impératif, rédigé, soit par des agents d’une administration
ou d’une collectivité publique, soit par des organismes professionnels. L’accord des
deux parties n’est plus que la condition d’application aux deux particuliers d’un statut
obligatoire pour eux25. C’est le cas dans une certaine mesure du contrat de travail,
des baux commerciaux…
De l’article 1107 du Code civil, il résulte que les contrats sont nommés ou
innommés.
Les contrats nommés sont ceux qui, prévus par le Code civil ou par d’autres
codes ou textes, ont non seulement un nom ou une dénomination mais surtout une
25 Voy. dans ce sens A. Weil et F. Terré, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 4e éd., 1986, n° 47.
24
réglementation. Exemple : vente, contrat d’entreprise, bail, dépôt, prêt, mandat,
cautionnement, contrat de travail…
Les contrats innommés sont ceux qui résultent de la liberté contractuelle et qui
ne rentrent pas dans le moule d’un des contrats nommés. L’élément caractéristique
est non pas l’absence de nom mais plutôt l’absence de réglementation. Ces contrats
sont le plus souvent un amalgame de contrats nommés : contrat de location de
coffre-fort, de renting, de déménagement, d’ingénierie, de compte courant, de
parking…
Qu’ils soient nommés ou innommés, les contrats sont valables et sanctionnés
en justice. Les contrats nommés sont soumis aux règles de la TGO et aux règles du
contrat spécial auxquelles les parties n’ont pas dérogé tandis que les contrats
innommés ne sont soumis qu’aux règles de la TGO. Cela pose l’importante question
de la qualification des contrats.
25
conclus par le biais de l’internet ou du réseau de la téléphonie mobile. L’intérêt de
cette distinction tient aux règles applicables à l’expression du consentement. Les
contrats traditionnels sont soumis aux conditions classiques de formation du contrat.
Les contrats électroniques sont, au contraire, subordonnés, outre à ces conditions, à
des règles spécifiques pour ce qui est de leur formation. Ainsi, selon la loi n° 045-
2009 du 10 novembre 2009 portant réglementation des services et des transactions
électroniques au Burkina Faso (articles 57 et s.), celui (le prestataire de services) qui
offre de conclure un contrat par voie électronique est soumis à des obligations
d’information et de transparence. Ainsi, lors de la formation du contrat, il doit
fournir certaines informations à son cocontractant, mettre en place un dispositif de
correction des erreurs de la commande, accuser réception de la commande… En
outre, le cocontractant du prestataire de services (le destinataire de service) bénéficie
d’un droit de rétractation.
Au regard de la qualité des parties au contrat, on distingue les contrats
égalitaires et les contrats de consommation. Les premiers sont conclus entre des
personnes d’égale puissance économique. C’est le cas des contrats passés entre
professionnels. Les contrats de consommation sont des contrats passés entre
professionnels et consommateurs. Le consommateur est défini comme « toute personne
physique agissant à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle »26.
L’intérêt de cette classification tient au fait que la loi aménage une protection
particulière pour le consommateur considéré comme la partie faible. La loi 016/2017
du 27 avril 2017 portant organisation de la concurrence au Burkina Faso prévoit dans
ce sens des mesures de protection au profit du consommateur : information du
consommateur (articles 42 et s.), interdiction des clauses abusives (article 54 et s.) et
sécurité du consommateur (articles 60 et s.).
L’éclairage ci-dessus, relatif au fondement et à l’évolution du contrat ainsi
qu’aux principales classifications des contrats, constitue une base pour aborder la
formation puis les effets du contrat.
26 Article 2, 5 de la loi n° 045-2009 du 10 novembre 2009 portant réglementation des services et des
transactions au Burkina Faso.
26
TITRE I : LA FORMATION DU CONTRAT
La formation du contrat est importante puisque de sa régularité dépendent les
effets que celui-ci peut produire. Du reste, la loi sanctionne les irrégularités en la
matière. Il conviendra donc d’étudier les conditions de formation du contrat
(Chapitre I) puis la sanction des conditions de formation du contrat (Chapitre II).
27
CHAPITRE I : LES CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT
L’article 1108 du Code civil énonce que quatre conditions sont nécessaires à la
validité d’une convention :
- Le consentement de la partie qui s’oblige ;
- Sa capacité de contracter ;
- Un objet certain qui soit la matière de l’engagement ;
- Une cause licite dans l’obligation.
Chacun de ses éléments, qualifiés d’essentiels par le Code civil, appelle des
développements plus ou moins importants. Il faut signaler que le droit anglais fait de
la consideration, contrepartie fournie ou promise par un contractant, l’élément
fondamental du contrat et ne se réfère pas à la notion de cause. Les projets
européens d’unification du droit des contrats (projet Gandolfi et projet Lando)
ignorent les notions d’objet et de cause et lui préfèrent celle de contenu du contrat.
Le droit français est désormais en ce sens. L’ordonnance française du 10 février
2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations ne fait plus état de la cause et a remplacé la notion d’objet par celle
de contenu (article 1128). Le projet d’acte uniforme de l’OHADA sur le droit des
contrats (théorie générale du contrat et régime général des obligations) ignore la
notion de cause subjective27.
Section I : La capacité
Pour contracter valablement, il faut être capable même si l’on contracte par
l’intermédiaire d’autrui par la technique de la représentation. Il sera donc examiné les
règles gouvernant la capacité de contracter de manière directe (§ I), puis celles de la
représentation (§ II).
27Pas de cause subjective mais la cause objective est prise en compte à travers la lésion, laquelle
devient une cause générale de nullité des contrats. Il en résulte finalement l’extension de la cause
objective.
28
A- Les notions relatives à la capacité
Il faut distinguer, d’une part entre capacité et pouvoir (1), d’autre part entre les
différentes incapacités (2).
1) La capacité et le pouvoir
L’incapacité de jouissance est celle qui prive l’incapable d’un droit ou qui le
rend absolument incapable pour l’accomplissement d’un acte juridique. Ainsi, les
donations sont interdites au mineur non émancipé.
Quant à l’incapacité d’exercice, c’est l’impossibilité pour une personne
d’accomplir elle-même ou seule certains actes. Par ex., le mineur est frappé d’une
incapacité d’exercice. Celui qui a commis un crime peut être frappé d’une incapacité
de disposer de ses biens.
29
le majeur en tutelle. Elle est spéciale lorsque certains actes seulement sont interdits
par le législateur : ex. le majeur en curatelle.
L’incapacité est relative lorsqu’elle empêche une personne qui peut valablement
contracter de le faire avec telle personne déterminée. Par, il est interdit à un époux de
vendre un bien à son conjoint, sauf dans certains cas comme en cas de séparation
judiciaire (art. 1595 C. civ. bf) ; il y a aussi interdiction pour les tuteurs d’acquérir des
biens dont ils ont la tutelle et pour les mandataires d’acheter des biens dont ils sont
chargés de la vente… (art. 1596 C. civ. bf). De surcroît, il y a également des
incapacités qui interdisent à certaines personnes d’accomplir certains actes dans
certains lieux : ainsi, les juges, les greffiers, les huissiers, les avocats, les notaires ne
peuvent devenir cessionnaires de procès, droits et actions litigieux qui sont de la
compétence du tribunal dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions, à peine de
nullité, et des dépens, dommages et intérêts (art. 1597 C. civ. bf).
Plusieurs hypothèses doivent être envisagées : le cas des mineurs (1) et celui
des majeurs incapables (2).
30
b) Les sanctions des actes irréguliers
Il y a deux sortes de sanctions possibles. D’une part, les actes qui requièrent
une formalité ou l’assistance de certaines personnes sont frappés de nullité si les
habilitations exigées par la loi n’ont pas été obtenues. D’autre part, les actes qui
devaient être accomplis par le représentant du mineur sont rescindables pour cause
de lésion lorsqu’ils ont été faits par le mineur seul. Cette règle est cependant écartée
en cas de paiement. En effet, selon l’article 1241 du Code civil burkinabè, « le
payement fait au créancier n’est point valable s’il était incapable de le recevoir, à
moins que le débiteur ne prouve que la chose payée a tourné au profit du créancier ».
a) La protection occasionnelle
31
Cette restriction se justifie. Il n’est pas rare, en effet, que des héritiers
prétendent que la victime avait des troubles mentaux lorsque celle-ci passait les
contrats, l’objectif étant de remettre en cause les actes du prédécédé qui leur sont
préjudiciables. Ouvrir l’action en nullité sans limite serait donc conféré une prime à la
mauvaise foi et créé une insécurité juridique.
b) La protection continue
Lorsque les facultés intellectuelles d’un majeur sont altérées durablement, une
mesure de protection peut être prise à son égard. Trois régimes de protection sont
prévus suivant la gravité de l’altération : la tutelle (b1), la curatelle (b2) et la
protection de justice (b3).
Ce régime concerne les majeurs dont les facultés mentales et/ou corporelles
sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge et qui
empêchent la libre expression de leur volonté et que ceux-ci ont besoin d’être
représentés d’une manière permanente dans les actes de la vie civile (CPF, art. 552 et
641). Ces individus seuls ne peuvent en principe accomplir aucun acte juridique, sauf
les cas dans lesquels la loi ou les usages les autorisent à agir eux-mêmes. En effet, le
tuteur ou son représentant représente le majeur en tutelle dans tous les actes civils.
Les actes autres que ceux exceptionnellement autorisés que le majeur sous tutelle
aurait passés sont nuls de droit. Cela signifie que le juge doit prononcer la nullité si
l’acte est postérieur à la décision d’ouverture de la tutelle (CPF, art. 655). Toutefois,
la décision ne sera opposable aux tiers que deux mois après que mention aura été
portée sur le registre spécial des personnes sous tutelle, curatelle et protection de
justice (CPF, art. 671). Si l’acte accompli l’a été pendant un moment de lucidité, il est
néanmoins nul en raison de l’ouverture de la tutelle. Si l’acte a été passé avant
l’ouverture de la tutelle, il peut être annulé si la preuve est faite que la cause qui a
déterminé l’ouverture de la tutelle existait notoirement à l’époque où l’acte a été fait.
En pratique, il suffira de prouver que l’insanité existait à une époque antérieure au
prononcé de la tutelle.
Les articles 660 à 668 du CPF prévoient ce régime pour les personnes dont les
facultés mentales sont diminuées mais de façon moins grave que pour les personnes
dont l’état justifierait l’ouverture de la tutelle ainsi que pour les personnes qui, par
leur prodigalité, leur intempérance ou leur oisiveté s’exposent à tomber dans le
besoin ou à compromettre l’exécution de leurs obligations familiales. A la différence
de la tutelle, la curatelle est un régime d’assistance et non de représentation. Le
majeur ne peut valablement agir qu’avec l’autorisation du curateur pour les actes
32
énumérés par la loi. Les autres actes peuvent être accomplis par le majeur seul 28. Les
actes irrégulièrement accomplis par le majeur sous curatelle sont sanctionnés de la
manière suivante :
- Les actes qui doivent être faits avec l’autorisation du curateur sont nuls si
cette autorisation fait défaut ;
- Les actes que le majeur sous curatelle peut faire seul ne peuvent être attaqués
que pour deux raisons : 1°- ils pourront être rescindés pour simple lésion ou réduits
en cas d’excès ; à cet égard, les tribunaux prendront en compte la fortune de la
personne protégée, la bonne ou la mauvaise foi de son cocontractant, l’utilité ou
l’inutilité de l’opération ; 2°- pour insanité d’esprit à condition de remplir les
conditions de l’art. 629 du CPF.
28 « Toutefois, en ouvrant la curatelle ou dans un jugement postérieur, le juge, sur l’avis de toute
personne qualifiée, peut énumérer des actes que le majeur en curatelle aura la capacité de faire seul par
dérogation à l’article 663 ou, à l’inverse, ajouter d’autres actes à ceux pour lesquels cette disposition
exige l’assistance du curateur » (art. 666).
33
décision de
mainlevée (art. 661)
Protection de Légère Surveillance Courte : 2 mois
justice renouvelables par 6
mois (635, al. 2)
§ II : La représentation
Au titre des conditions, il faut un pouvoir (1) et une volonté de représentation (2).
La personne qui agit pour autrui doit avoir reçu le pouvoir pour ce faire. A cet
égard, on note trois sources de la représentation : la représentation conventionnelle
(a), la représentation judiciaire (b) et la représentation légale (c).
a) La représentation conventionnelle
b) La représentation judiciaire
34
pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant
fixées par le juge ».
c) La représentation légale
A ce titre, l’on relève, par exemple, que la loi investit le père et la mère des
pouvoirs d’administrateur légal des biens de leurs enfants mineurs (CPF, art. 539 et
s.). La représentation des mineurs, qui n’ont ni père ni mère ou lorsque ceux-ci sont
déchus de l’autorité parentale, et celle des majeurs sous tutelle est assurée par leurs
tuteurs.
Le pouvoir de représentation est nécessaire mais insuffisant : il faut en plus une
volonté de représentation.
Pour qu’il y ait représentation, il faut que le représentant agisse dans l’intention
de représenter et que le tiers avec qui il contracte sache qu’il traite avec un
représentant. Ainsi, le salarié n’est pas le représentant de son employeur. La volonté
de représentation non seulement doit exister mais en plus elle doit être exempte de
vices (erreur, dol, violence). En revanche, il n’est pas nécessaire que la volonté émane
d’une personne ayant la capacité d’exercice. C’est ainsi qu’un mineur ne peut pas agir
seul pour son compte mais il pourra agir en tant que mandataire si le mandat lui a été
conféré régulièrement parce que les effets du mandat se produisent dans la personne
du représenté et non dans celle du représentant (le mineur).
35
2) Des liens de droit unissent le représentant et le représenté
Section II : Le consentement
Pour qu’un contrat soit valablement conclu, il faut le consentement des deux
parties ou leur accord de volonté, lequel doit s’exprimer par l’échange des
consentements. Il convient d’examiner la nécessité d’un consentement (Sous-section
I) et l’échange des consentements (Sous-section II). La conclusion du contrat peut
être précédée de négociations précontractuelles, si bien qu’il peut être formé par
étapes (punctation). Ainsi, un avant-contrat peut être conclu (pacte de préférence,
promesse unilatérale, promesse synallagmatique). Un examen préalable, même
succinct, de la période précontractuelle semble donc utile (Section préliminaire).
36
Est, notamment, de mauvaise foi la partie qui entame ou poursuit des négociations sans
intention de parvenir à un accord. »
En droit français, le nouvel article 1112 du Code civil prévoit une solution
analogue. Il dispose que « L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations
précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ».
Dans les projets de réforme ou les réformes du droit des contrats, on note
l’existence de dispositions qui apportent des précisions sur la confidentialité qui doit
être observée29, l’engagement à négocier, les clauses-types, les dispositions établies à
l’avance par l’une ou l’autre des parties pour un usage général et répété, le régime des
accords destinés à aménager le déroulement ou la rupture des pourparlers.
§ II : Les avant-contrats
29 Ainsi, en droit français, l’article 1112-2. nouveau du code civil prévoit que : « Celui qui utilise ou
divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage
sa responsabilité dans les conditions du droit commun ».
37
obligation de faire qui se résout en dommages et intérêts, de sorte que le contrat
conclu avec le tiers est valable, le promettant n’engageant que sa responsabilité
contractuelle. En France, la solution a évolué depuis la réforme du droit des contrats
du 10 février 2016. Selon le code civil réformé, la violation de la promesse n’empêche
pas la formation du contrat projeté et entraîne la nullité du contrat conclu avec le
tiers (article 1124 Code civil).
La promesse synallagmatique, appelée également promesse bilatérale est la
convention dans laquelle les deux parties s’engagent à conclure le contrat principal.
Comme la promesse unilatérale, elle doit contenir les éléments essentiels du contrat
projeté. La seule différence est qu’elle implique que les deux parties donnent leur
consentement définitif au contrat projeté. Il se pose alors la question de savoir si la
promesse synallagmatique est différente du contrat principal. Pour répondre à cette
question, une distinction doit être faire suivant que le contrat projeté est consensuel
ou solennel. Si le contrat définitif est consensuel, il n’y pas de différence. C’est ce que
le Code civil burkinabè en matière de vente : « la promesse de vente vaut vente
lorsqu’il y a le consentement réciproque des deux parties sur la chose et le prix »
(article 1589 code civil). Si le contrat est solennel, c’est-à-dire si sa formation est
subordonnée à des formalités, la promesse est différente du contrat principal : par
exemple, les parties s’engagent dans la promesse de prêt à signer un acte notarié pour
la conclusion du contrat principal.
Quant au pacte de préférence pour un contrat futur, c’est la convention par
laquelle celui qui reste libre de le conclure s’engage, pour le cas où il s’y déciderait, à
offrir par priorité au bénéficiaire du pacte de traiter avec lui. Dans les deux cas, le
contrat conclu avec un tiers est inopposable au bénéficiaire du pacte de préférence
ou de la promesse, sous réserve des règles assurant la protection des tiers de bonne
foi. Il y a aussi la promesse synallagmatique dont l’utilité paraît limitée : en effet, le
Code civil en vigueur décide que la promesse synallagmatique de vente vaut vente.
Celui qui veut passer un acte juridique doit émettre un consentement dénué de
tout vice (§ 1) et ce consentement doit être extériorisé (§ 2).
§ I : L’intégrité du consentement
38
A- L’erreur
L’erreur est une appréciation inexacte portant sur l’existence ou les qualités
d’un fait ou d’une chose ou sur l’existence ou l’interprétation d’une règle de droit. Il
faut déterminer les différents types d’erreur (1), avant d’examiner les conditions à
réunir pour obtenir la nullité du contrat par pour erreur (2).
Selon l’article 1110 du Code civil, « l’erreur n’est une cause de nullité de la convention
que lorsqu’elle tombe sur la substance de la chose qui en est l’objet.
Elle n’est point une cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on
a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale
de la convention ».
Il résulte de cette disposition qu’il y a des erreurs cause de nullité (b) et des
erreurs indifférentes (c). Il existe cependant d’autres cas d’erreur qualifiés d’erreurs-
obstacles dont l’admission suscite des questions (a).
39
actuellement que l’erreur n’est une cause de nullité que dans la mesure où elle est
excusable30, ce qui va en l’encontre de l’admission de l’erreur-obstacle.
Certains ont été prévus par le Code civil (b1), d’autres par la jurisprudence (b2).
Il y a un principe et deux exceptions. Le principe est que l’erreur n’est pas une
cause de nullité du contrat. Les exceptions tiennent en ce que l’erreur sur la substance
et l’erreur sur la personne entraînent la nullité du contrat.
40
mais aussi, plus généralement, de celle qui a trait aux qualités substantielles
(authenticité, origine, utilisation…) en considération desquelles les parties ont
contracté.
La jurisprudence française a procédé aux distinctions et aux précisions
suivantes :
- Si le cocontractant de la victime de l’erreur a ignoré la qualité pour laquelle
l’acquéreur voulait acquérir la chose, la nullité n’est pas prononcée. La Cour de
cassation française, dans le cas de cautions, soutient, plus ou moins explicitement,
que l’erreur commise par les cautions sur la solvabilité du débiteur principal n’est pas
prise en compte lorsqu’elle n’est pas entrée dans le champ contractuel, aucune
demande n’ayant été faite à la banque à ce sujet32.
- L’erreur porte sur la prestation du cocontractant mais elle peut porter sur
celle de la victime de l’erreur.
- Le caractère d’authenticité d’une œuvre d’art est généralement déterminant
pour le consentement de l’acquéreur. La Cour de cassation française a estimé dans
une espèce qu’il y avait erreur substantielle si l’acquéreur a pensé acquérir une bergère
(des bergères Louis XV, large fauteuil à joues pleines, dossier rembourré et coussin
sur le siège) alors qu’il s’agissait d’une marquise (fauteuil à siège large, profond et à
dossier bas, bergère à deux places, sorte de canapé). Pour elle, en relevant toute
l’importance donnée par l’acheteur aux preuves d’authenticité qu’il avait exigées lors
de l’achat d’une statue chinoise présentée comme datant de l’époque Tang, les juges
du fond ont ainsi constaté qu’étaient substantielles non seulement l’authenticité de
l’objet, mais encore la possibilité de l’établir avec certitude ; à défaut de conclusion
certaine sur cette authenticité, la vente est à bon droit annulée33.
- L’erreur sur la date de sortie d’un véhicule est une erreur substantielle.
- L’erreur sur le montant des loyers est aussi une erreur substantielle.
- L’erreur de droit est admise : Par exemple, je contracte en pensant que le
contrat produit tel ou tel effet. Il est vrai que nul n’est censé ignorer la loi. Mais cet
argument ne peut être opposé en l’espèce car il s’agit d’un non-spécialiste du droit
qui s’attend à l’application de la loi. C’est pourquoi la jurisprudence admet l’erreur de
droit. Elle a ainsi reconnu l’erreur de droit dans les cas suivants : celui de l’héritier qui
avait cédé à vil prix ses droits successoraux parce qu’il s’est trompé sur l’étendue des
droits héréditaires que la loi lui attribue34 ; la vente à vil prix d’une récolte de vin dont
le vendeur a crû, par erreur, que le prix était taxé par la loi 35 ; celui des cautions
illettrées : les cautions intéressées, habitant un district rural, étaient illettrées et le
contrat ne leur avait pas été lu avant sa signature ; l’emprunteuse, par crainte de les
voir refuser de signer, ne leur avait pas dit exactement la vérité ; le représentant de la
caisse s’était borné à présenter aux cautions les actes à signer ; l’arrêt de la cour
32 1ère Civ., 19 mars 1985, JCP G, 1986, II, 20659, note P. Lebouteiller.
33 Civ. 1ère, 26 février 1980, Bull. civ. I, n° 66.
34 C. Cass. Civ. 17 nov. 1930, D. 1932.I.161, note J.-Ch. Laurent.
35 Montpellier, 23 octobre 1951, Dalloz 1952, 15.
41
d’appel estime à juste titre que les cautions avaient donné leur consentement en
pensant simplement faciliter l’obtention du prêt sans engager leur patrimoine36.
embaucher sur un chantier de réfection de voie ferrée, en se présentant, pièces à l’appui, à son
employeur sous l’identité d’une autre personne. Réalisant par la suite l’usurpation d’identité,
l’employeur demanda l’annulation du contrat pour erreur sur l’identité du manœuvre. La Cour de
cassation rejeta le pourvoi au motif que s’il y a sans doute erreur, celle-ci « … n’a pas été le motif
principal et déterminant de la convention ». Ce cas est d’ailleurs plus proche du dol que de l’erreur.
39 Civ. 1ère, 13 février 2001, JCP 2001, I, 330, n° 5, obs. Rochefeld ; RTDCiv. 2001, 352, obs. J. Mestre
et B. Fages.
42
- l’erreur sur la valeur de la prestation : la jurisprudence, en raison de
l’article 1118, décide que l’erreur sur la valeur de la prestation n’entraîne pas la nullité
du contrat ; en effet, « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou
à l’égard de certaines personnes ». Le principe est que s’il y a un déséquilibre, celui-ci
n’entraîne pas la nullité, sauf dans les cas prévus par la législation. Mais lorsque le
déséquilibre est la conséquence d’une erreur sur la substance, il sera indirectement
pris en compte. En outre, l’erreur sur la valeur est prise en compte toutes les fois
qu’elle est la conséquence d’une violence. De toute façon, le juge annulera plus
facilement le contrat fait par dol ou par violence que par erreur.
Pour entrainer la nullité du contrat, l’erreur doit être commune et excusable (a).
Encore faut-il qu’elle soit prouvée (b).
Le problème que suscite l’erreur commune est le suivant : faut-il pour retenir
l’erreur constater qu’elle a été commune aux deux parties ou suffit-il de l’erreur de
l’une des parties ? Si les deux parties ont commis une erreur, elles pourront l’une et
l’autre demander l’annulation du contrat. Mais il est certain que cette double erreur
n’est pas nécessaire pour justifier l’annulation du contrat, puisque les textes exigent
seulement l’erreur de la partie qui s’oblige. Il en résulte que la véritable difficulté de
l’erreur commune est celle de savoir si l’on doit subordonner l’annulation du contrat
pour erreur d’une partie à la connaissance de cette erreur par l’autre partie.
Autrement dit, l’erreur commise par l’une des parties mais ignorée de l’autre peut-elle
justifier l’annulation du contrat ? En principe, il faudrait l’admettre car la volonté du
cocontractant a été altérée. Toutefois, les tribunaux français exigent souvent que
l’erreur soit connue de l’autre partie contractante en vue de garantir la stabilité des
conventions et la sécurité de celles-ci. Cette exigence est aujourd’hui consacrée en
France par le nouvel article 1133 du Code civil qui dispose que : « Les qualités
essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en
considération desquelles les parties ont contracté ». Cependant, l’ignorance de l’erreur peut
faire douter de l’existence de celle-ci. En effet, on peut penser que celui qui n’a pas
fait connaître à son cocontractant l’élément déterminant de son consentement a
commis une faute et la meilleure sanction dans ce cas est de refuser l’action en nullité
de celui qui a commis l’erreur.
43
été inexcusable. Il en est ainsi lorsque l’erreur aurait pu être évitée en se renseignant.
La jurisprudence a eu maintes fois l’occasion d’appliquer l’erreur inexcusable, surtout
lorsque le cocontractant est un professionnel. C’est ainsi que la Cour de cassation
française a refusé d’annuler la vente d’un terrain qui était inapte à la construction
parce que l’acheteur était un professionnel, en l’espèce un architecte. Elle a de même
refusé d’annuler un contrat d’assurance pour une personne qui était déjà assurée.
b) La preuve de l’erreur
B- Le dol
Le dol est une manœuvre frauduleuse ayant pour objet de tromper l’une des
parties à un acte juridique en vue d’obtenir son consentement. Selon l’article 1116,
« le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des
parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il
ne se présume pas et doit être prouvé ». Le dol est une erreur provoquée. Il n’est donc pas à
proprement parler un vice de consentement. C’est une faute qui a pour conséquence
de provoquer l’erreur de l’autre partie. Ce qui est un vice de consentement, c’est
l’erreur provoquée par le dol40. Pour comprendre le régime du dol, il conviendra de
préciser la notion (1), avant d’examiner les conditions de l’annulation du contrat pour
dol (2).
1) La notion
Selon l’art. 1116, le dol est constitué de manœuvres, c’est-à-dire de toute espèce
d’artifice destinée à convaincre le cocontractant à passer l’acte. Le simple mensonge
peut, selon la jurisprudence, constituer le dol s’il a déterminé la victime à contracter,
sauf le dol émanant d’un incapable, notamment lorsque celui-ci déclare sa capacité.
Pour la Cour d’appel de Colmar (France), tous les agissements malhonnêtes tendant à
surprendre une personne en vue de lui faire souscrire un engagement qu’elle n’aurait
40 A. Weill, F. Terré, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 4e éd., 1986, n° 179.
44
pas pris si on n’avait pas usé de la sorte avec elle peuvent être qualifiés de manœuvres
dolosives41.
Mais faut-il admettre la réticence, c’est-à-dire le refus de fournir des
informations, comme une manœuvre dolosive ? Le législateur burkinabè répond par
l’affirmative dans certains cas. Il en va ainsi en matière d’assurance où l’assuré doit
déclarer toutes les circonstances pour permettre d’avoir une vue exacte de l’ampleur
du risque couvert, sous peine d’encourir la nullité du contrat. Par ailleurs, les articles
1641 à 1648 du Code civil burkinabè obligent le vendeur d’informer l’acheteur des
vices de la chose. En droit français, reprenant une solution jurisprudentielle
antérieure, l’article 1137, alinéa 2, nouveau du Code civil reconnait formellement la
réticence dolosive. Il dispose que : « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle
par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».
Le dol doit émaner du cocontractant et non d’un tiers (a) et seul le dol
déterminant est une cause de nullité (b).
Dans l’hypothèse où le dol émane d’un tiers, la nullité ne peut pas être
demandée mais la responsabilité délictuelle du tiers pourra être recherchée. Face à
l’invocation de manœuvres frauduleuses du débiteur principal pour tromper la
caution, la Cour de cassation française retient que « le contrat de cautionnement se forme
par l’accord de volonté de la caution qui s’oblige et du créancier qui accepte et que dès lors le dol
viciant le consentement de l’une des parties n’en peut emporter la nullité que s’il émane de l’autre
partie »42. Cependant, si le cocontractant a été complice du dol émanant d’un tiers, la
nullité pourra être prononcée. Le dol du mandataire est traité comme le dol du
mandant lui-même.
Ce principe n’est pas applicable aux contrats à titre gratuit ni aux contrats
unilatéraux. Par exemple, la donation doit procéder uniquement d’un esprit de
bienfaisance, ce qui suppose la complète liberté du donateur, d’où la prise en compte
du dol émanant d’un tiers. D’ailleurs, la nullité nuit moins à un donataire, qui perd
simplement un avantage, qu’à celui qui a traité à titre onéreux.
45
b) Seul le dol déterminant est une cause de nullité
C- La violence
La violence est un fait de nature à inspirer une crainte telle que la victime
donne son consentement à un acte que, sans cela, elle n’aurait pas accepté. Elle est
prévue à l’art. 1109 et réglementée dans les art. 1111 à 1115. Un point commun unit
la violence et le dol : il ne s’agit pas non plus d’un véritable vice de consentement
mais de la crainte qu’elle provoque. Il faut examiner la notion (1) puis les conditions
de la nullité (2).
1) La notion
43C. cass. fr., Civ. 30 mai 1927, D. H. 1927, 416 ; Com. 1er avril 1952, Dalloz 1952, 380 et 685, note
Copper-Royer.
46
liberté, d’atteinte à l’honneur, à la réputation, à la fortune… ; en d’autres termes, il
s’agit d’un chantage.
Elles sont au nombre de deux : la violence doit avoir été déterminante (a) et
elle doit être prouvée (b).
47
violence un contrat de travail conclu avec un employé qui avait un besoin pressant
d’argent à cause de la maladie de son enfant. Dans le même sens, la nullité d’un
accord salarial passé dans des conditions d’agitation furieuse a été retenue45.
48
En conclusion sur les vices de consentement, on soulignera le développement
de l’obligation précontractuelle de renseignements qui prévient la survenance des
vices de consentement. Or mieux vaut prévenir que guérir. La jurisprudence s’est
appuyée pour ce faire sur les dispositions du Code civil mais aussi sur des
dispositions ultérieures50. Le consentement non seulement doit exister mais aussi
s’extérioriser.
§ II : L’extériorisation du consentement
50 Des auteurs (François TERRE, Philippe SIMLER, Yves LEQUETTE, Droit civil, Les obligations,
Dalloz, 11e éd., 2013, n°s 258 à 260) écrivent à ce sujet : « Longtemps on a enseigné que, sauf
obligation légale précise, nul n’était tenu de renseigner son cocontractant… Mais prenant conscience
que l’inégalité dans l’information peut, tout autant que l’inégalité économique, nuire à l’équilibre du
contrat, sensible aussi à l’idée qu’il vaut mieux prévenir que guérir, la jurisprudence a progressivement
imposé à certains contractants l’obligation d’informer leurs partenaires. A cet effet, elle a pris appui sur
la notion de bonne foi. Bien que l’article 1134, alinéa 3, du Code civil vise la seule exécution du
contrat, la bonne foi irrigue la formation de celui-ci… Qualifiée d’obligation précontractuelle de
renseignements lorsqu’elle existe avant la conclusion du contrat et tend à faciliter l’émission d’un
consentement éclairé, elle devient une obligation contractuelle de renseignements lorsqu’elle se
présente comme un effet du contrat…
Conditions d’existence de l’obligation précontractuelle de renseignements
En premier lieu, une personne ne pourra être tenue de renseigner son partenaire que si elle détient une
information « pertinente »…
En second lieu, l’obligation d’information n’existera que si celui qui se prétend créancier de cette
obligation a lui-même ignoré le fait recelé et si cette ignorance est légitime…
Et de fait, l’obligation d’information trouvera un domaine d’application naturel dans les rapports entre
professionnel et consommateur…
Preuve et sanctions
« … la haute juridiction a… posé que celui qui est tenu d’une obligation d’information doit rapporter
la preuve de l’exécution de cette obligation. La violation de l’obligation d’information est
sanctionnée, non pas de façon autonome, mais par le biais du droit commun. Génératrice d’un
vice de consentement, elle entraîne la nullité du contrat ; constitutive d’une faute délictuelle, elle donne
lieu à l’application des règles de la responsabilité délictuelle ; à l’origine d’un vice caché ou d’une
éviction, elle déclenche le jeu de la garantie des vices cachés ou de la garantie d’éviction ».
51 Arrêt de la Cour de cass. fr. du 21 mai 1878.
49
consentement. Mais la Cour de cassation française a apporté des tempéraments et des
exceptions à cette règle.
S’agissant des tempéraments, il en va ainsi lorsque les parties sont en relation
d’affaires depuis un certain temps : par exemple, quand à intervalles réguliers, une des
parties s’adresse à son fournisseur pour lui commander une certaine quantité de
marchandises, si le client oublie de faire sa commande et que l’autre lui envoie les
marchandises, le silence vaut acceptation. Un autre exemple : une facture est envoyée
à la livraison par le fournisseur comportant des clauses qui n’avaient pas été
discutées, comme une clause attributive de compétence territoriale où il est prévu la
compétence du tribunal de telle ou telle ville. Le paiement de la facture vaut
consentement si cette procédure avait déjà été suivie 52.
S’agissant des exceptions, il en est ainsi, d’abord, lorsque la loi, le contrat ou
les usages prévoient que le silence vaut consentement. C’est le cas de la tacite
reconduction. Dans les contrats successifs, souvent une clause du contrat précise
que, faute pour une des parties de déclarer expressément qu’elle n’entend plus
continuer le contrat après son expiration, il sera reconduit. Il en est ainsi dans
nombre de contrats successifs, dont les baux et les contrats de travail. La clause de
tacite reconduction peut également résulter des usages ou de la loi. Dans ces cas, si
l’une des parties ne désire pas que le contrat se poursuive, elle doit en informer
l’autre partie un certain temps à l’avance. Il en est ainsi également lorsque l’offre a
été faite à l’avantage de celui qui l’a reçue (dans l’intérêt exclusif du destinataire),
il est normal dans un tel cas de penser que le silence vaut consentement. C’est le cas
retenu par la Cour de cassation française dans son arrêt du 29 mars 1938 : il s’agissait
d’un contrat de bail et le locataire ne payait pas ses loyers. Le bailleur lui a fait une
remise partielle de loyers arriérés et le locataire a gardé le silence. Le bailleur réclame
alors l’intégralité des loyers. La Cour de cassation a décidé que le locataire a dû
accepter la remise et que son silence valait consentement53.
50
Une personne ne peut valablement être tenue par un engagement que si elle y a
consenti et tout contrat ne peut pas se former si les volontés des parties ne se sont
pas rencontrées.
A- L’offre
Pour être qualifiée comme telle, l’offre doit remplir les conditions suivantes :
- En premier lieu, elle doit être dénuée de tout vice de consentement.
- En deuxième lieu, elle doit être sérieuse et non faite par plaisanterie. On dit
qu’elle doit être ferme en ce qu’elle doit exprimer une volonté nette de conclure le
contrat dans l’hypothèse où elle serait acceptée. Il n’en est pas ainsi pour la pratique
commerciale dite de l’offre sans engagement ou de l’offre d’agrément ou l’offrant se
réserve le droit de modifier le prix indiqué. Mais, lorsque l’offre est faite jusqu’à
54Dans la vente commerciale, la proposition adressée à plusieurs personnes n’est pas une offre mais
une invitation à entrer en pourparlers (cf. article 241, in fine, de l’Acte uniforme relatif au droit
commercial général).
51
épuisement des stocks, l’offrant n’est pas engagé si au moment de l’acceptation les
stocks sont épuisés.
- En troisième lieu, l’offre doit être non équivoque (ou univoque). Elle peut
être tacite ou expresse mais elle ne doit pas faire l’objet d’un doute.
- En quatrième lieu, elle doit être précise et complète : elle doit indiquer les
éléments essentielles du contrat, comme la chose et le prix s’il s’agit d’une vente.
Lorsque l’une de conditions manque, la proposition n’est pas une offre mais
une invitation à entrer en pourparlers.
Si l’offre est acceptée, le contrat est conclu. Mais il faut rechercher si, avant
même cette acceptation, l’offre ne produit pas certains effets. A cet égard, il y a lieu
de noter qu’en droit français55 et en droit burkinabè de la vente commerciale56, l’offre
peut être rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. C’est dire que,
dans ce cas, elle ne peut produire d’effet qu’à la réception (théorie de la réception de
l’offre). Cette solution logique gagnerait à être étendue en toute matière en droit
burkinabè. Des lors que l’offre parvient à destination, deux difficultés se présentent :
celle de la caducité de l’offre (a) et celle de la révocation de l’offre (b).
a) La révocation de l’offre
Le principe est que l’offre n’a pas d’effet obligatoire pour celui qui l’a faite tant
qu’elle n’a pas été acceptée. Il y a cependant des exceptions. L’offre n’est révocable
qu’à l’expiration d’un certain délai. Lorsque le délai a été indiqué par l’offrant, il n’y a
aucun problème. Dans le cas contraire, on considère que l’offrant doit laisser
subsister l’offre pendant un certain temps (un délai raisonnable) pour la faire
examiner. Si l’offrant ne respecte pas ce délai, il peut être condamné à payer des
dommages-intérêts. En droit burkinabè de la vente commerciale, l’offre ne peut, en
outre, être révoquée si elle est stipulée irrévocable ou si le destinataire était
raisonnablement fondé à croire que l’offre est irrévocable et a agi en conséquence 57.
Comment expliquer cette obligation de maintien de l’auteur de l’offre ? Plusieurs
fondements, ont été avancés par la doctrine pour expliquer cette solution de maintien
de l’offre pendant un délai raisonnable.
Certains auteurs ont proposé de voir dans l’offre un avant-contrat car quand
l’offrant propose explicitement ou implicitement un délai pour accepter, celui-ci a été
tacitement accepté par son partenaire parce qu’il n’en tire que des avantages. Si on
52
peut admettre cette solution lorsque l’offrant a proposé un délai, il n’en est pas de
même lorsque l’offrant n’a pas proposé de délai. Et pourtant, le juge oblige l’offrant à
maintenir son offre pendant un certain temps.
D’autres auteurs ont proposé la théorie de l’engagement par volonté
unilatérale. L’offre réalise alors un acte juridique unilatéral qui suffit pour maintenir
l’offre pendant un certain temps. Cette théorie est consacrée en droit belge. Mais
cette position a été critiquée car le Code civil français, comme celui du Burkina Faso,
ne contient aucune théorie d’engagement par volonté unilatérale.
Dans une troisième proposition, l’offrant engage sa responsabilité délictuelle
ou quasi-délictuelle s’il ne maintient pas l’offre pendant un certain temps. L’offrant
en retirant l’offre avant un certain délai cause un préjudice qu’il doit réparer. La faute
consiste alors, soit dans le fait de faire une offre non sérieuse, soit dans la rétractation
intempestive de l’offre. Cette solution semble avoir été consacrée récemment en droit
français. Selon l’article 1116 nouveau du Code civil, la rétractation (révocation) «…
engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit commun sans
l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat. » Mais dire que l’on commet
une faute en faisant une offre sans sérieux, n’est-ce pas admettre que l’on peut
s’engager par volonté unilatérale ? De même, si la faute est la rétractation
intempestive, c’est que l’offrant avait l’obligation de maintenir son offre pendant un
certain temps. Comment expliquer cette obligation ?
Pour surmonter cette difficulté, on a invoqué la théorie de l’abus des droits.
Il y a faute dans l’exercice d’un droit. L’offre n’est pas nécessairement obligatoire et
l’offrant peut donc la retirer. Mais l’offrant abuse de son droit par la rétractation
intempestive. Cette proposition semble plus cohérente.
b) La caducité de l’offre
53
caducité de l’offre58. En revanche, lorsque l’offre n’est pas assortie d’un délai, le décès
de l’offrant devait provoquer sa caducité59. Consacrant la théorie de la volonté
interne, le droit burkinabè devrait admettre que l’offre soit caduque en cas de décès
ou d’incapacité de l’auteur.
En cas d’expiration du délai (raisonnable ou prévu) de l’offre, celle-ci est
caduque. Il en a été ainsi formellement décidé en droit français. L’alinéa 1er de l’article
1117 précité dispose que « L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à
défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. »
B- L’acceptation
Lorsque l’offre est acceptée, le contrat est conclu si l’acceptation répond aux
conditions de validité d’une déclaration de volonté.
Conformément au principe du consensualisme, la forme de cette acceptation
est libre : elle peut être expresse ou tacite mais elle doit être exprimée avant que
l’offre ne soit rétractée. Cette liberté de forme connaît des exceptions. Ainsi, en
matière de contrats électroniques, l'article 60 de la loi du 10 novembre 2009 portant
réglementation des services et transactions électroniques au Burkina Faso dispose
indique qu'« Avant la conclusion du contrat, le prestataire met à la disposition du destinataire du
service les moyens techniques appropriés, efficaces et accessibles lui permettant d'identifier les erreurs
commises dans la saisie des données, de les corriger et de valider sa commande pour exprimer son
acceptation ». Il en résulte que l’acceptation émise par voie électronique est formée en
plusieurs étapes : le choix et la correction de la commande et la validation de la
commande.
Lorsqu’offre est faite à une personne déterminée, c’est seulement celle-ci qui
peut accepter. L’offre à personne indéterminée peut être acceptée par n’importe qui
(c’est la première personne qui se présente). L’acceptation en droit burkinabè de la
vente commerciale doit intervenir dans le délai stipulé ou, à défaut, dans un délai
raisonnable60. Ce délai d’acceptation court à compter de l’émission de l’offre (théorie
de l’émission)61. Cette date d’émission est celle indiquée dans l’offre ; à défaut, elle est
déterminée suivant les circonstances. Cependant, une offre verbale doit être acceptée
immédiatement62.
Pour que le contrat soit formé, l’acceptation ne doit pas comporter de réserve
sur des éléments essentiels du contrat, auquel elle constitue une contre-offre. L’Acte
uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG) exprime bien cette idée en
matière de vente commerciale, lorsqu’il dispose que « La réponse à une offre qui se veut
58 Civ. 3e, 10 décembre 1997, Bull. civ. III, n° 223, p. 150, Defrénois 1998, p. 336, obs. D. Mazeaud ;
D. 1999, Somm. p. 9, obs. Brun.
59 Req., 21 avril 1891, D. 1892.1.181 ; Civ. 3e, 10 mars 1989, Bull. civ. III, n° 109, p. 60, D. 1990, 365,
54
acceptation de cette offre, mais qui contient des additions, des limitations ou d’autres modifications,
vaut rejet de l’offre et constitue une contre-proposition. »63 En revanche, le contrat sera conclu
si les réserves portent sur des éléments accessoires ou complémentaires64. Mais il y a
un certain relativisme en la matière. Pour la Cour de cassation française, en effet, en
vertu de leur pouvoir souverain d’appréciation, les juges du fond peuvent estimer que
certaines modalités ordinairement accessoires, telles que la date du paiement du solde
du prix ou la date de prise de possession des lieux, ont été tenues par l’une des parties
comme des éléments constitutifs de son consentement et qu’à défaut d’accord sur ces
points, le contrat de vente ne s’est pas formé65.
63 Article 245.
64 Idem., al. 2.
65 Civ. 3e, 2 mai 1978, Dalloz 1979, 317, note Schmidt-Szalewski.
55
A- Les contrats entre personnes non présentes ou contrats à distance
56
2) Les solutions
Il convient d’aborder l’approche classique (a), puis celle propre aux contrats
conclus par voie électronique (b).
a) L’approche classique
57
que : « Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où
l’acceptation est parvenue ». Il en ainsi aussi de la Belgique66. Au Burkina Faso, ce système
est la règle en matière de vente commerciale. Selon l’article 244 de l’AUDCG,
« L’acceptation d’une offre prend effet au moment où l’expression de l’acquiescement parvient à
l’auteur de l’offre ». Ce système a ceci d’avantageux que la conclusion du contrat est
connue aussi bien de l’acceptant que de l’offrant. Le droit burkinabè devrait en faire
le principe dans la détermination du moment de la conclusion du contrat.
Il faut cependant retenir que les solutions de droit positif n’ont qu’un caractère
supplétif. Ainsi, les parties sont libres de convenir de la théorie à appliquer dans leurs
relations contractuelles.
66 Cass. (belge), 16 juin 1960, R.C.J.B. 1962, pp. 301 et 302, note J. Heenen; Cass., 25 mai 1990, Pas.,
1990, I, p. 1087 ; J.T., 1990, p. 724 ; R.W., 1990-1991, p. 149, Concl. G. D'hoore ; Cass., 19 juin 1990,
Pas., 1990, I, p. 1182.
67 En ce sens, W. D. KABRE, La conclusion des contrats électroniques. Etudes de droits africain et européen,
58
d'établissement de l'expéditeur et le lieu de réception est présumé être le lieu
d'établissement du destinataire du message. Ainsi, le législateur burkinabè a voulu que
le lieu de formation du contrat électronique soit fixe en raison de l’imprévision des
solutions résultant de l’application des théories classiques. Reste cependant à savoir si
ce lieu est celui du prestataire (offrant) ou celui du destinataire (acceptant). La loi est
silencieuse sur ce point. Il conviendrait, de lege ferenda, que ce lieu soit l’établissement
du destinataire68. Cette solution est protectrice de ce dernier qui est censé être la
partie faible dans le contrat électronique.
Il s’agit des contrats dont la conclusion n’est pas précédée par une discussion
entre les parties. Une des parties rédige le contrat ou ses clauses essentielles et les
offre au public de façon permanente. Les clauses sont établies à l’avance et bien
souvent imprimées. C’est donc la partie économiquement la plus forte qui impose sa
volonté à la partie économiquement la plus faible dont la liberté est limitée : elle ne
peut qu’accepter les clauses ou refuser le contrat. Les dangers de ces contrats sont
donc évidents. Parfois, certaines conditions ne sont pas portées à la connaissance des
cocontractants. Conclus entre parties inégales, ces contrats pourraient se révéler très
injustes. La question est donc de savoir comment protéger la partie économiquement
la plus faible. Certaines solutions proviennent des juges. Ainsi, la jurisprudence a
utilisé la technique contractuelle. Dans cette optique, elle recherche si l’adhérent
(partie économiquement la plus faible) a eu connaissance des différentes clauses et,
s’il les a ignorées au moment où il s’engageait, il n’est pas obligé de les respecter 69.
Elle a également eu recours à la théorie des vices de consentement, surtout l’erreur.
D’autres solutions viennent des parties : les parties peuvent, pour mieux se
protéger, s’informer davantage ou se grouper en syndicat ou en association pour
tenter d’obtenir la modification de certaines clauses.
La loi n’a pas été en reste. Elle établit des dispositions impératives pour éviter
les injustices les plus graves, en vue de protéger la partie faible : le travailleur dans le
contrat de travail (Code du travail) ou l’assuré dans le contrat d’assurance (Code
CIMA). L’on note également l’article 1162 du Code civil selon lequel, « dans le doute, la
convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation ».
59
Enfin, l’on note le développement d’une législation protectrice du consommateur en
France70 comme au Burkina71. Celle-ci interdit notamment les clauses abusives dans
les contrats entre professionnels et non-professionnels, et impose des obligations
d’information. Elle met également en place des organes (Commission des clauses
abusives en France, Commission nationale de la concurrence et de la consommation
au Burkina) chargés d’appliquer cette réglementation.
Enfin, il arrive que l’administration impose des aménagements aux contrats au
moyen de la rédaction de cahiers des charges qui, par exemple, établissent les tarifs
que les sociétés concessionnaires peuvent réclamer aux adhérents.
On s’est beaucoup interrogé en doctrine sur la véritable nature du contrat
d’adhésion72, étant donné que la partie économiquement faible ne discute pas les
clauses du contrat. Certains auteurs (Raymond Saleilles, le civiliste, et Léon Duguit, le
publiciste) ont conclu qu’il n’y a pas de contrat mais un acte participant de la nature
de la loi ou de l’acte réglementaire. D’autres auteurs soutiennent que les contrats
d’adhésion ont une nature contractuelle. Mais c’est la qualification contractuelle,
consacrée au demeurant par le droit positif, qui protège le mieux la partie
économiquement faible. En effet, si on considère que le contrat d’adhésion participe
de la loi, quand une difficulté d’application est soulevée, on doit rechercher quelle a
été la volonté de celui qui a élaboré le contrat, en l’occurrence la partie forte.
2) Les contrats-types
Le contenu d’un contrat va être déterminé dans sa presque totalité par un tiers.
Il en est ainsi au moins dans deux hypothèses.
d’adhésion, sa nature avec les thèses anti-contractualistes, les thèses contractualistes et les solutions du
droit positif.
60
en gros ou en demi-gros… Certains contrats-types peuvent être rédigés par
l’administration, comme en matière de baux d’habitation au Burkina (au temps du
Conseil National de la Révolution) ou de baux ruraux en France. Ces contrats-types
permettent de réduire la durée de la phase précontractuelle et de remédier aux
insuffisances de la loi. Ils sont en principe facultatifs mais en fait ils créent de
véritables règles interprétatives dans la mesure où ils s’appliquent non seulement
quand ils ont été adoptés par les parties mais encore tacitement sauf clause expresse
contraire.
1) La notion
Il est certain que le contrat avec soi-même peut être dangereux parce qu’une
personne va décider de deux intérêts contradictoires. La tentation de privilégier des
intérêts qui lui sont proches est grande. C’est pourquoi le législateur a pris des
dispositions restrictives. Ainsi, parfois la loi l’interdit comme dans l’art. 1596 du Code
civil aux termes duquel :
« Ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par
personnes interposées :
Les tuteurs, des biens dont ils ont la tutelle ;
61
Les mandataires, des biens qu’ils sont chargés de vendre ;
Les administrateurs, de ceux des communes ou des établissements publics confiés à leurs
soins ;
Les officiers publics, des biens nationaux dont les ventes se font par leur ministère ».
A) L’objet de l’obligation
62
- obligation de ne pas faire, c’est-à-dire de s’abstenir d’agir (le vendeur d’un
fonds de commerce ne doit pas ouvrir dans la même ville ou dans le même quartier
un commerce semblable à celui qu’il cède).
Pour l’essentiel, l’objet doit revêtir trois caractères : être dans le commerce (1),
être déterminé ou déterminable (2), être possible (3).
Selon l’article 1128 du Code civil burkinabè, « Il n’y a que les choses qui sont dans le
commerce qui puissent être l’objet des conventions » (art. 1128). Ainsi, en principe, toutes les
choses sont dans le commerce. Sont cependant hors du commerce :
- Les choses hors du commerce par nature : l’eau courante (autre que l’eau du
robinet), l’air, la lumière, la mer et ses rivages…
- Les biens du domaine public : ils peuvent faire l’objet de concessions mais ils
ne peuvent être aliénés.
- Certains biens déclarés incessibles, comme le droit d’usage et le droit
d’habitation.
- L’état et la capacité des personnes ainsi que la personne humaine, son
intégrité physique et morale qui doit être préservée, le corps humain, mort ou vif, en
tout ou en partie (organes, sang…). La question d’actualité en ce domaine est celle
des mères porteuses qui s’engagent, moyennant rémunération, à porter jusqu’à la
naissance, un embryon fécondé. Le contrat ainsi passé, qualifié de location d’utérus,
est considéré comme immoral en France par la Cour de cassation. Pour celle-ci, en
effet, « la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter
un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de
l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes »73 ;
- Les choses dont le commerce est réduit ou restreint pour des raisons de santé
publique, comme les substances vénéneuses ou les animaux atteints de maladies
contagieuses…
- Les fonctions publiques.
On a considéré pendant longtemps que les clientèles civiles, c’est-à-dire celles
des professions libérales, à la différence des clientèles commerciales toujours
cessibles, étaient incessibles. Avec l’évolution, pratiquement toutes les clientèles
civiles sont cessibles.
73 Ass. plén., 31 mai 1991, Association Alma Mater, Dalloz 1991, 417, rapport Chartier, note D.
Thouvenin ; François Terré et Yves Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile de Henri
Capitant, 10e éd., Dalloz, 1994, p. 224 à 232. La première décision dans le même sens sur une affaire
similaire est la suivant : Civ. 1ère, 13 décembre 1989, Dalloz 1990, 273, rapport Massip.
63
faut qu’il soit déterminable, c’est-à-dire le contrat doit fournir les éléments
nécessaires à sa détermination au moment de son exécution.
Lorsque la chose est individualisée, c’est-à-dire s’il s’agit d’un corps certain, il
n’y a pas de difficulté de détermination. Lorsque l’objet est une chose de genre, il
suffit qu’elle soit déterminée quant à son espèce (art. 1129, al. 1er). La qualité peut ne
pas être précisée : dans ce cas, le débiteur doit livrer une chose de qualité moyenne.
Mais la quotité ou quantité doit être déterminée ou déterminable. En effet, le
débiteur ne s’engagerait pas sérieusement s’il promettait simplement de livrer du vin,
du dolo, de l’huile ou du riz, sans aucune précision sur la quantité car il pourrait se
libérer par une prestation dérisoire.
Le prix doit aussi en principe être déterminé ou déterminable. Toutefois, la
Cour de cassation française admet des exceptions pour les contrats-cadre prévoyant
la conclusion de contrats ultérieurs, comme le contrat de franchisage 74. Dans ces
contrats, l’indétermination du prix n’affecte pas, sauf dispositions légales
particulières, la validité de celui-ci75. Seul l’abus dans la fixation du prix peut donner
lieu à résiliation ou à indemnisation76. Selon les professeurs Malaurie et Aynès, l’abus
est une notion souple, soumise à l’appréciation du juge, aussi difficile à définir que la
mauvaise foi : il suppose un faisceau de circonstances : excès, discrimination,
intention de nuire. Le fait que le prix soit élevé, même par rapport à celui du marché,
ne suffit pas à le caractériser.
74 Le contrat de franchisage est celui par lequel le titulaire d’un signe distinctif, généralement déposé à
titre de marque, en l’occurrence le franchiseur, en concède l’usage à un commerçant indépendant, le
franchisé, auprès duquel il assume une fonction de conseil et d’assistance commerciale, moyennant le
paiement d’une redevance sur le chiffre d’affaires du franchisé ainsi que son engagement de
s’approvisionner en tout ou en partie auprès du franchiseur ou de tiers déterminés et de respecter un
certain nombre de normes tant pour l’implantation que pour la gestion du point de vente.
75 Ass. plén., 1er décembre 1995 (4 arrêts) : Bull. Ass. Plén., n° 7, 8 et 9 ; Dalloz 1996, 17, conclusions
Jéol, note Laurent Aynès ; JCP, 1996, éd. G, II, 22 565, note Ghestin ; éd. E, II, note L. Leveneur ;
RTD Civ., 1996, p. 153, note J. Mestre.
76 Pour plus de développements, voy. P.-H., Antomattei et J. Raynard, Droit civil, Contrats spéciaux,
64
L’impossibilité peut être juridique : il en est ainsi lorsque la chose objet du
contrat existe bien au moment du contrat, sans que le débiteur n’ait un droit sur elle.
S’agissant des choses de genre, le contrat est valable parce que l’impossibilité est
seulement relative : le débiteur pourra lui-même acquérir la chose afin de la livrer à
son acheteur. S’agissant, en revanche, d’un corps certain, l’impossibilité est absolue si
le droit du débiteur ne se concrétise pas lors de la formation du contrat, ce qui
entraîne une nullité relative si certaines conditions sont réunies (art. 1599).
B- L’objet du contrat
Il s’agit de l’opération juridique que les parties entendent réaliser. Cet objet doit
être licite et respecter l’ordre public et les bonnes mœurs. Aux termes de l’art. 6 du
Code civil, « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui régissent l’ordre
public et les bonnes mœurs ». S’agissant de l’ordre public, on distingue l’ordre public
classique (1) et l’ordre public économique (2).
77Selon la Cour de cassation fr. (Civ 11 nov. 1845, DP 1846, I, 25), en prohibant sans distinction les
conventions sur une succession non ouverte, le code civil a compris dans ses dispositions tout aussi
bien l’aliénation d’une chose particulière que celle de la totalité ou une quote-part de cette succession.
65
2) L’ordre public économique
Quant aux bonnes mœurs, on les distingue mal de l’ordre public. Elles
apparaissent plutôt comme des normes de moralité publique, telle qu’elle est
entendue à une époque donnée. Elles concernent surtout la moralité sexuelle, le
respect de la personne humaine et de sa liberté, les gains jugés immoraux (prêts
usuraires, argent sale…). Les conventions qui lui portent atteinte sont entachées de
nullité absolue. Mais il faut signaler que les bonnes mœurs évoluent dans le temps.
Par exemple, en France, le courtage matrimonial a été considéré pendant longtemps
comme contraire aux bonnes mœurs avant d’être réglementé par une loi du 23 juin
1989.
L’objet du contrat pose également la question de l’équilibre des prestations.
Le problème ici posé est celui de la lésion. La lésion est le préjudice subi par un
contractant et résultant, dans un contrat à titre onéreux, du défaut d’équivalence, au
moment de la conclusion du contrat, entre les prestations ou avantages
réciproquement stipulés. La lésion doit être distinguée de l’imprévision qui cause un
préjudice du fait que des circonstances postérieures au contrat et imprévues viennent
rendre l’exécution de celui-ci plus onéreuse pour une des parties.
La question est de savoir, dans l’hypothèse où celui qui a subi la lésion n’a pas
eu l’intention de faire une libéralité, si cette lésion peut faire obstacle à la formation
du contrat. Le Code civil burkinabè semble donner une réponse négative dans l’art.
1118 pour qui « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l’égard de
certaines personnes ». C’est dire que le législateur ne retient la lésion que dans des cas
exceptionnels mais la jurisprudence s’est efforcée d’élargir le domaine de la lésion.
66
Qu’en est-il de ces applications ? (A) Se posent également la question du fondement
(B) et celle des sanctions de la lésion (C).
Selon l’art. 1118 du Code civil, la lésion ne vicie le consentement qu’à l’égard
de certaines personnes et de certains contrats. Pour les personnes, il s’agit des
mineurs non émancipés et des majeurs placés sous la protection de la justice (CPF,
art. 636).
Pour les conventions, on relève principalement la vente d’immeubles (art.
1674) : si le vendeur a été lésé de plus de 7/12e, il a le droit de demander la rescision
quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à demander cette
rescision et qu’il aurait déclaré donner la plus-value. C’est donc la lésion du vendeur
qui est seule prise en compte et non celle de l’acheteur (art. 1683). La lésion ne
concerne que les immeubles et non les meubles, car le Code civil voulait protéger les
propriétaires d’immeubles, considérés comme des biens importants (res mobilis res
vilis). L’action en rescision doit être intentée dans les deux ans suivant le jour de la
vente (art. 1676). Ce délai est préfix. L’acheteur peut éviter la nullité du contrat en
payant le supplément du juste prix sous la déduction du dixième du prix total (art.
1681). Enfin, retenons que l’art. 1681, al. 2, accorde le même droit au tiers possesseur
(le sous-acquéreur), sauf sa garantie contre son vendeur.
67
Par ex. si un bien valant 24 000 000 F a été vendu à 8 000 000 F, la lésion
s’établit à 16 000 000 F et excède les 7/12 (16/24 = 8/12). Si l’acheteur veut garder
l’immeuble, il lui suffit de payer 16 000 000 F – 1/10 x 24 000 000 F = 13 600 000 F.
Le problème se complique lorsque la valeur réelle du bien a augmenté entre le
jour de la vente et le jour du rachat de la lésion. Sur quelle base calculer le
supplément que devra l’acheteur ? La Cour de cassation française a décidé que le
supplément à payer par l’acheteur pour éviter la rescision devait être calculé sur la
valeur de l’immeuble au jour du versement de ce supplément. Le complément doit en
effet être juste ; or il ne peut en être ainsi que s’il est suffisant et correspond au jour
du versement à la valeur de l’immeuble que le contrat lésionnaire n’a pas permis
d’acquérir ; en décider autrement laisserait, en fait, subsister la majeure part de la
lésion que la loi, en ce cas, a entendu proscrire 80. En d’autres termes, il faut
déterminer la lésion au jour du contrat et appliquer la proportion qu’elle représente à
la valeur actuelle du bien.
Illustration : Si l’on reprend l’exemple ci-dessus, et que l’on précise que la
valeur actuelle est de 60 millions, on aura :
- proportion de la lésion lors de la vente = 16 millions sur 24 = 8/12 ou 2/3 ;
- cette proportion appliquée aux 60 millions = 60 millions x 8/12 = 40
millions ;
- le prix à payer pour racheter la lésion = 40 millions – 1/10 x (40 millions + 8
millions) = 35,2 millions ; en effet, le dixième dont l’article 1681 autorise la déduction
est celui du « prix total » résultant des deux versements, initial et complémentaire, de
l’acquéreur81.
S’il préfère garder la chose en fournissant le supplément de prix, il doit l’intérêt
sur le supplément du prix du jour de la demande en rescision 82.
La lésion n’est pas admise dans certaines ventes immobilières. Il en va ainsi des
ventes qui ne peuvent être faites que d’autorité de justice (1684 code civil). Il en est
également, en principe, des ventes aléatoires83, comme les ventes moyennant rente
viagère, ne peuvent être rescindées. Si le montant des arrérages est inférieur au loyer
de l’immeuble vendu, l’acheteur ne court aucun risque puisque le loyer permet de
payer la rente. Il n’y a aucun aléa dans ce cas84. La jurisprudence considère alors que
80 Civ., 1ère sect. Civ., , 7 juin 1966, Dalloz 1966, 629, rapport du conseiller Ancel, qui affirme que le
supplément que doit payer l’acheteur pour échapper à la restitution de l’immeuble correspond non à la
valeur vénale de l’immeuble au moment où il a été vendu, mais à sa valeur réelle à l’époque où doit
intervenir ce règlement complémentaire. Voy. sur les modalités de calcul : Civ. 3e, 22 janvier 1970,
RTD civ. 1970, 788, obs. Cornu.
81 Civ. 3e, 4 déc. 1973, RTD civ. 1974, 431, obs. Cornu.
82 La somme à payer pour racheter la lésion, lorsqu’il n’y a pas eu de variation depuis la vente, est
conditions d’une vente immobilière s’oppose à ce qu’un tel contrat puisse faire l’objet d’une rescision
pour lésion de plus de sept douzièmes, en l’espèce un bail à nourriture).
84 Civ. 3e, 10 juin 1998, Bull. civ. III, n° 125.
68
ce contrat est annulable, non pas d’ailleurs pour lésion mais pour absence de cause. Il
en est de même dans les cas où l’état de santé ou l’âge du vendeur étaient tels que
l’acheteur n’encourait aucun risque.
Il faut enfin signaler la lésion en cas de partage (art. 888 du Code civil et 855 du
CPF qui fait état d’action en rectification, ouverte, entre autres, à l’héritier qui établit
qu’il a subi un préjudice de plus du quart dans l’évaluation des biens compris dans
son lot)85. La maxime affirme que l’égalité est l’âme des partages).
b) Les cas de lésion prévus par les lois postérieures au Code civil
Tout au long du 19e siècle, le législateur est resté, comme le Code civil, assez
hostile à la lésion. Le 20e siècle s’est montré plus ouvert à la lésion sous l’influence
des crises économiques, de l’instabilité de plus en plus grande des valeurs ainsi que de
doctrines plus favorables à l’intervention du législateur et du juge dans les rapports
contractuels. Au titre des lois postérieures, on note, entre autres :
- l’admission de la rescision pour lésion pour les majeurs sous la protection de
la justice (loi du 3 janvier 1968 en France ; CPF de 1989, art. 636, al. 2) ;
- l’admission de la lésion de plus d’un quart au profit de l’acheteur d’engrais, de
semences ou de plants destinés à l’agriculture, lequel peut obtenir une réduction du
prix et des dommages-intérêts, par la loi du 8 juillet 1907, modifiée par celle du 10
mars 1937 et du 13 juillet 1979 ;
- la rescision pour lésion de plus de 7/12e au profit de l’auteur d’une œuvre
littéraire et artistique (la loi du 11 mars 1957 et la loi burkinabè sur le droit d’auteur
reprend la même règle86) ;
- l’admission de la lésion dans les prêts d’argent et dans les ventes à
tempérament, à travers l’incrimination de l’usure par des textes spécifiques.
Il arrive que le législateur prenne des mesures préventives contre des
opérations qui pourraient être lésionnaires : interdiction de la vente à la boule de
neige, de la pratique des prix discriminatoires, de l’utilisation de clauses abusives… ;
ce genre de lois est souvent assorti de sanctions pénales et les contrats concernés
sont frappés de nullité absolue. Il faut signaler que le Projet d’Acte uniforme de
l’OHADA sur le droit des contrats prévoit une prise en compte généralisée de la
lésion si certaines conditions sont réunies87.
85 Concrètement, si une succession composée de biens en nature de 100 Millions doit être partagée
entre deux héritiers, la part de chacun doit être de 50 millions. Le quart de la part de chaque héritier
est de 12,5 millions. Cela veut dire que si la valeur réelle de la part reçue par l’un des héritiers est
inférieure en valeur aux ¾ de 50 millions, soit 37,5 millions, il pourra invoquer la lésion.
86 Loi n° 048-2019/AN du 19 novembre 2019 portant protection de la propriété littéraire et artistique.
Selon l’article 51 de cette loi, « en cas de cession du droit d’exploitation, lorsque l’auteur a subi un
préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de
l’œuvre, il pourra provoquer soit la rescision du contrat, soit la révision des conditions de prix du
contrat ».
87 L’article 3/10 (avantage excessif) du projet est ainsi libellé :
69
2) Les applications jurisprudentielles de la lésion
Liée par les termes très nets de l’art. 1118 du Code civil, la Cour de cassation
française a affirmé que les juges n’ont pas le droit, en dehors des cas prévus par les
textes, de rétablir l’équivalence des prestations en augmentant celle d’un contractant
ou en diminuant celle de l’autre ou en annulant les contrats comme étant léonins.
Elle se fonde sur la nécessité d’assurer la sécurité générale des affaires. Néanmoins, la
jurisprudence a recouru à divers moyens pour combler les insuffisances du Code civil
afin de modifier ou d’annuler les contrats lésionnaires.
L’une des interventions les plus importantes est relative à la réduction des
honoraires des membres des professions libérales (avocats, notaires, huissiers, experts
comptables, médecins…) lorsque les honoraires paraissent manifestement excessifs
au regard de la prestation fournie par le professionnel. Cette solution d’équité peut
trouver son fondement dans l’insuffisance de cause. Ainsi, le contrat de révélation de
succession par lequel un généalogiste s’engage moyennant rémunération à révéler à
un héritier une succession qu’il ignore a pu être annulé s’il s’avère que l’héritier devait
nécessairement connaître la succession qui lui est advenue.
L’absence ou l’insuffisance de cause a permis à la jurisprudence d’annuler les
ventes d’immeubles consenties moyennant une rente viagère dont les arrérages sont
inférieurs ou égaux aux revenus de l’immeuble, de sorte que l’acheteur n’a aucun
effort à fournir : il acquiert en quelque sorte l’immeuble sans bourse délier.
1) La nullité du contrat ou de l’une de ses clauses pour cause de lésion peut être invoquée par une
partie lorsqu’au moment de sa conclusion, le contrat ou la clause accorde injustement un avantage
excessif à l’autre partie. On doit, notamment, prendre en considération:
a) le fait que l’autre partie a profité d’une manière déloyale de l’état de dépendance, de la détresse
économique, de l’urgence des besoins, de l’imprévoyance, de l’ignorance, de l’inexpérience ou de
l’inaptitude à la négociation de la première; et
b) la nature et le but du contrat.
2) Le tribunal peut, à la demande de la partie lésée, adapter le contrat ou la clause afin de le rendre
conforme aux exigences de la bonne foi.
3) Le tribunal peut également adapter le contrat ou la clause à la demande de la partie ayant reçu
une notification d’annulation pourvu que l’expéditeur de la notification en soit informé sans tarder
et qu’il n’ait pas agi raisonnablement en conséquence. Les dispositions du paragraphe 2 de l’article
3/15 sont alors applicables.
70
Dans une première conception dite subjective, la lésion résulte d’un vice de
consentement. La lésion fait présumer de l’existence d’un vice de consentement. On
peut invoquer à l’appui de cette thèse l’art. 1118 du Code civil selon lequel la lésion
ne vicie les conventions qu’à l’égard de certains contrats ou à l’égard de certaines
personnes. Dans une deuxième conception, on ne se préoccupe pas du
consentement, on va simplement évaluer les prestations des parties et la lésion sera
seulement admise dans certaines hypothèses parce qu’il faut protéger la sécurité des
transactions.
A l’analyse, il n’est pas possible d’adopter la première conception. En effet, si la
lésion faisait présumer un vice de consentement, le législateur aurait admis la lésion
dans tous les contrats puisque l’erreur, le dol et la violence sont des causes de nullité
pour tous les contrats. La deuxième conception semble donc préférable.
2) La position de la jurisprudence
Qui doit prouver la lésion et par quels moyens ? De façon classique, c’est à
celui qui se sent lésé, c’est-à-dire celui qui invoque la lésion, de la prouver. En
principe, la preuve peut être rapportée par tous moyens mais en matière de vente
immobilière une expertise (trois experts qui dressent un procès-verbal en commun,
art. 1678) est nécessaire. Le vendeur peut apporter la preuve de l’intention libérale de
l’acheteur. Cependant, selon l’art. 1674, le vendeur a le droit de demander la rescision
de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté
de demander cette rescision, et qu’il aurait déclaré donner la plus-value. En cas de
révision du contrat, celui-ci est alors valable mais la prestation excessive est réduite. Il
en est ainsi dans le cadre de la loi française sur le sauvetage maritime.
La formation du contrat requiert la capacité des parties, leur consentement, un
objet existant et licite mais également une cause existante et licite.
Section IV : La cause
88C. cass., Requêtes, 28 décembre 1932, DP 1933, 1, 87, rapp. Dumas et Requêtes, 12 mars 1933, DH
1933, 235.
71
1131, 1132 et 1133. Aucun de ces articles ne donne une définition de la cause. Il
convient d’aborder successivement la notion (§ I), la fonction (§ II) et la preuve de la
cause (§ III).
§ I : La notion de cause
72
une forte somme d’argent afin que cette dernière commette une infraction
(assassinat, empoisonnement ou autre).
§ II : La fonction de la cause
La cause est une condition de validité du contrat (C. civ., art. 1108). Sa
fonction varie suivant que la cause est abstraite (A) ou concrète (B).
Selon l’art. 1131 du Code civil, l’obligation sans cause ou sur une fausse cause
ne peut avoir aucun effet. Si l’obligation de l’une des parties n’a pas de cause, le
contrat ne peut se former. Par exemple, si un contrat de vente est conclue sous la
forme d’une rente viagère, si la rente viagère servie est inférieure ou seulement égale
au revenu ou loyer de l’immeuble, la prestation du crédit-rentier est sans cause parce
que la prestation du débit-rentier n’est pas sérieuse : il acquiert la propriété
pratiquement sans bourse déliée. Le crédit-rentier n’a alors aucun intérêt à s’engager.
L’art. 1131 exige que la cause soit licite. A une cause illicite le fait d’acheter une
maison pour y installer la débauche. Mais à quelles conditions la nullité sera-t-elle
prononcée ? Suffit-il qu’une seule des parties connaisse le motif ou le mobile illicite
ou faut-il que celui-ci soit connu des deux parties ?
Pour les contrats à titre onéreux, la jurisprudence exigeait que les deux parties
aient eu connaissance de l’illicéité de la cause pour annuler le contrat. On disait que la
cause doit être entrée dans le champ contractuel. Ainsi, un contrat de bail ne
comporte pas une cause illicite dès lors qu’il n’est pas prouvé que l’exploitation dans
les lieux loués d’une maison de tolérance ait été convenue entre les parties 89. Mais un
revirement a eu lieu : un contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale,
même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du caractère illicite ou
immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat90. Pour les contrats à titre
73
gratuit, de manière classique, la cause illicite n’a pas besoin d’être connue des deux
parties.
C’est à celui qui prétend que le contrat n’est pas causé à en rapporter la preuve.
Ainsi, par exemple, c’est à l’emprunteur de prouver que la somme ne lui a jamais été
remise et qu’en conséquence il n’a pas d’obligation de la restituer.
Une difficulté surgit à propos de l’art. 1132. L’hypothèse est la suivante : une
personne se reconnaît débitrice sans en indiquer la cause. L’art. 1132 valide ces
genres d’opérations parce qu’il crée une présomption simple qu’il existe une cause.
En effet, cet article est ainsi libellé : « La convention n’en est pas moins valable,
quoique la cause n’en soit pas exprimée ». Jusqu’à preuve contraire, un engagement
est sensé avoir une cause. Mais le débiteur peut faire tomber cette présomption par
tous moyens. Cette preuve par tous moyens comporte une exception. Ainsi, « dans les
rapports entre parties, la preuve de la fausseté de la cause exprimée à l’acte doit être administrée par
écrit, dans les conditions prévues par l’article 1341 du Code civil »91. On considère, en effet,
que dans ce cas il s’agit de prouver contre un écrit.
La cause est présumée licite dans un acte juridique. C’est donc à celui qui
entend se prévaloir de l’illicéité de la prouver92. Mais une fois démontrée la fausseté
de la cause, il incombe au créancier de prouver que sa créance repose sur une cause
licite, et, faute par lui de faire cette preuve, il doit succomber dans ses prétentions93.
Après des divergences doctrinales et jurisprudentielles, on admet la preuve par tous
moyens.
La forme du contrat n’est pas directement traitée par le Code civil burkinabè
en raison du principe du consensualisme qui postule que le contrat est valable même
91 Civ. 1ère, 4 juillet 1995, n° 93-16. 236 ; Com. 14 mars 2006, n° 04-17.433, Bull. civ. IV, n° 66 ; D.
2006, p. 948 ; Civ. 1ère, 8 avril 2009, n° 07-20.652 ; Civ. 1ère, 23 février 2012, D. 2012, p. 993.
92 Voy. dans ce sens C. cass. fr., Civ. 1 ère, 1er octobre 1986, Bull. I, n° 230, p. 230.
93 C. cass. fr., civ. 1ère, 20 décembre 1988, JCP 1989, IV, 71.
74
si le consentement est verbalement donné. Toutefois, dans certains cas, la formation
du contrat est soumise à des formalités de nature diverse. Il peut s’agir :
75
La question se pose de savoir quelle est la sanction à appliquer lorsque la
nature de la forme n’est pas précisée. Il arrive souvent que le législateur exige une
forme sans préciser la sanction applicable en cas de manquement. C’est le cas
fréquemment en matière d’obligations d’information. Dans cette hypothèse, le
régime de l’action en nullité pour défaut ou vice de forme dépend de la nature des
intérêts que la forme vise à protéger. Si ceux-ci sont essentiels, la nullité sera
prononcée. Dans le cas contraire, d’autres sanctions comme la responsabilité civile
ou l’effet obligatoire de l’information peuvent être mis en œuvre.
La formation du contrat requiert la réunion des conditions ci-dessus abordées
relatives à la capacité, au consentement, à l’objet, à la cause et à la forme du contrat.
Quelles sont les sanctions si certaines manquent ?
76
pas opposable aux tiers parce que certaines conditions exigées pour son opposabilité,
telle la publicité, ne sont pas respectées.
La nullité doit également être distinguée de la caducité. Le terme de caducité
s’emploie pour qualifier l’état d’un acte juridique qui est valable dans son principe
mais que la survenance ou la non-survenance d’un événement postérieur prive de ses
effets. Ainsi le contrat de mariage devient caduc s’il n’y a pas de célébration du
mariage. Le testament est caduc si le légataire meurt avant le testateur. De même, le
legs, disposition testamentaire, devient caduc si la chose sur laquelle il porte a disparu
du vivant du testateur.
On a également proposé de distinguer la nullité de l’inexistence. Selon une
théorie, un acte serait inexistant lorsqu’un élément essentiel lui manque. Cette théorie
est née à propos du mariage pour les cas où la loi n’a pas expressément prévu de
nullité alors que manifestement un élément indispensable à sa validité fait défaut : par
ex. l’union de personnes du même sexe. Des auteurs l’ont étendue à d’autres actes
comme les contrats en cas de défaut de rencontre des volontés, de vente en l’absence
de prix, et plus récemment lorsqu’il y des clauses prohibées que les textes qualifient
de non écrites. Les principales différences avec la nullité seraient que l’inexistence n’a
pas à être prononcée par un tribunal et l’acte inexistant ne bénéficie pas de la
prescription trentenaire (l’inexistence est donc imprescriptible). Mais cette théorie est
souvent écartée ou rejetée car la doctrine et la jurisprudence préfèrent en général
assimiler l’inexistence à la nullité absolue96. La notion d’inexistence a eu plus de
succès à propos des actes de procédure : ainsi, lorsque la loi exige un acte d’huissier,
par ex. pour une saisie, tout acte en une autre forme est inexistant.
L’analyse du régime de la nullité implique d’examiner d’abord la distinction des
nullités relative et absolue (Section I), de comprendre ensuite la mise en œuvre de la
nullité (Section II) et de préciser enfin les conséquences de ladite nullité (Section III).
96 Deux décisions de la Cour de cassation ont fait appel à la notion d’inexistence en y attachant les
conséquences qui lui sont propres. Ainsi, dans un arrêt rendu le 10 juin 1986, la Première chambre
civile s’est référée implicitement à la notion d’inexistence en y attachant des conséquences
significatives puisqu’elle a décidé que l’action en nullité était, en l’occurrence, imprescriptible (Bull.
Civ. I, n° 159). Autre référence : 5 mars 1991, Dalloz 1993, 508, 1 ère espèce. Pour plus de précisions,
voy. François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, op. cit., n° 414, note 1.
77
S’agissant des intérêts de la distinction, il faut retenir, en premier lieu, que
la nullité absolue peut être invoquée par toute personne intéressée alors que la nullité
relative ne peut être invoquée que par les personnes auxquelles la loi le permet. En
deuxième lieu, il y a lieu de savoir que la nullité absolue n’est pas, en principe,
susceptible de confirmation alors que la confirmation est possible en matière de
nullité relative. Enfin, le délai de prescription n’est pas le même.
Il faut signaler que l’on parle de nullité textuelle quand la nullité est prévue par
un texte et de nullité virtuelle dans les autres cas. Tel peut être le cas quand la loi
exige une condition, de fond ou de forme, sans dire si son absence entraîne la nullité.
La jurisprudence décide dans un tel cas que la sanction est la nullité lorsqu’il apparaît
que la condition violée a suffisamment d’importance. Ainsi, de nombreuses nullités
sont virtuelles mais dans certaines matières s’applique le principe pas de nullité sans
texte.
L’on examinera les applications ayant trait aux éléments de fond de formation
du contrat (A) avant celles liées aux formes ou aux formalités (B).
Pour les cas de nullité relative, on note les vices de consentement (erreur, dol,
violence), l’incapacité (minorité, majeurs incapables mais pas les interdits), la lésion,
qui relève plus de l’objet que de la cause et, concernant l’objet, la vente de la chose
d’autrui.
78
Pour les cas de nullité absolue, on relève l’absence d’objet, l’illicéité de l’objet
ou de la cause, sauf si la condition violée a pour fonction de protéger une partie
(ordre public de protection) et l’immoralité de l’objet ou de la cause dans tous les cas
parce que l’ordre public et les bonnes mœurs sont concernés.
Dans d’autres cas, la nature de la nullité est discutée. Il en va ainsi de l’absence
de consentement et de l’absence de cause. Il semble qu’il faut retenir la nullité relative
car l’absence de cause est une erreur sur la cause, sur le motif déterminant, voire sur
les qualités substantielles, et l’exigence de la cause a pour but de protéger les
contractants.
Quant aux formes, elles reçoivent les sanctions en fonction des distinctions
suivantes :
- formes habilitantes : elles se rattachent aux incapacités d’exercice et sont
sanctionnées en principe par la nullité relative ;
- formes probatoires : elles ne sont pas prescrites à peine de nullité ; leur
violation rendra la preuve plus difficile mais en général l’aveu et le serment
demeurent possibles ;
- formalités de publicité : elles sont sanctionnées par l’inopposabilité vis-à-vis
des tiers et non pas par la nullité ; l’acte produit ses effets entre les parties ;
- formes solennelles : on estime que quand le législateur prescrit une
formalité, la sanction de son absence est la nullité absolue parce que les tiers et la
société ont intérêt à ce qu’un acte soit bien rédigé et conservé.
Il faut distinguer selon que le contrat a été exécuté ou n’a pas été exécuté.
Lorsque le contrat n’a pas été exécuté, la nullité n’est pas subordonnée à
une action en justice. Il suffit à celui qui peut se prévaloir de la nullité de l’invoquer
pour se refuser à exécuter le contrat. Il invoque alors l’exception de nullité. Mais il
n’est pas tenu d’attendre pour invoquer la nullité que l’exécution lui soit demandée. Il
peut prendre les devants en introduisant une action en justice.
79
§ II : Les titulaires de l’action en nullité
La confirmation est un acte unilatéral par lequel celui qui a qualité pour
demander la nullité d’un acte y renonce. Elle a pour effet de couvrir le vice dont cet
acte était atteint. Seules les causes de nullité relative peuvent faire l’objet de
confirmation parce que la nullité est érigée pour protéger un intérêt privé. En matière
de nullité absolue, en principe, on ne peut pas confirmer l’acte nul, c’est-à-dire
renoncer à la nullité parce que c’est l’intérêt général que la nullité veut protéger.
D’ailleurs, si une personne y renonce, les autres titulaires de l’action pourraient
toujours la demander. C’est pourquoi, lorsqu’un acte juridique est atteint de nullité
absolue, les parties au contrat peuvent refaire celui-ci, cette fois-ci sans la cause de
nullité. Ce deuxième contrat prend effet à compter du jour de sa passation tandis que
lorsqu’il y a confirmation, l’acte est valable à compter du jour où le contrat a été
formé à l’origine.
Seront sommairement examinés les conditions (1), les formes (2) et les effets
de la confirmation (3).
80
1) Les conditions de la confirmation
Entre les parties, l’acte est considéré comme valable à partir du jour où il a
été passé et non à partir de la confirmation. La confirmation a donc un effet
rétroactif. Le titulaire de l’action ne pourra plus l’invoquer. A l’égard des tiers,
quelques précisions sont nécessaires. La confirmation ne peut porter atteinte aux
droits des tiers ayants cause à titre particulier. L’ayant cause à titre particulier est
celui qui détient de son auteur des droits sur un bien déterminé ; par exemple,
l’acheteur est l’ayant cause particulier de son vendeur. Cependant, la confirmation
produit ses effets à l’égard des créanciers des contractants.
B- La prescription
81
En matière de nullité relative, le délai est de 10 ans si l’on se réfère au Code
civil applicable au Burkina. Ce délai paraît trop long et demande à être réduit comme
en France où il est de 5 ans. En matière de lésion, le délai est de deux ans dans les
deux pays. En matière commerciale, au Burkina et dans les Etats parties au Traité de
l’OHADA, « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre
commerçants et non commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont soumises à des
prescriptions plus courtes » (AUDCG, art. 16).
Les conséquences de la nullité sont régies par un principe (§ I), lequel connaît
des limites (§ II).
§ I : Le principe
82
L’acte anéanti ne produit aucun effet. La nullité produit un effet rétroactif,
l’acte étant anéanti non seulement pour le futur mais également pour le passé. Il faut
donc effacer l’effet déjà réalisé, qu’il s’agisse d’une nullité relative ou d’une nullité
absolue. La rétroactivité va entraîner la restitution des prestations.
Mais lorsque le contrat est complexe et qu’une seule des clauses est nulle, la
nullité va-t-elle se restreindre à cette clause ou s’étendre à tout le contrat ? La
jurisprudence a proposé de rechercher si la clause a déterminé les parties à passer
l’acte. Dans l’affirmative, tout le contrat est nul. Dans la négative, seule la clause est
nulle et l’on fait alors souvent état de nullité partielle.
97 Crim. 7 juin 1945, Dalloz 1946, 149 selon lequel la cause illicite d’une obligation ne fait pas obstacle
à l’action en répétition et la maxime « in pari causa… » est sans application en l’espèce.
83
Mais d’une manière générale, la jurisprudence a tendance à restreindre la place des
règles « nemo auditur… »98 et « in pari causa… »99.
C- En raison de la capacité
Lorsqu’un acte est annulé pour incapacité, l’incapable n’est pas obligé de
restituer ce qu’il a reçu mais seulement ce qui lui reste. Ainsi, selon l’art. 1312, lorsque
les mineurs ou les majeurs en tutelle sont admis, en ces qualités, à se faire restituer
contre leurs engagements, le remboursement de ce qui aurait été, en conséquence de
ces engagements, payé pendant la minorité ou la tutelle des majeurs, ne peut en être
exigé, à moins qu’il ne soit prouvé que ce qui a été payé a tourné à leur profit. Mais la
jurisprudence interprète restrictivement cet article. En effet, elle considère que
l’incapable doit restituer en intégralité la prestation si elle a été utile, par ex. si elle a
servi à payer une dette. C’est au cocontractant de l’incapable de rapporter la preuve
de l’utilité du paiement.
En supposant que le contrat est parfait, c’est-à-dire valablement formé, il va
produire des effets, lesquels doivent retenir à présent l’attention.
98 Rouen, 2 octobre 1973, Dalloz 1974, 378, note le Tourneau, selon qui la convention qui donne
naissance à une obligation dont la cause est illicite est atteinte d’une nullité que tout intéressé peut
invoquer, sans que puisse lui être opposée la maxime « Nemo auditur… ».
99 Civ. 1ère, 27 novembre 1984, Gazette du Palais 1985, 2, 638, note Chabas.
84
TITRE II : LES EFFETS DU CONTRAT
Le contrat est conclu pour produire des effets : créer, transmettre ou éteindre
des obligations et, parfois aussi, des droits réels : par exemple, la vente entraîne la
transmission du droit de propriété.
Pour connaître les effets particuliers de chaque contrat, il faut savoir ce que les
parties ont réellement voulu, ce qui peut poser un problème d’interprétation
(Chapitre I). Tous les contrats ont pour effet d’obliger les parties (Chapitre II) et, si
l’une n’exécute pas ses obligations, certaines conséquences vont en résulter (Chapitre
III).
85
CHAPITRE I : L’INTERPRETATION DU CONTRAT
Les art. 1156 à 1164 du Code civil burkinabè donnent au juge certaines
directives (§ II) mais elles ne sont pas impératives, en ce sens qu’un pourvoi en
cassation fondé sur leur éventuelle violation est irrecevable. La recherche de
l’intention des parties apparaît comme la directive principale (§ I).
L’article 1156 du Code civil burkinabè dispose que : « On doit dans les conventions
rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s’arrêter au sens
littéral des termes. » Il résulte de cette directive que :
1° Le juge doit rechercher l’intention commune et non l’intention d’une partie.
L’intention commune est celle que les parties avaient au moment de la conclusion du
contrat, mais leur comportement ultérieur peut être de nature à révéler cette
intention.
2° L’intention réelle doit l’emporter sur le sens littéral. En particulier, en cas de
contradiction entre une clause manuscrite et une clause imprimée, surtout une clause
de style (clause habituelle, utilisée dans tous les contrats du même genre et insérée à
l’avance), la première l’emporte, car elle est censée mieux révéler la volonté réelle.
100 En Droit public, l’interprétation ne consiste pas seulement à dégager le sens exact d’un texte qui
serait peu clair, mais aussi à en déterminer la portée, c’est-à-dire le champ d’application temporel,
spatial et juridique, ainsi que l’éventuelle supériorité vis-à-vis d’autres normes. C’est grâce à cette
étendue de la notion d’interprétation que la Cour de justice des Communautés européennes a pu poser
le principe de la prééminence du Droit communautaire sur les Droits nationaux internes (Lexique de
termes juridiques).
86
1) Lorsqu’une clause est « susceptible de deux sens », l’un permettant de lui
faire produire des effets, alors que l’autre la prive de toute efficacité, on doit plutôt
retenir le premier (art. 1157). Raisonnablement, c’est sans doute ce premier sens que
les parties avaient adopté.
2) Quand deux sens, qui permettent de donner effet à la clause, sont possibles,
on doit prendre celui « qui convient le plus à la matière du contrat » (art. 1158). C’est
évidemment ce sens qui paraît le plus conforme à la commune intention des parties.
3) « Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en
donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier » (art. 1161). Cela veut dire que
les clauses doivent être interprétées non pas isolément, mais par référence à
l’ensemble de l’acte.
4) Afin de déceler la volonté des parties, il faut aussi tenir compte, lorsqu’il en
existe, des usages du lieu où le contrat a été conclu (art. 1159).
5) Si le doute subsiste, l’acte « s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur
de celui qui a contracté l’obligation » (art. 1162). L’expression « celui qui a stipulé »
a deux significations possibles : dans la conception traditionnelle, cette personne est
le créancier, par opposition à « celui qui a contracté l’obligation », c’est-à-dire le
débiteur. Mais la formule est parfois comprise comme visant celui qui a rédigé
l’acte, qui peut être, selon les circonstances, le créancier ou le débiteur. Quel qu’il
soit, on considère alors que l’acte doit s’interpréter contre lui, puisqu’il lui appartenait
de mieux le rédiger. Dans ce sens, en France, le Code de la consommation (art. L.
133-2, al. 2) contient une règle semblable au profit des consommateurs : dans les
contrats proposés par les professionnels aux consommateurs, les clauses doivent, en
cas de doute, être interprétées « dans le sens le plus favorable au
consommateur ».
6) Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est
conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont
proposé de contracter (art. 1163).
7) Lorsque dans un contrat on a exprimé un cas pour l’explication de
l’obligation, on n’est pas censé avoir voulu par-là restreindre l’étendue que
l’engagement reçoit de droit aux cas non exprimés (art. 1164).
La question n’est pas a priori compliquée : en principe, seuls les juges du fond
ont compétence dans cette matière (§ I). Cependant, en cas de dénaturation du
contrat, la Cour de cassation est habilitée à intervenir (§ II).
Par le biais de l’interprétation, les juges du fond ont parfois ajouté au contrat
des obligations qui n’avaient pas réellement été envisagées par les parties,
notamment : les obligations de renseignement ou même de conseil, surtout à la
87
charge des professionnels ; les obligations de sécurité dans certains contrats, tel le
contrat de transport.
Les juges ne sont pas liés par la qualification que les parties ont donnée au
contrat et ils ont la faculté de lui attribuer sa véritable qualification pour en déduire
des conséquences légales autres que celles envisagées par les contractants. Le principe
est donc que l’interprétation d’un contrat relève du pouvoir souverain des juges du
fond et le pourvoi fondé sur une mauvaise interprétation est irrecevable. C’est la
position de la Cour de cassation burkinabè dans son arrêt du 5 février 2004. Dans cet
arrêt, elle a reconnu qu'il « …n'est pas de la compétence de la Cour de contrôler l'interprétation
faite souverainement des dispositions contractuelles par les juges du fond »101. En France, c’est
l’arrêt Lubert de la Cour de cassation fr. du 2 février 1808 102 qui a consacré ce
pouvoir souverain des juges. La justification de ce principe est la suivante :
interpréter une clause obscure ou ambiguë entraîne des recherches de fait, dans
lesquelles la Cour de cassation n’a pas à s’immiscer.
88
CHAPITRE II : LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT
Le contrat lie les parties mais, en principe, il n’a pas d’effet à l’égard des tiers :
on dit qu’il a un effet relatif. Pour mesurer l’étendue de ce principe, il convient
d’examiner le rapport entre le contrat et les parties (Section I), celui entre le contrat et
les tiers (Section II) et, enfin, le cas de la simulation qui fait intervenir les parties et les
tiers (Section III).
Section I : Le contrat et les parties
Le principe découlant de l’article 1134, alinéa 1er, du Code civil est que « les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »105. De
ce principe, qui est celui de la force obligatoire du contrat entre les parties, il résulte
trois conséquences principales, qui doivent être explicitées :
1° le contrat ne peut pas être unilatéralement révoqué (§ I) ;
2° le juge n’a pas le pouvoir de le modifier (§ II) ;
3° les contrats doivent être exécutés de bonne foi (§ III).
Les parties ont la faculté de prévoir dans le contrat que l’une d’elles pourra
revenir sur son engagement, souvent à la condition de payer à l’autre une somme
d’argent, fixée forfaitairement, à titre d’indemnité.
105L’article 1134 est une disposition centrale en matière de contrat. Il est libellé comme suit :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour des causes que la loi
autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi ».
89
Cette somme est appelée dédit ou arrhes, surtout dans le droit de la vente.
Celui qui a versé les arrhes peut se libérer en les perdant, l’autre peut le faire en
restituant le double (art. 1590). Les arrhes constituent une réciprocité des dédits. Le
dédit et les arrhes sont à distinguer soigneusement de l’acompte, qui est un paiement
partiel du prix, accompli en exécution d’un engagement ferme de payer la totalité du
prix. Il est parfois difficile de déterminer à quel titre une somme a été versée lors de
la conclusion du contrat. En droit de la consommation, afin d’éliminer toute
difficulté d’interprétation, une loi française du 18 janvier 1992 incorporée dans le
Code de la consommation (art. L. 114-1, al. 4) dispose que, dans les contrats de vente
d’un bien meuble ou de fourniture de services, conclu entre un professionnel et un
consommateur, les sommes versées d’avance par celui-ci sont, sauf stipulation
contraire, des arrhes. Il s’ensuit que chacun des contractants peut revenir sur son
engagement : si c’est le consommateur, il perd les arrhes ; si c’est le professionnel, il
doit en restituer le double.
90
dans un délai d’au plus sept jours au contrat sans avoir à justifier de motifs, ni à payer
de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de renvoi.
Plus rarement, une faculté de dédit est admise par les usages et reconnue par la
jurisprudence, par exemple l’annulation d’une réservation en matière hôtelière, à
condition toutefois de ne pas être faite tardivement.
A- Le principe
106 Dalloz 1916.3.25, concl. Chardenet, et Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, par
Long, Weil, Braibant, Delvolvé et Genevois, Dalloz, 12 e éd., 1999, 184-192. On y relève le considérant
suivant : « Considérant que par suite du concours des circonstances ci-dessus indiquées (guerre ayant
gêné la production du charbon qui sert à produire l’électricité), l’économie du contrat se trouve
complètement bouleversée ; que la Compagnie est donc fondée à soutenir qu’elle ne peut être tenue
d’assurer, aux seules conditions prévues à l’origine, le fonctionnement du service tant que durera la
situation anormale ci-dessus rappelée ».
107 Civ. 6 mars 1876, DP. P. 1876, I, 193, note Giboulot. Les juges du fond s’étaient arrogés le pouvoir
de réviser les redevances dues par les bénéficiaires d’un droit fixé par des contrats datant de trois
siècles, sous prétexte que cette redevance n’était plus en rapport avec les frais d’entretien du Canal de
Craponne. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Aix qui avait élevé à 30 centimes de 1843 à
1874, puis à 60 centimes à partir de 1874, la redevance fixée à trois sols par les conventions de 1560 et
91
Le principe de l’interdiction de réviser le contrat a pour fondement ou
justification la force obligatoire du contrat et le souci de préserver la sécurité des
transactions.
Mais plusieurs arguments, de valeur inégale, sont invoqués contre cette
solution. L’un est tiré de la volonté présumée des parties : elles auraient conclu le
contrat avec la clause sous-entendue qu’il faudrait le renégocier en cas de
bouleversement imprévu des circonstances (clause rebus sic stantibus). Cette
interprétation d’une volonté qui est purement hypothétique est artificielle. Un autre
argument se fonde sur la théorie de la cause : lorsque l’équilibre des prestations est
rompu, l’obligation, devenue beaucoup plus onéreuse, n’aurait plus de contrepartie et
donc plus de cause. Cependant, le défaut de cause suppose une absence de contre-
prestation réelle et un simple déséquilibre, même important, ne suffit pas. On
pourrait rapprocher cette position du principe selon lequel la lésion n’est pas une
cause d’annulation des contrats. Un troisième argument découle de l’obligation
pour les parties d’exécuter de bonne foi les conventions conformément à l’article
1134, al. 3, du Code civil : le créancier qui exige l’exécution d’une obligation devenue
très difficile pour son débiteur manque de bonne foi.
Malgré ces objections, le principe de l’interdiction de réviser le contrat est
maintenu mais diverses exceptions lui sont apportées.
B- Les exceptions
La révision peut être prévue par le contrat (1) ou autorisée par la loi (2).
de 1567. Pour elle, « dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur
paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les
conventions des parties et substituer des charges nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par
les contractants ».
92
Les exceptions véritables découlent de lois qui permettent d’imposer une
révision, alors que les parties ne l’avaient pas envisagée. Tel est le cas par exemple
avec :
- l’art. 1889 C. civ., qui autorise le juge à obliger l’emprunteur d’une chose à la
rendre « s’il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu de son bien » ;
- les art. 900-2 et suivants du Code civil français, qui autorisent le juge à
modifier les charges et conditions d’une libéralité, en cas de « changement de
circonstances » rendant l’exécution de la charge « extrêmement difficile » ou
« sérieusement dommageable »108 ;
- la loi du 25 mars 1949, plusieurs fois modifiée, prévoyant une révision
automatique des rentes viagères en fonction d’un taux qui varie selon la date de
naissance de la rente ;
- les textes sur les baux commerciaux (décret du 30 septembre 1953, plusieurs
fois modifié et AUDCG) permettant au juge de réviser, tous les trois ans et si une
partie le demande, le loyer, en fonction de la « valeur locative » du local ; l’AUDCG
(art. 117) précise qu’à défaut d’accord entre les parties, le nouveau loyer est fixé par
le juge en fonction notamment : de la situation de l’immeuble, de sa superficie, de sa
vétusté, des prix des loyers commerciaux pratiqués dans le voisinage pour des locaux
similaires.
Il faut noter que le projet d’acte uniforme de l’OHADA sur le droit des
contrats basé sur les principes d’Unidroit maintient le principe de l’immutabilité du
droit tout en organisant les possibilités de renégociation et de modification du
contrat109. Le droit français semble avoir adopté cette solution. L’article 1195
108 Cette disposition, issue de la loi n° 84-562 du 4 juillet 1984 qui a pour objet la révision des
conditions et charges apposées à certaines libéralités, n’a pas d’équivalent dans le CPF burkinabè.
109 Ainsi, la section 2 intitule « bouleversement des circonstances », qui fait partie du chapitre 6
93
nouveau du Code civil français prévoit que « Si un changement de circonstances imprévisible
lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait
pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son
cocontractant ». Toutefois, « en cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent
convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander
d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation ». Ce n’est que s’il n’y a pas
d’accord, dans un délai raisonnable, que le juge peut, à la demande d’une partie,
réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. A l’analyse,
cette disposition n’accorde pas un pouvoir de révision automatique au juge. Celui-ci
ne peut procéder à la révision du contrat qu’en cas d’absence ou d’échec de la
renégociation et si les parties n’ont pas convenu de la résolution du contrat.
Cette obligation est formulée dans le 3e alinéa de l’art. 1134 : les parties doivent
faire preuve de loyauté (A) et de coopération (B), c’est-à-dire mettre tout en œuvre
pour respecter l’économie du contrat.
A- L’obligation de loyauté
La loyauté implique :
- de la part du débiteur, une exécution conforme à son engagement et à la
probité, et,
- de la part du créancier, l’absence de manœuvres qui rendraient plus difficile
l’exécution de la prestation de l’autre partie ; il y a déloyauté du créancier dans le cas
suivant : dans un contrat de bail, une clause prévoit la résolution de plein droit pour
non-paiement des loyers après une sommation de payer, restée infructueuse ; si le
bailleur envoie cette sommation en juillet ou en août, en sachant que le locataire est
en vacances, il n’exécute pas de bonne foi la clause du contrat ; lorsque la clause
résolutoire a été mise en œuvre de mauvaise foi, elle ne produit pas d’effet.
B- L’obligation de coopération
4)Le tribunal qui conclut à l’existence d’un cas de bouleversement des circonstances peut, s’il
l’estime raisonnable:
a) mettre fin au contrat à la date et aux conditions qu’il fixe; ou
b) adapter le contrat en vue de rétablir l’équilibre des prestations.
94
de chacun des contractants une obligation d’informer l’autre en fonction du type de
contrat et de la personne qui en est tenue. Elle pèse plus lourdement sur les
personnes qui ont des connaissances, et notamment les professionnels. Divers textes
précisent les informations que certains contractants doivent fournir : par exemple, la
législation sur les baux impose au bailleur de donner au locataire divers
renseignements. En droit burkinabè, l’article 53 de la loi 016-2017/AN du 27 avril
2017 portant organisation de la concurrence impose au professionnel d’indiquer au
consommateur la durée minimale des produits. En droit français, le vendeur de biens
meubles doit indiquer la période pendant laquelle il est prévisible que les pièces
indispensables à l’utilisation du bien seront disponibles sur le marché (art. L. 111-2 C.
consom.);
Le principe en la matière est énoncé dans l’article 1165 du Code civil selon
lequel « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne
nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’art. 1121 »
En réalité, cet article n’est plus interprété aujourd’hui dans un sens absolu : dire que
le contrat ne nuit ni ne profite au tiers, cela signifie plus précisément qu’il ne peut
créer de rapport d’obligation qu’entre les parties contractantes et qu’il ne peut
pas rendre les tiers créanciers ni débiteurs. C’est ce qu’on appelle le principe de
l’effet relatif des contrats qu’il convient d’expliciter (§ I). En plus méritent d’être
abordés la situation des tiers (§ II) ainsi que le cas des contrats destinés à produire
des effets à l’égard des tiers (§ III).
95
La représentation est le mécanisme par lequel une personne – le représenté –
fait conclure un contrat pour son compte par un intermédiaire ou représentant. C’est
une technique très utile qui permet la conclusion de contrats au nom d’une personne
qui n’est pas présente ou qui est incapable. Seul le représenté est partie au contrat. La
représentation a déjà été abordée plus haut à propos de la capacité. L’on peut
rappeler brièvement les conditions (1) et les effets de la représentation (2).
1) Les conditions
110En ce sens : en droit burkinabè : C A Ouagadougou, 3 avril 1998, R.B.D., n° 36, 1999, pp. 250 à
253, obs. F. Ouedraogo ; en droit français : Ass. plén. civ., 13 déc. 1962, D., 1963, p. 277, note J.
Calais-Aulois ; RTDciv., 1963, p. 572, note Cornu ; RTDcom., 1963, 333, n° 5, obs. Houin ; en droit
belge : Cass., 20 juin 1988, R.C.J.B., 1991, p. 45, note R. Kruithof ; J.T., 1989, p. 541 et s.
96
Le représentant peut agir pour le compte du représenté mais en son nom
personnel : la représentation est alors imparfaite (contrat de commission, p. ex.). Ses
effets se déroulent en deux temps : d’abord, seul le représentant est partie au contrat ;
ensuite, il doit transférer ses droits au représenté qui devient partie.
2) La cession de contrat
97
Les tiers ne peuvent être ni créanciers ni débiteurs en vertu d’un contrat auquel
ils sont étrangers. Mais la notion de tiers n’est pas uniforme. On peut distinguer les
tiers absolus (A) et les personnes se trouvant dans une situation intermédiaire (B).
Il convient de distinguer suivant qu’il s’agit d’un droit réel ou d’un droit de
créance. Si le contrat contient un droit réel, la règle est indiscutable, puisque par
nature un droit réel est opposable à tous. S’il s’agit de droits de créance, les tiers sont
tenus de les respecter. Ainsi, un tiers qui, en connaissance de cause, se rend complice
de la violation par un débiteur de ses obligations contractuelles commet une faute qui
engage sa responsabilité. Par ex. : un tiers se rend complice de la violation par un
commerçant d’une obligation contractuelle de non-concurrence ; un patron débauche
l’employé d’un concurrent et le conduit à rompre le contrat de travail qui le lie à cet
employeur. Mais pour que la responsabilité du tiers soit engagée, il faut qu’il ait
connaissance du contrat à la violation duquel il participe. La responsabilité, ne
découlant pas d’un contrat auquel il serait partie, est délictuelle (art. 1382 C. civ.).
111 C. cass. fr., Civ. 1ère, 15 février 2000, Bull. Civ. I, n° 47.
112 C. cass. fr., Com. 4 juin 1985, Bull. Civ. IV, n° 178.
113 En ce sens, l’article 1200 nouveau du Code civil français : « Les tiers doivent respecter la situation
juridique créée par le contrat. Ils peuvent s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un
fait ».
98
d’engager la responsabilité délictuelle du fabricant (la responsabilité de celui-ci est
contractuelle si la victime est l’acheteur).
Il s’agit d’une part de l’ayant cause à titre particulier (1), d’autre part des
créanciers chirographaires (2).
114Loi n° 028-2008/AN du 13 mai 2008 portant Code burkinabè du travail. Selon l’art. 91, al. 1, de ce
code « s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par
succession, reprise sous une nouvelle appellation, vente, fusion, transformation de fonds, mise en
99
2) Les créanciers chirographaires
Ce sont des créanciers qui ne bénéficient pas d’une sûreté (par exemple, une
hypothèque, un gage, un nantissement, privilège général ou spécial) pour garantir le
recouvrement de leur créance. Mais ils ont un droit de gage général sur tous les biens
de leur débiteur (art. 2092 C. civ.), ce qui leur permet de saisir les biens si le débiteur
n’exécute pas son obligation. On verra plus loin la mise en œuvre de ce droit de gage
général.
Les créanciers chirographaires sont plutôt considérés comme des tiers par
rapport aux contrats conclus par leur débiteur. Néanmoins, comme ces contrats
peuvent diminuer leur droit de gage général, la loi leur accorde certaines prérogatives
en vue de les protéger. Il en va ainsi de l’action paulienne, l’action directe ou l’action
oblique.
§ III : Les contrats destinés à produire des effets à l’égard des tiers
C’est une institution qui a connu un essor considérable et qui sert à expliquer
plusieurs mécanismes comme :
société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel
employeur et le personnel de l’entreprise ».
100
- l’assurance sur la vie : le stipulant est le souscripteur du contrat d’assurance
et s’engage à verser des primes ; en contrepartie, l’assureur (promettant) promet de
payer, au décès de l’assuré, une somme à un tiers ;
- l’assurance pour le compte de qui il appartiendra : un expéditeur de
marchandises souscrit une assurance pour le compte de celui qui en sera le
propriétaire au jour du sinistre ;
- la donation avec charge : le donataire (promettant) s’engage envers le
donateur (stipulant) à faire quelque chose au profit d’un tiers qui est le bénéficiaire de
la stipulation.
101
naître. Si la personne ne peut pas être déterminée, la stipulation tourne au profit du
stipulant (ou de ses héritiers).
Cinquièmement, le contrat doit conférer au tiers un droit, ou un avantage
quelconque. Pendant longtemps, on a considéré que la stipulation pour autrui ne
permettait pas, même accessoirement, de faire peser une obligation sur le tiers. La
Cour de cassation française a cependant décidé, le 8 décembre 1987, que « la
stipulation pour autrui n’exclut pas, dans le cas d’acceptation par le bénéficiaire, qu’il soit tenu de
certaines obligations ». Le tiers pourra donc être tenu d’obligations, à condition qu’il les
accepte. En ce cas, il accepte en même temps le droit qui lui est attribué et les
obligations qui l’accompagnent. Par exemple, le tiers désigné comme bénéficiaire
d’une donation peut être lié, s’il accepte la stipulation, par la clause lui interdisant
d’aliéner ou de morceler le terrain qui lui a été donné. L’acceptation du bénéficiaire
joue toutefois, à propos de l’obligation, un rôle différent : alors qu’elle ne fait que
consolider son droit déjà né, elle est indispensable à l’existence même de l’obligation
mise à sa charge.
Pour que la stipulation pour autrui produise tous ses effets et que le droit du
tiers soit consolidé, il faut deux conditions supplémentaires : l’une est négative, l’autre
positive.
La première condition est l’absence de révocation de la stipulation. Les
questions qui se posent à cet égard sont les suivantes :
- D’abord, qui peut révoquer la stipulation ? C’est le stipulant ou, après son
décès, ses héritiers.
- Ensuite, concernant le moment, la révocation peut se produire tant que le
bénéficiaire de la stipulation ne l’a pas acceptée.
- Puis, s’agissant du comment, la révocation peut être expresse ou tacite, à
condition d’être sans équivoque.
- Enfin, concernant les effets, la stipulation ne disparaît pas, mais tourne au
profit du stipulant ou de ses héritiers, à moins que le stipulant ne désigne
un autre bénéficiaire.
102
Si on met à part les rapports entre le stipulant et le promettant définis par le
contrat, il ressort de la stipulation pour autrui que :
- Le bénéficiaire a un droit direct contre le promettant et peut agir directement
contre lui pour le contraindre à exécuter son obligation. Comme le droit du tiers est
issu du contrat, son étendue et ses modalités en dépendent : le promettant peut donc
opposer au tiers les clauses du contrat (p. ex., des clauses limitatives de
responsabilité) et les dispositions légales qui le régissent.
- Le stipulant a la faculté d’agir contre le promettant afin de défendre les
intérêts du tiers : il peut prendre des mesures conservatoires pour protéger le droit du
tiers et même exiger l’exécution de l’obligation du promettant envers le tiers.
L’art. 1119 du Code civil dispose : « On ne peut s’engager… que pour soi-
même ». Il n’est pas possible d’engager autrui par un contrat, car nul ne peut devenir
débiteur d’une obligation contractuelle sans avoir donné son consentement, à moins
d’être un ayant cause du contractant dans les conditions examinées plus haut. Ainsi,
un débiteur ne peut se décharger sur autrui par un accord avec un tiers. Dans ce sens,
le débiteur qui a recours à un sous-contrat demeure tenu des obligations initiales à
l’égard de son cocontractant115, comme par exemple dans la sous-location ou dans la
sous-traitance.
Si une personne ne peut pas créer un engagement à la charge d’une autre, il lui
est tout au moins possible de promettre que le tiers s’engagera : c’est la promesse de
porte-fort.
C- La validité de la promesse de porte-fort
C. cass. fr., civ. 3e, 13 juin 1969, Bull. Civ. III, n° 251 (le locataire principal est tenu de la même
115
103
Si le tiers s’engage, c’est-à-dire ratifie le contrat, deux conséquences en
découlent :
- La première conséquence est que le promettant a exécuté son obligation et
est libéré. Sauf clause contraire, il s’est seulement engagé à ce que le tiers consente,
donc il n’est pas responsable si ce tiers, après avoir accepté, n’exécute pas son
obligation.
- La deuxième conséquence tient en ce que le tiers est rétroactivement engagé
dès le jour où le contrat de porte-fort a été conclu : c’est par cette rétroactivité que,
de façon très atténuée, la promesse de porte-fort déroge au principe de l’effet relatif
des contrats. Cette rétroactivité est consacrée par l’article 1204 nouveau précité
« Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d’un engagement, celui-ci est rétroactivement validé
à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit. »
La simulation peut être définie comme l’opération par laquelle les parties
conviennent de cacher leur accord réel, appelé contre-lettre, derrière un acte
apparent. C’est donc un accord entre cocontractants tendant à faire croire à
l’existence d’une convention (acte apparent ou simulé) ne correspondant pas à leur
volonté véritable, exprimée par un autre acte, celui-ci secret, dénommé contre-lettre.
Il y a lieu d’examiner l’objet et les manifestations de la simulation (A) et les
conditions d’existence de celle-ci (B).
104
- l’objet du contrat, p. ex. le prix réellement convenu est différent du prix
mentionné dans l’acte apparent ;
- la personne même d’une partie : c’est l’interposition de personne ; par
exemple, quelqu’un veut faire une donation à un bénéficiaire qui est incapable, en
vertu de la loi, de la recevoir (telle une congrégation non autorisée) : il s’adresse alors
à un donataire apparent – appelé le prête-nom – qui s’engage à transmettre le bien
au véritable bénéficiaire.
B- Les conditions d’existence
§ II : La validité
Souvent, la simulation cache une fraude, mais ce n’est pas toujours le cas.
Ainsi la simulation n’est pas en elle-même une cause de nullité : l’acte secret est
valable s’il réunit les conditions de validité des contrats ; cependant, si l’acte secret ne
réunit pas ces conditions, par exemple parce que la cause est illicite, il est nul et, en
principe, l’acte apparent ne produit pas d’effet, puisqu’il ne reflète pas la volonté
réelle des parties. Mais, dans certaines hypothèses, la loi prononce directement la
nullité de la contre-lettre, et selon les cas, les parties sont liées ou non par l’acte
apparent. Il en est ainsi de :
- La donation déguisée ou faite à personne interposée dans le but de dissimuler
la donation à un incapable (art. 911 C. civ.) ou entre époux est nulle et l’acte
apparent, qui ne révèle pas la volonté réelle des parties, est sans effet. Donc,
l’ensemble de l’opération est donc annulé.
- L’accord prévoyant un supplément de prix occulte dans la cession d’un
immeuble, d’un fonds de commerce ou d’un office ministériel est nul (art. 128 du
CET). Mais, dans cette hypothèse, l’acte apparent produit ses effets : le vendeur ne
peut pas s’en dégager et se trouve lié par le prix qui y figure, ce qui permet de
105
sanctionner plus efficacement la fraude fiscale, du moins dans l’hypothèse où le fisc
exerce son droit de préemption. En droit français, l’article 1202 nouveau du Code
civil prévoit que « Est également nul tout contrat ayant pour but de dissimuler une partie du
prix, lorsqu’elle porte sur une vente d’immeubles, une cession de fonds de commerce ou de clientèle,
une cession d’un droit à un bail, ou le bénéfice d’une promesse de bail portant sur tout ou partie d’un
immeuble et tout ou partie de la soulte d’un échange ou d’un partage comprenant des biens
immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle. »
Entre les parties, la contre-lettre produit tous ses effets si elle est valable. A
l’égard des tiers, on relève deux principes complémentaires. En premier lieu, les
contre-lettres n’ont pas d’effet à leur égard (art. 1321 C. civ burkinabè et 1201 C. civ.
français). Sont aussi considérés comme tiers, au sens de l’art. 1321, les ayants cause à
titre particulier et les créanciers chirographaires auxquels la contre-lettre pourrait
nuire. En second lieu, les tiers peuvent s’en prévaloir s’ils y ont intérêt 116. Par
exemple, un créancier chirographaire a intérêt à se prévaloir de la contre-lettre dans
laquelle son débiteur qui, par un acte apparent a vendu un bien, reconnaît que cette
vente est fictive, ce qui lui permet de saisir le bien. S’agissant de la preuve de la
contre-lettre, la simulation pour les tiers n’est qu’un fait juridique qu’ils peuvent donc
prouver par tous moyens. Un conflit entre les tiers surgit lorsque les uns se prévalent
de l’acte apparent, les autres de l’acte secret. La Cour de cassation française fait
prévaloir l’acte apparent, car si on permet à des tiers d’invoquer la contre-lettre, c’est
à la condition qu’elle ne nuise pas à d’autres117.
106
CHAPITRE III : L’INEXECUTION DU CONTRAT ET SES
CONSEQUENCES
107
positif utilise encore couramment la notion. Dire que le cocontractant qui n’exécute
pas le contrat engage sa responsabilité contractuelle signifie qu’il est tenu de réparer
les conséquences dommageables que cette inexécution cause à l’autre partie, laquelle
réparation est l’effet de la responsabilité (§ II). Mais, pour ce faire, des conditions
doivent être réunies (§ I). On doit enfin se demander si des modifications
conventionnelles du régime de la responsabilité contractuelle sont possibles (§ III).
L’inexécution peut être un défaut total d’exécution (par exemple, le vendeur n’a
rien livré), une exécution partielle (il n’a livré que la moitié des marchandises), une
exécution défectueuse (il a livré des marchandises détériorées ou des produits avariés)
ou une exécution tardive. La preuve de l’inexécution incombe au créancier, mais le
fardeau est plus ou moins lourd selon que l’obligation inexécutée est de moyens ou
de résultat (1). Le débiteur peut échapper à la responsabilité en invoquant des causes
d’exonération (2)
108
abstrait, l’homme normalement prudent et avisé et, s’il s’agit d’un
professionnel, par référence au membre normalement compétent de sa profession.
Le second est l’article 1147 qui énonce : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au
paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du
retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas d’une cause étrangère qui ne peut pas lui
être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ». Il résulte de cet article que :
- le débiteur est de plein droit responsable en cas d’inexécution ou de retard ;
- le créancier doit simplement prouver cette inexécution ou le retard dans
l’exécution, c’est-à-dire que le résultat promis n’est pas atteint ;
- le débiteur ne peut pas se dégager de sa responsabilité en prouvant seulement
qu’il n’a pas commis de faute ; il ne le peut qu’en établissant une « cause étrangère »
qui ne lui est pas imputable, tel un cas de force majeure ; de là découle le nom
d’obligation de résultat par opposition à celui de l’obligation de moyens.
Il n’est pas toujours facile de savoir si l’obligation est de moyens ou de résultat,
ce qui rend nécessaire la recherche d’un critère.
Ce point appelle quelque développement car plusieurs critères ont été proposés
par la doctrine pour opérer la distinction entre obligations de moyens et obligations
de résultat.
- La lettre des textes : l’art. 1137 parle seulement de celui qui est tenu de
conserver une chose et ne concernerait donc que ce débiteur, tandis que l’art. 1147,
rédigé en termes généraux, serait le principe et s’appliquerait à tout autre débiteur.
Mais cette interprétation littérale a été abandonnée parce qu’il n’y a pas de raison
d’instituer un régime particulier qui serait réservé à l’obligation du conservateur d’une
chose.
- La volonté des parties : si le débiteur promet d’exécuter une obligation aux
contours précis, par exemple livrer un appareil en bon état, son obligation est
ordinairement de résultat. S’il promet seulement de respecter « les règles de l’art », de
faire son possible pour arriver à un résultat, son obligation n’est que de moyens. La
volonté des parties joue dans certains cas un rôle décisif mais souvent elle est
insuffisante et les tribunaux doivent recourir à d’autres critères.
- L’objet de l’obligation : certaines obligations sont, de par leur objet même,
des obligations de résultat. Ainsi, celui qui s’engage à payer une somme d’argent
est tenu du résultat (le paiement) et ne promet pas seulement de faire tout son
possible pour y arriver. Le débiteur est également lié par une obligation de résultat
lorsque l’obligation consiste à ne pas faire quelque chose ou à livrer une chose de
genre. Le critère de l’objet n’est pas toujours déterminant.
109
- L’existence ou l’absence d’aléa : si le résultat doit normalement être atteint
par la mise en œuvre de techniques dont dispose – ou devrait disposer – le débiteur,
l’obligation est de résultat, par exemple, livrer une marchandise en bon état,
transporter une personne ou une chose à bon port. Si le résultat est aléatoire,
l’obligation n’est que de moyens. Par exemple, le médecin ne promet pas la guérison,
mais s’engage à soigner le malade conformément aux données actuelles de la science.
Toutefois, en raison notamment des progrès de la médecine, une place est
maintenant accordée à des obligations de résultat, par exemple, en ce qui concerne la
qualité d’un appareil de prothèse ou en cas d’infections nosocomiales, c’est-à-dire qui
se répandent dans les hôpitaux. A l’image du médecin, l’avocat ne promet pas de
gagner un procès mais s’engage à défendre le plus efficacement possible les intérêts
de son client.
- Le rôle actif ou passif du créancier : Si le créancier a un rôle actif et garde
une certaine liberté d’action, le débiteur n’est tenu que d’une obligation de moyens,
comme l’obligation de sécurité de l’exploitant d’un manège d’équitation ou d’un
remonte-pente. Au contraire, la passivité du créancier est un indice de l’obligation de
résultat. Ainsi, la personne transportée dans un avion ou tout autre engin, comme un
train, un téléphérique, etc., sur la maîtrise duquel elle n’a aucun pouvoir, est
créancière d’une obligation de sécurité incombant à l’exploitant et qui est de résultat.
Pour la même raison, celui qui reçoit une transfusion sanguine est créancier d’une
obligation de résultat de la part du centre de transfusion, qui doit fournir du sang non
contaminé.
Ces critères sont, à des degrés divers, utilisés par les tribunaux, qui toutefois
qualifient souvent l’obligation de résultat ou de moyens sans donner de justification
précise. De plus, des nuances complexifient la distinction.
Les obligations de résultat sont les plus nombreuses car, en général, le créancier
attend un résultat (par exemple, les obligations de payer une somme d’argent, de
livrer une chose de genre, de ne pas faire). Mais la jurisprudence, abondante, est
pleine de nuances, parce que la réalité ne se laisse pas facilement enfermer dans deux
catégories bien distinctes. Aussi chaque groupe d’obligations comporte-t-il des
degrés.
Ainsi, l’obligation de résultat peut être :
- aggravée : par exemple, lorsque le débiteur est responsable même en cas de
force majeure ; l’obligation est alors dite de garantie ;
- allégée : certains débiteurs peuvent s’exonérer de leur responsabilité en
prouvant qu’ils ont fait tout leur possible pour éviter le dommage et n’ont pas
commis de faute (transporteurs maritimes et aériens, en cas de dommage subi par un
passager ou causé à la marchandise ; laboratoire photographique, en cas de perte des
pellicules qui lui ont été confiées pour les développer).
110
Quant à l’obligation de moyens, elle est appréciée moins sévèrement lorsque le
débiteur agit à titre gratuit, et plus sévèrement si c’est un professionnel. L’obligation
de moyens peut être qualifiée d’obligation de moyens renforcée dans certains cas
puisqu’elle est fondée sur une présomption de faute. En effet, selon la jurisprudence,
si l’origine du dommage est inconnue, ses débiteurs ne sont pas en mesure de
prouver l’absence de faute (cette preuve supposerait en effet qu’on connaisse la cause
du dommage afin de pouvoir vérifier si le débiteur avait fait tout son possible pour
l’éviter), et de ce fait leur responsabilité est engagée.
111
- Le caractère imprévisible : l’imprévisibilité s’apprécie au jour de la
conclusion du contrat par référence à la prévoyance d’un homme raisonnable : la
jurisprudence parle couramment d’événements « normalement imprévisibles ». Mais
tout dépend des circonstances, par exemple une intempérie était prévisible, mais non
sa violence.
- Le caractère extérieur : cette condition est plus controversée. L’événement
doit être extérieur, en ce sens qu’il n’est pas imputable au débiteur ni aux personnes
dont il doit répondre : par exemple, le débiteur n’est pas exonéré lorsque son
employé a commis une faute, même imprévisible et irrésistible. Mais souvent la
jurisprudence adopte une conception très large de l’extériorité ou même ne l’exige
pas. Est une force majeure par exemple, si les deux autres conditions sont réunies, :
+ la maladie est « interne » au débiteur (sauf à admettre qu’elle a été causée par
un agent extérieur) ;
+ le chômage du débiteur ; la même analyse lui est applicable ;
+ la grève au sein de l’entreprise du débiteur est « interne », mais la
jurisprudence y voit un cas de force majeure, notamment si elle a des causes
extérieures à l’entreprise (critique de la politique sociale du gouvernement, par
exemple).
b) Le fait du créancier
112
Si l’obligation est de résultat, le débiteur est responsable même lorsqu’il n’a
pas commis de faute : la preuve de l’absence de faute n’a aucun effet exonératoire. Si
l’obligation est de moyens, la responsabilité du débiteur n’est engagée que lorsque sa
faute a été prouvée : l’absence de faute n’est donc pas une cause d’exonération, c’est
tout simplement le défaut d’une condition indispensable à la mise en jeu de sa
responsabilité. En définitive, la preuve de l’absence de faute n’est une véritable cause
d’exonération que dans les cas de responsabilité fondée sur une présomption de
faute : le débiteur peut s’en dégager en prouvant qu’il a été diligent.
B- Le dommage
Quel qu’il soit, le dommage doit présenter plusieurs caractères qui sont les
mêmes qu’en matière extracontractuelle. Seuls des aspects concernant plus
spécialement les contrats sont présentés ici, ceux concernant la responsabilité civile
délictuelle étant abordés ailleurs. La différence essentielle entre les deux régimes de
responsabilité porte sur le caractère prévisible. En effet, les caractères certain et direct
sont sensiblement les mêmes qu’en matière de responsabilité délictuelle.
113
éventuel ne l’est pas. Le caractère direct, prévu à l’art. 1151 du Code civil, exige
un lien suffisant de causalité avec l’inexécution. Le créancier peut réclamer réparation
de la perte éprouvée ou damnum emergens, par exemple, le prix qui avait été payé pour
acheter des marchandises, par la suite perdues au cours d’un transport et la réparation
du gain manqué ou lucrum cessans, par exemple, le bénéfice qui pouvait résulter de leur
revente. La frontière entre préjudice direct (réparable) et préjudice indirect (non
réparable) est parfois délicat à tracer. L’exemple de Pothier est édifiant : si un
marchand vend une vache malade, le dommage direct englobe le prix payé et la
valeur des animaux morts par contagion, mais les dommages plus éloignés –
impossibilité pour l’acheteur de cultiver ses terres, d’en tirer des revenus, de payer ses
créanciers, ce qui a provoqué la saisie de ses biens et sa ruine – sont indirects.
114
téléphone d’un abonné : le débiteur n’a pas accompli son obligation essentielle.
Comme le dol, la faute lourde entraîne la réparation du dommage même imprévisible
(application de l’adage « culpa lata dolo aequiparatur »).
C- La mise en demeure
2) Le domaine
115
- en cas de retard. En effet, l’échéance du terme accordé n’entraîne pas de
plein droit un préjudice au créancier ; aussi doit-il adresser au débiteur une mise en
demeure avant de pouvoir lui réclamer des dommages et intérêts moratoires, c’est-à-
dire destinés à réparer le dommage découlant du retard (mora, en latin). Par exemple,
s’il s’agit d’une somme d’argent, les intérêts ne courent qu’à compter de la
sommation de payer (art. 1153, al. 3). Toutefois, une clause du contrat (art. 1139) ou
un texte spécial (par exemple, art. 1996 pour le mandat : le mandataire doit l’intérêt
des sommes qu’il a employées à son usage, à dater de cet emploi) peut dispenser de la
mise en demeure.
- Lorsqu’il faut que le débiteur soit informé de la volonté du créancier d’exiger
l’exécution, soit parce qu’aucune échéance n’avait été convenue dans le contrat, soit
parce qu’il ignore même l’existence ou le montant de sa dette : par exemple, le
propriétaire qui est tenu de supporter la charge de certains travaux sur l’immeuble
loué doit être informé de leur nécessité par le locataire.
En principe, tout le dommage doit être réparé, ce qui soulève le problème des
modes de réparation (A). Une fois ces modes précisés, il convient de se pencher
particulièrement sur le régime juridique des dommages et intérêts (B).
La réparation peut être faite en nature ou par équivalent (1). Toutefois, dans
certaines particulières, d’autres formes de réparation existent (2).
116
L’article 1142 vise à éviter, et c’est là son fondement, qu’une contrainte
physique soit exercée contre la personne du débiteur. Quant à son domaine, il
n’envisage que les obligations de faire et les obligations de ne pas faire. Pour les
obligations de donner, c’est-à-dire de transférer la propriété d’un bien, il y a deux
situations possibles :
- ou bien le contrat, dès sa conclusion, entraîne le transfert de propriété : dans
ce cas, le contrat ne donne pas naissance à une obligation de donner et il n’y a pas de
problème (il en va de même si l’on retient une autre analyse, selon laquelle
l’obligation est exécutée au moment même où elle naît) ; en matière de vente, c’est la
situation la plus courante ;
- ou bien le contrat n’entraîne pas un transfert immédiat : dans cette hypothèse,
le transfert dépend d’un acte postérieur que doit accomplir le vendeur (p. ex.,
individualisation de la chose de genre ; pesage, comptage ou mesurage pour les
choses vendues « au poids, au compte ou à la mesure », art. 1585) ou l’acheteur
(paiement du prix), et l’exécution de l’obligation de donner est alors subordonnée à
celle d’une obligation de faire.
La raison d’être du principe implique son application quelle que soit la source
de l’obligation, contractuelle ou extracontractuelle.
117
autoriser par justice à détruire l’ouvrage aux frais du débiteur. En définitive, si le
créancier obtient une réparation en nature, le débiteur n’est tenu qu’à une indemnité
pécuniaire.
- L’exécution par une personne autre que le débiteur : le créancier d’une
obligation de faire inexécutée peut être autorisé par justice à la faire accomplir par un
tiers aux dépens du débiteur aux termes de l’article 1144. Celui-ci peut même être
condamné à payer l’avance des frais. Là encore, le créancier obtient ce qu’il attendait,
mais le débiteur est en dernier lieu seulement tenu à une somme d’argent.
- Les modes particuliers de réparation : parfois la loi prévoit des modes
particuliers de réparation. Il en va ainsi de la déchéance d’un droit (par exemple,
le prêteur déchu dans certains cas du droit aux intérêts ou le créancier peut être
déchu de ses sûretés en cas de comportement fautif ayant retardé la cessation des
paiements ou diminuer l’actif ou aggraver le passif du débiteur118) ou de la réfaction
du contrat (par exemple, l’article 1644 prévoit la faculté pour l’acheteur de garder la
chose atteinte d’un vice, en demandant une réduction du prix).
- La constatation d’un acte juridique par un jugement : lorsque
l’obligation de faire consiste dans l’accomplissement d’une formalité, notamment la
signature d’un acte notarié, il peut être passé outre au refus d’une partie par une
décision de justice qui remplace cet acte.
118
Cf. article 118 de l’Acte uniforme OHADA relatif aux procédures collectives d’apurement du
passif du 10 septembre 2015.
119 Art. 1953, al. 3, C. civ. fr. issu de la loi n° 73-1141 du 24 déc. 1973. L’alinéa 3 est ainsi libellé :
« Dans tous les autres cas, les dommages-intérêts dus au voyageur sont, à l’exclusion de toute
limitation conventionnelle, limités à l’équivalent de 100 fois le prix de location du logement par
journée, sauf lorsque le voyageur démontre que le préjudice qu’il a subi résulte d’une faute de celui qui
l’héberge ou des personnes dont ce dernier doit répondre ».
118
- Quant à la date d’évaluation du dommage : la jurisprudence a décidé que
le dommage doit être évalué au jour du jugement définitif de condamnation, afin
que le créancier ne subisse pas les effets de l’érosion monétaire
- S’agissant de la production d’intérêts, il y a lieu de noter qu’en France, pour
inciter le débiteur à un paiement rapide, une loi du 5 juillet 1985 fait produire des
intérêts à la créance de réparation (art. 1153-1 C. civ.). C’est une règle « applicable en
toute matière », y compris dans le domaine des obligations contractuelles.
Concernant le point de départ des intérêts, la créance produit des intérêts à partir
du jour du prononcé du jugement, même en l’absence de demande ou de disposition
spéciale du jugement. Toutefois, le juge peut déterminer autrement le point de départ
des intérêts. Relativement à leur montant, les intérêts sont calculés en fonction du
taux légal. Celui-ci est défini chaque année (il est égal à « la moyenne arithmétique des
douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des
adjudications de bons de Trésor à taux fixe à treize semaines »). Le taux légal est fixé
en fonction du taux des avances de la BCEAO.
Les intérêts courent à dater de la mise en demeure, sauf dans les cas où la loi
les fait courir de plein droit (p. ex., art. 1996 C. civ. pour les sommes que le
mandataire a employées à son usage).
119
Le créancier a droit des dommages et intérêts supplémentaires dans certaines
circonstances. D’abord, lorsque le débiteur en retard a causé par sa mauvaise foi un
préjudice indépendant du retard (art. 1153, al. 4, C. civ.). Deux conditions sont
nécessaires :
- la mauvaise foi du débiteur, c’est-à-dire qu’il savait que, en ne payant pas, il
causait un préjudice au créancier ;
- le créancier doit subir un « préjudice indépendant du retard », c’est-à-dire
autre que la simple privation de la disposition des fonds (p. ex., le créancier a eu des
difficultés financières particulières).
Ensuite, dans des cas particuliers prévus par la loi (p. ex., en cas de non-
paiement d’une lettre de change : art. L. 511-45 C. com., art. 192 du Règlement de
l’UEMOA sur les systèmes de paiement120 ; lorsque l’associé qui devait apporter une
somme dans la société ne l’a pas fait à la date prévue : art. 1843-3, al. 5, C. civ. pour la
France ; art. 43 de l’AUDSC pour les Etats de l’OHADA121).
Les intérêts produisent à leur tour des intérêts, ce que l’on appelle capitalisation
des intérêts ou anatocisme, si cette capitalisation a été demandée en justice et
accordée par un jugement ou décidée par les parties dans une convention spéciale
(art. 1154 C. civ.). Dans tous les cas, l’anatocisme n’est possible qu’à partir d’une
année d’intérêts échus (art. 1154, in fine). Dans de rares hypothèses, l’anatocisme se
produit de plein droit. Par exemple, dans une convention de compte courant (par
laquelle deux personnes – souvent une banque et son client – conviennent d’inscrire
dans un compte unique toutes les créances qu’elles acquerront l’une contre l’autre), le
solde du compte est de plein droit productif d’intérêts, à chaque échéance.
société portent de plein droit intérêt au taux légal à compter du jour où le versement devait être
effectué, sans préjudice de dommages et intérêts, s'il y a lieu ».
120
A- La distinction entre les clauses qui modifient le contenu des
obligations et celles qui portent directement sur la responsabilité
Une partie au contrat accepte qu’une obligation qui pèse sur elle soit plus
lourde. Par exemple, celui dont l’obligation n’est que de moyens accepte qu’elle se
transforme en obligation de résultat ou bien le débiteur s’engage à réparer les
dommages découlant de la force majeure en général ou de certains cas de force
majeure (par exemple, les art. 1772 et 1773 C. civ. sur les baux à ferme). Ces clauses
sont valables. Toutefois, dans un souci de protection, le Code français de la
consommation par exemple, impose, dans les contrats conclus entre professionnels
et consommateurs, au professionnel qui stipule une clause de garantie, de mentionner
clairement que, en tout état de cause, la garantie légale ne disparaît pas (art. R. 211- 4
C. consom.). Il s’agit d’éviter que, par le biais d’une clause apparemment avantageuse
pour lui, le consommateur ne soit indirectement privé des règles légales de garantie.
Il faut succinctement aborder, d’une part, la notion et l’intérêt de ces clauses (1)
et, d’autre part, le sort qui est réservé à de telles clauses (2).
121
Au plan des notions, la clause de non-responsabilité est celle dont l’objet est
d’affranchir le débiteur de sa responsabilité tandis que la clause limitative n’écarte pas
la responsabilité mais limite le montant de la réparation en instaurant un maximum.
Au titre des avantages et inconvénients, les clauses qui écartent ou limitent la
responsabilité présentent une utilité mais ont aussi des inconvénients. Leur utilité est
que le contractant dont la responsabilité est conventionnellement écartée ou réduite,
fait payer ses services moins chers. Comme inconvénients, elles peuvent inciter le
débiteur à une certaine négligence et privent le créancier de tout ou partie de
l’indemnisation de son dommage. Cela pose le problème de leur validité.
122
clauses pénales appelle l’examen d’une part de la définition, des conditions de validité
et d’application de la clause pénale (1), d’une part la règle de la fixité en droit positif
burkinabè (2) et enfin les conditions de la révision en France (3).
Les clauses pénales sont celles qui évaluent par avance et forfaitairement
l’indemnité (peine) qui sera due par le débiteur en d’inexécution. La clause pénale est
à distinguer de la clause de dédit, par laquelle, par exemple, le bénéficiaire d’une
promesse unilatérale de vente s’engage, pour le cas où il déciderait de ne pas acheter,
à verser au promettant une somme d’argent destinée à l’indemniser du fait que cette
personne a dû immobiliser son bien pendant un certain temps. Cette clause de dédit
n’est pas une clause pénale, puisque celui qui doit l’indemnité n’était pas obligé
d’acheter et n’a donc pas failli à ses obligations contractuelles.
La clause pénale est en principe valable aux termes de l’article 1152, al. 1, du
Code civil). Pour mettre en œuvre une clause pénale, il faut préalablement :
- établir l’inexécution de l’obligation ;
- adresser au débiteur une mise en demeure, sauf dispense résultant de l’accord
des parties (art. 1230, C. civ.) ;
Il faut souligner que le créancier ne peut demander à la fois l’exécution forcée
et l’application de la peine convenue (art. 1229, al. 2, C. civ.) : il doit choisir.
Si les conditions d’application sont réunies, la peine est due sans que le
créancier ait à établir l’existence et le montant de son dommage. L’article 1152 du
Code civil burkinabè dispose que « lorsque la convention porte que celui qui manquera de
l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre
partie une somme plus forte, ni moindre ». Il en résulte que, au Burkina et dans les pays qui
n’ont pas réformé le Code civil légué pendant la colonisation, le juge ne dispose
d’aucun pouvoir. La Cour d’appel de Ouagadougou a affirmé ce principe dans un
arrêt rendu le 7 janvier 2016. Selon elle, du moment que la clause pénale est insérée
de commun accord, «…seules les parties ont cette capacité de la modifier, la réviser ou la
supprimer simplement »122.
Pourtant, bien que la clause soit valable, son application peut être source
d’abus, si elle est disproportionnée par rapport au montant du préjudice réel. De ce
fait, en France, depuis 1975, «… le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité
ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.» (art. 1231-5, al. 2 nouveau du
Code civil).
3) Les conditions de la révision en France
123
Il faut une disproportion importante et flagrante entre la peine convenue et
le préjudice réel. Le juge peut réviser même d’office et même si une clause du contrat
interdit la révision. Quant à l’étendue de la révision, le juge dispose d’une large
marge de manœuvre :
- le juge peut réduire ou augmenter la peine, mais non la supprimer ;
- il en fixe souverainement le chiffre, mais le montant du préjudice reste une
limite, c’est-à-dire un plancher, s’il réduit la peine (il ne peut aller plus bas que le
préjudice réel), ou un plafond, s’il l’augmente (il ne peut aller plus haut) ;
- lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la peine peut être réduite, à
proportion de l’intérêt que cette exécution partielle a procuré au créancier (art. 1231-
5, al. 3, C. civ.).
- Toutefois, il est tenu de motiver sa décision. La Cour de cassation exige
du juge qui use de son pouvoir de révision d’en donner les raisons. En revanche, il
n’a pas à motiver spécialement sa décision, s’il fait application purement et
simplement de la clause, parce que la force obligatoire du contrat reste le principe.
§ I : L’exception d’inexécution
A- Les caractères
124
Sa mise en œuvre n’exige pas l’autorisation du juge (c’est une sorte de peine
privée), mais le juge peut être amené ultérieurement à contrôler si l’exception n’a pas
été utilisée abusivement.
C- Les conditions
125
le vendeur à crédit qui doit livrer la chose avant d’être payé, cet ordre chronologique
l’empêche d’invoquer l’exception.
3° Il faut qu’une partie n’exécute pas son obligation, quelle qu’en soit la
cause (faute ou force majeure). Cependant, certains droits admettent l’exception
d’inexécution anticipée, c’est-à-dire la possibilité d’invoquer l’exception même si
l’obligation du débiteur n’est pas à terme. Il en va ainsi du droit français. L’article
1220 nouveau du Code civil dispose que : « Une partie peut suspendre l’exécution de son
obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les
conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être
notifiée dans les meilleurs délais ».
4° Il faut une certaine proportion entre la riposte du créancier, qui suspend
l’exécution de son obligation, et l’inexécution de l’obligation de son débiteur.
L’exception n’est donc offerte qu’au créancier de bonne foi : un contractant n’a pas
le droit de refuser d’exécuter son obligation, si l’inexécution de l’autre partie est
minime ou porte sur une obligation accessoire. Par exemple, le locataire ne peut pas
refuser de payer le loyer lorsque le bailleur n’effectue pas des réparations
d’importance secondaire. En cas d’inexécution partielle, le créancier est en droit de
refuser d’exécuter sa prestation soit partiellement, soit même totalement, à condition
que la riposte ne soit pas disproportionnée.
Une mise en demeure ou une demande en justice n’est pas nécessaire car
l’exception est simplement un moyen défensif qui permet à une partie de refuser
l’exécution lorsque l’autre la réclame.
D- Les effets
En principe, lorsque l’une des parties manque à ses obligations, l’autre peut
réclamer la résolution, c’est-à-dire l’anéantissement du contrat : « La condition résolutoire
est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties
ne satisfera point à son engagement » (art. 1184, al. 1er).
L’expression employée dans l’art. 1184 s’explique par une raison historique
tirée du droit romain : à Rome, les parties inséraient dans certains contrats une clause
de résolution en cas d’inexécution, qui, peu à peu, est devenue une clause de style.
Les rédacteurs du Code civil ont franchi un pas de plus en la considérant comme
toujours sous-entendue. L’alinéa 2 de l’article 1184 offre au créancier une option :
soit demander la résolution, soit exiger l’exécution, si elle est encore possible. Le
droit de demander la résolution découle de l’interdépendance des obligations, chaque
obligation ayant pour cause l’obligation de l’autre.
126
La résolution produit des effets plus graves que l’exception d’inexécution : en
effet, le contrat est anéanti, d’où le principe de la nécessité d’une décision de justice.
Plus rarement, la résolution du contrat est prononcée en raison d’une mésentente
entre les contractants. Tel est le cas de mésentente grave entre associés (AUDSC, art.
200, 5°). Appellent des précisions le domaine (A), l’inexécution, le caractère judiciaire
(B) et les effets de la résolution pour inexécution (C).
A- Le domaine
Il faut que le débiteur ne satisfasse pas à son engagement, dit l’art. 1184, al. 1. Il
peut donc s’agir d’une inexécution totale ou partielle. Mais la gravité de la sanction, à
savoir l’extinction du contrat, doit être proportionnée à l’importance de l’exécution,
si bien que les juges refusent la résolution si l’inexécution invoquée est mineure. La
doctrine estime en général que le mécanisme de la résolution judiciaire n’a été prévu
que pour le cas où l’inexécution est imputable au débiteur. Cependant, la Cour de
124Selon l’article 1978 du Code civil, « le seul défaut de paiement des arrérages de la rente n’autorise
point celui en faveur de qui elle est constituée, à demander le remboursement du capital : il n’a que le
droit de saisir et de faire vendre les biens de son débiteur et de faire ordonner ou consentir, sur le
produit de la vente, l’emploi d’une somme suffisante pour le service des arrérages ».
127
cassation a jugé que, l’article 1184 ne distinguant pas entre les causes de l’inexécution,
le mécanisme doit s’appliquer non seulement lorsqu’elle est fautive, mais aussi quand
elle est la conséquence d’une force majeure125.
C- Le caractère judiciaire
Le principe est que le recours au juge est nécessaire (1). Toutefois, la résolution
peut être non judiciaire (2).
La nécessité de recourir au juge est prévue à l’article 1184, al. 3. Les raisons du
recours au juge sont les suivantes :
- d’abord, la résolution a des conséquences plus graves que l’exception
d’inexécution, puisqu’elle met fin au contrat ;
- ensuite, le juge doit vérifier si les conditions de la résolution sont réunies.
En dehors du cas où les parties sont d’accord pour mettre fin au contrat
(mutuus dissensus), la résolution résulte alors d’un nouveau contrat, on distingue trois
séries d’hypothèses.
128
Pour les contrats à durée indéterminée, la raison de la faculté de résilier
unilatéralement est d’éviter que l’engagement ne devienne perpétuel. Mais le droit de
rompre ne doit pas être exercé abusivement et, sauf circonstances particulières, un
préavis est nécessaire. En outre, dans certains contrats, la loi exige le respect de
conditions spécifiques, destinées à protéger une partie comme le licenciement d’un
salarié ou le congé donné à un locataire.
Pour les contrats fondés sur l’intuitus personae, la raison est que dans ces
contrats la prise en considération de la personne du contractant étant déterminante, il
est normal que la partie qui a placé sa confiance en l’autre puisse résilier l’acte si cette
confiance a disparu. La loi accorde expressément une faculté de résiliation unilatérale
à certains contractants, par exemple, au mandant (art. 2004) et au déposant (art.
1944).
Le droit de rompre unilatéralement peut être exercé pour n’importe quel motif,
mais là encore sans abus.
Les clauses résolutoires sont valables, sauf exceptions légales : par exemple, la
prohibition totale dans les baux à ferme ou partielle dans les baux d’habitation. Leur
effet varie selon les termes employés :
- la clause se borne à dire que le contrat sera résolu en cas
d’inexécution : la jurisprudence y voit un simple rappel de l’art. 1184, ce qui ne
dispense donc pas du recours au juge, ni d’une mise en demeure pour constater
l’inexécution ; en définitive, elle ne sert à rien ;
- la clause stipule que « la résolution aura lieu de plein droit » : le recours
au juge n’est pas nécessaire, mais il faut une mise en demeure ;
- la clause stipule que la résolution aura lieu « de plein droit et sans
sommation » : elle dispense à la fois du recours au juge et de la mise en demeure.
129
de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de
satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. »
Dans tous les cas où la résolution judiciaire n’est pas nécessaire, le juge peut
être amené a posteriori, non à la prononcer, mais à vérifier si ses conditions étaient
bien réunies : par exemple, y-a-t-il eu manquement à une obligation visée par une
clause de résolution de plein droit ? Si un cocontractant a rompu à tort le contrat, il
engage sa responsabilité envers l’autre partie.
D- Les effets
Il faut commencer par poser le problème (A) avant de dégager les solutions qui
lui sont applicables (B).
130
A- La position du problème
1) La solution de principe
En principe, les risques pèsent sur le débiteur (res perit debitori). Les deux parties
sont donc libérées, et leur contrat est résolu de plein droit. Au titre de la
justification, puisque l’obligation d’un contractant est devenue impossible à
exécuter, l’obligation de l’autre se trouve privée de cause.
Quant aux effets, une distinction est à faire selon que l’impossibilité est totale
ou partielle.
- Si l’impossibilité d’exécuter est totale, le contrat est entièrement résolu
ou résilié. La résolution résultant de la force majeure présente quelques différences
avec la résolution pour inexécution fautive. La doctrine estime en général que la
résolution à la suite d’une force majeure devrait s’opérer de plein droit et n’aurait
131
pas à être demandée au juge. Cependant, la jurisprudence fait application de l’article
1184, au motif que ce texte ne distingue pas entre les causes d’inexécution, et en
déduit que la résolution exige là aussi l’intervention du juge. Celui-ci vérifie
notamment si l’inexécution provient bien d’une force majeure. Toutefois, dans
certains cas particuliers, des textes prévoient expressément la résiliation de plein droit
du contrat, p. ex. l’article 1722 relatif au bail. Aucune partie ne pourra être
condamnée à des dommages et intérêts, puisque personne n’a commis de faute.
Dans les contrats translatifs de propriété, les risques pèsent sur le propriétaire
(res perit domino) Il faut aborder, d’une part l’hypothèse visée et sa justification, d’autre
part la conséquence en cas de transfert retardé de la propriété (a) et l’exception en cas
de mise en demeure (b).
Quant à la justification, il faut savoir que la charge des risques est attachée à
la propriété ; or, en principe, l’acheteur devient immédiatement propriétaire dès la
conclusion du contrat : les risques pèsent donc sur lui, en tant que propriétaire
(dominus, en latin), d’où la maxime res perit domino.
132
Lorsque le transfert de propriété est retardé, ce qui est le cas pour les choses
de genre, pour les ventes commerciales de l’AUDCG (art. 275) ou pour les cas où le
contrat l’a prévu, les risques pèsent sur le vendeur, tant qu’il reste propriétaire.
Cependant, lorsque celui qui a acquis la chose a mis le débiteur de l’obligation
de livrer en demeure de livrer la chose, les risques pèsent sur ce débiteur, même s’il
n’est plus propriétaire, car la mise en demeure établit son retard fautif et, de ce fait, il
doit supporter toutes les conséquences (art. 1138, al. 2, in fine).
En conclusion, on peut ajouter que les parties sont libres de régler autrement le
fardeau des risques. Si l’impossibilité d’exécution due à la force majeure n’est pas
définitive, le contrat n’est pas résolu et son exécution n’est que suspendue :
- le débiteur dont l’obligation ne peut plus être exécutée momentanément n’est
pas libéré : dès que l’obstacle aura disparu, il devra accomplir sa prestation ;
- de son côté, le créancier est dispensé d’exécuter son obligation tant que le
débiteur n’exécute pas la sienne.
133
DEUXIEME SOUS-PARTIE :
L’ENGAGEMENT UNILATERAL DE VOLONTE
127 Voy. dans ce sens François TERRE, Philippe SIMLER, Yves LEQUETTE, Droit civil. Les
obligations, Dalloz, 11e éd., 2013, n° 50.
128 Henri, Léon et Jean MAZEAUD, François CHABAS, Michel JUGLART , Leçons de droit civil, Tome
II, 1er volume : Obligations : Théorie générale, Editions Montchrestien, 7e éd., 1985, n° 359.
134
à l’autonomie de la volonté et aucun obstacle théorique ne s’oppose à son admission.
Cependant, son intérêt n’est pas considérable. En effet, l’engagement unilatéral ne
peut être efficace que s’il est accepté par le créancier. La seule différence avec le
contrat est donc la suivante : le contrat ne crée d’obligation qu’au moment où il se
forme par l’acceptation de l’offre, tandis que l’obligation résultant de l’engagement
unilatéral prend naissance dès cet engagement.
Dans la pratique, la thèse de Siegel présente des inconvénients graves. Le
débiteur risque de s’engager sans réflexion suffisante, s’il s’oblige en l’absence d’un
interlocuteur. En outre, le créancier aura les plus grandes difficultés à faire la preuve
d’un tel engagement puisqu’il faudra que le débiteur lui en constitue une et la lui
remette. Les partisans de la thèse de Siegel prétendent que seul l’engagement
unilatéral permet d’expliquer certaines institutions du droit positif et la question se
pose de savoir s’il en est bien ainsi.
Les rédacteurs du Code civil de 1804 n’ont pas placé l’engagement unilatéral au
rang des sources d’obligations et il est peu probable qu’ils y aient eu implicitement
recours. La jurisprudence postérieure au Code civil n’a pas recours à la notion
d’engagement unilatéral. Le droit français semble avoir remédié récemment à cette
situation. Selon l’article 1100-1 du code civil français, « Les actes juridiques sont des
manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou
unilatéraux. » Ainsi, les actes juridiques étant consacrés, l’engagement unilatéral peut
trouver un fondement dans cet article. On observe cette position à propos de
certaines institutions pour lesquelles les partisans de la thèse de Siegel ont prétendu
que les solutions du droit positif s’expliquaient, au moins implicitement, par
l’admission de l’engagement unilatéral. La plupart des exemples donnés semblent
pouvoir se passer de l’engagement unilatéral (A) mais certaines institutions
s’expliquent difficilement sans celui-ci (B).
1) L’offre et l’acceptation
135
duquel le pollicitant s’engage à maintenir l’offre pendant le délai, la responsabilité
civile ou l’abus du droit de révocation.
2) La promesse de récompense
5) Les fondations
Les fondations peuvent être créées en droit allemand par volonté unilatérale en
lui affectant une masse de biens, même par testament. Mais la jurisprudence française
annule toute libéralité consentie à une œuvre qui n’est pas encore une personne
136
morale, ce qui rend très difficile la constitution de fondations par testament, ce qui
montre son refus d’admettre la validité de l’engagement unilatéral.
137
SECONDE PARTIE :
LES FAITS JURIDIQUES
132 Gérard Léger, Droit civil, Les obligations, Mémentos Dalloz, 17 e éd., 2001, p.132.
138
PREMIERE SOUS-PARTIE :
LES QUASI-CONTRATS
Les quasi-contrats sont définis par l’article 1371 comme les faits purement
volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et
quelquefois un engagement réciproque des deux parties. Ils se distinguent des actes
juridiques, bilatéraux ou unilatéraux, qui sont des manifestations de volonté en vue
de produire des effets de droit. Cependant, ils se rapprochent du contrat par leurs
effets.
Les quasi-contrats traités par le Code civil sont la gestion d’affaires (Chapitre
I), la répétition de l’indu (Chapitre II) et indirectement l’enrichissement sans cause
(Chapitre III). En conclusion, l’on notera qu’il s’est posé récemment la question de
l’existence d’une catégorie de quasi-contrats innommés.
133Terré François, Simler Philippe, Lequette Yves, Droit civil, Les Obligations, Dalloz, 11e éd., 2013,
n° 1029.
139
CHAPITRE I : LA GESTION D’AFFAIRES
La gestion d’affaires est le fait pour une personne, le gérant, d’accomplir des
actes d’administration dans l’intérêt d’un tiers, le géré ou maître de l’affaire, sans que
ce dernier l’en ait chargé et en dehors de tout pouvoir légal ou judiciaire. Les
engagements pris par le gérant obligent le tiers qui doit, en outre, si l’initiative est
utile ou nécessaire, rembourser au gérant ses dépenses. Ainsi, on est en présence de
la gestion d’affaires lorsqu’une personne, le gérant, qui n’est pas tenu d’agir en vertu
d’un mandat, de la loi ou d’une décision de justice, accomplit néanmoins un acte dans
l’intérêt et pour le compte d’un tiers, le maître de l’affaire. Par ex., une personne fait
des réparations urgentes à l’immeuble d’un voisin qui n’est pas sur les lieux ou paie
les obsèques d’un ami qui décède sans héritier connu.
La gestion d’affaires, régie par les articles 1372 et suivants du Code civil, est
une source d’obligations pour le maître de l’affaire qui devra indemniser le gérant
mais aussi pour celui-ci, qui en particulier est tenu d’accomplir la gestion en bon père
de famille. Les obligations qui résultent de ce quasi-contrat se rapprochent de celles
qui découlent d’un mandat, aussi parle-t-on de quasi-mandat.
Les parties, si on peut les appeler ainsi puisqu’il n’y a pas de contrat, sont le
gérant d’affaires (A) et le maître de l’affaire (B) qui doivent chacun remplir un certain
nombre de conditions.
A- Le gérant d’affaires
140
habilitation d’un époux à représenter son conjoint lorsque celui-ci est hors d’état de
manifester sa volonté : CPF, art. 302 ).
Il doit avoir l’intention de gérer les affaires d’autrui : s’il croit agir pour son
propre compte, alors qu’involontairement il rend service à un tiers (par exemple, une
personne répare un immeuble en croyant qu’elle en a hérité), ce n’est pas une gestion
d’affaires mais il peut dans un tel cas faire jouer les règles de l’enrichissement sans
cause. Dans ce sens, la Cour de cassation française a décidé dans un arrêt du 25 juin
1919 que l’éditeur qui a exploité des œuvres littéraires uniquement dans l’intérêt de
son commerce personnel et sans volonté de gérer l’affaire d’autrui ne peut pas
invoquer l’action de gestion d’affaires pour se faire allouer par le tiers auquel cette
exploitation a profité une partie des sommes dépensées134. C’est dire que la gestion
d’affaires suppose donc de la part du gérant un acte d’altruisme.
B) Le maître de l’affaire
Il ne faut pas qu’il ait donné son accord, sinon on serait en présence du
véritable mandat. Il ne doit pas non plus avoir exprimé son opposition au gérant : en
effet, celui qui gère les affaires d’une autre personne, en dépit de l’opposition de
celle-ci, commet une faute ou un délit civil qui engage sa responsabilité (art. 1382) et
ne peut pas de ce fait se prévaloir des règles de la gestion d’affaires.
Après une distinction suivant les types d’actes de gestion (A), il convient
d’indiquer les caractères que doit revêtir l’acte pour qu’il y ait gestion d’affaires (B).
134DP 1923, I, 223; S., 1921, I, 12 ; Grands arrêts de la jurisprudence civile, tome 2, 15e 2015 n°239 p.
508.
141
B- Les caractères de l’acte de gestion
par l’hospitalisation d’un ouvrier victime d’un accident du travail, dans un hôtel où il a été recueilli,
constituent des dépenses utiles et nécessaires, auxquelles le patron ne peut se soustraire. En
conséquence, le patron doit, en, vertu des principes de la gestion d’affaires, rembourser intégralement
le montant de ces dépenses à l’hôtelier qui, sur le conseil d’un médecin, a recueilli l’ouvrier au moment
de l’accident l’ouvrier.
142
- Il doit payer les intérêts légaux sur les sommes utilisées à compter du jour où
elles ont été avancées (art. 2001).
143
CHAPITRE II : LA REPETITION DE L’INDU
Le principe de la restitution de l’indu est énoncé dans l’art. 1235, al. 1 er : « Tout
paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition »,
c’est-à-dire à remboursement. Le régime du paiement de l’indu est précisé dans les
articles 1376 et s. : celui qui a reçu le paiement (accipiens) est tenu de rembourser la
somme perçue à celui qui a payé à tort (solvens) : c’est une sorte de quasi-prêt. Le
fondement du paiement de l’indu est :
- soit la théorie de la cause : le paiement indu n’a pas de cause et doit être
annulé ;
- soit, d’après l’opinion dominante aujourd’hui, plutôt dans la théorie de
l’enrichissement sans cause, dont le paiement de l’indu serait une application
soumise à des règles particulières.
Le solvens doit prouver que le paiement était indu. Plusieurs conditions doivent,
à cet effet, être établies
En premier lieu, il doit s’agir d’un paiement : au sens juridique, c’est non
seulement la remise d’une somme d’argent, mais aussi une prestation quelconque.
En deuxième lieu, l’indu doit revêtir un certain caractère. Plusieurs cas peuvent
se présenter.
- Il s’agit d’abord de l’indu objectif : La dette n’existe pas ou n’existe plus (indu
absolu) ou, plus souvent, le solvens a trop payé (indu relatif)138.
- Il s’agit ensuite de l’indu subjectif : La dette existe mais pas dans les rapports
entre le solvens et l’accipiens : il y a erreur sur la personne du créancier ou du débiteur. Il
n’y a pas d’indu si le solvens s’acquitte volontairement d’une dette naturelle, d’une
dette non encore échue (puisqu’elle existe bien) ou lorsque le paiement avait été fait
en vue d’une libéralité ou d’une transaction (par ex. parce que la dette était douteuse).
En troisième lieu, faut-il que le solvens ait payé par erreur ? Pendant longtemps,
la jurisprudence exigeait en principe que le solvens prouve son erreur. Actuellement,
elle distingue deux situations, dont la première a une portée générale. Dans la
première situation où celui qui a reçu paiement n’était pas créancier, parce que la
dette n’existait pas ou parce que le solvens était bien débiteur mais d’une autre
personne, les articles 1235 et 1376 n’exigent pas d’autre condition que le paiement
indu. Pourquoi ? Parce que le droit au remboursement découle uniquement du
138Tel est le cas de l’entreprise qui spontanément paye des cotisation à l’URRSAF sur des primes
volontairement offertes en complément de l’indemnité légale alors qu’une récente décision de la Cour
de cassation excluait expressément ces primes de l’assiette des cotisations sociales (C. cass., Ass. Plén.,
2 avril 1993, Dalloz 1993, 373, conc. Jéol, Grands arrêts, op. cit, 375.
144
caractère indu du paiement : le fondement de l’obligation de restituer réside dans
l’absence de cause du paiement et non dans un vice du consentement (erreur) du
solvens. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation française en a conclu que le
solvens n’a pas à prouver son erreur : dès lors que le paiement était indu, le solvens « est
en droit, sans être tenu à aucune autre preuve, d’en obtenir la restitution »139.
Dans la seconde situation où l’accipiens était bien créancier, celui qui a payé sans
être débiteur doit prouver son erreur. Cette condition est requise dans ce cas
particulier par l’art. 1377 (« Lorsqu’une personne qui, par erreur, se croyait
débitrice »). La justification de cette solution est la suivante : si quelqu’un règle une
dette en sachant qu’il n’en est pas le débiteur, son acte s’explique par l’intention
d’accorder un prêt au véritable débiteur ou de lui faire indirectement une donation en
payant à sa place. ; de plus, comme de son côté le créancier attendait le paiement, il a
pu l’accepter d’une autre que son débiteur en pensant que le règlement était effectué
pour le compte de celui-ci. Par conséquent, pour exiger la restitution, le solvens doit
démontrer qu’il a payé sans être animé par le souci de gérer l’affaire d’autrui ni par
une intention libérale, c’est-à-dire que c’est bien par erreur qu’il a effectué le
paiement.
Lorsque les conditions du paiement de l’indu sont réunies, celui-ci produit les
effets ci-après :
- L’accipiens doit restituer ce qu’il a reçu ou son équivalent si la chose a disparu :
c’est la répétition de l’indu.
- S’il est de mauvaise foi, c’est-à-dire savait qu’il n’était pas créancier, il doit en
outre restituer tous les fruits et intérêts qu’il a perçus. En revanche, l’accipiens de
bonne foi n’est tenu des intérêts qu’à compter du jour de la demande de
remboursement.
- L’accipiens, de bonne ou de mauvaise foi, a droit au remboursement des
dépenses utiles ou nécessaires qu’il a pu faire.
145
CHAPITRE III : L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE
146
La corrélation peut être directe : par ex. une concubine, par son travail non
rémunéré, enrichit le patrimoine de son compagnon.
Elle peut être indirecte, c’est-à-dire que le déplacement de valeur s’opère par
l’intermédiaire du patrimoine d’un tiers. Plusieurs exemples dans ce sens :
- Un fermier achète des engrais sans les payer : le propriétaire des terres s’est
enrichi au détriment du marchand d’engrais par l’intermédiaire du fermier (aff.
Patureau).
- Un homme et sa sœur vivent ensemble ; la sœur fait des achats pour la vie
commune mais ne les paye pas : le commerçant créancier peut agir contre le frère
(aff. jugée par la Cour de cassation française en 1901).
A- L’absence de cause
141Le fournisseur de marchandises livrées au locataire-gérant d’un fonds de commerce n’a pas l’action
d’enrichissement sans cause contre le propriétaire du fonds lorsqu’il est spécifié au contrat de gérance
que les fournitures appartiendront au propriétaire en fin de gérance : l’entrée de ces valeurs dans le
patrimoine du propriétaire a sa juste cause dans les stipulations du contrat C. cass. fr., Civ., 28 février
1939, Soc. Lutetia contre Dambrin, DP 1940, I, 5, note Ripert.
147
B- Le caractère subsidiaire de l’action d’enrichissement sans cause
un autre débiteur de l’appauvri, lorsqu’elle est rendue vaine par l’insolvabilité de ce dernier, ne fait pas
obstacle à l’exercice, contre celui qui s’est enrichi, d’une action fondée sur son enrichissement sans
cause (action intentée par le premier mari contre le père d’un enfant, légitimé en application de l’art.
318 C. civ., après inexécution de la décision obtenue contre de la mère et condamnant celle-ci à
rembourser les sommes versées par son premier époux pour l’entretien de cet enfant).
148
L’enrichissement doit donc exister au jour de la demande. S’il a disparu, la demande
est rejetée, ce qui constitue une différence avec la gestion d’affaires.
Dans l’exemple des travaux, s’ils ont coûté 10 000 000 FCFA, mais coûteraient
12 000 000 FCFA au jour de la demande et 15 000 000 FCFA au jour du jugement,
quelle somme retenir ? Quant à l’enrichissement s’il a apporté à l’immeuble une plus-
value de 7 000 000 FCFA le jour des travaux, mais de 11 000 000 FCFA au jour de la
demande en justice et de 13 000 000 FCFA le jour du jugement, quand se placer pour
l’apprécier ? La jurisprudence considère que pour apprécier l’enrichissement, il faut se
placer au jour où l’action est intentée146. Par contre, le principe du nominalisme
monétaire interdirait de réévaluer l’appauvrissement, qui doit être apprécié le jour où
il apparaît147. Dans l’exemple ci-dessus, l’enrichissement serait de 11 000 000 FCFA
et l’appauvrissement de 10 000 000 FCFA : l’indemnité serait donc de 10 000 000
FCFA.
montant nominal de la dépense exposée. Comparez avec Civ. 1 ère, 26 octobre 1982, Bull. civ. I, n° 302
(pour évaluer l’appauvrissement d’une ex-épouse infirmière qui avait, pendant dix ans, aidé son mari
chirurgien sans être rémunérée et l’enrichissement de ce mari, il faut se placer à la date de la demande
en divorce, en raison de l’impossibilité morale pour la femme d’agir antérieurement contre son mari).
149
annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l’existence d’un
aléa s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer 148.
L’arrêt vise l’article 1371 relatif aux quasi-contrats en général alors que les faits
de l’espèce ne semblent correspondre ni à la gestion d’affaires, ni à la répétition de
l’indu, ni à l’enrichissement sans cause. Cette solution confirmée par la jurisprudence
postérieure149 a relancé l’intérêt de la jurisprudence pour la notion de quasi-contrat.
Une telle action aurait une nature contractuelle dans le cadre de la convention de
Bruxelles150.
148 Cass., Chambre mixte, 6 septembre 2002 (2 espèces), Dalloz 2002, 2963, note D. Mazeaud. Même
sens Civ. 1ère, 18 mars 2003, Dalloz 2003, IR, 1009 ; Paris, 7 février 2003, RCA 2003, n° 195, note
Radé.
149 Cour de cas. civ. 1ère, 18 mars 2003, Bull. civ., n° 85, Dalloz 2003, IR 1009.
150 CJCE 11 juillet 2002, aff. C-96/00, Dalloz 2002, IR 2579, JCP 2003, II, 10055, note Claret.
150
SECONDE SOUS-PARTIE :
LA RESPONSABILITE CIVILE EXTRACONTRACTUELLE
alors qu’il était sous l’emprise d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation ».
151
articles 50 et s. de la loi du 11 mai 2006 portant Code de la sécurité sociale qui définit
les conditions d’indemnisation des accidents de travail. Il y a lieu également de
mentionner les textes qui déterminent d’indemnisation préjudices résultants des
accidents aériens. On peut également citer les nombreux textes qui, au Burkina Faso,
définissent, dans diverses professions (avocat, médecin…), les conditions de la
responsabilité professionnelle. En droit comparé, il convient de noter la directive
européenne du 25 juillet 1985 sur la responsabilité en matière de produits défectueux,
transposée en droit français par une loi du 19 mai 1998.
Mais le droit de la responsabilité civile n’aurait pas eu le rayonnement qu’on
connaît aujourd’hui sans l’œuvre créatrice de la jurisprudence. Celle-ci, confrontée à
de nouveaux cas de préjudices, n’a eu de cesse de renouveler la lecture de ces textes
en allant jusqu’à créer des régimes généraux de responsabilité auxquels les rédacteurs
du Code civil n’avaient pas pensé. Dans cette œuvre, elle a souvent été aiguillonnée
par la doctrine dont les analyses en la matière ont été d’un apport considérable. Mais
cette contribution a rendu la matière si touffue qu’il est malaisé d’en faire une
synthèse brève155.
La responsabilité fait appel à la réunion de trois conditions : le dommage, le
fait générateur et le lien de causalité (Titre I). Une fois ces conditions réunies, se pose
la question de sa mise en œuvre de cette responsabilité (titre II). Cependant, il est
nécessaire de clarifier à titre préliminaire la notion et le fondement de la
responsabilité civile.
152
« Les père et mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants
mineurs habitant avec eux »157.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et
préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis
pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance.
158
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans
prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences
invoquées contre eux ayant causé le fait dommageable devront être prouvées,
conformément au droit commun, par le demandeur de l’instance.
1385. Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à
son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût
sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé.
1386. Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par
sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa
construction.
157 Article 1065 du Code des personnes et de la famille (Zatu AN VII-0013/FP /PRES du 16
novembre 1989 portant institution et application d’un Code des personnes et de la famille au Burkina
Faso). L’article originaire était ainsi libelle : « Le père, et la mère après le décès du mari, sont
responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».
158 Ainsi modifié par la loi du 5 avril 1937, applicable aux colonies par décrets du 3 juillet 1938 et 9
février 1939. De par cette loi et ces décrets, la responsabilité de la colonie ou territoire (maintenant
Etat) a été substituée à celle des membres de l’enseignement public. L’Etat conserve un recours contre
ceux-ci.
153
TITRE PRELIMINAIRE : LA NOTION ET LE FONDEMENT DE
LA RESPONSABILITE CIVILE
154
contraire à l’ordre social, c’est-à-dire, en droit positif, de l’auteur d’une contravention,
d’un délit ou d’un crime.
Il convient d’examiner les différences puis les rapports.
A- Les différences
Sur le plan des éléments constitutifs d’abord, il n’y a d’infraction pénale que
si l’acte commis a été expressément prévu par un texte (pas d’infraction sans texte :
nulla crimen, nulla poena sin lege) alors que le délit civil suppose un fait dommageable
quelconque. L’infraction pénale existe même si elle n’a pu entraîner de dommage
(ainsi sont punissables tentative, vagabondage, mendicité, port d’armes prohibées…)
alors qu’en responsabilité civile, le dommage est absolument indispensable. Souvent,
la faute est en même temps civile et pénale (par exemple, les coups et blessures à
autrui) mais il reste que toute faute civile ne constitue pas forcément une faute
pénale.
Sur le plan des fonctions ensuite : certes, les deux responsabilités poursuivent
la punition et la dissuasion du fautif. Toutefois, la fonction d’élimination ou de
réadaptation de certains condamnés poursuivie par la responsabilité pénale est
étrangère à la responsabilité civile ; en revanche, la fonction de réparation, essentielle,
dans la responsabilité civile n’est pas prioritaire dans la responsabilité pénale.
160 Articles 212-1 à 212-4 du Code pénal (loi n° 025/2018/AN du 31 mai 2018).
155
B- Les rapports
Ces rapports existent lorsque la faute constitue à la fois une infraction pénale et
un délit civil. En ce cas, la victime peut porter son action devant les tribunaux civils
ou devant les tribunaux répressifs. Lorsqu’elle saisit les juridictions répressives161,
en se portant partie civile, elle déclenche du même coup l’action publique obligeant le
ministère public à poursuivre. De même, il y a solidarité de prescription de l’action
civile et de l’action publique. Ainsi, la prescription de l’action civile ne sera plus de 30
ans mais de 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les
contraventions.
161 Les avantages de cette action sont : procédure rapide et peu coûteuse et bénéfice des pouvoirs
importants de rassemblement des preuves du ministère public…
162 Arrêt n° 13, Société U. C/ Monsieur S.E. Monsieur G.D., www.juricaf.org , consulté le 07 mars
2016.
163 Ibidem.
156
§ III : La responsabilité extracontractuelle et la responsabilité
contractuelle
157
tout à fait exclue, spécialement lorsqu’il se pose un problème d’exécution de
l’obligation164.
164
Ph. MAULAURIE, L. AYNES et Ph. STOFFEL-MUNCK, op. cit., n°973, p. 530.
165 Voy. dans ce sens Rémy Cabrillac, op. cit., n° 216.
166 Car il ne s’agit ni de permettre au créancier de cumuler les réparations provenant des deux
n°181 ; Civ. 1er, 24 novembre 1954, JCP 1955, II, 8625 ; 7décembre 1955, D. 1956, p. 136, JCP 1956,
II, 9246.
158
limitations contractuelles deviendront lettre morte. Ce serait une violation du contrat
et une négation de sa force obligatoire168.
Elle doit être abordée sous l’angle sociologique (A) et sous l’angle technique
(B).
A. L’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle sous
l’angle sociologique
civiles considèrent que la responsabilité reste contractuelle (Civ. 9 janv. 1928, S. 1928, 1, 127).
159
hommes se gêneront mutuellement et les dommages s’accroîtront. On note en
particulier, avec le développement du machinisme au 19e siècle, la multiplication des
accidents du travail et de la circulation… Beaucoup de dommages ne sont pas dus à
une faute clairement identifiable. Les pertes ou dommages deviennent donc, quoique
l’on fasse, une donnée : même les astres s’entrechoquent, dit-on. Ce que la société
doit à l’individu, c’est une réparation car l’absence de réparation ou de compensation
pourrait compromettre le droit à l’existence de chacun, qui est le premier principe de
tout régime juridique.
160
Mais si une chose est restée constante tout au long de cette évolution, c’est le
caractère objectif de la responsabilité : le responsable était l’acteur du dommage, non
l’auteur du dommage. Autrement dit, celui qui a commis le dommage devait
réparation, que sa conduite soit fautive ou non. On avait peu d’égard à la déviance
dans la conduite sociale. Autre caractère remarquable de la responsabilité de l’époque
était la collectivisation de la sanction : celle-ci engageait le groupe auquel appartenait
l’acteur.
Sous l’influence des idées morales (la morale ne défend que le fait de nuire
injustement à autrui) et des idées utilitaristes (politique de prévention des dommages :
la prise en compte de la faute oblige l’homme à agir avec diligence), le droit a tendu à
subordonner l’obligation de réparer le dommage à une défaillance de conduite.
Prenant en compte cette évolution amorcée dans l’ancien droit français, le Code civil
de 1804 a consacré une responsabilité civile fondée sur l’idée de faute. Ainsi, ses
articles 1382 (« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ») et 1383 (« Chacun est
responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa
négligence ou par son imprudence ») prévoient-ils une responsabilité reposant sur
une faute prouvée.
a) L’élargissement de la responsabilité
161
Les évolutions économiques et sociales postérieures au code ont révélé les
limites de la responsabilité du fait personnel. L’apparition du machinisme dans
l’industrie, des transports par chemin de fer et l’automobile (symbole de la révolution
industrielle) ont non seulement multiplié les occasions de dommages, mais aussi
aggravé ces derniers. Ces dommages ne résultaient pas nécessairement d’erreurs
humaines (explosion d’une machine à l’intérieur d’une usine, perte de la direction
d’une automobile). Mais même s’il arrivait qu’une faute soit la cause du dommage, il
apparaissait difficile de la prouvée (en cas d’explosion d’une machine, comment
établir la faute de l’exploitant ou celle du fabriquant de la machine ?). Ces dommages,
qu’on a qualifiés d’« anonymes »171 ou d’accidentels172, restaient sans réparation dans
un système de responsabilité du fait personnel. Cette situation va pousser la
jurisprudence, sous l’impulsion de la doctrine, à imaginer des procédés
d’élargissement de la responsabilité. Ces derniers se sont manifestés par l’affinement
de la notion de faute (a1), la consécration des responsabilités sur faute présumée ou
des présomptions de responsabilité (a2), la transformation de la responsabilité
aquillienne en responsabilité contractuelle (a3).
171 François TERRE, Phippe SIMLER et Yves LEQUETTE, op. cit, n° 680, p. 733.
172 Patrice JOURDAIN, Les principes de la responsabilité civile, Connaissance du droit, Dalloz, 8e éd., 2010,
p. 10.
173 Jusqu’à l’arrêt Bertrand du 19 février 1997 (Dalloz 1997.265, note P. Jourdain), les père et mère
pouvaient s’exonérer de leur responsabilité en démontrant qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne
lieu à cette responsabilité. Par l’arrêt Bertrand, la Cour de cassation fr. décide que c’est une
responsabilité de plein droit, c’est-à-dire que les père et mère ne peuvent s’en affranchir qu’en
démontrant une force majeure ou une faute de la victime.
162
Les présomptions peuvent aussi être irréfragables ou absolues ou juris et de jure
lorsque la preuve de l’absence de faute ne suffit pas et qu’il faut en plus démontrer
une cause étrangère (1384, al. 1er, pour les choses, 1385 pour les anim. Dans ce cas, il
ne s’agit plus d’une simple présomption de faute mais plutôt d’une présomption de
responsabilité ou d’une responsabilité de plein droit174. Ainsi la jurisprudence décidait
que la responsabilité du fait des animaux (article 1385 code civil) ne pouvait être
écartée qu’en cas de force majeure (cause étrangère). Puis, par l’arrêt Teffaine (1896),
elle admettait la responsabilité pour vices occultes de la chose, excepté la preuve
d’une force majeure. En 1930, elle généralisait cette solution, à travers l’arrêt
Jand’heur, en consacrant le principe de la responsabilité de plein droit du gardien du
fait de choses qu’il utilise.
174 Voy. dans ce sens Gérard Léger, Droit civil, Les obligations, 17 e éd., 2001, p. 148.
163
de la réparation »175, qui multiplie de manière désordonnée ou excessive les recours
en responsabilité. Toutefois, l’on note un certain renouveau de la faute, avec une
décision du Conseil constitutionnel français de 1982176. En outre, cette indemnisation
collective n’écarte pas totalement la responsabilité civile, car elle implique que la
responsabilité de l’auteur du dommage et donc sa faute soit constatée ou, au moins,
déclarée à l’assurance. La socialisation de la responsabilité est, ensuite, consacrée dans
les hypothèses d’indemnisation collective directe. Celle-ci résulte des initiatives prises
par les pouvoirs publics d’indemniser certains dommages, sans que soit
préalablement établie une responsabilité. Ainsi, des fonds de garantie ou
d’indemnisation ont été mis en place. Au Burkina, un fonds d’indemnisation a été
mis en place en 2002 pour la liquidation et le paiement des droits individuels des
victimes de la violence en politique, c’est-à-dire des personnes ayant subi des
préjudices physiques ou moraux dans la conquête ou la gestion du pouvoir ou ayant
été tuées dans ce cadre177.
La seconde manifestation de la remise en cause de la responsabilité civile tient
à la crainte des dommages de masse ou dommages sériels, liés à l’environnement, qui
peuvent résulter des évolutions techniques nouvelles. L’idée fondamentale est que le
développement actuel comporte des risques susceptibles de créer des dommages
irréversibles, qui n’ont leur pareil dans le passé. Comme l’écrit Hans Jonas, « la
promesse de la technique moderne s’est inversée…Ce que l’homme peut faire aujourd’hui et ce que,
par la suite, il sera contraint de continuer à faire de ce pouvoir, n’a pas son équivalent dans
l’expérience passée »178. Ne faut-il pas, au nom du principe de précaution, imposer des
mesures tendant à prévenir ce type de dommages ? Une réponse affirmative mettrait
en cause la responsabilité civile qui repose sur l’existence d’un dommage certain.
Après ce bref aperçu de l’évolution, il est possible d’exposer brièvement les
différentes théories en présence.
175 V. dans ce sens L. Cadiet, Sur les faits et les méfaits de l’idéologie de la réparation, Mélanges P.
Drai, Dalloz 1999, p. 495 et s. ; Denis Mazeaud, Famille et responsabilité, Etude P. Catala, Litec, 2001,
p. 569 et s.
176 Conseil constitutionnel fr., 22 oct. 1982, Dalloz 1983.189, note F. Luchaire : « Le droit français ne
comporte en aucune matière de régime soustrayant à toute réparation les dommages résultant des
fautes civiles imputables à des personnes physiques ou morales de droit privé, quelle que la gravité de
cette faute ».
177 Cf. Décret 2001-275 du 08 juin 2001 portant création, organisation et fonctionnement d’un fonds
d’indemnisation des personnes victimes de la violence en politique ; modifié par le décret 2002-366 du
20 sept. 2002, J.O.BF. du 05 juill. 2001, p. 1161 ; Décret 2001-276 du 08 juin 2001 portant critères et
conditions d’indemnisation des personnes victimes de la violence en politique, J.O.BF du 05 juill.
2001, p. 1162 ; Décret 2002-97 du 05 mars 2002 portant modalités d’indemnisation des personnes
victimes de la violence en politique ; rectifié par le décret 2002-148 du 3 mai 2002, J.O.BF. du 9 mai
2002, p. 693.
178 In Le principe de responsabilité, Une éthique pour la civilisation technologique, cité par François TERRE,
164
Par les théories, les auteurs veulent expliquer d’une manière cohérente le droit
positif ou le faire évoluer. La responsabilité ayant une fonction préventive,
moralisatrice, voire sanctionnatrice, elle ne peut remplir concrètement son rôle que si
elle fait l’objet d’explications cohérentes, claires et acceptées.
A ce sujet, des réponses ont été apportées par un certain nombre de théories
qui peuvent être classées en deux catégories : les théories principales (A) et les
théories de moindre portée (B).
La responsabilité uniquement fondée sur la faute est dite subjective car elle
s’appuie sur l’analyse du comportement de l’auteur du dommage.
La faute est le fondement classique de la responsabilité civile. Il est certain que
c’est elle qui a inspiré le Code civil de 1804. Il n’y a de responsabilité que s’il y a une
faute volontaire ou involontaire : manque d’adresse, d’habilité, de diligence ou de
prudence dont le résultat pouvait être prévu, au moins confusément. La
responsabilité est ici liée à la culpabilité. Il appartient à la victime de prouver la faute
selon le droit commun de la preuve. Si elle n’y parvient pas, c’est qu’elle subit un
mauvais sort ou la malchance. Dans ce système, un nombre important de
dommages, correspondant à des fautes non prouvées, échappe à la réparation.
Mais dès 1804, on voit que la théorie n’est pas adoptée dans sa pureté : la faute
la plus légère est prise en compte, des présomptions existent. La qualification par la
jurisprudence de certaines de ces dernières en présomptions absolues s’éloigne de
l’idée de faute et se rapproche de la théorie du risque : « Que signifie, en effet, une
responsabilité fondée sur la faute, dans laquelle la preuve, rapportée aussi parfaitement que possible,
d’absence de faute n’est pas libératoire ? »179. Dans le même sens, Josserand note que « la
faute n’a plus d’autre valeur que celle d’un stratagème juridique, d’un procédé
165
technique utilisé en vue d’expliquer artificiellement la naissance de l’obligation
délictuelle ».
Cependant, des auteurs tels que les frères Mazeaud et De Juglart persistent à
fonder toutes les solutions du droit positif sur la faute. Ils font appel à la notion de
faute civile ou de faute sociale, différente de la faute morale, autrement dit, à la faute
objective sans culpabilité : le seul fait de causer un dommage est anormal. Il en est de
même de la faute dans la garde : si le gardien d’une chose est responsable du
dommage qu’elle cause, c’est parce qu’il a nécessairement commis une faute dans la
garde.
C’est pour mieux expliquer les solutions du Code civil et de la jurisprudence et
en même temps élargir la réparation qu’est apparue la théorie du risque.
166
2) La portée des deux théories
Même si elles ne semblent pas être retenues par le droit positif, leurs auteurs
prétendent par elles mieux expliquer les solutions retenues par le droit positif.
Le Procureur général Leclercq est un magistrat belge qui, dans les années 1930,
a voulu donner à la faute une portée plus large afin, disait-il, de répondre aux besoins
de notre époque. Pour lui, la seule atteinte au droit constitue par elle-même une faute
lorsqu’elle provient du fait immédiat de l’homme, c’est-à-dire le dommage provoqué
directement par l’homme ou par une chose maniée par lui. Cette théorie allège le
fardeau de la preuve pesant sur la victime : il suffit de démontrer le dommage et le
fait immédiat de l’homme ; il n’est pas nécessaire d’établir une faute. Cette théorie, de
l’avis d’une bonne partie de la doctrine belge, a très peu influencée les solutions
jurisprudentielles.
2) La théorie de la garantie
167
Développée depuis 1947 par Boris Starck181, cette théorie reproche aux autres
de se placer du seul côté de l’auteur du dommage. Pour lui, il faut se tourner du côté
de la victime qui a subi une atteinte à ses droits : droit à la vie, à son intégrité
corporelle ainsi qu’à celle de ses proches, à l’intégrité de ses biens et, plus
généralement, à sa sécurité matérielle et morale. Sa théorie repose sur une division
des dommages : d’une part, les dommages corporels et matériels qui sont garantis
objectivement sans que l’on exige la preuve de la faute de l’auteur ; d’autre part, les
dommages de nature purement économique ou morale, indépendants de toute
atteinte corporelle ou matérielle, qui ne sont pas garantis en principe, parce qu’ils
sont la suite normale, nécessaire même, de l’exercice du droit d’agir et de nuire que
possède l’auteur du dommage. Ainsi, le droit d’exercer le commerce dans un régime
de libre entreprise permet de faire concurrence à un autre commerçant et
éventuellement de lui nuire en lui retirant tout ou partie de sa clientèle. Pour cette
seconde catégorie de dommages, il est nécessaire d’établir la faute de l’auteur du
dommage.
Bien que prétendant expliquer les solutions du droit positif, cette théorie ne
semble pas avoir inspiré la jurisprudence ni la doctrine, probablement du fait qu’elle
est exagérément complexe. En dehors de la distinction entre les dommages, il y a une
distinction entre les droits qui permettent de nuire et des exceptions à la réparation
systématique des dommages corporels ou matériels : par exemple, en cas de pratique
d’un sport violent comme la boxe, le rugby ou le catch où l’on aurait accepté le
risque. Egalement, pour expliquer que seuls les inconvénients excessifs de voisinage
donnent lieu à responsabilité, bien qu’ils portent atteinte à la sécurité ou à la
tranquillité, on découvre un droit de nuire sur la tête de l’auteur du dommage et il n’y
a alors de responsabilité de l’auteur que s’il a commis une faute. Cela a fait écrire à un
auteur que « cette théorie paraît une construction intellectuelle fictive »182.
Boris Starck prétend lui aussi expliquer les solutions du droit positif. Mais sa
théorie, exagérément complexe et quelque peu artificielle en ce qu’elle crée des droits
nouveaux (droit de nuire au voisinage jusqu’à un certain seuil) et opère une
distinction subtile entre les dommages, n’a pas reçu un grand écho dans la pratique.
Ils sont nombreux les auteurs qui estiment que la responsabilité repose
essentiellement sur la faute et accessoirement sur le risque ou qui admettent la dualité
sans prééminence.
Finalement, il y a plus de force dans la critique que dans la construction : la
critique est aisée mais l’art est difficile. On peut penser que l’existence de la
181 Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile en sa double fonction de garantie et de peine
privée, thèse Paris, 1947.
182 Rémy Cabrillac, op. cit., n° 223.
168
responsabilité précède son essence, c’est-à-dire les théories qui tentent de
l’expliquer.
En conclusion, il faut retenir qu’aucun fondement ou aucune théorie
n’explique à lui tout seul l’ensemble du droit de la responsabilité 183. On peut
cependant noter une certaine prééminence de la faute, ne serait-ce que
terminologique ou formelle, une forte présence du risque qui dispute la
prééminence à la faute et constater que dans l’ensemble aucune théorie ne
parvient à expliquer la réalité sans doute en raison du pragmatisme de la
jurisprudence et de l’artifice de certains rattachements. Tout cela est dû en
grande partie au caractère prétorien de ce droit, d’où l’idée de codifier les
grandes règles de la matière184.
169
TITRE I : LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE
EXTRACONTRACTUELLE
Pour qu’il y ait responsabilité civile, il est nécessaire que soient réunis trois
éléments : un dommage doit avant tout être constaté ; puis par l’établissement d’un
lien ou rapport de causalité, on pourra remonter au fait dommageable ou fait
générateur de responsabilité.
Devant la diversité des faits générateurs (Sous-Titre II), il apparaît des
constantes de la responsabilité, qui sont le dommage et le lien de causalité (Sous-Titre
I).
170
SOUS-TITRE I : LES CONSTANTES DE LA RESPONSABILITE
EXTRACONTRATUELLE : LE DOMMAGE ET LE LIEN DE
CAUSALITE
171
CHAPITRE I :LE DOMMAGE
Le caractère certain du dommage veut dire que le dommage doit exister, être
réel, vrai, non contestable même si la détermination de son montant peut soulever
des difficultés plus ou moins sérieuses186.
Il n’y a pas de problème lorsque le dommage est actuel : la victime a éprouvé
une perte ou manqué un gain. La situation se complique lorsqu’il s’agit d’un
dommage non actuel. La distinction du préjudice futur réparable et du préjudice
seulement éventuel non réparable se manifeste en cas de perte d’une chance. Est
perdue la chance qu’avait un plaideur de gagner son procès dès lors qu’un auxiliaire
de justice a négligé d’accomplir un acte de procédure en temps utile ; il en va de
même que de celle de gagner une course si le cheval ne peut prendre le départ à cause
d’un retard ou d’un accident, ou encore de la chance de réussir à un examen ou à un
185 Art ou science de poser les problèmes.
186 Voy. infra 2ème partie concernant la mise en œuvre de la responsabilité civile).
172
concours si un accident empêche le candidat de s’y présenter ; enfin est perdue la
chance de mariage si le fiancé décède à la suite d’un accident.
La question se pose de savoir dans quelle mesure ce qui a été perdu n’est pas
seulement éventuel puisque la réussite n’était pas assurée ou garantie. Les tribunaux
ont d’abord été hostiles à la réparation de ce genre de dommage. Puis, ils ont admis la
réparation lorsque la chance était sérieuse, par exemple si le cheval était un
champion, si le candidat présentait de sérieuses références, si la probabilité du
mariage était forte, par exemple si le mariage était programmé et proche. Une
tendance se dessine en faveur d’une prise en compte plus large de la perte de chance
en considérant que la chance perdue valait quelque chose et l’évaluation se fait par
des calculs de probabilité, en fonction des circonstances de chaque cas. Dans ce sens,
le Projet Catala en France retient que « la perte d’une chance constitue un préjudice
réparable distinct de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée »
(art. 1346).
Bien que les auteurs n’insistent pas sur cette condition, il est certain que les
tribunaux en tiennent compte, tout comme le font la procédure pénale et la
procédure civile. Selon le code de procédure pénale, l’action civile appartient à tous
ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l’infraction. « Chacun
pour soi ». Un particulier ne peut saisir un tribunal que dans la mesure où le trouble
qu’il dénonce l’atteint dans ses intérêts propres. Cette condition exclut qu’une
personne quelconque puisse poursuivre le responsable en cas d’abstention ou
d’inaction de la victime.
Ce caractère ne fait difficulté que pour les dommages collectifs subis par les
personnes morales telles que les syndicats professionnels et les associations, en
particulier les associations de consommateurs. Bien que leurs actions ne soient pas
aussi largement admises que celles des personnes physiques, on doit admettre qu’il
s’agit d’un dommage personnel consistant dans la lésion portée à l’intérêt collectif
qu’elles représentent. En général, il faut qu’une loi, comme en France la loi Royer de
1973, les autorise à agir en justice187.
187 Il n’est prévu en droit positif que la saisine de la Commission nationale de la concurrence et de la
consommation et non celle de la justice. Ainsi, selon l’article 10 de la 016-2017/AN du 27 avril 2017
portant organisation de la concurrence au Burkina Faso est libellé comme suit : « Pour les faits
susceptibles d’infractions au sens de la présente loi, la commission nationale de la concurrence et de la
consommation est saisie à l'initiative de l'administration ; des organes communautaires en charge de la
concurrence et de la protection des consommateurs ; du parlement ; des consommateurs et des
associations de consommateurs légalement reconnues ; des entreprises ou groupements d’entreprises
légalement constitués ; des organisations professionnelles et syndicales ; etc.
La commission nationale de la concurrence et de la consommation peut se saisir d'office des mêmes
faits ».
173
3) Le dommage doit être direct
Cette condition évoque le lien de causalité qui sera étudié ultérieurement. Dans
tous les cas, le bon sens, l’équité et la justice exigent que l’on ne fasse pas supporter à
quelqu’un toutes les conséquences lointaines de son acte, même fautif. Sur cette voie,
on ne sait plus où l’on s’arrêterait. On ne se sentirait d’ailleurs plus responsable au
sens moral alors que la responsabilité comporte également un aspect préventif et
punitif qui suppose que l’on perçoive un rapport net entre la faute (ou le fait) et le
dommage.
Cette condition évoque à un autre niveau le problème du dommage par
ricochet ou au second degré. Par exemple, une personne accidentée décède. Elle est
la victime directe. Ses héritiers recueillent son action dans la succession et peuvent
agir en tant que continuateurs de sa personne. Mais ils peuvent agir à un titre propre
pour le dommage matériel (perte de subsides ou d’aliments) ou pour le dommage
moral (la douleur qu’ils éprouvent pour la mort de cet être cher). Dans son dernier
état, la jurisprudence admet la réparation du dommage par ricochet s’il remplit les
mêmes conditions que celui du dommage subi par la victime directe (certain,
personnel…).
1) La jurisprudence française
188 Article 12 du Code de procédure civile burkinabè (Loi 22-99/ du 18 mai 1999)
174
La jurisprudence a évolué sur ces questions, notamment à propos des
concubins. Doit-on admettre la réparation du dommage subi par un concubin
consistant dans la perte de la chance de continuer la vie commune lorsque l’un d’eux
meurt à la suite d’un accident ?
Avant 1937, la question était diversement résolue par les juges du fond.
A partir de 1937, la Chambre civile de la Cour de cassation française 189 a refusé
toute réparation au motif que, par leur irrégularité même, les relations de
concubinage ne peuvent présenter le caractère d’intérêts légitimes juridiquement
protégés. Appelée à se prononcer sur la question lorsque l’action civile était jointe à
l’action publique, la chambre criminelle de la Cour de cassation190 décidait que le
concubin survivant pouvait prétendre à des dommages et intérêts lorsque le
concubinage brisé était stable et non adultérin.
Pour mettre fin à la divergence, une Chambre mixte le 27 février 1970 a noté
qu’aucun lien de droit entre défunt et demandeur n’est nécessaire et qu’en l’espèce, le
concubinage ne présentait pas de caractère délictueux191.
La Chambre criminelle en 1975 laissait supposer que, même en cas
d’adultère, la concubine pouvait obtenir des dommages et intérêts si la femme
légitime n’a pas porté plainte192. Or, avec la loi française du 11 juillet 1975, le délit
d’adultère n’existe plus. Par conséquent, la réserve consistant en la plainte de l’épouse
légitime ne peut plus jouer.
Au terme de cette évolution, seule la condition de stabilité du concubinage est
exigée, de sorte que le concubin qui peut démontrer cette condition est légitime à
demander une indemnisation.
La condition de légitimité du dommage n’est pas pour autant entièrement
abandonnée. Elle subsiste dans certaines hypothèses où la victime s’est mise en
situation illicite ou a commis une infraction. Ainsi, il a jugé comme irréparable le
préjudice résultant de la perte de la rémunération ou de gains illicites (les
rémunérations ou profits tirés d’un travail non déclaré ou le gain d’un jeu interdit).
La question d’actualité sur ce plan est relative à la naissance d’un enfant avec
un handicap. En l’espèce, une femme enceinte qui présentait les symptômes de la
rubéole avait manifesté son intention de recourir à l’interruption volontaire de
grossesse en cas d’infection. Les erreurs commises par le médecin et le laboratoire de
biologie lui ont fait croire qu’elle était immunisée. Conformément à une solution déjà
admise par la Cour de cassation, les juges du fond ont décidé que les parents
subissent un préjudice réparable du fait que les fautes médicales les ont privés de la
possibilité de prendre une décision éclairée concernant une interruption volontaire de
grossesse et qu’ils doivent assumer le grave handicap de leur enfant. La Cour de
cassation a jugé que les fautes médicales ayant empêché la mère « d’exercer son choix
175
d’interrompre la grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap,
ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé
par les fautes retenues »193. Cet arrêt a fait couler beaucoup d’encre : certains auteurs
le trouvent non fondé et indéfendable tandis que d’autres l’approuvent.
2) La jurisprudence belge
193 Assemblée plénière, 17 novembre 2000, Dalloz 2000, 332, notes D. Mazeaud et P. Jourdain.
194 2 mai 1955, Pasicrisie 1955, I, 950.
195 Traité élémentaire de Droit civil belge, Bruylant, 1964.
176
de jeux clandestins ou d’une maison de tolérance ou de chambres de passage
n’obtiendra pas réparation si, par le fait d’autrui, son local est détruit et que tarissent
ainsi les sources de substantiels bénéfices.
177
Les dommages extrapatrimoniaux peuvent être rangés en deux catégories
principales. La première concerne les atteintes à un droit extrapatrimonial (droit à
l’honneur par la diffamation ou l’injure, droit à la vie privée par la révélation non
autorisées, droit à l’image par la diffusion d’images non autorisés). La seconde
catégorie de préjudices extrapatrimoniaux a trait aux atteintes à l’intégrité corporelle
de la personne. Il en ainsi du préjudice né des souffrances physiques consécutives
aux blessures ou à une intervention chirurgicale (pretium doloris), du préjudice
esthétique en cas de mutilation ou de cicatrices et du préjudice d’agrément consistant
en la privation des plaisirs spécifiques (pratique d’un sport ou d’une activité
déterminée) liée à un handicap physique. Ce dernier préjudice se subdivise en
préjudice sexuel, en préjudice d’établissement et en préjudice tenant au déficit
fonctionnel (atteinte aux fonctions physiologiques de l’organisme).
Les dommages par ricochet, nommés également dommages réfléchis, sont des
préjudices subis par des personnes du fait des dommages causés à la victime directe.
Ils peuvent être patrimoniaux ou extrapatrimoniaux.
Les dommages patrimoniaux sont, tout d’abord, constitués par la perte des
subsides versées par la victime à ses proches (parents, époux, concubins, enfants…).
L’indemnisation de ce préjudice est subordonnée au décès de la victime et à la preuve
du versement effectif des subsides et du maintien probable d’un tel versement après
le décès. Ils impliquent, en outre, les dommages économiques liés aux dépenses
effectuées par les proches (frais médicaux, frais funéraires…) et la perte éprouvée par
les collaborateurs de la victime (associés, employeurs, créanciers …) en raison de la
privation des services résultant du décès ou de l’invalidité. Mais la jurisprudence se
montre réservée quant à l’indemnisation de ce dernier préjudice. Enfin, il peut s’agir
de compenser l’assistance procurée par les proches à la victime, au delà de ce réclame
l’exécution des obligations auxquelles ces derniers sont tenus (obligation d’assistance
et de secours pour l’époux, obligations légales entre parents et enfants).
Les dommages extrapatrimoniaux consistent essentiellement au préjudice
d’affection (pretium affectionis). Ce dernier résulte le chagrin ou les sentiments
ressentis en raison de la perte d’un être cher ou le spectacle de la souffrance ou de
l’infirmité de ce dernier. L’indemnisation de ce préjudice a suscité l’indignation d’une
partie de la doctrine qui reproche aux victimes par ricochet de vouloir monnayer
leurs larmes ou « tarir leur chagrin avec de l’argent ». La jurisprudence a cependant
admis une telle indemnisation tout en essayant de lui fixer, sans beaucoup de succès,
des bornes. Ainsi, elle a d’abord conditionné la réparation à l’existence d’un lien de
parenté ou d’alliance. Cette condition fût cependant abandonnée, le préjudice étant
une question de fait. Ensuite, elle a tenté de limiter l’indemnisation au cas de décès de
la victime directe. Une nouvelle fois, elle a dû reculer puisqu’elle a admis la
réparation en cas de survie de cette dernière lorsque les blessures sont d’une
178
exceptionnelle gravité. Aujourd’hui, plus aucune limite juridique n’existe pour
l’indemnisation du préjudice d’affectation.
179
CHAPITRE II : LE LIEN DE CAUSALITE
§ I : La problématique
180
La jurisprudence exige que le lien de causalité soit certain (A) et direct (B).
C’est dire qu’il doit exister, être incontestable et être démontré. Si la preuve
n’est pas faite parce qu’impossible, la demande en réparation est rejetée : par
exemple, au cours d’une battue, deux chasseurs tirent en même temps et un tiers est
blessé sans que l’on puisse savoir qui l’a atteint, en principe aucun ne peut être
condamné199. Parce qu’il n’y a pas de présomption de causalité. Par faveur pour la
victime, on s’oriente vers la responsabilité du fait des choses : les chasseurs ayant la
garde de leurs fusils, c’est à chacun d’eux d’apporter la preuve de la non-intervention
de son fusil, sinon ils sont solidairement responsables. Pour les groupements
personnalisés (sociétés civiles ou commerciales, associations…), la responsabilité de
la personne morale est admise dès que sont en cause des actes de ses organes.
199 Cass. fr., civ., 29 septembre 1941, Dalloz 41, 2, 437 ; également Carbonnier, Weill et Terré.
181
l’existence du dommage suffit. En effet, si tout s’est déroulé selon les prévisions de
l’auteur, il est normal de lui imputer les conséquences de son fait.
Elle a été développée par l’auteur allemand Von Buri en 1885. Pour cette
théorie, tous les événements qui ont conditionné le dommage sont équivalents ; tous
en sont à titre égal la cause. Tout fait sans lequel le dommage ne se serait pas produit
peut en être dit la cause, et l’auteur du fait peut dès lors être obligé à réparer l’entier
dommage200.
200 Selon le Pr Gérard Légier (op. cit., p. 165), « tout événement qui est une condition du dommage,
c’est-à-dire sans lequel il n’aurait pu se produire, est considérée comme une cause et oblige son auteur
à une réparation intégrale ».
182
Cette théorie présente un grand intérêt pour la victime qui a ainsi de fortes
chances d’être indemnisée. Ainsi, dans l’exemple ci-dessus, la victime pourrait
engager, solidairement ou individuellement (dans ce dernier en s’en prenant à une
personne solvable qui peut prendre l’ensemble du dommage en charge), la
responsabilité :
- de l’entreprise de location de véhicules, qui a loué un car aux pneus lisses ;
- du chauffeur en état d’ébriété et de celui qui est son commettant, à savoir
l’agence de voyage ;
- l’Etat ou la collectivité publique responsable du bon état des routes.
Dans la pratique, certains événements ou causes pourraient de fait être
privilégiés, ce qui tendrait à rapprocher la théorie de l’équivalence des conditions de
celle de la causalité adéquate.
Elle est inspirée de l’Allemand Von Kries à la fin du 19e siècle. C’est une
théorie qui s’oppose à la précédente parce qu’elle est plus sélective. Elle ne retiendra
dans les éléments ayant concouru à la réalisation du dommage que celui ou ceux qui,
suivant le cours normal des choses, ou la suite naturelle des événements entraînent
des dommages de l’espèce considérée, par opposition aux causes qui n’entraînent un
tel dommage que par suite de circonstances extraordinaires (comme gifler quelqu’un
qui meurt). Dans l’exemple ci-dessus, l’état d’ébriété pourrait être considéré comme
la cause adéquate de l’accident. Il y a cependant de sérieuses difficultés de mise en
œuvre.
On retiendra cependant qu’il y a des théories abandonnées.
A- En droit belge
183
La jurisprudence retient assez nettement la théorie de l’équivalence des
conditions. Ainsi, la Cour d’appel de Gand soutient “que le juge du fond peut
considérer comme cause chaque circonstance sans laquelle le fait ne se serait pas
produit, tel qu’il a eu lieu”201. La Cour de cassation belge a décidé qu’il y a une
relation causale entre une faute et un dommage lorsque, sans la faute, ledit dommage
ne se serait pas réalisé de la manière dont il s’est produit 202.
Systématisant cette solution, de Page pose trois règles :
- dans la survenance d’un dommage, la causalité multiple est sans influence dès
l’instant où, parmi les événements qui ont concouru à la création du dommage, se
trouve une faute ;
- la relation causale, une fois établie, peut donner naissance à de multiples
effets (plusieurs dommages : matériel, moral, assurance, Etat) ;
- le lien qui unit dans l’ensemble des conditions la faute au dommage doit
revêtir un caractère de nécessité (même s’il est indirect ou médiat).
B- En droit français
184
personne gravement blessée dans un accident de la circulation est imputable à
l’auteur de l’accident205. L’auteur d’un accident à la suite duquel une personne a été
transportée à l’hôpital, a été transfusée et a été contaminée est responsable de la
contamination206. Mais les choses ne sont pas toujours bien tranchées : c’est ainsi
qu’une personne qui a facilité un vol parce qu’il a laissé ses clés dans sa voiture n’est
pas responsable du dommage causé par le voleur207.
C’est pourquoi, des auteurs soutiennent que la jurisprudence ne s’appuie pas
nécessairement sur les théories.
C- En droit burkinabè
§ I : La pluralité d’auteurs
Lorsque le fait fautif constitue une infraction, l’article 214-22 du nouveau Code
Pénal burkinabè (Loi 025-2018/AN du 31 mai 2018) instaure la solidarité entre les
coresponsables de sorte que la victime, dont la situation est très favorable, peut
obtenir réparation de l’un quelconque d’entre eux, quitte à ce que celui qui aura payé
se retourne contre les autres. Ledit article est ainsi libellé : « Toutes les personnes
condamnées pour un même crime ou pour un même délit sont tenues solidairement
l’absence de la survenance du fait retenu contre le défendeur, le dommage ne serait pas produit » (op.
cit., n° 323.
205 Crim. 14 janv. 1971, Dalloz 1971, 164.
206 Civ. 1ère, 17 fév. 1993, JCP 1994, II, 22226, note Dorsner-Dolivet.
207 Civ. 2e, 20 déc. 1972, JCP 1973, II, 17541, note Dejean de La Batte ; Civ. 2e, 17 mars 1977, Bull.
civ., n° 91 (le propriétaire d’une pelleteuse laissée avec la clé de contact n’est pas responsable des
dommages causés par le voleur avec l’engin).
185
des amendes, des restitutions, des dommages-intérêts et des frais. » Cette disposition
est interprétée de manière large par la jurisprudence. Elle s’applique en particulier aux
délits en matière fiscale. Dans tous les cas, il est nécessaire qu’il y ait une infraction.
Lorsqu’il n’y a pas d’infraction, la solidarité prévue par le Code pénal ne peut
jouer. Par faveur pour la victime, la jurisprudence a créé l’obligation in solidum ou
solidarité imparfaite qui permet à la victime de ne pas devoir diviser ses recours et
d’obtenir réparation de l’un quelconque des responsables, qui pourra se retourner
contre les autres. L’obligation in solidum comporte les effets essentiels de la solidarité
mais non les effets secondaires qui supposent l’idée de représentation réciproque,
comme ceux prévus par les articles 1206 et 1207 du Code civil (1206 : les poursuites
interrompant la prescription contre l’un sont valables à l’égard de tous ; 1207 : la
demande d’intérêt formée contre l’un est valable à l’égard de tous).
L’obligation in solidum joue dans les hypothèses suivantes :
- intervention prouvée de plusieurs personnes, de plusieurs choses ;
- faute collective de tous les participants : dans la pratique des jeux dangereux
(ou même non dangereux), si un tiers ou même un participant est blessé, la
responsabilité partielle du groupe est engagée ;
- garde collective (ballon de rugby, football) garde des fusils en cas de
chasse…).
Quant aux rapports entre coauteurs, ils sont complexes : s’ils sont tous tenus
sur la base de la faute (art. 1382), celui qui a payé peut se retourner contre les autres
et la répartition est fonction de la gravité de la faute de chacun ; s’il s’agit d’une
responsabilité du fait des choses, la répartition se fait par tête ; celui qui est tenu sur
la base de la faute ne peut se retourner contre celui qui est responsable sur la base de
1384, alinéa 1er. En plus de la subrogation, celui qui a payé dispose d’une action
personnelle lui permettant de poursuivre un coauteur que la victime a renoncé à
poursuivre208.
§ II : La pluralité de causes
186
- la force majeure et le fait de la victime : la victime supporte les conséquences
du choix du destin ;
- la force majeure et le fait du défendeur : le défendeur ne supportera que sa
part de responsabilité ; c’est la solution retenue par l’arrêt Lamoricière de la Cour de
cassation française, chambre com., du 19 juin 1951209, solution critiquée car avec la
théorie de l’équivalence des conditions, la responsabilité du défendeur est intégrale ;
- le fait du défendeur et le fait de la victime : c’est une responsabilité partagée si
le fait de la victime constitue une faute ;
- le fait du défendeur et le fait d’un tiers : on tombe dans l’hypothèse d’une
pluralité d’auteurs ; le défendeur peut être tenu pour le tout, quitte à se retourner
contre le tiers.
209 Cour de cas. fr., Com. 19 juin 1951, tous ouvrages : grande tempête et mauvais charbon,
responsabilité partagée (1/5 à l’armateur : gardien ; 4/5 à la tempête).
187
SOUS-TITRE II : L’ELEMENT VARIABLE DE LA RESPONSABILITE :
LE FAIT GENERATEUR
188
CHAPITRE I : LE FAIT PERSONNEL
Pour bien cerner la notion de faute, il faut commencer par définir la faute (§ I)
avant d’examiner les éléments constitutifs de celle-ci (§ II).
§ I : La définition de la faute
189
Pour Planiol, la faute est un manquement à une obligation préexistante.
Quand l’obligation n’est pas déterminée, cette définition est d’un intérêt limité.
Une autre définition classique considère comme faute tout fait illicite
imputable à son auteur, c’est-à-dire que celui qui agit conformément à la loi ne
commet pas de faute. Mais la définition ne dit pas quand est-ce il y a faute (les juristes
suisses réclament la suppression du mot illicite et le retour à la faute).
Pour les frères Mazeaud (Leçons de Droit civil, p. 378), la faute est une erreur
ou une défaillance de conduite telle qu’elle n’aurait pas été commise par une
personne avisée, placée dans les mêmes circonstances « externes » que le défendeur.
Cette définition paraît embrasser les différentes catégories de faute. En France,
l’avant-projet Catala de réforme du Code civil reprend en substance cette
définition lorsqu’il retient que : « constitue une faute la violation d’une règle de
conduite imposée par la loi ou un règlement ou le manquement au devoir général de
prudence et de diligence » (art. 1352, al. 2).
La faute est considérée comme une notion de droit. De ce fait, il y a un
contrôle effectué par la juridiction de cassation (Cour de cassation au Burkina, en
France et en Belgique ; auparavant, il y a eu au Burkina la Chambre judiciaire de la
Cour suprême ou de la Haute cour judiciaire) sur le point de savoir si les faits
souverainement constatés par les juges du fond constituent une faute.
Tout comme la faute pénale, des auteurs (Weill et Terré, Gérard Légier…) ont
soutenu que la faute civile (délit ou quasi-délit) nécessitait la réunion de trois
éléments : un élément légal, un élément matériel et un élément moral.
A- L’élément légal
Dans cette conception, il peut s’agir d’un texte quelconque comme le Code de
la route, le Code de l’urbanisme, le Code pénal (toute violation de la loi pénale est
aussi en général une faute civile mais une faute civile peut exister en l’absence de
faute pénale), d’un usage (par exemple consacré par un code de déontologie), d’une
réglementation privée (règles de jeu en matière sportive) et, plus généralement, en
l’absence d’un texte spécial, d’une règle d’origine morale : l’obligation d’agir de bonne
foi, de ne pas nuire à autrui, de se comporter de manière prudente et avisée. C’est
dire que les articles 1382 et 1383 suffisent comme fondement de la responsabilité. Il
n’est pas nécessaire qu’il y ait un texte précis visant des faits définis comme en droit
pénal où le principe est « nullum crimem, nulla poena sine lege ».
190
B- L’élément matériel
C- L’élément moral
La diversité des fautes civiles peut être approchée à travers un certain nombre
de classifications.
191
Ensuite, en matière de sécurité sociale, la loi n°015-2006 du 11 mai 2006
portant régime de sécurité sociale applicable aux travailleurs salariés et assimilés au
Burkina Faso (article 112), ne permet de poursuivre l’employeur ou ses préposés
en matière d’accidents du travail stricto sensu ou de maladie professionnelle que s’ils
ont intentionnellement provoqué l’accident ou la maladie.
La faute intentionnelle s’apprécie in conreto par rapport à la personne elle-même
tandis que la faute non intentionnelle s’apprécie in abstracto par rapport au bon père
de famille.
Dans les faits, la jurisprudence tient compte de la faute intentionnelle pour en
général ne plus rechercher l’existence d’un lien de causalité ou pour accorder une
réparation plus importante à la victime sans l’affirmer. Ce sont les dommages-intérêts
punitifs pratiqués aux Etats-Unis.
192
C’est une distinction ou classification qui a perdu de son intérêt, sauf dans
certaines matières particulières. Le principe, en effet, est que la gravité de la faute n’a
aucun effet sur la fixation du montant des dommages-intérêts, lesquels sont fonction
uniquement du dommage. Il en est ainsi même s’il s’agit d’une faute légère (culpa
levis) ou même d’une faute très légère (et levissima culpa venit)215. Malgré ce principe
d’assimilation, la diversité des fautes n’est pas sans incidence en matière de
responsabilité délictuelle216.
La faute lourde, outre ses conséquences graves, est une faute stupide
traduisant l’incurie (insouciance, manque de soin) de son auteur. La faute lourde peut
consister dans l’abus dans l’exercice des voies judiciaires ainsi qu’on le verra.
La faute inexcusable est d’une gravité exceptionnelle et l’auteur a eu
conscience du danger qu’il a couru. En France, la faute inexcusable de l’employeur
permet au salarié ayant subi un accident du travail d’obtenir une majoration des
prestations que lui doit la sécurité sociale. La propre faute inexcusable du salarié
entraîne une diminution des prestations auxquelles il a droit. Sous l’empire de la loi
burkinabè de la sécurité sociale du 30 janvier 1959, ces distinctions semblaient
admises. Dans la réglementation en vigueur (loi du 11 mai 2006 portant code de la
sécurité sociale), il n’est nulle part question de faute inexcusable.
Faute lourde et faute inexcusable peuvent dans le droit commun influencer,
dans les faits, le juge dans la fixation des DI.
On sait que dans diverses hypothèses, le même fait constitue une faute civile et
une faute pénale, que certaines infractions ne sont pas des fautes civiles (mendicité,
vagabondage) et enfin que de manière générale la faute civile est plus large que la
faute pénale.
La question qui se pose concerne les personnes morales. Sont-elles
responsables en droit civil ? En droit pénal français, burkinabè et belge, le principe a
été pendant longtemps l’irresponsabilité des personnes morales, principe qui
supporte des exceptions pour certaines infractions économiques et fiscales 217. A la
suite de réformes récentes, le Code pénal français et le Nouveau code pénal
burkinabè consacrent le principe de la responsabilité pénale des personnes
morales218, même si cette responsabilité demeure discutable.
215 Cela serait une différence entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle, le débiteur
étant tenu dans cette dernière responsabilité seulement de sa faute légère et non de sa faute très légère.
En pratique, c’est le juge qui apprécie et n’est pas sûr qu’il fasse attention à cette différence.
216 Voy. dans ce sens François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, op. cit., 11e éd., 2013, n° 726 et
728.
217 Sur l’affirmation de l’irresponsabilité des personnes morales, voy. Cour de cass. fr., Criminel, 16
à objet civil, commercial, industriel ou financier au nom et dans l'intérêt de laquelle des faits
193
Le droit civil admet très largement et depuis longtemps la responsabilité des
personnes morales. Les explications réelles de l’admission de cette responsabilité
tiennent dans la plus grande solvabilité des personnes morales, notamment des
sociétés, ce qui n’est pas pour déplaire aux victimes, et également à une considération
de faveur pour les dirigeants. Sans revenir sur la « réalité »219 de la personnalité
juridique des sociétés et autres personnes morales, il n’est pas contestable que celles-
ci n’ont pas une volonté qui pourrait fonder sérieusement leur responsabilité pour
faute. La responsabilité sur la base des art. 1382 ou 1383 ne peut être engagée que
pour les faits des organes investis du pouvoir de décision et de représentation : CA,
président du CA ou directeurs généraux, P-DG, administrateur général dans les
sociétés anonymes, gérants des SARL, bureau pour une association ou pour un
syndicat. La personne morale peut engager sa responsabilité du fait d'autrui (salariés
de l'entreprise).
La faute ordinaire est celle qui n’est pas professionnelle. On appelle faute
professionnelle celle commise par une personne dans l’exercice de sa profession. Par
exemple, le médecin, le pharmacien, l’avocat, l’architecte, le transporteur.
La faute professionnelle implique une responsabilité civile professionnelle qui
appelle quelques remarques :
- d’une part, la faute professionnelle est appréciée selon le comportement du
professionnel avisé, diligent, appliquant les données acquises de la science ou de l’art
concerné ;
- d’autre part, la responsabilité professionnelle est essentiellement contractuelle
(transport, responsabilité médicale…) et, très souvent, l’obligation qui en résulte est
souvent une obligation de moyens et non de résultat.
Cependant, elle peut être délictuelle : en cas de décès du cocontractant, les
héritiers peuvent renoncer à l’action contractuelle du de cujus pour exercer une action
propre de nature délictuelle. (De plus, la responsabilité du notaire et la responsabilité
du transporteur bénévole sont délictuelles).
La responsabilité professionnelle est souvent couverte par une assurance, qui
peut être obligatoire.
Section III : L’abus de droit
d'exécution ou d'abstention constitutifs d'une infraction ont été accomplis par la volonté délibérée de
ses organes ou de son représentant, dans l’exercice de leur fonction. ».
219 La réalité est une fiction selon certains auteurs.
194
L’abus de droit peut être défini comme le fait pour le titulaire d’un droit de le
mettre en œuvre en dehors de sa finalité ou comme l’utilisation d’un droit en le
détournant de son objet ou de sa finalité dans une intention maligne, dans le but de
nuire à autrui.
En principe, lorsque l’on cause un dommage à autrui par l’exercice normal de
son droit, l’on n’est pas tenu à réparation. Par exemple, celui qui creuse dans le sol de
son terrain pour élever un immeuble et coupe les veines d’eau qui alimentent la
source qui jaillissait dans le fonds voisin ne saurait être rendu responsable.
Des auteurs tels que Planiol ont soutenu que le droit cesse où l’abus commence
(solution qui, si elle ne condamne pas l’existence de l’abus des droits refuse la
qualification). Pour eux, la loi ne peut défendre ce qu’elle permet.
Or la jurisprudence française, belge et burkinabè, même si elles réaffirment
chaque fois le principe selon lequel l’exercice d’un droit ne peut constituer une faute,
admettent l’existence de l’abus des droits, sauf en ce qui concerne les droits dits
discrétionnaires (ex., droit des parents d’autoriser ou de ne pas autoriser le mariage
d’un enfant mineur, droit d’acquérir la mitoyenneté d’un mur ou de s’opposer au
maintien des ouvertures qu’il comporte, droit de couper les branches qui débordent
d’un fonds voisin sur votre propriété).
Le principal critère le plus souvent retenu est l’intention de nuire sans motif
légitime. Les partisans des thèses sociales proposent un élargissement. Pour eux, les
droits sont accordés à des fins sociales. Dès lors que le droit est détourné de son but,
qu’il est utilisé anormalement, il y a abus des droits. Pour les frères Mazeaud, une
simple faute suffit.
§ II : Le domaine
L’abus des droits est retenu dans de nombreux domaines sur le fondement de
l’art. 1382, c’est-à-dire de la faute.
- L’exercice abusif du droit de propriété : il peut être illustré par l’affaire
Clément Bayard. En l’espèce, un propriétaire voisin d’un terrain d’atterrissage pour
ballons dirigeables avait construit sur son fonds, sans aucune utilité pour lui,
d’énormes hangars sur lesquels étaient implantés de longues lances d’acier, ce qui
gênait l’envol et l’atterrissage des dirigeables 220.
- L’exercice abusif des voies judiciaires (voies de recours, voies
d’exécution) : la Cour suprême a eu à affirmer dans plusieurs arrêts, dont celui de la
Chambre judiciaire, 26 janvier 1973, Kamouch contre Shell, que si l’exercice du droit
d’ester en justice n’est pas per ipsum reprochable même en cas d’échec, il peut devenir
une faute génératrice de dommages-intérêts s’il constitue dans la réalité un acte de
malice ou une erreur grossière équipollente au dol.
- L’exercice abusif du droit de grève : la grève politique ou non-respect des
procédures.
220 Affaire Clément Bayard, C. cas. 3 août 1915, tous ouvrages, Sirey 1920, 1, 300.
195
- La mise à l’index: c’est le fait pour les salariés d’empêcher l’embauche d’un
non syndiqué ou d’exiger le licenciement de celui-ci d’un non syndiqué ou encore
boycotter un fournisseur.
- L’exercice des droits extrapatrimoniaux : la rétractation malveillante du
consentement à mariage de son enfant.
- L’abus du droit de voisinage : il diffère de l’abus des droits en ce sens que
la responsabilité peut être engagée même sans faute mais à condition que le trouble
excède la mesure normale des inconvénients de voisinage (bruits excessifs, odeurs
nauséabondes, fumées…).
L’existence d’une faute intentionnelle ne peut s’apprécier que par une analyse
subjective du comportement concret de l’individu compte tenu de ses particularités :
force physique, âge, caractère, profession... Il s’agit là d’une appréciation in
concreto. Les tribunaux peuvent utiliser des présomptions de l’homme, c’est-à-dire
déduire l’intention des circonstances de la cause.
La faute d’imprudence ou de négligence se détermine en se référant au modèle
abstrait que peut représenter le bon père de famille, c’est-à-dire l’homme raisonnable
placé dans la même situation : c’est donc une appréciation in abstracto mais la
profession, l’âge, le sexe, la force physique, la position sociale… interviennent dans
l’établissement du modèle de référence.
La preuve de la faute, comme celle du lien de causalité, peut être apportée par
le demandeur par tous moyens car il s’agit de faits juridiques et non d’actes
juridiques.
Section V : Les causes d’exonération
196
Il convient de remarquer d’entrée de jeu que la capacité aquilienne est moins
exigeante que la capacité contractuelle parce que d’une part il suffit d’une expérience
plus élémentaire pour ne pas commettre de faute, d’autre part les victimes n’ayant pas
choisi leur rôle méritent plus de protection que le cocontractant. La catégorie des
personnes privées de raison comprend l’infans (1) et les personnes atteintes d’un
trouble mental (2).
1) L’infans
Mais il est apparu choquant que les déments ne soient pas tenus des dommages
qu’ils causent, surtout lorsqu’il s’agit de déments très riches. Les législateurs belge et
français ont dû intervenir. En Belgique, la loi du 16 avril 1935 (art 1er) a ajouté un
article 1386 bis au Code civil qui prévoit que le dément peut être condamné à réparer
221 Dalloz 1984.524, conclusions Cabannes, note Chabas.
222 Rémy Cabrillac, n° 241.
197
le dommage qu’il a causé. En France, l’article 489-2 nouveau du Code civil résultant
de la loi du 3 janvier 1968 dispose « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il
était sous l’emprise d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation ».
223 Philippe MALAURIE, Laurent AYNES et Philippe STOFFEL-MUNCK, Droit des obligations,
LGDJ, 7 éd., 2015, n°40, p. 35.
224 Cass. civ. 1er, 15 décembre 1999, Bull. civ. I, n° 351 ; JCP G, 2000, II ; 10384, n. G. Mémentau.
225 Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
198
La force majeure (A) et les faits justificatifs (B) permettent tous les deux
d’échapper à la responsabilité.
A- La force majeure
Pour l’essentiel, il s’agit de questions étudiées par le droit pénal général que l’on
se bornera à évoquer. Il en va ainsi de :
- la légitime défense
Elle est traitée à l’art. 132-2, al. 1er, du CP burkinabè, selon lequel « N'est pas
pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui,
accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense de soi-même
ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de
l'atteinte. ». Selon l’alinéa 3 du même article sont notamment commandés par la
nécessité immédiate de la légitime défense les actes commis en repoussant de nuit
l’escalade ou l’effraction d’une maison ou d’un appartement habité ou de leurs
dépendances ou en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés
avec violence.
199
fonction ou d’une mission temporaire. Cependant, d’autres textes obligent les
médecins à déclarer certaines maladies graves. Du fait de cette obligation, le médecin
ne peut être poursuivi pour non-respect du secret professionnel. Quant à l’ordre de
l’autorité légitime, il pose plus de questions : il faut apprécier le caractère légal ou
illégal de l’ordre, l’apparence de sa légalité en tenant compte de la situation de la
personne qui l’a donné dans la hiérarchie administrative (il s’agit que la personne ait
crû que c’est l’autorité légitime).
- L’état de nécessité
De création jurisprudentielle, l’état de nécessité est la situation de désespoir ou
de dernière extrémité qui permet d’excuser totalement ou partiellement l’auteur d’une
infraction pénale. Autrement dit, il permet de causer un dommage pour éviter un
péril imminent. L’une des premières et des plus célèbres applications est due au juge
Magnaud, surnommé « Le bon juge de Château-Thierry ». Celui-ci acquitta une fille-
mère ayant volé un pain pour nourrir son enfant qui n’avait pas mangé depuis
plusieurs jours et risquait incessamment de mourir de faim 229. Malgré quelques
résistances au départ, la jurisprudence a maintenu l’excuse de nécessité, reprise plus
tard dans le Code Badinter. Au moins au plan pénal, l’état de nécessité doit réunir
trois conditions : il faut que le moyen utilisé ait été le seul ou le meilleur, que l’intérêt
sauvé soit supérieur à l’intérêt sacrifié et que la personne qui l’invoque n’ait pas
commis une faute.
- La provocation
La provocation n’entraîne qu’un partage de responsabilité en droit pénal
comme en droit civil.
- L’acceptation de la victime
Elle n’est pas en principe une cause d’exonération, surtout pour les droits
extrapatrimoniaux. Mais en ce qui concerne les biens et les droits dont la personne a
la libre disposition (droits patrimoniaux), l’exonération joue et si vous dites à votre
copain de brûler votre mobylette, vous ne pourrez pas après engager sa
responsabilité. C’est une cause d’exonération également dans le cas des sports
violents ou non violents (la victime d’un dommage ne peut agir contre un autre
participant qui lui a causé un dommage que si ce dernier n’a pas respecté la règle du
jeu), des opérations chirurgicales… L’acceptation des risques est considérée dans
certaines circonstances comme une faute dont la gravité conduit à un partage de
responsabilité.
- La prédisposition
Il s’agit d’une question d’importance qui appelle des développements. Par
exemple, un borgne qui perd dans un accident son œil valide ; une personne
dépressive qui se suicide à la suite d’un accident qui aggrave son état. Il est certain
229 Affaire Ménard 1898, Château-Thierry, Tribunal correctionnel, Dalloz 1899, 2, 329.
200
que l’état de la victime contribuant à l’aggravation du dommage en est une cause
partielle. En ce qui concerne le principe même de la responsabilité, cet état n’est pas
en soi libératoire. Dès lors que les conditions de la responsabilité sont établies (faute
ou présomption), le défendeur doit réparer l’entier préjudice qu’il a causé. La victime,
déjà affaiblie par l’âge ou un handicap quelconque, a droit, comme toute autre
victime, à être indemnisée. On note une décision de la Cour de cassation belge de
1951 pour laquelle l’existence de prédispositions pathologiques dans le chef de la
victime n’exclut pas l’obligation pour l’auteur du dommage de réparer celui-ci230.
En ce qui concerne le montant de la réparation, si les aptitudes de la victime
étaient déjà amoindries, le dommage causé ou aggravé par l’accident est réparé en
tenant compte de cette incapacité antérieure. Par exemple, si l’accident réduit l’usage
d’un bras, il est tenu compte du fait que les mouvements de ce membre étaient déjà
limités en raison d’une malformation ou d’une précédente blessure. Si avant
l’accident, la victime était déjà atteinte d’une incapacité partielle de 40 %, si l’accident
entraîne l’incapacité totale (100%), l’auteur ne sera condamné que pour les 60 %
restants.
En sens contraire, la Cour suprême (du Burkinabè), Chambre sociale, dans son
arrêt du 14 décembre 1973, affirme que la lésion antérieure à l’accident ne saurait être
prise en compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente partielle
(IPP).
§ III : Les conventions d’irresponsabilité
En droits français et burkinabè, les articles 1382 à 1386 sont considérés comme
étant d’ordre public. Par conséquent, une personne ne peut à l’avance s’exonérer de
sa responsabilité, tout au moins de sa responsabilité pour faute231. La victime ne peut
non plus par avance renoncer au droit qu’il en tire. Si le dommage est né, la
renonciation est valable. En France, le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur
constitutionnelle au principe énoncé dans l’art. 1382, selon lequel toute faute
dommageable imputable à une personne physique ou morale de droit privé entraîne
une obligation de réparer232. Par contre, en matière contractuelle, ces clauses sont
valables, sauf pour faute dolosive.
En droit belge, la matière de la responsabilité civile n’est pas d’ordre public et
les clauses de non responsabilité sont en principe valables, sauf en certaines matières
(responsabilité contractuelle si son admission détruit le contrat, lorsque la loi les
prohibe…).
230 Cas. belge, 8 juin 1951, Pasicrisie, 1951, I, 691. Voy. également Cour de cas. fr., Civ. 2 e, 19 juillet
1966, Dalloz 1966, 598.
231 « Sont nulles les clauses d’exonération ou d’atténuation de responsabilité en matière délictuelle, les
articles 1382 et 1383 C. civ. étant d’ordre public et leur application ne pouvant par avance être
paralysée par une convention » (Civ. 2e, 17 février 1955, Dalloz 1956, note P. Esmein ; JCP
1955.II.8951, note R. Rodière.
232 Décision du 22 octobre 1982 déclarant non conforme à la Constitution la disposition d’une loi qui
interdisait l’exercice d’une action en réparation lorsque le dommage avait été causé par des salariés à
l’occasion d’un conflit collectif du travail.
201
La responsabilité du fait personnel est considérée comme une responsabilité
simple par rapport à la responsabilité du fait d’autrui et à la responsabilité du fait des
choses.
202
CHAPITRE II : LA RESPONSABILITE DU FAIT D’AUTRUI
L’article 1384, al. 1er, en pose le principe : on est responsable du dommage qui
est causé par le fait des personnes dont on doit répondre. Les alinéas suivants
explicitent les différents cas de responsabilité du fait d’autrui.
Cette responsabilité appelle quelques remarques générales :
- L’idée commune est que certaines personnes disposent d’une autorité, d’un
pouvoir de fait ou de droit sur d’autres et elles doivent en disposer pour les empêcher
de commettre des dommages. La responsabilité est la sanction du non-
accomplissement de cette obligation.
- La responsabilité du fait d’autrui laisse subsister, sauf exception, la
responsabilité personnelle de la personne dont on répond (si du moins elle a la
capacité aquilienne).
- La personne qui répond d’une autre conserve en principe un recours contre la
personne dont elle répond et, a fortiori, contre le tiers coauteur du dommage.
- La responsabilité du fait d’autrui ne joue qu’en cas de dommage causé aux
tiers, c’est-à-dire aux personnes autres que celles dont on répond. Par exemple,
l’instituteur répond du dommage causé par l’élève et non de celui subi par l’élève lui-
même.
- Elle ne concerne que la responsabilité civile et non la responsabilité pénale.
Suivant les responsabilités visées à l’article 1384, seront examinées la
responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs (Section I), la
responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis (Section II), la responsabilité des
instituteurs du fait de leurs élèves (Section III), la responsabilité des maîtres et
commettants du fait de leurs domestiques et préposés (Section IV). Enfin, il sera
évoqué la question de l’admission d’un principe de responsabilité présumée du fait
d’autrui sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er (Section V).
203
responsabilité. Pour finir, il importe d’analyser cette responsabilité en relation avec la
structure familiale burkinabè (§ IV).
233 CA Ouagadougou, 16 octobre 1992, RBD n° 30, 2e semestre 1996, p. 249 à 262, note F.
Ouédraogo
234 C’est sur la garantie que se fonde explicitement un arrêt de la Cour d’appel de Ouagadougou (16
octobre 1992, RBD n° 30, 2e semestre 1996, p. 249 à 262, note Ferdinand Ouédraogo) qui retient la
204
En France, la preuve de l’absence de faute est inopérante depuis l’arrêt
Bertrand de la Cour de cassation du 17 février 1997235, si bien que la responsabilité
des père et mère est devenue une responsabilité de plein droit et non une
responsabilité pour faute.
§ III : L’exonération
Une fois les conditions réunies, la présomption joue, c’est-à-dire que la victime
n’aura pas besoin d’apporter la preuve d’une faute des parents. Mais ceux-ci peuvent
s’exonérer en démontrant l’existence d’une cause d’exonération, en particulier
l’absence de faute dans l’éducation et dans la surveillance en vertu de 1384, al. 7, du
Code civil. Comme l’a affirmé la Cour de cassation française 236, la responsabilité du
père repose sur une présomption de faute qui cède devant la preuve qu’il a rempli ses
obligations de surveillance et de direction. Mais les tribunaux peuvent admettre plus
ou moins facilement que cette preuve d’absence de faute est faite.
En droit français, il n’en est plus ainsi. Avec l’arrêt Bertrand du 19 février
237
1997 , la Cour de cassation a décidé que la responsabilité des père et mère est une
responsabilité de plein droit, c’est-à-dire que les parents ne peuvent s’exonérer qu’en
démontrant la force majeure ou la faute de la victime.
responsabilité du père pour une mobylette empruntée par un majeur de 21 ans et qui a été volée. La
décision est critiquée par l’annotateur du fait que l’enfant est majeur et que l’on aurait dû appliquer la
responsabilité contractuelle (prêt à usage).
235 Civ. 2, D. 1997.265, note P. Jourdain.
236 Civ. 2, 12 octobre 1955, D. 1956, p. 301.
237 Civ. 2, D. 1997.265, note P. Jourdain.
205
Section II : La responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis
Il résulte des alinéas 6 et 7 de l’article 1384 du Code civil que les artisans sont
responsables du dommage causé par leurs apprentis pendant le temps qu’ils sont
sous leur surveillance, sauf s’ils prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne
lieu à cette responsabilité. Il convient de préciser les conditions de cette
responsabilité (§ I) et le régime de celle-ci (§ II).
§ II : Le régime de la responsabilité
206
Section III : La responsabilité des instituteurs du fait de leurs élèves
Traitée par les alinéas 6 et 8 de l’article 1384, elle appelle des développements
autour de l’évolution historique (§ I), du régime général (§ II) et des règles
particulières à l’enseignement public (§ III).
§ I : L’évolution historique
A côté de la présomption pesant sur les parents et les artisans, il y en avait une
qui pesait sur les instituteurs pour les dommages causés par les élèves à des tiers ou à
d’autres élèves. Mais ils pouvaient s’exonérer en démontrant qu’une surveillance,
même attentive, n’aurait pas pu empêcher le dommage. Déjà le terme instituteurs
comprenait tous les éducateurs, à l’exclusion des enseignants du supérieur.
La responsabilité des instituteurs fut jugée trop sévère, ceux-ci n’ayant en
général ni le choix des élèves, ni celui des lieux de l’enseignement. Une loi du 20
juillet 1899 a donc substitué la responsabilité de l’Etat à celle des membres de
l’enseignement public.
§ II : Le régime général
Jugeant cette évolution insuffisante, une loi du 5 avril 1937, rendue applicable
aux colonies par des lois de 1938 et 1939, a ajouté un paragraphe 8 à l’article 1384.
Ainsi, en ce qui concerne les instituteurs, les fautes d’imprudence ou de négligence
invoquées contre eux devront être prouvées, conformément au droit commun par le
demandeur à l’instance. On remarquera :
- qu’il n’y a plus de présomption de faute ;
- qu’il s’agit de tout accident scolaire, c’est-à-dire d’un dommage causé par un
élève ou subi par lui ; peu importe que l’auteur soit l’instituteur ou un élève, que la
victime soit un élève ou un tiers ou que l’enseignement soit à titre gratuit ou onéreux,
public ou privé… ;
- que l’appréciation se fera in abstracto par rapport au comportement d’un
instituteur diligent (prudent).
207
Section IV : La responsabilité des maîtres et commettants du fait de
leurs domestiques et préposés
208
de certaines personnes (médecin, avocats, notaires…) ne semble pas exclure la
possibilité que celles-ci se trouvent dans un lien de subordination et soient qualifiées
de préposés. Ainsi, le médecin salarié s’est vu qualifié de préposé d’un établissement
de santé. En outre, le lien de préposition a été retenu dans des situations où une
personne est en fait en mesure de donner des ordres à d’autres personnes, même de
façon occasionnelle. Il en va ainsi des relations familiales ou amicales ou de
concubinage lors des services rendus ou d’actes de complaisance.
La définition du lien de préposition peut s’avérer difficile en cas de pluralité de
commettants. Par exemple, un camion est mis avec le préposé à la disposition d’un
client. Il en est ainsi d’une infirmière mise à la disposition d’un chirurgien ou d’un
anesthésiste ou d’un chauffeur mis à la disposition d’un client avec son véhicule par
son employeur ou encore d’un salarié d’une entreprise temporaire mis à la disposition
d’une autre entreprise. Dans ces cas, d’après la jurisprudence française, il faut, pour
déterminer le commettant, rechercher qui avait, au moment du fait dommageable,
l’autorité effective ou principale sur le préposé. Le problème peut avoir été réglé dans
les conventions de mise à disposition. A défaut, c’est l’examen des circonstances de
chaque espèce qui permettra d’identifier le détenteur de l’autorité effective ou
principale. La jurisprudence semble être également dans ce sens. Le TPI de
Ouagadougou a ainsi, dans sa décision du 15 décembre 1976, retenu la responsabilité
d’un employeur (OPT) pour un agent de l’Etat qu’il utilisait occasionnellement pour
une faute commise dans ce cadre240. De ce qui précède, on dit que le lien de
préposition est alternatif et la tendance, en cas de doute, est de retenir le commettant
habituel. En droit belge, on préfère instaurer la solidarité entre commettants. La
responsabilité existe même lorsque le commettant n’a pas choisi son préposé.
L’article 1384, al. 5, exige que le dommage soit causé par le préposé ou le
domestique dans les fonctions auxquelles le commettant ou le maître l’a employé. A
priori, la faute du préposé doit être commise pendant le temps de travail, sur les lieux
ou le trajet normal du travail avec les moyens, le but et l’intérêt du travail. Pour
mieux cerner la question des rapports, il faut distinguer les trois principales
hypothèses ci-après.
- 1ère hypothèse. L’acte posé n’a aucun rapport avec le travail : Par
exemple, un domestique subtilise le fusil de son maître pour ensuite commette un
meurtre chez lui (Carbonnier) ou bien un ouvrier en vacance tue quelqu’un (sur la
plage) ou encore le préposé qui se rend de son domicile au lieu de son travail et cause
un accident avec son véhicule personnel ; dans ces différentes hypothèses, le
commettant n’est pas responsable.
- 2e hypothèse. L’acte est posé dans l’exercice de ses fonctions : au cours
d’une livraison, le préposé, en l’occurrence un chauffeur-livreur, dans l’exercice de
240 Inédit.
209
ses fonctions, conduisant un véhicule de l’entreprise, écrase un piéton : le
commettant est responsable même si la faute du préposé constitue une infraction
pénale.
210
au seul motif que celui auquel il a confié une tâche a agi à des fins personnelles. En
revanche, la responsabilité est écartée lorsque la victime a fait preuve d’une
imprudence incontestable en se livrant à une opération sortant des attributions
habituelles du préposé et quelque peu suspecte : elle ne pouvait légitimement croire
que le préposé avait agi pour le compte de son employeur.
La conséquence essentielle du dépassement ou de l’abus des fonctions est que
la responsabilité du commettant est écartée et seul le préposé répond de ses actes. Si
dans les mêmes conditions, il a utilisé une chose du commettant, il en est devenu
gardien et sa responsabilité peut être engagée sur le fondement de l’art. 1384, al. 1 er.
La jurisprudence belge n’est pas en reste ; elle retient la responsabilité du
commettant même en cas d’abus des fonctions.
La jurisprudence burkinabè semble admettre de manière large le lien entre
l’acte du préposé et sa fonction. Dans de nombreux cas, elle a retenu la responsabilité
du commettant.
§ II : Les effets de la responsabilité
211
préposé, 1/3 victime (il s’agissait de marchandises déposées dans un atelier de
soudure et qui ont brûlé).
243 Cass. ass. plén, 25 février 2000 (arrêt Costedoat), D. 2000, p. 673, note Ph. Brun ; RTD civ. 2000.
582 ; JCP 2000. I. 241, obs. G. Viney.
244 Ass. plén., 14 décembre 2001, Bull. ass. plén., n° 17.
245 Crim., 28 mars 2006, Bull. crim., n° 91
246 René SAVATIER, « La responsabilité générale du fait des choses que l’on a sous sa garde a-t-elle
pour pendant une responsabilité générale du fait des personnes dont on doit répondre ? DH 1933,
chron., p. 81 s.
212
avait pas, en matière de responsabilité du fait d’autrui, de besoins sociaux pressants
comparables aux nécessités sociales qui avaient été à l’origine de la consécration du
principe général de responsabilité du fait de choses.
Si cette observation est pertinente à cette époque, elle est devenue, au regard
des évolutions sociales postérieures, contestable. En effet, les cas où certaines
personnes sont placées sous la surveillance ou le contrôle se sont multipliés : activés
exercées par des mineurs en dehors de la famille ou de l’école (colonies de vacances,
centre de loisirs…) ; prise en charge des mineurs ou des majeurs handicapés ou des
délinquants dans des établissements ; Enfants de plus en plus confiés à d’autres
personnes (tuteurs, grands parents, nourrices, colonies de vacances ou centres de
loisirs…) que les père ou mère…
Le souci d’indemniser les victimes dans ces cas où les responsabilités classiques
(fait personnel ou responsabilités particulières du fait d’autrui) ne pouvaient jouer a
amené la jurisprudence française à admettre des cas de responsabilité d’autrui en
dehors de ceux prévus par l’article 1384. Ainsi, dans une espèce où un handicapé
mental confié à un centre d’aide par le travail avait mis le feu à une forêt appartenant
aux consort Blieck, l’assemblée plénière rejeta, par un arrêt du 29 mars 1991, un
pourvoi formé contre un arrêt d’une Cour d’appel qui avait décidé d’appliquer en
l’espèce : « les dispositions de l’article 1384, al. 1er, du Code civil, qui énoncent le principe d’une
présomption de responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre ». Bien que cette
décision ne consacre pas un principe général de responsabilité du fait d’autrui, elle
constitue un abandon du caractère limitatif des cas de responsabilité du fait d’autrui.
247 Crim., 28 mars 2000, Bull. crim., n°140, D. 2000, somm., p. 446, obs. D. MAZEAUD ; JCP 2000,
I, 241, obs. G. VINEY.
248 Civ. 2e, 22 mai 1995, JCP 1995, II, 22550, note J. Mouly, I, 3895, n° 5, obs. G. Viney.
213
de sa responsabilité en démontrant qu’il n’a pas commis de faute249. La règle a été
cependant assouplie dans l’hypothèse de la responsabilité des organisations sportives
où une faute caractérisée consistant en la violation des règles du jeu doit être
prouvée. Ainsi, hormis cette hypothèse exceptionnelle, la responsabilité pour autrui
ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en établissant une cause étrangère.
249 Crim., 26 mars 1997 (3 arrêts) : JCP 1998, II, 10015, note M. Huyette (1 er arrêt), JCP 1997. II.
22868, rapp. F. Desportes, Grands arrêts, t. 2, n° 228 (2 e arrêt), D. 1997. 496, note P. Jourdain (3 e
arrêt).
214
CHAPITRE III : LA RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES
Selon l’article 1384, al. 1er, l’on est responsable du dommage causé par les
choses que l’on a sous sa garde. La consécration de cette responsabilité est le fruit
d’une évolution dont on doit connaître les étapes (Section I). Puis, pour comprendre
le régime de ladite responsabilité, il convient d’examiner ses conditions (Section II),
ses effets (Section III) et son fondement (Section IV). Enfin, l’on passera en revu
certaines responsabilités spéciales du fait des choses (cas des accidents causés par un
véhicule automobile et des produits défectueux) (Section V).
Section I : L’évolution
§ I : Au plan général
Lors de l’adoption du Code civil en 1804, les dommages causés par les choses
étaient plutôt rares. Les articles 1382 et 1383 suffisaient même dans le cas où une
personne s’était servie d’une chose. Avec l’évolution vers la société industrielle, l’on a
assisté à la mécanisation ou à la « chosification » de l’activité, des moyens de
transport et à des installations et équipements divers destinés à faciliter la vie
quotidienne. Les machines diverses dans les usines, les véhicules (automobiles,
motos, bicyclettes) dans la circulation, les escaliers roulants, les ascenseurs, les
machines sophistiquées de soins, etc., tendent à rendre les accidents anonymes. Il
devient de plus en plus difficile, voire impossible, de prouver la faute d’une personne.
Quand un ouvrier travaillant sur une machine sophistiquée est blessé, est-ce qu’il y a
vraiment une faute de l’employeur ? On éprouve beaucoup de difficultés à
déterminer qui est fautif ou responsable dans nombre d’accidents de la circulation
(comme les carambolages).
§ II : Au plan du droit
Il est manifeste que les rédacteurs du Code civil, en écrivant l’article 1384, al.
1er, entendaient simplement annoncer les articles 1385 et 1386 concernant
respectivement les animaux et la ruine des bâtiments.
215
du 13 février 1930250, les bases et les conditions de cette responsabilité. En l’espèce, il
s’agissait d’un accident d’automobile. La cour d’appel avait refusé d’appliquer 1384,
al. 1er, au double motif que ce texte ne joue pas à l’égard des choses « actionnées par
la main de l’homme » et que la preuve n’avait pas été rapportée que cette chose avait
quelque « vice propre ». L’arrêt de la cour d’appel est cassé aux motifs que la loi ne
distingue pas entre choses actionnées ou non actionnées par la main de l’homme ni
entre celles qui auraient un vice et celles qui n’en auraient pas. La Cour de cassation
ajoute que la présomption de responsabilité de l’art. 1384, al. 1er, ne peut être détruite
que par la preuve d’un cas fortuit ou d’une cause étrangère non imputable. Les
conditions de cette responsabilité venaient ainsi d’être précisées.
§ I : La chose
La chose est l’un des termes les plus vagues de la langue française. Il faut
évoquer successivement les choses comprises (A) et les choses non comprises (B)
ainsi que le cas du droit belge où l’on exige un vice de la chose (C).
automobiliste pouvait être condamné, en application de l’art. 1384, al. 1 er, lorsque sa passagère,
réifiée en quelque sorte, avait, en descendant du côté de la circulation et alors qu’elle tenait encore
la poignée de la portière, surpris un cycliste qui s’était grièvement blessé.
216
1) Les animaux
Aux termes de l’article 1385 du code civil, le propriétaire d’un animal ou celui
qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal
a causé, soit que l’animal fut sous sa garde, soit qu’il fut égaré ou échappé. Le
propriétaire ou celui qui s’en sert (cette expression est à rapprocher du gardien visé
par l’art. 1384, al. 1er) est présumé responsable et ne s’exonère que s’il démontre une
cause étrangère qui ne lui est pas imputable 253. Les animaux sauvages non appropriés
ne sont pas concernés. Dans l’ensemble, cette responsabilité est très proche de la
responsabilité générale du fait des choses de l’article 1384, al. 1er, et n’a donc plus de
raison d’être.
2) Les bâtiments
Selon l’article 1386 du code civil, le propriétaire d’un bâtiment est responsable
du dommage causé par sa ruine due au défaut d’entretien ou au vice de sa
construction. La victime doit prouver que la ruine a pour cause le vice de
construction ou le défaut d’entretien. Le propriétaire peut démontrer qu’il n’a pas
commis de faute ou que la ruine est due à la force majeure (ouragan, foudre,
inondation…). En dehors de ce cas de ruine pour défaut d’entretien ou vice de
construction, les bâtiments et les autres immeubles entraînent la responsabilité sur le
fondement de 1384, al. 1er.
3) L’incendie
A la lumière des alinéas 2 et 3 de l’article 1384 du code civil, celui qui détient à
un titre quelconque tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels
un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis des tiers des dommages
causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la
faute des personnes dont il est responsable. Il faut donc que l’incendie ait pris
naissance dans une chose qui provoque le dommage. Cette dérogation a été apportée
pour ne pas laisser accroître démesurément le coût de l’assurance254.
Ces dispositions ne s’appliquent pas dans le cadre contractuel, notamment dans
les rapports entre bailleur et locataires, qui sont régis par les articles 1733 et 1734 du
Code civil, qui prévoient une présomption de responsabilité du locataire, lequel ne
peut s’exonérer qu’en prouvant que l’incendie est arrivé par cas fortuit ou force
majeure ou le vice de la construction ou que le feu a été communiqué par une maison
voisine.
4) Les autres choses exclues
217
- la personne humaine, du moins vivante ;
- et toutes les choses faisant l’objet d’un régime spécial.
S’agissant du fait de la chose, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un contact entre
la chose et la victime (A) mais il faut un rôle actif de la chose (B). Par ailleurs, faut-il
un rapport entre le fait personnel et le fait des choses ? (C).
Pour que le fait de la chose soit considéré comme causal, il n’est pas nécessaire
qu’il y ait un contact entre la chose et la victime, que la chose ait été en mouvement
au moment de l’accident ou que la chose soit dotée d’un mécanisme propre.
Exemple : la roue d’une auto qui fait sauter une pierre qui va briser une vitre ou un
pare-brise ; ou encore en se déportant brusquement sur la gauche, un camion oblige
le conducteur d’une voiture en train de le dépasser à faire un mouvement qui se
termine contre un arbre… Dans ce sens, l’arrêt n° 32 du 13 février 1976 de la
Chambre judiciaire de la Cour suprême de Haute-Volta réaffirme qu’aucun contact
matériel entre le véhicule cause du dommage et la victime n’est nécessaire.
218
revanche, pour les choses inertes, comme les escaliers ordinaires (fixes) ou une chaise
pliante gisant à la terrasse d’un café, il est nécessaire de prouver son caractère
défectueux, son caractère anormal ou irrégulier. Ainsi n’a pas été retenue la
responsabilité de l’établissement de bains où une cliente en syncope était tombée sur
un tuyau brûlant. Par contre, celui qui a laissé une trappe ouverte dans un escalier
obscur peut voir sa responsabilité engagée.
Avec la conception large de la responsabilité du fait des choses, dès lors que les
choses sont actionnées par l’homme, la responsabilité peut se fonder, soit sur 1382 –
1383, soit sur 1384, al. 1. Ce système est critiqué parce qu’il accorde deux
fondements à une action éventuelle et crée la confusion. Selon les critiques, il aurait
fallu réserver la responsabilité du fait des choses s’il y a un fait autonome de la chose
ne faisant pas intervenir l’homme.
Malgré ces critiques, la responsabilité englobe les situations où les choses sont
actionnées par l’homme, comme le dommage causé par le porte-aiguille que manie le
chirurgien, le casier à bouteilles que porte le livreur, ou encore le ski au pied du
skieur. Ce système présente de l’intérêt quand la victime ne peut prouver la faute et
même dans le cas de faute prouvée, l’art. 1384, al. 1er, permet à la victime de n’avoir
pas à subir la prescription de 10 ans, 3 ans ou 1 an quand le fait personnel constitue
une infraction pénale.
Dans la responsabilité du fait des choses, il est nécessaire de démontrer le fait
causal de la chose, ce qui paraît relativement aisé. Mais cela ne suffit pas. Il faut
démontrer que la personne dont on entend engager la responsabilité en avait la garde.
§ III : La garde
A. La notion de garde
219
également dans le cas où il a été privé de l’usage, de la direction et du contrôle de la
chose.
A la question de savoir qui a la garde entre le propriétaire et le voleur de la
voiture, on note que l’arrêt des Chambres réunies de la Cour de cassation du 2
décembre 1941, rendu dans l’affaire Franck et Connot, lui a donné une réponse
satisfaisante255. Selon cet arrêt, celui qui n’a plus les attributs de la garde (usage,
direction et contrôle) ne peut plus être responsable du fait des choses (conception
proche de la garde matérielle). Ainsi, c’est le voleur qui est responsable de la chose
volée, sauf à démontrer la faute personnelle du propriétaire et son lien avec le
dommage. Le TPI de Ouaga, dans un jugement rendu le 22 novembre 1962, a retenu
une formulation qui laisse entendre qu’elle reconnaît seulement la garde juridique.
Selon lui, « O. D. étant le propriétaire du camion en avait la garde ; il importe peu, au regard de
1384, al. 1er, que O. D. ait délégué cette garde au chauffeur T. B… ». Mais peut-être
s’agissait-il là d’un commettant et d’un préposé. Dans ce cas, le commettant seul est
considéré comme gardien.
La garde n’exige pas une certaine durée. Ainsi, l’auteur d’un coup de pied
donné à une bouteille est gardien de celle-ci256. Elle est transférée en même temps
que la détention au locataire ou à l’emprunteur, sauf si le nouveau détenteur est
subordonné au propriétaire
255 Dalloz critique, 1942, 25, note G. Ripert ; Sirey 1941, I, 217, note H. Mazeaud ; JCP 1942, II, 1766,
note J. Mihura ; voy. également Grands arrêts et Mazeaud.
256 Civ. 2, 10 février 1982, JCP 1983, 20069, note A. Coeuret.
257 Cas. fr., civil, 5 janvier 1956, D, 57, 261.
220
structure et ou à un défaut de comportement. Il aurait mieux valu que la victime
poursuive le livreur, quitte à ce que celui-ci à son tour poursuive le fabricant. Dans
tous les cas, cette distinction n’est pas unanimement reconnue par tous les tribunaux.
En droit burkinabè, les déments n’étant pas responsables de leur fait personnel,
ne sont pas gardiens et par conséquent leur responsabilité du fait des choses ne peut
être retenue. Mais un revirement jurisprudentiel n’est pas exclu.
En droit français et belge, les lois qui ont consacré la responsabilité des
déments semblent devoir être limitées au fait personnel, à condition que celui-ci
puisse être considéré comme une faute s’il avait été posé par une personne
consciente. Comme il n’est pas toujours facile de prouver un fait fautif, surtout
quand il y a intervention de choses, en jurisprudence française, on rencontre des
décisions considérant les déments comme gardiens. Selon l’arrêt Trichard258, le
propriétaire de la voiture en est en principe le gardien et, à la question de savoir si la
folie est un événement exonérant le gardien, l’arrêt répond négativement car il ne
s’agit pas d’un événement extérieur, étranger au gardien. Par la suite, elle a admis
qu’un très jeune enfant pouvait être gardien259.
de cassation a décidé qu’en l’absence d’un texte contraire, l’article 1384, alinéa 1 er, s’appliquait en
matière de transport bénévole. Cette question a perdu une grande partie de son intérêt depuis la
réforme opérée par la loi du 5 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes des accidents de la
circulation, y compris les personnes transportées. Or, c’est en substance les dispositions de cette loi
221
responsabilité du transporteur bénévole soit sur la base de la faute prouvée, soit sur
le fondement du vice mais le transporteur peut s’exonérer en démontrant
l’acceptation des risques (par exemple, une personne monte dans une voiture en
sachant que le conducteur était dans un état voisin de l’ébriété (Bruxelles, 26 janvier
1950). La jurisprudence burkinabè admet la responsabilité du transporteur bénévole
au moins sur le fondement des articles 1382 et 1383 comme dans la décision du TPI
de Ouagadougou du 17 janvier 1963 (chambre civile).
Au total, plus que les théories, c’est la volonté d’assurer, dans toute la mesure
où cela n’est pas choquant, la réparation en faveur des victimes qui explique cette
responsabilité. L’on permet en effet à des victimes qui ne peuvent démontrer une
faute sur la base des articles 1382 - 1383 de se fonder sur 1384, al. 1er, parce qu’une
chose a été utilisée dans la commission du dommage.
que reprend le Code CIMA applicable dans la plupart des Etats francophones d’Afrique dont le
Burkina.
261 Marty et Raynaud, cité par Weill et Terré, 81, p. 825.
222
Section V : Les responsabilités particulières du fait des choses
La responsabilité du fait d’un accident de la circulation est régie par les articles
200 à 277 du Code CIMA, qui constituent une reprise des dispositions de la loi
française du 5 juillet 1985263. Ces dispositions sont d’une complexité rebutante. En
s’en tenant à l’essentiel, il sera examiné successivement les conditions du droit à
indemnisation des victimes (§ I), le fondement du droit à indemnisation des victimes
(§ II), les causes d’exonération (§ III), le problème des recours (§ IV) et les garanties
accordées à la victime (§ V).
Il faut d’emblée souligner que le Code CIMA s’applique aussi aux victimes
transportées en vertu d’un contrat, si bien qu’il crée un régime uniforme, que la
responsabilité soit d’origine délictuelle ou contractuelle. D’après les dispositions du
Code CIMA (art. 200, 220 et 225), il faut un accident (A) de la circulation (B) causé
262 J.O.RHV. du 8 septembre 1969, p. 13) ; modifiée par l'ordonnance 75-46 du 29 septembre 1975
(J.O.RHV. du 16 octobre 1975, p. 776. L’article 166 de ce Code est ainsi libellé : « Responsabilité et
réparation. 1) L'exploitant de tout aéronef qui exerce une activité aéronautique [au Burkina Faso] ou
qui survole ce territoire est responsable des dommages causés aux personnes et aux biens de tiers à la
surface par un aéronef qu'il utilise personnellement ou par l'intermédiaire de ses préposés agissant au
cours de l'exercice de leurs fonctions, que ce soit ou non dans les limites de leurs attributions.
2) Toute personne qui subit un dommage à la surface dans les conditions fixées par la présente
ordonnance a droit à réparation, si elle prouve que le dommage provient d'un aéronef en vol ou d'une
personne ou d'une chose tombant de celui-ci. Toutefois, il n'y a pas lieu à réparation si le dommage
n'est pas la conséquence directe du fait qui l'a produit ou s'il résulte du seul passage de l'aéronef
conformément aux règles de la circulation aérienne fixées par la présente ordonnance ».
263 La loi tend à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à
223
par un véhicule terrestre à moteur (C). Bien entendu, il est nécessaire de constater un
dommage causé par celui-ci (D).
A. L’accident
Il peut être défini comme un événement soudain, fortuit (en latin : accidens = ce
qui arrive fortuitement), imprévu, dont la réalisation n’a pas été recherchée par le
conducteur du véhicule et qui a causé un dommage.
La Cour de cassation française en déduit que le dommage causé par la violence
volontaire d’un conducteur n’est pas le résultat d’un accident, par exemple, quand
l’automobiliste dirige intentionnellement son véhicule contre un piéton et le blesse.
B. La circulation
L’élément important ici est le fait d’être causé. Contrairement à la loi française
dont il s’inspire, le Code CIMA ne s’est pas contenté de la notion de dommage
224
impliquant un véhicule mais exige un dommage causé par un véhicule. Mais dans
le fond, la différence entre la réglementation française et celle du Code CIMA ne
semble pas importante.
225
corps de la victime ; le véhicule B est certainement impliqué dans l’accident mais
l’est-il dans le dommage ? En vertu de la présomption, la réponse est affirmative.
Toutefois, elle peut être écartée. Ainsi, le conducteur du second véhicule et son
assureur ne devront pas indemniser les héritiers de la victime s’ils démontrent que
celle-ci était déjà morte après le premier choc, c’est-à-dire que B n’est pas réellement
impliqué ou n’est pas la cause du dommage264.
Selon une première conception, la loi de 1985, et donc le Code CIMA, ne crée
pas une nouvelle règle de responsabilité ; elle aménage simplement les causes
d’exonération. De ce fait, les règles de responsabilité puisent leur source dans le droit
commun, notamment l’article 1384, alinéa 1er, sur lequel la loi vient se greffer.
Une deuxième conception, opposée à la première, considère que la loi se
détache de la responsabilité et instaure un droit à indemnisation des victimes dès lors
qu’un véhicule est impliqué. On n’a pas à rechercher un responsable. La loi désigne,
non celui qui est responsable, mais celui qui doit payer : l’assureur du véhicule
impliqué.
264 En cas d’accident complexe, lorsqu’un véhicule est impliqué dans un accident, l’implication du
véhicule à cet accident est présumée : c’est au conducteur ou gardien du véhicule qu’il appartient de
démonter que le dommage n’est pas imputable à l’accident dans lequel son véhicule est impliqué.
Ainsi, lorsque, après une collision entre deux véhicules, l’un des conducteurs a été éjecté de sa voiture
et que, gisant sur le sol, il a été heurté par un autre véhicule, le conducteur de ce dernier doit être
condamné à indemniser les ayants cause de la victime décédée, dès lors qu’il n’est pas établi que la
victime avait été mortellement blessé dans la première collision et que le défendeur ne rapportait pas la
preuve de l’absence de lien de causalité entre le dommage et le fait de la victime (C. cas., civ. 2 e, 25
mars 1991, Bull. civ. II, n° 96 ; TRD civ. 1991, 550, obs. Jourdain.
226
- La loi est fondée sur la responsabilité qu’elle modifie en ce sens que le
conducteur ou le gardien du véhicule impliqué engage sa responsabilité de plein droit
envers les victimes. Si plusieurs véhicules sont impliqués, la victime peut réclamer
réparation intégrale à l’un quelconque des conducteurs ou gardiens.
- La loi n’entraîne pas l’irresponsabilité des personnes qui ne sont pas des
conducteurs de véhicules à moteur. La responsabilité d’un cycliste ou d’un piéton
reste inchangée et peut être engagée sur le fondement du droit commun (1382 ou
1384, al. 1er) mais non sur la loi de 1985. Par exemple, en cas de collision entre une
automobile et une bicyclette : l’automobiliste est responsable envers le cycliste sur le
fondement de la responsabilité spéciale ; le cycliste engage éventuellement sa
responsabilité sur 1382 ou 1384, al. 1er.
- Le conducteur, victime d’un accident dans lequel seul son véhicule est
impliqué, ne peut pas demander une indemnisation à son propre assureur sur le
fondement de la loi de 1985. Il lui faut, pour être indemnisé, établir la responsabilité
selon les règles du droit commun. Par exemple, un automobiliste heurte un arbre
pour éviter un piéton qui surgit d’une voie mal signalée : il peut alors selon
l’hypothèse se prévaloir de la responsabilité du piéton (art. 1382) ou de celle de
l’entrepreneur qui a réalisé les travaux (art. 1382 ou 1384, al. 1 er).
Elles se caractérisent par deux règles : l’éviction de la force majeure (A) et une
prise en compte diversifiée de la faute de la victime (B).
Le principe est que la force majeure ne peut plus être invoquée contre la
victime par le conducteur ou le gardien d’un véhicule à moteur. C’est une
modification capitale car, sur le plan de la théorie, la responsabilité est normalement
265 in R.D.B. n°35, 1er semestre 1999, pp.107-118, note K. NIKIEMA,
266 in R.D.B. n°35,1er semestre 1999, pp.107-118, note K. NIKIEMA
227
écartée en cas de force majeure. Sur le plan pratique, tout le contentieux sur
l’appréciation des cas de force majeure est éliminé avec la loi française de 1985 et le
Code CIMA.
La force majeure est extérieure aux parties : cela signifie que si c’est la faute de
la victime qui présente les caractères de la force majeure, la question de l’exonération
du conducteur ou du gardien doit se résoudre par application des dispositions qui
envisagent les effets de la faute de la victime. Le fait du tiers, s’il présente pour le
gardien ou le conducteur les caractères de la force majeure, n’est alors qu’une
application du cas précédent. Mais s’il n’a pas ces caractères, dans ce cas, même en
droit commun, il n’est pas une cause d’exonération.
Pour les dommages causés aux biens, la faute quelconque commise par la
victime a un effet sur son droit à indemnisation. Ainsi, en principe, la faute de la
victime, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les victimes, a pour effet de limiter ou
d’exclure l’indemnisation des dommages aux biens qu’elle subit (art. 228, al. 3). La
faute de la victime va entraîner, soit un partage de responsabilité dans les conditions
du droit commun, soit même l’absence d’indemnisation lorsque la faute a été la cause
exclusive du dommage. Dans le cas particulier des dommages causés au véhicule
dont le conducteur n’était pas le propriétaire, ce dernier peut demander réparation à
l’auteur du dommage. Mais celui-ci est en droit de lui opposer la faute du conducteur,
susceptible d’entraîner un partage ou une exclusion d’indemnisation. C’est le seul cas
dans lequel la loi permet d’opposer à la victime, ici le propriétaire, le fait (en l’espèce
228
fautif) d’un tiers (le conducteur). Le propriétaire incomplètement indemnisé peut
exercer un recours contre le conducteur.
Pour les atteintes à la personne, l’incidence de la faute commise par la
personne lésée varie grandement selon la catégorie à laquelle elle appartient.
Pour les dommages résultant des atteintes à la personne, ce qui englobe les
fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale, il y a deux situations à
distinguer : celle du conducteur (a) et celle des autres victimes, c’est-à-dire celle des
victimes autres que le conducteur (b).
229
b) Les victimes autres que les conducteurs de véhicules à moteur
Il s’agit de toute autre personne : piéton, cycliste, passager, cavalier, etc. Le principe
est que la faute légère ou même d’une certaine gravité qu’elles ont pu commettre est
sans effet sur leur droit à indemnisation mais il y une distinction.
230
3) La situation des victimes par ricochet
231
temps, par l’arrêt Coiffard du 6 mars 1991268, la Cour de cassation française avait
accordé une alternative au solvens qui pouvait exercer :
- soit un recours sur le fondement du droit commun (art. 1382 ou 1384, al.
1er) : c’est l’action dite personnelle ;
- soit un recours sur le fondement de la subrogation : c’est l’action
subrogatoire. Par cette technique, le solvens se prévalait des droits de la victime, dans
lesquels il était subrogé et invoquait donc, comme elle, les dispositions de la loi de
1985 (ou du Code CIMA). Dans ce cas, en l’absence de faute prouvée des coauteurs,
la contribution de chacun à la dette ne pouvait s’effectuer que par parts viriles, c’est-
à-dire à égalité.
A- L’obligation d’assurance
Toute personne, autre que l’Etat, dont la responsabilité peut être engagée en
raison de dommages subis par des tiers et résultant d’atteintes aux personnes ou aux
biens, dans la réalisation desquels un véhicule terrestre est impliqué, doit, pour faire
268 Dalloz 1991.257, note Groutel.
269 Dalloz 1998.174, note Groutel.
232
circuler ce véhicule, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité.
Le contrat d’assurance couvre également la responsabilité civile de toute personne
ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule. En cas d’accident, la
compagnie d’assurance doit rapidement proposer une offre de réparation
(transaction) à la victime. C’est là une des innovations du Code CIMA.
B- Le Fonds de garantie
Le Code CIMA prévoit également la mise en place par chaque Etat d’un fonds
de garantie automobile à travers ses articles 600 et 601. Ce fonds est destiné à
l’indemnisation des victimes de dommages résultant d’atteintes à leurs personnes
lorsque le responsable des dommages demeure inconnu ou n’est pas assuré, sauf par
l’effet d’une dérogation légale à l’obligation d’assurance. Un règlement de la CIMA
fixera les modalités de fonctionnement du Fonds de garantie automobile ainsi que le
délai dans lequel il sera mis en place. La forme juridique et le mode financement du
Fonds de garantie automobile seront déterminés par chaque Etat. Ce fonds n’est pas
encore effectif dans la plupart des Etats de la CIMA dont le Burkina Faso.
Une telle responsabilité n’est pas prévue par les textes en vigueur en droit
burkinabè. Le droit comparé français et européen est néanmoins utile à connaître.
Transposant en droit français une directive communautaire du 25 juillet 1985, la loi
du 19 mai 1998 a inséré dans le Code civil les articles 1386-1 à 1386-18 qui édictent
des règles spécifiques pour la responsabilité du fait des produits défectueux. Ces
nouvelles dispositions ne font toutefois pas obstacle à l’application d’autres règles
plus favorables que la victime pourrait invoquer au titre du droit de la responsabilité
contractuelle ou extracontractuelle. Il importe d’identifier les conditions de la
responsabilité du fait des produits défectueux (§ I) avant d’examiner le régime de
celui-ci (§ II).
233
§ I : Les conditions de la responsabilité
§ II : Le régime de la responsabilité
234
TITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE CIVILE
Le tout n’est pas de remplir les conditions de la responsabilité civile :
dommage, fait générateur et lien de causalité. En effet, en restant à ce stade, il n’est
pas certain qu’on obtiendra une réparation quelconque. Il convient de rechercher par
quelles voies (judiciaires ou non) la réparation pourra être obtenue (Sous-titre I). Il
faut ensuite aborder les caractères et les différentes sortes de réparation (Sous-Titre
II). Il y a lieu de mentionner que les règles de mise en œuvre de la responsabilité
civile sont en général considérées comme étant d’ordre public, d’où l’invalidité ou la
nullité des clauses exonératoire de responsabilité.
235
SOUS-TITRE I : LES VOIES DE LA REPARATION
236
CHAPITRE I :LA VOIE CONVENTIONNELLE
C’est l’article 2044 du Code civil qui définit la transaction. La transaction est un
contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une
contestation à naître. De manière succincte seront examinés la notion de transaction
(Section I), les conditions (Section II) et les effets ainsi que les causes de nullité ou de
rescision de la transaction (Section III).
La transaction est très souvent utilisée au Burkina, comme dans les autres pays
africains ou non africains, du moins pour les dommages d’une ampleur limitée. Le
recours préalable à la transaction est devenu obligatoire pour les compagnies
d’assurance en cas d’accidents de la circulation. On peut soutenir que la majorité des
dommages sont réparés par la voie de la transaction. Il faut d’ailleurs y inclure les
renonciations à réparation dues au caractère limité du dommage ou au dénuement de
l’auteur ou à des considérations morales ou sociales.
Les transactions présentent des avantages certains sur la voie judiciaire :
d’abord la rapidité ; ensuite le maintien d’un climat cordial ou fraternel entre les
intéressés ; puis la réparation pourra être réglée par d’autres moyens (notamment par
voie de renonciation de la victime) ; enfin, les intéressés n’ont pas à faire au coût de
la justice (honoraires de l’avocat, frais de procédure …) ni à passer beaucoup de
temps dans les audiences. De plus, comme le dit un proverbe, un mauvais
arrangement (transaction) vaut mieux qu’un bon procès. Mais l’arrangement peut être
si mauvais qu’il provoque lui-même un procès. En effet, le risque est grand que la
réparation accordée soit très inférieure au dommage, voire dérisoire, et surtout que
quelques temps après, des suites plus graves se manifestent alors qu’en général la
victime renonce dans la transaction à toute action de quelque nature que ce soit et
pour toutes les suites, même imprévisibles, de l’accident, contre le responsable et son
assureur. C’est pourquoi des conditions sont posées à la validité des transactions.
La transaction doit faire l’objet d’un écrit. Elle ne peut être passée qu’une fois
le dommage réalisé. On ne peut s’exonérer par avance de sa responsabilité en la
matière ni renoncer d’avance à son droit. Une fois, le dommage réalisé, la transaction
est valable si elle respecte les conditions de validité de tout contrat (capacité,
consentement, objet, cause).
Les transactions ne sont annulables ou rescindables que dans des cas limités : la
découverte de pièces reconnues fausses, ou de titres nouveaux montrant l’absence de
237
droit d’une des parties, ou encore la transaction a été viciée par violence, dol, erreur
sur la personne ou erreur sur l’objet.
Par faveur pour les victimes, la jurisprudence tente d’élargir les causes de
nullité. Malgré une certaine hésitation, lorsque l’état de la victime s’est aggravé et que
l’indemnité se révèle dérisoire, elle a tendance à y voir une erreur sur l’objet de la
contestation. Seul le législateur pourrait édicter une réglementation suffisamment
protectrice pour les victimes, comme c'est le cas avec le Code CIMA pour le domaine
qu’il couvre.
238
CHAPITRE II : LA VOIE JUDICIAIRE
Elle soulève de nombreuses difficultés relevant pour une bonne part d’autres
matières et que nous ne pourrons qu’évoquer. Pour s’en tenir à l’essentiel, il convient
d’étudier : la compétence (Section I), l’action de la victime (Section II) et les actions
récursoires (Section III).
Section I : La compétence
§ II : La compétence territoriale
Pour ce qui est de la compétence territoriale, elle précise quel est, de tous les
tribunaux de même catégorie répartis sur le territoire national, celui qui devra
connaître de l’affaire en raison de sa localisation. Le tribunal compétent est, en
principe, celui du domicile du défendeur. Mais la victime a la possibilité d’assigner le
défendeur devant le Tribunal du lieu où le dommage a été subi ou s’est produit.
239
Section II : L’action de la victime (ou des victimes)
Tout ce qui sera dit ici est valable pour la victime directe comme pour les
victimes par ricochet. En dehors de la question des pouvoirs importants dont dispose
le juge dans l’évaluation des DI, qui sera abordée dans le titre II, on retiendra les
caractères de l’action et la date de naissance de la créance de réparation.
240
D’une importance capitale, cette question a été résolue dans l’intérêt de la
victime. A partir du droit positif, on peut poser un principe (A) et une exception (B).
L’exception concerne les cas dans lesquels il faut connaître le montant exact de
la réparation ou pratiquer la saisie-vente du débiteur ou encore faire produire à la
créance des intérêts.
272 Mazeaud Henri, Léon et Jean, Chabas, François, Juglart Michel de, Leçons de droit civil, Tome II,
1er volume : Obligations : Théorie générale, Editions Montchrestien, 7e éd., 1985, n° 619.
273 C. cas. fr., civ., 5 novembre 1945, Dalloz 1946, 33.
241
CHAPITRE III : LES ACTIONS RECURSOIRES
Les conditions du recours sont différentes suivant que l’action est portée
devant la juridiction civile ou devant la juridiction répressive.
Si le juge condamne les coauteurs in solidum et détermine la part qui doit être
supportée par chaque responsable, il n’y a pas de difficulté : si la victime réclame
paiement intégral à l’un, ce dernier ne réclamera à chacun que sa part fixée. Mais si
un seul des coresponsables a été assigné par la victime, celui-ci peut assigner ses
coresponsables afin de se faire rembourser une partie de la dette à fixer par le
tribunal.
B- L’affaire a été portée devant la juridiction répressive
A moins que le juge répressif ait déterminé la part qui doit être supportée par
chacun, le coresponsable poursuivi doit par la suite attraire les coresponsables devant
la juridiction civile et dans le délai de la prescription des infractions pénales.
242
§ II : Le fondement de l’action récursoire
S’il y a obligation in solidum, celui qui a payé est subrogé dans les droits du
créancier, ce qui lui permet de poursuivre les autres coresponsables. En effet, l’article
1251 du Code civil dispose que la subrogation a lieu de plein droit, entre autres, « au
profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt de
l’acquitter ».
243
Il convient d’examiner le recours de la sécurité sociale (§ I), celui de l’assureur
(§ II) et enfin celui des collectivités publiques et des entreprises (§ III).
§ II : Le recours de l’assureur
244
Lorsque l’assuré est le tiers responsable (assurance responsabilité civile), la
victime dispose, en vertu de l’article 54, al. 1, du Code CIMA d’une action directe
contre l’assureur pour l’indemnisation de ses préjudices. Cette indemnisation n’est
pas possible que si l’action de la victime contre l’assuré existe. Elle s’effectue, par
ailleurs, conformément aux conditions du contrat d’assurance conclu entre l’assuré et
l’assureur. La victime ne peut cumuler le recours contre l’assureur et celui dirigé
contre le tiers responsable assuré. En principe, l’assureur n’a pas, en cette hypothèse,
d’action récursoire contre le responsable qui est son propre assuré. Toutefois, si son
assuré est responsable avec d’autres ou pour d’autres, il peut se subroger dans les
droits de son assuré et exercer son recours récursoire contre les coresponsables.
245
SOUS-TITRE II : LES CARACTERES ET LES DIFFERENTES
SORTES DE REPARATION
246
CHAPITRE I : LES CARACTERES DE LA REPARATION
De prime abord, réparer c’est faire en sorte que le dommage n’ait point existé
et rétablir la situation antérieure. C’est donc effectuer une réparation en nature.
Ainsi, si du fait d’une personne, votre mobylette neuve est volée, il suffira qu’elle
vous en rachète une autre. Si au cours d’un accident, les pneus d’une voiture éclatent,
il suffira de les remplacer. En matière de dommages causés aux biens, la réparation
en nature est très adaptée et facile à réaliser, encore que, très souvent, le responsable
payera une somme d’argent à la victime qui se chargera de faire disparaître le
dommage subi.
Mais pour les dommages corporels et moraux, la réparation en nature est
presque toujours impossible. On ne ressuscite pas les morts et il est difficile d’effacer
les injures, la diffamation, la douleur... Dans tous ces cas, la réparation ne va pas
entraîner l’effacement direct du dommage. Il va y avoir compensation (ou
réparation par équivalent) : de manière imagée, on peut dire que vous avez au
passif le dommage et à l’actif une somme d’argent de valeur équivalente, de sorte que
si l’on soldait le compte, il serait nul.
276 Voy. dans ce sens par ex. Civ. 2e, 1er avril 1963, JCP 1963, II, 13408 ou Civ. 2 e, 9 juillet 1981, Bull.
II, n° 156, p. 101. Pour la Cour de cassation fr. viole l’article 1382 la cour d’appel qui fixe le préjudice
en équité à une somme forfaitaire (Civ. 1ère, 3 juillet 1996, JCP 96, IV, 2020).
247
caractère compensatoire. Il n’y a pas effacement du dommage mais compensation,
c’est-à-dire qu’on équilibre un effet par un autre, une perte par un gain… Même la
réparation en nature n’efface pas le dommage (rétroactivement), elle ne fait que le
compenser. Mais, pour être acceptable, la compensation doit être à la mesure du
dommage.
Il faut déjà exclure les hypothèses dans lesquelles ce sont les circonstances de
production du dommage qui empêchent la réparation intégrale, comme lorsque la
faute de la victime ou la force majeure ont concouru au dommage avec le fait du
responsable. En dehors de ce cas, il faut poser que la réparation doit être intégrale.
Les dommages-intérêts ou le montant de la réparation se mesurent sur le préjudice
subi, non sur la faute. La gravité de celle-ci doit rester sans influence sur le montant
des dommages-intérêts car le juge qui condamne le responsable ne le frappe pas
principalement d’une peine mais l’oblige à réparer un dommage.
En pratique, les juges se laissent souvent impressionner par la gravité de la
faute. Cependant, le principe de la réparation intégrale, ni plus ni moins que le
dommage, est réaffirmé régulièrement par les juridictions supérieures. La Cour
suprême de Haute-Volta277 rappelle que l’on doit rétablir l’équilibre détruit par le
dommage et replacer la victime dans la situation où elle serait demeurée sans l’acte
dommageable et que le principe de la réparation intégrale des conséquences
dommageables veut que le préjudice soit entièrement réparé mais non dépassé.
Autrement dit, tout le dommage, rien que le dommage, ni plus ni moins. En pratique,
la victime peut dans certains cas obtenir plus (§ I) ou moins (§ II).
248
- en période de pénurie et de taxation des prix (fixation autoritaire), la
jurisprudence, embarrassée compte tenu de l’existence de marchés noirs ou parallèles,
octroi aux victimes des indemnités supérieures à la taxe279.
Pour les biens taxés, si le juge accorde le prix taxé, la victime peut rencontrer
des difficultés pour acquérir le bien si on ne le trouve pas sur le marché officiel.
Lorsque la valeur de remplacement d’un bien, une voiture par exemple, est
inférieure au coût de la remise en état du bien endommagé, la jurisprudence impose à
la victime d’accepter cette valeur.
249
CHAPITRE II : LES SORTES DE REPARATION
§ I : Le système classique
C’est le dommage le plus facile à cerner. Une voiture est complètement détruite
dans un accident. On peut la remplacer ou donne sa valeur à son propriétaire. Un
autre exemple : un commerçant a raté un marché par la faute de quelqu’un. On sait
ce qu’il aurait put gagner là-dessus. On lui donne alors le gain manqué, estimé. Mais
comme on l’a déjà vu, il y a des problèmes en ce qui concerne le remplacement du
vieux par du neuf ou encore en cas de prix taxé (marché noir : la jurisprudence
accorde une somme supérieure au prix taxé).
281Voy. les 4 décisions de la Cour d’appel de Ouagadougou du 8 décembre 1989, du 26 janvier 1990,
du 24 avril 1991 et du 21 février 1992 qui datent d’avant l’adoption et la mise en application du Code
CIMA.
250
B- L’évaluation du dommage corporel
282 François Terré, Philippe Simler, Lequette Yves, Droit civil, Les Obligations, Dalloz, 8 e éd., 2002, n°
901.
283 Rémy Cabrillac, op. cit., n° 341.
251
l’importance de l’invalidité de la victime et l’indemnité s’établira en multipliant ce
« point » par le taux d’incapacité résultant de l’accident.
En tous les cas, le juge ne doit pas se référer expressément à tel ou tel barème.
Sa décision aurait toutes les chances d’être cassée parce que constituant un arrêt de
règlement. En effet, l’article 5 du Code civil défend aux juges de prononcer par voie
de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. Ce
serait un empiètement sur le pouvoir législatif (ce qui est grave dans un système de
séparation des pouvoirs). Un arrêt de la Chambre criminelle de la cour de cassation
française du 5 novembre 1955284 a cassé un arrêt de la Cour d’appel de Poitiers qui
allouait à la victime 2 500 000 F tout en reconnaissant l’importance du dommage au
motif que « la Cour ne croit pas pouvoir aller au-delà de son appréciation maximum
habituelle en cette matière ». Il aurait suffit qu’il n’y ait pas cette phrase pour que la
décision ne soit pas cassée.
C’est un système qui joue lorsque le dommage causé fait intervenir une
compagnie d’assurance. Il est très technique. Il est fondé sur l’application de barèmes
forfaitaires. Il concerne à titre principal les atteintes aux personnes. Il procède à une
énumération des préjudices réparables et des bénéficiaires de la réparation dans les
articles art. 258 à 263 :
- D’abord pour les victimes directes : frais de toute nature avec un
plafonnement ; incapacité temporaire dont la durée est fixée par expertise médicale ;
incapacité permanente dont le taux est fixé de 0 à 100% par expertise médicale en
tenant compte de la réduction de capacité physique et par référence au barème
médical adopté par la CIMA et annexé au livre II : il se décompose en préjudice
physiologique calculé, sauf accord amiable, suivant l’échelle de valeur de points
d’incapacité ; en préjudice économique si le taux d’incapacité permanente est d’au
moins 50% et en préjudice moral s’il y a une incapacité permanente d’au moins 80%
(montant : une fois le SMIG) ; l’assistance d’une tierce personne ; la souffrance
physique et le préjudice esthétique ainsi que le préjudice de carrière.
- Ensuite pour les victimes par ricochet : frais funéraires ; préjudice
économique et préjudice moral des ayants droit du décédé.
252
l’âge de la victime. A titre d’exemple, pour une incapacité de moins de 5%, le point a
pour valeur 18 217 F pour une victime de moins de 15 ans et 15 181 F pour une
victime de 70 ans et plus ; pour une incapacité entre 91 et 100%, le point a pour
valeur 88 050 F pour une victime de moins de 15 ans et 54 651 pour une victime de
70 ans et plus.
Le système d’indemnisation du Code CIMA est une bonne démonstration du
bien-fondé de la théorie de l’enveloppe. Cette dernière signifie que « toute nation ne
dispose que d’une enveloppe pour réparer les préjudices subis par le citoyen. C’est une fraction du
produit national brut. Or, elle est toujours insuffisante quelle que soit la richesse du pays, pour
procurer l’idéal… »285.
Section II : Les variations du dommage
285 F. Chabas, « La réparation des accidents de la circulation dans la nouvelle législation uniforme des
Etats africains francophones », Gaz. Pal., 1993, p. 5 cité par K. Nikiéma, « Le Code CIMA : un
nouveau droit des accidents de la circulation au Burkina Faso, RBD, n° 27-janvier 1995, p. 84.
286 Terré François, Simler Philippe, Lequette Yves, op. cit., n° 903.
287 Cour suprême, Chambre judiciaire, formation pénale, arrêt n° 15, du 14 novembre 1969.
253
et ceux ne comportant pas de tels risques, certains juges ont accordé la réparation
intégrale et d’autres une réparation partielle en opérant une réduction de celle
accordée. Toutefois, un arrêt de la Chambre criminelle du 13 juillet 1969 288 est
intervenu contre cette jurisprudence. La Chambre criminelle déclare que les juges ne
peuvent imposer une opération à laquelle la victime refuse de se prêter et ce refus ne
peut entraîner une diminution de l’indemnité : la victime « n’est pas tenue de limiter
son préjudice dans l’intérêt du responsable »289. Le problème demeure controversé
car le système anglo-saxon admet la mistigation of damages. L’avant-projet Catala de
réforme du Code civil français envisage, de même que les projets Lando et Gandolfi,
une solution mesurée : intégrer cette mistigation of damages dans le Code civil, sauf en
cas de mesures susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique de la victime290.
Les solutions se fondent ici sur l’autorité de chose jugée. En cas d’aggravation
uniquement et s’il y a un nouvel élément du dommage, une indemnité peut être
allouée parce que ce supplément de préjudice par hypothèse n’existait. Du fait du
changement dans l’état de la victime, une nouvelle décision de condamnation est
nécessaire291. Si le préjudice s’atténue ou disparaît, la victime conservera toute
l’indemnisation déjà versée ou qui reste à verser (rente).
Le Professeur Boris Stark292 s’insurge contre ces solutions qui peuvent aboutir
à des situations choquantes :
- la veuve attend le jugement définitif lui allouant une indemnité pour le
préjudice moral et matériel que lui cause la perte de son mari puis se remarie ; si elle
s’était remariée avant le jugement, l’indemnité aurait été nettement moindre ;
- l’individu qui refuse de se soumettre à une intervention chirurgicale avant le
jugement, et à qui une indemnité élevée est allouée compte tenu de son état, puisera
288 RTD civ., 1969, 782. Voy. plus récemment Civ. 2 e, 19 juin 2003, JCP 2004, I, 101, p. 19, obs. G.
Viney, 2 arrêts : 1) une boulangère dans l’incapacité d’exploiter son fonds suite à un accident, fonds
qui a ainsi perdu toute valeur, peut être indemnisée de ce préjudice même si elle avait la possibilité de
faire exploiter le fonds par un tiers ; 2) une victime n’est pas tenue à peine de réduction de son
indemnisation de suivre une rééducation psychologique.
289 Civ. 2e, 19 juin 2003, op. cit.
290 L’article 1373 du Projet dispose : « Lorsque la victime avait la possibilité, par des moyens sûrs,
23, obs. G. Viney, pour qui toute victime dispose d’une nouvelle action en réparation contre le
responsable en cas d’aggravation de son dommage, l’autorité de la chose jugée ne pouvant être
opposée à une nouvelle action tendant à la réparation d’un élément du préjudice inexistant au moment
de la demande initiale et sur lequel il n’a donc pu être statué.
292 Droit civil, Obligations, Lib. Tech., 1972, p. 337.
254
le courage nécessaire pour se faire opérer dans le principe de la « chose jugée » : son
état s’améliorera et il conservera l’indemnité accordée.
L’auteur ne souhaite pas le maintien d’une autorité de chose jugée rigide.
Le capital est une somme d’argent allouée en seule fois à la victime. Il en est
très souvent ainsi. Dans un certain nombre d’hypothèses, c’est le capital qui doit être
alloué : dommages subis par les choses, dommage moral. C’est si normal ou naturel
que l’on n’a pas coutume de parler de capital dans ce cas. Le problème se pose
uniquement pour le dommage matériel à caractère permanent dû à un dommage
corporel. Recevant un capital dans ce cas, la victime peut l’investir, le placer
convenablement, de sorte qu’il rapporte autant que la dépréciation monétaire, voire
plus. Evidemment, si la somme est dilapidée, la victime sera totalement démunie. Le
capital présente un inconvénient pour l’auteur qui devra en une seule fois décaisser
255
une somme élevée. Mais très souvent, c’est plutôt l’assurance qui supporte la
réparation.
256
Ce système essentiellement jurisprudentiel a pour avantages la souplesse et
l’adaptabilité. Il a pour inconvénients le caractère aléatoire des solutions que l’on
constate dans la mise en œuvre, notamment dans l’évaluation des dommages-intérêts
où le juge dispose d’un pouvoir quasi souverain, ce qui peut entraîner une inégalité de
traitement entre victimes. De là découle l’importante d’une réforme de caractère
législatif pour trancher le point de savoir si la responsabilité doit rester liée un tant
soit peu à la faute, pour fixer des critères d’évaluation des dommages, pour décider
s’il faut fiscaliser la réparation des dommages dont les auteurs sont insolvables ou
introuvables... Dans ce sens, des solutions partielles ont été trouvées. En France, la
loi du 31 décembre 1951 organise la réparation du dommage corporel ou matériel
résultant d’un accident de la circulation sur le sol français. En France, la loi du 5
juillet 1985 et le Code CIMA en Afrique francophone constituent des réponses,
certes partielles mais importantes, à ce questionnement.
257
LIVRE DEUXIEME :
296 On parle aussi de régime général des obligations mais dans ce cas il pourrait s’agir de l’ensemble de
la TGO. C’est le cas du Régime général des obligations au Mali (loi n° 87-31-AN-RM du 29 août 1987,
305 articles au total).
297 Voy., entre autres, sur les règles communes aux obligations :
- François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 11e éd., 2013,
n° 1075 et s. où les auteurs traitent de cette question dans le livre de leur ouvrage intitulé « Régime
général des obligations » ;
- Jacques Flour, Jean-Luc Aubert, Yvonne Flour, Eric Savux, Droit civil, Les obligations, 3 : Le rapport
d’obligation, Armand Colin, 9e éd., 2015.
258
- à la transmission de l’obligation : cession de créance, cession de dette, cession
de contrat ;
- à la transformation de l’obligation : novation (c’est l’opération par laquelle
une obligation nouvelle est substituée à l’obligation ancienne), délégation (la
délégation est l’opération par laquelle une personne, le délégué, accepte, sur l’ordre
d’une autre, le délégant, de s’obliger au profit d’un tiers, le délégataire) ;
- à l’extinction de l’obligation : par satisfaction directe : paiement, y compris le
paiement avec subrogation (légale ou conventionnelle) ; par satisfaction indirecte :
dation en paiement, compensation, confusion ; ou sans satisfaction : remise de dette,
prescription extinctive.
259
TITRE II :: LES
TITRE LES MODALITES
MODALITES DES
DES OBLIGATIONS
OBLIGATIONS
260
CHAPITRE I : LES MODALITES DES OBLIGATIONS TIREES DU
FACTEUR TEMPS : LE TERME ET LA CONDITION
Section I : Le terme
Le terme peut être défini comme un événement futur mais certain mais dont
dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation. Il importe de connaître la variété des
termes (§ I), avant de se pencher sur le terme conventionnel (§ II) puis le terme de
grâce et le moratoire (§ III).
A cet égard, une distinction est faite entre le terme ayant une date certaine et
celui ayant une date incertaine. Le terme peut avoir une date certaine : cela signifie
que la date est connue à l’avance. On parle parfois de terme certain mais l’expression
est mal choisie puisque par définition le terme est toujours certain. Il s’agit plus
exactement de la date qui est certaine. Le terme peut avoir une date incertaine :
l’événement est bien certain mais sa date est inconnue, par ex. le décès d’une
personne.
261
C- La différence quant à la source du terme
Le terme peut puiser sa source dans une convention, dans la loi ou dans une
décision judiciaire. Cette distinction est très importante et sert de trame aux
développements suivants.
§ II : Le terme conventionnel
A- Les modalités
Le terme peut être exprès ou tacite. Le terme exprès est le terme stipulé
dans un acte. On est en présence du terme tacite lorsque, compte tenu des
circonstances, l’obligation ne peut pas être exécutée immédiatement, par exemple
parce qu’elle suppose l’exécution d’un travail, soit en raison de la distance.
B- Les effets
2) Le terme suspensif
262
Deux périodes sont à distinguer : celle d’avant l’arrivée du terme et celle de
l’échéance.
a) Avant l’arrivée du terme
C- L’extinction
2) La déchéance du terme
263
La déchéance du terme est une sanction qui frappe le débiteur : il est tenu de
payer immédiatement. Deux circonstances de portée générale entraînent déchéance
du terme (des cas particuliers se rencontrent aussi en certains domaines, par exemple,
en matière d’actes portant sur un fonds de commerce ou d’effets de commerce).
Selon l’article 1188, « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme lorsque, par son
fait, il a diminué les sûretés qu’il avait données par le contrat à son créancier ». Dans cette
hypothèse, le créancier avait accordé un terme à son débiteur et obtenu de celui-ci
une sûreté en garantie du recouvrement de sa créance (hypothèque, gage,
cautionnement). On présume alors que le créancier avait accordé le délai en
contrepartie de la sûreté. Si cette garantie vient à être diminuée, en dehors d’un cas de
force majeure, le débiteur ne mérite plus la confiance du créancier qui est alors en
droit d’exiger un paiement immédiat. Il en est notamment ainsi en cas de déconfiture
du débiteur, c’est-à-dire lorsqu’une décision de justice constate son insolvabilité. La
déchéance elle-même doit être prononcée par le juge, qui apprécie l’importance de la
diminution des sûretés et les risques qui en résultent pour le recouvrement de la
créance.
D’après l’article. 1244 du Code civil, il est accordé par le juge, qui tient compte
de la situation du débiteur et des besoins du créancier, mais ne peut accorder un délai
supérieur à deux ans. L’article 39 de l’Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées et des voies d’exécution vient remplacer cette disposition. Il
dispose que :
« Le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette, même
divisible.
Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier,
la juridiction compétente peut, sauf pour les dettes d'aliments et les dettes cambiaires, reporter ou
264
échelonner le paiement des sommes dues dans la limite d'une année. Elle peut également décider que
les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Elle peut en outre subordonner ces mesures à l’accomplissement, par le débiteur, d'actes
propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ».
Le délai de grâce suspend seulement les mesures d’exécution, mais la dette est
échue et exigible. De ce fait, les intérêts continuent à courir de plein droit et la
compensation ci-dessous abordée (art. 1292) joue.
B- Le moratoire
Le moratoire est un délai de grâce accordée par la loi dans des circonstances
exceptionnelles, comme la guerre ou une grève particulièrement longue et
perturbatrice, et à titre temporaire. Les mesures prises sont très variables : le
moratoire peut avoir une portée générale et bénéficier en principe à tous les débiteurs
(loi du 5 août 1914), seulement à certaines catégories d’entre eux (mobilisés et
prisonniers de guerre : décret-loi du 1er sept. 1939 ; rapatriés d’Algérie : loi du 11 déc.
1963), ou à ceux qui sont tenus de certaines dettes (loyers, prix d’un fonds de
commerce, en vertu de divers textes spéciaux).
Section II : La condition
265
tendance à considérer la réalisation de la condition résolutoire comme une seconde
mutation. Il convient d’examiner brièvement la validité (§ I) puis les effets (§ II) de la
condition.
§ I : La validité de la condition
A- La possibilité
B- La licéité
La condition ne doit pas être contraire à la loi, à l’ordre public ni aux bonnes
mœurs, par exemple, une clause imposant le célibat.
L’illicéité ou l’immoralité entraîne la nullité soit du contrat en entier, soit
seulement de la condition, selon qu’elle a été ou non une cause impulsive et
déterminante pour les parties.
266
épouse telle personne ou l’achat d’un bien sous la condition de l’obtention d’un prêt.
La condition mixte est valable.
2) La condition potestative
Sa validité ne pose pas de problème, car une obligation peut exister, même si le
créancier n’a pas encore manifesté son intention d’en exiger l’exécution. Ainsi, la
vente à l’essai, dont la validité est indiscutable, est considérée comme une vente sous
condition suspensive de l’agrément de la chose par l’acheteur (art. 1588).
299 Dans la vente d’un immeuble conclue entre un acheteur et un vendeur non propriétaire de
l’immeuble au moment de la convention, mais s’engageant à obtenir du propriétaire actuel une
promesse unilatérale de vente, la condition ainsi mise à la vente est purement potestative, dès lors que
le vendeur reste libre d’acquérir ou ne pas acquérir sans être enfermé dans un quelconque délai (Civ.
3e, 13 octobre 1993, Dalloz 1994, Somm. 231, obs. Paisant).
267
recherchent donc dans chaque cas concret si l’existence de l’obligation est
subordonnée à un fait dont l’accomplissement est à la merci du débiteur.
La condition est réalisée lorsque l’événement est arrivé dans le délai prévu.
Dans le cas où aucun délai n’avait été fixé, l’article 1176 du Code civil dispose que la
condition peut toujours s’accomplir et qu’elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est
devenu certain que l’événement n’arrivera pas (l’art. 1177 édicte une règle symétrique
pour le cas où l’obligation est contractée sous la condition qu’un événement
n’arrivera pas). Les effets sont automatiques et en principe rétroactifs. Ils diffèrent
selon que la condition est suspensive (A) ou résolutoire (B). Il conviendra en outre de
mettre cette rétroactivité en rapport avec les droits des tiers (C).
A- La condition suspensive
2) La condition se réalise
268
condition suspensive de l’obtention d’un prêt refuse le prêt qui lui est proposé à un
coût normal.
B- La condition résolutoire
2) La condition se réalise
C’est en définitive surtout pour les actes de disposition que les droits des tiers
risquent d’être menacés : par exemple, l’acquéreur de bonne foi qui achète un bien à
un vendeur dont le droit est conditionnel. Néanmoins, ils bénéficient de deux modes
269
principaux de protection : en matière immobilière, ils sont informés de la condition
par la publicité foncière et, en matière mobilière, le possesseur de bonne foi peut se
prévaloir de l’article 2279.
Le régime des obligations est précisé par les articles 1189 à 1196 du Code civil
burkinabè : l’obligation a également deux objets ou davantage, mais cette fois le
débiteur se libère en fournissant un seul d’entre eux, par exemple, telle somme
d’argent ou tel bien. Pour la vente, c’est l’article 1584, al. 2, qui prévoit que la vente
peut avoir pour objet une ou plusieurs choses alternatives. Le choix, discrétionnaire,
appartient en principe au débiteur, mais une clause expresse du contrat peut le laisser
au créancier.
Dans droit français, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, a renouvelé
quelque peu le régime de l’obligation alternative300. Il prévoit certes que le choix
appartient au débiteur. Toutefois, si ce choix n’est pas exercé dans un délai
raisonnable, le créancier peut le mettre en demeure d’avoir à faire ce choix ou
résoudre le contrat. Une fois le choix effectué, il devient définitif, de sorte que
270
l’obligation perd son caractère alternatif. Ainsi, en cas de force majeure touchant
l’obligation choisie, le débiteur est libéré et ne peut être tenu d’exécuter l’autre
obligation.
271
Sauf disposition légale ou stipulation contractuelle contraire, les obligations
plurales sont conjointes. L'obligation conjointe représente donc le droit commun des
obligations plurales. Cependant, elles sont assez rares en pratique et se rencontrent
surtout en cas de décès du créancier ou du débiteur qui laisse plusieurs héritiers : la
créance ou la dette se divise de plein droit entre eux (art. 1220). Le caractère conjoint
de l’obligation est écarté en cas d’indivisibilité, de solidarité ou en présence d’une
obligation in solidum.
A- Les sources
B- Le régime
Le régime des obligations indivisibles est prévu aux articles 1222 à 1225.
L’exécution de l’obligation ne peut pas être divisée activement ni passivement, d’où :
1° Si l’indivisibilité est active (plusieurs créanciers), chaque créancier peut
réclamer l’exécution en totalité, et le débiteur qui a tout payé à ce créancier est libéré ;
le créancier qui a reçu le paiement doit remettre à chacun des autres créanciers la part
à laquelle il a droit. Sauf disposition contraire, les droits des créanciers sont égaux.
2° Si l’indivisibilité est passive (plusieurs débiteurs), chaque débiteur est tenu
de payer la totalité ; celui qui a payé le créancier a un recours contre ses codébiteurs.
Sauf disposition contraire, les parts des débiteurs dans la dette sont égales.
3° Puisque l’objet est indivisible (naturellement ou par la volonté des parties),
l’obligation ne se fractionne pas, en cas de décès d’une partie, entre ses différents
272
héritiers ; par exemple, si un débiteur décède, chacun de ses héritiers est aussi tenu à
la totalité.
4° L’interruption de la prescription produit ses effets à l’égard de tous les
créanciers ou de tous les débiteurs.
Le régime de l’obligation indivisible est très proche de celui de l’obligation
solidaire.
1) Les sources
273
Elles sont au nombre de deux : la volonté des parties (a) et la loi (b).
L’article 1202, al. 1er, du Code civil dispose : « La solidarité ne se présume point ; il
faut qu’elle soit expressément stipulée ». La clause qui la stipule dans un contrat (ou un
testament) n’est toutefois pas assujettie à un formalisme spécifique, et les termes de
« solidarité » ou d’« obligation solidaire » ne sont donc pas indispensables : il suffit
que la volonté des parties soit clairement exprimée. En revanche, en vertu d’un usage
consacré par la jurisprudence, elle se présume en matière commerciale. Il en est de
même en matière de cautionnement selon l’article 20 de l’Acte uniforme portant
organisation des sûretés.
b) La loi
La loi prévoit de nombreux cas de solidarité passive, que l’on justifie par trois
idées principales.
274
- de certaines hypothèses de responsabilité concernant la tutelle : si le conjoint du
tuteur s’est « immiscé dans la gestion du patrimoine pupillaire », il est solidairement,
responsable avec lui de la gestion (Burkina, CPF, art. 584 ; France, C. civ.,
art. 418) ; de même, il y a responsabilité solidaire du subrogé tuteur et du
tuteur en cas de défaut d’inventaire et de condamnation au profit du pupille
(Burkina, CPF, art. 598 ; France, C. civ., art. 451).
- de la responsabilité solidaire des exécuteurs testamentaires pour leur gestion
commune (CPF, art. 973 ; C. civ., art 1033).
2) Le régime
Le régime de la solidarité passive est prévu par les articles 1200 à 1216 du Code
civil. Il y a lieu de distinguer les effets dans les rapports entre le créancier et les
débiteurs solidaires et les effets dans les rapports des codébiteurs entre eux.
275
personnelle d’extinction (par exemple, une remise de dette que le créancier
lui a accordée). En revanche, il ne peut pas opposer au créancier les
exceptions qui sont purement personnelles aux autres débiteurs (art. 1208,
al. 2.).
- Les moyens de défense personnels du débiteur ont des effets d’intensité variable.
276
- La solidarité n’est instituée qu’au profit du créancier, donc elle n’a plus à jouer
dans les rapports entre les débiteurs : l’obligation solidaire se divise de plein
droit entre eux et chacun n’est tenu que pour sa part et portion (art. 1213).
- Sauf disposition légale ou conventionnelle contraire, les parts sont égales : on dit
que chaque débiteur solidaire est tenu pour une part virile.
- Si un codébiteur est insolvable, sa part sera répartie entre les codébiteurs
solvables (art. 1214, al. 2).
La deuxième règle accorde à celui qui a payé l’une ou l’autre des deux
actions suivantes :
- une action personnelle, soit fondée sur le mandat (s’il y a eu contrat entre les
codébiteurs), soit fondée sur la gestion d’affaires (en payant, l’un des
débiteurs a géré spontanément l’affaire des autres) ;
- l’action qui appartenait au créancier lui-même (action subrogatoire), car le
débiteur qui a payé bénéficie de la subrogation de plein droit accordée par
l’article 1251, 3°, à celui qui était tenu avec d’autres. Si cette action est
utilisée : - le débiteur ne peut réclamer que ce qu’il a payé (donc sans les
intérêts qu’il aurait pu réclamer – à dater du jour du paiement – s’il avait
engagé l’action personnelle : c’est l’inconvénient de l’action subrogatoire) ; -
mais, exerçant les droits du créancier, il bénéficie des sûretés (hypothèque,
gage ou autre) qui, éventuellement, protégeaient la créance originaire (c’est
l’avantage de cette action) ; toutefois, le débiteur solvens n’est pas subrogé
dans la solidarité elle-même et doit diviser son recours entre les codébiteurs,
chacun n’étant tenu que pour sa part (par exemple, soit une dette de 3 000 à
l’encontre de 3 débiteurs, A, B, et C ; si A paie les 3 000, il doit demander
paiement de 1 000 à B et de 1 000 à C).
277
§ IV : Les obligations in solidum
Pour les effets, en principe, ce sont ceux de la solidarité passive, mais non les
effets secondaires, car l’idée de représentation réciproque ne s’applique pas, d’où
l’expression de solidarité imparfaite.
278
TITRE II : LA TRANSMISSION ET L’EXTINCTION DES
OBLIGATIONS
279
CHAPITRE I : LA TRANSMISSION DES OBLIGATIONS
Une créance peut être cédée entre vifs et à titre particulier : la cession
s’effectue alors au moyen d’une convention par laquelle le cédant transmet sa
créance à l’encontre de son débiteur (dit cédé) à un cessionnaire. Cette transmission
s’opère gratuitement (c’est une donation) ou moyennant un prix (c’est une vente),
qui ne correspond pas nécessairement à sa valeur nominale (p. ex., créance de 1 000
F peut être vendue à 800 F, parce qu’elle est à terme, conditionnelle, litigieuse, etc.).
Au regard du droit positif, il y a une cession de créances de droit commun dont il est
nécessaire de connaître les conditions (§ I) et les effets (§ II) et des formes simplifiées
de cession de créance (§ III).
§ I : Les conditions
280
B- Les conditions d’opposabilité
L’article 1690 du Code civil burkinabè exige une formalité, non pour la validité
de la cession entre les parties, mais pour son opposabilité aux tiers. Ces derniers, au
sens de cette disposition, sont :
- le débiteur cédé, car il faut qu’il sache à qui il doit effectuer le paiement ;
- un autre cessionnaire (dans le cas où le cédant a cédé deux fois la même
créance) ;
- un créancier du cédant qui voudrait saisir la créance et qui évidemment ne
pourra plus le faire si la cession lui est opposable.
Pour la formalité, l’article 1690 envisage deux types d’actes qui ont date
certaine à l’égard des tiers :
- soit la signification de la cession au débiteur cédé, c’est-à-dire que le débiteur
est informé solennellement de la cession, ordinairement par un acte d’huissier, qui lui
est délivré sur l’initiative du cédant ou du cessionnaire ;
- soit l’«acceptation » de la cession par le débiteur cédé dans un acte
authentique : en réalité, le mot « acceptation » signifie ici, non pas l’accord du
débiteur, mais simplement la reconnaissance qu’il est au courant de la cession.
Sur ce point, le droit français a profondément été modifié. Aux termes des
articles 1323 et 1324 nouveaux du Code civil, issus de l’ordonnance du 10 février
2016, les formalités de l’article 1690 ont été abandonnées. La cession de créances est
opposable au débiteur, « s’il n’y a pas déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris
acte. ». Vis-à-vis des tiers aucune formalité n’est pas prévue pour l’opposabilité de la
cession. Il est simplement prévu que la cession leur est opposable à la date du
transfert de la créance (article 1323).
La formalité ainsi exigée vise à rendre la cession opposable aux tiers à compte
de sa date.
D’abord à l’égard du débiteur cédé :
- Avant la formalité, il devait payer le cédant.
- Après, il sait qu’il est devenu débiteur du cessionnaire : s’il paie le cédant, il ne
se libère pas et s’expose à payer aussi le cessionnaire.
Ensuite à l’égard des autres tiers
- En cas de conflit entre cessionnaires successifs auxquels le cédant aurait
transmis la créance, préférence est donnée à celui qui, le premier, a effectué la
formalité d’opposabilité, sauf si le débiteur avait eu, par un autre moyen,
connaissance de la première cession.
- A l’égard des créanciers du cédant : la formalité les informe de la cession et ils
ne peuvent plus saisir la créance, puisqu’elle n’appartient plus au cédant.
En droit français, les solutions sont différentes. Aux termes de l’article 1325
nouveau du Code civil, « Le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en
281
faveur du premier en date ». A l’égard du débiteur et des créanciers du cédant, c’est la
date de notification de la cession au débiteur ou le jour où ce dernier en a pris acte
qui est déterminante pour savoir qui peut réclamer le paiement (article 1324, alinéa C
civ fr.).
B- La création d’obligations
Si la cession est à titre gratuit, elle produit les effets d’une donation ; si elle est à
titre onéreux, elle entraîne les obligations d’une vente, notamment :
- le cessionnaire doit payer le prix convenu ;
- le cédant doit lui remettre le titre de créance ;
- le cédant doit garantit au cessionnaire : il garantit l’existence de la créance (art.
1693), mais non la solvabilité du débiteur (art. 1694).
La garantie légale peut être modifiée par une clause expresse de la convention.
La garantie peut être aggravée : par exemple, le cédant garantit la solvabilité actuelle
du débiteur, c’est-à-dire au jour de l’échéance ; dans cette hypothèse, la garantie n’est
toutefois donnée qu’à concurrence du prix de la cession, et non du montant de la
créance (art. 1694). En droit français, il est précisé que « Lorsque le cédant a garanti
la solvabilité du débiteur, cette garantie ne s’entend que de la solvabilité actuelle »
(article 1326, in fine, nouveau C. civ.). En sens inverse, elle est parfois atténuée : par
exemple, le cédant ne garantit pas l’existence de la créance (sauf si elle s’est éteinte de
son fait, par exemple, parce qu’il a cédé une créance, alors qu’il avait déjà reçu
paiement du débiteur).
C- La cession d’une créance litigieuse
282
Dans le cas particulier de la cession d’une créance litigieuse, c’est-à-dire
faisant l’objet d’une contestation en justice (art. 1700), le débiteur peut exercer le
retrait litigieux, c’est-à-dire se substituer au cessionnaire en lui remboursant le prix
réel de la cession (plus les frais du contrat et les intérêts, art. 1699). Cette faculté de
retrait s’explique par la méfiance du législateur à l’égard des acquéreurs de créances
litigieuses.
§ III : Les formes simplifiées de cession de créance
Les titres négociables sont des titres dont la circulation est facilitée et n’est pas
assujettie aux formalités de l’article 1690. Ils se caractérisent aussi par une protection
renforcée du cessionnaire puisque, s’il est de bonne foi, le débiteur ne peut pas lui
opposer les exceptions qu’il est en principe en droit d’opposer au cédant. En matière
de titres négociables prévaut donc le principe inverse de celui du droit civil : c’est
l’inopposabilité des exceptions. Ces titres sont surtout utilisés en matière
commerciale. Trois types se distinguent.
- Les titres nominatifs : le droit de créance est constaté par une inscription
sur un registre tenu par le débiteur, par exemple, une société, lorsque le titre est une
action : la cession s’opère par une inscription sur le registre.
- Les titres au porteur : la créance est incorporée dans le titre et se transmet
donc par la simple remise matérielle du titre de la main à la main (ou tradition).
- Les titres à ordre : le titre à ordre est un écrit contenant la clause invitant le
débiteur à payer « à l’ordre de x », c’est-à-dire à « x », ou telle autre personne désignée
par « x » (lettre de change, chèque, billet à ordre) ; la cession s’effectue par une
signature au dos du titre, apposée par le cédant, d’où le nom d’endossement.
B- Le Bordereau Dailly
283
Section II : La cession de dette
284
assurances (art. L. 121-10), le contrat d’assurance continue de plein droit en cas
d’aliénation de la chose assurée ; Dans le Code du travail (burkinabè : Loi n° 028-
2007/AN du 13 mai 2008, art. 91, al. 1 et français : art. L. 122-12, al. 2), le nouvel
employeur doit respecter les contrats de travail conclus par l’ancien en cas de cession
d’une entreprise.
285
CHAPITRE II : L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS
La principale est le paiement : c’est l’effet normal de l’obligation, celui que les
parties avaient en vue (§ I). D’autres procédés aboutissent également à la satisfaction
du créancier (II).
§ I : Le paiement
286
- si le solvens n’est pas propriétaire de la chose donnée en paiement, la nullité
peut être invoquée par le créancier ou le solvens ;
- si le solvens est incapable, la nullité ne peut être soulevée que par lui.
Par exception, le paiement d’une somme d’argent ou d’une autre chose qui se
consomme par l’usage ne donne pas lieu à remboursement lorsque le créancier l’a
consommée de bonne foi (art. 1238, al. 2).
Celui qui reçoit le paiement est l’accipiens. Le paiement doit être fait au
créancier (ou à son représentant). Lorsque l’accipiens n’avait pas droit au paiement :
- il est tenu de le restituer (répétition de l’indu) ;
- le débiteur n’est pas libéré.
Le paiement fait à un tiers qui n’avait pas pouvoir de le recevoir est néanmoins
libératoire :
- si le paiement est ratifié par le créancier (art. 1239, al. 2) ;
- si le créancier a profité du paiement (même texte) ;
- si le paiement a été fait de bonne foi et par suite d’une erreur légitime à un
tiers « en possession de la créance » (art. 1240), par exemple l’héritier apparent du
créancier.
Le créancier doit être capable de recevoir le paiement ; à défaut (p. ex.,
paiement effectué à un majeur en tutelle), le paiement n’est pas valable, sauf si le
débiteur prouve que la chose payée a tourné au profit du créancier (art. 1241), c’est-à-
dire que l’incapable a employé utilement les fonds.
2) L’objet du paiement
Deux règles ont une portée générale (a) et d’autres sont propres au paiement
d’une somme d’argent (b).
D’une part, le débiteur doit payer la chose même qui est l’objet de la dette (a1) ;
d’autre part, il doit payer la totalité de la dette (a2).
a1) Le débiteur doit payer la chose même qui est l’objet de la dette
Le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre prestation.
- S’il s’agit d’un corps certain, le « débiteur est libéré par la remise de la chose
en l’état où elle se trouve lors de la livraison » (art. 1245). Lorsque la chose a été
détériorée dans l’intervalle séparant l’engagement et la livraison, le débiteur n’est
libéré que si les détériorations ne proviennent pas de son fait (ou de celui des
personnes dont il est responsable).
287
- S’il s’agit d’une chose de genre, autre que de l’argent, « le débiteur ne sera
pas tenu… de la donner de la meilleure espèce, mais il ne pourra l’offrir de la plus
mauvaise » (art. 1246).
Si le créancier accepte en paiement autre chose que ce qui était dû, il y a dation
en paiement, par exemple le débiteur, au lieu de payer la somme due, fournit une
prestation que le créancier accepte. La nature juridique de la dation en paiement est
discutée. Certains y voient une vente : le créancier acquiert la chose remise en
paiement, en renonçant à la somme qui lui était due et qui représente le prix ; d’autres
l’analysent comme une novation par changement d’objet.
En principe, le débiteur n’est tenu de payer que la somme même dont les
parties sont convenues. Ainsi, à propos du prêt d’argent, l’article 1895 énonce que
« l’obligation n’est toujours que de la somme numérique énoncée au contrat ». Par
exemple, en cas de prêt d’une somme d’argent, le remboursement qui s’effectuera
quelques années plus tard portera sur le même montant : le créancier supporte donc
les effets de l’érosion monétaire qui est plus ou moins forte suivant les pays et les
époques.
b2) Les clauses d’indexation ou d’échelle mobile
Du fait de l’érosion monétaire, les parties ont souvent recours, dans les
contrats qui s’échelonnent dans le temps, à diverses clauses d’indexation qui font
varier le montant de l’obligation en fonction d’un élément de référence, appelé
indice, par exemple :
- le cours de l’or ou clause valeur-or ;
- le cours d’une monnaie étrangère ou clause valeur-devise : la monnaie
étrangère est alors simplement une unité de compte, non une monnaie de paiement
(à distinguer des clauses de paiement en monnaie étrangère) ;
- certaines valeurs économiques, comme le prix d’un produit ou d’un service
ou clause d’échelle mobile).
288
Ces clauses ne sont pas toujours valables, car elles révèlent une méfiance des
parties envers la monnaie nationale. Une distinction est à opérer selon que le
paiement a un caractère international ou interne. Dans les paiements
internationaux, c’est-à-dire qui supposent un mouvement de marchandises ou de
fonds d’un pays à un autre, les clauses d’indexation sont en principe valables,
notamment les clauses stipulant l’évaluation de l’obligation, ou même son paiement,
en or ou en monnaie étrangère (sous réserve du respect de l’éventuelle
réglementation des changes). Dans les paiements internes, le recours aux indices
généraux, par exemple le niveau général des prix ou des salaires, le SMIC (salaire
minimum inter-professionnel de croissance), est prohibé par l’ordonnance du 30
décembre 1958, sauf pour des dettes d’aliments ou les rentes viagères. La clause
d’indexation n’est valable que si l’indice a un rapport direct :
- soit avec l’objet du contrat (par exemple, l’emprunt contracté pour acheter
une maison, peut être indexé sur le coût de la construction) ;
- soit avec l’activité de l’une des parties : par exemple, le prix de cession d’un
fonds de commerce de garagiste, peut être indexé sur le salaire d’un ouvrier
mécanicien.
La sanction de la clause illicite est la nullité absolue. Cependant, dans le souci
de préserver l’économie du contrat, les tribunaux ont aujourd’hui tendance à
substituer un indice valable à celui qui avait été convenu. Ils recherchent alors quel
est l’indice dont le choix serait licite et qui traduit le mieux l’intention commune des
parties. Par exemple, dans un contrat de fourniture entre un producteur de cassis et
un fabricant de sirops de fruits, les parties avaient choisi l’indice général des taux de
salaire horaire des ouvriers toutes catégories. Cette clause d’indexation, illicite parce
que générale, a été judiciairement remplacée par la référence à l’indice des prix
agricoles à la production. Parfois c’est la loi qui prévoit une substitution de plein
droit de la clause illicite par une indexation valable (par exemple, l’indice du coût de
la construction pour les baux d’habitation). Si le choix de l’indexation a eu une
incidence déterminante sur la conclusion du contrat, elle est analysée comme une
cause illicite qui entraîne la nullité du contrat.
3) La monnaie de paiement
289
La sanction en cas de paiement effectué en espèces est une amende fiscale (5 %
des sommes réglées) incombant solidairement au créancier et au débiteur, mais le
paiement est valable.
C’est dans ce sens que se situe la directive n° 08/2002/CM/UEMOA du 19
septembre 2002 portant sur les mesures de promotion de la bancarisation et de
l’utilisation des moyens de paiement scripturaux, qui impose le paiement par chèque,
par virement ou d’autres moyens de paiements scripturaux appropriés dans les
relations avec l’administration, entre commerçants, pour le paiement des salaires…
Relativement au lieu, le paiement doit être fait, selon l’article 1247, au lieu
convenu. A défaut de convention sur le lieu, s’il s’agit d’une dette de corps certain, au
lieu où se trouvait la chose au moment de la conclusion du contrat. S’il s’agit d’une
dette de somme d’argent, le paiement se fait au domicile du débiteur ; c’est le
principe selon lequel les dettes sont « quérables » et non « portables ». Mais, en cas
« d’aliments alloués en justice », le paiement doit s’effectuer au domicile ou à la
résidence de celui qui doit les recevoir – sauf décision contraire du juge (art. 1247, al.
2).
290
- s’il s’agit d’un objet de corps certain, les risques de force majeure pèsent sur le
créancier ;
3° Si le créancier persiste dans son refus, le débiteur doit faire rendre un
jugement qui déclare les offres et la consignation bonnes et valables : ce jugement le
libère de sa dette.
L’incident peut aussi provenir d’un créancier du créancier qui fait opposition
au paiement afin d’éviter la disparition de sa créance. Le créancier procède alors à
une saisie conservatoire, qui peut se transformer en saisie-attribution, au terme de
laquelle la somme lui sera directement versée.
La charge incombe au débiteur (art. 1315, al. 2). Mais la loi prévoit aussi
des présomptions de paiement, par exemple lorsque le créancier a remis au
débiteur le titre de créance (art. 1282). Pour les modes de preuve, en principe, un
écrit est exigé dans les conditions de l’article 1341 : le procédé normal est la
quittance, écrit signé du créancier et remis au débiteur. Mais la jurisprudence admet
la preuve par tout moyen (témoignage, présomption) en cas d’impossibilité morale de
se procurer une quittance (relation de famille, d’amitié, usages).
291
C’est une modalité du paiement qui permet à celui qui a payé la dette (solvens)
d’exercer à son profit les droits du créancier : on dit qu’il est subrogé dans les droits
du créancier, appelé subrogeant. C’est une subrogation personnelle, à distinguer de la
subrogation réelle, qui a pour effet de substituer un bien à un autre. Le paiement avec
subrogation a une grande importance pratique, par exemple, l’assureur qui a payé à la
victime une indemnité est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les
droits de la victime contre le responsable. Il faut examiner ses sources (1) et ses effets
(2).
1) Les sources
a) La subrogation conventionnelle
292
- que l’accord des parties (le créancier et le solvens) soit exprès.
b) La subrogation légale
De nombreux cas sont prévus par le Code civil (art. 1251) et des textes
spéciaux, notamment dans le domaine des assurances et celui de la sécurité sociale.
Dans toutes ces hypothèses, la subrogation a lieu de plein droit. Il y a un cas à
portée générale (art. 1251-3°) : celui qui, tenu avec d’autres (situation de débiteurs
solidaires) ou pour d’autres (cas de la caution), a payé la dette, est subrogé dans les
droits du créancier. Mais il y a d’autres exemples :
- Le créancier qui paie un créancier de rang préférable est subrogé dans
ses droits et prend donc son rang (art. 1252-1°).
- L’acquéreur d’un immeuble qui emploi le prix pour payer les créanciers
titulaires d’une hypothèque sur l’immeuble (art. 1251-2°) leur est subrogé.
. La caisse de sécurité sociale ou l’assureur qui a dû verser une indemnité à
son assuré, victime d’un accident, est subrogé dans les droits de celui-ci contre le
responsable (Code CIMA, art. 42).
2) Les effets
293
§ II : L’extinction de l’obligation par une satisfaction autre que celle qui
était due
A- La compensation
1) La compensation légale
Elle s’opère de plein droit si certaines conditions sont réunies. Les deux
obligations réciproques doivent :
- porter sur des choses fongibles, c’est-à-dire de l’argent ou des choses de
même espèce ;
- être liquides, c’est-à-dire certaines et d’un montant déterminé ;
- être exigibles, c’est-à-dire échues : la compensation légale ne peut pas s’opérer
si une dette est à terme. Néanmoins, elle est possible lorsqu’un délai de grâce a été
accordé par le juge, car il s’agit simplement d’un report d’échéance pour permettre au
débiteur en difficulté de payer plus tard : par conséquent, s’il est en même temps
titulaire d’une créance contre son créancier, rien n’empêche un paiement immédiat
par compensation.
La compensation ne peut pas se réaliser dans certaines circonstances,
notamment :
- si l’une des créances est insaisissable, par exemple une créance alimentaire ;
- si elle porte atteinte à un droit acquis par un tiers ;
- si les parties y ont renoncé expressément ou tacitement.
2) La compensation conventionnelle
294
3) La compensation judiciaire
B- La confusion
C- La novation
295
permet aux héritiers d’exiger la conversion de l’usufruit du conjoint survivant en
rente viagère).
296
- la première dette est éteinte, et non transmise ;
- l’accord du créancier est toujours nécessaire.
Les parties restent les mêmes, mais sont d’accord pour modifier :
- l’objet de l’obligation, par exemple, à une dette de somme d’argent est
substituée une dette de corps certain ; cette opération se distingue de la dation en
paiement : celle-ci suppose un paiement immédiat sans création d’une nouvelle
obligation, alors que, dans la novation, une nouvelle dette remplace la première qui
s’éteint ;
- ou la cause de l’obligation, c’est-à-dire que le débiteur est tenu en vertu
d’un autre titre, par exemple, l’acheteur, qui doit payer le prix, convient avec le
vendeur qu’il le conserve un certain temps à titre de prêt ;
- ou une modalité importante, par exemple, l’insertion ou la suppression
d’une condition, car l’existence même de l’obligation en dépend. Mais l’octroi d’un
terme, qui ne concerne que l’exigibilité de la dette, ne la nove pas.
3) Les effets
D- La délégation
La délégation est l’opération par laquelle une personne (le délégué) accepte, sur
l’ordre d’une autre (le délégant), de s’obliger au profit d’un tiers (le délégataire). Par
exemple, Pierre, qui doit 10 000 F à Paul, vend un objet pour 10 000 F à Jacques en
lui demandant de verser cette somme à Paul : Pierre est de délégant, Jacques, s’il
accepte, est le délégué, et Paul le délégataire. On distingue deux types de délégation
(1) qui produisent des effets différents (2). Il y a aura de comparer la délégation avec
des techniques voisines.
1) Les types de délégation
297
indispensable. Dans la délégation imparfaite, le délégataire n’a pas manifesté
l’intention de libérer le délégant ; en conséquence, le créancier délégataire a deux
débiteurs au lieu d’un – ce qui explique l’appellation d’adpromissio.
2) Les effets de la délégation
La délégation crée un lien de droit entre le délégataire (a) et le délégué et
transforme la situation du délégant (b).
b) La situation du délégant
298
- Le délégué (nouveau débiteur) déclare s’engager au profit du délégataire, alors
que, dans la cession de créance, le consentement du débiteur cédé n’est pas
nécessaire. Les formalités de la cession de créance, destinées à informer le débiteur,
sont donc inutiles en cas de délégation.
- Il ne faut pas que l’opération nuise au délégataire (créancier) qui doit être
payé, donc le délégant garantit la solvabilité du délégué au jour de la délégation. Dans
la cession de créance, seule l’existence de la créance est garantie, non la solvabilité du
débiteur cédé.
299
3° L’engagement du promettant envers le tiers dépend de ses rapports avec le
stipulant : il s’ensuit que le promettant peut opposer au tiers les exceptions
opposables au stipulant. En revanche, l’engagement du délégué envers le délégataire
est indépendant de ses rapports avec le délégant : le délégué ne peut donc opposer au
délégataire les exceptions opposables au délégant (sauf accord contraire entre le
délégué et le délégant).
§ I : La remise de dette
C’est l’acte par lequel le créancier renonce à sa créance et libère le débiteur qui
accepte. Il implique des conditions (A) et doit être prouvé (B) pour produire effets
(C).
A- Les conditions de validité
La remise de dette peut être expresse ou tacite, et les règles de preuve des actes
juridiques lui sont applicables. Toutefois, les articles 1282 et 1283 instaurent une
présomption légale : lorsque le créancier remet volontairement son titre de créance
au débiteur, celui-ci est présumé libéré, soit par l’effet d’un paiement, soit par une
remise de dette. Parfois, il est nécessaire de savoir si la libération découle d’un
paiement ou d’une remise de dette car dans ce dernier cas seulement, l’opération peut
être à titre gratuit. Il appartient alors à celui qui invoque l’une ou l’autre de ces
qualifications de démontrer que l’opération en présente les caractères.
300
intention de libérer le débiteur est certaine et que la présomption de libération est
absolue.
- Si le créancier a remis la copie exécutoire d’un acte authentique, il ne s’est pas
privé de tout mode de preuve, puisqu’il peut se faire délivrer une autre copie, donc la
présomption de libération est simple et peut être combattue par tout moyen.
C- Les effets
En principe, elle est de trente ans (art. 2262). Mais, dans de nombreux cas, la
loi prévoit une prescription plus courte, par exemple :
. dix ans. c’est le cas :
- des obligations extra-contractuelles (art. 2270-1 C. civ. fr),
- des obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou
entre commerçants et non-commerçants en France (art. 189 bis C. com., devenu art.
L. 110-4 du nouv. C. com.) ;
. cinq ans
- pour les créances périodiques, c’est-à-dire « tout ce qui est payable par année
ou à des termes périodiques plus courts » (art. 2277), notamment les salaires, loyers,
301
pensions alimentaires, intérêts des sommes prêtées (le législateur a institué ce court
délai dans le but d’éviter une trop grande accumulation d’annuités) ;
- pour les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants,
ou entre commerçants et non commerçants, qui se prescrivent par cinq ans si elles ne
sont pas soumises à des prescriptions plus courtes (AUDCG, art. 16).
. deux ans :
- les créances des médecins, chirurgiens, dentistes pour leurs visites, opérations
et médicaments (art. 2272, al. 3),
- les créances des marchands pour les marchandises qu’ils vendent aux
particuliers (art. 2272, al. 4) ;
. un an :
- le paiement des actes d’huissier (art. 2272, al. 1er),
- l’action en responsabilité contre un transporteur (art. 108 C. com. et art. 25 de
l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandise par route) ;
. six mois pour les créances des hôteliers et restaurateurs (art. 2271, al. 2).
Les courtes prescriptions (jusqu’à deux ans en principe) sont fondées sur une
présomption de paiement, car il est d’usage d’acquitter dans un bref délai les dettes
auxquelles elles s’appliquent (qui, de plus ne sont pas ordinairement constatées par
un titre).
B- Le régime de la prescription
1) Le calcul du délai
Seront abordés le point de départ (a), l’interruption (b) et la suspension du délai (c).
a) Le point de départ
302
- la reconnaissance par le débiteur de sa dette (art. 2248) soit expressément
(dans un acte quelconque, sans forme particulière), soit tacitement, par exemple, en
payant un acompte, en demandant un délai de paiement.
Au plan des effets, on note que :
- la période déjà écoulée n’est pas prise en compte et la prescription
recommence à courir pour toute sa durée légale.
- dans le cas des courtes prescriptions fondées sur une présomption de
paiement, l’interruption entraîne une interversion, c’est-à-dire la substitution de la
prescription trentenaire à la courte prescription. Motif : l’interruption fait disparaître
la présomption de paiement qui servait de fondement à la courte prescription.
c) La suspension
2) La mise en œuvre
303
TITRE III : LES DROITS DU CREANCIER NON PAYE SUR
LE PATRIMOINE DE SON DEBITEUR
304
CHAPITRE I : LE DROIT DE GAGE GENERAL
L’existence du droit de gage général est affirmée dans l’art. 2092 : « Quiconque
s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et
immobiliers, présents et à venir. » Ce droit de gage général permet au créancier de saisir
l’un quelconque des biens du débiteur. Il est à distinguer du gage, sûreté particulière
portant sur un meuble déterminé et conférant au créancier qui en bénéficie un droit
de priorité sur les autres.
Le droit de gage général revêt un certain nombre de caractères.
- Il englobe tous les biens du débiteur, à l’exception de ceux qui sont
insaisissables.
- Il porte sur les biens du débiteur, composant son patrimoine au jour où il est
mis en œuvre (par une saisie) : il ne comprend donc pas les biens déjà aliénés, sous
réserve d’une fraude.
- Il n’emporte pas un droit de préférence : les biens du débiteur sont le gage
commun de tous ses créanciers. Si ces biens sont saisis et vendus, le prix de leur
vente sera distribué entre eux par contribution, c’est-à-dire proportionnellement au
montant de leurs créances, sauf quand il existe des causes de préférence découlant de
la loi, d’un contrat ou d’un jugement, telles qu’une hypothèque (sûreté grevant un
immeuble), un gage (sûreté grevant un meuble), un privilège immobilier ou mobilier.
305
CHAPITRE II : LA PROTECTION DU DROIT DE GAGE
GENERAL
Régie par l’article 1166, c’est l’action par laquelle le créancier exerce les droits et
actions de son débiteur : il fait entrer dans le patrimoine de son débiteur une valeur,
qu’il pourra ultérieurement saisir. Il convient d’examiner ses conditions d’exercice (§
I), puis ses effets (§ II)
§ I : Les conditions d’exercice
306
- le tiers poursuivi peut opposer au créancier poursuivant toutes les
exceptions qu’il pourrait invoquer contre son propre créancier, par exemple,
l’extinction de la créance par compensation, renonciation, etc. ;
- l’action oblique fait entrer dans le patrimoine du débiteur un bien qui devient
le gage commun de tous ses créanciers. Le poursuivant n’a donc pas de privilège :
on dit que l’action oblique est individuelle dans son exercice, mais collective par
ses effets.
2ème principe : l’action oblique n’est pas une saisie et le débiteur n’est pas
dessaisi, donc il conserve l’exercice de ses droits et actions à l’égard du tiers, d’où, p.
ex., la possibilité pour le débiteur de recevoir un paiement de ce tiers ou de transiger
avec lui.
3ème principe : en vertu de la relativité de la chose jugée, le jugement rendu
contre le tiers n’a pas d’autorité à l’égard du débiteur, sauf s’il a été mis en cause, d’où
l’utilité de le mettre en cause afin que le jugement soit opposable à toutes les
personnes concernées.
Section II : Les actions directes
L’action directe – que la loi accorde seulement dans des cas particuliers –
permet à un créancier d’agir directement, en son nom personnel, contre certains
débiteurs de son débiteur. La loi accorde une action directe, par exemple :
- au bailleur d’immeuble contre le sous-locataire (art. 1753) ;
- à l’ouvrier contre le client de l’entrepreneur (art. 1798) ;
- au mandant contre le tiers que le mandataire s’est substitué (art. 1994, al. 2) ;
- à la victime d’un dommage contre l’assureur du responsable (art. 54 du Code
CIMA).
La jurisprudence a également créé des actions directes, par exemple au profit
du sous-acquéreur contre le premier vendeur.
Grâce à cette action, un créancier peut faire déclarer inopposable à son égard
un acte que le débiteur a conclu en fraude de ses droits (de Paul, prêteur romain qui
l’aurait créée). Un certain de conditions doivent être réunies (§ I), afin que cette
action puisse produire effets (§ II)
307
§ I : Les conditions d’exercice
Concernant le débiteur, sa fraude est nécessaire : il faut qu’il ait conclu l’acte
avec conscience qu’il causait un dommage à son créancier en se rendant insolvable
ou en augmentant son insolvabilité.
Concernant le tiers contre lequel le créancier agit, tout dépend du caractère
gratuit ou onéreux de l’acte attaqué. Si l’acte attaqué est à titre gratuit, peu importe
que le tiers ait été ou non complice de la fraude : le créancier qui a subi une perte est
toujours préféré au tiers – même de bonne foi – qui se voit seulement privé d’un gain
obtenu sans contrepartie. Si l’acte est à titre onéreux, le demandeur doit prouver la
complicité du tiers, c’est-à-dire sa connaissance du préjudice que l’acte causait au
créancier.
308
§ II : Les effets
L’acte attaqué devient inopposable mais n’est pas annulé et l’action paulienne
est personnelle.
1°. L’acte est déclaré inopposable au demandeur, qui pourra donc exiger du
tiers la restitution du bien aliéné ou des dommages et intérêts, mais dans la limite de
son intérêt, c’est-à-dire sans excéder la valeur de sa créance.
2°. A la différence de l’action oblique, l’action paulienne est personnelle et ne
profite pas aux autres créanciers.
3°. L’acte n’est pas annulé : il continue à produire ses effets dans les rapports
entre le débiteur et le tiers.
En conclusion, on retient que l’action paulienne suppose un certain nombre de
conditions afin de produire des effets. De l’examen de ce régime, on peut relever des
différences avec l’action en déclaration de simulation. Dans l’action paulienne, le
créancier demande l’inopposabilité à son égard d’un acte d’appauvrissement réel ; en
cas de simulation, il s’agit d’un acte fictif. En outre, l’action paulienne suppose la
preuve d’une fraude ; dans l’action en simulation, il suffit de prouver le caractère
mensonger de l’acte.
309
CHAPITRE III : LE DROIT COMPARE FRANÇAIS : LES
RESTRICTIONS AUX DROITS DU CREANCIER ET LA PROTECTION
DU DEBITEUR EN CAS DE REDRESSEMENT POUR
SURENDETTEMENT DES PARTICULIERS
Diverses mesures sont prévues pour éviter une exécution trop rigoureuse de
son obligation par le débiteur. Tel est notamment le rôle des délais de grâce accordés
par le juge, question abordée plus haut, et des moratoires décidés par le législateur.
Des règles destinées à protéger le débiteur ont été également édictées dans le cadre
des procédures de règlement collectif des créanciers. Pendant longtemps seul le droit
commercial avait organisé des procédures de ce type. Elles s’appliquent aujourd’hui
aux commerçants, artisans, exploitants agricoles et personnes morales de droit privé.
La base du droit actuel se trouve dans l’Acte uniforme de l’OHADA portant
organisation des procédures collectives d’apurement du passif adopté à Abidjan le 10
septembre 2015302. En France, il s’agit des lois du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985,
dont les dispositions ont été reprises dans le nouv. C. com., art. L. 611-1 et s., et L.
620-1 et s303.
De son côté, le droit civil ignorait, jusqu’à ces dernières années, toute technique
comparable. En cas d’insolvabilité, la déconfiture du débiteur – évoquée dans
plusieurs articles du Code civil – ne donne pas lieu à l’organisation effective d’une
procédure collective de liquidation du patrimoine et n’entraîne que des effets limités
(p. ex., la révocation du mandat en cas de déconfiture du mandant ou du mandataire :
art. 2003 ; la faculté pour le vendeur de ne pas livrer la chose en cas déconfiture de
l’acheteur (art. 1613). Une procédure de prévention et de règlement des difficultés
liées au sur-endettement des particuliers a été instituée par une loi du 31 décembre
1989, modifiée par une loi du 8 février 1995 (art. L. 331-1 et s. C. consom.). Ces
dispositions permettent à certaines personnes de bénéficier de mesures de
redressement304.
302 Voy. sur le droit OHADA des procédures collectives, Filiga Michel Sawadogo, « Acte uniforme de
du 10 septembre 2015 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
commenté », in OHADA Traité et actes uniformes commentés et annotés, Edition 2015, Juriscope, 2016 ; -
OHADA : Droit des entreprises en difficulté, Bruylant, Bruxelles, Collection Droit uniforme africain, 2002,
444 p.
303 Pour le droit français voy. Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, Droit du
commerce et des affaires, Droit des entreprises en difficulté, Sirey, 2 e éd., 2006, 545 p.
304 Voy. sur cette procédure collective civile : P. Merle, Commentaire de la loi du 31 décembre 1989,
R.T.D. Com., 1990, 467 ; Chatain P. - L. et Ferrière F., Le nouveau régime de traitement des situations
de surendettement des particuliers issu de la loi du 8 février 1995, Dalloz, 1996, 39 ; Gjidara Sophie,
L’endettement et le droit privé, Préface de Alain Ghozi, LGDJ, 1999, 617 pages.
310
Section I : Les bénéficiaires
Section II : Le fonctionnement
311
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
PRINCIPAUX OUVRAGES
- Aubert Jean-Luc et Eric Savaux, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil,
14e éd., Paris, Sirey, 2012.
- Aubry C. et Rau C., Cours de droit civil français, t. VI, 6e éd. Par BARTIN, 1942.
- Batteur Annick, Annales droit civil des obligations, Paris, Dalloz, 2010.
- Bénabent Alain, Droit des obligations, 15e éd., Paris, Domat, 2016.
- Cabrillac Rémy, Droit des obligations, 8e éd., Paris, Dalloz, 2008, (dernière : 10e éd.,
2012).
- Carbonnier Jean, Droit civil, tome IV, Les obligations, 22e éd., Paris, PUF, 2000.
- Code civil, Les défis d’un nouveau siècle, 100e Congrès des Notaires de France, Paris,
16-19 mai 2004.
- Dekkers René, Précis de droit civil belge, tome 2, Bruxelles, Bruylant,1955.
- De Page Henri, Traité élémentaire de droit civil belge, tome 2, 3e éd., Bruxelles, Bruylant,
1964.
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éd., Paris, PUF, 2012.
- Flour Jacques, Aubert Jean-Luc, Savaux Eric, Droit civil. Les obligations. L’acte juridique,
tome 1, 16e éd., Paris, Sirey, 2014.
- Flour Jacques, Aubert Jean-Luc, Savaux Eric, Droit civil. Les obligations. Le fait
juridique, tome 2, 14e éd., Paris, Sirey, 2011.
- Flour Jacques, Aubert Jean-Luc, Savaux Eric, Droit civil. Les obligations. Le rapport
juridique, tome 3, 9e éd., Paris, Sirey, 2015.
- Gaudemet Eugène, Théorie générale des obligations, Paris, Dalloz, 2004, (1ère éd., Sirey,
1937).
- Ghestin Jacques, Traité de droit civil, Paris, LGDJ (de nombreux auteurs pour de
nombreux volumes)
+ Le contrat. La formation. Le consentement, tome 1, 4e éd., 2013, par Jacques
Ghestin, Grégoire Loiseau ; Yves-Marie Serinet)
+ Le contrat. La formation. L’objet et la cause, tome 1, 4e éd., 2013, par Jacques Ghestin,
Grégoire Loiseau ; Yves-Marie Serinet)
+ Les effets du contrat, 3e éd., 2001, par J. Ghestin, C. Jamin et M. Billau ;
+ Le régime des créances et des dettes, 2005, par J. Ghestin, C. Jamin et C. Loiseau ;
+ La responsabilité, par Geneviève Viney (3 volumes : Introduction à la
responsabilité, 3e éd., 2008 ; Les conditions de la responsabilité, 3e éd., 2006, avec P.
Jourdain ; Les effets de la responsabilité, 3e éd., 2011, avec P. Jourdain).
- Larroumet Christian, Droit civil. Les obligations,
312
+ T. III : le contrat, 7e éd., Economica, 2014, par Christian Larroumet ;
+ T. IV : régime général, 3e éd. Economica, 2013, par Jerôme François ;
+ T. V : la responsabilité civile extracontractuelle, 2e éd., Economica, 2012, par Mireille
Bacache-Gebeili.
- Laurent, Principes de Droit civil, tome 20, Bruxelles, Bruylant, 1876.
- Légier Gérard, Droit civil, Les obligations, 17e éd., Paris, Mémentos Dalloz, 2001.
- Le Tourneau Philippe et alii, Droit de la responsabilité et des contrats, 10e éd., Paris,
Dalloz, 2014-2015.
- Malaurie Philippe, Aynès Laurent et Stoffel-Munck Philippe, Les obligations, 7e éd.,
Defrénois, 2015.
- Malinvaud Philippe, Droit des obligations, 10e éd., Paris, Litec, 2007.
- Marty et Raynaud, Droit civil. Les obligations, tome 1 : Les sources, par Pierre Raynaud,
2e éd. 1988, tome 2 : Les effets, par P. Raynaud et P. Jestaz, 2e éd., 1989.
- Mazeaud Henri, Léon et Jean, François Chabas, Leçons de Droit civil, tome 2, volume
1 : Les obligations : Théorie générale, Paris, Montchrestien, 9e éd., 1998.
- Mazeaud Henri et Léon et Tunc, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile
délictuelle et contractuelle, éd. Montchrestien, 3 tomes, 5ème éd.
-OHADA Traités et actes uniformes commentés et annotés, Edition 2015, Juriscope
2016.
- Planiol M., et Ripert G., Traité pratique de droit civil français, 2e éd., tome VI, Obligations,
par Esmein, t. VII, Obligations, par Esmein, par P. Esmein, J. Radouant et G.
Gabolde.
- Ripert et Boulanger, Traité de droit civil d’après le traité de Planiol, tome II, 1956.
- Sériaux Alain, Manuel de droit des obligations, 1ere éd., Paris, PUF, 2006.
- Starck Boris, Henri Roland, Boyer Laurent, Obligations
+ Responsabilité délictuelle, 5e éd., Litec, 1996 ;
+ Contrat, 6e éd, Litec, 1998 ;
+ Régime général, 6e éd., Lexis Nixis, 1999.
- Terré François, Simler Philippe et Lequette Yves, Droit civil. Les obligations, 9e éd.
2005, 10e éd. 2009 et 11e éd 2013, Paris, Dalloz.
- Terré François et Lequette Yves, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 13e éd., Paris,
Dalloz, Tome 1 (2015), Tome 2 (2015).
- Van Ommeslaghe Pierre, Droit des obligations. Introduction et sources des obligations, tome
1, Bruxelles, Bruylant, 2010.
- Weill Alex et Terré François, Droit civil. Les Obligations, Paris, Dalloz, 1986.
- Wéry Patrick, Droit des obligations. Théorie générale du contrat, vol. 1, Bruxelles, Larcier,
2010.
- Windpagnangdé Dominique Kabré, La conclusion des contrats électroniques. Etude de
droits africains et européens, Paris, L’Harmattan, 2013.
313
PERIODIQUES (A TITRE INDICATIF)
Burkina Faso
- Bulletin de la Cour suprême (parution arrêtée)
- Bulletin de la Cour de cassation du Burkina Faso (nouvelle publication)
- Revue Burkinabè de Droit
Afrique
- Penant
- Revue juridique et politique, Indépendance et coopération
France
- Revue trimestrielle de droit civil
- Dalloz
- La semaine juridique, JCP, édition générale
- Revue des contrats, (RDC)
Belgique
- Revue critique de jurisprudence belge
- Pasicrisie belge
- Revue de droit civil belge
CODES ET LOIS
- Code civil, in Codes et lois du Burkina Faso, Tome I, UFR Sciences juridiques et
politiques, Centre de recherche et d’études juridiques, 2003.
- Code civil français, éditions Dalloz, 116e éd., 2017.
- Eléments de droit comparé :
+ Le Code sénégalais des obligations civiles et commerciales (COCC), issu de la loi
du 10 juillet 1963, complété à plusieurs reprises depuis cette date.
+ Le Code civil de Guinée (Conakry) de 1983.
+ Le Code des activités économiques de Guinée (Conakry) de 1992.
+ La loi malienne du 29 août 1987 fixant le régime général des obligations.
+ Le Code civil mauricien.
+ Les fragments relatifs au droit des obligations des réformes allemandes, suisse,
espagnole.
+ Le projet CATALA de réforme du droit des obligations et de la prescription en
France (élaboré pour le Bicentenaire du Code civil français en 2004).
+ Le projet de la Chancellerie en France (Projet de réforme du droit des contrats,
juillet 2008).
314
+ Le projet LANDO en Europe (Principes du droit européen des contrats, élaborés
depuis les années 1980 et destinés à constituer les prémices d’un futur code
européen des contrats ou des obligations).
+ Le projet GANDOLFI en Europe (Code européen des contrats, proposé par
l’Académie des privatistes européens).
+ Le projet Fontaine en Afrique d’Acte uniforme sur le droit des contrats (déposé en
2006 auprès du Secrétariat permanent de l’OHADA).
+ Les principes d’UNIDROIT.
+ Les modèles-types de la CNUDCI.
+ La Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de
marchandises.
+ Les principes contractuels communs européens.
315
DICTIONNAIRES OU LEXIQUES
- Alland D. et Rials S., Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, coll. ’’Quadrige’’,
2003.
- Cabrillac Rémy (sous la direction de), Le dictionnaire du vocabulaire juridique de l’étudiant
en licence en droit, Paris, Litec, 2009.
- Cornu Gérard (sous la direction de), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, coll.
’’Quadrige’’, 8e éd., 2007.
- Guinchard Serge et Montagnier Gabriel (sous la direction de), Lexique de termes
juridiques (de Raymond Guillien et Jean Vincent), Paris, Dalloz, 16e éd., 2007.
- Nicoleau Patrick, Lexique de droit privé, Pris, Ellipses, Dicojuris, 1996, 382.
316
Eléments succincts de méthodologie juridique
Pr Filiga Michel SAWADOGO
A- Le commentaire d’arrêt
L’arrêt est une décision juridictionnelle rendue par la Cour d’appel, la Cour de
cassation (anciennement Chambre judiciaire de Cour suprême en ce qui concerne
cette matière) ou une Cour spéciale. La méthode du commentaire est également
valable pour les jugements, c’est-à-dire les décisions rendues par les autres
juridictions (tribunal de première instance ou tribunal de grande instance, tribunal de
commerce, tribunal du travail…).
Quelques indications semblent utiles relativement à l’introduction, au corps du
travail et à la conclusion.
1) L’introduction
L’introduction revêt une grande importance. Elle donne déjà une bonne ou
une mauvaise impression du travail. Elle ne doit pas être bâclée, ni trop sommaire.
L’introduction doit contenir les éléments suivants agencés au mieux en
fonction de la décision en cause :
- un exposé succinct et clair des faits devant permettre de les comprendre
beaucoup mieux que dans la rédaction quelque peu rébarbative de l’arrêt ;
- éventuellement la procédure suivie (première instance, appel, cassation) ;
- la position du ou des problèmes de droit (qui découlent des faits, des
prétentions des parties et de la solution retenue par l’arrêt) ;
- l’annonce du plan (démontrer en quoi ce plan est justifié) ;
- s’il y a des problèmes accessoires, il y a lieu de les évacuer dans l’introduction
afin que le développement soit centré sur le ou les problèmes essentiels.
317
2) Le corps du travail ou développement
Dans tous les cas, les points traités dans un commentaire d’arrêt doivent être
liés à l’arrêt et rester très près de celui-ci, en y faisant référence le plus possible. Il est
proscrit de transformer le commentaire d’arrêt en sujet théorique une fois que l’on a
cerné le problème juridique.
318
3) La conclusion
La conclusion varie selon les problèmes traités. On enseigne même que pour
certains commentaires, il est possible de ne pas faire de conclusion si la conclusion de
la 2ème partie est satisfaisante.
Si les 2 parties ont posé des problèmes ou points de vue contradictoires,
essayer de trancher en faisant la balance en faveur de l’une des positions ou faire une
synthèse.
Faire une ouverture sur des problèmes plus vastes.
Conclure au réalisme ou à l’irréalisme de la solution, à son équité ou à son
iniquité et/ou proposer les évolutions souhaitables (de lege ferenda, c’est-à-dire dans
la perspective d’une réforme).
B- Le cas pratique
319
A la fin de vos développements, une solution doit apparaître même si vous la
nuancez.
Le cas pratique devrait constituer un exercice courant et maîtrisé par les
étudiants dans la mesure où il se rapproche du travail concret que le juriste aura à
faire dans sa vie professionnelle en tant que magistrat, avocat, conseiller juridique,
juriste d’entreprise… La multiplication de tels exercices participent à la
professionnalisation des formations ou des filières, unanimement recommandée.
3) Conclusion
Elle peut tirer la solution ou simplement l’apprécier. Elle peut faire une
ouverture sur des problèmes connexes ou plus larges mais ayant un rapport étroit
avec le problème étudié, ce qui peut montrer la bonne culture juridique de l’étudiant.
La dissertation est une construction qui ne tient que si elle est bien charpentée.
1) L’introduction
320
2) Le plan et le développement
Le plan doit être annoncé et justifié dans l’introduction. Il ne doit pas être
arbitraire.
Le mieux, c’est d’avoir deux parties plus ou moins équilibrées. Cela n’est pas
toujours possible : on peut être obligé de construire un plan en trois parties mais il ne
faut pas aller au-delà. En effet, s’il y a quatre problèmes ou quatre aspects, on peut
penser qu’ils peuvent être regroupés deux à deux.
Dans la mesure du possible, le plan doit être original mais non artificiel ou
purement intellectualiste. Cependant, dans de nombreux cas, on peut être amené à
adopter les plans suivants :
- conditions – effets ;
- notion – mise en œuvre ;
- doctrine – jurisprudence ;
- avant la réforme – depuis la réforme ;
- analyse de la solution – portée de la solution.
Chaque partie peut être divisée en deux sous-parties (ou trois).
Dans le traitement de vos parties, il faut passer très rapidement sur les
généralités pour s’attacher à l’approfondissement des points qui soulèvent des
difficultés.
Les transitions entre les parties et entre les sous-parties sont nécessaires dans la
mesure où elles permettent de saisir les liens qui existent entre les différents aspects
du ou des problèmes étudiés. Elles révèlent au correcteur la maîtrise que l’étudiant ou
le candidat a du sujet et de la technique de la dissertation.
3) La conclusion
La conclusion varie selon les questions traitées. On enseigne même que pour
certaines dissertations, il est possible de ne pas faire de conclusion générale si la
conclusion ou la fin de la 2e partie (ou de la 3e selon le cas) est satisfaisante.
Si les deux parties ont traité de problèmes ou de points de vue contradictoires,
il faut essayer de trancher en faisant la balance en faveur de l’une des positions ou
simplement faire une synthèse.
Il est indiqué d’opérer, pour terminer, une ouverture sur des problèmes plus
vastes ou sur les perspectives d’évolution.
321
Pour l’ensemble de ces exercices (commentaire d’arrêt, cas pratique,
dissertation), il existe d’intéressants ouvrages de méthodologie et des dictionnaires et
lexiques indispensables pour la maîtrise des concepts. L’acquisition d’au moins l’un
d’eux est recommandée à chaque étudiant : on ne peut pas faire d’omelette sans
casser d’eux.
322
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE…………………………………………………………3
1)Définition de l’obligation et de la théorie générale des obligations………4
a) Notion d’obligation………………………………………………..4
b) Notion de théorie générale des obligations………………………...5
2)Importance de la théorie générale des obligations……………….………6
3)Les classifications des obligations……………………………………….6
a) La classification selon l’objet des obligations………………………....6
a1) La classification du Code civil……………………………………....7
a2) Les autres classifications……………………………………...……..7
b) La classification des obligations selon leurs sources………………….8
b1) L’exposé de la classification………………………………………...8
b2) La critique de la classification………………………………………9
323
Section IV : La classification des contrats en fonction de leur réglementation :
les contrats nommés et les contrats innommés ……………………...……………24
Section V : La classification des contrats en fonction du nombre de parties : les
contrats simples et les contrats conjonctifs………………………………………..25
Section VI : Les classifications récentes …………………………………………..25
324
b2) Les cas de nullité pour erreur prévus par la jurisprudence…………42
c) Les erreurs indifférentes …………………………………………..42
2) Les conditions de la nullité ……………………………………………43
a) L’erreur commune et l’erreur excusable …………………………….43
b) La preuve de l’erreur ………………………………………………44
B- Le dol ………………………………………………………………….44
1) La notion ……………………………………………………………..44
2) Les conditions auxquelles le dol est une cause de nullité ………………45
a) Le dol doit émaner du cocontractant ………………………………45
b) Seul le dol déterminant est une cause de nullité …………………….46
C- La violence …………………………………………………………….46
1) La notion …………………………………………………………46
2) Les conditions de la nullité ……………………………………………47
a) La violence doit avoir été déterminante …………………………….47
b) La violence doit être prouvée ……………………………………..48
§ II : L’extériorisation du consentement ……………………………………….49
A- Le silence vaut-il consentement ? ……………………………………….49
B- La discordance entre la volonté réelle et la volonté déclarée ……………50
Sous-section II : L’échange des consentements ………………………………….51
§ I : Le processus classique de formation des contrats ………………………..51
A- L’offre …………………………………………………………………51
1) Les conditions de l’offre ……………………………………………..51
2) Les effets de l’offre ………………………………………………….52
a)La révocation de l’offre ……………………………………………52
b)La caducité de l’offre ………………………………………………53
B- L’acceptation …………………………………………………………..54
§ II : Le particularisme de certains contrats quant à l’échange des
consentements……………………………………………………………...55
A- Les contrats entre personnes non présentes ou contrats à distance ……...56
1) Les intérêts pratiques de la discussion ………………………………...56
a) Les intérêts s’attachant au moment de formation du contrat ……….56
b) Les intérêts s’attachant au lieu de formation du contrat ……………56
2) Les solutions …………………………………………………………57
a) L’approche classique ………………………………………………58
b) L’approche en matière de contrats conclus par voie électronique…..56
B- Les contrats à contenu imposé ………………………………………….59
1) Les contrats d’adhésion ………………………………………………59
2) Les contrats-types ……………………………………………………60
C- Le contrat avec soi-même ………………………………………………61
1) La notion ……………………………………………………………61
2) Les conditions de validité du contrat avec soi-même ………………….61
Section III : L’objet ……………………………………………………………..62
§ I : Les caractères de l’objet ………………………………………………….62
A) L’objet de l’obligation……………………………………………………...60
1)L’objet doit être dans le commerce ……………………………………63
2) L’objet doit être déterminé ou déterminable ………………………….63
3) L’objet doit être possible …………………………………………….64
325
B- L’objet du contrat ………………………………………………………65
1)L’ordre public classique ……………………………………………….65
2)L’ordre public économique …………………………………………..66
§ II : L’équilibre des prestations ……………………………………………….66
A- Les applications de la lésion ……………………………………………67
1) Les applications légales de la lésion ………………………………….67
a) Les cas de lésion consacrés par le Code civil …………………….67
b) Les cas de lésion prévus par les lois postérieures au Code civil …….69
2) Les applications jurisprudentielles de la lésion ……………………….70
B- Les fondements de la lésion …………………………………………..70
1) Les deux conceptions possibles ………………………………………70
2) La position de la jurisprudence ………………………………………71
C- Les sanctions de la lésion ………………………………………………71
Section IV : La cause …………………………………………………………71
§ I : La notion de cause ………………………………………………………72
A- La notion de cause au sens abstrait ……………………………………..72
B- La notion de cause au sens concret ……………………………………..72
§ II : La fonction de la cause …………………………………………………..73
A-La fonction de la cause abstraite …………………………………………73
B- La fonction de la cause concrète ……………………………………….73
§ III : La preuve de la cause ………………………………………………….74
A- La preuve de l’existence de la cause …………………………………….74
B- La preuve de la licéité de la cause ……………………………………….74
Section V : La forme du contrat …………………………………………………74
326
B- En raison de l’attitude des parties ……………………………………….83
C- En raison de la capacité ………………………………………………..84
327
2) Les conditions de consolidation du droit du tiers …………………….102
B- La prohibition de la promesse pour autrui …………………………….103
C- La validité de la promesse de porte-fort ……………………………….103
Section III : La simulation ……………………………………………………..104
§ I : La notion …………………………………………………………...……..101
A- L’objet et les manifestations …………………………………………..104
B- Les conditions d’existence …………………………………………….105
§ II : La validité ………………………………………………………………105
§ III : Les effets de la contre-lettre …………………………………………..106
328
§ III : Les modifications conventionnelles …………………………………..120
A- La distinction entre les clauses qui modifient le contenu des
obligations et celles qui portent directement sur la responsabilité ……..121
B- Les clauses aggravant la responsabilité …………………………………121
C- Les clauses écartant ou limitant la responsabilité ……………………….121
1) La notion et l’intérêt des clauses écartant ou limitant la responsabilité..121
2) Le sort de ces clauses ……………………………………………….122
D- Les clauses pénales ……………………………………………………122
1) Définition, conditions de validité et d’application de la clause pénale ...123
2) La règle de la fixité en droit positif burkinabè ……………………….123
3) Les conditions de la révision en France ……………………………..123
Section II : Les règles particulières aux contrats synallagmatiques ………………124
§ I : L’exception d’inexécution ………………………………………………124
A- Les caractères …………………………………………………………124
B- Le domaine ……………………………………………………………125
C- Les conditions ……………………………………………………….125
D- Les effets …………………………………………………………….126
§ II : La résolution pour inexécution ………………………………………..126
A- Le domaine …………………………………………………………..127
B- L’inexécution …………………………………………………………127
C- Le caractère judiciaire …………………………………………………128
1) Le principe : la nécessité du recours au juge ………………………….128
2) L’exception : la résolution non judiciaire …………………………….128
a) La résiliation unilatérale autorisée dans certaines conditions
par la loi …………………………………………………………….128
b) La clause de résolution convenue lors de la conclusion du contrat...129
c) La résolution unilatérale en l’absence de clause et de disposition
légale ………………………………………………………………..129
d) Le contrôle judiciaire a posteriori ………………………………….130
D- Les effets ……………………………………………………………130
§ III : La résolution due à la force majeure : la théorie des risques ……………130
A- La position du problème …………………………………………….131
B- Les solutions …………………………………………………………131
1)La solution de principe ………………………………………………131
2) La solution particulière en cas de transfert de propriété ……………132
a) L’hypothèse visée et sa justification ……………………………..132
b) La conséquence en cas de transfert retardé et l’exception en cas de
mise en demeure…………………………………………………….132
329
4) Les titres au porteur ………………………………………………..136
5) Les fondations ………………………………………………………136
B- Les institutions faisant appel à l’engagement unilatéral …………………137
330
A. L’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle
sous l’angle sociologique…………………………………………………..159
B.L’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle
sous l’angle technique ……………………………………………………..160
1)L’origine de la responsabilité civile …………………………………..160
2)La responsabilité civile dans le code civil …………………………….161
3)L’évolution de la responsabilité civile postérieurement au code civil ….161
a) L’élargissement de la responsabilité …………………………….161
a1) L’affinement ou l’élargissement de la notion de faute ……………162
a2) Les présomptions de faute ou de responsabilité ………………….162
a3)La transformation de la responsabilité aquilienne
en responsabilité contractuelle ……………………………………….163
b) La remise en cause la responsabilité civile ………………………163
§ II : Les théories en présence ……………………………………………….164
A- Les principales théories ……………………………………………….165
1) L’exposé des deux théories ………………………………………….165
a) La théorie de la faute ou théorie subjective ……………………….165
b) La théorie du risque ou théorie objective …………………………166
2) La portée des deux théories …………………………………………167
B-Les théories de moindre importance …………………………………..167
1)La théorie du Procureur général Leclercq ……………………………167
2) La théorie de la garantie …………………………………………….167
3) Les théories mixtes …………………………………………………168
331
CHAPITRE II : LE LIEN DE CAUSALITE …………………………………….180
Section I : La problématique, les caractères et la preuve du lien de causalité …….180
§ I : La problématique ……………………………………………………….180
§ II : Les caractères du lien de causalité ………………………………………180
A- Le rapport de causalité doit être certain ……………………………….181
B- Le rapport de causalité doit être direct …………………………………181
§ III : La preuve ……………………………………………………………..181
Section II : Les théories en présence et le droit positif …………………………182
§ I : Les théories en présence ……………………………………………….182
A- La théorie de l’équivalence des conditions (ou des causes) ……………182
B- La théorie de la causalité adéquate …………………………………….183
C- Les théories abandonnées ……………………………………………..183
§ II : L’accueil des théories en présence en droit positif ……………………..183
A- En droit belge …………………………………………………………183
B- En droit français ………………………………………………………184
C- En droit burkinabè ……………………………………………………185
Section III : La pluralité d’auteurs et la pluralité de causes ………………………185
§ I : La pluralité d’auteurs ……………………………………………………185
§ II : La pluralité de causes ………………………………………………….186
332
A- La force majeure ……………………………………………………..199
B- Les faits justificatifs ……………………………………………………199
§ III : Les conventions d’irresponsabilité …………………………………….201
333
A. La notion de garde …………………………………………………….219
B. Le caractère alternatif de la garde ………………………………………220
C. Les déments peuvent-ils être gardiens ? ………………………………..221
Section III : Les effets ………………………………………………………….221
Section IV : Le fondement de la responsabilité du fait des choses ……………….222
Section V : Les responsabilités particulières du fait des choses ………………….223
Sous-section I : Le cas de la responsabilité résultant d’un accident de la
circulation ………………………………………………………………………223
§ I : Les conditions du droit à indemnisation des victimes ……………………223
A. L’accident ………………………………………………………………224
B. La circulation ………………………………………………………….224
C. Le véhicule terrestre à moteur ………………………………………….224
D. Le dommage causé par un véhicule terrestre à moteur………………….224
1) Les différentes conceptions possibles………………………………...225
2) La preuve de la causalité et la distinction entre cause de l’accident
et cause du dommage ………………………………………………….225
§ II : Le fondement du droit à indemnisation des victimes …………………...226
A. Les conceptions doctrinales ……………………………………………226
B. La position de la jurisprudence ………………………………………...226
§ III : Les causes d’exonération……………………………………………….227
A. L’éviction de la force majeure …………………………………………..227
B- La prise en compte diversifiée de la faute de la victime …………………228
1)La distinction entre les dommages aux biens et les atteintes
aux personnes …………………………………………………………..228
2)La distinction entre les victimes directes de dommages corporels …….229
a) Le conducteur de véhicules terrestres à moteur …………………229
b) Les victimes autres que les conducteurs de véhicules à moteur……230
3)La situation des victimes par ricochet ………………………………...231
§ IV : Le problème des recours ……………………………………………….231
§ V : Les garanties accordées à la victime ……………………………………..232
A- L’obligation d’assurance ………………………………………………..232
B- Le Fonds de garantie …………………………………………………...233
Sous-section II : La responsabilité du fait des produits défectueux………………233
§ I : Les conditions de la responsabilité……………………………………….234
§ II : Le régime de la responsabilité……………………………………….…..234
334
§ I : La compétence d’attribution ……………………………………………..239
§ II : La compétence territoriale………………………………………………239
Section II : L’action de la victime (ou des victimes) ……………………………...240
§ I : Les caractères de l’action ………………………………………………...240
A- L’action n’est pas liée à la personne ……………………………………240
B- L’action est d’ordre public ……………………………………………..240
§ II : La date de naissance de la créance de réparation ………………………...240
A- Le principe : le jugement est déclaratif………………………………….241
B- L’exception : le jugement est constitutif ………………………………...241
335
§ II : Le choix entre rente et capital ………………………………………….256
336
C- La rétroactivité et les droits des tiers …………………………………..269
337
CHAPITRE II : L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS ………………………..286
Section I : Les causes d’extinction apportant une satisfaction au créancier ………286
§ I : Le paiement …………………………………………………………….286
A - Le paiement pur et simple …………………………………………….286
338
b) La situation du délégant …………………………………………298
3) Comparaison avec d’autres techniques………………………………298
a) Les différences avec la cession de créance………………………...298
b) Les différences avec la novation par changement de débiteur…….299
c) Les différences avec la stipulation pour autrui ……………………299
Section II : Les causes d’extinction sans satisfaction du créancier ……………….300
§ I : La remise de dette ………………………………………………………300
A- Les conditions de validité ………………………………………………300
B- La preuve ………………………………………………………………300
C- Les effets ………………………………………………………………301
§ II : La prescription extinctive ou libératoire ………………………………..301
A- La durée de la prescription …………………………………………….301
B- Le régime de la prescription ……………………………………………302
1) Le calcul du délai ……………………………………………………302
a) Le point de départ ……………………………………………….302
b) L’interruption …………………………………………………….302
c) La suspension …………………………………………………….303
2) La mise en oeuvre …………………………………………………..303
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE……………………………………………………...312
339
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