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INTRODUCTION

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INTRODUCTION : LES POUVOIRS DE LA

PAROLE

« Zoon logon echon » Aristote

"En séparant la langue de la parole, on sépare du


même coup : 1° ce qui est social de ce qui est
individuel ; 2° ce qui est essentiel de ce qui est
accessoire et plus ou moins accidentel.
La langue n'est pas une fonction du sujet parlant,
elle est le produit que l'individu enregistre
passivement ; elle ne suppose jamais de
préméditation, et la réflexion n'y intervient que par
l'activité de classement dont il sera question plus
loin.
La parole est au contraire un acte individuel de

se
volonté et d'intelligence, dans lequel il convient
de distinguer : 1° les combinaisons par lesquelles
le sujet parlant utilise le code de la langue en vue d'exprimer sa pensée personnelle ; 2° le mécanisme
psycho-physique qui lui permet d'extérioriser ces combinaisons.

0 0
Il est à remarquer que nous avons défini des choses et non des mots ; les distinctions établies n'ont
donc rien à redouter de certains termes ambigus qui ne se recouvrent pas d'une langue à l'autre. Ainsi
en allemand Sprache veut dire « langue » et « langage » ; Rede correspond à peu près à « parole », mais y
ajoute le sens spécial de « discours ». En latin sermo signifie plutôt « langage » et « parole », tandis
que lingua désigne la langue, et ainsi de suite. Aucun mot ne correspond exactement à l'une des
notions précisées plus haut ; c'est pourquoi toute définition faite à propos d'un mot est vaine ; c'est une
mauvaise méthode que de partir des mots pour définir les choses.
Récapitulons les caractères de la langue :

0_
1° Elle est un objet bien défini dans l'ensemble hétéroclite des faits de langage. On peut la localiser
dans la portion déterminée du circuit où une image auditive vient s'associer à un concept. Elle est la
partie sociale du langage, extérieure à l'individu, qui à lui seul ne peut ni la créer ni la modifier ; elle
n'existe qu'en vertu d'une sorte de contrat passé entre les membres de la communauté. D'autre part,
l'individu a besoin d'un apprentissage pour en connaître le jeu ; l'enfant ne se l'assimile que peu à peu.
Elle est si bien une chose distincte qu'un homme privé de l'usage de la parole conserve la langue,
pourvu qu'il comprenne les signes vocaux qu'il entend.
2° La langue, distincte de la parole, est un objet qu'on peut étudier séparément. Nous ne parlons plus

I
les langues mortes, mais nous pouvons fort bien nous assimiler leur organisme linguistique. Non
I
seulement la science de la langue peut se passer des autres éléments du langage, mais elle n'est
possible que si ces autres éléments n'y sont pas mêlés. 1
3° Tandis que le langage est hétérogène, la langue ainsi délimitée est de nature homogène : c'est un

Et
système de signes où il n'y a d'essentiel que l'union du sens et de l'image acoustique, et où les deux
parties du signe sont également psychiques.
4° La langue n'est pas moins que la parole un objet de nature concrète, et c'est un grand avantage pour
l'étude. Les signes linguistiques, pour être essentiellement psychiques, ne sont pas des abstractions ; les
associations ratifiées par le consentement collectif, et dont l'ensemble constitue la langue, sont des
réalités qui ont leur siège dans le cerveau. En outre, les signes de la langue sont pour ainsi dire
tangibles; l'écriture peut les fixer dans des images conventionnelles, tandis qu'il serait impossible de
photographier dans tous leurs détails les actes de la parole ; la phonation d'un mot, si petit soit-il,
représente une infinité de mouvements musculaires, extrêmement difficiles à connaître et à figurer. Dans
la langue, au contraire, il n'y a plus que l'image acoustique, et celle-ci peut se traduire en une image
visuelle constante. Car si l'on fait abstraction de cette multitude de mouvements nécessaires pour la
réaliser dans la parole, chaque image acoustique n'est, comme nous le verrons, que la somme d'un
nombre limité d'éléments ou phonèmes, susceptibles à leur tour d'être évoqués par un nombre
correspondant de signes dans l'écriture. C'est cette possibilité de fixer les choses relatives à la langue
qui fait qu'un dictionnaire et une grammaire peuvent en être une représentation fidèle, la langue étant le
dépôt des images acoustiques, et l'écriture la forme tangible de ces images."

Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale (1906-1911), Payot, 1969, p. 30-32.

"Le mot parole est […] utilisé aujourd'hui dans trois sens différents. Le premier, et le plus courant dans
nos sociétés audiocentrées, est le sens de « parole orale », d'expression verbale, comme dans le
proverbe Les paroles s'envolent, les écrits restent. Le deuxième sens est plus large, plus général.
Parole sert à désigner tout énoncé porteur de signification. « La parole est le propre de l'homme » dira
celui qui veut distinguer l'animal de l'homme, seul être vivant connu à mettre en oeuvre un langage
signifiant, que ce soit à l'oral, à l'écrit ou avec un langage « signé », celui des personnes sourdes.
Dans ces deux sens, le mot parole est une catégorie descriptive qui désigne une réalité humaine et
sociale : les hommes, comme individus vivant en société, parlent, ils sont doués d'une parole. Cette
catégorie est très utile pour désigner tous les phénomènes de « prise de parole », objet qu'étudient
volontiers les sciences humaines, compte tenu de son importance comme phénomène social.
Cette catégorie sert à décrire tous les usages que nous avons de la langue et des moyens de
communication, usages qui peuvent être à des fins de domination, d'exercice du pouvoir, de violence,
de manipulation ou encore de négociation, de coopération, de partage. La parole se diffracte ainsi dans
trois grandes formes, qui servent à exprimer, à convaincre, à informer, mais qui permettent aussi de
mentir, de manipuler ou de désinformer.
Un troisième usage du mot parole se dégage progressivement des deux premiers. Il s'en distingue par
le fait qu'il est une valorisation de certains aspects de la parole. Ce nouveau sens sert à désigner une
parole pacifiée et pacifique, plus douce, plus authentique, qui s'appuie sur le respect de l'autre, qui
implique une certaine symétrie dans la relation et qui suppose également une certaine pudeur. Une
parole en quelque sorte plus juste, qui serait la parole d'un homme plus humain.
C'est dans ce sens que l'utilisent ceux que nous avons appelés les « militants de la parole »."

Philippe Breton, Éloge de la parole, 2003, La Découverte / Poche, 2007, p. 46-47.


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de
acte individuel pas hétérogène
préméditation
d'intelligence
réflexion objetdéfini
auditive
réalité humaine image sociale
social partie
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de
communi système
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convaincre
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objetdenature
respectde
l'autre complète
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authentique
homme 1
humain

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