These D'etat Guimdo
These D'etat Guimdo
These D'etat Guimdo
--------------------
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
Par
Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO
Docteur 3è Cycle en Droit Public
Sous la direction de :
A mes enfants,
i
REMERCIEMENTS
- Au Dr. Jean-
Jean-Paul KENFACK,
KENFACK qui a bien voulu nous aider dans
la relecture du manuscrit.
- A ma chère épouse,
épouse pour sa patience, son assistance de tous les
instants lors de l'élaboration et la réalisation de ce travail.
ii
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES
iii
SOMMAIRE
DEDICACE ........................................................................................................... i
REMERCIEMENTS .............................................................................................. ii
SOMMAIRE …………………………………………………………………………….iv
iv
CHAPITRE II : L’ALOURDISSEMENT DE L’INSTANCE CONTENTIEUSE
SPECIALE.................................................................................... 230
v
SECTION I : L’ADMISSION SELECTIVE DE LA VALIDITE DES
CONTESTATIONS RELATIVES A LA REGULARITE DU
REFUS DE LEGALISATION DES PARTIS POLITIQUES .............. 451
vi
INTRODUCTION GENERALE
1
Gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de la légalité1, le
juge administratif joue un rôle déterminant dans la préservation de l’Etat de droit2.
Tantôt vilipendé, tantôt loué, il est au cœur des relations entre administration et
administrés qu’il doit protéger. D’abord, en évitant que l’action administrative ne porte
atteinte aux droits et/ou libertés des administrés. Ensuite, en veillant à ce que
l’administré respecte la législation administrative. Anatole France ne disait-il pas « la
loi est morte, mais le juge est vivant »3, pour traduire le rôle majeur que joue le juge
en société ? En effet, comme l’a si bien écrit Michel Dran, « la loi est immatérielle et
lointaine, on ne peut la concevoir et l’imaginer qu’à travers des mots, des formules.
Le juge, lui, est un homme ; même s’il s’entoure d’une certaine solennité, on peut
parvenir jusqu’à lui, se faire entendre, entrer en communication avec lui et lui faire
connaître chaque situation particulière »4.
1
Lire Jean Rivero, « Le juge administratif : gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de la
légalité ? », Mélanges Marcel Waline, Paris, LGDJ, 1974, pp.701-717.
2
Pour Yves Gaudemet in « L’avenir de la juridiction administrative », Gaz. Pal, 1979, Doctrine, p. 511, « l’Etat
de droit signifie que l’administration, dans ses interventions, est tenue au respect de la règle de droit, comme le
sont les particuliers » et « la juridiction administrative est le produit de cette conviction » car, « elle est un
système de contrôle juridictionnel qui d’une part assure la sanction des méconnaissances du droit par
l’Administration, et d’autre part, peu à peu, pas sa jurisprudence, élabore le droit ».
3
Cité par Michel Dran, in Le contrôle juridictionnel et la garantie des libertés publiques, Paris, LGDJ, 1968, p.25.
4
Ibid.
5
Danièle Lochak, La justice administrative, 3e éd., Paris, Montchrestien, 1998, p. 93. Sur ces points, voir aussi :
Prosper Weil, Le droit administratif, Que sais-je ? n°1152, 12ème éd., Paris, PUF, 1987.
6
D. Lochak, ibid.
2
La fonction normative consiste, elle, à déterminer les règles auxquelles doit
obéir l’action administrative. Dans le contexte français, c’est ce pouvoir normatif du
juge qui a « imprimé sa marque au droit administratif, qui apparaît comme un droit
autonome, d’origine essentiellement jurisprudentielle, élaboré par le juge en dehors
ou presque de toute intervention législative »8.
En assumant toutes ces fonctions, « le juge exerce au sens le plus large une
fonction de régulation qui est fondamentalement une fonction politique »9.
7
Ibid.
8
Ibid.
9
Ibid.
10
Sur les différentes façons dont la notion de juridiction peut être définie, lire Raymond Carré De Malberg,
Contribution à la théorie générale de l’Etat, Paris, Sirey, 1920 ,T1, pp. 691-816 ; Marcel Waline, « Du critère
des actes juridictionnels », RDP, 1933, pp 565-572 ; Charles Eisenmann, Le droit des actes (Cours du DES de
Droit public, 1953-1956), « Les cours de droit », pp. 50-114 ; Pierre Lampué, « La notion d’acte juridictionnel »,
RDP ,1946-1 ; Jean De Soto, « La notion de juridiction », Dalloz, Chr, 1956, pp 45-50 ; H. Solus et R. Perrot,
Droit judiciaire privé, Paris, Sirey, 1961, T1, n°465-481 ; Marcel Waline, Précis de droit administratif, Paris,
Montchrestien, 1969, p. 151. René Chapus, «Qu’est-ce qu’une juridiction ? la réponse de la jurisprudence
administrative », Recueil d’Etudes en hommage à Charles Eisenmann, Paris, Ed. Cujas, 1977, pp 265-292 ;
Olivier Gohin, « Qu’est ce qu’une juridiction pour le juge français ?”, Droits n°9 ( Revue Française de Théorie
juridique), 1989, pp 93-105 ; Charles Debbasch et Jean-Claude Ricci, Contentieux administratif, 7e éd., Paris,
Dalloz, 1999, pp. 162-165 ;voir aussi, la communication portant sur cette notion de juridiction in La
juridictionnalisation du droit international, Colloque SFPI, Paris, Pedone, 2002.
3
A. UN ORGANE COLLEGIAL OU PLURIPERSONNEL
« On désigne sous le terme générique de " juge administratif " l’ensemble des
juridictions administratives »12 ; mais, dans le contexte camerounais, le juge
administratif en tant qu’ organe collégial est représenté par la seule Cour Suprême
statuant en matière administrative. En effet, il n’existe pas au Cameroun une
juridiction administrative organiquement distincte de la juridiction judiciaire13. Ce qui
tient lieu de juridiction ou de juge administratif, c’est la Chambre administrative et
l’Assemblée plénière de la Cour Suprême.
11
Ch. Debbasch et J-C Ricci, ibid, p. 163.
12
Georges Vedel et Pierre Delvolvé, Droit administratif, T2, 12è éd. , Paris, PUF , 1992, p. 19.
13
Cette question a été largement étudiée par tous les auteurs qui se sont penchés sur le contentieux administratif
au Cameroun. Voir, par ex., Henri Jacquot, « Le contentieux administratif au Cameroun », RCD n° 7, janvier-
juin 1975, pp.81-91 ; Joseph Owona, Droit administratif spécial de la République du Cameroun, Paris, EDICEF,
1985, 256p. et Maurice Kamto, « La fonction administrative contentieuse de la Cour Suprême du Cameroun », in
Les Cours Suprême en Afrique, vol .III, La jurisprudence administrative, sous la direction de Gérard Conac et de
Jean de Gaudusson, Paris, Economica, 1988, pp.31-67.
14
Louis Koffi Amega, « Dix ans de droit en Afrique noire », Penant n°737, 1972, p. 293.
15
Sur l’évolution de la justice administrative dans les Etats d’Afrique d’expression française avant et après les
indépendances jusqu’ en 1965, lire Pierre Lampué , « La justice administrative dans les Etats d’Afrique
francophone », RJPIC n°1, janv.-mars 1965, pp. 3-31.
16
Voir à ce sujet, Le contentieux administratif et l’Etat de droit , Actes du Séminaire d’échanges et de
perfectionnement, Marrakech, 14-21 décembre 1996, Agence de la Francophonie, 1997, 333 p.
17
M. Kamto, « La fonction administrative contentieuse de la Cour Suprême du Cameroun », in Les Cours
Suprêmes en Afrique, III, La jurisprudence administrative, sous la direction de Gérard Conac et Jean de
Gaudusson, Paris, Economica, 1988, p. 31.
18
L. Koffi Amega, op. cit., pp. 293-294.
4
de la juridiction administrative est tributaire de son évolution politique et
institutionnelle. C’est un Etat bi-culturel, qui est à la fois francophone et
anglophone19.
Il reste que, pour l’essentiel, « tous les Etats africains marqués par la tradition
française ont opté pour le maintien d’un contentieux administratif autonome. Mais ce
choix ne se traduit pas par l’institution d’une juridiction administrative elle-même
autonome »20.
19
V. M. Kamto, op. cit., p. 32.
20
Jean du Bois de Gaudusson, « La Jurisprudence administrative des Cours Suprêmes en Afrique », in Les Cours
Suprêmes en Afrique, op. cit., p.5.
21
V. article 38, §2 al2 de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972.
22
V. article 40 de la loi n°96/06.
23
V. article 30 al. 4 de la loi n°96/06.
24
V. article 42.2 de la loi n°96/06.
25
Sur les perspectives ouvertes par cette réforme constitutionnelle de la justice administrative au Cameroun, lire
Célestin Sietchoua Djuitchoko, « Perspectives ouvertes à la juridiction administrative du Cameroun par la loi
n°96/06 du 18 janvier 1966 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 », Annales de la Faculté des
Sciences juridiques et Politiques de l’Université de Dschang, T1 vol. 1, 1997, pp 162-175.
5
2. L’existence au sein de la Cour Suprême de deux formations officiant
26
V. article 15 de loi n°69/LF du 14 juin 1969 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Fédérale de
Justice. Sur l’ensemble de la question relative à l’évolution, l’organisation, le fonctionnement, les attributions et
la composition de la justice administrative au Cameroun jusqu’en 1972, lire Joseph Marie Bipoun Woum,
« Recherches sur les aspects actuels de la réception du droit administratif dans les Etats d’Afrique noire
d’expression française : le cas du Cameroun », RJPIC n°3, 1972. pp. 359-379, surtout pp. 365-368 ; Jean
Foumane Akame, « Les grandes étapes de la construction juridique au Cameroun de 1958 à 1978 », Penant
n°764, 1979, pp. 188-196, en particulier pp. 190-195 ; Henri Jacquot, « Le contentieux administratif au
Cameroun », RDC n°7, jan-juin, 1975, pp. 9-31, en particulier pp 16-20 ; Roger Gabriel Nlep, L’administration
publique camerounaise. Contribution à l’étude des systèmes africains d’administration publique, Paris, LGDJ,
1986, pp. 364-366. M. Kamto, op. cit., pp 32-34 et Luc Ndjodo, in Le contentieux administratif et l’Etat de droit,
op. cit., pp 251-255, en particulier, pp 251-252.
27
L. Ndjodo, ibid, p. 252.
28
M. Kamto, op. cit., p 36
6
C’est l’ordonnance n°72/06 du 26 août 1972 fixant l ’organisation de la Cour
Suprême, modifiée par la loi n°76/28 du 14 décembr e 1976, qui crée la Chambre
administrative et l’Assemblée plénière de la Cour Suprême. Elles sont organisées
suivant la règle du double degré de juridiction29, ce qui leur confère certes une
autonomie interne par rapport à d’autres formations de la Cour Suprême, mais n’en
fait pas de « juridictions autonomes »30, puisqu’elles dépendent organiquement de
l’ordre judiciaire.
La Chambre administrative rend des jugements alors que l’Assemblée plénière, juge
d’appel, rend des arrêts.
29
H. Jacquot pense plutôt que « cette organisation originale s’explique (…), peut-être moins par la nécessité
d’établir un double degré de juridiction que par la pénurie de personnel qualifiée », op. cit. p. 21. Il faut situer
ses propos dans un contexte qui est celui de 1975, car aujourd’hui, le problème est moins celui de la pénurie de
personnel qualifié que celui de la gestion dudit personnel.
30
Op. cit.
31
G. Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif, T2, 12e éd., Paris, PUF, 1992, p. 63.
32
V. art 113 et 116 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en
matière administrative.
7
opposition33, ainsi que de recours en rectification d’erreur matérielle34 et de recours
en révision35. Elle n’est donc pas, selon la loi, juge de dernier ressort36 .
33
V. article 118 de la loi n°75/17 sus-citée.
34
V. article 119 de la loi n°75/17.
35
V. articles 120 et 121 de la loi n°75/17.
36
V. article 10 de l’ordonnance n°72/06 du 26 août 1972 portant organisation de la Cour Suprême.
37
M. Kamto, op. cit., p. 37.
38
Dans le cas le plus fréquent, la Cour suprême est composée d’une formation réduite à trois magistrats
membres de la Cour et présidée par le Magistrat de la Cour le plus ancien dans le grade le plus élevé.
39
H. Jacquot, op. cit., p. 20.
40
J. M Bipoun Woum, op. cit., p. 366.
41
M. Kamto, op. cit.
8
administratif. D’où la nécessité, non seulement de spécialiser le juge administratif42,
mais, surtout, d’avoir un juge administratif « spécialiste »43.
Le juge n’est pas toujours ou forcément collégial, il peut aussi être unique ou
unipersonnel.
Il existe certes des arguments favorables au juge collégial, mais ils ne sont pas
exempts de toutes critiques, et l’institution du juge unique a aussi des avantages.
42
Sur la nécessité et les objectifs de la spécialisation du juge administratif ainsi que des dangers de la juridiction
unique, lire Francis-Paul Benoît, Le droit administratif français, Paris, Dalloz, 1969, pp. 300-324.
43
Jean-Claude Kamdem, Cours polycopié de contentieux administratif, T1, Université de Yaoundé, FDSE,
1985-1986, p. 59.
44
De l’esprit des lois, Livre VI, chap. VII.
45
Ibid., Livre VI, chap. IV, « De la manière de former les jugements ».
46
Claudie Boiteau, « Le juge unique en droit administratif », RFDA, 1996, p. 10.
47
Ibid. , pp. 10-11.
9
A l’examen de ces arguments, on peut légitiment se poser quelques questions
sur leur pertinence. Y a-t-il toujours débat, pas formellement, mais effectivement
lorsqu’une juridiction collégiale statue ? Ensuite, une bonne justice peut-elle être
forcément le fait de deux ou plusieurs magistrats réunis ? Enfin, si l’instance
collégiale peut difficilement dans son ensemble recevoir des pressions, celles-ci ne
peuvent-elles pas s’exercer sur le Magistrat qui a un pouvoir prépondérant dans le
collège ? « En vérité, ce n’est pas tant la collégialité qui assure l’indépendance du
juge que les règles de fonctionnement des juridictions »48. Dès lors, l’absence ou la
suppression de la collégialité – et donc l’institution du juge unique – pour certains
contentieux doit être perçue « dans la perspective d’un meilleur fonctionnement de la
machine judiciaire sans être pour autant un remède seulement empirique à la
pénurie du magistrat »49. C’est ainsi que dans le contentieux administratif
camerounais, des exceptions au principe de la collégialité ont été aménagées ; le
juge unique peut donc être appréhendé aujourd’hui comme « un des outils de
résolution des difficultés que connaît la justice »50, en l’occurrence administrative, au
Cameroun.
48
Ibid. , p. 11.
49
Ibid.
50
Ibid.
51
Roland Drago, « La procédure du référé devant le Conseil d’Etat », RDP, 1953. 304.
10
ensuite, il ne peut prendre, en principe, que des mesures provisoires ou d’attente qui
sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée. Il en est ainsi du sursis à exécution
qui consiste à suspendre un acte administratif contesté si son « exécution est de
nature à causer un préjudice irréparable » et s’il « n’intéresse ni l’ordre public, ni la
sécurité ou la tranquillité publique »52. Le sursis à exécution de cet acte litigieux est
ordonné par le Président de la Chambre administrative de la Cour Suprême. Il en est
de même du référé administratif qui consiste « dans tous les cas d’urgence et sauf
pour les litiges intéressant le maintien de l’ordre public, la sécurité et la tranquillité
publique » à « ordonner toutes mesures utiles sans faire préjudice au principal »53. Il
est prescrit par le Président de la Chambre administrative ou l’Assemblée plénière
de la Cour Suprême ou le Magistrat qu’il délègue.
52
Article 16.2 de la loi n°75/17 du 08 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour suprême statuant en
matière administrative.
53
Article 122 de la loi n°75/17 sus-citée.
11
la loi ». La loi doit être comprise ici au sens large ou générique intégrant les
règlements54.
54
Il en est ainsi des décrets qui organisent le contentieux des élections au sein des chambres consulaires (ex.
chambre de Commerce, des Mines, de l’Energie et de l’Artisanat et Chambre d’Agriculture, des Pêches et de
l’Elevage).
55
C’est nous qui soulignons.
12
indique que « les contestations font l’objet d’une simple requête devant la juridiction
administrative » ; mais, il n’en demeure pas moins que l’alinéa 3 de cet article 34
énonce clairement que « le Président56 statue dans un délai de soixante (60) jours à
compter de la date de saisine ». Autrement dit, ce n’est pas le juge administratif en
tant qu’organe collégial qui devrait connaître du contentieux des élections des
conseillers municipaux mais bien le juge administratif en tant que juge unique, si tant
est que pour le législateur, il s’agit d’un contentieux qui doit être traité dans l’urgence,
notion qu’il sied de déterminer.
56
C’est nous qui soulignons.
57
Christian Gabolde, Essai sur la notion d’urgence en droit administratif français, Thèse de droit, Paris, 1951,
p.2.
58
Guillaume Pambou Tchivounda, « Recherche sur l’urgence en droit administratif français », RDP, 1983, p.82.
59
Ibid.
60
Alioune Sall, La notion d’urgence en droit international, thèse, Paris, Presses Universitaires du Septentrion,
Villeneuve, 1998, p.29.
61
Cité par Stéphane Rials, in Le juge administratif français et la technique du standard, thèse, Paris, LGDJ,
1980, p. 94 qui reprenait M. Grevisse dans ses conclusions in S.14. III 1958, Reconstruction, A.J., 1958. II.186.
62
C. Sirat, « L’exécution d’office, l’exécution forcée, deux procédures distinctes de l’exécution administrative,
J.C.P., 1948. I.1440.
63
L. Nizard, Les circonstances exceptionnelles dans la jurisprudence administrative, thèse, Paris, LGDJ, 1962,
p. 116.
13
humaine" »64. Quant à Ph. Jestaz, « définir l’urgence d’une façon rigoureuse est une
entreprise vouée à l’échec. La plupart des auteurs qui s’y sont essayés n’ont abouti
qu’à des formules imprécises qui gravitent toutes autour de l’idée d’un préjudice dans
le retard » ; d’après lui, « toute tentative d’établir un seuil temporel de l’urgence et de
fixer le moment à partir duquel elle est constituée ne saurait être qu’arbitraire »65.
Enfin, pour R.M Tarcinet, « la notion d’urgence n’est ni simple, ni constante (…) ; elle
est liée à une appréciation dans chaque cas d’espèce (…) et elle est relative et
contingente »66.
C’est le Doyen Georges Vedel qui, dans des études consacrées à la voie de
fait, avait, pour la première fois, opposé les notions conceptuelles et les notions
fonctionnelles69. Pour l’éminent auteur, « les notions conceptuelles sont celles qui
peuvent recevoir une définition complète selon les critères logiques habituels et leur
contenu est abstraitement déterminé une fois pour toutes (…) ; elles ont une réelle
unité conceptuelle (…). L’utilisation de toutes ces notions dépend de leur contenu ; le
contenu ne dépend pas de l’utilisation »70. La notion d’urgence ne répond pas à cette
définition.
64
Georges Dupuis, Les privilèges de l’Administration, thèse Droit, Paris, 1962, p. 484.
65
Ph. Jestaz, L’urgence et les principes classiques du droit civil, Thèse, Paris, LGDJ, 1968, p.7.
66
R.M. Tarcinet, L’acte conservatoire en droit administratif, thèse, Grenoble, Paris, LGDJ, 1979, pp.95-96.
67
G. Pambou Tchivounda, op. cit., p.82.
68
Ibid., p.83.
69
G. Vedel, « De l’arrêt Septfonds à l’arrêts Barinstein », JCP, 1948-I-682 et « La juridiction compétente pour
prévenir, faire cesser ou réparer la voie de fait administrative », JCP, 1950. I.851. V. aussi D. Lochak, op. cit., p.
132-133.
70
G. Vedel, « La juridiction compétente… », ibid.
14
Définissant les notions fonctionnelles, G. Vedel considère qu’elles ne sont pas
« un pur mot », mais « une idée ou un faisceau d’idées », des « notions ouvertes »,
prêtes à s’enrichir de tout « l’imprévu du futur »71. Ainsi, « les notions fonctionnelles
sont différemment construites. Elles procèdent directement d’une fonction qui leur
confère seule une véritable unité »72. Il en est ainsi de la notion d’urgence.
Comme l’a écrit G. Dupuis « l’étymologie n’apprend rien ici, ou fort peu (…) ;
ce qui gouverne le sens des mots ce n’est pas l’étymologie, c’est l’usage »73.
L’urgence est donc, quel que soit le domaine où elle se manifeste, « une
notion purement fonctionnelle, c’est-à-dire qui vaut plus pour son utilité pratique que
pour son contenu formel »74. En somme, « l’urgence c’est un contexte, un climat, une
ambiance qui suscitent par eux-mêmes un comportement approprié à la préservation
d’un intérêt (général et/ou particulier) menacé »75. Elle est un standard76 qui peut se
découvrir à deux niveaux de distinction. Elle est d’abord « mesurée en termes de
niveaux de normalité ; au sens le plus descriptif du terme, en tant qu’elle caractérise
une situation qui normalement selon toutes probabilités, statistiquement, doit
entraîner un préjudice » ; elle « est encore mesurée en terme de normalité en ce que
la situation qu’elle caractérise est une situation que les valeurs de la société
conduisent à reconnaître comme digne d’être défendue, en ce que l’intérêt menacé
est jugé normalement essentiel »77. Bref, « l’urgence est (…) un standard bifrons,
extrêmement descriptif d’un côté et plus dogmatique de l’autre (ou tout au moins plus
descriptif des mentalités »78.
71
G. Vedel, « De l’arrêt Septfonds à l’arrêt Barinstein », op. cit.
72
« La juridiction compétente pour… », op. cit.. Sont ainsi considérées par l’auteur comme notions
fonctionnelles : l’acte de gouvernement et la voie de fait.
73
G. Dupuis, op. cit. p. 485. C’est l’auteur qui souligne lui-même.
74
A. Sall, op. cit. p. 29.
75
G. Pambou Tchivounda, op. cit., p. 83.
76
V. Jestaz, op. cit. p. 245 et Stéphane Rials, op. cit. p. 94.
77
S. Rials, ibid, pp. 94-95.
78
Ibid., V. aussi Dupond, in « Les conditions de la légalité de l’exécution forcée par la voie administrative »,
RDP, 1925, p.365. Pour cet auteur, « l’urgence, c’est la nécessité absolue et immédiate de faire face à une
situation d’un intérêt essentiel pour la collectivité, de conjurer un péril, de prévenir un danger imminent ».
15
1. L’appréhension de la notion d’urgence à partir de ses effets
79
V. L. Nizard, op. cit. et G. Dupuis, op. cit.
80
L. Nizard, ibid., p. 113.
81
G. Dupuis, ibid., p.485.
82
Op. cit. p. 144.
83
R. Pallard, L’exception de nécessité en droit civil, Paris, LGDJ, 1948, p. 246.
84
Op. cit.
85
Pierre-Laurent Frier, L’urgence, thèse, Paris, LGDJ, 1987, p. 129.
16
Il nous semble donc que, contrairement à ce qu’affirme A. sall, l’entreprise qui
semble être celle de ces auteurs n’est pas de « dissocier la notion d’urgence et
d’affirmer son autonomie totale par rapport à la théorie de l’état de nécessité » 86, car,
il est incontestable que « tout en ayant des fondements communs », l’urgence et la
nécessité présentent chacune des caractéristiques propres qu’ils ont indiquées et qui
leur confèrent des champs d’application spécifiques87.
Il existe une autre tendance qui appréhende l‘urgence à partir ou par rapport à
une situation de fait.
86
A. Sall, op. cit. p 17. C’est nous qui soulignons l’expression dans la citation.
87
V. P.-L Frier, op. .cit., pp. 123-127.
88
Chr. Gabolde, op. cit., p. 71.
89
G. Pambou Tchivounda, op. cit. , p. 91.
17
compétences du juge. Aussi, « ne s’attacher qu’aux situations de fait qui font agir
l’Administration est une démarche qui ne s’explique pas aisément »90.
Sur le plan des résultats, ensuite, G. Pambou Tchivounda fait remarquer que
« la conception " objective " de l’urgence ne peut traduire l’" élasticité " juridique de
l’urgence. Mieux, elle la nie. Faute de retenir cette gradation de l’urgence (du simple
à l’absolu voire à l’extrême), l’auteur aurait gagné à conforter sa thèse en faisant
ressortir l’opposition entre l’urgence réelle et l’urgence imaginaire ». Mais on peut se
demander en quoi consiste cette opposition car, si ce sont les faits qui inspirent
l’urgence, comme le dit à juste titre Ch. Gabolde, elle ne peut être imaginaire. Au
demeurant, on a affaire à une conception, certes déterminante de la notion
d’urgence, mais qui reste partielle, tout comme l’est celle qui insiste sur les effets de
l’urgence.
Il reste à préciser sous quelle forme elle le sera, lorsqu’on sait qu’elle est par
ailleurs une notion protéiforme.
90
Ibid.
91
A. Cossa, « L’urgence en matière de référé, Gaz. Pal. 1955, 2, Doc., p. 46.
18
B. UNE NOTION PROTEIFORME
Dans la mesure où l’urgence « joue un rôle certain dans le droit public où ses
effets sont réels, la classification de la notion (d’urgence) paraît nécessaire afin de la
faire apparaître dans ses multiples composantes »95. A ce sujet, plusieurs critères
peuvent être pris en compte. On peut les regrouper en trois grandes catégories : le
critère matériel, le critère formel et le critère finaliste.
92
G. Pambou Tchivounda, op. cit., p.92.
93
A. Sall, op. cit., p. 32.
94
Ibid., p. 33.
95
P-L. Frier, op. cit., p. 11.
96
G. Pambou Tchivounda, op. cit., p.88.
19
2. Le critère formel de détermination des formes d’urgence
97
Ibid., pp.87-88.
98
P.F. Benoît , op cit., p. 558.
99
Distinction opérée par P-L Frier, op. cit., p 35. Pour A. Sall, cette distinction « semble d’une utilité douteuse »,
comme toutes les autres distinctions. Il estime que l’urgence est une, op. cit., p.31 et suiv.
100
P.L. Frier, ibid.
101
L. Nizard, op. cit., p. 195.
102
Ibid.
20
(d’urgence) définitives, à la différence de l’urgence préventive qui implique la
prescription de mesures (d’urgence) provisoires.
Ces deux formes d’urgence seront prises en compte dans la présente étude à
travers l’identification et l’appréciation des mesures d’urgence édictées par le juge
administratif camerounais. Cette considération amène à s’interroger sur la place de
l’urgence dans le traitement des contentieux accessoires et spéciaux par juge
administratif camerounais.
La doctrine est unanime pour reconnaître qu’une bonne justice doit présenter
un certain nombre de qualités pour remplir convenablement sa mission et rendre les
services qu’en attendent les justiciables104. Parmi ces qualités figurent la cohérence
et l’efficacité. La cohérence implique que deux, voire plusieurs litiges identiques
doivent recevoir la même solution et que cette solution doit faire une exacte
application des textes législatifs et réglementaires en vigueur105.
Quant à l’efficacité, elle suppose « une justice qui décide vite » et dont les
décisions sont exécutées106.
La prise en compte de l’urgence fait donc partie des qualités d’une justice qui
fonctionne bien car « une justice qui décide vite » prend forcément en compte
l’urgence. Il est sans conteste que l’efficacité de la justice dépend en grande partie
de sa rapidité. Ainsi, « face à des situations qui évoluent rapidement, le bon
fonctionnement de la justice exige que des mesures immédiatement nécessaires
103
Op. cit., p. 83.
104
Henri Oberdorff, « Le justiciable, le juge administratif et le temps », in Guy Gardavaud et Henri Oberdorff,
sous la direction, Le juge administratif à l’aube du XXIè siècle, PUG, 1995, p. 281.
105
Alain Marion, « Du mauvais fonctionnement de la justice administrative et de quelques moyens d’y
remédier », Pouvoirs, n° 46, 1988, p. 21.
106
Ibid., p. 24.
21
soient édictées pour préserver les droits des parties »107. Le professeur Roland
Drago soutient d’ailleurs que « l’urgence est l’âme des procès » car, « si une partie
intente une action devant un juge, c’est parce qu’elle en espère une solution
rapide »108.
Le juge doit donc bien remplir son office, mais dans les meilleurs délais. N’a-t-
on pas dit que juger bien c’est avant tout, juger vite 109 ? Sur ce point, La Bruyère
disait déjà qu’ « une circonstance essentielle à la justice que l’on doit aux autres,
c’est de la faire promptement et sans la différer ; la faire attendre, c’est injustice »110.
Et s’il est une justice qui doit statuer rapidement, c’est bien la justice
administrative. La nécessité de cette rapidité doit être recherchée dans l’importance
des dommages que l’administration cause ou est susceptible de causer aux
particuliers et des cas d’excès de pouvoir qui résultent ou résulteraient de l’exercice
de ses prérogatives. Il faut donc que, saisi par un recours en responsabilité ou par un
recours en excès de pouvoir, le juge agisse rapidement soit pour réparer le
dommage subi par le requérant, soit pour annuler l’acte qui porte atteinte à ses
droits, pour éviter que l’écoulement du temps ne lui soit préjudiciable. Ce n’est
pourtant pas le cas en pratique car une certaine lenteur est inhérente à la procédure
administrative contentieuse.
« Le temps du juge n’est pas celui du justiciable »111. Alors que le juge
administratif est « traditionnellement soucieux de rendre une justice de qualité, mais
peu préoccupé de l’efficacité de ses décisions et l’impact du temps sur l’enjeu du
procès »112, le justiciable attend que sa requête soit examinée rapidement ou dans
107
P-L. Frier, « un inconnu : le vrai référé administratif », AJDA, 1980, p. 67.
108
Préface à l’ouvrage d’Olivier Dugrip, L’urgence contentieuse devant les juridictions administratives, Paris,
PUF, 1991, 411 p.
109
René Chapus, Rapport de synthèse du colloque du 30è anniversaire des tribunaux administratifs, Grenoble,
1984, Ed. du CNRS, 1986, p. 341.
110
Cité par O. Dugrip, op. cit., p. 13.
111
François Ducarouge, « Le justiciable, le juge administratif et le temps : la vision des juges », in Guy
Gardavaud et Henri Oberdorff, op. cit., p. 305.
112
Roland Vandermeeren, « La réforme des procédures d’urgence devant le juge administratif », AJDA, p. 707.
22
un délai raisonnable113. Il ne faut pas perdre de vue que le procès administratif
oppose généralement deux parties qui sont dans des situations inégales à savoir
l’administration, puissance publique détentrice de prérogatives exorbitantes de droit
commun, et l’administré, sans réels pouvoirs bien que jouissant de certains droits.
Par ailleurs, le temps profite toujours au défendeur (donc à l’administration) dont il
est l’allié objectif, au détriment du requérant-administré114 pour qui le temps est
ennemi115, surtout que les recours contentieux n’ont pas d’effet suspensif.
113
En France, lorsque la méconnaissance du droit à un procès rendu dans des délais raisonnables a causé un
préjudice à un justiciable, il peut en obtenir la répartition : CE, 28 Juin 2002, Garde des sceaux, Ministre de la
justice contre M. M. Mariera. Voir les conclusions du Commissaire du Gouvernement Francis Lamy, le contenu
de l’arrêt et la note de M. V. in Les petites affiches n° 197, pp. 15-23.
114
D. Lochak, op. cit., p. 106.
115
Manuel Gros, « Le juge administratif, la procédure et le temps », RDP, 1999, p. 1709.
116
- Pour quelques exemples africains de lenteur caractérisée de la justice (administrative et judiciaire), v. R.
Degni Segui, « L’accès à la justice et ses obstacles », in L’effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la
communauté francophone, Actes du Colloque de Maurice, 29 septembre – 1er octobre 1993, AUPELF-UREF,
1994 ,pp. 241-256 (l’auteur traite en particulier du cas des juridictions ivoiriennes) ; Filiga Michel Sawadogo,
« L’accès à la justice en Afrique francophone : problèmes et perspectives. Le cas du Burkina Faso », RJIC, n° 2,
1995, pp. 165-212, en particulier, pp. 185-190 ; Mahamane Boukari, in Le contentieux administratif et l’Etat de
droit, op. cit., p. 297 ;
- Pour quelques exemples de lenteurs judiciaires au Cameroun, v. Bernard-Raymond Guimdo D., « La protection
juridictionnelle de la liberté de religion au Cameroun », Revue de droit et cultures, n° 42, 2001/2, pp. 52-53 ; M.
Kamto, op. cit. ;
- Pour ce qui est de la lenteur de la justice administrative en France, v. Alain Marion, op. cit., pp. 24 et
suivantes ; Françoise Ducarouge op. cit., pp. 306 et suivantes ; Henri Oberdorff, op. cit., pp. 282 et suivantes ;
Yves Gaudemet, « L’avenir de la juridiction administrative », Gaz. Pal. , 1979, doc., p. 514 ; Patrick
Waschmann, Libertés publiques, 3è éd., Paris, Dalloz, 2000, pp. 177-178 ; Yves Gaudemet, « Les procédures
d’urgence dans le contentieux administratif », RFDA, 1988, p. 421 ; Bruno Odent, « L’avocat, le juge et les
délais », Mélanges René Chapus, Paris, Montchrestien, 1992, pp. 488-492 ; Georges Liet-Veaux, « La justice
administrative au ralenti », D., 1948, Ch., pp. 133-136.
117
CH. Gabolde, « Les nouveaux pouvoirs d’urgence du juge administratif et le sursis à exécution », D., Chr.,
1953, p. 189. L’auteur reprend ainsi une expression du Vice-président du Conseil d’Etat.
118
M. Gassié, (thèse, p. 7) cité par G. Liet-Veaux, op. cit., p. 133.
119
Chr. Gabolde, « Les nouveaux pouvoirs d’urgence… », op. cit., p. 189.
23
1. Les manifestations de la méconnaissance de l’urgence
Sur le plan des statistiques, au 1er octobre 1996, par exemple, parmi les 690
dossiers en instance devant la Chambre administrative de la Cour Suprême, il s’en
trouvait qui remontaient à 1982.
120
René Chapus, Le droit du contentieux administratif, 3e éd., Paris, Montchrestien, 1991, p. 471.
121
Ibid., p.472.
122
Voir le rapport de mission de Nicolas Bonnal, Magistrat, Secrétaire général de la première présidence de la
Cour de cassation française à la Cour suprême de la République du Cameroun effectuée du 2 au 12 décembre
1996, pp. 29-30.
123
CS/CA, jugement n° 22/93-94 du 24 février 1994, Mme Mayouga Yvonne, épouse Noundou contre Etat du
Cameroun.
24
saisine124. Saisie d’un autre recours le 25 janvier 1999, la même juridiction rendait
son jugement au fond – au profit du requérant – le 30 mars 2000, soit, plus d’un an
après sa saisine, alors que le requérant était sous la menace d’une procédure
disciplinaire et d’une mise à la retraite injustifiée puisque l’acte litigieux le ramenait à
un grade inférieur où la retraite se prenait plus tôt125. Enfin, saisie en 1991 dans une
affaire opposant un enseignant à son Université, elle n’a pas rendu de décision à ce
jour. Sont rarissimes les cas où le juge administratif tranche avant 7 mois126.
Les facteurs explicatifs de cet état de fait sont nombreux. Ils sont humains,
financiers, matériels, procéduraux et structurels.
124
CS/CA, jugement n° 32/93-94 du 31 mars 1994, Kotto Jean-Jacques contre Etat du Cameroun.
125
CS/CA, jugement n° 42/99-00 du 30 mars 2000, Wabo Rigobert contre Etat du Cameroun.
126
Ainsi, dans une affaire relative à la légalité d’un acte qui expulsait un pharmacien d’un site inoccupé, donc
disponible, sur lequel il s’est installé, le juge administratif, saisi le 5 mars 1993, a rendu son jugement – qui
annulait l’acte querellé pour excès de pouvoir – le 30 septembre 1993, soit 6 mois et 25 jours après sa saisine ;
cf. CS/CA, jugement n° 83/ADD/92-93 du 30 septembre 1993, affaire Sighoko Fossi Abraham contre Etat du
Cameroun.
127
Jacques Georgel, « Le juge et la montre », in Etudes en l’honneur de Georges Dupuis, Paris, LGDJ, 1997, p.
116.
25
le problème lié aux « comportements empreints de laxisme habituel des
fonctionnaires africains » 128 imputable à certains magistrats.
128
R. Degni-Segui, op. cit., p. 245.
129
Depuis l’année judiciaire 2002-2003, la Chambre administrative dispose d’un ordinateur et d’une
photocopieuse.
130
Il est à annoter que depuis 1996, la Cour suprême a son budget propre. Il y a lieu de penser que cette
autonomie budgétaire devrait permettre le renforcement des crédits alloués à la Chambre Administrative.
131
V. Rapport de mission de Nicolas Bonnal, op. cit., p. 18.
132
Sur les inconvénients de cette centralisation et les aménagements possibles de la justice administrative pour
une meilleure protection des droits des justiciables, lire Anicet Abanda Atangana , « A la recherche d’un cadre
juridique approprié pour une meilleure protection des droits des administrés au Cameroun », Penant, n° 818,
1995, pp. 133-155.
26
Suprême. Elle n’est pas sans poser de problème dans la gestion des dossiers. Il faut
ajouter à cela le manque de local destiné à la juridiction administrative. Elle ne
dispose pas d’un bâtiment propre. Ainsi, la Chambre administrative se trouve dans le
même bâtiment que certaines juridictions judiciaires, à l’instar de la Cour d’Appel du
Centre, et le Secrétariat général de la Cour Suprême. Par ailleurs, les bureaux sont
insuffisants et exigus, par conséquent peu propices à faciliter le travail des agents qui
les occupent.
133
Voir rapport de mission de M. Bonnal, op. cit. p. 30.
134
Ibid.
135
Voir E. Gros, op. cit., p. 1718.
27
B. L’INSTITUTION DE PROCEDURES CONTENTIEUSES D’URGENCE136
136
Bernard Seiller préfère parler de « procédures parallèles », « compte tenu de leur nature et du fait qu’elles ne
sont nécessairement pas conditionnées par l’urgence » et parce que « cette expression permet d’inclure diverses
procédures tendant à une décision au fond instaurées par divers textes (…) » ; v. B. Seiller, Droit administratif,
T.1, Paris, Flammarion, 2001, pp. 189-190. Une telle vision est minoritaire, voire marginale ? Comme l’attestent
les développements ci-dessus, car l’urgence est explicitement ou implicitement au cœur desdites procédures.
137
Y. Gaudemet, « Les procédures d’urgence dans le contentieux administratif », op. cit., p. 421.
138
Ibid.
139
Bernard Pacteau, Contentieux administratif, Paris, PUF, 1999, pp. 255-256.
140
Olivier Gohin, Contentieux administratif, 2e éd., Paris, Litec, 1999, p. 259.
141
Bernadette Le Baut-Ferrarese, « Les procédures d’urgence et le langage du droit », RFDA, 2002, p. 297.
28
requérant « au moyen de mesures provisoires, valables uniquement dans l’attente du
jugement au fond », et, d’autre part, les procédures d’urgence spéciales,
dérogatoires à la procédure normale, qui permettent au juge administratif de protéger
les droits et les libertés du requérant « au moyen de mesures définitives »142. Il est
indéniable que, comme l’a relevé le Professeur R. Chapus, « le signe extérieur d’une
bonne justice, c’est l’excellence de ses procédures d’urgence »143.
142
Gilles Lebreton, Libertés publiques et droits de l’homme, 5e éd., Paris, Armand Colin, 2001, pp. 222-223.
143
R. Chapus, Rapport de synthèse du colloque du 30e anniversaire des Tribunaux administratif, op. cit., p. 338.
144
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 811.
145
B. Pacteau, op. cit., p. 286.
146
G. Pambou Tchivounda, op. cit., p. 104.
147
G. Dupuis, op. cit., p. 411.
29
préalable148 dont jouit l’acte administratif unilatéral, sa contestation devant le juge
administratif n’en suspend pas l’exécution. Lorsqu’il est édicté, il est, à compter de sa
publicité, immédiatement exécutoire. Le Conseil d’Etat français en fait une « règle
fondamentale du droit public »149, indiquant par- là que les actes administratifs sont
présumés légaux dès leur édiction et doivent être exécutés jusqu’à ce qu’un juge
saisi en décide autrement. Seulement, l’intervention du juge saisi peut durer des
mois, voire des années, d’où l’intérêt de la procédure du sursis à exécution qui
permet de demander au juge de suspendre l’exécution de l’acte querellé « sans
attendre la solution au fond du litige »150. Une telle suspension ne peut être
commandée que par l’urgence de la situation contentieuse, car elle fait échec au
caractère exécutoire de la décision administrative. Ce sont les articles 16, 17 et 18
de la loi n° 75/17 du 08 décembre 1975 fixant la pr océdure devant la Cour Suprême
statuant en matière administrative qui déterminent le régime du sursis à exécution.
148
Sur cette question, lire : Geneviève Koubi, « Acte exécutoire et actes des autorités locales », RDP, 1989, pp.
1493-1523, précisément, p. 1497 ; Yves Gaudemet, Traité de droit administratif, 16e éd., T. 1, Paris, LGDJ,
2001, p. 649 ; Martine Lombard, Droit administratif, 4e éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 220-221.
149
CE, Ass., 2 juillet 1982, Huglo, p. 257 ; AJDA, 1982, p. 657, Concl. Biancarelli, note Lukaszewicz.
150
G. Vedel et P. Delvolvé, op. cit., p. 180.
30
saisi du recours gracieux préalable »151. L’autre limite de cette procédure est que la
décision de sursis à exécution ne suspend pas la décision incriminée « à compter de
son entrée en vigueur mais seulement à compter de la seule notification »152. Il y a
lieu de relever que ces limites ne sont pas propres au droit camerounais. Il en est de
même, par exemple, du référé-suspension en droit français153 et du sursis à
exécution en droit centrafricain154.
Toute autre est la procédure de référé administratif, bien que dans l’une et
l’autre procédures, les ordonnances rendues par le juge n’ont pas, à son égard,
l’autorité de la chose jugée.
151
Bernard Momo, « Le problème des délais dans le contentieux administratif camerounais », Annales de la
Faculté des sciences juridiques et politiques de l’université de Dschang, T. 1, vol. 1, 1997, p. 149.
152
Joseph Owona, Droit administratif spécial de la République du Cameroun, Paris, EDICEF, 1985, p. 29.
153
V. loi n°2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives et modifiant le
Code de Justice Administrative , ainsi que son décret d’application n°2000-1115 du 22 novembre 2000.
154
V. loi n°96. 006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs.
155
B. Pacteau, op. cit., p. 287.
156
Ibid.
157
Jean-Marie Auby et Roland Drago, Traité de contentieux administratif, 3e éd. T. 2, Paris, LGDJ, 1984, p. 48.
158
Marie-Françoise Casadei-Jung, « Etude critique et comparative du référé administratif », Gaz. Pal., 1985, I.
doc., p. 279.
31
en attendant que celui-ci fasse définitivement droit à ses prétentions. Si l’urgence de
celles-ci est avérée, « le juge sera obligé de statuer afin d’éviter que l’écoulement du
temps ne » le « défavorise (…) par rapport à l’autre »159 partie qu’est généralement la
personne publique. Pour ne pas tomber dans « le vice contraire », le juge devra
s’attacher à ne pas préjuger de la solution finale.
L’article 122 de cette loi énonce que « dans tous les cas d’urgence et sauf
pour les litiges intéressant le maintien de l’ordre public, la sécurité et la tranquillité
publiques, le Président de la Chambre administrative ou l’Assemblée Plénière ou le
Magistrat qu’il délègue, peut, après avis conforme du Ministère Public, ordonner
toutes mesures utiles sans faire préjudice au principal ». L’article 123 précise que la
requête est immédiatement notifiée au défendeur éventuel, avec fixation d’un délai
de réponse raisonnable. Enfin, l’article 124 indique que l’ordonnance de référé est
immédiatement exécutoire. On peut penser qu’elle l’est dès son édiction ou 24
heures après, comme c’est le cas de l’ordonnance de sursis à exécution.
159
Ch. Debbasch et J-C Ricci, op. cit., p. 404.
160
R. Chapus, « Le juge administratif face à l’urgence », Rapport de synthèse, Gaz. Pal., 1985, p. 318.
32
œuvre dépend, pour l’essentiel, du juge administratif. Il en est de même, avec quelques
différences cependant, des procédures d’urgence spéciales.
161
P-L Frier, L’urgence, op. cit., p. 269.
162
Méjan, « le nouveau référé administratif », RA, 1995, p. 161.
163
V. P-L. Frier, op. cit., p. 271.
33
α. Les procédures d’urgence instituées en matière de contentieux électoral
municipal
Quant à l’article 35, il indique que « les conseillers municipaux dont l’élection
est contestée restent en fonction jusqu’à ce qu’il ait été définitivement statué sur les
réclamations » et que « dans le cas où l’annulation de tout ou partie des élections est
devenue définitive, les électeurs sont convoqués dans un délai de quinze (15) jours
suivant l’annulation ».
34
qu’il ait été définitivement statué sur les réclamations » . Mais, la loi ne précise pas –
comme dans le cas français – quand est-ce que le juge est saisi et quand il statue
définitivement sur les réclamations. Il s’agit d’une lacune sérieuse, susceptible
d’édulcorer, voire d’annihiler l’urgence qui, en première instance, caractérise cette
procédure contentieuse.
Enfin, l’article 36 précise que tous les actes judiciaires intervenant dans la
procédure contentieuse électorale sont dispensés du timbre et enregistrés gratis.
Cette dérogation est aussi valable pour le contentieux de l’élection du maire et de
ses adjoints dont la procédure est déterminée assez brièvement par l’article 53
(nouveau) de la loi n° 74/73 du 5 décembre 1974 por tant organisation communale,
modifiée par la loi n° 92/003 du 14 août 1992.
35
publics une représentation officielle de certains intérêts privés »164. Etablissements
publics, dotés de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, elles sont
placées respectivement sous la tutelle du Ministre Chargé du Commerce - pour ce
qui est de la Chambre de Commerce -, du Ministre de l’Agriculture et du Ministre de
l’Elevage, de la Pêche et des Industries animales- pour ce qui concerne la Chambre
d’Agriculture.
164
Georges Nakseu Nguefang, Le contentieux des élections aux Chambres consulaires, Mémoire de maîtrise de
droit public, Université de Yaoundé, 1992, p. 3.
165
V. Article 3.1 et 6 du décret n° 86/231 du 13 mars 1986 portant statuts de la Chambre de Commerce
d’Industrie et des Mines.
166
V. article 18 et 25.2 du décret n° 2001/380 du 27 novembre 2001 portant changement de dénomination et
réorganisation de la Chambre de Commerce, de l’Industrie et des Mines du Cameroun. D’après l’article 2 dudit
décret, cette Chambre prend la dénomination de Chambre de Commerce de l’Industrie, des Mines et de
l’Artisanat, en abrégée CCIMA.
167
V. article 3 (nouveau) al 1 et 4 du décret n° 78/525 du 12 décembre 1978 portant statut de la Chambre
d’Agriculture, de l’Elevage et des Forêts du Cameroun.
36
2001168. Les élections qui ont suivi cette réforme n’ont pas encore été l’objet d’un
contentieux en instance devant le juge administratif169. Pour cette raison, il ne sera
question ici que de la procédure en vigueur avant cette réforme, les jugements
rendus par le juge administratif l’ayant été sur la base de cette procédure.
Elle indique, par ailleurs, que la Chambre administrative statue dans les
quinze (15) jours suivant l’introduction du recours ou de la requête ; « elle juge sur
mémoire ; la présence des parties n’est pas indispensable »175 ; sa décision est
notifiée au Président de la Commission électorale nationale et aux autorités
administratives locales qui en informent le requérant176 ou, par les soins de
l’Administration, au requérant et au Président de la Commission177.
168
Depuis lors, le contentieux électoral au sein de cette Chambre a changé tant dans la forme que dans le fond.
Ainsi, l’article 33 du décret n° 2001/381 du 27 novembre 2001 portant conditions d’élection des membres de la
Chambres de Commerce, d’Industrie, des Mines et de l’Artisanat du Cameroun, dispose que toute contestation
portant sur les listes électorales et d’une manière générale l’éligibilité, sont soumises à la Commission électorale
qui statue en premier ressort ; « en cas d’insatisfaction, la cause est portée devant la chambre administrative de
la Cour Suprême qui statue suivant la procédure du référé administratif ». Traitant des opérations électorales,
l’article 34 du même décret énonce que dans les quinze (15) jours suivant la publication des résultats, tout
électeur a le droit de contester par tous moyens laissant trace, les opérations de sa sous-section dans les
conditions de droit commun (…) ; « en cas de saisine de la chambre administrative de la Cour Suprême, celle-ci
statue suivant la procédure du référé administrative » ; les membres dont l’élection est contestée, avisés par voie
administrative, ont un délai de dix (10) jours présenter leur défense ; mais les élus restent en fonction jusqu’à ce
qu’il ait été statué définitivement sur les réclamations. Cette nouvelle procédure, louable dans sa finalité, est
cependant critiquable dans son articulation ; en effet, celle-ci est quelque peu confuse car si le référé permet de
rendre rapidement une décision, celle-ci reste provisoire et n’a pas autorité de la chose jugée ; par ailleurs, il ne
permet pas l’annulation d’une élection qui s’est déroulée dans des conditions manifestement irrégulières, ni de
statuer définitivement sur des réclamations en cas d’appel.
169
Les élections ont eu lieu le 12 novembre 2002.
170
V. art. 15.1 du décret n° 86/231 du 13 mars 1986 portant statuts de la Chambre de Commerce.
171
V. art. 14 (nouveau) du décret n° 78/525 du 12 décembre 1978 portant statut de la Chambre d’Agriculture.
172
V. art. 14 (nouveau) du décret n° 78/525 suscité.
173
Ibid.
174
V. art. 15.1 du décret n° 86/211.
175
V. art. 12 du décret n° 86/231.
176
V. art. 14 du décret n° 78/525.
177
V. art. 15.5 du décret n° 86/231.
37
En ce qui concerne le contentieux de l’éligibilité, l’article 17 (nouveau) al. 4 du
décret n° 78/525 du 12 décembre 1978 portant statut de la Chambre d’Agriculture
dispose que pour compter de la date d’affichage -constatée par procès-verbal- ou de
notification de la liste provisoire par section des candidatures, toute personne
intéressée dispose d’un délai de 5 jours francs pour intenter un recours contre la
décision de la commission auprès de la Chambre administrative de la Cour Suprême
qui statue dans les huit (8) jours francs suivant l’introduction du recours.
178
B. Momo, op. cit., p. 146.
179
C’est nous qui soulignons. En effet, les rédacteurs du texte semblent confondre le greffe de la Chambre
administrative de la Cour suprême où sont déposés les recours lorsque cette instance est saisie et le greffe de la
Cour suprême où sont déposés d’autres recours en matière judiciaire, les recours en rétractation des décisions
rendues par l’Assemblée plénière statuant en matière administrative et où sont transmis par le greffe de la
Chambre administrative les recours en appel contre les décisions rendues par la Chambre administrative.
180
Idem.
38
Lorsque le juge administratif est saisi, il dispose dans un cas comme dans l’autre
de 90 jours à compter de sa saisine pour statuer. Cependant, les élus dont l’élection est
contestée « restent en fonction jusqu’à ce qu’il ait été statué définitivement sur les
réclamations » ou « sur les recours ». On peut se demander si c’est le juge saisi qui statue
définitivement ou si c’est un autre juge ; si c’est un autre, une telle disposition induit la voie
d’appel dont les délais d’introduction et d’instance ne sont cependant pas précisés ; au
cas contraire, on pourrait dire que d’une certaine façon, la procédure juridictionnelle
appliquée au contentieux électoral au sein des chambres consulaires est celle de
l’urgence et qu’« il s’agit d’un contentieux spécial par rapport au contentieux
administratif »181. De fait, les délais prévus dans le cadre de cette procédure « paraissent
raisonnables afin de permettre aux éventuels requérants de rentrer à temps dans leurs
droits »182. Il en est de même de ceux institués dans d’autres matières contentieuses.
181
G . Nakseu Nguefang, op. cit., p. 4.
182
Ibid.
183
Le contentieux de la censure, de la saisie et de l’interdiction des journaux en faisait partie jusqu’à la
modification de la loi n° 90/052 du 19 décembre 1990 relative à la liberté de communication sociale par la loi n°
96/04 du 04 janvier 1996. En effet, l’article 14 paragraphe 6 (ancien) de la loi n° 90/052 disposait que la décision
de censure d’un journal est susceptible de recours « devant le juge compétent qui doit statuer dans un délai d’un
(01) mois à compter de la date de saisine », tandis que l’art. 16 al 2 (ancien) énonçait que « la décision de saisie
ou d’interdiction – d’un journal est susceptible de recours dans les mêmes conditions » que celles régissant le
contentieux de la censure. Il en est de même de la décision interdisant la circulation, la distribution et la mise en
vente au Cameroun d’organes de presse étrangers (voir article 24 al. 1). La loi n° 96/04 a supprimé la censure
administrative des journaux et par conséquent, les règles contentieuses y relatives, et a attribué le règlement du
contentieux de la saisie et de l’interdiction des journaux au « juge compétent en référé d’heure en heure » ; elle
prévoit même la possibilité pour le Directeur de Publication de saisir le juge compétent « suivant les dispositions
légales analogues en vigueur dans les provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest » (V. article 17 (nouveau) al. 2).
Par ailleurs, elle énonce que le juge statue à compter de sa saisine dans les vingt quatre (24) heures après avoir
entendu contradictoirement les parties (v. art. 17 (nouveau) al. 3 et qu’en cas d’appel, la décision est rendue
dans les 24 heures. Sur le plan contentieux, le problème posé est de savoir si le juge compétent en référé d’heure
en heure est le juge administratif ou le juge judiciaire ; dans l’affaire portant sur l’interdiction par l’autorité
administrative du journal « Mutations », le Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé s’est
reconnu compétent comme juge de référé d’heure en heure, en rejetant l’argument du représentant de l’Etat qui
soutenait que l’acte querellé était un acte administratif dont l’appréciation de la légalité relève de la compétence
du juge administratif. Par conséquent , il a ordonné la levée de la décision d’interdiction « vu l’urgence », et a, au
principal, renvoyé « les parties à se pouvoir ainsi qu’elles aviseront » (voir extrait des minutes du greffe du
Tribunal de première instance de Yaoundé du 04 juillet 1997 in journal « Mutations » n° 52 du 10 au 13 juillet
1997, p. 1, et le résumé du débat d’audience des référés du 04 juillet 1977 sur cette affaire in journal
« Expression » n° 115 du 11 juillet 1997, p. 11.
39
de la dissolution des partis politiques ; du contentieux de la reconduite aux frontières
des étrangers ; du contentieux de la suspension et de la dissolution des
organisations non gouvernementales.
40
Les décisions rendues par le juge administratif dans ces différents contentieux
sont susceptibles de voies de recours dont l’exercice n’a pas d’effet suspensif.
Certes, ce souci connaît des limites inhérentes aux textes eux-mêmes, mais il
revient au juge d’apprécier les intérêts en présence en accélérant la procédure et en
statuant rapidement. Ceci nous amène à la question fondamentale qui est au cœur
de la présente étude et que l’on peut formuler en ces termes : Est- ce que le juge
administratif camerounais statue et édicte rapidement des mesures susceptibles de
préserver les droits et intérêts des justiciables dans le cadre des procédures
contentieuses d’urgence ? Autrement dit, quelle est la place qu’il accorde à l’urgence
dans le règlement des contentieux accessoires et spéciaux pour éviter que
l’écoulement du temps ne préjudicie les droits et intérêts de ceux qui l’ont saisi ?
41
C. LA PRISE EN COMPTE CONTINGENTE DE L’URGENCE DANS LE
REGLEMENT DES CONTENTIEUX ACCESSOIRES ET SPECIAUX PAR
LE JUGE ADMINISTRATIF
Pour mener à bien notre recherche, nous avons eu recours d’abord à deux
techniques à savoir, la collecte et l’entretien ; ensuite à deux approches logiques :
l’analyse et la comparaison.
42
Pour les contentieux spéciaux, nous avons recensé :
Cette collecte ne s’est pas faite sans difficultés. D’abord, il n’existe pas un
Recueil des décisions de la Cour Suprême ; ensuite, il a fallu "manœuvrer" pour que
les agents de greffe de la Chambre administrative et de la Cour Suprême nous
acceptent dans leur cadre de travail et veuillent bien chercher dans les archives les
décisions dont nous avions besoin ; enfin, il fallait, comme un archéologue, retrouver
et sélectionner les décisions dans des chemises qui n’étaient, pour l’essentiel, ni
mises à jour , ni bien classées ou rangées au greffe de la Chambre administrative.
La technique de collecte a été complétée par l’entretien. C’est ainsi que nous
nous sommes entretenu avec le personnel du greffe tant au niveau de la Chambre
administrative qu’au niveau de l’Assemblée plénière. Cet entretien, d’une utilité
certaine, nous a permis de saisir le fonctionnement pratique de la juridiction
administrative, de comprendre les difficultés qu’elle rencontre, les causes des
lenteurs dans l’édiction des décisions, en particulier celles qui devraient être prises
d’ urgence. Cet entretien nous a permis d’affiner notre hypothèse de travail.
184
Ces décisions ne concernent que le contentieux né à l’occasion des élections municipales du 21 janvier 1996
car, au moment où nous achevions ce travail, les décisions concernant les recours introduits après les élections
municipales du 30 juin 2002 n’étaient pas encore disponibles. On sait, cependant, que la Chambre
administrative a prononcé 15 annulations totales, 2 annulations partielles et déclaré 90 recours irrecevables. V.
43
compenser cette limite, nous avons, « tel l’entomologiste s’inspirant des caractères et
des mœurs des insectes pour mieux les étudier »185, suivi, dans nos analyses, la
méthode de raisonnement du juge, telle qu’elle se dégage de ses décisions et de la
pratique contentieuse que nos entretiens nous ont permis de mieux appréhender.
« Le Messager » n° 1411 du 09 décembre 2002, p. 3. Le compte rendu fait par ce journal fait ressortir une
certaine constance dans la position du juge sur bien de points analysés dans cette thèse.
185
O. Dugrip, op. cit., p. 21.
186
Mireille Delmas-Marty, in Le Figaro n° 18295 du 4 juin 2003, p. 19.
44
recevabilité des demandes qu’à celui du déroulement de l’instance (1ère partie).
D’autre part, cette prise en compte contingente de l’urgence a des effets sur le
45
PREMIERE PARTIE
46
« En tant qu’art, le Droit et la Jurisprudence sont des trouveurs de
vérité sociale, des créateurs d’ordre social et de justice (…). Leurs
constructions exigent plus que de la technique, elles réclament de
l’intuition artistique, et le construit est une œuvre d’art non pas une
œuvre de technique ».
47
La procédure contentieuse peut être définie comme l’ensemble des règles
régissant l’accès au juge et le comportement dans le procès187. C’est le processus
qui aboutit à un jugement, à une décision juridictionnel188. En somme, c’est le
processus de matérialisation de l’institution du contrôle juridictionnelle de l’activité
administrative, « processus qui commence par l’exercice de recours et s’achève par
l’édiction du jugement, impliquant plusieurs étapes intermédiaires (instruction,
déroulement de l’audience, décision) »189. La conduite du procès par le juge est
dominée par deux éléments : d’une part, la recevabilité de la requête, d’autre part,
les mesures prises pour arriver à une solution, partielle ou définitive, rapide190.
C’est pour pallier ces lacunes que des procédures accessoires et spéciales
sont instituées. Celles-ci prennent en compte l’urgence au niveau de la recevabilité
187
Daniel Chabanol, Le juge administratif, Paris, LGDJ, 1993, p. 82.
188
Constantin Yannakopoulos, La notion de droit acquis en droit administratif français, Thèse, Paris, LGDJ,
1997, p. 362.
189
Ibid.
190
Gustave Peiser, « Le développement de l’application du principe de légalité dans la jurisprudence du Conseil
d’Etat », Mélanges René Chapus, Paris Montchrestien, 1992, p. 519.
191
Raymond Odent, Contentieux administratif, Institut d’Etudes Politiques, 1970-1971, Paris, p.699.
192
Ibid.
193
Ibid.
194
B. Seiller, Droit administratif, op. cit., p 152.
48
des recours et de leur jugement. Les procédures accessoires sont destinées à
permettre au juge de prendre, dans l’attente du jugement au fond, des mesures
d’attente que l’intérêt du requérant comme celui d’une bonne administration de la
justice recommandent de ne pas différer. En revanche, les procédures spéciales,
dérogatoires à la procédure de droit commun, permettent de prendre rapidement des
mesures définitives, eu regard à la nature du litige, pour éviter que l’écoulement du
temps ne préjudicie définitivement les droits ou intérêts des requérants.
195
R. Chapus, Rapport de synthèse du colloque du 30e anniversaire des Tribunaux administratifs, op. cit., p. 338.
49
TITRE I
50
Comme l’affirme D. Chabanol, « une justice sans procédure verrait les parties
soumises au bon vouloir du juge qui admettrait le recours de l’un et déclarerait l’autre
irrecevable selon son humeur »196. Mais, il ne faut pas perdre de vue que c’est bien
le juge qui met la procédure en œuvre, et bien que tenu par les règles qui régissent
cette dernière, il a une importante marge d’appréciation. Il en est ainsi de l’application
des procédures contentieuses accessoires que sont les procédures du sursis à
exécution et du référé administratif.
Bien que différentes dans leur finalité, en ce que le sursis à exécution permet
d’ordonner la suspension provisoire des décisions administratives jusqu’à ce que le
juge tranche le litige au fond et que le référé permet au juge d’ordonner soit des
mesures d’instruction, soit des mesures conservatoires qui mettent les intérêts des
parties à l’abri du temps197, « ces procédures d’urgence stricto sensu »198 ont
cependant des traits communs qui les unissent. D’abord, elles ne se justifient que
parce qu’il existe une instance principale «dont il s’agit de préserver l’utilité en
protégeant les droits des parties »199, même si elles le sont à des degrés différents.
Ensuite, elles ne se justifient que par l’urgence qui, « empêchant d’attendre
l’intervention du juge du fond nécessite le prononcé immédiat de mesures
protectrices des intérêts des parties »200.
196
D. Chabanol, op. cit., p. 82.
197
O. Dugrip, op. cit., p. 109.
198
Ibid., p. 110.
199
Ibid.
200
Ibid.
201
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 850.
51
CHAPITRE I
LA FLUCTUATION DU CONTROLE DE LA
RECEVABILITE DES DEMANDES ANNEXES
52
En principe, avant d’examiner le fond d’une affaire, tout juge doit se demander
si l’action portée devant lui est recevable. Autrement dit, « avant de se demander
"comment juger " le juge doit se demander" faut-il juger" »202.
202
G. Vedel et P. Delvolvé, op. cit., p. 249.
203
M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public général, 12e éd., Paris, Sirey, 1933, Dalloz, 2002,
réédition présentée par Pierre Delvolvé et Franck Moderne, p. 410.
204
Ibid.
205
B. Pacteau, op. cit., p. 135.
206
G. Vedel et P. Delvolvé, op. cit.
207
O. Dugrip, op. cit., p.111.
53
SECTION I : L’APPRECIATION DE LA RECEVABILITE EXTERNE
208
R. Odent, op. cit., p 745.
209
V. Jean-Luc Maillot, « La "qualité pour agir" du représentant d’une personne morale devant le juge
administratif », Les Petites affiches n°149, 1998, p. 8.
210
Cette exigence a une limite. Ainsi en France, le CE a considéré qu’une société civile immobilière en cours de
formation peut être recevable à agir en justice (CE, 12 mai 1992, Ranier, Req. N°89-858 ; CE, 10 décembre
1997, société coopérative ouvrière maritime de service de Lamanage, req. n°168-238). De même, au Cameroun,
le juge administratif a accepté de connaître d’un recours présenté par une association de fait non déclarée . Cf.
CFJ/CAY, arrêt n°178 du 29 mars 1972, affaire Eitel Mouelle Koula contre République Fédérale du Cameroun
(dite « affaire des Témoins de Jéhovah »).
54
entend que « celui qui saisit la juridiction (administrative) doit justifier d’un intérêt à
demander l’annulation d’une décision »211. Plus précisément, il suppose « un espoir
de gain pécuniaire ou moral en cas de succès de l’action intentée contre
l’Administration »212.
Pour ce qui est de la qualité, R. Chapus considère qu’il s’agit d’une notion
polysémique213. Patrick Charlot, abondant dans le même sens, affirme que « la
doctrine est unanime pour reconnaître trois sens à "qualité" sans compter le sens
commun »214. Le premier recouvre la qualité à agir pour le compte d’autrui, le
deuxième « la situation juridique du demandeur, le titre en vertu duquel il peut
engager le procès »215 , autrement dit, « la qualité en laquelle le requérant
agit »216, et donc « l’intérêt en cette qualité »217 ; enfin le troisième concerne « le
pouvoir de saisir le juge et de l’obliger à statuer sur le bien fondé de la demande »218.
On peut s’apercevoir qu’il existe un point commun entre les deux derniers
sens possibles de « qualité » ; à savoir qu’ « ils ne peuvent s’entendre qu’à travers
la notion d’intérêt donnant qualité pour agir » (…)219 ; ce qui aboutit à un imbroglio
car un même terme désigne deux réalités différentes, lesquelles ne trouvent un
semblant d’explication que dans un seul et même concept : l’intérêt220. La
jurisprudence administrative – comme on le verra plus loin – a participé à cette
confusion par l’emploi souvent ambigu du terme « qualité » malgré quelques
tentatives de clarifications221.
211
J.L Maillot, op. cit.
212
J. Owona, op. cit., p. 210.
213
R. Chapus Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 299.
214
Patrick Charlot, « L’actualité de la notion de " qualité donnant intérêt à agir" », RFDA, 1996, p. 481.
215
Ibid., pp. 481-482.
216
R.Chapus, op. cit.
217
P. Charlot, op. cit., p. 482.
218
M. Laligant, « La notion d’intérêt pour agir et le juge administratif », RDP ,1972.50.
219
P. Charlot, op. cit., p 482.
220
Ibid.
221
Ibid.
222
V. D., 1952.202.
55
seuls les époux ont qualité pour former une demande en procès »223. La notion de
qualité s’affirmait ainsi indépendamment de celle d’intérêt. Elle doit donc être
entendue comme « le titre auquel le plaideur peut engager le procès » ou comme
« le titre qui permet au plaideur d’exiger du juge qu’il statue sur le fond du litige »224.
Perçue de la sorte, « la qualité concerne indubitablement le pouvoir d’action, dès lors
que l’on admet que ce pouvoir est précisément celui d’obtenir du juge qu’il statue sur
le fond d’un litige »225 .
Il convient, pour bien saisir la démarche du juge dans l’affaire Lélé Gustave de
rappeler les faits de l’espèce. Le sieur Lélé avait saisi le Président de la Chambre
administrative de la Cour Suprême statuant comme juge des référés d’un recours
tendant à la suspension de l’exécution des arrêtés du Ministre des Finances datant
du 24 avril 1978 dont l’un abrogeait un arrêté du 20 novembre 1976 portant
223
Cf. Claude Giverdon, « La qualité, condition de recevabilité de l’action en justice », D. I. 1952, p. 85.
224
Ibid.
225
Ibid. citant Morel, in Traité élémentaire de procédure civile, 2e éd. 1949. n°22.
226
Ordonnance de référé n°7/ORSE/CS/PCA/77-78 du 3 juin 1978, affaire Lélé Gustave contre Etat du
Cameroun (MINFI).
227
J.C. Vénezia, « Intérêt pour agir », Répertoire de Contentieux administratif, n°37, Dalloz, cité par P. Charlot,
op. cit., p. 483.
56
agrément de la Banque Unie du Crédit (BUC) et l’autre créait une Commission de
liquidation de ladite banque. Pour le requérant, ces décisions étaient arbitraires et
illégales ; de plus, il y avait urgence et péril en la demeure car la banque avait à faire
face à des engagements extérieurs et intérieurs, un personnel à payer et une
clientèle qui souffrait.
On peut dire que dans cette l’espèce, le juge a réalisé un amalgame parfait. On
serait même tenté de dire qu’il est « hors sujet ». De fait ; il n’est pas pensable
qu’une telle prise de position soit liée à l’urgence inhérente à la situation litigieuse en
cause.
57
Le moyen d’irrecevabilité allégué dans cette espèce est bien celui de défaut de
qualité du requérant et non d’intérêt. Il n’est pas contestable que le sieur Lélé avait
intérêt puisqu’il était actionnaire de la Banque et que la radiation de celle-ci lui
causait personnellement un préjudice. Tout comme il est incontestable que la notion
d’intérêt pour agir en excès de pouvoir est beaucoup plus large que dans le
contentieux de pleine juridiction. Le problème est que « par un procédé détestable
d’amalgame entre deux notions autonomes, la qualité et l’intérêt, le Président de la
Chambre administrative en est venu à rendre une ordonnance sur ce point
hautement critiquable » ; car déduire la qualité de l’intérêt, comme il l’a fait, « est
juridiquement insoutenable au regard de la jurisprudence de la Cour qui distingue
soigneusement les deux notions comme étant des conditions autonomes de
recevabilité d’une requête »228. D’ailleurs, au regard des circonstances de cette
espèce, il y a lieu de penser que le juge a détourné la notion de qualité pour agir au
nom d’une personne morale.
Pour M. Hauriou, « il faut que le requérant ait qualité pour intenter le recours,
ce qui exige deux conditions, la capacité d’ester en justice et l’intérêt à l’annulation
de l’acte »230. Abondant dans le même sens, E. Laferrière écrit que, « la qualité
requise pour former un recours naît de l’intérêt direct et personnel que la partie peut
avoir de l’annulation de l’acte »231. Cependant, l’intérêt invoqué ne sera pas reconnu
comme donnant qualité à agir s’il est trop général. Ainsi, « la qualité de citoyen ne
confère pas un intérêt personnel à agir »232.
228
M. Kamto, Observations sur l’ordonnance de référé n°7 du 3 juin 1978, affaire Lélé Gustave contre Etat du
Cameroun, in M. Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, Yaoundé, PUC, 1990, pp. 180-181.
229
V. P. Charlot, op. cit., pp 482 et suiv. . V. aussi, Jean-Claude Kamdem, « L’intérêt et la qualité pour agir »,
RCD n°28, 1984, pp. 59-72.
230
M. Hauriou, op. cit., p. 423 ; v. aussi, R. Odent , op. cit., p 784 ; B. Seiller, op. cit., p 164.
231
Edouard Laferrière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, préface Roland Drago,
T2, Paris, LGDJ, 1989, p. 405.
232
CE. 6 octobre 1956, Marcy, Rec. p. 493. V. Martine Lombard, Droit administratif, 4e éd., Paris, Dalloz, 2003,
p. 388.
58
Pour d’autres auteurs, c’est la qualité qui confère l’intérêt ; elle est une
condition essentielle à la reconnaissance de l’intérêt233. Ainsi, la qualité de
commerçant ou d’industriel, d’usager d’un service public ou de contributeur « confère
aux particuliers intérêt à agir contre les actes administratifs unilatéraux qui les
touchent personnellement au titre de l’une de ces qualités »234.
233
V. Concl. Mosset sur CE, 26 octobre 1956, association générale des administrateurs civils, RDP, 1956. 1309.
234
P- F Benoît, op. cit., p 578.
235
G. Vedel et P. Delvolvé, op. cit., p 268.
236
CE 5 octobre 1979, S.C.I, Adal D’Arvor, rec., p 365 ; 15 mars 1987 ; société albigeoise de spectacles, R.,
p .97 et CS/CA, jugement n°8/79/80 du 29 novembre 1979, affaire Elites Banka représentées par Mbouendeu
Jean de Dieu c/ Etat du Cameroun.
237
CE, 16 avril 1986, Compagnie luxembourgeoise de Télévision, Rec., p. 98.
59
de procédures que par l’intermédiaire de personnes physiques mandatées »239 .
Aussi, lorsque le représentant d’une personne morale – de droit privé – agit en
justice, « le juge doit vérifier qu’il dispose d’un mandat pour agir »240. A défaut de
présentation de cette habilitation, jointe à la requête et justifiant sa qualité pour agir
au nom de cette personne morale, « le juge administratif est tenu d’inviter l’intéressé
à produire tout document l’autorisant à ester en justice. En s’abstenant d’ordonner
une telle mesure d’instruction avant de se prononcer sur la recevabilité de la
demande, le tribunal administratif rendrait son jugement sur une procédure irrégulière
(…) »241. Dans le cadre de la procédure principale, ce jugement est susceptible
d’annulation242.
Dans l’affaire Lélé Gustave, le requérant n’avait pas de mandat prévu par les
statuts de l’organisme pour lequel il agissait ; il n’avait donc pas qualité pour agir en
son nom ; « le Président de la Chambre administrative en serait arrivé certainement
à la même conclusion s’il n’avait choisi un chemin de traverse qui l’a conduit en
définitive à mal motiver sa décision »243 . En détournant cette condition de
recevabilité, le juge a fait une entorse au droit. Toutefois, dans une espèce rendue
quelques années après, il a rejeté le recours pour non production d’un mandat ad
litem et pour absence d’identification des mandats244. Plus significatif, il a, dans une
autre affaire, méconnu la qualité pour agir à un requérant qui prétendait avoir des
droits à préserver.
238
J-L. Maillot, op. cit., p. 8.
239
B. Seiller, op. cit., p. 167.
240
Gustave Peiser, Contentieux administratif, 11e éd., Paris Dalloz, 1999, p. 120. V. CE. S., 29 novembre 1991,
Synd. des commerçants non sédentaires de la Savoie, AJDA, 1992, p. 237.
241
J-L. Maillot, op. cit., p. 9. Il est à noter, toutefois, que le juge administratif n’est pas tenu d’inviter le
requérant à régulariser sa demande dès lors que cette irrecevabilité aura été expressément invoquée en défense,
comme cela a été le cas dans l’affaire Lélé Gustave où l’Etat défendeur a évoqué la non production du mandat
par le requérant.
242
CE, 6 septembre 1993, mouvement pour la sauvegarde de Croissy, Req. n°133-576.
243
M. Kamto, obs. sur cette ordonnance, op. cit.
244
Ordonnance n°15/OSE/PCA/84-85 du 4 juin 1985 portant rejet d’une demande de sursis à exécution, Les
populations de Keleng et Femteu contre Etat du Cameroun.
60
Labogénie du 18 juillet 1991245, par contre, il a fait montre d’une rigueur justifiée. En
fait, il ne pouvait en être autrement, car c’est le requérant qui a, par son attitude, créé
les conditions lui déniant la qualité pour agir. Le juge a tout simplement, et de façon
implicite, mais certainement, appliqué en l’espèce l’adage "nemo auditur…".
L’adage "nemo auditur propriam turpitudinem allegans " signifie que "nul ne
peut se prévaloir de sa propre turpitude". Le rappel des circonstances de l’affaire
Labogenie permet de comprendre pourquoi et comment le juge a implicitement, mais
certainement appliqué cet adage.
245
Ordonnance de référé n°15/OR/CS/PCA/90-91 du 18 juillet 1991, affaire Labogénie c/ Etat du Cameroun
(MINUH).
61
mesures utiles à préserver ses droits et s’entendre accorder la suspension de la décision
contestée.
Pour le juge des référés, qui suivait en cela l’avis émis par le Ministère public, la
vente de l’immeuble selon la procédure du gré à gré par le Ministre de l’Urbanisme et de
l’Habitat à l’acquéreur contesté l’a été conformément au décret fixant les modalités de
gestion du domaine privé de l’Etat ; elle était donc régulière. Il faisait observer qu’alors que
l’immeuble vendu avait été attribué en jouissance au requérant, il « l’avait abandonné en
logeant son chef d’annexe ailleurs » ; que ce faisant, il « perdait par la même occasion ses
droits de jouissance sur ledit immeuble ». Le juge de céans concluait que le requérant
était mal fondé à solliciter les mesures utiles à la préservation « des droits auxquels il a
délibérément renoncé » non sans avoir précisé que la vente, objet de la décision
querellée, avait été faite entre le Ministre de l’Urbanisme « véritable propriétaire » et
l’acquéreur, occupant effectif de l’immeuble et que le requérant n’avait pas qualité pour
solliciter la suspension de la décision litigieuse.
La décision rendue par le juge des référés en l’espèce pose le problème des
conditions de détention de la qualité pour agir.
A quelles conditions la personne qui agit pour son propre compte possède t-
elle cette qualité qui lui permet d’exiger le règlement du procès ? Telle est la question
fondamentale que suscite l’affaire Labogénie. S’il faut nécessairement que la
62
personne ait intérêt, celui-ci peut-être en jeu « sans que pourtant celui qui l’invoque
ait qualité pour agir »246.Il n’est donc pas exact de dire que « la qualité consiste dans
l’affirmation d’une aptitude à agir pour défendre l’intérêt lésé (…) »247.
L’intérêt doit être personnel en ce sens qu’il ne doit pas se confondre avec
l’intérêt général qu’a tout administré à ce que l’administration ne dépasse pas sa
compétence ou respecte le droit250. Cela signifie que le recours au juge administratif
n’est pas une "actio popularis" ouverte à tout venant. Aussi, l’intérêt justifiant le
recours « doit procéder d’une situation juridique particulière dans laquelle se trouve
le réclamant par rapport à l’acte attaqué et en laquelle cet acte ait pu lui faire
grief ».251 L’intérêt personnel peut être matériel, moral, individuel ou collectif252. Il doit
être direct en ce sens qu’il ne doit être, non pas éventuel, mais actuel et l’annulation
ou la suspension de l’acte « doit procurer une satisfaction immédiate au réclamant,
non pas une satisfaction éloignée »253. Enfin, il doit être légitime, c’est-à-dire qu’il
doit résulter d’une situation juridique définie dans laquelle l’intéressé se trouve placé
vis-à-vis de l’administration. L’intérêt est donc une condition nécessaire pour la
personne qui agit pour son propre compte. Pour certains auteurs, elle est même
suffisante ; « la qualité n’est alors que l’aspect personnel et direct de l’intérêt »254.
Mais tel n’est pas toujours le cas. Ainsi, dans l’affaire Labogénie, le requérant avait
peut-être un intérêt - financier en particulier - à protéger du fait du loyer qu’il
percevait auprès du locataire de l’immeuble ; mais bien qu’un tel intérêt personnel et
direct soit en jeu, cela ne lui conférait pas pour autant qualité pour agir ; l’immeuble
ne lui ayant été attribué qu’en jouissance ; encore qu’il l’avait d’abord abandonné
246
Cl. Giverdon, op.. cit., p. 85.
247
J. Owona, op. cit., p. 210.
248
Pour R. Chapus, l’intérêt doit être également pertinent et certain. Seulement, cette présentation ne fait pas
l’unanimité ; ainsi, selon M. Courtin, « la notion d’intérêt direct englobe celle de pertinence ou d’adéquation
distingué par certains auteurs – tel R. Chapus-, c’est-à-dire la nécessité d’un rapport suffisant entre la qualité
invoquée par le requérant pour agir et l’objet de la décision attaquée » ; v. M. Courtin, « Intérêt et qualité pour
agir », J. Cl. Dr. Adm, 1993, n°8.
249
Marie - Christine Rouault, Contentieux administratif, Paris, Gualino Editeur, 2000 ; p. 181.
250
Ibid.
251
M. Hauriou, op., cit., p. 424.
252
M. Lombard, op. cit., p. 387.
253
M. Hauriou, op. cit.
254
Cl. Giverdon, op. cit. ; en ce sens : Morel, op. cit.
63
avant de le mettre par suite en location. Intérêt et qualité doivent donc être
distingués ici. Cette nécessaire distinction pose dans toute son ampleur le problème
de la détermination de la notion de qualité.
On peut avancer, en reprenant une idée de Cl. Giverdon, que « la qualité est
l’élément qui, dans chaque hypothèse, vient préciser la légitimité du droit d’action et
cela par référence à la question substantielle sur laquelle porte le litige »256 . Le
plaideur doit donc montrer que l’acte querellé a pour lui des conséquences
dommageables et que celles-ci « l’atteignent en tant que membre d’une catégorie
donnée (…) »257. On en est éloigné dans l’affaire Labogenie.
LITIGIEUSE
255
Ibid., pp. 85-86.
256
Ibid., p. 86.
257
M-C Rouault, op. cit., p. 180.
258
M. Hauriou, op. cit., p. 373.
64
autorité administrative manifeste unilatéralement sa volonté en vue de produire des
effets de droit sur les administrés »259.
Toutes les fois qu’un acte administratif est mis en cause en matière de sursis
et de référé, le juge administratif camerounais en exige la production. Lorsque le
requérant n’est pas en mesure de le faire, sa requête est déclarée irrecevable. Le
juge estime qu’il ne peut pas rendre des mesures d’urgence alors même que les
actes contestés sont d’une existence incertaine ou matériellement inexistante. Il se
base sur l’article 5 de la loi n°75/17 du 8 décembr e 1975 fixant la procédure devant
la Cour Suprême statuant en matière administrative qui dispose que « si le recours
est dirigé contre une décision d’une autorité administrative, il est accompagné d’une
copie de cette décision ». Cette position du juge de l’urgence participe d’une
interprétation extensive de l’article 5 de la loi n°75/17 qui vise en réalité la requête
introductive d’instance dont les conditions et modalités d’introduction sont énoncées
dans les articles 1er à 8 de ladite loi. Il se dégage des ordonnances rendues en
matière de sursis (A) et de référé (B) que le juge administratif applique de façon
stricte cette disposition législative.
259
G. Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif, T1 12e éd. Paris, PUF, 1992, p. 244 .V. aussi, Marcel Waline,
Manuel élémentaire de droit administratif, 4e éd., Paris, Sirey, 1946, p. 361 ; Michel Rougevin-Baville , Renaud
Denoix De saint Marc et Daniel Labetoulle, Leçons de droit administratif¸ Paris, Hachette, 1989, pp. 103-104.
260
Jean Rivero et Jean Waline, Droit administratif, 16e éd., Paris, Dalloz, 1996, p. 83. V. aussi Christian
Lavialle, L’évolution de la conception de la décision exécutoire en droit administratif française, Thèse, Paris,
LGDJ, 1974, 345p.
261
Dans ce sens, v. G. Vedel et P. Delvolvé ; T1, op. cit., pp 240-241 et Jacqueline Morand-Deviller, Cours de
droit administratif, 7e éd., Paris, Montchrestien 2001, pp. 308-309.
65
1. L’application de l’obligation en matière de saisie de journaux
Dans son ordonnance rendue le 26 mai 1986 dans l’affaire "Le Messager"262,
le Président de la Chambre administrative de la Cour Suprême a déclaré irrecevable
la demande du Directeur- rédacteur en chef du journal "Le Messager" sollicitant le
sursis à exécution des décisions de saisie des éditions n°s 63 et 65 de son journal
prises par le Ministre de l’Administration Territoriale. Entre autres motifs de rejet de la
demande du requérant, le juge administratif a évoqué la non production des
« décisions litigieuses malgré l’expiration de délais à lui impartis à cet effet ».
262
Ordonnance n°09/OSE/PCA/CS/85-86 du 26 mai 1986, affaire journal "Le Messager" contre Etat du
Cameroun.
263
V. Pierre-Paul Tchindji, Note sur cette ordonnance , Penant n°803, 1990, pp 331-340, M. Kamto,
observations sur la même ordonnance in M. Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, op. cit. pp
172-177 et Calvin Aba’a Oyono , La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, Thèse en
droit, Nantes, 1994, p. 242.
264
P-P Tchindji, ibid. , p. 333 et M. Kamto, ibid., p 173.
265
Ces informations sont de P.P Tchindji, ibid., qui affirme les tenir de "source proche du journal".
266
G. Vedel et P. Delvolvé, T1, op. cit., p. 235.
267
M. Kamto, Obs. sur cette ordonnance, op. cit., p. 173.
268
Ibid.
66
Dans un certain sens, on ne peut pas considérer que la requête était en l’espèce
sans objet, car on est dans une situation où "un fait volontaire" précède ou "révèle la
volonté de faire »269, c’est-à-dire que la volonté qu’ont manifesté les décisions de saisie ne
comportait aucune forme, mais a pourtant produit des effets de droit.
Dans un autre sens, on peut penser que la requête était sans objet, car le
retrait d’un acte administratif a pour effet de le faire sortir de l’ordonnancement
juridique de façon rétroactive, tandis que l’abrogation consiste à le faire disparaître
de l’ordonnancement juridique pour l’avenir ; aussi un recours dirigé contre un tel
acte ne peut être que sans objet. Mais il y a des doutes que ce soit le cas dans
l’affaire « Le Messager ».
Si on suppose que les actes de saisie des livraisons du journal "Le Messager"
ont effectivement existé et que leur exécution a simplement précédé leur notification,
cela n’est pas normal du point de vue de l’opposabilité de l’acte au tiers et cache
mal l’intention de nuire de la part de l’administration, car elle a fait produire des
effets de droit à des actes non notifiés ; cependant, le requérant pouvait vaincre
l’inertie de l’administration en introduisant auprès du Ministre de l’Administration
Territoriale, conformément à l’article 16 §1 (2) de l’ordonnance n°72/4 du 26 août
1972 fixant l’organisation judiciaire de l’Etat qui donne compétence au Tribunal de
Grande Instance pour connaître des requêtes tendant à obtenir l’accomplissement
par toute personne ou autorité d’un acte qu’elle est juridiquement tenue
d’accomplir270, une requête pour obtenir de lui la production des décisions de saisie
querellées. Encore fallait-il qu’il sache qu’une telle voie de droit existe.
269
Sur ce point, lire : G. Vedel et P. Delvolvé, T1, op. cit., p. 236.
270
Le Chambre Administrative de la Cour suprême a déjà statué dans ce sens. Cf. CS/CA, jugement du 30
janvier 1986, Nguena Antoine c/ Etat du Cameroun (Université de Yaoundé).
271
Ordonnance n°10/OSE/PCA/CS/86-87 du 24 janvier 1987, société S.I.A.B. contre Etat du Cameroun.
67
Public, déclare le recours irrecevable pour absence de décision ministérielle
attaquée.
Ici, comme dans l’affaire précédente, on est dans une situation où il y a eu une
opération matérielle sans acte juridique la sous-tendant. Le juge ne peut donc
prononcer la mesure sollicitée.
En matière de référé, toutes les fois que le recours est dirigé contre une
décision administrative, le juge administratif en exige la production au requérant,
même si ce qui lui est demandé par ce dernier est l’édiction de mesures
conservatoires pour préserver ses droits et non la suspension de la mesure en
68
cause. Mais, comme les requérants confondent souvent l’objet du référé à celui du
sursis, ils sollicitent généralement la suspension de la mesure litigieuse.
Après avoir constaté que le requérant n’a pas produit la décision querellée et qu’il
demande plutôt d’ordonner la production de cette décision par l’administration, le juge a
conclu au rejet de sa requête « pour absence d’acte administratif faisant grief ».
S’il est certes vrai que la prise en compte limitée de l’urgence dans
l’application des procédures accessoires est généralement le fait du juge, souvent,
les parties, en particulier les requérants, en sont aussi la cause. L’affaire Front Social
Démocratique du 27 février 1992 en est la preuve.
272
Ordonnance de référé n°03/90-91/OR/CS/PCA du 3 décembre 1990, affaire. Bonu Innocent contre Etat du
Cameroun.
273
Ordonnance de référé n°08/91-92/OR/CS/PCA du 27 février 1992, affaire SDF contre Etat du Cameroun.
69
2. La formulation de l’obligation en matière de clôture des inscriptions
sur les listes électorales
Dans son ordonnance de référé rendue le 27 février 1992 dans l’affaire SDF,
le juge des référés déclare le recours du requérant irrecevable au motif qu’il est
« dirigé contre un acte matériellement inexistant ». En effet, le requérant qui alléguait
que la décision incriminée avait été prise en violation flagrante des dispositions de
l’article 61 de la loi n°91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection
des députés à l’Assemblée Nationale, ne l’avait pas produite dans son dossier. Qui
plus est, il n’a pas pu rapporter la preuve de son existence matérielle, laquelle était,
d’ailleurs, vivement contestée par le Ministre de l’Administration Territoriale dont le
représentant a fait valoir dans sa défense que « le juge des référés a été
irrégulièrement saisi d’un litige sans cause ni objet ».
La question vaut son pesant juridique au regard des affaires analysées plus
haut. Si le juge a une conception restrictive de l’acte exécutoire, cela serait contraire
d’une part, à l’idée admise en doctrine et en jurisprudence suivant laquelle la
décision exécutoire n’est pas assujettie à une forme déterminée, qu’il n’existe pas de
274
G. Koubi, op. cit., p. 1497.
70
formes communes à toutes les décisions administratives , qu’au-delà de l’écrit, elles
peuvent être gestuelles ou verbales, qu’ « il y a décision exécutoire dès que l’autorité
compétente a manifesté de façon non équivoque sa volonté de produire un certain
effet juridique »275 ; et, d’autre part, à sa propre jurisprudence d’après laquelle « une
décision exécutoire en forme verbale, susceptible de causer à autrui un préjudicie est
un acte qui peut donner lieu à une action devant la Cour Suprême»276, ou que l’acte
exécutoire peut « résulter de simples agissements »277.
RECOURS GRACIEUX
Dans un sens général, un recours est une voie de droit qui permet d’obtenir
une décision conforme au droit278. Il en est ainsi du recours gracieux qui est un type
de recours administratifs préalables à côté du recours hiérarchique adressé au
supérieur de l’auteur de l’acte et du recours de tutelle ou de contrôle « porté devant
une autorité dont les pouvoirs de tutelle ou de contrôle sur l’acte attaqué lui
permettent de faire disparaître cet acte ou d’en modifier le contenu ou les effets »279.
A la différence du droit administratif français qui consacre ces trois types de recours
administratifs280, le droit administratif camerounais n’a prévu que le recours
gracieux281 et le recours de tutelle282. Par ailleurs, alors qu’en droit français « le
275
J. Rivero et J. Waline, op. cit., p 90.
276
CS/CA, jugement n°8/CS/CA du 19 décembre 1975, Tonkam Pierre contre Etat du Cameroun. Dans le même
sens, ordonnance n°12/OSE/PCA/78-79 du 7 août 1979, Deudie Joseph contre Etat du Cameroun.
277
CS/AP, arrêt n°26/A du 27 juin 1996, Onana Adolphe contre communauté urbaine de Yaoundé.
278
G. Vedel et P. Delvolvé, T2, op. cit., p. 28.
279
Jean-Marie Auby, « Les modes alternatifs de règlement des litiges. Les recours administratifs préalables »,
AJDA, 1997,p. 11.
280
V. ibid. et O. Gohin, op. cit., pp 13-15. Pour ce dernier, le recours gracieux est « un auto-contrôle » - puisque
adressé à l’auteur de l’acte querellé, le recours hiérarchique quant à lui est « un endo – contrôle » - il est adressé
au supérieur de l’auteur de l’acte conteste, enfin le recours de tutelle est « un exo – contrôle » - l’acte de l’organe
décentralisé est contesté devant l’autorité de tutelle.
281
Dans son jugement n°36/93-94 du 31 mars 1884, société Moore Paragon contre Etat du Cameroun, le juge
administratif camerounais a clairement affirmé que le droit camerounais n’a pas consacré le recours
71
recours gracieux est celui qui est porté devant l’autorité même qui a pris la décision
dont on veut obtenir la réformation ou l’annulation »283 , en droit camerounais, le
recours gracieux est « adressé au Ministre compétent ou à l’autorité statutairement
habilitée à représenter la collectivité publique ou l’établissement public en cause »284.
C’est le rejet du recours par l’autorité compétente qui conditionne la saisine du juge
administratif285.
hiérarchique. En l’espèce, le requérant avait qualifié le recours adressé par lui au Ministre du Travail contre une
décision prise à son encontre par l’Inspecteur de Travail de recours hiérarchique ; ce qui est contraire à la
législation en la matière.
282
La loi n°74/023 du 5 décembre 1974 portant organisation communale( voir article73 al.4) et le décret n°77/du
25 mars déterminant les pouvoirs de tutelle sur les communes syndicats de communes et établissements
communaux( voir article 31) prévoient que les actes du maire peuvent faire l’objet de recours gracieux auprès de
leur auteur et qu’en cas d’insuccès , ou si le magistrat municipal garde le silence pendant un mois, « ils sont
soumis à l’appréciation de l’autorité de tutelle » - en particulier, le Préfet-, « qui dispose de deux mois pour y
donner avis » .
283
G. Vedel et P. Delvolvé, T2, op. cit., p 28.
284
Article 12.1 de l’ordonnance n°72/06 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême.
285
Cf. article 12.1 de l’ordonnance n°72/06 sus-cité. Cette règle est aussi valable pour la saisine du juge
administratif en Côte d’Ivoire ; en ce sens, v. René Degni-Segui, « Le contrôle sur l’administration Ivoirienne
par la voie du recours pour excès de pouvoir », in Cours Suprême en Afrique, T III, La jurisprudence, sous la
direction de Gérard Conac et Jean de Gaudusson, Paris, Economica, 1988, p. 163 et suiv.
286
Dans ce sens, v. ordonnance n°61/OF/6 du 4 octobre 1961, les lois du 19 novembre 1965 et du 14 juin 1969
portant réforme du contentieux administratif sous la République Fédérale.
287
H. Jacquot, op. cit., 2e partie, p. 113.
288
Il en est ainsi du contentieux de la suspension, de la dissolution des associations et des organisations non
gouvernementales ; du contentieux de la législation, de la suspension, de la dissolution des partis politiques ; du
contentieux électoral municipal et du contentieux électoral au sein des Chambres consulaires. En ce sens, v.
introduction générale, supra et Titre II de cette partie, infra.
289
Eugénie Prévédourou, Les recours administratifs obligatoires .Etude comparée des droits allemand et
français, Thèse, Paris, LGDJ, 1996, p. 107.
72
systématiquement les recours contentieux en annulation ou en indemnisation
irrecevables290. Le recours gracieux constitue donc, dans une large mesure, « un
impératif processuel »291 dans le contentieux administratif camerounais. Ce faisant, il
a une double fonction : une fonction pré-contentieuse et une fonction contentieuse.
290
En ce sens, cf. CS/CA, jugement n°17 du 27 janvier 1983, Simo Thomas contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n°27/98-99 du 29 avril 1999, Etémé Ongolo Gabriel et autres contre Etat du Cameroun ; CS/CA ,
jugement n°12/99-2000 du 25 novembre 1999, Nyamsi Ketsemen et autres contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n°13/99-2000 du 25 novembre 1999, Ahanda Noah Joseph Michel contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n°68/99-2000 du 28 septembre 2000, Nche Simon Tabong contre Etat du Cameroun .
291
M. Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, op. cit., p 153.
292
H. Jacquot, op. cit., p 113.
293
Jean-françois Brisson, Les recours administratifs en droit public français. Contribution à l’étude du
contentieux administratif non juridictionnel, Thèse, Paris, LGDJ, 1996, p. 446.
294
Ibid.
295
B. Momo, op. cit., 138.
296
J-F Brisson, op. cit. ; E. Prévédourou parle de « désencombrement des tribunaux administratifs », op. cit., p.
154.
297
Alain-Serges Mescheriakoff, « Le régime juridique du recours gracieux préalable dans la jurisprudence
administrative camerounaise », RDC n °15 et 16, 1978 , p. 44.
298
E. Prévédourou, op. cit., p. 302.
299
Ibid., p. 154.
300
Ibid., pp. 165-183.
73
Il résulte de la législation et de la jurisprudence administrative camerounaise
que le recours gracieux est, non seulement obligatoire mais d’ordre public301. Aussi,
pour qu’il soit pris en considération par le juge, il faut apporter la preuve qu’il a été
effectivement introduit, et qu’il l’a été auprès de l’autorité compétente dans les délais
légaux qui varient en fonction de l’objet de la demande302.
301
V. CS/CA, jugement n°12/CS/CA/du 27 avril 1978, Item Dieudonné contre Etat du Cameroun et les
jugements cités en note 305 supra.
302
Il est de deux mois à compter de la publication ou de la notification de la décision attaquée en cas de demande
d’annulation ; de six mois suivant la réalisation ou la connaissance du dommage, en cas de demande en
indemnisation, et de quatre ans à compter de la date à laquelle une autorité a été défaillante alors qu’elle avait
compétence liée ; cf. article 12.3 de l’ordonnance n°72/06.
74
1. L’appréhension de la nécessité d’introduire le recours gracieux en
matière de sursis
Dans une autre espèce rendue le 26 mai 1986305, le juge a rejeté la demande
de sursis pour entre autres motifs que le requérant n’avait pas « justifié de l’exercice
d’un recours gracieux ». Pour le Doyen Maurice Kamto, « sauf à considérer que la
demande en sursis peut être formulée avant la demande principale, cette exigence
parait d’autant moins compréhensible en la matière que la demande de sursis est
subordonnée à l’introduction d’une requête principale qui est elle-même précédée
d’un recours gracieux. Or, observe –t-il, la phase contentieuse de la procédure n’est
jamais engagée que parce que l’Administration a refusé de retirer l’acte litigieux et/ou
de procéder à la réparation conséquente »306.
303
Ordonnance n° 4/OSE/CS/PCA/79-80 du 26 mars 1980, Beyissa Adolphe contre Etat du Cameroun.
304
Ordonnance n°14/OSE/CS/PCA/82-83 du 25 mais 1983, Henri Ngatchou Mbatkam contre Etat du Cameroun.
305
Ordonnance n°9/OSE/PCA/85-86 du 26 mai 1986, journal "Le Messager" contre Etat du Cameroun.
75
demande de sursis à l’exécution, dans l’affaire « Le Messager », elle en conditionne
directement la recevabilité, lui faisant ainsi perdre son caractère de recours
accessoire. Or, comme le relevait le Commissaire du Gouvernement Gilbert
Guillaume dans ses conclusions sur l’arrêt Gen rendu par le Conseil d’Etat le 30
mars 1973, le recours préalable obligatoire « retarde de quelques mois la saisine du
juge et interdit pendant cette période de recourir au sursis à l’exécution »307.
306
Observations sur cette affaire in M. Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, op. cit. , p. 175.
307
AJDA, 1973, II, p. 268.
308
L’article 12.2 de l’ordonnance n°72/06 dispose que « constitue un rejet du recours gracieux le silence gardé
par, l’autorité pendant un délai de trois mois sur une demande ou réclamation qui lui est adressée ».
309
V. article 7.1 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en
matière administrative.
310
Célestin Keutcha Tchapnga, « Le régime juridique du sursis à exécution dans la jurisprudence administrative
camerounaise », Juridis Périodique n°38, avril – mai – juin 1999, p. 86.
311
Conseil d’Etat, Régler autrement les conflits : conciliation, transaction, arbitrage en matière administrative,
La documentation française, 1993, p. 35.
312
Ordonnance n°21/91-92/OSE/PCA du 14 août 1992, affaire Mayouga Yvonne contre Etat du Cameroun.
313
Ordonnance n°05/92-93/CS/PCA du 5 octobre 1992, affaire Sighoko Abraham contre Etat du Cameroun.
314
Ordonnance n°04/OSE/PCA/CS/ 93-94 du 19 octobre 1993 affaire UPC contre Etat du Cameroun.
76
L’originalité de ces affaires tient en ceci que le juge ne dit pas que le recours
gracieux est obligatoire ; mais qu’il est "suffisant". Est-ce à dire qu’il n’est pas
obligatoire ? Que serait-il advenu si les requérants ne l’avaient pas introduit ?
Certainement qu’il aurait alors rappelé son caractère obligatoire. De ce fait, si dans
ces affaires il n’exige pas l’introduction du recours gracieux, c’est simplement parce
que les requérants ont apporté la preuve qu’ils l’ont faite. Leur originalité est dont liée
au fait que le juge apprécie la nécessité ou l ‘importance du recours gracieux par
rapport au recours contentieux que les parties requérantes n’ont pas introduit ni
avant, ni pendant, ni après l’introduction de leurs demandes aux fins de sursis à
exécution.
Pour justifier le fait que le recours gracieux est le seul suffisant pour qu’il se
prononce, le juge administratif énonce – remettant ainsi en cause l’avis conforme
émis par le Ministère public –, d’abord, dans les deux premières espèces, qu’il « est
indéniable que la fermeture de la pharmacie avec tout ce qu’elle contient comme
denrée à conserver délicatement constitue un préjudice irréparable dont l’arrêt ne
saurait attendre les délais nécessaires à l’introduction d’un recours contentieux
devant la Chambre »315 ; ensuite, dans la troisième affaire, qu’il est indéniable que
l’arrêté du 24 septembre 1993 du Préfet de la Mifi interdisant la tenue du congrès de
l’U.P.C à Bafoussam « (…) est de nature à causer un préjudice irréparable
notamment eu égard à l’état d’avancement des préparatifs dont la suspension de
l’exécution ne saurait attendre l’introduction d’un recours contentieux »316.
315
Nous reviendrons sur la condition de recevabilité relative à l’existence d’une recours contentieux principal.
316
La question sera abordée à la Section 4 infra.
317
C. Keutcha Tchapnga, op. cit., p. 87.
77
Dans un troisième temps enfin, le juge a, par rapport au recours contentieux,
considéré dans trois espèces rendues respectivement le 31 décembre 1997318, le 14
octobre 1998319 et le 5 avril 2001320, qu’il « n’est pas lié par le recours gracieux mais
plutôt par le recours contentieux », indiquant par là que le recours gracieux n’est pas
une formalité conditionnant la recevabilité des recours aux fins de sursis à
exécution321. Mais, ce revirement s’est fait au détriment des requérants qui se sont
fondées sur le recours gracieux qu’ils ont introduit auprès des autorités
administratives compétentes, sans succès, pour saisir directement le juge du sursis.
318
Ordonnance n°23/OSE/PCA/98-99 du 31 décembre 1997, Etablissement Gortzounian Sarl contre Etat du
Cameroun.
319
Ordonnance n°04/OSE/PCA/98-99 du 14 octobre 1998, Ets El Blanco contre Etat du Cameroun.
320
Ordonnance n°37/PCA/CS/2000-2001 du 5 avril 2001, Société Union Camerounaise des Brasseries contre
Etat du Cameroun.
321
Sur un autre cas, jugé "innovant"par un auteur, où le juge a, d’après lui, "discrètement" accepté un recours
aux fins de sursis sans s’intéresser à l’introduction du recours gracieux, v. ordonnance n°38/OSE/PCA/CS/ du 27
juin 1997, affaire Djanbou Maurice contre Etat du Cameroun. Dans cette affaire ; le requérant a introduit un
recours en rétractation d’un message porté du Procureur de la République en date du 25 juin 1997 en demandant
la restitution des biens saisis au profit du requérant de manière irrégulière ; le 27 juin 1997, juge administratif a
rendu une ordonnance portant sursis à exécution du dit message porté. Après s’être demandé si le recours
contentieux (sic !) du sieur Djanbou était précédé d’un recours gracieux préalable, sans y répondre, C. Keutcha
affirme, sans précaution, ni réserve qu’ « en déclarant donc recevable le recours contentieux du sieur Djanbou ,
le juge a innové. En l’espèce, il aurait dû invoquer le caractère d’ordre public du recours gracieux pour
prononcer l’irrecevabilité de la requête. En s’abstenant de le faire, il a admis que ladite demande de sursis à
exécution du message – porté était recevable en l’absence de recours gracieux », op. cit., p. 88 .Peut-être qu’en
l’espèce il y a eu innovation, surtout si on se réfère au court laps de temps qui sépare l’émission du message-
porté (25 juin 1997) et l’édiction du sursis à exécution (27 juin 1997) et au regard des conditions de forme et de
délais des recours gracieux et contentieux. Seulement, les arguments avancés par C. Keutcha pour le démontrer
sont imprécis et quelques peu confus.
78
Dans une ordonnance de référé rendue le 18 juillet 1984 dans l’affaire
Sighoko Fossi Abraham322, le juge affirme, sans équivoque, « (…) que la procédure
de référé est indépendante de la saisine préalable de l’administration ; que les
parties sont, dans la pratique, dispensées de cette formalité ; que ceci est heureux
car il faut que les mesures prises en référé interviennent rapidement ». En adoptant
une telle position, le juge a fait preuve d’un libéralisme certain car il a levé
l’hypothèque du recours gracieux considéré à juste titre comme « le casse-tête du
contentieux administratif camerounais »323. Il reconnaît ainsi « qu’en cours
d’instance, les droits et intérêts des requérants risquent parfois d’être très rapidement
compromis de façon définitive si la requête en référé introduite avant le recours
juridictionnel devait obligatoirement être précédée d’un recours gracieux »324.
Pour le juge, il paraît donc urgent d’en tenir compte en allégeant les conditions
de recevabilité par l’exclusion de celle relative au recours gracieux, surtout qu’en
statuant comme juge de référé, il n’est appelé qu’à prendre des mesures d’urgence
provisoires et non à régler l’affaire au fond et que l’administration « conserve (…) la
possibilité de revoir sa position sur le litige qui ne peut être examiné par le juge de
fond qu’après l’accomplissement de la formalité du recours gracieux préalable »325.
On peut légitimement s’interroger sur les raisons qui ont amené le juge à
rendre une telle décision. On peut certes faire des conjectures327, mais ce qui est
certain c’est que dans cette affaire, le juge n’a pas entendu préserver les intérêts du
322
Ordonnance de référé n°12 du 18 juillet 1984, affaire Sighoko Fossi Abraham contre Etat du Cameroun.
323
M. Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, op. cit., p.153.
324
C. Keutcha Tchapnga, Note sur l’ordonnance n°12 du 18 juillet 1984, Juridis Périodique n°45, janvier –
février – mars 2000, p. 43.
325
Emile Kemfouet, Le référé devant le juge administratif camerounais, Mémoire de maîtrise en Droit public,
Université de Dschang, 1998, p.16.
326
Ordonnance de référé n° référé n°06 du 08 décembre 1998, Sosso Emmanuel contre Etat du Cameroun.
327
Dans ce sens, C. Keutcha Tchapnga, Note sur cette ordonnance, op. cit., p. 43.
79
requérant, ce qui laisse penser que pour lui, il n’ y avait pas urgence à le faire328.
Pourtant, dans une espèce antérieure rendue le 3 juin 1978, il avait affirmé que
« l’urgence constitue le fondement même de la décision de référé »329.
Une solution réaliste s’impose donc si l’on veut que la procédure de référé soit
une véritable procédure d’urgence. Ceci est aussi valable pour la procédure du sursis
à exécution.
328
D’ailleurs, dans l’article 02 du dispositif de l’ordonnance rendue dans cette affaire il « se déclare
incompétent pour connaître de ce litige ».
329
Ordonnance de référé n°7 du 3 juin 1978, affaire Lélé Gustave contre Etat du Cameroun. Pour la relation des
faits et les analyses, lire M. Kamto, Droit administratif …, op. cit., pp. 177-183.
330
C. Keutcha, Note, op. cit., p 44.
331
Pascale Fombeur, Conclusions sur Conseil d’Etat, Section, 12 octobre 2001, Société Produits Roche, RFDA,
2002, p. 319.
332
Ibid., p 320.
333
CE, 12 octobre 2001, Société Produits Roche, RFDA, 2002, pp. 323-324, conclusions de Pascale Fombeur.
80
avant de saisir le juge de l’excès de pouvoir, sans donner un caractère suspensif à
ce recours obligatoire ; que dans une telle hypothèse, la suspension peut être
demandée au juge des référés sans attendre que l’administration ait statué sur le
recours préalable, dès lors que l’intéressé a justifié, en produisant une copie de ce
recours, qu’il a engagé les démarches nécessaires auprès de l’administration pour
obtenir l’annulation ou la réformation de la décision contestée ».
Si une telle solution est adoptée par le juge administratif camerounais, il ne lui
sera pas fait grief d’appréhender rigoureusement l’exercice du recours gracieux
quant à son destinataire, comme il le fait déjà.
Le juge, pour sa part, n’applique que la loi, rien que la loi, en particulier l’article
12 de l’ordonnance n°72/06 du 26 août 1972 qui disp ose que le recours devant la
Cour Suprême n’est recevable qu’après rejet d’un recours gracieux adressé «au
« Ministre compétent ou à l’autorité statutairement habilitée à représenter la
collectivité publique ou l’Etablissement Public en cause ».
Lorsque le juge est en présence d’un cas qui ne rentre pas dans les
hypothèses prévues par la loi, il détermine l’autorité habilitée à recevoir le recours
gracieux, non sans avoir interprété les textes, souvent épars, qui organisent
l’administration en cause. C’est ainsi que pour la Présidence de la République et les
services qui lui sont rattachés, il a décidé, après quelques hésitations et remise en
cause334, que c’est le Président de la République ou le Secrétaire Général de la
334
V. par ex., jugement n°71/CS/CA/75-76 du 13 mars 1976, affaire Bene Bela Lambert contre Etat du
Cameroun et CS/CA, jugement du 29 novembre 1979, affaire Essimi Fabien contre Etat du Cameroun.
81
Présidence de la République qui sont habilités à recevoir le recours gracieux lorsque
ces structures sont mises en cause335.
335
Dans ce sens, CS/CA, jugement n°5/84-85 du 25 octobre 1984, affaire Mauger Pierre contre Etat du
Cameroun et jugement n°69/CS/CA du 29 juin 1989, affaire Che Michael Nde contre Etat du Cameroun.
336
Il en est ainsi, par exemple, lorsque le recours gracieux est adressé à un Sous-Préfet alors qu’il devait être
adressé au Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat ministre compétent en matière foncière : CS/CA, jugement
n°18/99-2000 du 25 novembre 1999, affaire, Nwame à Menthong Raphaël contre Etat du Cameroun ; ou lorsque
le recours gracieux est adressé à un Préfet alors qu’il devrait être adressé au Ministre de l’Administration
Territoriale, compétent pour les question relative à la désignation des chefs traditionnels : CS/CA, jugement
n°24/99-2000 du 30 décembre 1999, Ondigui Onana Théodore contre Etat du Cameroun.
337
Ordonnance n°05/ORSE/PCA/CS/99-2000 du 14 novembre 2000, affaire Dame veuve Pente née Djabou
Marie contre Etat du Cameroun.
82
De lege lata, le recours gracieux adressé à une autorité incompétente
constitue un non recours. La jurisprudence estime qu’un tel recours ne peut devenir
valable que s’il a été, en temps utile, communiqué au Ministre réellement compétent
pour le recevoir ; elle évoque alors le principe de l’unicité de l’administration339.
A contrario, le juge a une position plus nuancée, voire plus équivoque sur
l’obligation d’introduire ou de justifier de l’existence d’une demande principale pour
338
Ordonnance n°11 /ORSE/PCA/CS/00-2001 du 28 novembre 2000, affaire Famille Song Bahanag contre Etat
du Cameroun.
339
Dans ce sens, jugement n°62/CS/CA du 22 avril 1976,.affaire BICIC contre Etat du Cameroun.
340
Ordonnance n°06/ORSE/PCA/CS/99-2000 du 14 novembre 1999, affaire syndicat National Autonome de
l’Enseignement Secondaire (SNAES) contre Etat du Cameroun.
341
En ce sens, jugement n°12/99-2000 du 25 novembre 1999, affaire Nyamsi Ketsemen et autres contre Etat du
Cameroun et jugement n°13/99-2000 du 25 novembre 1999, affaire Ahanda Noah Joseph contre Etat du
Cameroun.
83
que la demande annexe de sursis ou de référé soit recevable. Ici, l’urgence est, non
pas en ballottage, mais ballottée.
PRINCIPALE
342
V. Mankar Bennis, « Les pouvoirs du juge : réflexions à partir du droit du sursis à l’exécution des décisions
administratives au Maroc », in Le contentieux administratif et l’Etat de droit, Actes du séminaire d’échanges et
de perfectionnement, Marrakech, 14-21 décembre 1996, Agence de la francophonie, 1997, pp. 115-129.
343
Ibid.
344
V. loi n° 2000/577 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridiction administratives, JORF du 1er juillet
2000, p. 9948 et Décret n° 2000-1115 du 22 novembre 2000 pris pour application de la loi n° 2000-597 du 30
84
principal. Cette consécration a donné lieu, en doctrine, à des interprétations diverses,
parfois divergentes. La raison en est que les auteurs se référaient très souvent à des
arrêts différents345.
juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives et modifiant le Code de Justice
Administrative, JORF du 23 novembre 2000, p. 18611.
345
Voir, par ex. G. Vedel et P. Delvolvé, T2,op. cit., p.191; O. Dugrip, op. cit.,p.111; Christian Gabolde,
Procédure des Tribunaux administratifs et Cours administratives d’appel, 6è éd., Paris, Dalloz, 1997, p.167 ; B.
Pacteau, op. cit., p.299 ; R. Odent, op. cit., p. 914, l’auteur cite les arrêtés du Conseil d’Etat du 31 mars 1965,
ville d’Armentières et du 28 Mai 1965, Erbland ; J-M Auby et R. Drago, T 2, op. cit., p. 38 ; Jean-René
Etchegaray, « Les limites du sursis à exécution », Gaz Pal, 1985.1 , p. 88. R. Chapus, Droit du contentieux
administratif, op. cit., p. 812 et p.867.
346
Paraskeri Mouzouraki, L’efficacité des décisions du juge de la légalité administrative dans le droit français et
allemand, Thèse, Paris, LGDJ, 199, p. 75. Voir CE, 25 février 1985, Mourad Mersad, AJDA, 1985, p. 295.
347
J. Rigaud, note sous CE, 28 mai 1965, Epoux Erbland, AJDA, 1966. II.380.
348
P. Mouzouraki, op. cit.
349
M. Piedbois, in Répertoire de contentieux administratif, « Procédures d’urgence », n° 26.
350
Article 17 de la loi n° 75/017 du 08 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en
matière administrative.
85
principal conditionne la recevabilité de la demande de sursis, tantôt qu’elle ne la
conditionne pas . Sa jurisprudence en la matière manque de fil conducteur. Il est
partisan à la fois du formalisme procédural et de l’allègement procédural en matière
de sursis. Il a une conception assimilable à un « tango jurisprudentiel », pour ne pas
dire à un « désordre jurisprudentiel ».
Par des formules variées, mais qui se rapprochent dans le fond, le juge
administratif rejette l’idée d’une demande de sursis formée antérieurement à la
demande principale ou directement sans que le recours contentieux ait été
préalablement introduit. Pour lui, la « demande de sursis à exécution est
essentiellement une demande accessoire incidente dans un recours contentieux »352,
et « la procédure de sursis à exécution est fonction d’une procédure déjà
pendante »353.
351
Ordonnance n° 5/OSE/CS/PCA/82-83 du 06 février 1993, Mbiama Messanga Casimir contre Etat du
Cameroun.
352
Ordonnance n° OSE/CS/PCA/77-78, Ngankeu Pierre contre Etat du Cameroun.
353
Ordonnance de référé n° 7/ORSE/CS/PCA/77-78 du 3 juin 1978, affaire Lélé Gustave contre Etat du
Cameroun.
86
C’est ainsi que dans l’affaire Mveng Mbarga Constantin354, il déclare qu’il ne
résulte pas du dossier que le requérant ait attaqué en annulant l’ordre de recettes
contestée et « qu’il n’est fait en outre aucune allégation à cet ordre de recettes dans
sa requête introductive d’instance », et conclut que « la requête dirigée
exclusivement contre l’exécution de l’ordre de recettes est irrecevable en l’état ».
M. Kamto, pour sa part, dans ses observations sur la même affaire, estime
que subordonner la recevabilité d’une demande de sursis à exécution à l’introduction
d’un recours principal est une condition « extrêmement utile » car « elle permet au
juge d’avoir des éléments de fond lui permettant d’apprécier le bien fondé du sursis
qu’on lui demande et d’éviter de la sorte d’ordonner un sursis que ne pourra justifier
la solution définitive du litige »357.
Ces analyses sont certes pertinentes, mais il y a lieu de relever, d’une part
que l’urgence qui est au cœur de la procédure de sursis n’est pas prise en compte,
et, d’autre part, que l’état de la jurisprudence en la matière montre que l’octroi du
sursis ne conditionne pas toujours l’obtention d’une décision favorable au fond. Cette
exigence semble donc trouver sa justification dans un certain formalisme procédural
et dans l’idée que le juge se fait de chaque cas qui lui est soumis. Cela étant, on ne
peut pas perdre de vue le fait que, pour apprécier non seulement l’urgence, mais
s’assurer aussi qu’il n’y a pas un motif d’ordre public qui empêche l’octroi du sursis,
354
Ordonnance n° 5/OSE/CS/PCA/79-80 du 26 mars 1980, affaire Mveng Mbarga Constantin contre Etat du
Cameroun.
355
Ordonnance n° 9/OSE/PCA/85-86 du 26 mai 1986, affaire « Le Messager » contre Etat du Cameroun.
356
J.J Tchindji, op. cit., p. 334.
357
M. Kamto, op. cit., p. 174.
87
le juge a besoin des éléments que l’on n’a généralement que dans la demande
principale.
Dans les affaires Nye Safinda Maurice359, Djou Gilbert360, Otto Bitjoka et La
FIB361 et Société Union Camerounaise des Brasseries (UCB)362, le juge rejette, en
usant d’autres formules, les demandes de sursis au motif que les requérants ont saisi
directement le juge administratif sans avoir au préalable introduit un recours
contentieux, violant ainsi l’esprit de la loi n° 75 /17 du 08 décembre 1975. Pour lui,
« la demande en suspension à exécution ne peut être recevable que si elle est
introduite en même temps que la demande principale, par la même requête ou par
requête séparée, et pour ce dernier cas, après le dépôt du recours au fond »363.
Usant d’une formule similaire, mais non identique, le juge affirme, dans
l’affaire Zoa Apollinaire364, que « la demande en suspension d’exécution ne peut être
recevable que si elle est introduite en même temps que la demande principale et par
la même requête ou par requête séparée soit en même temps, soit après le dépôt du
recours au fond ». Pour rejeter la demande de sursis en l’espèce, il estime que le
requérant « s’insurge contre deux décisions distinctes dans ses requêtes, d’une part,
dans le recours contentieux le duplicata n° 2 (Muta tion), et, d’autre part, dans la
demande de sursis à exécution de la décision du Secrétaire d’Etat aux Domaines
rapportant la radiation de la mutation contenue dans la décision n°
00114/4.7/MINUH/D.310 du 16 janvier 1997 » ; or, constate-t-il, « cette dernière
décision n’a pas fait l’objet d’un recours contentieux ».
358
Ordonnance n° 02/87/88/PCA/CS du 16 octobre 1987, Dame Ekoumou Enyengué Dorothée contre Etat du
Cameroun.
359
Ordonnance n° 16 (bis) /OSE/PCA/91-92 du 16 juin 1992, affaire Nyé Safinda Maurice contre Etat du
Cameroun.
360
Ordonnance n° 17/OSE/CS/PCA/91-92 du 13 juillet 1992, affaire Djou Gilbert contre Etat du Cameroun.
361
Ordonnance n° 26/OSE/PCA/CS/93-94 du 28 juin 1994, affaire Otto Bidjoka et La FIB contre Etat du
Cameroun.
362
Ordonnance n° 37/OSE/PCA/CS/00-01 du 05 avril 2001, affaire Société Union Camerounaise des Brasseries
contre Etat du Cameroun.
363
En fait, il fait sienne l’argumentation présentée par le Ministère Public.
364
Ordonnance n° 73/OSE/PCA/CS/98-98 du 30 juillet 1999, affaire Zoa Apollinaire contre Etat du Cameroun.
88
Dans les affaires Ahanda Dieudonné et Elites intérieures de l’Arrondissement
de Yokadouma365, le juge administratif déclare que « la demande de suspension
d’exécution ne peut être recevable que si elle est consécutive à la demande
principale et formée par la même requête, soit en même temps, soit après le dépôt
du recours au fond ». Cette formule, comme les précédentes, nous semble
contenir quelque contradiction et pose le problème de la signification de la notion de
« requête séparée » dont le juge reconnaît lui-même la possibilité de l’introduire.
Dans une formule plus élaborée, le juge déclare dans l’affaire Etablissements
Gortzounian SARL366 que « la demande en suspension à exécution ne peut être
recevable que si elle est greffée sur la demande principale introduite
concomitamment par la même requête ou ultérieurement par requête séparée ». Ici,
le caractère annexe ou accessoire de la demande de sursis se dégage de façon
explicite : c’est une demande « greffée » à la demande principale.
Enfin, dans l’affaire Ets El Blanco367, le juge établit, dans une formule mieux
élaborée, le lien indissociable entre la demande de sursis et la demande principale. Il
affirme à cet effet que « la demande de suspension d’exécution ne peut être
recevable que si elle est introduite en même temps que la demande principale
déposée devant le juge de fond ou postérieurement à celle-ci ».
365
Voir ordonnance n° 5/OSE/CS/PCA/82-83 du 6 février 1983, Mbiama Messanga Casimir contre Etat du
Cameroun.
366
Ordonnance n° 23/OSE/PCA/CS/97-98 du 31 décembre 1997, affaire Etablissement Gortzounian Sarl contre
Etat du Cameroun.
367
Ordonnance n° 04/OSE/PCA/98-99 du 14 octobre 1998, affaire Ets El Blanco contre Etat du Cameroun.
368
Dans ce sens, voir M. Kamto, Observation, op. cit., p. 175 et J.J Tchindji, Note, op. cit., p. 334.
89
Le juge a édulcoré cette jurisprudence en considérant que « le moment
d’introduction du recours principal importe peu, il suffit que l’on prouve l’existence de
ce recours au moment où le Président de la Chambre Administrative examine pour la
première fois la demande de sursis »369. Ce faisant, il admet que le recours principal
peut être introduit en instance d’instruction de sursis. En effet, comment prouver
l’existence de ce recours autrement qu’en l’introduisant, l’essentiel étant qu’il soit
introduit au moment où le juge examine pour la première fois la demande de sursis.
N’est-ce pas là reconnaître que le recours principal peut être postérieur à la
demande de sursis ou que celle-ci peut être antérieure à celui-là ? Mais, lorsque
dans les affaires Ahanda Dieudonné du 26 juin 1996370 et Elites intérieures de
l’arrondissement de Yokadouma du 04 juillet 1996371, le juge affirme que l’existence
de la demande principale « doit être justifiée à l’introduction de la demande de
sursis », on est perplexe et dubitatif . En effet, « prouver l’existence » du recours
principal « au moment où » le juge « examine pour la première fois la demande de
sursis » ne peut pas signifier le prouver ou le justifier « à l’introduction de la demande
de sursis ». On n’est pas à « un tango jurisprudentiel » près, et ce d’autant plus que,
pour exprimer l’obligation d’introduire le recours principal, le juge du sursis minore la
portée du recours gracieux qu’il a pourtant considéré – on n’est pas à une
contradiction près – dans d’autres espèces, comme une condition de recevabilité de
la demande de sursis.
369
Voir ordonnance n° 26/OSE/PCA/CS/93/94 du 28 juin 1994, Otto Bidjoka et La FIB précitée ; ordonnance n°
73/OSE/PCA/CS/98/99 du 30 juillet 1999, Zoa Apollinaire, précitée ; ordonnance n° 23/OSE/PCA/CS/97-98 du
32 décembre 1997 ; Etablissement Gortzounian Sarl, précitée ; ordonnance n° 04/OSE/CS/PCA/98-99 du 14
octobre 1998, Ets El Blanco, précitée et ordonnance n° 37/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 05 avril 2001, société
Union Camerounaise des Brasseries (UCB), précitée.
370
Ordonnance n° 39/OSE/CS/PCA/95-96 du 26 juin 1996, affaire Ahanda Dieudonné contre Etat du Cameroun.
90
b. La minoration du recours gracieux comme condition de recevabilité
de la demande de sursis
371
Ordonnance n° 40/OSE/CS/PCA/95-96 du 04 juillet 1996, affaire Elites intérieures de l’arrondissement de
Yokadouma contre Etat du Cameroun.
372
Ordonnance n° 9/OSE/PCA/85-86 du 26 mai 1986, Journal « Le Messager », précitée.
373
Ordonnance n° 14/OSE/CS/PCA/82-83 du 25 mai 1983, Henri Ngatchou Mbatkam, précitée
374
Ordonnance n° 21/91-92/OSE/PCA du 14 août 1992, précitée.
375
Ordonnance n° 05/92-93/CS/PCA du 05 octobre 1993, précitée.
376
Ordonnance n° 4/OSE/PCA/93-94 du 19 octobre 1993, précitée.
377
Voir supra §3, A, 1, (b) et infra §4, A, 2 (b).
378
Ordonnance n° 23/OSE/PCA/CS/97-98 du 31 décembre 1997, affaire Etablissement Gortzounian Sarl,
précitée
379
Ordonnance n° 04/OSE/PCA/98-99 du 14 octobre 1998, Ets El Blanco, précitée.
380
Ordonnance n° 37/OSE/PCA/CS/00-01 du 5 avril 2001, Société Camerounaise des Brasseries (UCB),
précitée.
91
2. La méconnaissance de l’obligation d’introduire le recours principal
comme condition de recevabilité de la demande de sursis
381
Ordonnance n° 19/OSE/CS/PCA/84-85 du 03 septembre 1985, affaire Mbiayi Philippe contre Etat du
Cameroun.
382
Article 12.1 de l’ordonnance n° 72/06 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour suprême.
383
Article 12.3 de l’ordonnance n° 72-06.
384
Article 12.2 de l’ordonnance n° 75/17.
385
Article 7.1 de la loi n° 75/17.
92
lendemain du jour de leur notification à personne où à domicile »386. Ainsi, entre
l’introduction du recours gracieux et la saisine du juge administratif, il s’écoule un
temps considérable – plusieurs mois –, incompatible avec l’urgence qui caractérise la
procédure de sursis, puisqu’il s’agit d’éviter la survenance d’un préjudice irréparable.
Il en résulte que cette procédure doit être allégée.
386
Article 7.2 de la loi n° 75/7.
387
C. Keutcha Tchapnga, « Le régime juridique du suris à exécution dans la jurisprudence administrative
camerounaise », op. cit., pp. 86-87. L’auteur a cependant confondu les dates d’introduction des recours à celle
d’édiction des ordonnances qui sont respectivement le 14 août 1992 et le 05 octobre 1992.
388
Voir respectivement, ordonnance n° 21/91-92/OSE/PCA du 14 août 1992 et ordonnance n° 05/92-93/CS/PCA
du 05 octobre 1992.
93
d’y voir mettre fin, alors surtout qu’il a déjà été décidé que la seule procédure qui
suspend une décision administrative est celle du sursis à exécution prévue par
l’article 16 de la loi susvisée ( S.D.F contre Etat du Cameroun) »390.
Les arguments ainsi avancés par le juge sont peut-être discutables sur le plan
du droit391 et encore ! A cet égard, il convient de dire que le droit n’est vivant et
opératoire que parce que, non seulement le juge l’applique, mais aussi et surtout, il
l’interprète. D’ailleurs, on ne peut pas dire que dans ces espèces, le juge n’a pas
tenu compte « du droit positif »392, puisque c’est lui qui, pratiquement, le fait. De
même, il ne faut pas perdre de vue que le droit positif, jurisprudentiel en particulier,
est essentiellement instable, comme le démontre, à suffisance, les prises de position
du juge sur les conditions de recevabilité des demandes de sursis et dans d’autres
matières.
389
C. Keutcha Tchapnga, op. cit. , p. 87.
390
Ce troisième motif a été évoqué dans l’affaire Sighoko Abraham du 5 octobre 1992.
391
V. C. Keutcha Tchapnga, op. cit., pp 86-87, qui parle, à ce propos d’ « avancées discutées » ( p.86). Peut-être
devrait-il dire "discutables". L’ordonnance n°21/91-92/OSE du 14 août 1992, Mayouga Yvonne a fait l’objet
d’appel du Ministère Public le 18 août 1992. Nous n’avons pas d’information sur le sort qui a été réservé à cet
appel.
392
En ce sens, ibid., p. 87.
393
Ibid.
394
Ordonnance n° 04/OSE/CS/PCA/93-94 du 19 octobre 1993, affaire UPC contre Etat du Cameroun. Dans le
fond, le juge a déclaré la demande de sursis sans objet parce qu’elle n’a fait l’objet de réquisition du Ministère
Public que après la période prévue pour la tenue du congrès.
94
Au fond, le problème est l’absence de lignes directrices dans l’appréciation
de la recevabilité des demandes aux fins de sursis à exécution par le juge. Peut-être
qu’il en est ainsi parce que l’urgence est une notion contingente, saisie mais non
réglementée par le droit et qu’elle est laissée à l’appréciation discrétionnaire du juge.
395
R. Chapus, op. cit, p. 812.
396
G. Vedel et P. Delvolvé, T2, op.cit., p. 191.
397
B. Pacteau, op.cit., p. 312.
398
O. Dugrip, op .cit. , p.112.
399
CAA, Nantes, plén. , 20 décembre 1995, Port Autonome de Nantes Saint-Nazaire, Rec. CE. 562.
400
CE, 21 juillet 1995, Société « Les trois résidences Hestia » Rec. CE. 544. Seule la procédure de référé-
provision est subordonnée à la présentation d’une demande au fond.
401
CE, 30 janvier 1963, Belin.
95
contentieux. Il admettait donc que la demande de référé peut précéder la demande
principale ; autrement dit, qu’elle « peut ne pas être formée en même temps que la
demande principale »402 ; mais qu’elle ne peut pas être introduite après la demande
principale. En l’absence de cette dernière, la demande en référé ne peut être
recevable. Cette position est clairement énoncée dans l’affaire Guinness Cameroun
du 07 août 1980403. En l’espèce, la requérante avait introduit une demande en référé
auprès du Président de la Chambre Administrative aux fins de le voir « ordonner la
réouverture de son dépôt fermé (…) par le service provincial des prix du Littoral » ;
mais, jusqu’au moment où le juge statuait sur cette demande, l‘intéressé n’avait pas
introduit le recours contentieux. Après avoir fait observer à la partie requérante que
« les demandes en référé devant le Président de la Chambre Administrative
interviennent avant ou lors de l’introduction d’un recours contentieux », le juge a fait
observer « qu’il ne ressort pas des déclarations de son conseil que cette société soit
sur le point de saisir la Chambre administrative d’un recours contentieux, ni que cette
juridiction ait déjà été saisie d’un pareil recours ».
Le problème dans cette affaire est que le juge a épousé les arguments du
Ministère public parce que, comme il le dit lui-même, « l’obligation (…) lui est faite de
se conformer à l’avis du Ministère Public ». Aussi, lorsqu’il affirme que « le Ministère
402
M. Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, op.cit, p. 71.
403
Ordonnance de référé n° 10/ORA/CA/79-80 du 07 août 1980, affAire Guinness Cameroun contre Etat du
Cameroun.
404
Ordonnance de référé n° 03/ORSE/PCA/CS/86-87 du 25 juin 1987, affaire Ossongo Etémé François contre
Etat du Cameroun.
96
Public fait valoir, à tort ou à raison que (…) », cela n’enlève rien à la position qu’il
adopte en définitive – surtout que dans d’autres espèces, il ne se sent pas lié par
l’avis du Ministère public qu’il ne suit pas toujours – à savoir que la demande en
référé est irrecevable lorsqu’elle est « présentée isolément », c’est-à-dire, « en
l’absence de toute demande principale »405.
405
O. Dugrip, op. cit., p. 113.
406
M. Kamto, op. cit., p. 71.
407
Christian Gabolde, Manuel de procédures d’urgence, p. 65, cité par O. Dugrip, op. cit., p. 113.
408
Voir CE, Section, 12 octobre 2001, Société Produits Roche, RFDA, 2002, pp. 323-324, avec les conclusions
du Commissaire du Gouvernement Pascale Fombeur, RFDA, 2002, pp. 315-323.
97
SECTION II : L’APPRECIATION DE LA RECEVABILITE INTERNE DES
DEMANDES ANNEXES
DE L’URGENCE
Compte tenu du fait que la demande de sursis est, en principe, une demande
accessoire au recours en annulation, les règles de compétence applicables en
matière d’annulation s’appliquent ainsi en matière de sursis à exécution. Par
conséquent, seul le juge compétent pour annuler la décision querellée peut ordonner
qu’il soit sursis à son exécution. Autrement dit, le juge compétent pour ordonner le
sursis doit être également compétent pour annuler la décision en cause. Il est, dès
lors, conforme au caractère accessoire de l’instance du sursis que, en application de
409
Ch. Debbasch et J-C. Ricci, Contentieux administratif, 7e éd., op. cit., p. 409.
98
l’adage « l’accessoire suit le principal », « l’incompétence du juge saisi au fond
rejaillisse sur son pouvoir d’ordonner le sursis »411.
Saisi d’une demande dans laquelle le requérant sollicitait qu’il soit ordonné la
suspension de l’exécution « de toute décision judiciaire » intervenue sur un terrain
litigieux jusqu’à l’aboutissement du recours au fond, le juge a estimé, suivant en cela
410
J. de Soto, « La notion de juridiction », Dalloz, Chr., 1956, p. 45.
411
O. Dugrip, op. cit., pp. 126-127.
412
Georges Dupuis, Marie-José Guédon et Patrice Chrétien, Droit administratif, 6ème éd., paris, Armand Colin,
1998, p. 452.
413
Mankar Bennis, op. cit., p. 119.
414
Ordonnance n° 12/OSE/PCA/CS/95-96.
99
l’avis du Ministère public, que « le juge administratif ne peut, sans outrepasser ses
pouvoirs, suspendre l’exécution d’une décision de justice »415.
Saisi d’une autre demande dans laquelle le requérant l’invitait à ordonner qu’il
soit sursis à statuer par un tribunal de l’ordre judiciaire et de renvoyer à son rôle
général la saisine de la partie mise en cause jusqu’à ce qu’il soit autrement statué
par la Chambre administrative sur le recours contentieux qu’il a introduit, le juge
administratif a fait observer qu’il ne peut « ordonner ce genre de sursis » sans
outrepasser ses pouvoirs, que, « seule la juridiction saisie d’un litige peut ordonner
un sursis à statuer si elle le juge opportun après appréciation de la cause »416. Ici, le
juge se déclare incompétent, mais il n’exclut pas l’octroi du sursis à exécution qui doit
être le fait de la juridiction compétente au principal417.
415
Ordonnance n° 15/92-93/ORSE du 15 avril 1993, affaire Boog Maurice et autres contre Etat du Cameroun.
416
Ordonnance n° 09/OSE/PCA/CS/93-94 du 08 février 1994, affaire La succession Tsiazock contre Etat du
Cameroun.
417
C’est ainsi qu’il s’est reconnu compétent pour se prononcer sur la suspension du jugement rendu par la
juridiction administrative. Dans l’affaire Tchoutezo Jules-Pierre contre Etat du Cameroun (ordonnance n°
02/OSE/PCA/CS/98-9 du 06 octobre 1998) il a suspendu l’exécution d’un jugement dont tierce – opposition était
demandée au motif que cette exécution « n’est pas opportune en l’état » ; par contre, dans l’affaire Zibi Jean
contre Etat du Cameroun (ordonnance n° 74/OSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999), il n’a pas suspendu
l’exécution dont tierce opposition était demandée pour la raison qu’ « en tenant compte des faits et des
circonstances qui entourent la cause », l’octroi du sursis à exécution était « inopportun ».
418
Voir arrêt n° 17/AP du 19 mars 1981, Etat du Cameroun contre enfants Banka, Collectivité Deido Douala et
Kouang Guillaume Charles ; jugement n° 39/CS/CA/88-89 du 25 mai 1989, Egbe Bessong Alfred contre Etat du
Cameroun ; jugement n° 66/CS/CA/88-89 du 29 juin 1989, Nkfru Simon Ngawe contre Etat du Cameroun ;
jugement n° 16/CS/CA/89-90 du 23 novembre 1989, Eyong Egbe Martin contre Etat du Cameroun. Il est à noter
que jusqu’en 1980, le juge administratif se reconnaissait compétent pour connaître de ce contentieux : voir
jugement n° 40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980, Monkam Tientcheu David contre Etat du Cameroun. Le motif
était que la loi du 30 juin 1979 qui donnait compétence à l’autorité administrative pour connaître en premier et
denier ressort de tels litiges n’excluait pas le recours pour excès de pouvoir qui est ouvert même sans texte contre
tout acte administratif faisant grief et conformément aux principaux généraux du droit (cf., CE, 17 février 1950,
Dame Lamotte).
100
sollicitant la suspension de l’exécution des actes portant désignation des chefs
traditionnels419.
Pour justifier ce rejet, le juge se fonde d’une part, sur l’article 1er de la loi n°
80/31 du 27 novembre 1980 qui énonce que « les juridictions de droit commun et de
l’ordre administratif sont dessaisies d’office de toutes les affaires pendantes devant
elles et relatives aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des
chefs traditionnels », et, d’autre part, sur la loi n° 79/17 du 30 jui n 1979 qui attribue
cette compétence à l’autorité investie du pouvoir de désignation, laquelle se
prononce en premier et dernier ressort. Autrement dit, les actes portant désignation
des chefs traditionnels jouissent d’une immunité juridictionnelle. Ce sont donc des
actes de gouvernement420.
419
Voir ordonnance n° 27/CS/PCA du 27 mars 1997, Balla Benoît contre Etat du Cameroun ; ordonnance n°
25/ORSE/PCA/CS/97-98 du 31 décembre 1997, affaire Manga Myoungou Ebenezer contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n° 78/ORSE/PCA/CS/97-98 du 23 septembre 1998, affaire Famille Bonam contre Etat du
Cameroun.
420
En ce sens, lire M. Kamto, « Actes de gouvernement et droit de l’homme au Cameroun », Lex Lata n° 26,
Mai, 1996, pp. 9-14.
421
Ordonnance n° 28/OSE/PCA/95-96 du 24 juin 1996, Koum Maurice Calvin contre Etat du Cameroun.
101
provisoirement les intérêts du requérant qui allait perdre son salaire du fait de son
licenciement. Ce faisant, il a détaché l’accessoire du principal.
Seul le juge compétent pour trancher le litige au fond est habilité à ordonner le
référé administratif. En effet, « l’exigence d’un litige né et actuel (…) auquel la
procédure de référé doit pouvoir se rattacher, fournit la clef du problème de la
compétence du juge des référés »423.
422
Ordonnance n° 03/OSE/PCA/CS/98-99 du 09 octobre 1998, affaire Société SOGETHORE contre Etat du
Cameroun.
423
Lasry, Concl., CE 15 juillet 1957, Ville de Rouen, RDP, 1958, p. 112.
102
puisqu’elle doit réserver le fond qui sera tranché par le tribunal. C’est pourquoi la
compétence du juge des référés se modèle sur celle du tribunal »424.
Le juge des référés refuse de connaître des actes constitutifs de voies de fait
car, aux termes de l’article 9 (4) de l’ordonnance n° 72/6 du 26 Août 1972 fixant
l’organisation de la Cour Suprême, ce sont les tribunaux judiciaires qui connaissent
de la voie de fait, ordonnent toute mesure pour qu’il y soit mis fin.
Le juge des référés ne connaît pas non plus de l’exception préjudicielle. Celle-
ci doit être soulevée devant l’Assemblée plénière de la Cour Suprême. Il l’a
clairement affirmé dans deux ordonnances de référé rendues respectivement le 7
Août 1980427 et le 19 Mars 1991428.
424
Cézar-Bru et Hebraud, Le traité des référés et des ordonnances, éd. 1938, t. 1, p. 21, cité par O. Dugrip, op.
cit., p. 136.
425
CFJ/CAY, 13 mai 1971, arrêt n° 159, Nliba Nguimbous c/Etat fédéré du Cameroun Oriental.
426
Jacques FIPA, « Le référé devant les juridictions camerounaises », Juridis Périodique n° 38, avril- mai- juin
1999, p. 78.
427
Ordonnance de référé n° 10/ORA/PCA/79-80 du 7 août 1980, affaire Guinness Cameroun c/ Etat du
Cameroun.
428
Ordonnance de référé n° 11/OR/CS/PCA/90-91 du 19 mars 1991, affaire Docteur Edou André c/ Etat du
Cameroun. Dans cette affaire, le juge n’a pas explicitement évoqué l’exception préjudicielle.
429
H. Jacquot, « Le contentieux administratif camerounais », RCD, n° 7, 1975, p.29.
103
l’exécution illégale d’une décision même légale, c’est la voie de fait par manque de
procédure430.
Le juge des référés se déclare également incompétent pour statuer sur des
actes qu’il considère comme étant des actes de gouvernement. Ainsi, saisi des
recours dans lesquels il lui est demandé de « suspendre l’application et déclarer nul
comme étant illégal le décret n° 92/194 du 17 Septe mbre 1992 portant convocation
du corps électoral pour le 11 Octobre 1992 », il déclare que « la convocation du
corps électoral est un acte de gouvernement qui échappe au contrôle du juge »431,
se référant ainsi à « un vieil arrêt du Conseil d’Etat français »432 rendu le 6 août
1912. Or, la nature de l’acte de convocation du corps électoral, y compris pour les
élections législatives, a changé en France sous la Vè République.
Par cette prise de position, le juge des référés a procédé à une extension de
la notion d’acte de gouvernement en droit camerounais433et, par voie de
conséquence, à la restriction du contrôle des actes édictés par l’administration,
430
Sur l’ensemble de la question en droit français, v. F-P. Benoît, op. cit., pp. 422-430 ; Yves Gaudemet, Traité
de droit administratif, 16è éd., T1, Paris, LGDJ, 2001, pp. 424-425 et en droit camerounais, v. H. Jacquot, op.
cit., Roger Gabriel Nlep, Observations sur le jugement n° 12/CS/CA du 28 janvier 1982, Dame Binam née Ngo
Ndjom Fidèle, PENANT, 1986, p 347et suiv. ; Rose Djila, « Contribution à l’étude de la protection de la liberté
individuelle au Cameroun depuis 1990 », Juridis Périodique n° 26, avril-mai-juin 1996 , p 93 ; les arrêts n° 10
CFJ/AP, du 17 Octobre 1968, Mvé Ndongo et n° 8 CFJ /AP du 16 octobre 1968, Etat du Cameroun c/ Max
Keller Ndongo ; les jugements dame Binam suscité et n° 63/CS/CA du 26 mai 1988, Nomeny Nguissi c/ Etat du
Cameroun.
431
Ordonnance de référé n° 01/OR/CS/PCA/92-93 du 02 octobre 1992, affaire Union Démocratique
Camerounaise (UDC) c/ Etat du Cameroun ; ordonnance n° 02/OR/CS/PCA/92-93 du 02 octobre 1992, affaire
Social Democratic Front (SDF) c/ Etat du Cameroun et ordonnance n° 03/OR/CS/PCA/92-93 du 2 octobre 1992,
affaire Social Democratic Front (SDF) et Union des Forces Démocratiques du Cameroun (UFDC) c/ Etat du
Cameroun. Sur ces différentes affaires, voir résumé des faits et observations de Bernard Guimdo, in Juridis Info
n° 14, Avril-Mai-Juin 1993, p 60, les analyses approfondies et profondes du Doyen Maurice Kamto, in « Le
contentieux électoral au Cameroun », Lex Lata n° 020, Nov. 1995, pp 5-6, le mémoire de Maîtrise en droit
public de Nicolas Amayena, Le contentieux de l’élection présidentielle au Cameroun, Université de Yaoundé,
1992, pp 57-62 et le mémoire de fin d’études de Christophe Oumbé Foné, Le contentieux électoral au
Cameroun, ENAM, 1993.
432
B. Guimdo, Obs. sur l’ordonnance n° 01/OR/CS/PCA/92-93 du 2 Octobre 1992, Union Démocratique du
Cameroun (UDC) c/ Etat du Cameroun, Juridis Info, op. cit., p.60.
433
Sur l’évolution de la question en France, v. M. Hauriou, op. cit., pp. 416-423 ; F-P Benoît, op. cit., pp. 418-
420 ; R. Odent, Contentieux administratif, op. cit., pp. 298-305, G. Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif, T1,
12è éd., Paris, PUF, 1992, pp. 509-516 ; Martine Lombard, op cit., pp67-69 ; Y. Gaudemet, op. cit. , pp 590-
597 ; Jean -Claude Vénézia, « Eloge de l’acte du gouvernement », Mélanges Jean Waline, Paris, Dalloz, 2002 ,
pp. 723-731 ; Josiane Auvret-Finck, « Les actes du gouvernement, irréductible peau de chagrin ? », RDP, 1995,
pp.131-174 ; Pierre-Henri Chalvidan, »Doctrine et acte de gouvernement », AJDA, 1982, pp. 4-19 ; René
Chapus, « L’acte de gouvernement, monstre ou victime ? », D.,Chr,1958, pp 5-10 ; Louis Favoreu, « L’acte de
gouvernement, acte provisoirement et accidentellement injusticiable », Note de jurisprudence , RFDA, 1987, pp.
544-547 ; Maxime Mignon, « Une emprise nouvelle du principe de légalité : les actes de gouvernement », D.I.
Chr. 1951, pp. 53-60 ; Jacques Puisoyé, « Pour une conception plus restrictive de la notion d’acte de
gouvernement », AJDA, 1965, pp. 221-220.
104
puisque l’article 9.5 de l’ordonnance n° 72/06 du 2 6 Août 1972 énonce qu’ « aucune
cour ou tribunal ne peut connaître des actes de gouvernement ».
Le juge administratif des référés ne peut intervenir que dans des litiges ayant
un caractère administratif. Ainsi, il se déclare incompétent si le litige est de nature
privée ou insusceptible d’être rattaché au contentieux administratif. C’est le cas des
litiges opposant des particuliers qui ressortissent à la compétence du juge
judiciaire435 ; des contestations nées de l’indemnisation pour expropriation pour
cause d’utilité publique436qui, aux termes de l’article 13 de l’ordonnance n° 74/03 du
6 Juillet 1974 relative à la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique,
relèvent de la seule compétence du Tribunal de Première Instance du lieu de
situation de l’immeuble objet du litige ; des litiges nés de la rupture d’un contrat de
gérance libre conclu entre l’Etat et un particulier qui concerne, aux termes de l’article
9 de l’ordonnance n° 72/06, implicitement la catégo rie des contrats conclus sous
l’empire du droit privé et qui stipule de surcroît, que « le Tribunal de Grande Instance
de Yaoundé est compétent en cas de litige opposant les deux parties »437 . C’est le
cas des litiges insusceptibles d’être liés au contentieux administratif tels que
434
Ordonnance de référé n° 08/OR/PCA/CS/97-98 du 31 octobre 1997, affaire Société SOCIB Maritime et
autres C/Etat du Cameroun.
435
V. ordonnance de référé n° 06/ORSE/CS/PCA/84-85 du 25 décembre 1984, affaire Kameni Marcellin c/
Mondo Isaac et la Société Camerounaise d’Agrégats du Littoral.
436
Ordonnance de référé n°11/OR/CS/PCA/91-92 du 19 mars 1991, affaire Docteur Edou André c/ Etat du
Cameroun.
437
Ordonnance de référé n° 46/OR/PCA/CS/98-99 du 12 mai 1999, affaire SOGETHORE c/ Etat du Cameroun.
En l’espèce, le requérant demandait au juge des référés d’ordonner la réintégration immédiate de la
SOGETHORE dans les locaux et la gestion du Centre Climatique de Dschang par le Ministre du Tourisme sous
astreinte de 10 000 000 de francs CFA par jour de retard.
105
l’inscription du requérant au registre de commerce « en dehors de toute allégation
sur l’existence ou sur l’éventualité d’un contentieux à caractère administratif »438.
Le juge des référés ne peut être compétent que s’il y a incertitude quant à la
nature du litige principal , ceci compte tenu des caractères propres de la procédure
de référé ,et dès lors que la demande qui lui est présentée n’est pas manifestement
insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction
administrative .
438
Ordonnance de référé n° 07/OR/CS/PCA/87-88 du 31 mars 1988, affaire Kamsu Joseph c/Etat du Cameroun.
439
Ordonnance de référé n°08/OR/PCA/CS du 31 mars 1988, affaire Fonacho Georges ISAIH contre Etat du
Cameroun.
440
Ibid.
106
PARAGRAPHE II : LA SUBORDINATION DE LA RECEVABILITE DE LA
DEMANDE ANNEXE A LA RECEVABILITE DE LA
DEMANDE PRINCIPALE
Pour J-M. Auby et R. Drago, cette condition est assez inattendue en matière
de référé « puisque le juge des référés ne doit pas préjuger le fond »443. Il reste que,
comme l’a écrit O. Dugrip, « en raison de la finalité des procédures d’urgence, il est
normal que la recevabilité de la demande présentée au juge de l’urgence soit liée à
la recevabilité de la demande principale »444. Comme l’a dit Mme Latournerie au sujet
du référé, ce qui est aussi valable pour le sursis à exécution, « pour
l’accomplissement de la mission du juge qui est de trancher des litiges par
application du droit en vigueur, il n’est d’aucun intérêt pratique d’accepter d’intervenir
au niveau » des procédures d’urgence « s’il est évident qu’il sera impossible de
statuer au fond sur les conclusions principales que ces procédures ont pour objet de
rendre utiles »445.
441
M. Tourdias, « Référé administratif et constat d’urgence », J. C. P., 1961 I. 1628.
442
Ibid.
443
J- M. Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, T2, Paris, LGDJ, 1984, p. 47.
444
O. Dugrip, op. cit., p. 141.
445
Latournerie, Concl. sur CE, Ass., 17 décembre 1976, Férignac, Rec., p. 553.
446
Ibid.
447
M. Tourdias, op. cit.
107
A- L’EXIGENCE DE LA SUBORDINATION EN MATIERE DE SURSIS A
EXECUTION
448
O. Dugrip, op. cit., p. 143.
449
Ibid., pp. 143-144.
450
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 3 éd., Paris, Montchrestien, 1991, p. 852.
451
CE, sect., 13 juillet 1956, Secrétaire d’Etat à la Reconstruction C/ Piéton-Guibout, Rec., p. 338 (en l’espèce,
absence d’irrecevabilité manifeste) ; CE, 23 février 1979, Soc. Gardiennage Industriel de la Seine, RDP, 1979,
p. 1521 (en l’espèce, existence d’irrecevabilité manifeste).
452
O. Dugrip, op. cit., p. 144.
453
Lassere et Delarue, Chr. sous CE, sect., 9 décembre 1983, Ville de Paris et Soc. des mobiliers urbains pour la
publicité et l’information, AJDA, 1984, p. 85.
454
CE, 22 juillet 1977, Loukil, Rec., p. 928 ; CE, 28 mars 1979, Soc. Carrières et Sablières des Iles, Rec., p. 839.
455
Ordonnance n° 05/87-88/PCA/CS du 11 mars 1988, affaire Onana Jean contre Etat du Cameroun.
108
directement contre le titre foncier, acte que la loi déclare inattaquable par sa nature,
est irrecevable ; Qu’il échet dès lors, de rejeter la demande de sursis à exécution
que le sieur Onana Jean a formée ». Le juge camerounais fait donc de la demande
du sursis un accessoire du recours en annulation car son examen doit
« s’accompagner d’un pré examen de la recevabilité de ce recours »456. Seulement, il
n’en est pas toujours ainsi. En effet, l’urgence et les caractères propres du sursis
l’amènent à atténuer cette subordination selon des formes variées.
456
B. Pacteau, Contentieux administratif, op. cit., p. 294.
457
V. TA Paris, 13 juillet 1977, Ass., SOS Paris, cité par M. Genevois dans ses conclusions sur CE, Sect., 9
décembre 1983, Ville de Paris, Rec. p. 501.
458
V. CE, Sect., 9 décembre 1983, Ville de Paris.
459
O. Dugrip, op. cit., p. 145.
460
B. Genevois, Concl. sur CE, sect., 9 décembre 1983, Ville de Paris et autres Rec., p. 501.
109
Pour cette raison, le juge administratif camerounais rejette ou octroie le sursis
en se fondant sur des éléments propres à la procédure d’urgence et non sur le
caractère présumé irrecevable du recours principal. C’est ainsi que dans une
décision rendue le 24 juin 1996461, il a ordonné le sursis à exécution du licenciement
pour motif économique d’un agent de l’Etat régi par le Code du travail, alors qu’il
n’est pas compétent pour connaître d’un tel litige au fond qui relève de la
compétence du juge judiciaire462. Le juge n’a donc pas pris en compte l’exigence de
subordination de la recevabilité de la demande du sursis à la recevabilité de la
requête au fond, l’urgence à statuer pour éviter que l’écoulement du temps ne
préjudicie définitivement les droits du requérant ayant prévalu.
461
Ordonnance n° 28/OSE/PCA/CS/95-96 du 24 Juin 1996, affaire Kouam Maurice Calvin contre Etat du
Cameroun.
462
V. en ce sens,CS/CA, jugement n°36/90-91 du 29 novembre 1990, affaire Njiki Isaac contre Etat du
Cameroun et CS/CA, jugement n°42/90-91 du 29 novembre 1990, affaire Dame Kwi Shwe née Simo Jeanne
contre Etat du Cameroun.
463
Ordonnance n° 03/OSE/PCA/CS/98-99 du 9 octobre 1998, affaire Société SOGETHORE contre Etat du
Cameroun.
464
CS/CA, jugement n° 20/ 98-99 du 31 mars 1999, affaire Société SOGETHORE contre Etat du Cameroun.
465
O. Dugrip, op. cit., p. 146.
110
PARAGRAPHE III : L’EXIGENCE QU’IL N’ Y AIT PAS MATIERE A NON LIEU
466
R. Chapus, op. cit., p. 877 ; v. CE, 27 mars 1963, Ville de Cherbourg, Rec., p. 960.
467
R. Chapus, ibid.
468
CE, 30 janvier 1957, Dame d’Heureux, Rec., p. 75.
111
objet la demande de sursis à exécution de l’arrêté d’un Préfet interdisant la tenue du
congrès d’un parti politique au motif qu’elle n’a fait l’objet de réquisitions du Ministère
public qu’ après « la période prévue pour la tenue du Congrès »469, alors même qu’il
a reconnu que son exécution est « de nature à causer un préjudice irréparable
notamment eu égard à l’état d’avancement des préparatifs » dudit Congrès. La
demande est donc devenue sans objet du fait du changement de circonstance. Par
ailleurs, dans une espèce en date du 11 mars 1999470 dans laquelle le requérant
sollicitait le sursis à l’exécution des notes de service du Préfet qui le suspendaient de
ses fonctions de Maire et nommait un intérimaire, le juge a déclaré la demande sans
objet pour la raison que « le conseil municipal a déjà élu un nouveau Maire (…) ».
Dans une autre espèce rendue le 28 avril 1994471 en matière de référé dans laquelle
le requérant sollicitait que le juge des référés ordonne la suspension des épreuves
orales et toutes publications des résultats de l’examen d’aptitude au stage d’avocat
jusqu’à la décision ministérielle à intervenir, ce dernier a déclaré la demande de
référé sans objet en se fondant sur les déclarations du représentant de l’Etat qui
affirmait que les épreuves orales dont suspension était demandée, avaient déjà eu
lieu et les résultats définitifs proclamés par arrêté du Ministre de la justice.
Constitue un cas notable de non lieu « et qui montre combien il est important
que les demandes de sursis soient rapidement jugées »473 celui où le non lieu tient
au fait que la décision contestée s’est trouvée « avant la présentation de la demande
de sursis »474 ou « en cours d’instance, entièrement exécutée, avant que le juge ait
469
Ordonnance n° 04/OSE/PCA/CS/ 93-94 du 19 octobre 1993, affaire Union des Populations du Cameroun
(UPC) contre Etat du Cameroun.
470
Ordonnance n° 17/OSE/PCA/CS/98-99 du 11 mars 1999, affaire Lozenou Nana Jean –Paul contre Etat du
Cameroun.
471
Ordonnance de référé n° 18/OR/PCS/CS/93-94 du 28 avril 1994, affaire Me Ndzinga Sébastien et autres
contre Etat du Cameroun.
472
R. Chapus, op. cit., p. 869.
473
Ibid., p. 877.
474
Ibid., p. 869.
112
été en mesure de se prononcer »475. Certes, la décision querellée demeure
susceptible d’annulation, mais le prononcé d’un sursis à exécution n’a plus de
sens476. En effet, « pris de vitesse, le juge ne pourra que se résigner à constater qu’il
n’y a plus lieu à statuer »477, ou « qu’il n’y a plus de place pour une décision de
sursis à exécution »478, celui-ci ayant pour seul but d’empêcher l’exécution de la
décision attaquée « en la privant d’effets juridiques pour l’avenir »479. Ceci est
particulièrement regrettable dans le cas où, statuant finalement sur le recours en
annulation, le juge est amené à prononcer l’annulation sollicitée. Il s’agit donc d’une
« limite »480 à la procédure du sursis, car l’annulation est prononcée nonobstant
exécution.
Ainsi, dans une espèce rendue le 16 juin 1999482 dans laquelle le requérant
sollicitait le sursis à exécution de la décision qui le licencie de l’Université, le juge
déclare la demande sans objet au motif que « la décision de licenciement de
l’intéressé a déjà été exécutée depuis belle burette ».
475
Ibid., p. 877.
476
Ibid.
477
Ibid.
478
M. Rougevin-Baville, Renaud Denoix De saint Marc et Daniel Labetoulle, Leçons de droit administratif,
Paris, Hachette, 1989, p. 107.
479
O. Dugrip, op. cit., p. 151.
480
J-R Etchegaray, « Les limites du sursis à exécution », Gaz. Pal., 1985, p. 87.
481
O. Dugrip, op. cit., p. 152.
482
Ordonnance n° 55/OSE/PCA/CS/98-99 du 16 juin 1999, affaire Begoudé Jean-Pierre contre Etat du
Cameroun.
483
Ordonnance n° 59/OSE/PCA/CS/98-99 du 25 juin 1999, Tepou Gilles Georges contre Etat du Cameroun.
113
l’Ecole Nationale Supérieure des postes et Télécommunications, le juge déclare la
demande sans objet pour la raison que « l’exécution de cette décision est effective ».
Le juge ne dit ni quand et comment cette exécution est effective. Or, pour apprécier
si la demande de sursis est sans objet et qu’il y a donc matière à non lieu, il est
nécessaire de déterminer ce que l’on entend par « décision (…) exécutée depuis
belle burette » ou « décision (…) effective ». Le juge a-t-il voulu signifier par là que
les décisions querellées avaient été entièrement exécutées et, par conséquent,
produit tous leurs effets de droit ? Tel semble être, probablement, le cas.
484
V. CE, Sect., 11 octobre 1963, Aguzou et autres, Rec., p. 485.
485
V. CE, 6 juillet 1966, Garaud, Rec., p. 448 ; CE, 13 juillet 1967, Commune de Cassis, Rec., p. 980.
114
juste »486, il reste qu’ « on éprouve toujours un certain sentiment d’insatisfaction »487
lorsqu’on le juge affirme que la demande de sursis ou de référé est devenue sans
objet parce qu’elle n’a fait l’objet de réquisitions du Ministère Public que bien
après « la période prévue pour la tenue du Congrès »488 du parti requérant, ou parce
que « le conseil municipal a déjà élu un nouveau maire »489, ou encore que la
décision de licenciement querellée « a déjà été exécutée depuis belle burette »490,
alors que la date exacte à laquelle l’acte a reçu son entière exécution n’est
nullement précisée, bien que l’on n’ait pu dire qu’il n’est pas toujours aisé de le
faire491.
486
G. Braibant, Concl. sur CE, 11 octobre 1963, sieur Aguzou et autres, AJDA, 1963, p. 630, chr., J. Fourre-M.
Puybasse, Rec., p. 485.
487
R. Drago, Note sous CE, 19 décembre 1967 et 9 février 1968, Leguin, RDP, 1968, p. 1117.
488
Ord. n°04/OSE/PCA/CS /93-94 du 19 octobre 1993, affaire UPC c/ Etat du Cameroun.
489
Ord. n°17/OSE/PCA/CS/98-99 du 11 mars 1999, affaire Lozenou Nana Jean-Paul c/ Etat du cameroun.
490
Ord. n° 55/OSE/PCA/CS/98-99 du 16 juin 1999, affaire Begoudé Jean- Pierre c/ Etat du Cameroun.
491
P. Mouzouraki, op. cit., p. 79.
492
B. Pacteau, Contentieux administratif, op. cit., p. 296.
493
J- C. Piedbois, « Procédures d’urgence », Répertoire Droit et Contentieux administratif, n° 93.
494
P. Mouzouraki, op. cit., p. 78.
495
Ibid.
115
décision querellée a été effectivement et entièrement exécutée ou que le
changement de circonstance est effectif et justifié. A cet égard, il faudra qu’il procède
« à une analyse des effets que peut avoir l’acte administratif en question »496 ou la
circonstance en cause et ne renonce à statuer sur la demande de sursis ou de référé
que dans le cas où il est avéré que tous les effets de droit se sont produits ; dans le
cas contraire, il devrait prononcer la mesure d’urgence sollicitée. Encore faut-il que
celle-ci intervienne dans une instance contentieuse stable. En effet, il s’avère qu’en
pratique, l’instance contentieuse en matière de sursis à exécution et de référé est,
pour l’essentiel, instable.
496
Ibid.
116
CHAPITRE II
L’INSTABILITE DE L’INSTANCE
CONTENTIEUSE ACCESSOIRE
117
L’efficacité du contrôle « de l’activité administrative suppose le bon
fonctionnement des procédures d’urgence »497. Celles-ci donnent lieu à des
jugements « sententia interlocutoria » (Avant-dire-droit), par opposition aux
jugements « sententia définitiva ». Parce que ces procédures ont été instituées
« pour faire échec à l’écoulement du temps, les mesures auxquelles elles donnent
lieu doivent être prononcées avec la plus grande célérité »498. Cela suppose donc
une instance (contentieuse) appropriée ; c’est-à-dire un ensemble d’actes
« processuels accomplis par le juge et les parties », une situation procédurale se
superposant à une situation juridique qui « met en présence non plus des titulaires
de droits et d’obligations mais des requérants et défendeurs agissant en tant que
tels »499.
497
Jacqueline Morand-Deviller, « Le contrôle de l’administration : la spécificité des méthodes du juge
administratif et du juge judiciaire », CERAP, collectif, Le contrôle juridictionnel de l’administration. Bilan
critique, Paris, Economia, 1991, p.190.
498
O.Dugrip, op. cit., p 157.
499
H. Motulsky, Droit processuel. Les cours de droit, 1973, p. 145 et suiv., cité par Laurent Richer, « L’instance
de référé d’urgence », RFDA, 2002 , p. 269.
500
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p 471.
501
J. Morand-Deviller, op. cit.
118
SECTION I : L’INSTABILITE DE L’INSTANCE ACCESSOIRE INITIALE
502
L.Richer, op. cit., p. 269.
503
R. Chapus, op. cit., p. 953.
504
V. loi n°75/017 du décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière
administrative.
119
n’est régi par aucune disposition textuelle explicite . Le juge de l’urgence a donc de
larges pouvoirs pour instruire et juger les demandes de sursis et de référé. Mais la
mise en œuvre de ces pouvoirs se traduit par la fluctuation du cadre formel de
l’instance tant en ce qui concerne l’instruction (A) que le jugement (B) des demandes
annexes.
505
V.R. Chapus, « De l’office du juge : contentieux administratif et nouvelle procédure civile, EDCE, 1977-
1978, n°29, pp 13-65, en particulier, pp.15-43 ; Renaud Denoix de Saint Marc et Daniel Labetoulle, « Les
pouvoirs d’instruction du juge administratif » ; EDCE, 1970, pp.69-91 ; Jean Lapanne-Joinville, « La direction
de la procédure devant les tribunaux », AJDA, 1965, pp. 324-331.
506
V. Ch. Debbasch et J-C Ricci, op. cit., p.386 et M. Lombard, Droit administratif , 4e éd, Paris, Dalloz, 2001,
p. 391.
507
M. Lombard, ibid. ; R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 517.
508
CE, Section., 25janvier 1957, Raberanto, Rec., p. 66.
509
R.Chapus, Droit administratif général, T1, 13e éd., Paris, Montchrestien, 1999 , p. 775.
510
M. Kamto, « La fonction administrative contentieuse de la Cour Suprême du Cameroun », op. cit., p. 46.
511
V.J. Morand-Deviller, op. cit., p. 188 et suiv. ; R.Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit. pp. 520-
521 ; G. Vedel et P.Delvolvé , T2, op. cit., p. 198 ; M. Waline, Précis de droit administratif, Paris,
Montchrestien, 1969 , p. 174.
512
R. Denoix de Saint Marc et D. Labetoulle, op. cit., p. 70.
120
peut se fier raisonnablement à l’information que chacune des parties lui fournit que si
les autres ont pu en prendre connaissance et, le cas échéant, la contredire et la
réfuter ou, au moins, la rectifier en la complétant d’éléments nouveaux »513. Le
caractère contradictoire de l’instruction « tend à assurer l’égalité des parties devant le
juge »514.
513
Victor Haїm, « L’écrit et le principe du contradictoire dans la procédure administrative contentieuse », AJDA
n°10, 1996 , p. 715.
514
CE, 29 juillet 1998, Mme Esclaine, AJDA, 1999. 69, note Rolin.
515
B.Pacteau, op. cit., p. 229.
516
O.Gohin, La contraction dans la procédure administrative contentieuse, Thèse, Paris, LGDJ, 1988, p. 24.
517
V .Ch. Debbasch et J-C Ricci op. cit., pp. 395-401.
121
communication à la partie adverse » de la demande de sursis ; tandis que l’article
123 de la même loi dispose que la notification de la requête aux fins de référé « est
immédiatement faite au défendeur éventuel, avec fixation d’un délai de réponse
raisonnable », avant que le Président de la Chambre administrative, l’Assemblée
Plénière, ou le Magistrat qu’il délègue, ne puisse ordonner toutes mesures utiles.
Pour des raisons qui ne sont pas forcément liées à l’urgence, la contradiction,
appréhendée comme « la première condition d’une justice véritable »518,est donc soit
supprimée, soit limitée.
a. La suppression de la contradiction
518
R. Chapus, Droit administratif général, op. cit. , p. 776.
519
D. Richer, « La procédure contradictoire et le juge administratif de l’urgence », RFDA, 2001, p 320.
520
CE, 15 février 1989, Port autonome de Dunkerque, p 844, D.A, 1989, n° 192.
122
Les cas de suppression explicite521 de la contradiction par le juge administratif
camerounais ne participent pas de telles circonstances. Ils sont dus au fait que les
requérants ont introduit isolément leurs requêtes aux fins de sursis à l’exécution,
sans y joindre la demande principale. Dans les deux espèces y relatives, le juge
déclare en substance : « Cette requête n’a nullement été communiquée à la
communauté Urbaine de Douala, défendeur dans la présente cause, au motif que le
requérant n’a sollicité que le sursis à l’exécution sans toutefois y joindre la demande
principale ». Dans d’autres cas, la suppression de la contradiction n’est pas
explicitement formulée.
D’abord, cela peut vouloir signifier que bien que le juge a communiqué la
requête au défendeur, il n’a pas jugé utile de le dire dans l’ordonnance qu’il rend ;
mais ceci paraît surprenant dans la mesure où il le fait dans d’autres ordonnances.
Ensuite, cela peut vouloir signifier que bien que le juge ait effectivement
communiqué la requête au défendeur, celui-ci a, soit répondu ou gardé le silence,
mais le juge n’a pas estimé utile de l’indiquer explicitement dans la décision parce
que c’est sans influence sur l’idée qu’il se fait de l’issue du litige. Seulement, dans
d’autres ordonnances, le juge signale bien que le défendeur - en l’occurrence l’Etat -
a réagi ou a gardé le silence.
Enfin, cette « omission » peut vouloir signifier que le juge n’a pas communiqué
la requête au défendeur, ou qu’il l’a fait mais n’a pas attendu sa réponse pour édicter
son ordonnance. Cette hypothèse semble être la plus plausible. Deux raisons
peuvent être avancées pour comprendre une telle position. La première peut être liée
521
V. ordonnance n° 16 (bis) /OSE/PCA/91-92 du 16 juin 1992, affaire Nye Safinda Maurice contre
Communauté Urbaine de Douala et ordonnance n°17//OSE/CA/PCA/91-92 du 13 juillet 1992, affaire Djou
Gilbert contre Communauté Urbaine de Douala.
123
au fait que l’irrecevabilité manifeste de la requête ne nécessite pas cette
communication. La seconde raison peut tenir en la précarité de la situation litigieuse
qui nécessite une intervention rapide de la part du juge pour éviter que les droits ou
intérêts du requérant ne soient irrémédiablement atteints. Il en a été ainsi dans
522
l’affaire société Forestière PETRA du 16 janvier 2001 dont la décision a d’ailleurs
fait l’objet d’un recours en rétractation de la part de l’Etat523. En l’espèce, le juge
justifie le non respect de la contradiction en ces termes : « Attendu que l’urgence est
de règle en matière de sursis et que les conséquences de l’inobservation des délais
d’échange de mémoires y afférents ne sont pas d’ordre public ». Il a confirmé cette
position dans une affaire identique opposant toujours la Société forestière PETRA au
Ministère de l’Environnement et des Forêts524.
b. La limitation de la contradiction
522
Ordonnance n°14/OSE/PCA/CS/00-01 du 16 janvier 2001, affaire société forestière PETRA contre Etat du
Cameroun.
523
V. ordonnance n°38/OSE/PCA/CS/00-01 du 5 avril 2001, Ministère de l’environnement et des forêts
(MINEF) contre Société forestière PETRA. La requête aux fins de rétractation a été rejetée au fond.
524
Ordonnance n°41/OSE/PCA/CS/00-01 du 10 avril 2001, affaire Société forestière PETRA contre Etat du
Cameroun.
525
Nous avons, à ce sujet, dénombré près de 76 ordonnances de sursis et 13 ordonnances de référé.
526
O. Dugrip, op. cit., p. 158.
124
de la procédure »527. En ces matières, et en raison de leur finalité, il paraît logique
« que le principe de la contradiction connaisse des limitations »528.
Il est frappant de constater que toutes les fois que l’Etat ne réagit pas, le juge
est très prolixe et que c’est à cette occasion qu’on a des précisions sur la date à
laquelle la communication de la requête lui a été faite et sur le délai de réponse qui
lui a été donné pour fournir ses observations.
527
M. Gros, « Le juge administratif, la procédure et le temps », RDP, 1999, p. 1718.
528
Claudie Boiteau, «Le juge unique en droit administratif », RFDA, 1996, p. 24.
529
V. ordonnance n°07/OSE/PCA/88-89 du 15 septembre 1989, affaire Pamansié Josué contre Etat du
Cameroun ; ordonnance n°16/OSE/CS/PCA/90-91 du 19 septembre 1991, affaire Yem Luc contre Etat du
Cameroun ; ord. n°05/92-93/CS/PCA du 05 octobre 1992, affaire Sighoko Abraham contre Etat du Cameroun ;
ord. n°04/OSE/PCA/CS/93-94 du 19 octobre 1993, Union des populations du Cameroun contre Etat du
Cameroun ; ordonnance de référé n°01/ORSE/PCA/CS/86-87 du 23 octobre 1986, la succession Roggow contre
Etat du Cameroun ; ord. de référé n°7/OSE/PCA/CS/86/87 du 18 décembre 1986, Ngimbous Jean-François
contre Etat du Cameroun ; ord. de référé n°09/ORSE/CS/PCA/88-89 du 28 septembre 1989, Tamo Pelap Jean-
Claude contre Commune Urbaine de Bafoussam.
530
Nous avons, à ce sujet recensé près de 6 ordonnances en matière de sursis et 26 ordonnances en matière de
référé.
531
7 ordonnances en matière de sursis et 3 ordonnances en matière de référé ont été recensées à ce propos.
532
16 ordonnances en matière de sursis et 4 ordonnances en matière de référé ont été recensées à ce sujet.
125
Sur le plan de la limitation temporelle de la contradiction, les délais impartis à
la défense pour déposer ses observations ou son mémoire en défense sont très
variables et fixés à la discrétion du juge. Cependant, ils sont suffisamment réduits et
n’excèdent pas 15 jours. Ils varient de 8, 10, 12 à 15 jours. Donc, sur le plan
temporel, la contradiction, et par voie de conséquence l’instruction des demandes
annexes, est théoriquement allégée. Les délais fixés ainsi au minimum533 doivent
être rigoureusement respectés faute de quoi le juge devrait passer outre.
Chaque cas étant l’objet d’un examen particulier, « les délais de réponse
doivent être fixés de façon telle que l’administration soit invitée à se prononcer avant
toute mesure d’exécution »534, pour que le sursis et le référé sollicités aient un sens.
Le juge doit donc évaluer d’une part le temps matériellement indispensable à
l’administration pour établir son mémoire d’observation, et, d’autre part, le laps de
temps disponible avant le jour fixé pour l’exécution de la décision ou avant la
survenance du dommage. Pour cela , il n’est pas nécessaire que le requérant
obtienne – absolument – communication des observations présentées par
l’administration en réponse à la notification qui lui a été faite de sa requête comme
l’exigent les règles normales de procédure535. Cependant, le juge est tenu, avant de
statuer, de communiquer la requête ou le dossier de l’affaire au Ministère public.
533
P-L. FRIER, L’urgence, op. cit., p 264 et Chr. Gabolde, Procédure des TA et CAA, op. cit., p. 168.
534
Chr. Gabolde, ibid.
535
CE, 19 avril 1972, département de la Haute Loire, Rec., p. 297 ; CE, 6 décembre 1985 ; Mme Delannay, Dr.
Adm., n°57.
536
Cet avis sera abordé comme condition de fond dans les 2 chapitre 1 et 2 du titre 1er de la 2nde partie de la
présente étude.V infra.
126
a. Une condition de procédure
537
J. Owona, op. cit., p. 219.
538
Déclaration faite par le Ministre de la Justice au cours d’une conférence de presse donnée le 10 décembre
1999 et reprise par le quotidien national Cameroon - Tribune n°6996/3285 du 13 décembre, p. 10.
539
J.J. Tchindji, Note sur l’affaire « Le Messager », op. cit., p. 335.
127
meilleurs délais ses réquisitions, et les retards observés alors ne sont imputables
qu’au juge et à ses services. Mais, il arrive aussi que les retards à statuer soient le
fait du Ministère public. Cela a été le cas dans l’affaire Union des Populations du
Cameroun du 19 octobre 1993541. En effet, le requérant a vu sa demande rejetée
pour défaut d’objet parce que le Ministère public a produit ses réquisitions
postérieurement à la période prévue pour la tenue du congrès interdit du parti
politique UPC.
540
Cf. déclaration du Ministre de la Justice in Cameroon- Tribune, op. cit.
541
Ordonnance n°04/OSE/PA/CS/93-94 du 19 octobre 1993, affaire Union des Populations du Cameroun contre
Etat du Cameroun.
128
tend à les rapprocher de telle sorte qu’ils sont tous deux des facteurs d’extension de
l’instance accessoire.
D’après J-M Auby et R. Drago, « l’intervention est l’acte par lequel un tiers
intervient dans un litige déjà engagé entre deux ou plusieurs parties »542. Elle peut
être volontaire ou forcée. Seule la première est concernée ici.
542
J-M Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, T1, 3e éd., Paris, LGDJ, 1984, pp. 976-977.
543
R.Odent, Contentieux administratif, op. cit., p. 798.
544
V. Ch. Debbasch et J-C Ricci, op. cit., pp. 364-369.
545
V. R.Odent, op. cit., p 804.
546
B. Pacteau, op. cit., p. 212.
129
A s’en tenir aux dispositions de cette loi, on serait tenté de dire que les
procédures d’urgence, à savoir le sursis et le référé, ne sont pas concernées par
l’intervention ; mais les décisions rendues par le juge administratif en ces matières
apportent la preuve du contraire. En effet, les interventions y sont examinées tant en
ce qui concerne leur recevabilité que leur validité. Il arrive même que le juge précise
la qualité de partie principale pour la distinguer de l’intervenant en l’instance. Il
considère qu’est une « partie principale au procès » et non un intervenant volontaire
toute personne dont le nom figure dans la requête introductive d’instance, au côté de
l’Etat, comme défendeur547 ; il en va ainsi même lorsque sur l’instrumentum de
l’ordonnance, le défendeur est qualifié d’intervenant548.
547
V. ordonnance de référé n°40/OR/PCA/CS/97-98 du 5 mars 1998, affaire Mbongo Mounoume Thomas contre
Etat du Cameroun (MINUH) et société Idéal voyages Sarl.
548
V. ordonnance de référé n°02/OR/PCA/CA/97-98 du 02 octobre 1997, affaire Kouogan Claude contre Etat du
Cameroun (MINUH) et Ngouomepene Joseph (intervenant). Dans la motivation de cette ordonnance, parlant de
ce dernier, il dit « (…) maître MBEN avocat à Yaoundé constitue par le défendeur Ngoumepene Joseph (…) ».
549
V. ordonnance n°60/OSE/PCA/CS/97-98. du 30 juin 1998, affaire Djike Bernard contre Etat du Cameroun.
550
V. ordonnance n°56/ORSE/PCA/CS/98-99 du 24 juin 1999, affaire Pelami Luc contre Etat du Cameroun
(MINUH) et Kongue Esso Pierre (intervenant).
551
V. ordonnance de référé n°15/OR/CS/PCA/90-91 du 24 juillet 1991, Labogénie contre Etat du Cameroun ;
ordonnance de référé n°07/OR/PCA/CS/93-94 du 25 novembre 1993, Nsegué Joseph et autres contre Etat du
Cameroun (MINAT) et Mission d’Aménagement et d’Equipement des Terrains Urbains et Ruraux (MAETUR)
130
provoque ipso facto un rallongement de l’instruction, alors que celle-ci devrait être
allégée et rapide.
131
Le désistement a donc pour finalité « l’extinction prématurée de l’instance en
cours ou de l’action engagée devant le juge (…) »557. En principe, il doit être accepté
par le défendeur.
132
désistement ; mais c’est le 07 novembre 1991, soit plus d’un mois après, qu’il a
rendu sa décision de désistement.
Toute instance, quelle qu’elle soit, appelle le prononcé d’un jugement, c’est-à-
dire d’une décision juridictionnelle qui marque ainsi la fin de l’instance devant la
juridiction qui l’a prononcée, laquelle est désormais dessaisie et ne pourra intervenir
que si elle est saisie en rétractation.
D’un point de vue juridique, le jugement revêt deux aspects. D’abord, comme
« action de juger », il « correspond à la phase de jugement qui est normalement
consécutive à la phase d’instruction, sous réserve des mesures d’instruction à
l’audience ». Ensuite, comme « résultat de l’action de juger », il « correspond à la
décision de justice administrative »560. Autrement dit, le jugement comprend : un
aspect procédural et un aspect décisoire. Ces deux aspects sont consacrés dans la
loi n°75/01 du 8 décembre 1975 pour le règlement de s litiges administratifs par la
Cour suprême saisie au principal. Cette loi n’a explicitement rien prévu pour le
règlement des litiges accessoires.
560
Ch. Debbasch et J-C Ricci, op. cit., p. 285.
133
l’instruction de la requête »561. Ce phénomène touche aussi bien la procédure de
sursis que celle de référé. Mais, si le jugement en matière de sursis est moins
hétérogène qu’en matière de référé, le résultat n’est pas différent, car il est aussi
tardivement rendu.
Pour R. Drago, « l’intervention d’un jugement statuant sans procédure est une
condition quasi fondamentale » de la célérité de la procédure562.
561
O. Dugrip , op cit., p. 172.
562
R. Drago, « La procédure de référé devant le Conseil d’Etat », RDP, 1953, p. 304.
563
O.Dugrip, op.cit., p. 179.
134
administrative et font appel à des huissiers, s’ils ont eu gain de cause, pour faire
notifier la mesure édictée au défendeur à l’effet de lui faire produire rapidement ses
effets. Le même procédé est aussi utilisé en matière de référé ; le jugement ici est
cependant moins homogène. Il en est ainsi tant sur le plan procédural que sur celui
de l’édiction de l’ordonnance.
Dans d’autres cas, par contre, le juge tient une audience suivie d’un délibéré,
avant d’édicter l’ordonnance566.
564
Copper-Royer, Note sous CE, 22 octobre 1947, SA Soprofil, AJDA, 1954 11. 483.
565
Sur un échantillon de 54 ordonnances, nous avons recensé 35 ordonnances rendues selon cette procédure.
566
Nous avons recensé 19 cas sur un échantillon de 54 ordonnances.
135
impose l’observation de cette règle de procédure »567. Or, en matière de référé
administratif au Cameroun, aucun texte n’a prévu ni organisé l’audience publique, ni
même l’audience tout court. L’absence de publicité de l’audience est peut être
« justifiée par la nécessité du traitement de l’urgence au moyen de procédures visant
à protéger les intérêts et les droits en présence »568.
Comme l’ont écrit certains auteurs, « les audiences de référé sont les lieux de
moins de plaidoiries en droit, de plus en plus de discussions de faits. Le juge devient
ainsi un organe dont la marge de décision n’est pas bornée par les écrits ; mais il est
éclairé par le débat oral (…). Il participe à une concertation tendant le plus souvent
possible à trouver un terrain d’entente. Ce n’est plus un tribunal devant lequel on
plaide. C’est un magistrat auquel on demande de trouver dans l’instant une solution
d’apaisement à un conflit plus ou moins aigu »569. Il reste que le juge de référé n’est
pas obligé de convoquer les parties ni de les entendre, l’urgence pouvant « justifier la
suppression totale des formalités relatives à l’audition des intéressés »570.
567
R Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 615.
568
Cl. Boiteau, op. cit., p. 27.
569
Jean-François Burgelin, Jean-Marie Coulon et Marie-Anne Frison-Roche, « Le juge des référés au regard des
principes procéduraux », D.,Chr. 1995 , p. 67.
570
P-L Frier , op. cit., p. 266.
571
En ce sens, v. ordonnance de référé n°7/ORSE/PCA/CS/86-87 du 18 décembre 1986 ; ordonnance de référé
n°14/ORSE/PCA/86-87 du 25 juin 1987, Fouda Etama contre Etat du Cameroun ; ordonnance de référé
n°19/ORSE/PCA/86-87 du 17 septembre 1987, Ossongo Etémé François contre Etat du Cameroun ; ordonnance
de référé n°02/OR/S/PCA/88-89 du 16 mars 1989, Sakutu Amvené Jules contre Etat du Cameroun ; ordonnance
de référé n°08/OR/CS/PCA/88-89 du 28 septembre 1989, NGWIE Emmanuel Mbang contre Etat du Cameroun ;
ordonnance de référé n°03/90-91/OR/CS/PCA du 03 décembre 1990, Bonu Innocent contre Etat du Cameroun.
572
En ce sens, ordonnance de référé n°04/OR/CS/PCA/90-91 du 29 novembre 1990, société Plantera (SARL)
contre Etat du Cameroun (MINAGRI) , SODECAO et Banque Mondiale ; ordonnance de référé
n°04/OR/CS/PCA/ 92-93 du 2 octobre 1992, dame Mayouga Yvonne contre Etat du Cameroun.
573
Concl. Lasry sur CE, 10 mai 1957, Sous- Secrétaire d’Etat à la Marine Marchande de Saint- Brévin - Les-
Pins, Rec., AJDA, 1957, p. 246.
136
C’est à l’issue de l’audience que « la discussion au cours de laquelle le
jugement sera élaboré »574, à savoir le délibéré, a lieu.
Il est donc nécessaire que cette pratique soit harmonisée, tout comme il est
souhaitable que les ordonnances soient rapidement notifiées aux parties pour être
immédiatement exécutoires, comme le prescrit l’article 124 de la loi n°75/017. Ceci
contribuerait à rendre le cadre temporel de l’instance accessoire initiale moins
élastique, donc moins long qu’il ne l’est actuellement.
574
R. Chapus , op. cit., p. 555.
137
PARAGRAPHE 2 : L’ELASTICITE DU CADRE TEMPOREL DE
Mais, peut-on douter que la qualification d’une procédure comme étant une
procédure de référé ou de sursis à exécution est tout autant significative de la nécessité
d’un jugement rapide576 ? Il s’avère pourtant que dans les faits, le cadre temporel de
jugement des demandes annexes est élastique. Cette élasticité est récurrente aussi bien
en matière de sursis à exécution (A) qu’en matière de référé (B).
S’il est vrai que l’urgence n’est pas explicitement exigée par le législateur
camerounais comme condition d’octroi du sursis, sa nécessité se dégage de
l’exigence du risque de préjudice irréparable qu’il a formulé. Aussi, pour que le sursis
soit efficace, il devrait être prononcé rapidement par le juge ; son but étant de
tempérer les effets de la règle du caractère exécutoire des décisions administratives
et du principe de l’effet non suspensif des recours contentieux.
Or, le juge administratif camerounais statue dans des délais trop longs.
S’agissant d’une procédure d’urgence, le délai de jugement devrait se compter, en
général, en semaines577. Il s’avère pourtant qu’il se compte en mois et pas seulement
de quelques mois, mais de plusieurs mois.
Il apparaît donc que le sursis remplit mal son rôle, car en réalité, les
demandes de sursis ne sont pas, pour l’essentiel, traitées d’urgence.
575
R. Chapus, op.cit , p. 812.
576
Ibid.
577
Ibid., p. 854.
138
Le dépouillement systématique de 185 ordonnances rendues par le juge
administratif camerounais de 1977 à 2001 a permis de se rendre compte que le
sursis reste une procédure très longue.
Ainsi, sur ces 185 ordonnances, 18 - soit 9,72% - ont été rendues en moins
d’un mois ; 38 entre un et deux mois ; 42 entre deux et trois mois ; 31 entre trois et
quatre mois ; 11 entre quatre et cinq mois ; 07 entre cinq et six mois ; 09 entre six et
sept mois ; 09 entre sept et huit mois ; 01 entre huit et neuf mois ; 04 entre neuf et
dix mois ; 02 entre onze et douze mois ; 10 après un an et 02 après deux ans. En
somme, 167 ordonnances - soit 90, 27% – ont été rendues après un mois.
Saisi d’une requête aux fins de sursis le 07 décembre 1998 pour suspendre
les effets d’un titre foncier datant du 07 octobre 1997, le juge ne s’y est prononcé
favorablement que trois mois après, en motivant ainsi sa décision : « Attendu que
dame Anaba né Mengue Juliette peut subir un préjudice irréparable du fait de
l’existence de ce titre foncier, celle-ci étant menacée d’expulsion alors et surtout
qu’elle a déjà aliéné le terrain litigieux »578. Peut-être qu’à la date où la requérante
saisissait le juge, elle était menacée d’expulsion. Mais entre la date de saisine et
l’édiction du sursis, son expulsion pouvait intervenir. On ne peut donc pas dire que
l’urgence a présidé au jugement de l’affaire.
578
Ordonnance n°13/OPRSE/PCA/CS/98-99 du 10 mars 1999, affaire Madame veuve Anaba née Mengue
Juliette contre Etat du Cameroun.
139
avenir sera ainsi sérieusement hypothéqué »579. Il s’avère qu’au Cameroun, l’année
universitaire commence au mois d’octobre ; or, l’ordonnance est édictée le 25 mars
1994, soit près de cinq mois après. Ce qui revient à dire que le requérant - du fait du
retard mis pour statuer sur sa demande de sursis - ne pouvait plus s’inscrire dans
une Université nationale pendant l’année académique 1993/94. En effet, on imagine
mal que les autorités académiques n’aient pas exécuté cet acte qui , par définition,
est un acte exécutoire, pendant l’année académique suivante. Le requérant aura
donc, d’une certaine façon, subi un préjudice qui a consisté en la perte d’une année
académique ; ce qui n’est pas forcément réparable.
Par ailleurs, c’est huit mois après sa saisine que le juge a ordonné la
suspension de l’exécution d’une décision du Ministre de Travail et de la Prévoyance
Sociale réintégrant un travailleur dans son entreprise580 ; or, entre temps, le
travailleur licencié avait repris son travail et était rémunéré par son employeur . Ainsi,
bien que ce dernier ait eu gain de cause, il reste qu’il a effectué des sorties
financières qui n’auraient pas eu lieu si le juge avait statué rapidement.
Enfin, que dire d’une décision rendue par le juge plus de deux ans après sa
saisine ordonnant le sursis à l’exécution des impositions faites par l’Etat au requérant
plusieurs années auparavant, au motif que « si cette décision venait à être exécutée
elle causerait un préjudice irréparable au requérant »581 ? Il faut bien que l’Etat soit
laxiste ou complice pour attendre aussi longtemps avant d’exécuter une telle
décision. A supposer que ce soit le cas, le fait que le juge statue deux ans après
l’introduction du recours aux fins de sursis démontre, à suffisance, que pour lui,
l’urgence ne conditionne pas le traitement des demandes de sursis. La situation n’est
guère différente en matière de référé.
579
Ordonnance n°16/ORSE/CS/PCA/93-94 du 25 mars 1994, affaire Nyam Charles contre Etat du Cameroun.
580
V. ordonnance n°05/CS/PCA/92-93 du 24 février 1993, affaire société Moore Paragon contre Etat du
Cameroun.
581
Ordonnance n°/ORSE/PCA/CS/91-92 du 1er novembre 1991, affaire N’Dengué Thomas Byll contre Etat du
Cameroun.
140
s’agit, non seulement de mesures d’urgence, mais également de mesures qui
interviennent dans une procédure d’urgence.
Ainsi, à titre d’exemple, c’est plus de trois mois après qu’il a été saisi que le
juge a, dans l’affaire Dutchou Jean582, ordonné la suspension de l’exécution d’une
décision du Ministre de l’Agriculture portant nomination à des postes de
responsabilités dans ledit Ministère, alors qu’en général lorsque des nominations
interviennent, les personnes concernées prennent leurs fonctions quelques jours ou
semaines après, faisant ainsi produire à l’acte de nomination ses effets juridiques,
même lorsque la décision est rédigée « avec des termes ambigus sur le titulaire du
poste d’affectation » ; car l’autorité régularise toujours la situation. Elle peut,
d’ailleurs, le faire avant que le juge saisi en référé ne statue.
De même, c’est plus de sept mois après sa saisine que le juge a, dans l’affaire
Tamo Pelap Jean-Claude583, ordonné l’arrêt des travaux effectués sur le terrain du
582
Ordonnance de référé n°46/OR/PCA/CS/97-98 du 09 avril 1998, affaire Dutchou Jean contre Etat du
Cameroun.
583
Ordonnance de référé n° 09/ORSE/CS/PCA/88-89v du 21 février 1989 affaire Tamo Pelap Jean-Claude
contre Commune Urbaine de Bafoussam.
141
requérant par des personnes à qui la Commune Urbaine de Bafoussam avait attribué
ledit terrain alors qu’il était affecté à Garoua. Le requérant pouvait, du fait du retard
mis pour statuer, être confronté à une situation de « fait accompli », puisque les
travaux engagés pouvaient s’achever avant ou pendant l’examen de sa requête.
Ce n’est pas une mauvaise chose en soit qu’avant d’ordonner le référé, le juge
auditionne les parties ; mais il ne faut pas que l’audience devienne source de
ralentissement et d’extension de l’instance. En effet, sur les 19 ordonnances rendues
par le juge après la tenue d’une audience, 16 sont intervenues au delà d’un mois.
584
Bruno Odent, « L’avocat, le juge et les délais », Mélanges René Chapus, Paris, Montchrestien, 1992, p. 490.
585
V. articles 113 à 117 de la loi n°75/017 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en
matière administrative.
586
V. article 118 de la loi n°75/017.
142
d’erreur matérielle588. On a aussi la voie de réformation ou l’appel, qui consiste à
saisir le juge supérieur pour qu’il remette en cause la décision rendue par le juge
inférieur. La voie de cassation n’existe pas dans la procédure administrative
contentieuse au Cameroun.
587
V. articles 120 et 121 de la loi n°75/017.
588
V. article 119 de la loi n° 75/017.
589
V. article 112 de la loi n°75/017 et article 14 (nouveau) al 3, 4, 5, 6 et 7de l’ordonnance n°72/06 du 26 août
1972 fixant l’organisation de la Cour suprême.
143
PARAGRAPHE 1 : L’APPRECIATION DISCRETIONNAIRE DES VOIES DE
RECOURS EN RETRACTATION
590
G. Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif, T2, op. cit., p. 237.
144
rendu »591. R. Chapus, quant à lui, l’appréhende comme « la voie de recours que,
devant la juridiction qui a statué, une partie défaillante (c’est-à-dire qui n’a produit
aucunes observations ou aucunes observations régulières au cours de l’instance)
peut exercer contre le jugement rendu par défaut »592. Enfin, R. Odent, pour sa part,
la définit comme « la voie de recours ouverte à la partie défaillante contre les
593
décisions rendues par défaut » .
Il se dégage de ces définitions d’une part que seules les parties mises en
cause et qui n’ont produit ni mémoires, ni observations peuvent faire opposition, et,
d’autre part, que l’opposition a pour effet d’entraîner un nouvel et entier examen de
l’affaire.
Statuant dans deux espèces594 sur des recours en opposition contre des
ordonnances de sursis qu’il a rendues, le juge administratif a adopté des positions
pour le moins étonnantes. Dans la première espèce595, il déclare le recours
irrecevable au motif que le sursis à exécution régi par les articles 16 et suivants de la
loi n°75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant
en matière administrative « est une mesure essentiellement provisoire qui n’est pas
susceptible de recours » ; mais, au lieu de prononcer le rejet du recours en la forme,
il l’examine au fond, et ne procède à son rejet que parce que, « subsidiairement (…),
le représentant de l’Etat, n’apporte aucun élément nouveau pouvant provoquer la
modification de l’ordonnance attaquée ». Autrement dit, il serait revenu sur son
ordonnance si le représentant de l’Etat avait apporté des éléments nouveaux, bien
qu’il ait déclaré le recours irrecevable. Cette position est bien curieuse, car le juge
admet que la déclaration d’irrecevabilité peut être remise en cause par des éléments
591
Ch Debbasch et J-C Ricci ; op. cit., p. 569.
592
R.Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 792.
593
R. Odent, Contentieux administratif, op. cit., p. 983.
594
Ordonnance n°71/OSE/PCA/CS/97-98 du 2 septembre 1998, affaire société Socadic contre Etat du Cameroun
(MINAT) et ordonnance n°15/ORDRO/PCA/CS/99-2000, affaire Kéau Ngani André contre Etat du Cameroun,
Procureur général près la Cour d’appel du Centre et Sahely Cameroon Motors.
595
Ordonnance n°71/PCA/CS/97-98 du 2 septembre 1998.
145
de fond. Il en résulte que le motif d’irrecevabilité n’a plus sa raison d’être. Ceci est
d’autant plus plausible que dans la seconde affaire, il a repris l’idée du Ministère
public sur l’irrecevabilité de la demande en rétractation introduite par le Procureur
Général près la Cour d’Appel du Centre au motif que « le sursis à exécution est une
mesure provisoire qui n’est pas susceptible de recours », mais, a, malgré tout,
déclaré ladite demande « recevable en la forme pour avoir été faite dans les formes
et délais prévus par la loi (sic !) », et l’a examinée au fond. Il ne l’a rejetée à ce stade
que parce que « le sursis à l’exécution (…) n’a été accordé que dans le but de
préserver les intérêts des parties en attendant les issues des instances de
fond ;(…) » et qu’ « il ne saurait dès lors être opportun, au risque de préjudicier à
ces intérêts des parties de rétracter l’ordonnance querellée ».
596
Sur cette notion et ses conditions d’exercice, lire André Heurte, « La tierce – opposition en droit
administratif », D., Chr 1955, pp. 67-72 et Raymond Guillien « Tierce opposition », Répertoire de Droit public
et administratif, 1959, T2, pp. 919-920.
597
R.Odent, op. cit., p. 986. Pour Marcel Waline, « la tierce opposition est la voie de recours contre une décision
de justice par une personne qui n’a pas été partie à l’instance, mais qui estime que le jugement préjudice à ses
droits », v. M. Waline, Précis de droit administratif, Paris, Montchrestien, 1969, pp. 182-183. Ch. Debbasch et J-
C Ricci, pour leur part, définissent la tierce opposition comme « une voie de droit ouverte aux personnes qui
n’ont pas été présentes ou représentées dans une instance pour leur permettre de remettre en cause un jugement
qui préjudicie à leurs droits », v. Ch. Debbasch et J-C Ricci, op. cit., p. 576.
146
Ainsi, la tierce opposition « est offerte à ceux qui tout à la fois n’ont pas figuré à
l’instance - et qui ne disposent donc pas des voies de recours ordinaires -, et qui étaient
pourtant concernés par le procès qui y a été tranché et qui auraient donc mérité d’y être
associés »598. On peut donc considérer qu’elle est la réponse à l’idée selon laquelle « il
n’est bon procès sans large débat »599 et qu’elle constitue la sanction du principe selon
lequel « l’action en justice (…) ne doit pas devenir le moyen d’obtenir un titre à l’encontre
de personnes qui n’ont pu se faire entendre du juge »600.
598
B. Pacteau, op. cit., p. 404.
599
Ibid.
600
A. Heurte, op. cit., p. 67.
601
R. Chapus, op. cit., p. 795.
602
Ibid.
603
A. Heurte, op. cit ., p. 69.
147
Sur le premier point, il a eu à rejeter comme irrecevables des recours en tierce
opposition, tantôt au motif que « seules peuvent être rétractées les décisions
judiciaires susceptibles de recours normaux »604, tantôt au motif que « la loi n°75/17
du 8 décembre 1975 n’a pas prévu les cas de rétractation de l’ordonnance de sursis
à exécution »605, tantôt au motif que « la rétractation n’est pas prévue en cette
matière »606, ou que « le sursis à exécution est une mesure essentiellement
provisoire qui n’est pas susceptible de voies de recours, aucun texte ne l’ayant
prévu »607, ou encore que « la loi n’a pas prévu de rétractation pour une ordonnance
de sursis qui est une mesure essentiellement provisoire »608, ou alors au motif que
« le sursis à l’exécution est une mesure essentiellement provisoire qui n’est pas
susceptible de voies de recours »609, ou même que « le sursis à exécution est une
procédure essentiellement provisoire qui n’est susceptible d’aucune voie de recours,
nul texte ne l’ayant prévu »610, ou enfin que, « le sursis à exécution est une mesure
essentiellement provisoire qui n’est pas susceptible de recours, aucun texte de loi ne
l’ayant prévu »611.
604
Ordonnance n°04/OSE/PCA/CS/87-88 du 25 novembre 1987, affaire MAETUR contre Nobra et Etat du
Cameroun.
605
Ordonnance n°24/OSE/PCA/CS/93-94 du 02 juin 1994, affaire Banque Méridien BIAO Cameroun contre
S.C.I-Ponty et Etat du Cameroun.
606
Ordonnance n°11/OSE/PCA/CS/98-99 du 9 février 1999, affaire Keuko Alexandre contre Etat du Cameroun
et Feupissie Jean-Marie (intervenant).
607
Ordonnance n°25/PCA/CS/98-99 du 29 avril 1999, affaire, la Cameroon Development Corporation contre
Etat du Cameroun et société Bonchon Compagny Limited ; ordonnance n°09/ORTO/PCA/CS/00-2001 du 28
novembre 2000, affaire Cheikh Daouda Mohaman contre Etat du Cameroun et Nji Mpempeme Moussa ;
ordonnance n°15/ORSE/PCA/CS/00-2001 du 25 janvier 2001, affaire Teumi Jean- Paul contre Etat du
Cameroun et Pemite Jean-Calixte (intervenant) et ordonnance n°22/ORSE/PCA/CS/2000-2001 du 26 février
2001, affaire Andjongo Germain contre Etat du Cameroun et Succession Koa Maurice.
608
Ordonnance n°64/OSE/PCA/CS/98-99 du 12 juillet 1999, affaire Atangana François et autres contre Etat du
Cameroun et Mamadou Rouphaï (intervenant).
609
Ordonnance n°19/OSE/PCA/CS/99-2000 du 31 mars 2000, affaire Mademoiselle Nkwein Gwa Nzouetchom
Diane contre Etat du Cameroun et dame Noukedio née Tchounang Thérèse (intervenant volontaire).
610
Ordonnance n°10/ORTO/PCA/CS/00-2001 du 28 novembre 2000, affaire Cheikh Daouda Mohaman contre
Etat du Cameroun et Nji Mpempeme Moussa.
611
Ordonnance n°32/ORSE/PCA/CS/00-01 du 23 mars 2001, affaire ONEPI contre Etat du Cameroun et Nji
Mpempeme Moussa.
612
Ordonnance n°64/OSE/PCA/CS/98-99 du 12 juillet 1999.
613
Il s’agit de l’ordonnance n°51/OSE/PCA/CS/96-97 du 30 juillet 1997 portant rétractation de l’ordonnance
n°37/OSE/PCA/CS/96-97 du 21 juin 1997.
148
juridique au motif de rejet allégué, il affirme, dans l’affaire Andjongo Germain614 que
l’ordonnance « a été rendue sur avis conforme du Ministère public ».
149
s’attaque à un préjudice prétendument né de la chose jugée et qui doit donc exister
réellement »621. Aussi, « il ne peut du tout être considéré comme certain que le droit
d’intervention fonde le droit de tierce – opposition »622, comme semble vouloir l’établir
le juge dans l’affaire MAETUR. Si le tiers opposant doit être réellement concerné par
le jugement qu’il met en cause, « il ne doit naturellement pas avoir participé à la
première instance, c’est-à-dire y avoir participé ou été représenté »623 . Il doit avoir
été « tiers à l’instance initiale »624, pour « se prévaloir d’un droit auquel la décision
entreprise aurait préjudicié »625. Sur ce point, on est d’accord avec le juge lorsqu’il
affirme, toujours dans l’affaire MAETUR, que pour être admis à se pourvoir contre
une décision judiciaire, il faut « en avoir éprouvé un préjudice ».
621
Ch. Debbasch et J-C Ricci, ibid.
622
Raymond Guillien, op. cit., p. 920.
623
B. Pacteau, op. cit., p. 406 ; v. CE, 20 novembre 1931, France , Rec., 1017 ; CE, 2 avril 1993, ville de Bastia,
Rec. , p.494.
624
O. Gohin , op. cit., p. 360.
625
Ibid., p. 361. Cette condition résulte de la transposition dans la procédure administrative contentieuse de la
règle générale posée par l’ancien Code de Procédure Civile de 1806.
626
Ordonnance n°11/OSE/PCA/CS 98-99 du 09 février 1999.
627
Ordonnance n°13/ORDRO/PCA/CS/99-2000, affaire Ncthoutcha Gaston contre Etat du Cameroun et dame
Edanha née Enyegue Antoine.
150
Ministère public, à savoir que « le sursis à exécution est une mesure provisoire qui
n’est pas susceptible de recours ». Il l’a rejetée au fond au motif qu’ « en accordant
le sursis à exécution querellé, le juge administratif n’a fait que prendre, dans le cadre
de ses compétences, une mesure provisoire visant à préserver les intérêts des
parties dans l’attente de l’issue à intervenir au fond (…) ; qu’il ne saurait donc dès
lors être question au risque de préjudicier à ces intérêts des parties, de rétracter
628
l’ordonnance dont s’agit ». Dans les affaires Tsanga Messi et Momnza Betty
André629, alors même que les requérants avaient bel et bien introduit des recours en
tierce opposition, il a, fort curieusement, pour ne pas avoir à se prononcer sur leur
qualité, transformé la tierce – opposition en intervention volontaire et déclaré les
recours recevables en la forme, arguant comme motif le fait que la Chambre
administrative n’a « pas encore statué sur le recours introduit au fond ». Il déclare en
substance630 : « Attendu que cette action - la tierce opposition - s’analyse en réalité
comme une intervention volontaire prévue par l’article 88 de la loi n°75/17 du 8
décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en matière
administrative, qui l’admet en tout état de cause pour tous ceux qui ont un intérêt
dans le règlement du litige ».
628
Ordonnance n°19/OSE/PCA/CS/97-98 du 15 décembre 1997, affaire Tsanga Messi contre Etat du Cameroun.
629
Ordonnance n°20°OSE/PCA/CS/97-98 du 15 décembre 1997, affaire Momnza Betty André contre Etat du
Cameroun.
630
La formule utilisée est identique dans les deux espèces.
151
Il y a lieu de regretter une telle confusion qui paraît avoir été entretenue à
dessein, car dans le fond, les tiers opposants, devenus pour les besoins de la cause
intervenants, ont obtenu la rétractation des ordonnances contestées, le juge ayant
considéré dans l’un et l’autre cas que les arguments avancés par les représentants
de la partie « "intervenante" 631 dans la cause sont pertinents », sans pour autant dire
pourquoi et en quoi.
On savait que la rétractation des décisions de justice s’opérait par les voies de
l’opposition, de la tierce opposition et de la révision. Le juge, dans ces deux affaires,
y a ajouté une autre voie : l’intervention volontaire. Ne dit-il pas dans l’une et l’autre
affaires, après avoir admis que les recours introduits participent d’une intervention
volontaire, qu’« il y a lieu de rétracter l’ordonnance attaquée » et qu’ « (…) il est
ordonné la rétractation de l’ordonnance n° (…) » ?
Enfin, dans les affaires Nacho C.H.S et sociétés SOCIB Maritime Navron632,
le juge n’a évoqué ni le moyen tiré de la légitimité juridique de l’exercice de la tierce
opposition ni le moyen tiré de la qualité des requérants. Dans la première affaire, il
n’a procédé au rejet des recours qu’au motif que le tiers opposant n’a apporté
« aucun élément nouveau susceptible de justifier ladite demande de rétractation » ;
tandis que dans la seconde affaire, il n’a rejeté le recours que parce que les sociétés
requérantes n’ont apporté « à l’instance aucun élément nouveau susceptible de
fléchir la position de la Chambre de céans ». Mais on se demande comment le juge
pouvait, en particulier dans la seconde affaire, rétracter l’ordonnance querellée qui
était déjà une ordonnance portant rétractation d’une autre ordonnance de sursis633,
d’autant plus qu’il considère que « rétractation sur rétractation ne vaut ».
631
Le terme est du juge. Dans ces deux espèces, la partie intervenante est la même à savoir la Caisse Nationale
de la Prévoyance Sociale.
632
Ordonnance n°16/OSE/PCA/CS/ 97-98, affaire Sociétés SOCIB Maritime Navron contre Etat du cameroun.
152
b. L’appréciation de la tierce opposition en matière de référé
Dans la première espèce, dont la particularité est qu’il s’agit d’un jugement et
non d’une ordonnance comme il est de tradition en matière de référé, le juge a
déclaré le recours irrecevable sur la base des règles édictées par le droit commun. Si
la démarche adoptée se justifie, le fondement juridique du rejet laisse perplexe.
Les règles de droit commun auxquelles la loi fait allusion sont contenues dans
le Code de Procédure Civile et Commerciale. Il s’agit des dispositions de l’article 185
d’après lesquelles « les ordonnances sur référé ne feront aucun préjudice au
principal,… Elles ne sont pas susceptibles d’opposition… ».
Là où le bật blesse, c’est que nulle part dans cet article, il n’est fait allusion à
la tierce opposition, qui est bien différente de l’opposition à laquelle il se réfère.
Pourtant, il n’y a pas de doute que dans l’espèce en question, le requérant a bien
saisi le juge administratif « aux fins de tierce opposition ».
On ne peut pas croire que traitant du recours en tierce opposition, le juge ait
choisi délibérément de supprimer le membre de la phrase de l’article qui y fait
allusion. En somme, le motif de rejet allégué par le juge paraît tiré par les cheveux.
Quand on se rend compte que c’est la Chambre administrative dans sa composition
statutaire qui a siégé en l’espèce, cela laisse l’analyste perplexe et dubitatif.
633
Il s ‘agit de l’ordonnance n°51/OSE/PCA/CS/96-97 du 30 juillet 1997 qui a rétracté l’ordonnance
n°37/OSE/PCA/96-97 du 26 juin 1997.
634
Jugement n°7/CS/CA/91-92 du 28 novembre 1991, affaire Kenkeu Théophile contre Commune Urbaine de
Bafoussam et Tamo Pelap (intervenant volontaire).
635
Ordonnance de référé n°77/OR/PCA/CS/97-98 du 21 septembre 1998, affaire Société Royal Flush contre Etat
du Cameroun et SOCADIC (intervenante).
153
Dans la seconde espèce, le juge s’est déclaré incompétent, pas parce qu’il ne
peut pas se prononcer sur la tierce opposition, mais plutôt parce que « la rétractation
n’est pas prévue en matière de sursis à exécution (sic !) ». Une telle motivation,
discutable dans sa formulation, et, a priori, incompréhensible, ne peut être
appréhendée que si l’on se réfère à l’objet du recours introduit par le requérant. En
effet, ce dernier a saisi le Président de la Chambre administrative, « juge des référés
en tierce opposition pour rétracter l’ordonnance de sursis à exécution
n°59/OSE/PCA/CS97/98 du 18 juin 1998 rendue par le magistrat susvisé ». Il est
donc clair que le juge a mal motivé sa décision. Il aurait dû dire que le juge des
référés est incompétent pour ordonner la rétractation d’une ordonnance de sursis. En
statuant comme il l’a fait, il s’est substitué au juge du sursis, tout en restant juge des
référés. Il s’agit d’un dédoublement fonctionnel que rien juridiquement ne justifie,
bien que ce soit le même juge - le Président de Chambre administrative - qui statue
dans ces deux matières.
L’article 120 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975 énumère les quatre cas
dans lesquels la révision d’une décision contradictoire peut être demandée, à savoir :
- lorsqu’il a été statué sur les pièces reconnues ou déclarées fausses depuis
la décision ;
636
Ch. Debbasch et J-C.Ricci , op. cit., p. 584.
637
G. Vedel et P. Delvolvé, op. cit., p. 238.
154
- lorsqu’une partie a succombé, faute de présenter une pièce décisive
retenue par son adversaire ;
638
V. ordonnance n°38/OSE/PCA/CS/00-01 du 05 avril 2001, affaire Ministère de l’Environnement et des Forêts
(MINEF) contre Société forestière PETRA S.A et Cameroon United Forest et ordonnance n°39 /OSE/PCA/CS
00-01 du 05 avril 2001 affaire Cameroon United Forest (C .U .F), Etat du Cameroun (MINEF) contre Société
forestière PETRA S.A.
155
dossier », en ayant « le souci de s’abstenir à se prononcer sur les arguments qui
relèvent du fond du litige ». Il indique, ensuite, que « l’urgence est de règle en
matière de sursis et que les conséquences de l’inobservation des délais d’échange
de mémoire y afférents ne sont pas d’ordre public ». Enfin, il évoque la nécessité
d’éviter des analyses ayant trait à l’examen au fond de l’affaire, les arguments
avancés par les parties en présence et les observations pertinentes contenues dans
les réquisitions du Ministère public, les contestations relatives à l’affaire et « la
nécessité de maintenir les parties dans leurs droits issus de l’ordonnance
n°14/OSE/PCA/CS/00-01 du 16 janvier 2001 en attenda nt l’examen au fond dudit
dossier ».
Aucun délai n’est prescrit par les textes au juge pour statuer sur les recours
en rétractation. La conséquence en est que le temps qu’il met pour statuer est
essentiellement variable et extensible. Il s’avère que cet état de fait relativise, voire
annihile l’urgence qui devrait régir les procédures accessoires.
639
V. CE, Ass. , 4 mars 1995, dame veuve Sticotti, Rec., p.131, RDP, 1955, p. 733. Conclusions Jacomet, AJDA,
1955. II, 370, note Copper-Royer.
156
En matière de sursis, la durée d’examen des recours en rétractation connaît une
variation récurrente, tandis qu’en matière de référé, elle connaît une extension excessive.
En ce qui concerne les recours en opposition, le juge met plus d’un mois pour
statuer. Ainsi, dans l’affaire société SOCADIC640, il a statué le 02 septembre 1998,
alors qu’il a été saisi le 20 juillet 1998.
Quant aux recours en tierce opposition, une seule affaire a été traitée en
641
moins d’un mois. Il s’agit de l’affaire Société SOCIB Maritime Navron dans
laquelle le juge a rendu sa décision 24 jours après avoir été saisi. A la lecture de
cette ordonnance, on comprend pourquoi elle a été rendue dans ce délai. En effet, le
requérant demandait la rétractation d’une ordonnance qui avait rétracté une autre
ordonnance. En l’espèce, le juge a rejeté le recours en déclarant que « rétractation
sur rétractation ne vaut ».
En dehors de ce cas d’espèce, toutes les autres ordonnances ont été édictées
au-delà d’un mois642. On retrouve ainsi des ordonnances édictées quatre643 ; cinq644,
huit645, neuf646, voire douze mois647, après l’introduction des recours. Pour le cas de
douze mois, le recours a été introduit le 06 novembre 1986 et c’est le 25 novembre
1987 que le juge a rendu son ordonnance de rejet.
640
Ordonnance n°71/OSE/PCA/CS/97-98 du 2 septembre 1998.
641
Ordonnance n°16/OSE/PCA/CS 97-98, affaire SOCIB Maritime Navron contre Etat du Cameroun.
642
Les ordonnances rendues au delà d’un mois et en deçà de deux mois sont essentiellement des ordonnances qui
ont prononcé la rétractation des ordonnances de sursis querellées. V. ordonnance n°20/OSE/PCA/CS/97-98 du
15 décembre 1997 et ordonnance n°66/OSE/PCA/CS/97-98 du 15 décembre 1997.
643
V. ordonnance n°64/OSE/PCA/CS/98-99 du 12 juillet 1999 et ordonnance n°22/ORSE/PCA/CS/2000-2001
du 26 février 2001.
644
V. ordonnance n°09/ORTO/PCA/CS/00-2001 du 28 novembre 2000 et ordonnance n°10/ORTO/PCA/CS/00-
2001 du 28 novembre2000.
645
V. ordonnance n°32/ORSE/PCA/CS/00-01 du 23 mars 2001.
646
V. ordonnance n°15/ORSE/PCA/CS/00-01 du 25 novembre 2001.
647
V. ordonnance n°04/OSE/PCA/CS/87-88 du 25 novembre 1987.
157
Pour ce qui est des recours en révision, la durée moyenne d’examen est de
648
deux mois. Le juge met le même temps pour se prononcer sur la recevabilité et
pour statuer sur le fond649.
Il se dégage de ce qui précède que le juge n’intègre pas dans l’examen des
recours en rétractation la notion de temps ou plus exactement d’urgence. De fait, il
n’a pas le temps de l’urgence et le temps de l’urgence n’est pas son temps.
L’extension excessive de la durée d’examen des recours en rétractation en matière
de référé en constitue une autre preuve patente.
Les deux décisions que l’on a pu obtenir en matière de référé ont été rendues
dans des délais extrêmement longs. L’une l’a été plus de douze mois après la saisine
du juge650 ; tandis que l’autre l’a été plus de quatorze mois après l’introduction du
recours651.
648
En ce sens, ordonnance n°39/OSE/PCA/CS/00-01 du 05 avril 2001.
649
En ce sens, ordonnance n°38/OSE/PCA/CS/00-01 du 5 avril 2001.
650
V. jugement n°7/CS/CA/91-92 du 28 novembre 1991, Kenkeu Théophile contre Etat du Cameroun.
651
V. ordonnance de référé n°77/OR/PCA/CA /97-98.
158
En définitive, le temps mis par le juge pour statuer prolonge de façon
excessive les procédures d’urgence accessoires ; Par ailleurs, la rétractation des
mesures provisoires, qui ne sont pourtant édictées que pour préserver les droits des
parties dans l’attente du règlement du litige au fond, pose problème. En effet, faut-il
rétracter une décision qui de toutes les façons finira par perdre ses effets dès
l’édiction et la notification aux parties de la décision au fond ? On est tenté de
répondre par la négative. Mais lorsqu’on sait qu’il existe des ordonnances de sursis
et de référé qui ont été rendues sans que le recours au fond ait été introduit et que,
par ailleurs, il en est d’autres qui ont été rendues et que l’instance au fond est
pendante depuis des années devant le juge administratif, on est plus réservé sur la
réponse à donner.
De façon plus précise, l’ appel « est une voie de recours dirigée contre un
jugement rendu en premier ressort afin d’obtenir de la juridiction à laquelle il est
adressé qu’elle censure ce jugement et adopte une nouvelle décision sur le litige
auquel il a donné lieu »653. Il s’agit donc d’une voie de réformation qui fait bénéficier
les justiciables d’un double degré de juridiction en portant les procès « devant un
juge supérieur »654.
652
Cité par Paul Louis-Lucas, « Recours pour excès de pouvoir et double degré du juridiction », D., Chr. 1975,
p.116.
653
G. Vedel et P.Delvolvé; op. cit.. p. 312.
654
P. Louis-Lucas, op. cit. p 116.
655
Roger Gabriel Nlep, L’administration publique camerounaise, Paris LGDJ, 1986, p. 368.
159
jugements rendus par la Chambre administrative sont susceptibles d’appel devant
l’Assemblée plénière de la Cour Suprême ».
656
L’article 14 al .5(nouveau) de l’ordonnance n°72/ 06 du 26 août 1972 dispose que « l’appel sauf décision
contraire de l’Assemblée plénière suspend l’exécution » (de la décision de la Chambre administrative).
657
L’article 14 al 4 (nouveau) de l’ordonnance n° 72/06 parle d’« un effet dévolutif général ».
658
Maxime Letourneur, « L’effet dévolutif de l’appel et l’évolution dans le contentieux administratif », EDCE
n°21 , 1968, p.60.
659
V. CE , 6 juin 1949, Favret, Rec., p. 288.
160
A. L’APPLICATION DES REGLES CLASSIQUES REGISSANT L’APPEL
660
CS/AP, arrêt n°5/A du 27 avril 2000, Etat du Cameroun contre Etokè Joël.
661
CS/AP, arrêt n°8/A du 23 novembre 2000, Etat du Cameroun contre Collectivité de Maképé.
662
CS/AP, arrêt n°1/A du 16 février 1989, Etat du Cameroun contre succession Roggow.
161
que l’instruction du recours allait se poursuivre663. En fait, dans cette espèce, la
régularisation a eu lieu à l’initiative du Président de la Cour Suprême, conformément
à l’article 34 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975 qui dispose que si le demandeur
ne s’est pas conformé aux prescriptions relatives aux conditions et modalités de
dépôt du mémoire, « le Président l’invite à régulariser son recours dans un délai de
quinze jours à peine d’irrecevabilité ».
Si le requérant peut être invité à régulariser son recours, celui-ci doit avoir été
déposé dans le délai légal d’appel.
b. Le délai d’appel
663
CS/AP, arrêt n°1/A du 2 novembre 1989, Etat du Cameroun contre Succession Roggow.
664
R.G. Nlep, op. cit., p. 369.
665
CS/AP, arrêt n°18/A du 18 avril 1996, Etat du Cameroun contre Nyam Charles.
162
2. L’instruction et le jugement de l’appel en matière de sursis et de référé
a. L’instruction de l’appel
666
V. article 28 al. 1 de la loi n°75/017.
667
V. article 38 al. 2 de la loi n°75/017.
668
Article 40 al c.1 de la loi n°75/017.
163
Le Procureur Général doit, en principe, dans les trente jours de la
transmission dudit dossier le rétablir « au greffe avec ses conclusions et ses
propositions pour l’inscription de l’affaire au rôle »670. Cette inscription est arrêtée
par le Président de la Cour Suprême. Le greffier en chef se charge alors d’envoyer
aux parties ou à leurs représentants « une convocation qui précise la date et l’heure
de l’audience à laquelle » l’ « affaire est appelée »671 pour être jugée.
b. Le jugement de l’appel
C’est pendant l’audience que la Cour entend la lecture par le rapporteur de son
rapport ainsi que les conclusions du Procureur Général ou de son représentant. A l’issue
de l’audience, au vu des mémoires ampliatifs, en réponse et en réplique produits par les
parties, l’Assemblée Plénière, après avoir délibéré – conformément à la loi – rend « en
audience publique ordinaire »674 son arrêt. Mais pour en arriver là, elle met plusieurs mois,
voire plusieurs années. Qui plus est, il existe des appels – assez nombreux – qui n’ ont
jamais été examinés ou inscrits au rôle, alors qu’ils ont été introduits il y a belle lurette . Il
s’agit d’une situation constitutive de déni de justice.
669
Article 40 al 2 de la loi n°75/017.
670
Article 41 al 2 de la loi n°75/017
671
article 43 al. 3 de la loi n°75/017.
672
D’après cet article, l’Assemblée plénière, juge d’appel en matière administrative, comprend cinq magistrats,
membres de la Cour Suprême, à l’exception de celui ou de ceux d’entre eux qui auraient participé au jugement
de l’affaire en première instance ; le Procureur Général ou l’Avocat Général près la Cour Suprême ou un
Substitut du Procureur Général près ladite Cour ; le greffier en chef de la Cour Suprême.
673
Article 44 al. de la loi n°75/017.
674
En ce sens, voir en matière de référé, CS/AP, arrêt n°5/A du 21 novembre 1985, affaire Procureur Général
Cour Suprême contre Sighoko Fossi Abraham.
164
B. UNE DUREE D’INSTANCE D’APPEL CONSTITUTIVE DE DENI DE
JUSTICE
675
Dénoncé par M.Waline dans le contexte français, v. RDP, 1973, p 1064-, elle est la source de non lieu à
statuer au cas où le tribunal administratif tranche le fond avant que le juge d’appel se soit prononcé sur le sursis :
CE 27 mars 1963, Ville de Cherbourg, Rec., p. 960 ; CE, 24 février, 1959, Secrétaire d’Etat à la reconstruction
contre Boissmery, Rec., p. 149.
676
Louis Favoreu, Du déni de justice en droit public français, Paris LGDJ, 1964, p. 534.
677
Ibid.
678
Gérard Pluyette et Pascal Chauvin, in JurisClasseur de procédure civile, Fasc. 74 (daté 6/1993), cité par L.
Favoreu, « Résurgence de la notion de déni de justice et droit au juge », Mélanges Jean Waline, Paris, Dalloz,
2002, p.515.
679
V. Gaz. Pal., 25 août 1994, p. 589, Note Serge Petit.
165
Quant à l’affaire Ngassam Thomas Débonnaire685, l’arrêt de l’Assemblée
plénière y relatif est intervenu près de onze (11) ans après qu’elle a été saisie. En
effet, saisie le 21 janvier 1990, elle a statué le 4 janvier 2001.
Les retards mis par l’Assemblée plénière pour statuer sur les recours en appel
en matière de sursis et de référé constituent la forme presqu’ achevée de déni de
justice. Il en est ainsi de cinq (05) recours en appel introduits depuis plusieurs
années et qui n’ont jamais été jugés.
685
CS/AP, arrêt n° 28/A du 4 janvier 2001, Ngassam Thomas Débonnaire contre Etat du Cameroun.
686
CS/AP, arrêt n°29/A du 27 janvier 1996, Sienche Maurice et autres contre Etat du Cameroun.
687
Les informations et données produites sur ce point ont été recueillies au greffe de la Cour Suprême au courant
de l’année 2002. Il est donc possible que les choses aient évolué entre temps ; mais cette évolution n’est pas de
nature à remettre en cause l’idée centrale relative au déni de justice.
167
du 4 février 1992. Le dossier relatif à ce recours a été communiqué au Président de
la Cour Suprême pour désignation du rapporteur le 10 juin 1994, soit deux ans après
son introduction, mais, jusqu’à la fin de l’année 2002, l’affaire n’était pas encore
jugée, c’est-à-dire près de huit ans après la transmission du dossier au Président de
la Cour Suprême, et dix ans après l’introduction de l’appel.
168
On a, ensuite, un appel introduit le 11 mars 1998 contre l’ordonnance de
référé n°40/OR/PCA/CS/97-98 du 5 mars 1998 dont le dossier n’a été communiqué
au Président de la Cour Suprême que le 15 novembre 2000 pour désignation du
rapporteur, soit plus de deux ans après cet appel et jusqu’à la fin de l’année 2002,
c’est-à-dire près de quatre ans après son exercice, cet appel n’était toujours pas
jugé.
CONCLUSION DU TITRE I
688
J. Morand-Deviller, « Le contrôle de l’administration : la spécificité des méthodes du juge administratif et du
juge judiciaire », op. cit., p.190.
169
caractéristiques propres de chaque catégorie de contentieux »689 . Il est un fait
aujourd’hui que « la demande sociale d’effectivité réelle et rapide de la décision du
juge s’accroît »690 . C’est pourquoi les pouvoirs publics camerounais ont aménagé
d’autres procédures dites spéciales au niveau de la procédure administrative
contentieuse pour que le juge administratif statue dans des délais relativement brefs
sur des affaires dont le caractère urgent est avéré. Mais, la considération par lui de
l’urgence dans ces procédures est, comme dans les procédures accessoires,,
contingente.
689
Marie-Aimée Latournerie, « Réflexions sur l’évolution de la juridiction administrative française », RFDA,
n°16, 2000, p.928.
690
Ibid., p. 926.
170
TITRE II
171
A la différence des procédures contentieuses accessoires qui sont annexes à
la procédure principale, les procédures contentieuses spéciales sont une
composante de la procédure contentieuse mais dont certaines règles dérogent à
celles de la procédure normale ou ordinaire dans le but de l’alléger et permettre au
juge de statuer rapidement pour éviter que l’écoulement du temps ne porte
définitivement atteinte aux droits et intérêts du requérant. Ces procédures concernent
des matières limitativement déterminées par le législateur et le Pouvoir
réglementaire.
172
CHAPITRE I
LA FLUCTUATION DU CONTROLE DE LA
RECEVABILITE DES DEMANDES
173
L’institution des procédures d’urgence spéciales ne remet pas en cause toutes
les conditions d’introduction de la demande devant le juge administratif. Aussi, bien
que devant statuer rapidement, le juge est généralement amené à examiner la
demande sur le plan de la recevabilité, comme il le fait dans le cadre de la procédure
contentieuse normale. Il en examine ainsi la recevabilité externe (section I) et la
recevabilité interne (section II). Ce contrôle, qui est fonction de chaque cas d’espèce,
est essentiellement fluctuant. Il traduit à la fois la démarcation et le rapprochement
des procédures d’urgence spéciales de la procédure contentieuse ordinaire et
permet d’appréhender l’étendue et les limites de la prise en compte de l’urgence par
le juge administratif camerounais.
L’examen des décisions rendues dans des matières soumises aux procédures
d’urgence spéciales montre que l’application par le juge des règles relatives à la
recevabilité externe des demandes est fluctuante. Il en est ainsi lorsqu’il détermine
la qualité pour agir (§ 1), vérifie la conformité des recours aux délais contentieux (§
2), et exige la production des éléments annexes de la demande (§ 3).
La qualité est une notion polysémique691. La doctrine lui attribue trois sens,
sans compter le sens commun. Le premier sens « recouvre la qualité à agir pour le
compte d’autrui et n’a un sens que par rapport à la notion de représentation »692.
691
V. M. Courtin, « Intérêt et qualité pour agir », J.-Cl. Dr. Adm, 1993, n° 51 et P. Charlot, « L’actualité de la
notion de "" qualité donnant intérêt à agir », RFDA, 1996, p. 481.
692
P. Charlot, ibid.
174
La qualité peut aussi « recouvrir la situation juridique du demandeur, le titre en
vertu duquel il peut engager le procès »693. Enfin, c’ est « le pouvoir de saisir le juge
et de l’obliger à statuer sur le bien- fondé de la demande »694.
Comme l’écrit E. Laferrière, « le droit de réclamer contre les élections doit être
largement accordé à tout le corps électoral, il doit l’être aussi à l’administration, non
dans l’intérêt de ses préférences, mais dans un intérêt supérieur de la légalité et de
bon ordre »697. Ce droit appartient à tout électeur de la commune où se fait
l’élection ; il appartient également à tout candidat698. Peut-il appartenir aussi à tout
candidat ou individu « même s’il n’est pas électeur dans la circonscription »699 alors
même que la loi ne lui a pas explicitement reconnu ce droit ? Le Conseil d’Etat
français l’a admis pour le candidat non électeur en indiquant que ce droit résulte de
sa qualité de partie intéressée700. Sur cette question, la position du juge administratif
camerounais n’est pas définitivement établie. Si dans certains cas il détermine de
façon stricte la qualité pour former une réclamation ou une protestation contre les
opérations relatives aux élections au sein de la commune (A) ; dans d’autres cas, par
contre, il le fait de façon extensive (B).
693 693
Ibid., pp. 481-482.
694
M. Laligant, « La notion d’intérêt pour agir et le juge administratif », RDP, 1971, p. 50.
695
- Cl. Giverdon, « La qualité, condition de recevabilité de l’action en justice », D.I, 1952, p.85 ; V. aussi
Morel, Traité élémentaire de la procédure civile, 2e éd., Paris, 1949, n° 22.
696
Cl. Giverdon, op. cit., p. 85 Marie-Christine Rouault, Contentieux administratif, Paris, Gualino Editeur, 2000,
p. 180.
697
E. Lafferrière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, préface R. Drago, T1, Paris,
LGDJ , 1989 ,p .325.
698
V. article 33 de la loi n° 92/002 du 14 août 1992.
699
E. Laferrière op. cit.
700
CE, 20 Juin 1865, El. De Fresnes, v. E . Laferrière, ibid.
175
A. UNE DETERMINATION STRICTE DE LA QUALITE POUR AGIR
La qualité pour agir en matière électorale est attribuée par la loi à certaines
catégories de requérants. En principe, cette qualité « leur est confiée pour défendre
l’intérêt public qui s’attache au respect de la démocratie, plus que pour l’intérêt privé
qui peut s’y trouver mêlé »701. C’est ainsi qu’en application des prescriptions
législatives, le juge camerounais détermine de façon stricte la qualité pour contester
les opérations relatives aux élections des conseillers municipaux et à l’élection de
l’exécutif municipal.
701
J- C Masclet, Droit électoral, Paris, PUF, 1989, p.27.
702
CS/CA, jugement n° 29/95-96 du 19 avril 1996, affaire RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais) (C.U. d’Edéa) contre Etat du Cameroun.
703
CS/CA, jugement n° 34/95-96 du 19 mai 1996, affaire PDC (Parti des Démocrates Camerounais) contre Etat
du Cameroun.
176
locale de supervision »704, « (…) au cas où le candidat auteur des faits est élu avant
que la Commission Locale de Supervision ne statue sur son cas, la décision
intervenue est transmise par le Préfet dans les 10 jours qui suivent la proclamation
des résultats à la juridiction administrative compétente pour disqualification
éventuelle du candidat élu »705. Ainsi, la victime du fait diffamatoire706 ou son
mandataire707 ne peut pas saisir directement le juge administratif. Une telle saisine
est irrecevable pour défaut de qualité.
Au regard de ce qui précède, le président d’une CCS n’est pas habilité à saisir
le juge administratif après que sa commission a proclamé les résultats de scrutin
pour solliciter la disqualification d’une liste. C’est ce qu’a décidé le juge dans l’affaire
Enandjoum Bwanga (PCCS) (C.R de N’ Samba), RDPC du 09 mai 1996708. En
l’espèce, le Président de la CCS avait saisi le juge au motif que la liste en cause,
portée très tardivement à la connaissance de sa commission, ne respectait en rien
les prescriptions ayant présidé à la confection des listes et l’investiture même des
candidats et que le parti qui l’avait investie n’avait pas battu campagne dans la
commune de son ressort.
704
Alinéa 2 article 28 de la loi n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers
municipaux.
705
Alinéa 3 article 28 de la loi n° 92/002 du 14 août 1992.
706
V. CS/CA, jugement n° 29/95-96 du 19 avril 1996, affaire RDPC (C.U d’Edéa) contre Etat du Cameroun.
707
V. CS/CA, jugement n° 34/95-96 du 09 mai 1996, affaire P.D.C contre Etat du Cameroun.
708
. CS/CA, jugement n° 33/95-96 du 09 mai 1996, affaire Enandjoum Bwanga (PCCS) (C.R. de N’samba),
RDPC contre Etat du Cameroun.
177
devant le juge administratif », le juge en a déduit que la requête du Président de la
CCS était irrecevable pour défaut de qualité. S’il l’intéressé l’avait fait en tant
qu’électeur, le juge aurait eu du mal à lui denier cette qualité ; d’abord, parce qu’il
n’est pas interdit au Président de la CCS d’être électeur dans la circonscription
électorale où intervient sa commission ; ensuite, parce qu’il résulte de la loi, comme
le dit le juge lui - même que « seul un électeur ou un candidat peut saisir le juge
administratif en annulation ».
709
CS/CA, jugement n° 24/95-96 du 29 mars 1996, affaire Conseillers municipaux de la Commune rurale de
Nanga Eboko contre Etat du Cameroun.
178
anonyme, et que la fiche d’émargement jointe en souche à la dite requête ne pouvait
être créditée d’aucune valeur juridique parce que non légalisée et s’apparentant dès
lors à un simple tract. Le juge a rejeté ce moyen aux motifs, d’une part, que « (…) les
mentions de la requête introductive d’instance dont l’omission est alléguée par le
représentant de l’Etat figurent bien sur la fiche jointe à la dite requête, notamment les
noms et domiciles des recourants , ainsi que leur qualité de conseillers municipaux,
électeurs du scrutin attaqué, qualité requise aux termes de l’article 53 (nouveau)(1)
de la loi n° 92/003 du 14 août 1992 (…) », et, d’autre part, que la fiche en question
faisant partie intégrante de la même requête, la formalité de légalisation ne saurait lui
être imposée, l'article 34 de la loi n° 92/003 ayan t prescrit que le recours s’introduit
par simple requête.
Il se dégage de la loi n° 92/002 que les personnes ayant qualité pour contester
les opérations relatives à l’élection des conseillers municipaux ont été limitativement
déterminées. Mais, dans la pratique, le juge a étendu cette qualité à d’autres
personnes juridiques.
710
J-C Masclet, op. cit., p.336.
711
Ibid.
712
Ibid., pp. 336-337.
179
1. L’attribution législative de la qualité pour agir
La loi n° 92/002 attribue donc de façon limitative le droit ou la qualité pour agir
dans le contentieux des opérations relatives à l’élection des conseillers municipaux.
Mais, la jurisprudence a procédé à une détermination extensive de cette qualité.
713
V. article 28 alinéa 3 articles 2 de la loi n° 92/002.
714
J-C Masclet, op. cit., p. 337.
715
CS/CA, jugement n° 40/95-96 du 09 juillet 1996, affaire UPC (CR/ Penka-Michel) contre Etat du
Cameroun et CS/CA, jugement n° 56/95-96 du 18 juillet 1996, affaire PAP (Parti d’Action Paysanne) CR/
Ngambe contre Etat du Cameroun.
180
d’une erreur d’appréciation des faits de l’espèce, que le juge a estimé que le recours de
l’intéressé ne porte « pas sur la représentation du parti dont il se réclame », alors même
que c’est à ce titre qu’il avait déposé la liste de candidats de son parti et qu’il contestait les
résultats du scrutin devant lui.
181
Le lien que cet article établit entre le candidat et son parti politique est relatif à
l’investiture et ne concerne nullement la qualité pour agir du parti qui a investi le
candidat.
a) incomplète ;
Cette analyse est d’autant plus défendable que la jurisprudence ainsi établie
en 1996 et selon laquelle les partis politiques pouvaient introduire des requêtes en
matière électorale a reviré en 2002 lors de l’examen des recours introduits au près
du juge administratif après les élections municipales du 30 juin 2002, « faisant en
sorte que tous les chefs de partis qui se sont fondés sur cette jurisprudence - de
1996 - soient déclarés irrecevables »716 pour défaut de qualité. Ce revirement a fait
dire, à un avocat, et à juste titre, qu’ « on aurait dû, dès le départ en 1996, ne s’en
tenir qu’à la lettre de la loi qui veut que seuls des candidats ou des électeurs
puissent contester la validité d’une élection municipale »717.
716
Me Nkouendjin Yonta Maurice, interview in Le Messager n° 1411 du lundi 09 septembre 2002, p. 3.
717
In Mutations n° 746 du jeudi 19 septembre 2002, p. 15.
182
PARAGRAPHE II : LA VERIFICATION DE LA CONFORMITE DES RECOURS
AUX DELAIS LEGAUX DE SAISINE DU JUGE
c) en cas d’abstention d’une autorité ayant compétence liée dans les quatre
ans à partir de la date à laquelle la dite autorité était défaillante ».
718
M. Kamto, « La fonction administrative contentieuse de la Cour Suprême du Cameroun », op. cit., p. 42.
719
Notamment l’ordonnance n° 61/OF/6 du 4 octobre 1961 et les lois du 19 novembre 1965 et du 14 juin 1969
portant réforme du contentieux administratif sous la République Fédérale.
720
M. Kamto, op. cit., p. 43.
721
V., par ex., CFJ/ CAY, arrêt n°137 du 26 juin 1971, Alaï Belobo Nestor contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n°8 du 25 novembre 1976, Libam Kouang Melchiade contre Etat du Cameroun.
722
M. Kamto, op. cit., p. 43.
183
prononcée favorablement sur le principe de l’indemnisation, d’un délai
supplémentaire de trois mois pour en proposer le montant723.
Les affaires ayant un caractère urgent ne sont pas soumises à cette longue
726
procédure. C’est ainsi que l’exigence du recours gracieux a été écartée et les
délais de saisine du juge réduits727 ; celui-ci devant être rapidement saisi pour éviter
que l’écoulement du temps ne préjudicie les droits et intérêts des requérants.
Comme l’écrit R. Odent, « l’intérêt général exige que la stabilité des situations
administratives ne puisse être discutée que pendant un bref délai : le fonctionnement
normal des services publics risquerait d’être entravé si des menaces d’annulation
pesaient trop longtemps sur l’administration »728 . Aussi, « il est (…) conforme à
l’ordre public et aux nécessités du bon fonctionnement des services publics que le
recours exercé devant le juge administratif soit enfermé dans un bref délai »729.
723
V. article 12 alinéa 2 de l’ordonnance n° 72/06 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême.
724
V. article 7. 1de la loi n° 75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statuant en
matière administrative.
725
V. article 7. 1de la loi n° 75/17 du 8 décembre 1975.
726
Jusqu’en 1986, ce recours était exigé dans le contentieux électoral au sein de la Chambre du Commerce. C’est
le décret n° 86/231 du 13 mars 1986 portant statuts de la dite Chambre qui y a mis fin. Sur cette question, v.
Georges Nakseu Nguefang, Le contentieux électoral au sein des chambres consulaires, Mémoire de maîtrise en
droit public, Université de Yaoundé , 1992, pp 53-54 et CCA, jugement n° 680 du 21 mars 1958, Compagnie
Pastorale Africaine contre Administration du Territoire ; CCA, jugement n°480 du 23 juin 1956, Babayel
Malloum Yaya contre Administration Territoriale ; CCA, jugement n°683 du 21 mars 1958, Bala Laurent contre
Administration Territoriale et CCA, jugement n° 694 du 28 mars 1958, Etablissement C.H. Belton et
Compagnie contre Administration Territoriale .
727
Il n’est donc pas exact de dire, comme l’a écrit un auteur, « qu’il n’y a pas de délais spéciaux à certains
contentieux comme c’est le cas en France », v. B Momo, « Le problème des délais dans le contentieux
administratif camerounais », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang,
T1, vol. 1, 1997, p. 141.
728
R. Odent, Contentieux administratif, IEP, Paris, 1971, p. 808.
729
J.M Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, T1, op. cit., p. 898.
184
A. LA VERIFICATION DU RESPECT DES DELAIS DE RECOURS
CONTENTIEUX EN MATIERE ELECTORALE
Les délais dans lesquels les recours doivent, à peine d’irrecevabilité, être
introduits, varient selon qu’il s’agit du contentieux électoral municipal ou du
contentieux électoral au sein des Chambres consulaires. Le contrôle exercé par le
juge par rapport au respect de ces délais est d’intensité variable. Si en matière de
contentieux électoral municipal ce contrôle est furtif, en matière de contentieux
électoral au sein des chambres consulaires, il est assez strict.
Le délai de saisine du juge est différent selon qu’il s’agit du contentieux des
opérations relatives à l’élection des conseillers municipaux ou du contentieux né de
l’élection du Maire et des adjoints. Mais, l’intensité du contrôle effectué par le juge
est la même.
Le juge n’a pas encore eu occasion de statuer sur le respect de ce délai par
l’autorité préfectorale.
Un délai identique est prescrit à tout électeur ou tout candidat par l’article 34
alinéa 2 de la loi n° 92/002 pour contester, à compter de la date de proclamation des
résultats par la Commission Communale de Supervision, la régularité des opérations
électorales dans la commune. Il résulte de cette disposition d’une part que le délai
de saisine du juge est très bref, et, d’autre part, que ce délai court, non pas à
compter « du jour même de l’élection »730, mais de la publication ou proclamation de
730
J.-C Masclet, op. cit., p.516.
185
des résultats . Autrement dit, le point de départ du délai de saisine du juge est la date
de proclamation des résultats.
Pour ce qui est du contentieux de l’élection du Maire et des Adjoints, les règles
légales applicables sont différentes ; mais, le délai de saisine du juge est identique à
celui prescrit pour le contentieux des opérations relatives à l’élection des conseillers
municipaux. De même, le contrôle du juge en matière de respect de délai d’
introduction du recours est furtif.
731
CS/CA, jugement n° 31/95-96 du 19 juillet 1996, affaire UFDC (Union des Forces Démocratiques du
Cameroun) contre Etat du Cameroun.
732
CS/CA, jugement n° 64/95 du 18 juillet 1996, affaire RDPC (CR de Penja) contre Etat du Cameroun.
733
CE, 27 novembre 1989, Elections municipales de Valavoine (Alpes-de-Haute-Provence), req. N° 108540 ;
CE, 6 avril 1990, Elections municipales de Tremblay (Maine-et-Loire), Req. N° 107702 ; v. B. Maligner, « Le
contentieux des élections municipales de 1989 », RFDA, 1991, p. 4.
734
CE, 17 janvier 1990, Elections municipales de Chalo-Saint-Mars (Essonne), Req., n° 107656 ; V. Ibid.
735
CE, 3 novembre 1989, Elections municipales de l’Ile de Sein, Req. 108360 : CE, 23 février 1990, Elections
municipales de Garu, Req. n° 107811 ; V. Ibid.
736
Ch. Debbasch et J-C Ricci, op. cit., p. 727.
737
J-C Masclet, op. cit., p. 344. V. CE, 11 janvier 1984, Elections municipales de St-Avention, Re., n° 52097 et
CE, 10 novembre 1989, Elections municipales de Breteau (Loiret), Req. n° 107. 803.
186
la juridiction administrative compétente en première instance aux fins d’annulation
(…) ». Ici, le délai de recours court, non pas à compter de la date de proclamation
des résultats du scrutin, mais du lendemain du jour qui suit la tenue de la session au
cours de laquelle l’élection contestée est intervenue. Autrement dit, « le délai de
recours commence à courir 24 heures après l’élection »738. Il en résulte que si, par
exemple, l’élection du maire et des adjoints a eu lieu le 23 mars, le délai expire non
pas le 1er, mais le 2 avril.
Bien que cela ne soit pas indiqué par la jurisprudence, le caractère impératif
des délais de recours prescrits par les textes dans le contentieux électoral municipal
traduit l’urgence de cette matière et s’oppose à leur prorogation . Cependant, le juge
pourrait admettre, si un tel cas se produisait, que le délai soit prolongé lorsqu’il expire
un dimanche, ou même un samedi740. De même, du moment qu’un grief a été
soulevé dans le délai, le juge pourrait admettre qu’il soit « développé par de
nouveaux motifs dans un mémoire ampliatif postérieur ». Il serait donc possible qu’il
se fonde sur l’un de ces motifs pour annuler l’élection741.
738
B. Maligner, op. cit., p.5.
739
CS/CA, jugement n° 24/95-96 du 29 mars 1996, affaire conseillers municipaux de la commune rurale de
Nanga-Eboko contre Etat du Cameroun.
740
C’est ce qu’a décidé le juge français : CE, 18 novembre 1977, Elections municipales de Cortevaix, Rec., p.841.
741
Le juge français l’a admis. V. CE, 21 décembre 1977, Elections municipales d’Erbajolo, Rec., p. 527.
187
Commerce742qui organisent le contentieux électoral au sein des Chambres
consulaires. C’est ainsi qu’ils déterminent les délais de saisine du juge administratif
en matière de contentieux de l’électorat, de l’éligibilité et des opérations électorales.
Par contre, saisi d’un recours portant sur les opérations électorales au sein de
la Chambre d’Agriculture, il a pris en compte la date de la proclamation des résultats
du scrutin pour établir que le requérant avait introduit son recours au-delà du délai
prescrit par le texte réglementaire.
742
Ceci jusqu’en 2001, car ce décret a été abrogé par les décrets n°2001/382 et n°2001/381 du 27 novembre
2001.
743
Pour la Chambre de Commerce, uniquement, v.. art. 15.1 du décret n° 86/231.
744
Pour la chambre d’Agriculture, v. art. 14 (nouveau) décret n° 78/525.
745
Pour la Chambre de Commerce, v. art, 15.1 du décret n°86/231.
746
V. G. Koubi, « Acte exécutoire et actes des autorités locales », RDP, 1990, p. 1502.
747
Sur cette question, V. G. Koubi, ibid. ; J-P Dubois, « L’entrée en vigueur des normes administratives
unilatérales », Etudes en l’honneur de Georges Dupuis, Paris, LGDJ, 1997, pp. 103-114 ; R. Hostiou, Procédure
et formes de l’acte administratif unilatéral en droit français, Thèse, Paris, LGDJ, 1975, pp. 133-141 ; J. Carbajo,
L’application dans le temps des décisions administratives exécutoires, Thèse, Paris, 1980,LGDJ, pp. 40-45 ; R.
Chapus, Droit administratif général, T1, 13e éd., Paris, Montchrestien, 1999, pp. 1095-1097.
188
trouvant dans une même situation »748 et s’applique à eux indistinctement.
Qu’advient-il si la date de publication de cet acte est ignorée ? Les personnes qui
s’estiment lésées par cet acte peuvent-elles, malgré tout, saisir le juge ? Dans
plusieurs espèces rendues en matière de contentieux de l’électorat au sein de la
Chambre de Commerce, le juge a admis des recours portant sur l’omission des noms
sur les listes électorales alors même que la date de publication de l’acte querellé
n’était pas connue, et a considéré que les requérants l’avaient saisi dans les délais. Il
l’a fait, soit de façon explicite en énonçant que « la date de publication de l’arrêté
critiqué reste ignorée et que le recours (…) doit, quant à la forme, être considéré
comme introduit dans le délai et donc, recevable »749 , soit, de façon implicite, au
motif que « la date de publication de l’arrêté critiqué reste ignorée»750.
On peut déduire de cette jurisprudence que bien que l’acte réglementaire non
publié ou dont la date de publication est ignorée, ne soit pas opposable, l’administré
ou tout intéressé est admis à anticiper le déroulement normal de la procédure en le
contestant devant le juge. Un tel acte est donc considéré comme susceptible de faire
grief.
748
R. ODENT, op. cit., p. 851.
749
Ex., CS/CA, jugement n° 69/86-87 du 13 août 1987, affaire Mukete Plantations Limited contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n° 71/86-87 du 13 août 1987, affaire Baba Youssoufa contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n° 72/86-87 du 13 août 1987, affaire société Menuiserie –Ébénisterie Yankam Richard contre
Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 73/86-87 du 13 août 1987, affaire Djidjou Prosper contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n° 74/86-87 du 13 août 1987, affaire Atsama Foumena contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n° 77/86-87 du 13 août 1987, affaire Marc Ambassa née Ntsama Agnès contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n° 14/87-88 du 13 août 1987, affaire Hirondelle Voyages contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n° 15/87-88 du 29 octobre 1987, affaire dame Mache contre Etat du Cameroun.
750
Ex., CS/CA, jugement n° 68/86-87 du 13 août 1987, affaire Electrical Construction contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n° 70/86-87 du 13 août 1987, affaire Société Faïenceries Cameroun (SOFACAM) contre Etat
du Cameroun
751
J. Carbajo, op. cit., p. 29.
752
Ibid.
753
Ibid.
189
contre un acte non publié ou dont la date de publication est ignorée, mais déjà
signé754.
754
c’est aussi la position du juge français : CE, sect., 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs conseils, Rec.
Lebon, p. 394.
755
M. Hauriou, note sous CE, 25 mai 1928, Reynaud, S., 1928, 3, 9.
756
M. Hauriou, note sous CE, 29 novembre 1901, Drouet, et 14 février 1902, Durant, S., 1902, 3,9.
757
V. Article 24 (1) du décret n° 78/525 du 12 décembre 1978 portant statut de la Chambre d’Agriculture.
758
V. Article 27(1) du décret n° 86/231 du 13 mars 1986 portant statuts de la Chambre de Commerce.
759
Article 24 (1) du décret n° 78/525.
760
Article 27(1) du décret n° 86/231.
761
Article 24 (1) du décret n° 78/525.
762
Article 27(1) du décret n° 86/231.
190
définitive et aucune prorogation n’est admise. Ainsi, est forclos tout requérant qui
saisit le juge au-delà de ce délai. C’est ce qu’a décidé le juge dans une espèce
rendue le 25 mai 1989763 dans laquelle le requérant sollicitait l’annulation de
l’élection des membres de la Chambre d’Agriculture de l’Elevage et des Forêts du 15
juin 1986. Il affirme à ce propos : « Attendu que les résultats ont été proclamés le 20
juin 1986 dans la Province du littoral ; le demandeur devait, dès cette date saisir la
Chambre Administrative dans les 15 jours, soit le 6 juillet au plus tard. Mais qu’en
saisissant la Cour le 11 août 1986, le sieur Tchatchoua Jean-Pierre l’a fait
tardivement ; que son recours mérite d’être rejeté pour forclusion ».
763
CS/CA, jugement n° 41/88-89 du 25 mai 1989, affaire Tchatchoua Jean-Pierre contre Etat du Cameroun.
Dans le même sens, V. TE, jugement n° 273 du 6 mais 1963, Kam Jean-Paul.
764
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit. p 404
765
O. Gohin, Revue de jurisprudence administrative, RDP, 1991, p. 584.
766
R. Odent, op. cit., p. 848.
191
n’existe aucune trace de notification, il considère que le recours a été introduit dans
les délais.
Comme l’écrit J-P Dubois, « les normes d’obligations ne lient leur destinataire
qu’après notification, parce qu’il est nécessaire que l’information du débiteur de
l’obligation soit certaine et complète pour que cette obligation soit exigible : si l’auteur
d’une " norme de droits " (qui à son égard est " norme d’obligations ") la connaît
nécessairement dès la signature, le destinataire d’une " norme d’obligations " n’est
censé ne pas l’ignorer qu’après qu’il a été mis formellement en mesure de la
connaître »767. C’est dire que la notification est, non seulement, « la condition
d’entrée en vigueur des normes administratives individuelles »768, mais, surtout, la
condition de leur opposabilité aux intéressés769, car elle fait courir le délai de
recours. Il en est ainsi dans les contentieux de la dissolution des associations et de
la législation des partis politiques.
767
J-P Dubois, op. cit., p. 111.
768
R. Hostiou, op. cit., p. 151.
769
V. J. Carbajo, op. cit., pp 46 – 47 et G. Koubi, op. cit., pp. 1502-1503.
770
J. Rivero et J.Waline, Droit administratif, 16ème éd., Paris, Dalloz, 1996, p. 192.
771
Ordonnance n° 19/0/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire OCDH contre Etat du Cameroun ; ord. n°
20/0/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Kom Ambroise contre Etat du Cameroun et ; ord. n° 21./0/PCA/CS
du 26 septembre 1991, affaire CAP-Liberté contre Etat du Cameroun.
192
conformés car, ils avaient introduit leur recours dans le délai qu’elle a prescrit. Ainsi,
dans l’affaire Organisation Camerounaise des Droits de l’Homme (OCDH)772, le juge
déclare que « la requérante a reçu notification à personne » de l’arrêté de dissolution
contesté « le 16 août 1991 ; qu’elle a saisi le Président de la Chambre Administrative
de la Cour Suprême le 21 août 1991, donc dans les dix jours de la notification ». La
date de notification retenue par le juge dans cette affaire est celle à laquelle la
requérante a obtenu de son huissier transmission d’une photocopie de l’arrêté
querellé. On peut dire qu’en l’espèce, le juge n’a pas été formaliste, car il n’ y a pas
eu véritablement notification à personne. Ceci revient à dire, comme l’admet le
conseil d’Etat français, que la notification au mandataire est suffisante au regard du
mandat773.
772
Ord. n° 19./0/PCA/CS du 26 septembre 1991.
773
V. CE, 5 décembre 1952, Desgouillon, S. 1953, III, 81, Concl. Gazier.
774
Ord. n° .20/0/PCA/CS du 26 septembre 1991.
775
Ord. n° 21/0/PCA/CS du 26 septembre 1991.
193
Dans deux espèces rendues respectivement le 30 septembre 1992776 et le 16
décembre 1992777, le juge administratif a eu à faire application de cette disposition
législative.
Ainsi, « par principe, et par logique »782, « le délai de recours ne peut être
déclenché contre une décision que par la mesure officielle d’information qui en est
donnée et qui se concrétise, soit par sa publication ou son affichage, soit par sa
notification(…) »783. En effet, c’est elle qui détermine « l’enclenchement du compte à
rebours qui va lui faire acquérir sa " définitiveté" »784.
776
Ord. n° 32/CS/PCA/91-92 du 30 septembre 1992, affaire Divine Kingdom People’s Party of Cameroon contre
Etat du Cameroun.
777
Ord. n° 02/0/PCA/CS du 16 décembre 1992, affaire UPC-Manidem contre Etat du Cameroun
778
Ord. n° 02/CS/PCA/91-92 du 16 septembre 1992.
779
Ord. n° 02/CS/PCA/91-92 du 16 septembre 1992.
780
V. CE, 30 avril 1954, Counord, RPDA, 1954 n° 235, p. 134.
781
J. Carbajo, op. cit., p. 46, V. aussi CE, 4 novembre 1964, Phan Van Ngoi, Rec., p. 965.
782
B. Pacteau, op. cit., p. 174
783
R.Chapus, Droit administratif général, T1, 13e éd., Paris, Montchrestien, 1999, p. 764.
784
B. Pacteau, op. cit., p. 174.
785
G. Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif, T2, 12e éd., Paris, PUF, 1992, p. 157.
194
Certes, il arrive que le juge considère que le délai de recours a commencé à
courir à une date antérieure à la mesure de la publicité ; « cette solution
apparemment choquante se justifie par un souci de réalisme »786. Cette exception
aux règles relatives au point de départ du délai de recours est admise au titre de la
connaissance acquise. Il s’agit d’une théorie qui peut s’appliquer « à des hypothèses
où le requérant montre, par son attitude, qu’il a nécessairement eu connaissance
d’une décision, encore qu’elle n’ait été ni publiée ni notifiée »787. Sinon, le simple fait
qu’une personne ait en pratique connu une décision qui n’a fait l’objet d’aucune
publicité n’est pas de nature à faire courir le délai de recours à son encontre788. Mais
cela n’exclut pas que le juge puisse déclarer son recours recevable en la forme.
786
B. Seiller, Droit administratif, T1, Paris, Flammarion, 2001, p. 181.
787
G. Vedel et P. Delvolvé, op. cit., p. 159. V. CE, Ass., 4 avril 1951, Gerlaud, S., 1952. 3. 97, 3e espèce, note
Auby.
788
V. par ex : CE, 13 novembre 1970, Moreau, Rec., p. 661, Concl Braibant, D., 1971. J. 70, note Dumas
789
C. Yannakopoulos, La notion de droits acquis en droit administratif français, Thèse, Paris, LGDJ, 1997,
p. 148.
790
V. par ex. CE, 28 novembre 1952, Dame Lefranc, Rec., p. 534 ; CE, 28 octobre 1988, Dlle Gallien, p. 606.
791
V. par ex. CE, sect., 12 juin 1959, Syndicat Chrétien du Ministère de l’Industrie et du Commerce, Rec., p.360,
AJDA, 1960. 2. 61, concl. H. Hayras.
195
Dans des espèces intervenues le 18 septembre 1992792 et le 23 septembre
1992793, le juge administratif camerounais a déclaré les recours recevables, sans
considération de délai, au motif qu’il n’ y avait pas trace de notification des actes
contestés. Cette prise de position pose le problème de la preuve de la notification et
montre que, dans ces espèces, le juge a refusé d’appliquer la "théorie de la
connaissance acquise".
Tout autre est l’affaire P.S.L.D798 . Ici, le requérant a reconnu avoir reçu l’acte
querellé, malgré cela, le juge a estimé que la notification n’a pas eu lieu. Il l’a dit en
ces termes : « (…) il n’y a pas trace de notification, Mboua Massock ayant
simplement porté sur la copie qui lui a été remise la mention " Bien reçu ce jour 30
juillet 1992 aux services du MINAT à Yaoundé" ». Le juge a donc estimé qu’il n’y a
pas eu notification au sens de la loi. Celle-ci énonce que le recours contre la décision
de refus d’autorisation « doit intervenir dans un délai de 30 jours à compter de la
792
Ord. n° 25/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire Regroupement Démocratique pour la République
(RDR) contre Etat du Cameroun ; ord. n° 26/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, Programme Social pour la
Liberté et la Démocratie (PSLD) contre Etat du Cameroun
793
Ord. n° 28/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992, affaire Union Nationale Camerounaise (UNC) contre Etat
du Cameroun ; ord. n° 29/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992, affaire Front Patriotique pour le Salut du
Peuple Camerounais (FPS-PC) contre Etat du Cameroun.
794
J. Carbajo, op. cit., p. 51.
795
Ordonnance n°25/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992.
796
Ordonnance n°28/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992.
797
Ordonnance n°29/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992.
798
Ordonnance n°26/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992.
196
notification à personne ou à domicile ». En l’espèce, le juge a été formaliste. Le juge
français, par exemple, considère qu’il y a preuve de la notification lorsque le
destinataire de l’acte ne conteste pas avoir reçu la notification de la décision799. De
même, il admet qu’une simple lettre missive est suffisante800, ainsi qu’une notification
verbale, dès lors que le destinataire a été « informé d’une manière officielle de
l’existence et du contenu de la décision »801. Tel a été le cas dans l’affaire P.S.L.D.,
puisque le requérant a reçu copie de l’acte querellé et y a bien indiqué quand et où il
l’a reçue.
Il est admis que l’application de cette théorie atténue le principe selon lequel
l’acte non créateur de droit, à l’instar de l’acte portant refus d’autorisation d’un parti
politique, « est inopposable aux administrés aussi longtemps qu’il n’a pas été porté
à la connaissance par un mode de publicité régulier dont l’administration peut faire
la preuve »803. Lorsque cette théorie est mise en œuvre, « l’exigence d’une
804
information officielle des décisions est éludée » et « la connaissance de fait des
799
CE, 6 février 1953, Dinnat.
800
CE, 10 juillet 1954, Sautter, Rec., p. 733 ; CE, 8 novembre 1961 Société du tricotage méditerranéen Trilime,
Rec., p. 918.
801
CE, 2 mai 1945, Beauvallet, Rec. p. 88 ; CE, 15 mars 1967, Lawrosky, Rec. p. 126.
802
M Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, 12è éd. , op cit., p. 431.
803
J. Carbajo, op. cit., p. 34.
804
R. Chapu, Droit du contentieux administratif, op.cit., p.392.
197
décisions va provoquer le déclenchement du délai à l’égard de ceux qui en ont une
telle connaissance »805.
805
Ibid.
806
En ce sens, CFJ/CAY, 30 septembre 1969, aff. Messomo Atenen Pierre c/ Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement du 29 juin 1981, aff. Njikiakam Towa Maurice c/ Eat du Cameroun ; CS/CA, jugement du 19
septembre 1983, aff. Ndjoumi Maurice c/ Etat du Cameroun ; CS/AP, arrêt du 24 mar 1983, aff. Njikiakam
Towa Maurice c/ Etat du Cameroun.
807
V. en ce sens, CFJ/CAY, arrêt n° 51 du 25 mars 1969, affaire. Dame Ngue Andrée c/ Commune de Plein
Exercice de Mbalmayo ; CS/CA, jugement du 31 janvier 1991, affaire Me Noufele Simo c/ Etat du Cameroun.
808
Cf. les affaires Njikiakam Towa Maurice précitées.
809
J. Carbajo, op cit , p. 35.
810
V. aff. Dame Ngue Andrée C/ Commune au Pleine Exercice de Mbalmayo précitée.
811
J-J Thouroude, « La moralisation des délais de recours contentieux devant les juridictions administratives » ;
D., 1998, n° 18, Dernière actualité, p. 12.
812
Ibid., p. 1.
198
Maître de Toulouse, « le danger de l’absence des formalités solennelles est que l’on
tombe dans les questions de fait »813.
813
M. Hauriou, note au Sirey, 1910, 3, 33, cité par B. acteau, op.cit, p. 184.
199
En matière électorale, l’obligation de consigner une provision est limitée à
certains contentieux. Il en est de même dans les autres matières ; pourtant, il n’existe
pas dans ces matières une dispense résultant d’une disposition législative expresse.
814
En ce sens, v. CS/CA, jugement n° 24/95-96 du 19 mars 1996, affaire Conseillers municipaux de la
commune rurale de Nanga Eboko contre Etat du Cameroun.
815
CS/CA, jugement n°41/88-89 du 25 mai 1989 ( rejet du recours pour absence de provision supplémentaire).
816
CS/CA, jugement n°101/90-91du 28 mars 1991 ( rejet pour absence de consignation d’une provision).
200
même dans des affaires portant sur l’omission des noms sur les listes électorales au
sein de la Chambre de Commerce817.
Il en est de même de la loi n° 90/056 relative aux partis politiques. Ainsi dans
des affaires intervenues en matière de refus de légalisation des partis politiques, le
juge n’exige pas la consignation d’une provision.
817
CS/CA, jugement n°19/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Melon Simon contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n°51/87-88 du 28 janvier 1988, affaire Mbanda Marie Claude contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n° 61/87-88 du 31 mars 1988, affaire Destiny Entreprises contre Etat du Cameroun et CS/CA,
jugement n° 17/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Sociéquip Cameroun contre Etat du Cameroun.
818
CS/CA, jugement n° 60/91-92 du 17 septembre 1992, affaire Union des Populations du Cameroun (UPC)
contre Etat du Cameroun.
201
En dehors de la consignation d’une provision, le juge peut aussi exiger la
production des pièces justificatives de la demande.
Le juge ne conditionne pas la recevabilité de tous les recours portant sur des
affaires urgentes à la production des pièces justificatives de la demande. Il ne le fait
ni dans le contentieux électoral municipal819, ni dans le contentieux de la dissolution
des associations820, par exemple. Par contre, statuant sur la recevabilité des recours
dans le contentieux des listes électorales au sein de la Chambre de Commerce et
dans l’affaire UPC du 17 septembre 1992 relative à la mise à jour du dossier du parti
politique UPC, il a exigé des requérants la production des pièces justificatives de leur
demande.
819
L’article 34.1 de la loi n°92/02 énonce que « les contestations font l’objet d’une simple requête devant la
juridiction administrative ».
820
L’article 13. 3 de la loi n°90/053 dispose que les actes portant suspension ou dissolution d’association « sont
susceptibles de recours, sur simple requête devant la juridiction administrative ».
821
Article 9 du décret n° 86/231.
822
Article 10 du décret n° 86/231.
202
L’article 10 du même décret précise que ne peuvent être portés sur les listes
électorales ni participer à l’élection, s’ils ont été inscrits sur ces listes, les individus
condamnés soit à des peines criminelles, soit à des peines correctionnelles pour des
faits qualifiés de crimes par la loi ; les individus condamnés pour vol, escroquerie,
recel, abus de confiance, usure, soustraction commise par les dépositaires de
deniers publics, attentats aux mœurs ; les individus condamnés à l’emprisonnement
pour infraction aux lois sur les maisons de jeu, les loteries et les maisons de prêts sur
gages ; les individus condamnés pour délits prévus par le Code Pénal823 ; les
individus condamnés à l’emprisonnement par application des lois sur les sociétés ;
et, en général, toute personne privée de ses droits civiques et politiques dans le pays
dont il a la nationalité.
En somme, le juge veut s’assurer que les requérants qui contestent l’omission
de leurs noms sur les listes électorales ont la capacité requise pour être électeurs.
823
Il s’agit de l’insolvabilité organisée (art. 181 CP) ; de la soustraction et destruction de pièces publiques (art.
188 CP) ; de la contrefaçon (art. 201 à 209, 212 à 214 et 315 CP) ; de l’atteinte au crédit de l’Etat et au
développement national (art. 222 à 224 CP) ; de l’atteinte aux règlements de conditionnement (art. 226 CP) ; du
chèque sans provision (art. 253 CP) ; de l’atteinte à la liberté du travail (art. 255 CP) ; de la destruction de
denrées (art. 257 CP) ; de l’extorsion d’un acte, d’une signature, d’un blanc-seing (art. 308 CP) et de la faillite
(art. 331 à 336 CP).
824
En ce sens, par ex. CS/CA, jugement n° 16/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Soggerom, contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°17/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Sociequip Cameroun contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°18/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Takam Bernard contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n°19/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Melong Simon contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n°20/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Mme Mbanga Marie Claude contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n°25/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Etablissements Noah Noah et Cie contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°27/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Société de Transport, de Commerce et
l’Industrie contre Etat du Cameroun.
825
V. par ex., CS/CA, jugement n°33/87-88 du 26 novembre 1987, affaire Pharmacie Yaoundé contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°36/87-88 du 26 novembre 1987, affaire Dame Nguetti Joséphine contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°47/87-88 du 28 novembre 1987, affaire La Construction Mécanique de l’Ouest
contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°54/87-88 du 31 mars 1988, affaire Sodyco-Cameroun contre Etat
du Cameroun.
203
2. L’exigence de pièces justificatives de la demande dans l’affaire UPC
du 17 septembre 1992
826
CS/CA, jugement n°60/91-92 du 17 septembre 1992.
204
SECTION II : L’APPRECIATION DE LA RECEVABILITE INTERNE DES
DEMANDES
S’il est vrai que les notions de compétence et de recevabilité sont distinctes, il
n’en demeure pas moins vrai qu’elles peuvent se rejoindre. Aussi, il n’y a rien de très
étrange à présenter comme recevable un moyen que le juge peut accueillir. Il en est
ainsi de celui relatif à sa compétence.
827
D. Lochak, La justice administrative, 3ème éd., Paris, Montchrestien, 1998, p.111.
828
Ibid.
205
En principe, le juge administratif n’exerce son contrôle que sur la légalité de
l’activité administrative et non sur l’opportunité des choix qu’elle effectue829 en vertu
de son pouvoir discrétionnaire. C’est ainsi que, statuant en matière de contentieux de
la dissolution des associations, le juge administratif camerounais a clairement affirmé
que s’il « est compétent pour connaître si l’association dissoute tombe par ses
agissements sous le coup de la loi, il n’apprécie cependant pas l’opportunité de la
dissolution »830. Il en résulte que si le juge admet qu’il est compétent pour connaître
des faits reprochés aux associations dissoutes (A), il ne se reconnaît pas compétent
pour apprécier l’opportunité de la dissolution des associations (B).
829
V. Jaques Robert et Jean Duffar, Droits de l’homme et libertés fondamentales, Paris, Montchrestien, 1993, p.
174.
830
Ordonnance n° 19/0.PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire OCDH contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n° 20//0.PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Kom Ambroise contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°21//0.PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Cap-Liberté contre Etat du Cameroun.
831
D. Lochak, op. cit., p. 114.
206
moins leur qualification juridique »832. En France, par exemple, le Conseil d’Etat n’est
véritablement devenu juge du fait qu’à partir des arrêts Gomel833 et Camino834.
Comme l’écrit un auteur, « les motifs de fait sont en général définis avec
beaucoup moins de précision que les motifs de droit »841, laissant ainsi aux autorités
administratives une assez large latitude quant à l’appréciation de l’existence des
832
J-M. Auby et R. Drago, op. cit., p. 392.
833
CE, 4 avril 1914, p. 488, S. 1917. III. 25, note Hauriou.
834
CE, 14 janvier 1916, p. 15, S. 1922. III. 10, concl. Corneille, RDP, 1917, p. 463, concl. Corneille, note Jèze
835
V. note 856, supra.
836
Article 13 alinéa 2 de la loi n°90/053 du 19 décembre 1990.
837
M. Hauriou, op. cit., p. 450.
838
Ibid.
839
G. Vedel et P. Delvolvé, T2, op. cit., p.321.
840
M. Dran, op.cit., p. 311.
841
F-P Benoїt, Le droit administratif français, Paris, LGDJ, 1968, p. 547.
207
circonstances de nature à justifier la prise de la décision. Ceci implique par
conséquent « un rôle important du juge administratif en matière de qualification des
faits »842, et une démarche plus ou moins complexe843dont il convient de déterminer
la portée.
La qualification juridique des faits est une opération qui met en présence le
droit et le fait, au terme d’ « un cheminement à double direction : le juge tire en effet,
dans une première étape, d’un texte abstrait une règle pratique - autrement dit, un
" concept qualificateur " - mais, parallèlement, soumet le fait à l’abstraction, l’élève à
la généralité de la loi »844 ; dans une seconde étape, il peut rechercher l’identité entre
les deux termes de sa démarche, du général au particulier, du particulier au général ;
« il s’interrogera alors si le " concept qualificateur " dégagé de la norme recouvre
bien le cas d’espèce »845. Il s’agit donc d’un contrôle complexe qui « demeure
cependant objectif en ce qu’il porte sur la conformité des motifs de fait à l’intention
exprimée (ou supposée) du législateur, le juge recherchant si le fait est de nature à
justifier légalement la décision »846incriminée. A l’instar du contrôle de l’existence
matérielle des faits, il fait « partie intégrante du contrôle de la légalité au même titre
que l’erreur de droit »847.
842
Ibid.
843
G. Xynopoulos, op. cit., p. 25.
844
J.C Venezia, Le pouvoir discrétionnaire, Thèse, Paris, LGDJ, 1959, p. 27, cité par G. Xynopoulos, ibid.
845
G. Xynopoulos, ibid.
846
J- M. Auby et R. Drago, T2, op. cit., p. 371.
847
Ch. Debbasch et J-C Ricci, op. cit., p. 693.
848
J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif, 7ème éd., Paris, Montchrestien, 2001, p. 694.
208
En se reconnaissant compétent pour apprécier si les associations dissoutes
ont par leurs agissements violé la loi sur la liberté d’association, le juge se donne le
droit et le devoir de qualifier juridiquement les faits qui leur étaient reprochés. Mais, la
mise en œuvre de sa compétence est limitée, car il « s’en tient à la qualification
opérée par l’autorité compétente, tenant de ce fait pour régulière, légale la mesure
édictée »849. Or, parce que le législateur n’a posé qu’une règle générale régissant la
mesure de dissolution, « c’est en réalité au juge qu’incombe la tâche de rendre la
règle légale déterminant l’étendue du pouvoir de police »850en la matière.
849
R. Degni-Segui, « Le contrôle sur l’administration par la voie du recours pour excès de pouvoir », in G. Conac et J. de
Gaudusson, Les Cours Suprêmes en Afrique, III, La jurisprudence administrative, Paris, Economica , 1988, p. 182.
850
S. Ktistaki, Thèse, op. cit., p. 127.
851
R. Degni-Segui, op. cit., p. 182.
852
M. Letourneur, « L’étendue du contrôle du juge de l’excès de pouvoir », EDCE, p. 51.
853
Ibid. Sur la thèse classique de la légalité et de ses défenseurs, lire S. Ktistaki, op. cit., pp. 247-252
854
Sans dire pourquoi et comment, il cite deux arrêts du Conseil d’Etat français rendus en 1936 (CE, 4 avril 1936, affaire
Pujo et autres et CE, 27 novembre 1936, Association des Croix de feu et Briscards) : v. ord. n° 19/0/PCA/CS du 26
septembre 1991, OCDH contre Etat du Cameroun ; ord. n° 20/0/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Kom Ambroise
contre Etat du Cameroun et ord. n° 21/0/PCA/CS du 26 septembre 1991, CAP-Liberté contre Etat du Cameroun.
209
En procédant de la sorte, le juge camerounais a restreint sa compétence,
alors que rien ne lui interdisait d’exercer un contrôle de l’erreur manifeste
d’appréciation dans l’édiction de la dissolution contestée ainsi qu’un contrôle de
proportionnalité sur ladite dissolution, celle-ci posant en effet un problème
d’adéquation et donc d’opportunité qui est fréquent en matière de police
administrative et qui constitue une question de légalité855.
Née d’une volonté d’« extension du contrôle minimum »859, l’erreur manifeste
d’appréciation a tendance à englober aujourd’hui en droit administratif français, le
contrôle de la qualification des faits, au point où certains auteurs considèrent qu’ « on
855
Sur la nouvelle conception de la légalité qui intègre l’examen de l’opportunité et ses partisans, v. S. Ktistaki,
op. cit., pp 252-258.
856
D. Lochak, op. cit., p. 114.
857
Ibid.
858
Ibid.
859
J . M Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, T2, op. cit., p.398.
210
peut dire que ce dernier procédé de contrôle a pratiquement disparu »860 . En effet,
le contrôle de l’erreur manifeste est exercé dans tous les cas de contrôle
minimum861qu’il a d’ailleurs « dépassé pour se généraliser dans différents domaines
du contentieux des motifs et constituer un moyen de transition vers un contrôle
normal de la décision administrative »862.Ainsi, s’il apparaît que la qualification des
faits est si évidemment erronée que même un non technicien peut l’infirmer, le juge
français annule la décision querellée863.
La question qui vient alors à l’esprit est de savoir si un tel moyen pouvait être
opérant en cette matière. Le droit jurisprudentiel français ayant été transposé au
Cameroun, aussi longtemps que le juge camerounais ne se sera pas prononcé sur
un point de droit pour le rejeter, celui-ci doit être présumé s’appliquer en droit
administratif camerounais. Il appartient donc au juge administratif camerounais de
860
J . M Auby et R. Drago, Traité des recours en matière administrative, Paris, Litec, 1992, p. 526.
861
V. Ibid. p. 399, avec les illustrations jurisprudentielles.
862
S. Ktistaki, op. cit., p. 355.
863
V., par ex , CE, 29 mars 1968, Société du Lotissement de la plage de Pampelonne, AJ, 1968, p. 341 ; CE ; 6
novembre 1970, Guye, AJ, 1971, p.54.
864
Jean-Paul Costa, « Le principe de proportionnalité dans la jurisprudence du Conseil d’Etat », AJDA, 1988, p.
435
865
Dans le même sens, Patrick Wachsmann, Libertés publiques, 3ème éd.., Paris, Dalloz, 2000, p. 164.
866
S. Ktistaki, op. cit., p. 357.
211
l’utiliser et de le développer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ;
sinon, il limite les modalités de son contrôle qui, du reste, comporte d’autres limites.
867
G. Dupuis, M- J. Guédon et P. Chrétien, Droit administratif, 6e éd., Paris, Armand Colin, 1998, p.473.
868
Ibid.
869
P. Wachsmann, op. cit., p. 169.
212
rigoureux. L’autorité de police doit donc tenter de sauvegarder la liberté « reconnue »
autant qu’il est possible de telle sorte que son sacrifice n’intervienne qu’à titre
d’ultima ratio.
Le juge doit, par conséquent, non seulement « contrôler la réalité des motifs
d’ordre public de la décision, car elle est une condition de sa légalité, mais encore il a
le droit d’apprécier les circonstances de fait qui ont déterminé l’action du pouvoir de
police »877. Pour déceler l’adéquation de la mesure de police aux circonstances de
l’espèce, le juge de l’excès de pouvoir se livre à un examen minutieux des faits ; « il
se demande quelle mesure il convient de prendre dans le cas concret pour prévenir
les désordres »878.
S’il est acquis que le contrôle normal du juge administratif s’arrête en principe
à l’opération de la qualification juridique des faits, qui est « la traduction en termes
870
CE, 19 mai 1933, GAJA, p. 298.
871
V. CE, 23 novembre 1951, Société Nouvelle d’imprimerie, d’édition et de publicité, Rec. p. 553, RDP. 1951,
p. 1098, note Waline, concl. Latourneur.
872
V. CE, 11 juillet 1956, Amicale des Annamites de Paris, Rec. p. 317 ; AJDA, 1956, II, 400, Chr. Fournier et
Braibant ; CE, 12 juillet 1956, M’Paye, N’gom et Moumié, Rec. p. 331
873
en ce sens CFJ / CAY, arrêt du 27 janvier 1970, aff. Obame Eteme Joseph c/ Etat du Cameroun Fédéral.
874
V. CE, 26 oct. 1956, Association des Combattants de la paix et de la liberté, Rec., p. 391 RDP, 1957, p. 540
concl. Heumann ; AJDA, 1956, II, p. 490 Chr. Fournier et Braibant.
875
V. CE, 30 mais 1952, Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes, Rec., p. 289.
876
V. article 13 alinéa 1er de la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 portant sur la liberté d’association.
877
M. Dran, op. cit., p. 313. V. aussi, Teigen, La police municipale, Thèse, Nancy 1934 ; J. Castagne, Le contrôle
juridictionnel de la légalité des actes de police administrative, Thèse, Paris, LGDJ, 1964, pp.152 et suiv.
878
S. Ktistaki, op. cit., p. 130.
213
juridiques des données concrètes de l’espèce »879, il est banal d’affirmer aujourd’hui
qu’il est des cas largement reconnus dans lesquels le juge ne s’arrête pas là.
D’ailleurs en droit français, le juge exerce non seulement un contrôle de
proportionnalité ou de la nécessité de la mesure querellée mais également un
contrôle dit du bilan coût-avantage qui participe également de l’appréciation de
l’opportunité de ladite mesure. Il s’agit en fait d’une modalité nouvelle du contrôle de
proportionnalité qui permet à la légalité de rejoindre l’opportunité.
879
Y.Gaudemet, Les méthodes du juge administratif, Thèse, Paris, LGDJ, 1972, p. 25.
880
A. de Laubadère, « Le contrôle juridictionnel du pouvoir discrétionnaire dans la jurisprudence récente du
Conseil d’Etat », Mélanges Waline, Paris, 1974, p. 533.
881
D. Chabanol, « Contrôle de légalité et liberté de l’administration », AJDA, 1984, pp.14-15.
214
contrôle la légalité, ce qui peut l’obliger dans certains cas à contrôler
l’opportunité »882. Il devrait en être ainsi de la dissolution des associations.
882
M. Waline, « Etendue et limites du contrôle du juge administratif sur les actes de l’administration », EDCE,
1956, p. 28.
883
M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, Paris, Sirey, 1919, pp. 209-210.
884
E. Prévedourou, op. cit., p. 114.
885
Ibid.
886
F. Delpérée, Le contentieux électoral, 1ère éd., Paris, Que sais-je ?, PUF, 1998, p. 3.
887
M. Kamto, « Le contentieux électoral au Cameroun », Lex Lata , n°20, Nov. 1995, p.3.
888
F. Delpérée, op. cit., p. 3.
215
procédures et des opérations qui l’accompagnent ; d’autre part, vérifier la régularité
interne de l’élection en s’assurant de la validité des résultats et de la qualité des élus.
Ce contentieux se développe en amont : on parle de contentieux préélectoral ou
contentieux des opérations antérieures à l’élection et porte aussi bien sur la
constitution des listes d’électeurs, l’établissement et la distribution de cartes
d’électeurs, les candidatures que sur la campagne électorale. Il peut rebondir en aval
ou après l’élection et porte sur les opérations électorales : on parle de contentieux
post électoral. Ici, « il s’agit, plus fondamentalement de s’interroger sur la régularité
de l’élection »889. Mais, comme l’écrit F. Delpérée, « la distinction entre les
contentieux préélectoral et post électoral est délicate à établir »890 et pose le
problème de la détermination de l’étendue et des limites des compétences des
organes appelés à statuer. Il en est ainsi du contentieux électoral municipal au
Cameroun dans lequel interviennent la Commission communale de Supervision et le
juge administratif. La répartition des compétences en la matière revêt une certaine
complexité. En effet, si « l’existence de plusieurs structures chargées d’apurer les
litiges électoraux à divers stades du processus électoral n’est pas en soi une
mauvaise chose », encore « faut-il que ces divers éléments puissent s’emboîter afin,
non pas d’empêcher le respect des droits des uns et des autres, citoyens et partis
politiques engagés dans la joute électorale, mais d’aider à leur meilleure
concrétisation »891. De fait, « la subsidiarité contentieuse et le souci de proximité des
formations de jugement ne sauraient justifier des situations juridiques confinant au
déni de justice, ou compliquer l’accès au juge en rendant difficilement lisibles les
règles présidant au portage des compétences entre les instances intervenant au
contentieux »892. Il résulte pourtant de la jurisprudence relative au contentieux
électoral municipal que c’est ce à quoi on assiste lorsque le juge administratif statue
sur sa compétence. En effet, dans certains cas, il refuse de connaître des litiges
portant sur des opérations antérieures ou liées à l’élection des conseillers
municipaux (A), tandis que dans d’autres, il accepte de connaître des litiges relevant
des opérations antérieures à la même élection (B).
889
Ibid.
890
Ibid.
891
A. D. Olinga, « Contentieux électoral et Etat de droit au Cameroun », Juridis Périodique n° 41, Jan-Fév. Mars
2000, p. 38.
892
Ibid.
216
A. LE REFUS DE CONNAITRE DES LITIGES PORTANT SUR DES
OPERATIONS ANTERIEURES OU LIEES A L’ELECTION DES
CONSEILLERS MUNICIPAUX
893
V. § 4 al. 2 de l’article 12 de la loi n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers
municipaux.
894
V. CS/CA, jugement n° 34/95-96 du 09 mai 1996, affaire PDC contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement
n° 59/95-96 du 18 juillet 1996, affaire Epale Roger contre Etat du Cameroun (CR de Bare-Moungo); CS/CA,
jugement n° 68/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun ; CE/CA, jugement n° 64/95-
96 du 18 juillet 1996, affaire UFDC contre Etat du Cameroun .
895
V. CS/CA, jugement n° 34/95-96 du 09 mai 1996, affaire PDC contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement
n° 35/95-96 du 09 mai 1996, affaire PDC ( CR d’Obala) contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 36/95-
96 du 09 mai 1996, affaire PAL contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 63/95-96 du 18 juillet 1996,
affaire SDF – UNDP- UDC et ADD ( CU de Yaoundé Vè) contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°
64/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UFDC contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 66/95-96 du 18
juillet1996, affaire USC contre Etat du Cameroun et CS/CA, jugement n° 68/95-96 du 18 juillet 1996, affaire
UNDP contre Etat du Cameroun.
217
En France, par contre, la jurisprudence distingue en ce qui concerne les litiges
relatifs aux listes électorales le contrôle de la régularité formelle des opérations de
révision de la liste électorale, qui relève du juge administratif, conformément au Code
électoral, et le contrôle du bien-fondé des inscriptions et des radiations sur la liste
électorale qui relève, d’après le même Code, des tribunaux judiciaires896.
Il estime également que, au regard la loi n° 92/002 , seule la CCS statue sur la
décision d’acceptation ou de rejet d’une candidature ou d’une liste ; aussi, les litiges
896
V.B. Lassere et S. Hubac, « Le contentieux des élections municipales », AJDA, 1984, pp. 314-315 ; Y.
Landon-Toutain, « Le juge du tribunal d’instance et le contentieux de la liste électorale », Gaz. Pal., 1988, pp.
714-717 ; B. Maligner, « Le contentieux des élections municipales de 1989 », RFDA, 1991, pp. 26-27 et Ch.
Debbasch et J-C Ricci, op. cit., pp. 724-725.
897
V. article 80 alinéa 6 de la loi n°7/94 du 16 septembre 1994 portant organisation de la justice.
898
CS/CA, jugement n° 58/95-96 du 18 juillet 1996, affaire Le Parti Conservateur Républicain (PCR) contre
Etat du Cameroun ;
218
portant sur la qualification899 ou la disqualification900 des candidats et des listes de
candidats relèvent, non pas de sa compétence, mais de celle de ladite Commission
qui statue souverainement. Il considère donc comme vain le fait pour un requérant de
produire aux débats des photocopies d’une requête qu’il aurait adressée sans suite à
la CCS, soit parce que la preuve que ladite requête a atteint sa destination n’est pas
rapportée901, soit parce que la copie de la dite requête ne comporte aucune trace de
décharge902.
899
CS/CA, jugement n° 30/95-96 du 19 avril 1996, affaire UPC contre Etat du Cameroun.
900
CS/CA, jugement n° 33/95-96 du 09 mai 1996, affaire Enandjoum Bwanga (PCCS) (CR de N’Samba) ; RDPC contre Etat
du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 35/95-96 du 09 mai 1996, affaire PDC (CR d’Obala) contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n° 46/95-96 du 19 avril 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 59/95-96 du 18 juillet
1996, affaire Epalè Roger Delore contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 60/95-96 du 18 juillet 1996, affaire RDPC
contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 69/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun.
901
V. CS/CA, jugement n° 35/95-96 du 19 avril 1996, affaire PCD ( CR d’Obala) contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n° 36/95-96 du 19 avril 1996, affaire PAL contre Etat du Cameroun.
902
V. CS/CA, jugement n° 70/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP (CR de Makary, Kousseri et Zina) contre
Etat du Cameroun.
903
V. CS/CA, jugement n° 40/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UPC (C.R de Penka Michel)contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n° 41/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UPC contre Etat du Cameroun (CR de Bamendjou ).
904
A. D Olinga, op. cit., p. 39.
905
V. par ex, CS/CA, jugement n° 47/95-96 du 18 juillet 1996, affaire SDF et PCR contre Etat du
Cameroun (CU Yaoundé III).
906
CS/CA, jugement n° 69/95-96 du 18 Juillet 1996, affaire UNDP (CR de Zina) contre Etat du Cameroun (dans cette
affaire, le candidat d’une liste concurrente est accusé d’avoir menacé de mort un candidat de la liste du parti requérant);
CS/CA, jugement n° 69/95-96 du 18 Juillet 1996, affaire UNDP (CR de Makary, Kousseri et Zina) contre Etat du
Cameroun ( le requérant accuse les chefs traditionnels d’avoir détourné l’intention de vote des électeurs en leur promettant le
reclassement de leur chefferie en cas de victoire du parti adverse).
219
c. Les faits commis lors de la campagne électorale
Les actes commis lors de la campagne électorale sont réglés par l’article 28
de la loi n° 92/002. L’alinéa 1 er de cet article dispose qu’ « il est interdit à tout
candidat de porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’un autre candidat par
quelque moyen que ce soit, dans un lieu ouvert au public, ou par des faits dont il ne
peut rapporter la preuve ». L’alinéa 2 du même article dispose, quant à lui, que « la
victime des faits diffamatoires, peut, par requête et sans préjudice des poursuites
pénales contre l’auteur et/ou ses complices, en saisir la Commission communale de
Supervision, laquelle doit statuer dans un délai de trois (3) jours à compter de la date
de saisine (…) ». Pour le juge, il résulte de ces dispositions légales que les litiges
portant sur les faits diffamatoires commis lors de la campagne électorale relèvent de
la compétence de la CCS907.
Quant aux actes d’intimidation, l’atteinte à l’intégrité physique et aux biens qui
ne figurent pas parmi les cas énumérés par les dispositions législatives relatives aux
conditions d’élection des conseillers municipaux, le juge considère qu’ils ne peuvent
être portés ni devant la CCS ni devant lui, « ces faits relevant des juridictions de droit
commun »908.
907
V. CS/CA, jugement n° 54/95-96 du 8 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n° 64/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UFDC contre Etat du Cameroun.
908
CS/CA, Jugement n° 54/95 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun.
220
réserve de celles particulières fixées par »909 la loi n° 92/002 fixant les conditions
d’élection desdits conseillers municipaux, il en ressort que les opérations électorales
concernent l’organisation et le fonctionnement des bureaux de vote910, le
déroulement911 et le dépouillement du scrutin912.
Ainsi, dans l’affaire P.D.C du 9 mai 1996916, le juge considère que les
contestations formulées par le requérant portant sur le vote des mineurs et des
électeurs étrangers à la circonscription électorale de par leur origine, leur résidence
909
Article 1er de la loi n° 82/002 du 14 août 1992.
910
Voir article 95 à 97 de la loi n° 91/020.
911
Voir articles 98 à 103 de la loi n° 91/020.
912
Voir article 104 à 114 de la loi n° 91/020.
913
M. Kamto, « Le contentieux électoral au Cameroun », op. cit., p. 10.
914
J-C Masclet, op. cit., p. 319.
915
Voir M. Kamto, op. cit.
916
CS/CA, jugement n° 35/96-86 du 09 mai 1996, affaire P.D.C. contre Etat du Cameroun.
221
et leur domicile et celles portant sur le transport des « allogènes » pour qu’ils votent
dans une circonscription autre que la leur, font partie du contentieux préélectoral qui
relève de la CCS. Pour lui, en effet, il résulte de la loi n° 92/002 du 14 août 1992 que
« toutes les réclamations du requérant alléguées depuis l’établissement des listes
électorales jusqu’au déroulement du scrutin (…) sont de la compétence de ladite
commission ».
De même, dans l’affaire P.A.L du 09 mai 1996917, le juge estime que les
contestations du requérant relatives au bourrage des urnes, aux inscriptions
multiples des mêmes personnes dans le même bureau de vote et dans plusieurs
bureaux de vote, « relèvent des attributions de la commission communale de
supervision ». Il se fonde ainsi sur l’article 12 de la loi n° 92/ 002 qui dispose que la
CCS est chargée de veiller à la régularité des opérations électorales.
917
CS/CA, jugement n° 36/95-96 du 09 mai 1996, affaire P.AL. contre Etat du Cameroun.
918
CS/CA, jugement n° 63/95-96 du 18 juillet 1996, affaire S.D.F-UNDP-UDC et ADD (C.U de Yaoundé Vè)
contre Etat du Cameroun.
222
au décompte des voies. Elle s’achève par la publication des résultats du scrutin et
leur consignation dans des procès-verbaux.
Par ailleurs, l’article 12 de la même loi habilite la CCS pour veiller sur la
régularité, l’impartialité et l’objectivité des élections. A ce titre, elle centralise et vérifie
les opérations de décompte des votes effectuées par les commissions locales.
919
CS/CA, jugement n° 65/95-96 du 18 juillet 1996, affaire PNP (CR/Mbam) contre Etat du Cameroun.
920
CS/CA, jugement n° 56/95-96 du 18 juillet 1996, affaire PAP (Parti d’Action Paysanne) contre Etat du
Cameroun.
921
CS/CA, jugement n° 41/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UPC contre Etat du Cameroun – Commune rurale de
Bamendjou.
223
SDF et PRC922 et SDF-UNDP-UDC et ADD923 intervenues le même jour que les
précédentes, à savoir le 18 juillet 1996.
Dans l’affaire SDF et PRC, par exemple, il a soutenu, en effet, qu’aux termes
de l’article 12 de la loi n° 92/002, « il existe un contentieux préélectoral qui lui, relève
de la compétence exclusive de la CCS et un contentieux post électoral qui est de la
compétence de la juridiction administrative ».
922
CS/CA, jugement n° 47/95-96 du 18 juillet 1996, affaire SDF et PCR contre Etat du Cameroun (CU Yaoundé III).
923
CS/CA, jugement n° 63/95-96 du 18 juillet 1996, affaire SDF-UNDP-UDC et ADD (Commune urbaine de
Yaoundé V) contre Etat du Cameroun.
924
A-D .Olinga, op. cit., p. 39.
224
1. La connaissance des litiges portant sur la régularité des actes pris
par le Préfet dans le cadre des opérations préparatoires aux élections
municipales
925
J.C. Masclet, op. cit., p. 324.
926
Ibid.
225
a. La connaissance des litiges portant sur la régularité de la constitution
de la CCS par le Préfet
Pour retenir sa compétence, le juge se fonde sur les dispositions des articles
12, 14 (2) et 33 de la loi n° 92/002 du 14 août 199 2. L’article 12 de la loi n° 92/002
énonce, en substance, que créée au niveau de chaque commune, la CCS est
chargée de veiller à la régularité, à l’impartialité et l’objectivité des élections. Quant à
l’article 14 (2), il dispose que « la composition de la commission est constatée par
arrêté du Préfet ». Enfin, l’article 33 donne compétence au juge pour connaître des
contestations portant sur les opérations électorales.
Pour le juge, l’acte préfectoral fait partie des opérations qu’il nomme
« opérations électorales antérieures » qui ne relèvent « pas de la compétence
exclusive de la CSS ». Intervenant dans le cadre de l’article 14 (2) de la loi n°
92/002, il s’agit d’un acte administratif unilatéral que le juge administratif est
compétent pour connaître, car il est susceptible de faire grief dans le cadre du
processus électoral.
927
CS/CA, jugement n° 47/95-96 du 18 juillet 1996, affaire SDF et PCR contre Etat du Cameroun (CU de
Yaoundé III) et CS/CA, jugement n° 52/95/96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP (représentée par Marcel
Goutalo) contre Etat du Cameroun.
226
requérant au motif que saisi pour statuer sur sa régularité, le Préfet n’a pas donné
suite à la requête à lui adressée.
Si le juge administratif refuse de connaître des litiges portant sur les actes
explicitement émis par la CCS en matière de candidature, il retient cependant sa
compétence lorsque cette commission a implicitement refusé de statuer sur des
réclamations portant sur les candidatures.
928
CS/CA, jugement n° 37/95/96 du 09 mai 1996, affaire Social Democratic Front contre Etat du Cameroun
(Commune Rurale de Manjo).
929
CS/CA, jugement n° 25/95-96 du 29 mars 1996, affaire FPN (C.R de Mboma) contre Etat du Cameroun.
227
2. La connaissance du contentieux portant sur le refus implicite de la
CCS de statuer sur les contestations de candidature
Se prononçant sur la portée de cet article, le juge considère que seule la CCS
est compétente pour connaître les contestations liées au rejet d’une liste de
candidats et qu’elle statue en premier et dernier ressort930. Il en résulte que, lorsque
la CCS s’est prononcée sur le rejet d’une candidature, le juge déclare irrecevable le
recours introduit auprès de lui contre ce rejet931.
930
CS/CA, jugement n° 41/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UPC contre Etat du Cameroun.
931
Voir par exemple CS/CA, jugement n° 40/95-96 du 95-96 du 18 juillet 1996, affaire UPC (CR Penka-Michel)
contre Etat du Cameroun.
932
CS/CA, jugement n° 31/95-96 du 19 avril 1996, affaire RDPC (CR de Penja) contre Etat du Cameroun.
933
A. D. Olinga, op. cit., p. 39.
228
CHAPITRE II
L’ALOURDISSEMENT DE L’INSTANCE
CONTENTIEUSE SPECIALE
229
Les affaires urgentes ne peuvent pas être traitées selon les règles applicables
aux affaires ordinaires. Il faut faire vite pour éviter que l’écoulement du temps ne
préjudicie les droits et intérêts des demandeurs. Il est donc nécessaire de prévoir
une procédure spécifique permettant un traitement accéléré desdites affaires. Il
revient par conséquent au juge de prendre les mesures nécessaires pour alléger sur
le plan formel leur examen en se conformant aux délais que les textes lui ont
prescrits pour statuer.
934
O. Dugrip, op. cit., p. 91.
935
Ibid.
936
Ibid.
230
Si le formalisme procédural peut constituer « une garantie pour l’examen des
causes, l’excès de formalisme entraîne une lenteur dans l’examen des affaires »937.
Son allègement peut donc permettre un jugement plus rapide des affaires. Aussi, la
possibilité pour le juge de statuer d’urgence suppose qu’il puisse assouplir la
procédure lorsque celle-ci résulte des textes spéciaux. Mais, il se dégage de la
pratique juridictionnelle que le cadre formel de l’instance spéciale n’est allégé que
de façon limitée tant au stade de l’instruction (§ I) qu’à celui du jugement (§ II).
Le principe est que les affaires dont la juridiction administrative « est saisie ne
peuvent pas être jugées sans avoir fait l’objet d’une instruction propre à les mettre en
état d’être réglées par cette juridiction en aussi bonne connaissance de cause
possible »938. L’importance du principe explique que le juge ne peut céder qu’en cas
d’urgence liée à la nature de l’affaire ou lorsqu’il apparaît, « au vu de la requête
introductive d’instance », que la solution de l’affaire est « d’ores et déjà certaine ».
937
Ibid.
938
.R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 517.
939
Ibid, p. 520.
940
H. Jacquot, op. cit., p. 119.
941
P- F. Benoїt, Le droit administratif Français, Paris, Dalloz, 1968, p. 384.
942
G. Vedel et Delvolvé, T2, op.cit., p. 119.
943
Ibid.
231
Si « ce raffinement (procédural) est une garantie du sérieux avec laquelle
chaque affaire est examinée »944, il devient une entrave à la célérité procédurale
lorsqu’il est excessif. Aussi, afin de statuer d’urgence, le juge devrait alléger la
procédure d’instruction. Mais, il s’avère que dans la pratique, c’est la forme classique
de l’instruction qu’il applique en matière électorale (A) et que c’est formellement qu’il
limite l’instruction des autres affaires urgentes (B).
Comme l’écrit R. Odent, « de toutes les règles de procédure, celle qui impose
le caractère contradictoire de la discussion préalable est la plus vénérable et la plus
générale (…) même en l’absence de texte »948.
944
Jacqueline Morand-Deviller, « Le contrôle de l’administration : la spécificité des méthodes du juge
administratif et du juge judiciaire », CERAP, Collectif, Le contrôle juridictionnel de l’administration, Bilan
critique, Paris, Economica, 1991, p. 188.
945
B. Pacteau, op.cit, p. 229.
946
Ibid.
947
O. Gohin, La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, thèse, Paris, LGDJ, 1988, pp. 60
et suivantes.
948
R. Odent, Contentieux administratif, op.cit, p. 721.
232
Consacré par la Haute juridiction administrative française comme « un principe
général applicable à toutes les juridictions administratives »949, le « principe du
contradictoire » - ou la contradiction - « tend à assurer l’égalité des parties devant le
juge »950. Il est, selon l’expression de O. Gohin, « de l’essence même de la
juridiction »951.
949
CE, section ; 12 mai 1961 ; somme. La Huta, Rec., 313 ; CE, 13 décembre 1968, Syndicat des Propriétaires
de Champigny-sur-Marme, Rec. 645.
950
CE, 29 juillet, Mme Esclatine.
951
O. Gohin, Contentieux administratif, op. cit., p.220.
952
O. Gohin, La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, op. cit. p.24.
953
B. Pacteau, op.cit., p. 230.
954
Ibid.
955
Ibid.
956
Ibid.
957
R. Denoix de Saint Marc et D. Labetoulle, « Les pouvoirs d’instruction du juge administratif », EDCE, 1970,
p. 71.
958
Ibid.
233
« dispense liée à l’urgence »959. La contradiction n’est assouplie dans certains cas
que parce que le juge n’estime pas utile l’intervention écrite de la partie
défenderesse même si celle-ci est informée de la contestation.
959
Victor Haim, « L’écrit et le principe du contradictoire dans la procédure administrative contentieuse », AJDA, 1996, p
718.
960
En ce sens, V, par ex : CS/CA, jugement n°24/95-96 du 29 mars 1996, affaire conseillers municipaux de la commune
rurale de Nanga Eboko contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°25/95-96 du 29 mars 1996, affaire FPN (CR
MBOMA) contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°29/95-96 du 19 avril 1996, affaire RDPC (C.U d’Edéa) contre Etat
du Cameroun ; CS/CA, jugement n°30/95-96 du 19 avril 1996, affaire UPC contre Etat du Cameroun et M.L.J.C (CU
d’Edéa) ; CS/CA, jugement n°33/95-96 du 09 mai 1996, affaire Nandjoum Bwanga (PCCS) (C.R de N’samba), RDPC contre
Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°35/95-96 du 09 mai 1996,affaire PDC (CR d’Obala), contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n°37/95-96 du 09 mai 1996, affaire SDF contre Etat du Cameroun (CR de Manjo), CS/CA, jugement
n°40/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UPC (CR de Penka Michel) contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°41/95-96
du 18 juillet 1996, affaire UPC contre Etat du Cameroun (C.R de 1996, affaire UPC contre Etat du Cameroun et M.L.J.C (CU
d’Edéa) ; CS/CA, jugement n°33/95-96 du 09 mai 1996, affaire Enandjoum Bwanga (PCCS) (CR de N’samba), RDPC contre
Etat du Cameroun ; CS/CA jugement n34/95-96 du 09 mai 1996, affaire P.D.C contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement
n°35/95-96 du 09 mai 1996, affaire PDC (CR d’Obala) contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n37/95-96 du 09 mai
1996, affaire SDF contre Etat du Cameroun (CS de Manjo) ; CS/CA, jugement n°40/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UPC
(CR de Penka Michel) contre Etat du Cameroun CS/CA, jugement n°41/95-96 de 18 juillet 1996, affaire UPC contre Etat du
Cameroun (CR de Bamendjou ; CS/CA, jugement n47/95-96 du 18 juillet 1996, affaire SDF et PCR contre Etat du Cameroun
(CU de Yaoundé IIIe ) ; CS/CA, jugement n°56/95-96 du 18 juillet 1996, affaire PAP (CR de Ngambe) contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°58/95-96 du 18 juillet 1996 affaire PCR contre Etat du Cameroun ; CS/CA jugement
n°59/95-96 du 18 juillet 1996, affaire Epalè Roger Pierre contre Etat du Cameroun (CR de Bare-Moungo) ; CS/CA, jugement
n°60/95-96 du 18 juillet 1996, affaire RDPC contre Etat du Cameroun, CS/CA, jugement n°65/95-96 du 18 juillet 1996,
affaire PNP (CR/Mbam) contre Etat du Cameroun ; CS/CA jugement n°66/95-96 du 18 juillet 1996, affaire USC contre Etat
du Cameroun, CS/CA jugement n70/95-96 du 18 juillet 1996 affaire UNDP (CR de Marary, Kousseri et Zina) contre Etat du
Cameroun.
961
Voir par ex : CS/CA, jugement n°31/95-96 du 19 avril 1996, affaire RDPC (CR de Penja) contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n°36/95-96 du 09 mai 1996, affaire PAL contre Etat du Cameroun.
962
Voir par ex CS/CA, jugement n°64/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UFDC contre Etat du Cameroun.
963
V par ex, CS/CA, jugement n°44/95-96 du 18 juillet, affaire UNDP et SDF (CU de Yaoundé II)e contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°50/95-96 du 18 juillet 1996 affaire SDF contre Etat du Cameroun (CR de Demdeng) ;
CS/CA, jugement n°52/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun ; CS/CA jugement n°63/95-96 du
18 juillet 1996, affaire SDF, UNDP, UDC et ADD (CU de Yaoundé Ve) contre Etat du Cameroun.
964
V. par ex : CS/CA, jugement n°46/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement
n°53/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP (CR de Biyonha) contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°54/95-96 du
18 juillet 1996 affaire UNDP contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°68/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP ( CR
de Biyouha) contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°69/95-96 18 juillet 1996, affaire UNDP (CR de Zina) contre Etat
du Cameroun.
234
Bref, le contentieux électoral municipal s’avère être le terrain privilégié de la
contradiction, car l’échange de documents entre les parties est, non seulement
effectif, mais se fait sous diverses formes ou à des degrés divers.
Lorsqu’on sait que le juge a, selon la loi, soixante (60) jours pour statuer, il y a
lieu de se demander si cette contradiction intégrale n’est pas en porte-à-faux avec
l’obligation qu’il a de statuer d’urgence en cette matière où la préoccupation d’un
jugement aussi rapide que possible devrait atténuer le caractère contradictoire de
l’instruction965.
965
O. Dugrip, op. cit., p.92.
966
V. par exemple : CS/CA, jugement n°41/88-89 du 25 mai 1989, affaire Tchatchoua Jean-Pierre contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°101/90-91 du 28 mars1991, affaire Mvondo Nsang Richard contre Etat du
Cameroun . CS/CA, jugement n°54/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n°68/95-96 18 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°69/95-96 18
juillet 1996, affaire UNDP (CR de Zina) contre Etat du Cameroun
967
Voir par ex. : CS/CA, jugement n°68/86-87 du 13 août 1987, affaire Electrical Construction contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°69/86-87 du 13 août 1987, affaire Mukete Plantations Limited contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°71/86-87 du 13 août 1987, affaire Baba Youssoufa contre Etat du Cameroun
CS/CA, jugement n°73/86-87 du 13 août 1987, affaire Djidjou Prosper contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n°74/86-87 du 13 août 1987, affaire Atsama Foumena contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement
n°14/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Hirondelle Voyages contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement
n°17/87-88, du 29 octobre 1987, affaire Sociequip Cameroun contre Etat du Cameroun.
968
R. Chapus, op. cit., p.523.
235
2. L’application des méthodes classiques de travail
969
V. article 9.1 de la loi n° 75/17 du 8 décembre 1975.
970
R. Chapus , op. cit., p. 521.
971
V. article 15 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975.
972
CH Debbasch et J-C Ricci , op. cit., p. 390.
236
déterminant les délais dans lesquels les parties doivent produire leurs mémoires ou
leurs observations »973. Lorsqu’une partie s’abstient de répondre ou de répliquer
dans le délai à lui imparti, il le constate et passe outre974 ; sauf s’il lui accorde, à sa
demande, un délai supplémentaire. Mais, il ne prend aucune sanction à son
encontre ; car il estime « que le texte qui prévoit les délais de dépôt des mémoires
en défense ou en réplique n’édicte aucune sanction dans le cas d’inobservation de
cette formalité »975.
Si ce que dit cet auteur est vrai en théorie, dans la pratique juridictionnelle au
Cameroun, c’est le contraire qui a tendance à se produire. En effet, l’importance
973
Ibid.
974
V. par ex : CS/CA, jugement n°46/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP du 18 juillet 1996 contre Etat
Cameroun ; CS/CA, jugement n°53/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP (CR de Biyouha) contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n°54/95-96 du 18 juillet 1996 affaire UNDP contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n°68/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP (CR de Zina) contre Etat Cameroun.
975
CFJ/CAY, arrêt n°42 du 30 avril 1968, Ekwalla Edoubè Eyango Stéphane contre Etat du Cameroun oriental ;
V. aussi CFJ/CAY, arrêt n°160 du 8 juin 1971, Fouda Mballa Maurice contre Etat du Cameroun.
976
Ch. Debbasch et J-C Ricci op. cit., p. 392.
977
O. Dugrip, op. cit., p 96.
978
Ibid., p 97.
237
quantitative des contentieux, en particulier en matière électorale, les délais impartis
au juge pour statuer, auxquels il faut ajouter tous les problèmes d’ordre matériel,
financier, humain et structurel, ne permettent pas au Président - rapporteur d’assurer
avec diligence et célérité sa double mission de superviseur et de directeur de
l’instruction. Il en résulte des lenteurs et des retards dans le déroulement de
l’instruction et par conséquent dans le prononcé du jugement979. L’examen des
incidents de procédure par le juge selon les règles classiques, loin d’atténuer cette
état de fait, l’accentue plutôt.
979
La question (de la durée d’instance) sera abordée dans la section 2 de ce chapitre. V. infra.
980
R Chapus, op. cit., p 476.
981
Ibid. p 477.
238
cette instance « soit pour soutenir la requête, soit au contraire pour contribuer à la
combattre »982.
982
B. Pacteau, op.cit, p. 212.
983
Article 90 de la loi n° 75/17 du 8 décembre 1975.
984
CE, 20 octobre 1965, Gonidec, Rec, 538.
985
A. D Olinga , op.cit., p. 44
986
V. par exemple CS/CA, jugement n° 58/95-96 du 18 juillet 1996, affaire. P.C.R contre Etat du Cameroun, CS/CA,
jugement n° 60/95-96 du 18 juillet 1996, affaire RDPC contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 68/95-96 du 18 juillet
1996 affaire UNDP contre Etat du Cameroun.
987
V. par exemple CS/CA, jugement n° 30/95-96 du 19 avril 1996, U.P.C. contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°34/
95-96 du 09 mai 1996, affaire P.D.C contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 35/95-96 du 09 mai 1996, affaire PDC
contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 36/95-96 du 09 mai 1996, affaire PAL contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n° 37/95-95 du 09 mai 1996, affaire S.D.F contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°41/95-96 du 18 juillet
1996, affaire U.P.C Contre Etat du Cameroun ( CR de Bamendjou) ; CS/CA, jugement n°46/95-95 du 18 juillet 1996, affaire
UNDP contre Etat du Cameroun ; CS/CA jugement n°47/95-96 du 18 juillet 1996, affaire SDF et PCR contre Etat du
Cameroun ( CU de Yaoundé IIIe ) ; CS/CA, jugement n° 54/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du
Cameroun ; CS/CA, jugement n° 58/95-96 du juillet 1996, affaire P.C.R contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement
n°68/95-96 du 18 juillet affaire UNDP contre Etat du Cameroun.
988
V. par exemple : CS/CA, jugement n° 70/95-96 du 18 juillet 1996, affaire U.N.D.P (CR de Makary, Kousseri et Zina)
contre Etat du Cameroun.
989
V. par exemple : CS/CA, jugement n°52/95-96 du juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun ; CA/CS, jugement
n°53/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP ( C.R Biyouha) contre Etat du Cameroun ; CS/CAA, jugement n°64/95-96 du
18 juillet 1996, affaire UFDC contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°69/95-96 (CR de Zina) contre du Cameroun ;
CS/CA, jugement n°65/95-96 du 18 juillet 1996, PNP contre Etat du Cameroun, CS/CA, jugement n°66/95-96 du 18 juillet
1996, affaire U.S.C contre Etat du Cameroun.
239
originaires au procès et de prolonger celui-ci ; le juge étant souvent amené à examiner
leur intervention au fond. Ainsi, dans l’affaire R.D.P.C (C.U d’Edéa) du 19 avril 1996990, le
sieur Marcel Yondo, candidat élu aux élections dans la commune urbaine d’Edéa, a fait
acte d’intervention volontaire en soulevant l’irrecevabilité du recours de Pegngo Batta
requérant en l’instance, faisant valoir que, conformément à la loi n° 92/002, l’intéressé
n’avait pas qualité pour saisir le juge administratif, s’agissant d’un cas de diffamation, la
CCS ayant déjà proclamé les résultats ; que seul le Préfet est habilité à le saisir. Le juge a
admis la pertinence de ce moyen d’irrecevabilité en reconnaissant qu’il résulte
effectivement de l’article 28 (3) de la loi n° 92/0 02 que « la Chambre administrative de la
Cour Suprême ne peut être saisie que par le Préfet qui transmet la décision de la CCS -
portant proclamation des résultats- et non la victime ». De même, dans l’affaire P.A.P du
18 juillet 1996991, le R.D.P.C a fait acte d’intervention volontaire excipant l’irrecevabilité du
recours du Parti d’Action Paysanne (P.A.P) en ce que ce recours ne permettait pas
d'identifier son auteur et que celui-ci n’avait pas qualité pour contester les élections et en
solliciter l’annulation. Le juge a déclaré cette intervention non fondée puisqu’il ressortait de
la requête que son auteur était suffisamment identifié et qu’en tant que parti politique
ayant présenté des candidats, il avait qualité pour saisir le juge. Dans l’affaire UPC du 18
juillet 1996992, également, le Sieur Frédéric Kodock a fait acte d’intervention volontaire
pour demander au juge de ne pas se méprendre sur la qualité du requérant - M. Ndeh
Ntumazah - à agir au nom de l’U.P.C. Mais, le juge a fait observer que le recours de
l’intéressé ne porte pas sur la représentation du parti dont il se réclame, que c’est en tant
que candidat qu’il a saisi la Chambre Administrative ; aussi a-t-il déclaré l’intervention de
993
sieur Kodock non fondée. Dans l’affaire Epale Roger Delore du 18 juillet 1996 , sans
indiquer en quoi consiste l’acte d’intervention volontaire du SDF, le juge a, après l’avoir
déclaré recevable en la forme, estimé « qu’il apparaît au fond sans objet, la solution du
litige n’étant pas susceptible de compromettre les intérêts du parti intervenant ». Enfin,
dans l’affaire RDPC (CR/Penja) du 19 avril 1996994, deux actes d’intervention volontaire
sont intervenus : celui du S.D.F et celui du R.D.P.C. Dans son intervention volontaire, le
SDF excipait l’irrecevabilité du recours pour incompétence du juge à connaître du litige
990
CS/CA, jugement n°29/95-96 du 19 avril 1996, affaire RDPC (C.U d’Edéa) contre Etat du Cameroun.
991
CS/CA , jugement n° 56/95-96 du 18 juillet 1996, affaire P.A.P (C.R Ngambé) contre Etat du Cameroun.
992
CS/CA, jugement n°40/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UPC (CR de Penka Michel) contre Etat du
Cameroun.
993
CS/CA, jugement n° 59/95-96 du 18 juillet 1996, affaire Epale Roger Delore contre Etat du Cameroun (CR
de Bare-Mungo), SDF (intervenant).
994
CS/CA, jugement n° 31/95-96 du 19 avril 1996, affaire RDPC (CR Penja) contre Etat du Cameroun.
240
relatif aux candidatures. Si pour le principe le juge a admis son incompétence, il a rejeté
l’intervention au fond parce que la CCS réellement compétente en la matière s’est
abstenue de statuer alors qu’elle a été saisie. Dans son intervention volontaire, par contre,
le RDPC soutenait et adoptait les motifs exposés dans la requête introductive d’instance
du candidat requérant. Se référant d’une part aux dispositions législatives relatives aux
élections municipales, le juge a estimé que cette intervention est sans objet, car « le
candidat est indissociable de son parti qui de ce fait n’est pas tiers au procès initié par
l’intéressé », et, d’autre part, à la loi n° 75/17 du 8 décemb re 1975 fixant la procédure
devant la Cour Suprême statuant en matière administrative, il a déclaré l’intervention
relative à la non communication du dossier au parti intervenant non justifiée, car il résulte
du dossier que cette communication a été faite suivant récépissé de notification au conseil
constitué par le requérant et que suivant cette loi, la notification des actes de procédure
est faite aux parties sans qu’il soit tenu compte du nombre de leurs conseils ou de leurs
mandataires.
995
A. D Olinga, op.cit p. 44.
996
V. par exemple : CS/CA , jugement n° 59/95-96 du 18 juillet 1996, affaire SDF contre Etat du Cameroun et
CS/CA, jugement n° 60/95-96 du 18 juillet 1996, affaire SDF contre Etat du Cameroun.
997
A.D. Olinga , op.cit., p. 45.
998
H. Jacquot, op.cit, p. 125.
999
Article 92.1 de la loi n° 75/17 et CFJ/ CAY, arrêt n° 21 du 18 août 1972, Dame Makondo Agnès Flore contre
Etat Fédéral du Cameroun, RDC n° 3, pp 61 et suiv., observations H. Jacquot.
241
par le défendeur1000. Toutefois, il rappelle qu’en matière administrative, lorsqu’il n’est
rien prévu, le désistement est un désistement d’action c’est-à-dire que le demandeur
qui s’est désisté n’est plus recevable à former un nouveau recours contre la même
décision1001.
1000
V. CFJ / CAY, arrêt n° 13 du 20 mars 1968, Ekongolo Nlate Albert contre Etat du Cameroun.
1001
CS/AP, arrêt 10/A du 18 décembre 1980, Société Theraplix contre Etat du Cameroun.
1002
M. Waline , Précis de droit administratif, Paris, Montchrestien, 1969, p. 181.
1003
V. Article 93.1 de la loi n° 75/17.
1004
CS/CA, jugement n° 34/87-88 du 26 novembre 1987, affaire Gecirobac contre Etat du Cameroun
(MINDIC).
1005
V. Article 15 al 2 du décret n° 86/231 du 13 mars 1986 portant statuts la Chambre de Commerce, d’Industrie
et des Mines.
1006
CS/CA, jugement n° 27/95-96 du 18 avril 1996, affaire Engono Essame Emmanuel contre Etat du
Cameroun.
242
l’intéressé. Le jugement de désistement rendu le même jour où il a été saisi de la
demande y relative, intervenait plus de 60 jours après qu’il avait été saisi de la
requête précédente, alors que la loi lui prescrit un délai de 15 jours pour statuer.
De même, dans une espèce rendue le 18 juillet 19961007, le juge a, après avoir
constaté que le désistement était régulier en la forme, donné acte à l’intéressé. En
l’espèce, le requérant a déclaré se désister de son recours introduit le 29 janvier
1996 dans lequel il sollicitait l’annulation des élections municipales du 21 janvier
1996 dans la commune urbaine de Yaoundé Ier« pour des raisons d’opportunité
politique ». Jusqu’à la date d’introduction de la demande de désistement, il s’est
écoulé plus de 90 jours sans que le juge se soit prononcé, alors que la loi lui donne
60 jours pour statuer. Par ailleurs, il s’est prononcé sur le désistement plus de 70
jours après l’introduction de la demande y relative ; en effet saisi le 2 mai 1996, il a
rendu sa décision le 18 juillet de la même année.
1007
CS/CA, jugement n° 42/95-96 du 18 juillet 1996, affaire P.A.L contre Etat du Cameroun (Commune Urbaine
de Yaoundé).
1008
CS/CA, jugement n° 12/86-87 du 18 décembre 1986, affaire Oyie Tsogo Joseph contre Etat du
Cameroun.
1009
V. article 24 al 2er du décret n° 78/525 du 12 décembre 1978 portant statut de la Chambre d’Agriculture, de
l’Elevage et des Forêts du Cameroun modifié et complété par le décret n° 84-004 du 10 janvier 1984.
243
B. LA LIMITATION DE L’INSTRUCTION DANS LES AUTRES MATIERES
1. La suppression de la contradiction
1010
O. Dugrip, op. cit., p 94.
1011
CS/CA, jugement n°60/91/92 du 17 septembre 1992, affaire UPC contre Etat du Cameroun.
244
l’instruction, que la solution est d’ores et déjà certaine ; Que cette procédure permet
au Tribunal d’écarter les demandes manifestement irrecevables comme en
l’espèce ». Il résulte en effet des circonstances de l’espèce que, pour avoir changé
d’adresse sans en informer le juge, le requérant n’a pas consigné au greffe la
provision de quinze mille(15000) francs exigée par loi, ni produit les pièces qui lui
étaient exigées pour l’instruction de son recours.
1012
O.Dugrip, op. cit., p. 95.
1013
Ordonnance n°19/O/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire O.C.D.H contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°20/O/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Kom Ambroise contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°21/O/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire CAP-Liberté contre Etat du Cameroun.
245
Par ailleurs, le juge a exclu la contradiction, sans toutefois le dire, dans des
espèces rendues en matière de refus de légalisation des partis politiques1014,
puisque l’Etat, partie adverse, n’a ni été entendu ni même averti.
1014
Dans ce sens, V ordonnance n°25/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire RDR contre Etat du
Cameroun ; ordonnance n°26/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992 , affaire PSLD contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n°28/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992, affaire UNC contre Etat du Cameroun , ordonnance
n°29/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992, affaire FPS-PC contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°32/CS/PCA/CS/91-2 du 30 septembre 1992, affaire Divine Kingdom people’s party of Cameroon contre Etat
du Cameroun ; ordonnance n°02/O/PCA/CS du 16 décembre 1992, affaire UPC - Manidem contre Etat du
Cameroun.
1015
O. Dugrip, op. cit., p. 92.
246
brefs. En ce qui concerne le jugement des recours dans l’instance contentieuse
spéciale, il connaît, comme l’instruction, un allégement limité.
D’un point de vue juridique, le jugement des recours contentieux peut être
appréhendé sous deux aspects différents : d’abord comme action de juger en ce
sens qu’il « correspond à la phase de jugement qui est normalement consécutive à la
phase d’instruction sous réserve des mesures d’instruction à l’audience »1016 ;
ensuite, comme « résultat de l’action de juger », en ce sens qu’il « correspond à la
décision de justice administrative »1017.
1016
O. Gohin, Contentieux administratif, op. cit., p. 285.
1017
Ibid.
1018
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 559.
1019
Idid.
1020
M. Hauriou, op. cit., p. 499.
1021
Ibid.
247
1. La collégialité de l’organe de jugement
1022
V. article 11 al. 2 de l’ordonnance n°72/06 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour suprême.
1023
V. article 14 du décret n) 78/525 du 12 décembre 1978 portant statut de la Chambre d’Agriculture et article
15 du décret n°86/231 du 13 mars 1986 portant statuts de la Chambre de Commerce.
1024
V. article 17 (nouveau) al. 4 du décret n°78/525 suscité et article 19 al. 3 du décret n°86/231 suscité.
1025
V. article 24 du décret n°78/525 suscité (cet article parle de la Cour Suprême. Il faut entendre par- là la Cour
Suprême statuant en matière administrative et en premier ressort ; ce qui renvoie à la Chambre Administrative) et
article 27 de décret n°86/231 suscité.
248
bien en 1996 après les élections du 21 janvier de la même année qu’en 2002 après les
élections du 30 juin de la même. Elle a statué dans sa composition classique telle qu’elle
est prévue par l’article 11 al. 2 de l’ordonnance n°72/06.
1026
V. al.3 article 34 de la loi n°92/002 du 14 août 1992. Il dispose : « Le président statue dans un délai, de
soixante (60) jours à compter de la date de saisine ».
1027
G. Vedel et P. Delvolvé, T2, op. cit., p. 207.
1028
J. Lapanne-Joinville, « La direction de la procédure devant les tribunaux administratifs », AJDA, 1965, p.
324.
1029
R. Chapus, « De l’office de juge : contentieux administratif et nouvelle procédure civile », EDCE, 1977-
1978 n°29, p. 39.
249
Les audiences de la Chambre Administrative se tiennent à la date fixée par
son Président après avis du Procureur général. Elles sont publiques, « à moins que
la Chambre n’estime cette publicité dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes
mœurs »1030. En pratique, toutes les audiences en matière électorale sont publiques,
les parties et leurs conseillers sont tenus informés et invités par le Président de la
Chambre à « s’exprimer avec modération et (…) garder en tout le respect dû à la
justice »1031.
1030
Article 19 al.2 de la loi n°75/17.
1031
Article 20 al. 1er de la loi n°75/17.
1032
Cité par Ch. Debbasch et J-C Ricci, op. cit., p. 483.
1033
Ibid.
1034
Article 22 al, 1er de la loi n°75/17.
1035
M. Lombard, Droit administratif, 4ème éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 393.
1036
B. Seiller, Droit administratif, T1 Paris, Flammarion, 2001, p. 193.
250
b. L’existence du délibéré et le prononcé du jugement
Le délibéré est secret. Cela signifie que les juges délibèrent hors la présence,
tant du public que des parties et de leurs avocats, et qu’il leur est interdit de divulguer
« à quelque époque que ce soit et à qui que ce soit (…) ce qu’ont été les discussions
et (…) la façon dont chacun des magistrats s’est prononcé »1039. Il est acquis
nonobstant des changements intervenus dans la composition de la Chambre lors de
la lecture de la décision en audience.
Les jugements rendus sont contradictoires « soit lorsque les parties ont
comparu ou ont été représentées à l’audience soit qu’elles ont produit leurs
mémoires sans comparaître à l’audience bien que régulièrement convoquées »1040.
1037
R.Chapus, Doit du contentieux administratif, op. cit., p. 615.
1038
Article 23 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975.
1039
R. Chapus, op. cit., p. 620.
1040
Article 24 al. 2 de la loi n°75/17.
251
est conceptuellement et formellement simplifié, bien que dans les faits il ne connaît
pas la célérité voulue par le législateur.
252
Dans les espèces rendues en matière de dissolution d’association1041 et de
refus de légalisation d’association1042, c’est effectivement le Président de la Chambre
Administrative qui a eu à statuer par ordonnance1043.
1041
V. ordonnance n°19/O/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Organisation Camerounaise des Droits de l’Homme
(O.C.D.H) contre Etat du Cameroun , ordonnance n°20/O/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Kom Ambroise contre Etat
du Cameroun ; ordonnance n°21/O/PCA/CS du 26 septembre 1991 affaire CAP-LIBERTE contre Etat du Cameroun.
1042
V. par ex : ordonnance n°25//CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire RDR contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°26/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992, affaire UNC contre Etat du Cameroun ; ordonnance n°29/CS/PCA/91-92 du 23
septembre 1992, affaire FPS-PC contre Etat du Cameroun ; ordonnance n°32/CS/PCA/91-92 du 30 septembre 1992, affaire
Divine Kingdom people’s party of Cameroon contre Etat du Cameroun ; ordonnance n°02/O/PXCA/CS du 16 décembre
1992, affaire UPC-Manidem contre Etat du Cameroun.
1043
La seule exception qui est restée un cas d’espèce c’est l’affaire UPC du 17 septembre 1992 rendue, non pas
par un juge unique, mais par la Chambre administrative de la Cour Suprême . Le problème portait non pas
exactement sur le refus de légalisation du parti UPC mais, selon le terme de la requête, sur le rejet par le Ministre
de l’Administration Territoriale du « dossier de mise du parti politique UPC crée le 10 avril 1948 » et dont le
requérant a été le premier secrétaire élu en 1960. V CS/CA, jugement n°60/91-92 du 17 septembre 1992, Union
des populations du Cameroun (UPC) contre Etat du Cameroun.
1044
O. Dugrip, op. cit. 101.
1045
V. article 30 de la loi n°90/056 du 19 décembre 1990.
1046
V. article 17.2 de la loi n°056 du 19 décembre 1990.
1047
V. article 18. 2 de la loi n°90/056 du 19 décembre 1990.
1048
V. article 22 de la loi n°99/014 du 22 décembre 1999 régissant les organisations non gouvernementales.
1049
Cl. Boiteau, « Le juge unique en droit administratif », RFDA, 1996, p. 11.
1050
Montesquieu , De l’esprit des lois, Livre VI, chapitre VII.
1051
Cl. Boiteau, op. cit. ; p 11.
253
2. La simplification de la procédure de jugement
1052
CS/CA, jugement n°60/91-92 du 17 septembre 1992.
1053
La seule exception, unique en son genre, c’est l’affaire UPC du 17 septembre 1992 . Le jugement a été rendu
par la Chambre administratif ; V. jugement n°60/91-92 du 17 septembre 1992, affaire UPC contre Etat du
Cameroun.
254
l’atteste. Ainsi dans les affaires OCDH1054 Kom Ambroise1055, Cap-Liberté1056 du 26
septembre 1991, il déclare : « Attendu que la procédure présente instituée par
l’article 13 alinéa 3 de la loi n°90/053 du 19 déce mbre 1990 est celle d’ordonnance
sur requête, que par conséquent le Président de la Chambre Administrative se
prononce sans avoir entendu la partie adverse et sans même que cette dernière ait
été avertie ». Une telle procédure est également prévue par l’article 8 alinéa 3 de la
loi n°90/056 du 19 décembre 1990 relative aux parti s politiques.
1054
Ordonnance n°19/O/PCA/CS du 26 septembre 1991.
1055
Ordonnance n°20/O/PCA/CS du 26 septembre 1991.
1056
Ordonnance n°21/O/PCA/CS du 26 septembre 1991.
1057
O.Dugrip, op. cit., p 103.
1058
André Heurte, « Le délai pour statuer en matière électorale », AJDA, 1958, p. 25.
1059
R. ODENT, op. cit., p 728.
1060
A. Heurte, op. cit., p 25.
1061
V . CE, 26 novembre 1937, Logot et CE, 29 mai 1970, Sté conforma, Rec, 375.
1062
Ch. Debbasch et J-C Ricci, op. cit, 402.
1063
CE, 9 mai 1962 ministre de la Santé publique contre Fresnais, Rec., p 310.
255
Mais, la considération de l’urgence, liée à des données d’ordre divers, peut
conduire le juge « à spontanément accélérer l’instruction d’une affaire de façon à la
régler aussi rapidement que possible »1064. De même, la considération de l’urgence
peut conduire les pouvoirs publics à fixer, pour certaines matières, des délais plus ou
moins brefs, dans lesquels la décision du juge doit intervenir. Il en est ainsi du
contentieux électoral municipal, du contentieux électoral au sein des chambres
consulaires, du contentieux de la suspension et de la dissolution des associations et
des organisations non gouvernementales, du contentieux de la légalisation, de la
suspension et de la dissolution des partis politiques, du contentieux des actes portant
reconduite d’un étranger à la frontière.
Dans certains cas, les textes déterminent « les affaires qui doivent bénéficier
d’un jugement accéléré et prescrivent au juge administratif de les juger
prioritairement »1065. Pour cela, ils lui fixent des délais dans lesquels il devrait se
prononcer. La durée de l’instance contentieuse est alors préfixée ou prédéterminée.
Il en résulte que « le jugement devant être rendu avant le terme fixé par le texte, le
juge perd la maîtrise du temps procédural »1066. Le jugement d’urgence lui est donc
imposé ; aussi, s’il lui est possible de juger plus rapidement encore, il ne peut, en
principe, juger plus lentement1067.
Les cas dans lesquels le juge administratif est tenu de statuer dans des délais
déterminés en vertu d’une disposition textuelle expresse sont assez rares et se
1064
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 811.
1065
O. Dugrip, op. cit., p. 29.
1066
Ibid.
1067
Ibid.
256
présentent donc comme une exception. Ceci démontre que les pouvoirs publics
n’imposent des délais au juge qu’avec la plus grande réserve. Quoi qu’il en soit,
dans la pratique, le juge va au-delà des délais qui lui sont prescrits par les textes
pour statuer (A), remettant ainsi en cause l’autorité qui leur est attachée (B).
1068
Ibid., p. 31.
1069
F. Moderne, « La durée des instances », Colloque du 30ème anniversaire des tribunaux administratif, éd. du
CNRS, 1986, p. 61.
1070
O.Dugrip, op. cit., p. 71.
1071
Ibid.
1072
Méjan, « Le nouveau référé administratif », Rev. Adm., 1955, p. 161.
1073
O. Dugrip, op. cit., p. 73.
257
a. Le dépassement des délais légaux pour statuer dans le contentieux
électoral au sein des chambres consulaires
Il résulte de la pratique que les délais que le juge met pour statuer tant dans le
contentieux des listes électorales au sein de la Chambre de Commerce que dans le
contentieux des opérations électorales au sein de la Chambre d’Agriculture vont au
delà de ceux prescrits par les textes.
α. Les délais mis pour statuer dans le contentieux des listes électorales
Les délais mis par le juge pour statuer vont de 41 jours à 261 jours1075.
Les jugements relatifs à l’irrecevabilité des recours ont été rendus entre 91et 224
jours. A titre d’exemple, saisi le 30 juillet 1987 dans l’affaire Société de Transport de
Commerce et de l’Industrie, le juge a statué le 29 octobre 1987, soit 91 jours
après1076 ; par ailleurs, saisi le 19 août 1987 dans l’affaire Destiny Enterprises, il n’a
rendu son jugement que le 31 mars 1988, soit 224 jours après1077.
Quant aux jugements au fond, ils sont intervenus entre 41 et 180 jours. Ainsi,
par exemple, le juge a mis : 41 jours pour statuer dans l’affaire Electrical
1074
B. Momo, « Le problème des délais dans le contentieux administratif camerounais », op. cit., p. 147.
1075
Dans le jugement rendu 261 jours après sa saisine, le juge a rejeté le recours pour absence d’objet, l’omission
du nom alléguée par le recourant ayant été réparée par l’Administration : CS/CA, jugement n° 71/87-88 du 14
juillet 1988, affaire Société Ruccotel contre Etat du Cameroun. ( recours introduit le 26 octobre 1987).
1076
CS/CA jugement n°27/87-88 du 29 octobre, affaire Sté de Transport, de Commerce et de l’Industrie contre
Etat du Cameroun..
1077
CS/CA, jugement n°61/87-88 du 31 mars 1988, affaire Destiny Enterprises contre Etat du Cameroun.
258
Construction du 13 août 19871078 et ordonner que le nom de la partie requérante soit
inscrit sur les listes électorales, alors qu’il avait été saisi le 3 juillet 1987 ; 180 jours
dans l’affaire D.A Nangah du 28 janvier 19981079 pour refuser l’inscription de la partie
requérante parce qu’elle ne remplissait pas les conditions réglementaires requises,
alors qu’il avait été saisi le 13 juillet 1987 ; et, 90 jours dans l’affaire Teta Michel du
29 octobre 19871080, pour ordonner la rectification du nom de l’intéressé qui l’avait
saisi le 30 juillet 1987.
1078
CS/CA, jugement n°52/87-88 du 13 août 1987 Electrical construction contre Etat du Cameroun..
1079
CS/CA, jugement n°52/87-88 du 28 janvier 1988, D.A Nangah contre Etat du Cameroun..
1080
CS/CA, jugement n°26/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Teta Michel contre Etat du Cameroun.
1081
CS/CA, jugement n°41/88-89 du 25 mai 1989, affaire Tchatchoua Jean-Pierre contre Etat du Cameroun.
1082
CS/CA, jugement n°101/90-91 du 28 mars 1991 affaire Mvondo Tsang Richard contre Etat du
Cameroun.
259
28 mars 1991, alors que le recours a été introduit le 1er août 1986. En l’espèce, le
recours a été déclaré irrecevable pour non consignation d’une provision.
Un délai de soixante (60) jours à compter de la date de saisine est imparti par
le législateur au Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême1083
pour statuer sur la régularité des opérations électorales de la commune1084.
Dans les faits, ce délai n’est pas respecté. Ainsi, sur soixante dix huit (78)
jugements rendus après les élections municipales du 21 janvier 1996, un seul est
intervenu dans le délai de 60 jours prévus par la loi. En l’espèce, le juge a statué 59
jours après sa saisine1085. En effet, saisi le 30 janvier 1996, il a rendu sa décision le
29 mars de la même année. Tous les autres jugements sont intervenus au-delà de
60 jours. Les délais vont de 78 à 278 jours1086. Il en est ainsi, par exemple, du
jugement U.P.C (C.U Edéa) rendu le 18 avril 19961087, alors que le juge a été saisi le
31 janvier 1996, soit 78 jours après ; du jugement R.D.P.C (C.R Baham) rendu le 18
avril 19961088, alors que le recours a été introduit le 30 janvier 1996, soit 79 jours
1083
V. article 34 al de la loi n°92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers
municipaux.
1084
V. article 33 de la loi n°92/002 du 14 août 1992.
1085
CS/CA, jugement n°25/95-96 du 29 mars 1996, affaire Front Patriotique National (FPN) (CR de Mboma)
contre Etat du Cameroun.
1086
Voir tableau récapitulatif en annexes.
1087
CS/CA, jugement n°30/95-96 du 18 avril 1996, affaire UPC (C.U d’Edéa) contre Etat du Cameroun.
1088
CS/CA, jugement n°28/95-96 du 18 avril 1996, affaire RDPC (C.R Baham) contre Etat du Cameroun.
260
après ; du jugement RDPC (CR N’samba) rendu le 9 mai 19961089 alors que le juge a
été saisi le 26 janvier 1996, soit 104 jours après ; du jugement UNDP-SDF (CU de
Yaoundé IIe) prononcé le 18 juillet 19961090 à la suite d’une saisine intervenue le 31
janvier 1996, soit à 169 jours après ; du jugement Chefs traditionnels de Melong
prononcé le 31 octobre 19961091, alors que le recours a été introduit le 27 janvier
1996, soit 278 jours après.
Un délai très bref de quinze (15) jours à compter de la date de saisine est
imparti par le législateur à « la juridiction administrative compétente en première
instance », pour se prononcer sur les « cas d’irrégularités dans l’élection du maire ou
des adjoints »1093. Il s’agit d’un délai d’urgence que le juge méconnaît en pratique. A
titre d’exemple, dans l’affaire conseillers municipaux de Nanga Eboko décision du 29
mars 19961094 , le juge a statué 53 jours après sa saisine qui a eu lieu le 5 février
1996 ; dans l’affaire SDF (CU de Douala IIIe ), il a statué le 9 mai 19961095alors que
l’introduction du recours a eu lieu le 7 février 1996, donc 92 jours après ; de même,
dans l’affaire Essomba Marcel (CR de Ngomedzap), saisi le 14 mars 1996, il a statué
le 26 septembre 19961096, soit 196 jours après sa saisine ; enfin, dans l’affaire
conseillers municipaux de Goulfei1097, alors que le recours est intervenu le 27 janvier
1996, il a statué le 31 octobre 19961098, soit 278 jours après.
1089
CS/CA, jugement n°33/95-96 du 9 mai 1996, affaire RDPC(C.R N’samba) contre Etat du Cameroun.
1090
CS/CA, jugement n°44/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP-SDF (CU de Yaoundé IIe) contre Etat du Cameroun.
1091
CS/CA, jugement n°12/96-97 du 31 octobre 1996, affaire chefs traditionnels de Mélong contre Etat du Cameroun.
1092
Sur l’évolution des modes de désignation de l’exécution municipal au Cameroun, lire Bernard-Raymond
Guimdo, « L’Emprise de l’Etat sur l’exécutif communal au Cameroun», Lex lata n° 021, Déc.1995,pp.8-16.
1093
article 53 de la loi n°74/23 du 5 décembre 1974 portant organisation communale modifiée et complétée par
la loi n°92/003 du 14 août 1992.
1094
CS/CA, jugement n°24/95-96 du 29 mars 1996, affaire Conseillers municipaux de Nanga Eboko contre Etat
du Cameroun.
1095
CS/CA, jugement n°39/95-96 du 9 mai 1996, affaire SDF (CU de Douala IIIe) contre Etat du Cameroun..
1096
CS/CA, jugement n°4/96-97 du 24 septembre 1996, affaire Essomba Marcel (CR Ngomedzap) contre Etat du Cameroun
1097
CS/CA, jugement n°24/95-96 du 29 mars 1996, affaire Conseillers municipaux de Nanga Eboko contre Etat du
Cameroun.
1098
CS/CA, jugement n°13/96-97 du 31 octobre 1996, affaire conseillers municipaux de Goulfei contre Etat du Cameroun.
261
Il se dégage de ce qui précède que le juge ne prend pas en compte l’urgence
temporelle de la procédure en matière électorale. Ainsi, la prescription des pouvoirs
publics consistant à limiter le cadre temporel de l’instance d’examen du contentieux
électoral ne conduit pas le juge à statuer d’urgence en accélérant l’instruction et le
jugement des recours. Il en est de même dans les autres matières dont le cadre
formel de l’instance a été pourtant allégé.
Tout en reconnaissant qu’il résulte de la loi qu’il statue dans un délai de dix
jours, le Président de la Chambre Administrative a justifié ce retard à statuer par le
fait qu’il« n’a pas de vice-président », qu’il « n’est rentré de son congé annuel que le
1099
Ordonnance n°19/O/PCA-CS du 26 septembre 1991, affaire OCDH contre Etat du Cameroun.
1100
Ordonnance n°20/O/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Kom Ambroise contre Etat du Cameroun.
1101
Ordonnance n°21/O/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire Cap-Liberté contre Etat du Cameroun.
262
6 septembre 1991 »et que, par conséquent, il « ne pouvait statuer dans le délai
imparti à compter de l’enregistrement de la requête » . Il a ainsi estimé « qu’il y a là
cas de force majeure ». Cette justification, aussi légitime soit elle, n’est pas à l’abri de
toute critique. D’abord, il est un truisme que la Chambre Administrative n’a pas de
Vice-président, puisque la loi ne l’a pas prévu ; mais, il est assisté de deux
assesseurs qui sont, comme lui, des magistrats. Ensuite, il existe au sein de la Cour
Suprême plusieurs conseillers dont l’un peut lui suppléer au cas où il est empêché.
Par ailleurs, le départ en congé du Président de la Chambre administrative ne devrait
pas paralyser le fonctionnement de la justice administrative, surtout lorsque les
recours introduits ou en instance ont un caractère urgent ; l’intérim devrait donc être
organisé dans ce cas. Enfin, dire « qu’il y a là cas de force majeure », c’est-à-dire un
fait imprévisible dans sa survenance et irrésistible dans se effets, est un argument
qui ne tient pas , puisque le congé annuel du président n’est pas imprévisible, sauf
s’il est justifié par un cas de maladie ou d’accident, par exemple . Il n’est pas non
plus irrésistible dans ses effets, puisqu’on peut y remédier par la désignation d’un
intérimaire. Quoi qu’il en soit, et quelles que soient les raisons avancées, le juge
administratif n’a pas statué d’urgence.
1102
Saisi le 9 décembre 1992, le juge a statué le 16 du même mois. V. ordonnance n°02/PCA/CS du 16 décembre
1992, affaire UPC-Manidem contre Etat du Cameroun.
1103
CS/CA, jugement n°60/91-92 du 17 septembre 1992, affaire UPC contre Etat du Cameroun.
263
Pour l’affaire RDR, le juge a statué le 18 septembre 19921104, alors qu’il a été saisi le
7 août 1992, donc 43 jours après. En ce qui concerne l’affaire PSLD, il est intervenu
le 18 septembre 19921105 alors que le recours lui a été adressé le 17 août 1992 ; il
s’est donc prononcé 39 jours après. Quant à l’affaire UNC, le juge a statué le 23
septembre 19921106, alors qu’il a été saisi le 9 avril 1992, donc 168 jours après. Pour
ce qui est de l’affaire F.P.S-P.C, la décision du juge est intervenue le 23 septembre
19921107, alors que sa saisine a eu lieu le 16 juillet 1992 ; il a donc statué 70 jours
après. Enfin, pour l’affaire Divine Kingdom People’s party of Cameroon, le juge a
rendu sa décision le 30 septembre 19921108 alors que le recours a été introduit le 7
janvier 1992, soit 267 jours après sa saisine.
Le fait pour le juge de statuer au-delà des délais prescrits par les textes
contribue ou constitue une remise en cause de leur autorité.
1104
Ordonnance n°25/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire Regroupement Démocratique pour la
République (RDR) contre Etat du Cameroun.
1105
Ordonnance n°26/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire Programme Social pour la Liberté et la
Démocratie (PSLD) contre Etat du Cameroun.
1106
Ordonnance n°29/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992 affaire Union Nationale Camerounaise (UNC)
contre Etat du Cameroun.
1107
Ordonnance n°29/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992, affaire Front Patriotique pour le Salut du Peuple
Camerounais (FPS-PC) contre Etat du Cameroun.
1108
Ordonnance n°32/CS/PCA/91-92 du 30 septembre affaire Divine Kingdom people’s party of Cameroon
contre Etat du Cameroun.
264
B. LA REMISE EN CAUSE DE L’AUTORITE DES DELAIS PRESCRITS
PAR LES TEXTES POUR STATUER
1. Le caractère impératif des délais prescrits par les textes pour statuer
Il n’y a pas de doute que lorsque les textes prescrivent au juge des délais pour
statuer, ses décisions doivent normalement mettre un terme au litige avant
l’expiration de ces délais ; « statuant au-delà, le juge méconnaîtrait la volonté » des
pouvoirs publics « de doter le contentieux en cause d’une procédure d’urgence »1109.
En effet, tenu par les textes de rendre ses décisions dans les délais qui lui sont
imposés, le juge administratif est lié par une obligation de résultat1110.
La rédaction des textes ne peut en effet laisser de doute sur la volonté des
pouvoirs publics « d’imposer au juge l’obligation de statuer dans le délai fixé »1111 .
1109
O. Dugrip, op. cit., p 73.
1110
Dans ce sens, A. Heurte, op. cit., p 25.
1111
O.Dugrip, op cit., p.73.
1112
Par exemple : l’article 15.2 du décret n°86/231 du 13 mars 1986 portant statuts de la Chambre de Commerce
traitant des recours contre les inscriptions, radiations ou omissions faites sur les listes électorales par le Ministre
chargé du Commerce, président de la commission électorale, dispose : « La Chambre Administrative de la Cour
Suprême statue dans les quinze jours suivant l’introduction de la requête » ; l’article 24.2 du décret n°78/525 du
12 décembre 1978 portant statut de la Chambre d’Agriculture concernant les recours intentés contre les
opérations électorales au sein de la Chambre d’Agriculture énonce : « La Cour statue dans les 90 jours de sa
saisine » ; l’article 34.3 d la loi n°92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers
municipaux ,parlant des contestations des opérations électorales dispose : « Le président statue dans un délai de
soixante (60) jours à compter de la date de saisie » ; l’article 53 (nouveau) de la loi n°74/23 du 5 décembre
1974 modifiée et complétée par la loi n°92/003 du 14 août 1992, traitant des cas d’irrégularités dans l’élection du
maire ou des adjoints prescrit que « la juridiction administrative compétente en première instance (…) se
prononce dans les 15 jours de la saisine» ; l’article 13.3 de la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 portant sur la
liberté d’association dispose que « le président de la juridiction administrative (…) statue (…) dans un délai de
dix (10) jours » sur le recours portant sur la suspension ou de la dissolution d’une association ; enfin l’article 8.3
de la loi n°90/056 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques prescrit que « le président de la juridiction
administrative (…) statue (…) dans un délai de 30 jours » sur le recours portant sur le refus d’autorisation ,la
suspension ou la dissolution du parti politique.
265
problème au juge »1113. Pourtant, malgré l’autorité conférée aux délais de jugement
en matière électorale, en matière de dissolution d’association et de refus de
légalisation des partis politiques, le juge ne se sent par lié, car le traitement de ces
matières n’est pas rapide comme l’ont souhaité le législateur et l’exécutif.
En statuant au-delà des délais prescrits par les textes, le juge, sans le dire
explicitement, « se reconnaît le pouvoir souverain de ne pas rendre son jugement
dans le délai, faisant ainsi prévaloir son appréciation de l’urgence sur celle du
législateur, lorsqu’il ne l’ignore pas purement et simplement »1114. Par exemple, à la
suite des élections municipales du 21 janvier 1996, le contentieux qui en a résulté a
donné lieu à des audiences qui ont été renvoyées les unes après les autres et cela
au-delà du délai prescrit au juge pour statuer1115, bien qu’on ait expliqué certains
retards, lenteurs et renvois de jugements par l’empêchement du Président de la
Chambre administrative et par le fait qu’il a fallu procéder à des « gymnastiques »
juridiques pour désigner un autre magistrat, conseiller à la Cour Suprême, pour
assurer l’ intérim1116.
L’attitude générale du juge administratif par rapport aux délais qui lui sont
prescrits pour statuer dans des affaires jugées urgentes amène à dire ou à penser
que ces délais n’ont pour lui qu’une valeur « purement indicative » ou
« comminatoire »1117, « simplement destinés à inciter la juridiction à s’efforcer de
statuer rapidement »1118 , ou n’exprimant qu’un vœu1119.
Mais, les appréciations ainsi formulées « doivent être comprises comme une
description de la jurisprudence ; elles ne sauraient constituer un jugement sur la
valeur intrinsèque de ces délais (…) »1120. En effet, en dotant certains contentieux
d’une procédure d’urgence par la fixation des délais d’instance, la loi ou le règlement
« a entendu établir à leur profit une priorité dans l’inscription au rôle (…) »1121, bien
1113
O. Dugrip, op. cit., pp. 73-74.
1114
Ibid., p. 74.
1115
Sur ce point, lire Abel Eyinga, « le Cour suprême ne fait pas son travail » in La Nouvelle Expression n°325
du 16 juillet 1996, p. 2.
1116
V. ordonnance n°200/CAB/PCS du 7 février 1996 du Président de la Cour Suprême déléguant le conseiller
Atangana Clément, aux fonctions de Président par intérim de la Chambre administrative.
1117
C. Heller, « Le contentieux des élections universitaires : contribution à une théorie générale du droit
électoral ? », AJDA, 1979, p. 3.
1118
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p 518.
1119
R. Odent, op. cit., p 968.
1120
O. Dugrip, op. cit., p 75.
1121
Ibid.
266
que celle-ci ait pour effet, à certains égards, de retarder le jugement d’autres
contentieux, augmentant encore, à leur égard, la lenteur de la justice administrative.
Manifestement établi contre la lettre des textes, le fait pour le juge de statuer
au-delà des délais légaux n’est pas sans inconvénients et est susceptible de
provoquer de graves conséquences pour le requérant. En effet, il est admis que le
retard à juger qu’on aligne sur le refus de juger est constitutif de déni de justice. Le
Doyen L. Favoreu écrit que « le déni de justice ne s’analyse plus uniquement en un
refus brutal de juger mais qu’il peut consister dans la négligence ou le retard apporté
au jugement des affaires en état »1122 .
La remise en cause de l’autorité des délais impartis par les textes au juge pour
statuer s’explique et se justifie dans une large mesure par l’inexistence d’une part de
voies de droit ouvertes aux parties en cas de dépassement de ces délais, et, d’autre
part, par l’absence de mesures légales sanctionnant ce dépassement de délais par
le juge.
1122
L. Favoreu, Du déni de justice en droit publie français, Thèse, Paris, LGDJ, 1964, p. 8.
1123
Note sous CE, 22 décembre 1967, Michel, JCP, 1968, n°15488.
1124
O. Dugrip, op. cit., p. 78.
1125
Ch. Debbasch et J-C Ricci, op. cit., p 402. V, CE, Sect., 1er février 1946, Roux, Rec., p. 30.
267
a. L’inexistence de voies de droit ouvertes aux parties en cas de
dépassement de délais pour statuer
En effet, après avoir longtemps estimé que les décisions prises dans l’exercice
de la fonction juridictionnelle ne sont pas de nature à ouvrir une action en
responsabilité contre l’Etat, le Conseil d’Etat a, depuis 1978, construit « une
jurisprudence qui admet le principe de la responsabilité de l’Etat du fait de la
juridiction administrative tout en lui apportant une considérable limite »1126. Il a ainsi
admis dans l’arrêt Darmont qu’ « une faute lourde commise dans l’exercice de la
fonction juridictionnelle par la juridiction administrative est susceptible d’ouvrir droit à
indemnité »1127. Il a confirmé cette jurisprudence dans l’arrêt consorts Levi rendu le
12 octobre 19831128.
1126
O. Gohin, Contentieux administratif, op. cit., p. 372.
1127
CE, sect., 29 décembre 1978, Darmont, Rec. 542, AJDA, novembre 1979, p 45 note M. Lombard.
1128
CE, 12 octobre 1983, consorts Levi Rec., p 406, D., 1984, IR. 77, abs, M. Vasseur, D., 1985. IR. 203, Chr.
F. Modrene et P. Bon.
1129
O. Gohin, op. cit., p 372 . V. CE, 7 décembre 1990 ; SCI Les Mouettes, Rec. 983, D. 1991, obs., P. Bon et
Terneyré.
1130
CE, sect. 29 décembre 1978, Darmont, précité.
268
si longue inertie »1131 ou d’un tel retard à statuer. Que dire de l’inexistence de
mesures légales sanctionnant le non respect des délais légaux par le juge ?
Ensuite, les textes camerounais n’ont pas donné une signification à l’expiration
des délais et ne leur ont pas attaché certaines conséquences afin qu’ils soient
respectés par le juge administratif. En effet, ils n’ont pas prévu le sort de la requête
en cas de dépassement de délai ou de silence du juge au-delà du délai qui lui est
imparti pour statuer. Une telle hypothèse est prévue en matière électorale en France
où, lorsque le tribunal administratif, saisi, par exemple, du contentieux de
l’enregistrement des candidatures pour l’élection des conseillers municipaux ne
statue pas dans le délai de trois jours prescrit par les textes, la déclaration de
candidature doit être enregistrée1134.
1131
Note M. Lombard, sous l’arrêt Darmont suscité.
1132
O. Dugrip, op. cit, p.80.
1133
Ibid.
1134
V. Ibid., p. 82.
269
obstacle à ce que le juge administratif statue après l’expiration du délai1135. Il a
d’ailleurs prévu plusieurs hypothèses de dessaisissement1136. Tantôt, l’expiration du
délai sans qu’un jugement soit intervenu dessaisit la juridiction qui était saisie1137 ;
tantôt, le dessaisissement entraîne la caducité des actes administratifs déférés au
juge1138. Ainsi, dès lors que le délai de jugement est dépassé, « que le tribunal ait ou
non statué, ses pouvoirs lui échappent définitivement, il est devenu incompétent
ratione temporis »1139.
1135
Ibid, p. 83.
1136
En ce sens, Ibid.
1137
Par exemple, le tribunal administratif au profit de la Cour administrative d’Appel ou du Conseil d’Etat qui
statuera comme juge de premier ressort. C’est le cas du contentieux portant sur l’élection des maires et adjoints
et du contentieux de l’élection des conseillers municipaux. V. Ch. Debbasch et J-C. Ricci, op. cit. p. 402 et O.
Dugrip, Ibid., pp. 83-84.
1138
V. CE, 25 juillet 1985, Mme Dagostini, Rec., p 225.
1139
A. Heurte, op. cit., p. 26.
1140
O. Dugrip, op. cit., p 81.
1141
Ibid. p 85.
1142
Ibid.
270
PARAGRAPHE II : L'ALLONGEMENT DU CADRE TEMPOREL DE
1143
En ce sens, v. R. Chapus, op. cit., p. 471.
1144
O. Gohin, La contradiction dans la procédure administrative contentieuse, op. cit., p. 355.
271
aucun d'eux n'a prévu le temps que doit mettre le juge pour statuer sur les voies de
recours exercées contre les jugements rendus en ces matières. Il ne pouvait en être
autrement dans la mesure où même le cadre formel de cette instance est
insuffisamment déterminé ; parfois même, les textes sont muets à ce sujet.
Pour ce qui est du sort de la décision rendue par la même Chambre dans le
contentieux de l'éligibilité au sein desdites chambres, ni le décret n° 78/525 du 12
décembre 1978 portant statut de la Chambre d'Agriculture, ni le décret n° 86/231 du
13 mars 1986 portant statuts de la Chambre de Commerce ne font allusion aux voies
de recours contre ladite décision. Ils énoncent seulement que la Chambre
Administrative statue dans les huit jours francs suivant la production de la requête1147
ou du recours1148 et que la liste définitive des candidats « est publiée par le président
de la commission électorale provinciale et affichée dans toutes les unités
administratives de la province 30 jours au plus tard, avant le scrutin »1149, ou « doit
être notifiée par le Président de la Commission aux Préfets et Sous-Préfets pour
affichage immédiat, dix jours au plus tard avant la date du scrutin »1150.
1145
Article 15.2 du décret n°86/231 du 13 mars 1986 portant statuts de la Chambre de Commerce.
1146
Article 14 (nouveau) §2 du décret n°78/525 du 12 décembre 1978 portant statut de la Chambre
d’Agriculture.
1147
V. article 19.3 du décret n° 86/231 du 13 mars 1986.
1148
V. article 17 (nouveau) al. 4 du décret n° 78/525 du 12 décembre 1978.
1149
Article 17 (nouveau) al. 5 du décret n°78/525.
1150
Article 19.4 du décret n°86/231.
272
qu’il ait été définitivement statué sur les réclamations1151 ou sur les recours1152. Ici,
les textes parlent de " réclamations" ou de "recours" et non de " voies de recours" ;
autrement dit, il est "définitivement statué" dans l’instance contentieuse initiale et
non dans l’instance contentieuse dérivée. Les voies de recours sont donc ignorées
ici. Qu’en est-il en matière électorale municipale ?
La loi n°92/002 du 14 août 1992 fixant les conditio ns d’élection des conseillers
municipaux est muette sur les délais prescrits au juge pour statuer dans l’instance
dérivée où sont examinées les voies de recours exercées contre les jugements
rendus sur les contestations portant sur les opérations électorales au sein de la
commune. D’ailleurs, même le cadre formel de cette instance est imprécis. En effet,
après avoir précisé, en son article 34.3, que le Président de la juridiction
administrative « statue dans un délai de soixante ( 60) jours à compter de la date de
saisie », la loi n°92/002 indique, en son article 35 que les « conseillers municipaux
dont l’élection est contestée restent en fonction jusqu’à ce qu’il ait été définitivement
statué sur les réclamations» et que, « dans le cas ou l’annulation de tout ou partie
des élections est devenue définitive, les électeurs sont convoqués dans un délai de
quinze ( 15) jours suivant l’annulation ». Ici, l’existence d’une instance dérivée est
présumée, car non explicitement consacrée.
1151
V. article 27.4 du décret n° 86/231.
1152
V. article 24.3 du décret n° 78/525.
273
En pratique, saisi d’un recours en matière électorale, le juge administratif
statue « en premier ressort » ; ceci induit l’existence ou la possibilité d’exercice de
recours en appel. Certains jugements qu’il a rendus en la matière ont d’ailleurs fait
l’objet de tels recours devant l’Assemblée plénière de la Cour Suprême. Celle-ci,
faute d’un cadre formel et temporel spécifique pour en connaître, a fait usage du
cadre formel traditionnel déterminé par la loi n° 7 5/17 du 8 décembre 1975 fixant la
procédure devant la Cour Suprême statuant en matière administrative et a pris tout
son temps pour les examiner. Le cadre temporel d’examen des voies de recours
exercées dans les autres matières est lui aussi indéterminé.
1153
Article 13 al.4 de la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 portant sur la liberté d’association et article 8 al.4 de
la loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques.
274
applique les règles régissant toutes les voies de recours qui sont définies par la loi n°
75/17 du 8 décembre 1975. La conséquence en est que la durée de leur examen est
excessive, ce qui est source d’effets pervers préjudiciables.
Par ailleurs, saisie d’un recours en appel par l’Organisation Camerounaise des
Droits de l’Homme (OCDH) le 22 août 1991 contre l’ordonnance du Président de la
Chambre Administrative du 26 septembre 19911156 qui confirmait la légalité de la
décision du Ministre de l’Administration Territoriale qui l’avait dissoute, l’Assemblée
plénière de la Cour Suprême n’a rendu son arrêt que le 4 janvier 20011157, soit 9 ans
4 mois 12 jours plus tard. En l’espèce, elle a déclaré le recours de l’O.C.D.H
irrecevable. Elle a également statué tardivement sur des appels exercés en matière
électorale. Ainsi, saisie d’un appel de l’Etat le 12 août 1996 contre un jugement
rendu le 18 juillet 1996 par la Chambre Administrative en matière de contentieux
1154
Ordonnance n° 08/0/PCA/CS/93-94 du 13 décembre 1993, affaire Union des Populations du Cameroun
(UPC) contre Etat du Cameroun et UPC- Manidem.
1155
Article 118 de la loi n° 75/17 du 8 décembre 1975.
1156
Ordonnance n° 19/0/PCA/CS du 26 septembre 1991, affaire OCDH contre Etat du Cameroun.
1157
CS/AP, arrêt n° 35/A du 4 janvier 2001, affaire OCDH contre Etat du Cameroun.
275
électoral municipal, elle n’a rendu son arrêt que le 5 avril 20011158 ,c’est-à-dire 4 ans
7 mois et 24 jours après sa saisine. En l’espèce, elle a déclaré l’appel non justifié et
confirmé le jugement entrepris. De même, après avoir reçu un recours en appel de
1159
l’Etat le 14 juin 1996 contre un jugement rendu le 29 mars 1996 par la Chambre
administrative toujours en matière de contentieux électoral municipal, ladite
Assemblée ne s’est prononcée que 4 ans 6 mois et 17 jours après, à savoir le 14
janvier 20011160. En l’espèce, elle a estimé que ledit recours n’était pas justifié et a
confirmé le jugement contesté. Ici, comme ailleurs, l’Assemblée Plénière s’est
prononcée conformément aux règles procédurales qui la régissent. Saisie par l’effet
dévolutif, elle a procédé au rejugement des demandes d’appel sans considération
d’urgence, exerçant ainsi son pouvoir discrétionnaire qui consiste à « diriger
l’instruction souverainement et de clore l’instance lorsque cela lui paraît
opportun »1161. Mais, le fait pour le juge administratif de statuer dans un cadre
temporel indéterminé et dans un temps excessivement long sur les voies de recours
portant sur des affaires urgentes a des effets pervers préjudiciables.
Si « le juge (…) est libre de son temps, libre de choisir les affaires dont il décide
d’assurer un traitement rapide, libre de laisser les autres en attente »1162, la durée
excessive de l’instance débouche sur un déni du justice. En effet, il y a déni de
justice lorsque le juge saisi renvoie « la cause à un temps indéterminé »1163ou
1158
Arrêt n° 46/A du 5 avril 2001, Etat du Cameroun (MINAT) contre S.D.F.
1159
CS/CA, jugement n° 25/95-96 du 29 mars 1996, affaire Front Patriotique National (FPN) contre Etat du
Cameroun.
1160
CS/AP, arrêt n° 39/A du 14 janvier 2001, Etat du Cameroun contre Front Patriotique National.
1161
O. Dugrip, op. cit., p.85.
1162
B. Odent, « l’avocat, le juge et les délais », Mélanges René Chapus, Paris, Montchrestien, 1992, p. 491.
1163
L. Favoreu, op.cit., p. 14.
276
lorsqu’il néglige ou tarde à juger les affaires en état ; ce qui revient au même, car
« le retard à juger est (…) aligné sur le refus de juger pour constituer un déni de
justice »1164.
Il est donc incontestable que le retard mis par le juge administratif camerounais
pour statuer sur les voies de recours en matière électorale, en matière de dissolution
d’association et de légalisation des partis politiques participe du déni de justice.
Comme l’écrit R. Chapus, « anormale, cette situation est aussi dangereuse parce
qu’elle est de nature à provoquer le découragement des justiciables, renonçant à
rechercher des satisfactions dont ils ont lieu de penser qu’elles seront platoniques ;
parce qu’elle est de nature à faire douter du sérieux et même de la légitimité de la
justice administrative »1165.
Déplorer la lenteur du juge dans l’examen des voies de recours portant sur les
affaires urgentes ne signifie pas qu'on souhaite qu’il soit expéditif. Mais, « il faut
bien se persuader que des délais du jugement qui ne sont pas brefs (…) ne peuvent
être des délais raisonnables »1166.
Au terme de cette réflexion, il est établi que l’urgence est prise en compte de
façon contingente par le juge administratif camerounais dans l’application des
procédures contentieuses spéciales. Cela se traduit, d’une part, par la fluctuation du
contrôle de la recevabilité des demandes introduites en matière électorale, en
matière de dissolution d’associations et de légalisation des partis politiques, et,
d’autre part, par l’alourdissement de l’instance contentieuse tant en ce qui concerne
son cadre formel que son cadre temporel.
1164
O. Dugrip, op.cit., p. 77.
1165
R. Chapus, op.cit., p. 472.
1166
Ibid.
277
dans sa phase dérivée, son cadre formel étant inconstant et son cadre temporel
élastique.
278
SECONDE PARTIE
LES EFFETS DE LA PRISE EN COMPTE
CONTINGENTE DE L’URGENCE SUR
LA SITUATION CONTENTIEUSE
279
« (…) la mission du droit, la mission du juge, est avant tout de
créer de la sécurité par la stabilité et la généralité de la règle ».
280
La prise en compte contingente de l’urgence par le juge administratif
camerounais ne se manifeste pas seulement au niveau de la procédure
contentieuse. Elle affecte aussi le règlement de la situation contentieuse. En effet,
les solutions que le juge apporte à cette situation ne sont pas toujours de nature à
« préserver les intérêts du demandeur face à l’écoulement du temps »1167. Compte
tenu du fait que les situations susceptibles d’être considérées comme urgentes sont
variées, la nature et la portée des solutions qu’il leur apporte sont différentes.
1167
O. Dugrip, op. cit., p. 201.
281
TITRE I :
282
Le législateur camerounais a mis à la disposition du juge administratif deux
moyens lui permettant, avant toute instance au fond, de préserver provisoirement les
droits du demandeur en particulier, et des parties en général, contre l’écoulement du
temps. L’un permet de suspendre les effets de l’acte administratif litigieux : c’est le
sursis à exécution1168 ; tandis que l’autre permet, plus largement, au juge de prendre
des mesures conservatoires utiles à sauvegarder les intérêts du requérant : c’est le
référé administratif1169. Ces deux moyens sont tous commandés par l’urgence et
permettent d’éviter que le jugement rendu au fond ne devienne inutile et la situation
litigieuse compromise du fait de l’écoulement du temps. L’utilisation de ces moyens
par le juge administratif n’est pas fréquente, encore moins automatique. C’est ainsi
que le sursis à exécution des décisions administratives contestées n’est ordonné que
de façon discriminatoire (Chapitre I), alors que le référé administratif n’est édicté que
de façon exceptionnelle (Chapitre II).
1168
Voir articles 16, 17 et 18 de la loi n° 75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour suprême
statuant en matière administrative.
1169
Voir articles 122, 123 et 124 de la loi n° 75/17.
283
CHAPITRE I
L’OCTROI DISCRIMINATOIRE DU
SURSIS A EXECUTION
284
La procédure de sursis à exécution des décisions administratives est liée au
principe de l’effet non suspensif des recours exercés devant le juge administratif. Ce
principe est consacré par la loi n° 75/17, en son a rticle 16 al. 1er, en ces termes : « Le
recours contentieux contre une décision administrative n’en suspend pas
l’exécution ». C’est donc dire que la mise en œuvre de la procédure du sursis met,
ou est susceptible de mettre, en échec le caractère exécutoire des décisions
administratives que le Conseil d’Etat français a qualifié de « règle fondamentale du
droit public »1170. Il résulte de ceci que le sursis à exécution est une exception au
principe de l’effet non suspensif des recours contentieux et que son octroi ne peut
être ni général ni généralisé. Il est d’ailleurs présenté par la doctrine administrative
française comme « un régime d’exception »1171, tant sa mise en œuvre constitue un
« obstacle » au « pouvoir d’action unilatérale de l’administration »1172.
Mais, le sursis à exécution est une mesure provisoire « décidée dans l’attente
du jugement du recours en annulation dont la demande de sursis est
l’accessoire »1173. Par conséquent, les ordonnances qui le prononcent n’ont pas, à
l’égard de la juridiction, l’autorité de la chose jugée. Il en résulte qu’ « il ne peut y
avoir d’obstacle de principe à ce que, statuant sur le recours en annulation, la
juridiction apprécie divers aspects du litige autrement qu’ils l’avaient été lors du
jugement de la demande de sursis »1174. Le sursis à exécution est donc un
« correctif »1175 au principe de l’effet non suspensif des recours contentieux, un
mécanisme « permettant au requérant de rester à l’abri des effets de l’acte qu’il
conteste pendant la durée de l’instance au fond »1176. En tant que correctif, il « serait
particulièrement intéressant »1177 si la jurisprudence n’avait pas une appréciation
fluctuante des conditions prescrites par le législateur pour son octroi (Section I) d’une
part, et si le juge ne prenait pas en compte des conditions particulières pour l’édicter
(Section II).
1170
CE, Ass., 2 juillet 1982, Huglo et autres.
1171
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 861.
1172
Ch. Debbasch et J.-C. Ricci, op. cit., p. 417.
1173
R. Chapus, op. cit., p. 862.
1174
Ibid.
1175
R. Chapus, Droit administratif général, T. 1, 13è éd. Paris, Montchrestien, 1999, p. 772.
1176
P. Mouzouraki, L’efficacité des décisions du juge de la légalité administrative dans le droit français et
allemand, Thèse, Paris, LGDJ, 1999, p. 26.
1177
R. Chapus, Droit administratif général, op. cit., p. 772.
285
SECTION I : L’APPRECIATION FLUCTUANTE DES CONDITIONS
LEGISLATIVES D’OCTROI DU SURSIS A EXECUTION
1178
Yves Gaudemet, « Les procédures d’urgence dans le contentieux administratif », RFDA, 1988, p. 422.
1179
J. Rivero et J. Waline, op. cit., p. 194.
1180
Sur l’origine de la condition dite « du préjudice », voir Chr. Gabolde, « Aménager le sursis à exécution », in
Droit Adm., 1993, Fasc., 635.2, pp. 1-3.
286
En dépit de cette précision textuelle, la jurisprudence utilise souvent une
terminologie variée. Elle évoque tantôt « un préjudice difficilement réparable »1181,
tantôt « un préjudice inestimable »1182, tantôt « un préjudice grave »1183, tantôt « un
préjudice important »1184, ou alors « un préjudice »1185 sans le qualifier, comme si
ces termes étaient interchangeables, en lieu et place de « préjudice irréparable »,
ceci, sans aucune progression logique. Il reste que c’est cette dernière formule qui
est récurrente dans les ordonnances de sursis1186.
1181
En ce sens, voir par ex., ordonnance n° 04/OSE/PCA/CS/91-92 du 04 février 1992, affaire. Eboule Ndoumbe Maurice
contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 11/91-92/CS/PCA du 25 mars 1992, affaire Ebanga François contre Etat du
Cameroun ; ordonnance n° 15/OSE/PCA/CS/93-94 du 16 mars 1994, affaire Noumen Ntchao Justin contre Etat du
Cameroun ; ordonnance n° 16/OSE/CS/PCA/93-94 du 25 mars 1994, affaire. Nyam Charles contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n° 20/OSE/PCA/CS/93-94 du 10 mai 1994, affaire Société Sintrabois contre Etat du Cameroun ; ordonnance n°
09/OSE/PCA/CS/97-98 du 06 novembre 1997, affaire Tchasse Jean Claude contre Etat du Cameroun et ordonnance n°
21/OSE/PCA/CS/99-2000 du 11 avril 2000, affaire société Cambois contre Etat du Cameroun.
1182
Voir en ce sens, ordonnance n° 18/91-92/OSE/PCA/CS du 27 juillet 1992, affaire Kamdoum Zachée contre
Etat du Cameroun.
1183
Voir en ce sens, ordonnance n° 05/92-93/CS/PCA/ du 05 octobre 1992, affaire Sighoko Abraham contre Etat
du Cameroun.
1184
Voir à ce sujet, ordonnance n° 32/OSE/PCA/CS/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Ngwem Honoré contre
Etat du Cameroun et ordonnance n° 33/OSE/PCA/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Ngo Ngwem Isabelle
contre Etat du Cameroun.
1185
Voir par exemple, ordonnance n° 60/OSE/PCA/CS/98-99 du 29 juin 1999, affaire Ebelle Nyoungou Charles
contre Etat du Cameroun et ordonnance n° 21/ORSE/PCA/CS/2001-2002 du 26 février 2001, affaire ONEPI
(Organisation Nationale de l’Enseignement Privé Islamique) contre Etat du Cameroun.
1186
Sur 195 ordonnances de sursis recensées de 1976 à 2001, le juge utilise cette formule dans près de 180.
1187
C. Keutcha Tchapnga, « Le régime juridique du sursis à exécution dans la jurisprudence administrative
camerounaise », Juridis périodique n° 38, 1999, p. 88.
1188
J-J. Gleizal, « Le sursis à exécution des décisions administratives. Théorie et politique jurisprudentielles »,
AJDA, 1975, p. 391.
1189
M. Kamto, Observations sur l’ordonnance n° 9/OSE/PCA/CS/85-86 du 26 mai 1986, affaire Le Messager
contre Etat du Cameroun, in M. Kamto, Droit administratif processuel du Cameroun, Yaoundé, PUC, 1990, p.
175. Pourtant Ch. Debbasch considère que « Le préjudice grave causé au requérant est l’élément le plus exact
du sursis », voir Ch. Debbasch et J-J. Ricci, op. cit., p. 420. Voir aussi Chr. Gabolde, « Les nouveaux pouvoirs
d’urgence du juge administratif et le sursis à exécution », D., Chr., 195, p. 192.
1190
J-J. Gleizal, op. cit., p. 391.
287
Comme l’a clairement exprimé dans ses conclusions, à propos de la question
en droit français, le Commissaire du Gouvernement Laurent, un dommage doit être
considéré comme irréparable lorsque les conséquences entraînées par l’exécution
immédiate de la décision ne peuvent être effacées, réparées ou compensées par un
procédé quelconque, fût-il indemnitaire, au cas d’annulation par le juge du fond de
l’acte administratif en cause1191.
R. Odent est du même avis, mais sa position est un peu nuancée. Pour lui, un
dommage est considéré comme irréparable lorsque « l’exécution de la décision
attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables, c’est-à-dire
des conséquences que l’allocation d’une indemnité en argent ne répare
qu’imparfaitement ou incomplètement »1192. J-M Février, quant à lui, parle, à ce sujet,
d’«effets irréversibles et non compensables financièrement »1193. M. de Saint-Marc
ne partage pas cette conception du préjudice irréparable. Selon lui, « dire qu’une
décision entraîne des conséquences difficilement réparables ne signifie pas que le
dommage ne pourrait pas être réparé par l’allocation d’une somme d’argent. Si tel
était le cas, la condition ne serait jamais remplie, car par une fiction juridique
unanimement admise, tout préjudice est réparable en argent, même l’atteinte à la
réputation et la douleur morale. La notion de préjudice difficilement réparable
n’équivaut donc pas à la notion de préjudice non compensable »1194. Mais, comme
l’écrit O. Dugrip, « chacune de ces explications est, à elle seule, insuffisante pour décrire
la jurisprudence. Ces deux conceptions ne sont pas exclusives l’une de l’autre mais
cumulatives » ; car, « pour être difficilement réparables, les conséquences entraînées par
l’exécution de la décision attaquée doivent toujours être difficilement réversibles. Mais ce
n’est que si cette irréversibilité ne peut être entièrement compensée, au prix d’une fiction,
par le versement d’une indemnité que le juge estime les conséquences difficilement
réparables »1195. Cette considération permet de comprendre pourquoi la détermination du
préjudice irréparable ou difficilement réparable par le juge administratif camerounais est
fluctuante. En effet, « le juge administratif ne se détermine pas par rapport à des
1191
Laurent, Conclusions sur CE, Sect., 1er octobre 1954, Ministre des Finances et Affaires économiques c/
Crédit Coopératif Foncier, Rec., p. 432.
1192
R. Odent, op. cit., p. 113.
1193
Jean Marc Février, Recherches sur le contentieux administratif du sursis à l’exécution, Paris, Montréal,
L’Harmattan, 2000, p. 365.
1194
R. Denoix de Saint-Marc, « Les notions de " préjudice difficilement réparable" et de "moyen sérieux" », Gaz.
Pal., 27-28 février 1985, p. 6.
1195
O. Dugrip, op. cit., pp. 259-260.
288
définitions abstraites, mais par rapport à des situations concrètes »1196 et la fluctuation de
sa jurisprudence lui permet « de remplir une fonction sociale en sauvegardant (…)
certaines valeurs et institutions »1197. C’est pourquoi ses solutions « varient selon les
époques, selon les contentieux et selon les intérêts en cause »1198. Cette variation
jurisprudentielle intervient tant dans la détermination des préjudices d’ordre matériel (A)
que social (B) et pécuniaire (C).
Comme le notent, à juste titre, J-M Auby et R. Drago, « c’est surtout dans le
contentieux immobilier (…) que la procédure de sursis à exécution présente
aujourd’hui le plus grand intérêt pratique »1199. En effet, les décisions de sursis à
exécution rendues par le juge administratif camerounais en matière foncière et
d’urbanisme sont fort nombreuses, surtout ces dernières années. Ainsi, lorsque
l’exécution de la décision litigieuse « est de nature à apporter une modification dans
l’état physique des lieux, le juge admet très largement que » la condition de préjudice
irréparable « est remplie »1200.
1196
J-J Gleizal, op. cit., p. 391.
1197
Ibid.
1198
Y. Gaudemet, « Les procédures d’urgence dans le contentieux administratif », op. cit., p. 424. Dans le même
sens, Marie-Claire Ponthoreau, « Réflexions sur la motivation des décisions juridictionnelles en droit
administratif français », RDP, 1994, p. 758.
1199
J-M Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, T. 2, op. cit., p. 42.
1200
M. Rougevin-Baville, R. Denoix de St Marc et D. Labetoulle, Leçons de droit administratif, op. cit., p. 110.
1201
P. Mouzouraki, op. cit., p. 44.
1202
Chr. Gabolde, Procédure des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, Paris, Dalloz, 1997,
p. 160.
289
1. La détermination du préjudice en matière foncière et domaniale
1203
O. Dugrip, op. cit., p. 260.
1204
Ordonnance n° 06/ORSE/CS/PCA/88-89 du 04 septembre 1989, affaire Kamdem Lazare contre Etat du Cameroun.
1205
Ordonnance n° 01/OSE/PCA/C5/90-91 du 15 novembre 1990, affaire Tchimtezeu Chrétien et Consorts
contre Etat du Cameroun.
1206
Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/93-94 du 7 mars 1994, affaire Collectivité de Maképé II contre Etat du
Cameroun.
1207
Ordonnance n° 08/OSE/PCA/CS/98-99 du 15 octobre 1998, affaire Tamgho Jean-Marie contre Etat du
Cameroun ; ordonnance n0 27/OSE/PCA/CS/98-99 du 3 mai 1999, affaire Tsoungui Akama Charles contre Etat
du Cameroun.
290
terrain litigieux »1208, ou encore parce que le requérant « risque d’être dépossédé de
son immeuble »1209, ou de son terrain1210 et perdre ses investissements1211, ou voir le
terrain litigieux1212 ou son immeuble aliéné1213.
Mais, il arrive aussi que le juge considère que l’exécution des effets d’un titre
foncier n’ est pas de nature à causer un préjudice à la partie requérante1214.
Le juge considère aussi que l’annulation des titres fonciers est de nature à
causer un préjudice irréparable car la personne au détriment de qui l’annulation a eu
lieu « risque indubitablement d’être expulsée et de perdre ses investissements faits
sur le site »1217.
Pour ce qui est de la mutation des titres fonciers, le juge estime également
qu’elle est susceptible de causer un préjudice irréparable à celui qui la conteste « en
ce sens que le terrain objet du titre muté risque d’être aliéné et qu’il sera fort difficile
de conserver le caractère inattaquable, intangible et définitif du titre foncier au cas où
1208
Ordonnance n° 13//OSE/PCA/CS/98-99 du 7 décembre 1998, affaire Madame veuve Anaba née Mengue
Juliette contre Etat du Cameroun.
1209
Voir ordonnance n° 20/OSE/PCA/CS/98-99 du 20 janvier 1999, affaire Tchendou Joseph contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n° 53/OSE/PCA/CS/98-99 du 16 juin 1999, affaire Moukoko Koffi Emmanuel Black contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n° 58/OSE/PCA/CS/98-99 du 25 juin 1999, affaire Dame Noukedio née Tchounang Thérèse contre Etat du
Cameroun ; ordonnance n° 62/OSE/PCA/CS/98-99 du 26 juin 1999, affaire Yeyap Lietmbouo Abdou contre Etat du
Cameroun ; ordonnance n° 69/OSE/PCA/CS/98-99 du 4 juillet 1999, affaire Nleng Simon contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n° 28/OSE/PCA/CS/99-2000 du 17 mai 2000, affaire Nguiakam Marie et autre contre Etat du Cameroun et
ordonnance n° 25/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 7 mars 2001 1999, affaire Ignace Foyet contre Etat du Cameroun.
1210
Ordonnance n° 66/OSE/PCA/CS/98-99 du 19 juillet 1999, affaire Famille Bonayaka de Bonenoale II contre
Etat du Cameroun et ordonnance n° 71/OSE/PCA/CS/98-99 du 28 juillet 1999, affaire Dame veuve Edanha née
Enyegue Antoinette contre Etat du Cameroun et Ntchoutcha Gaston.
1211
Voir ordonnance n° 68/OSE/PCA/CS/98-99 du 28 juillet 1999, affaire Meula Jean Léonard, Moliedje Jacques, Simo et
Nguembe Michel contre Etat du Cameroun et ordonnance n° 12/OSE/PCA/CS/99-2000 du 01 mars 2000, affaire Cameroon
Agricultural Farmers Association (CAFA) contre Etat du Cameroun
1212
Ordonnance n° 20/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 26 février 2001, affaire Edzimbi Paul contre Etat du Cameroun.
1213
Ordonnance n° 36/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 03 avril 2001, affaire Ayants Droit de Ngomsi Simon contre Etat du
Cameroun.
1214
Ordonnance n° 26/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 19 mars 2001, affaire succession Fotso Marcel contre Etat du Cameroun.
1215
Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/90-91 du 04 juillet 1991, affaire Chedjou Gabriel contre Etat du Cameroun.
1216
Ordonnance n° 11/91-92/OSE/PCA/CS du 14 avril 1992, affaire Zock Ibrahim ; ordonnance n° 13/91/92/OSE/PCA/CS
du 16 juin 1992, affaire Bambot Laurence contre Etat du Cameroun contre Etat du Cameroun.
1217
Ordonnance n° 01/OSE/PCA/CS/97-98 du 5 octobre 1998, affaire famille Koum Mbappe Bell contre Etat du Cameroun.
291
l’examen au fond donnerait raison à la requérante »1218, ou que le requérant « risque
d’être expulsé »1219. Le juge fait généralement droit aux demandes des requérants
« pour ne pas faire entorse aux dispositions de l’article 1er de la loi n° 80/22 du 14
juillet 1980 »1220.
1218
Voir ordonnance n° 5/OSE/PCA/CS/92-93 du 26 octobre 1993, affaire Société civile immobilière de la rue
Ponty (SCI-Ponty) contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 31/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 22 mars 2001,
affaire Ndongo Seme Antoine et autres contre Etat du Cameroun.
1219
Ordonnance n° 22/OSE/PCA/CS/98-99 du 13 Avril 1999, affaire Wandji Thomas contre Etat du Cameroun.
1220
Ordonnance n° 31/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 22 mars 2001, affaire Ndongo Seme Antoine et autres contre
Etat du Cameroun.
1221
Ordonnance n° 09/OSE/PCA/CS/87-88 du 03 mai 1988, affaire Fouda Etoundi André contre Etat du
Cameroun.
1222
Ordonnance n° 49/OSE/PCA/CS/98-99 du 27 mai 1999, affaire Sogecco Cameroun contre Etat du
Cameroun.
1223
Ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/92-93 du 24 février 1993, affaire Ngapeth Jean Claude contre Etat du
Cameroun . Dans le même sens, ordonnance n° 25/OSE/PCA/CS/92-93 du 27 septembre 1993, affaire Sa’a
Dominique contre Etat du Cameroun et ordonnance n° 76/OSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire Njoh
Philibert contre Etat du Cameroun.
1224
Ordonnance n° 31/OSE/PCA/CS/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Dame Ngo Eog Christine contre Etat
du Cameroun.
1225
Ordonnance n° 35/OSE/PCA/CS/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Dame Ngo Eog Christine contre Etat
du Cameroun.
1226
Ordonnance n° 52/OSE/PCA/CS/98-99 du 15 juin 1999, affaire les familles Beyissa, Ngongui, Eboua Robert
et Sonoue contre Etat du Cameroun.
1227
Ordonnance n° 76/OSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire Njoh Philibert contre Etat du Cameroun.
292
ses investissements1228, voir ses intérêts préjudiciés1229 ou lorsque le terrain objet de
retrait du titre foncier peut être aliéné1230.
1228
Ordonnance n° 08/OSE/PCA/CS/1999-2000 du 21 novembre 2000, affaire société ALPICAM contre Etat du
Cameroun.
1229
Ordonnance n° 60/OSE/PCA/CS/97-98 du 30 juin 1998, affaire Djike Bernard contre Etat du Cameroun.
1230
Ordonnance n° 29/OSE/PCA/CS/93-94 du 27 juillet 1994, affaire Fongang Moise contre Etat du Cameroun.
1231
Ordonnance n° 56/OSE/PCA/CS/98-99 du 24 juin 1999, affaire Pelami Luc contre Etat du Cameroun et
Kongue Esso Pierre.
1232
Ordonnance n° 11/91-92/CS/PCA du 11 mars 1992, affaire Ebanga François contre Etat du Cameroun.
1233
Ordonnance n° 15/OSE/PCA/CS/98-99 du 11 mars 1999, affaire Choup Jean contre Etat du Cameroun.
1234
Ordonnance n° 16/OSE/PCA/CS/98-99 du 11 mars 1999, affaire Djomeni Tchoumbou Joseph contre Etat du
Cameroun et ordonnance n° 60/OSE/PCA/CS/98-99 du 28 juin 1999, affaire Ebelle Nyongou Charles contre Etat
du Cameroun.
1235
Ordonnance n° 48/OSE/PCA/CS/98-99 du 27 mai 1999, affaire Etoga Longui contre Etat du Cameroun et
ordonnance n° 50/OSE/PCA/CS/98-99 du 2 juin 1999, affaire Tchouamani David contre Etat du Cameroun.
293
c. Le préjudice lié à d’autres matières foncières
C’est pour éviter que le requérant ne perde à jamais ses terres1237, ou qu’il soit
expulsé du terrain litigieux1238, ou que le caractère inattaquable, intangible et définitif
du titre foncier obtenu par le requérant ne soit mis en péril au cas où la juridiction
administrative annulait l’acte litigieux,1239 que le juge suspend l’attribution en
concession provisoire d’une dépendance du domaine national. C’est également pour
protéger également les intérêts du requérant et le caractère intangible, inattaquable
et définitif du titre foncier qu’il est amené à suspendre l’exécution d’une décision
administrative portant déchéance des droits réels de propriété du requérant sur une
parcelle de terrain domanial1240.
Par ailleurs, le juge considère que l’exécution d’une décision administrative qui
autorise un tiers à occuper les terres appartenant à une communauté, alors même
qu’une procédure judiciaire qui les oppose est pendante devant la Cour Suprême,
est de nature à causer un préjudice irréparable à cette communauté,
« indubitablement exposée à la perte d’une partie de sa propriété ancestrale »1241.
1236
Ordonnance n° 57/OSE/PCA/CS/98-99 du 25 juin 1999, affaire Ngando Bebey Joseph et Bounya Ndambwe
contre Etat du Cameroun.
1237
V. ordonnance n° 20/OSE/PCA/CS/1999-2000 du 3 avril 2000, affaire Communauté Yoké de Mbanga contre
Etat du Cameroun.
1238
V. ordonnance n° 9/OSE/PCA/CS/98-99 du 09 décembre 1999, affaire Ouafo contre Etat du Cameroun.
1239
V. ordonnance n° 31/OSE/PCA/CS/91-92 du 30 décembre 1992, affaire familles Nzeufack de Badoumla
contre Etat du Cameroun.
1240
V. ordonnance n° 13/OSE/PCA/CS/93-94 du 7 mars 1994, affaire Nanhou Jacques contre Etat du Cameroun.
1241
V. ordonnance n° 53/OSE/PCA/CS/98-99 du 18 juin 1998, affaire communauté Njombé-Fan contre Etat du
Cameroun.
1242
V. ordonnance n° 69/OSE/PCA/CS/98-99 du 28 juillet 1999, affaire Tantchou Pierre contre Etat du
Cameroun.
1243
V. ordonnance n° 34/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 23 mars 2001, affaire village Kulabei contre Etat du
Cameroun.
294
son patrimoine aliéné par des tiers et sera indubitablement expulsé de son
immeuble »1244, ou d’un acte portant attribution de terrains à titre de recasement aux
familles victimes des opérations d’aménagement d’une ville parce que la personne
qui en demande la suspension « risque de perdre son lot de recasement »1245.
1244
Voir ordonnance n° 54/OSE/PCA/CS/98-99 du 16 juin 1999, affaire Nnanga Mbe Casimir contre Etat du
Cameroun.
1245
Voir ordonnance n° 40/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 06 avril 2001, affaire Mbida Evongo Martin contre Etat
du Cameroun.
1246
Ordonnance n° 33/OSE/PCA/CS/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Ngo Ngwem Isabelle.
1247
Ordonnance n° 32/OSE/PCA/CS/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Ngwen Honoré contre Etat du
Cameroun.
1248
Ordonnance n° 02/OSE/PCA/CS/86-87 du 20 octobre 1986, affaire Les Nouvelles Brasseries Africaines
(NOBRA) contre Etat du Cameroun et Commune Urbaine de Douala.
1249
Ordonnance n° 23/OSE/PCA/CS/98-99 du 29 avril 1999, affaire Succession Ngongue Célestin contre
communauté urbaine de Yaoundé.
295
ans »1250. De même, il considère que l’exécution d’un permis de construire contesté
est de nature à causer un préjudice irréparable au requérant, car elle risque de lui
faire perdre « indubitablement son immeuble »1251.
1250
Ordonnance n° 24/OSE/PCA/CS/98-99 du 29 avril 1999, affaire société Idéal Voyages SARL contre Etat du
Cameroun.
1251
Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/1999-2000 du 1er mars 2000, affaire succession Koa Maurice contre Etat du
Cameroun.
296
pourrait concevoir la possibilité d’une réparation pécuniaire »1252 qui, somme toute,
ne serait qu’insuffisante. Il en est ainsi de l’interruption du cursus universitaire d’un
étudiant. En effet, de façon automatique, le juge admet que l’exécution d’une
décision excluant un étudiant des établissements de toutes les institutions
universitaires nationales « risque d’occasionner pour le requérant un préjudice
difficilement réparable en ce que l’intéressé se trouve dans l’impossibilité de
poursuivre ses études et son avenir sera ainsi sérieusement hypothéqué »1253 et que,
l’exécution d’une décision excluant une étudiante de son Université est de nature à
lui causer un préjudice irréparable1254.
1252
Rigaud, Conclusions sur CE, Sect., 15 Avril 1966, Pennec , JCP, 1966.14850.
1253
Ordonnance n° 16/OSE/PCA/CS/93-94 du 25 mars 1994, affaire Nyam Charles.
1254
Ordonnance n° 13/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 07 décembre 2000, affaire Mlle Mama Biloa Sandrine contre
Université de Ngaoundéré.
1255
Ordonnance n° 28/OSE/PCA/CS/95-96 du 24 juin 1996, affaire Kouam Maurice Calvin contre Etat du
Cameroun.
1256
Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/98-99 du 10 mars 1999, affaire Kaptue Tobou Germain.
1257
Ordonnance n° 27/OSE/PCA/CS/93-94 du 12 juillet 1994, affaire Zintchem Barong Nicodème contre Etat du
Cameroun.
1258
Ordonnance n° 29/OSE/PCA/CS/95-96 du 24 juin 1996, affaire Joseph Tita contre Etat du Cameroun.
1259
Ordonnance n° 13/92-93/OSE/PCA/CS/95-96 du 24 juin 1996, affaire Kameni Pierre contre Etat du Cameroun.
297
d’interruption par l’administration du stage d’un fonctionnaire1260. Tout comme il
estime que l’affectation d’un enseignant est de nature à lui causer un préjudice « en
ce que celui-ci devrait supporter l’éclatement de son foyer vu la précarité de la santé
de son enfant qui devrait absolument rester à Yaoundé »1261, ou parce que
l’intéressé est « muté pratiquement chaque année scolaire » et doit de ce fait
délaisser sa famille1262, ou en ce que « sa famille risque d’être délaissée et que
l’intéressé ne peut subvenir à ses besoins du fait de la suspension de son
salaire »1263 ou parce que le requérant est un « malade grave qui doit être suivi par
l’Hôpital Central et Annexe Jamot de Yaoundé »1264, ou aussi parce que sa « famille
est (…) exposée à l’instabilité »1265. Il admet aussi qu’il y a risque de préjudice
irréparable dans l’affectation d’un enseignant « pour les raisons pertinentes
exposées dans sa requête »1266. Mais lorsqu’il estime que ces raisons ne le sont pas,
il ne suspend pas l’affectation1267.
1260
Ordonnance n° 10/91-92/OSE/PCA/CS du 17 mars 1992, affaire Kamdoum Zachée.
1261
Ordonnance n° 23/OSE/PCA/CS/93-94 du 2 juin 1994, affaire Kamto Maurice contre Etat du Cameroun.
1262
Ordonnance n° 09/OSE/PCA/CS/97-98 du 06 Novembre 1998, affaire Tchasse Jean Claude contre Etat du Cameroun.
1263
Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/97-98 du 26 novembre 1997, affaire Bikoko Jean Marc contre Etat du Cameroun.
1264
Ordonnance n° 38/OSE/PCA/CS/97-98 du 2 mars 1998, affaire Njandja Félix contre Etat du Cameroun.
1265
Ordonnance n° 68/OSE/PCA/CS/97-98 du 31 août 1998, affaire Ntchamande Augustin contre Etat du Cameroun.
1266
Ordonnance n° 47/OSE/PCA/CS/97-98 du 14 avril 1998, affaire Leumessi Jean contre Etat du Cameroun.
1267
Ordonnance n° 24/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 7 mars 2001, affaire Tiomela Michel contre Etat du Cameroun.
1268
Ordonnance n° 18/OSE/PCA/CS/98-99 du 19 mars 1999, affaire Tetanye Ekoe contre Etat du Cameroun.
1269
Ordonnance n° 10/OSE/PCA/CS/98-99 du 8 mars 1999, affaire Mendendana Dzenguene Joseph contre Etat du
Cameroun.
1270
Ordonnance n° 66/OSE/PCA/CS/97-98 du 8 juillet 1998, affaire Takougang Bernard contre Etat du Cameroun.
1271
Ordonnance n° 21/OSE/PCA/CS/92-93 du 30 juillet 1993, affaire Kingue Jean Bosco contre Etat du
Cameroun.
298
l’exécution d’un arrêté rapportant un autre arrêté portant avancement d’échelon et de
grade au choix d’un adjudant des Douanes, « les droits acquis de par cet arrêté
pouvant lui être reversés au cas où la chambre Administrative lui donnerait raison au
fond »1272.
1272
Ordonnance n° 19/OSE/PCA/CS/98-99 du 23 mars 1999, affaire Wabo Rigobert contre Etat du Cameroun.
1273
Ordonnance n° 16/OSE/PCA/CS/90-91 du 19 septembre 1991, affaire Yem Luc contre Etat du Cameroun.
1274
Ordonnance n° 48/OSE/PCA/CS/97-98 du 24 avril 1998, affaire Ndachi Tagne David contre Etat du
Cameroun.
1275
Ordonnance n° 81/OSE/PCA/CS/98-99 du 28 Septembre 1999, affaire Pemité Jean Calixte.
1276
Ordonnance n° 07/OSE/PCA/CS/99-00 du 8 décembre 1998, affaire Honorable Joseph Mbah-Ndam contre
état du Cameroun.
1277
Ordonnance n° 08/OSE/PCA/CS/99-00 du 2 février 2000, affaire Mosima Fritz Matute contre Etat du
Cameroun.
1278
CE, Ass., 23 décembre 1976, Perrault et autres, Rec., p. 577 ; AJDA, 1977, p. 161.
299
Par ailleurs, le juge estime que la prise en compte des élections du Président
et des membres au Conseil supérieur d’une organisation professionnelle n’est pas
de nature à causer un préjudice à ceux qui la contestent lorsqu’ils « ne justifient pas
d’un intérêt particulier lésé par ces élections »1279.
1279
Ordonnance n° 4/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 14 novembre 2000, affaire Tongbong Thomson Louis Marie
et consorts contre Etat du Cameroun.
1280
Ordonnance n° 17/OSE/PCA/CS/95-96 du 8 avril 1996, affaire Wambo Abraham.
1281
Ordonnance n° 35/OSE/PCA/CS/97-98 du 12 février 1998, affaire Nacho Comprehensive High School
Bamenda contre Etat du Cameroun.
1282
Ordonnance n° 3 bis/OSE/PCA/CS/79-80 du 10 mars 1980, affaire Onguene Obama Jean contre Etat du
Cameroun.
300
dans la mesure où « d’autres responsables peuvent être nommés à la place de ceux
destinés par l’arrêté incriminé »1283.
1283
Ordonnance n° 21/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 26 février 2001, affaire ONEPI (Organisation Nationale de
l’Enseignement Privé Islamique) contre Etat du Cameroun.
1284
Ordonnance n° 77/OSE/PCA/CS/97-98 du 22 septembre 1998, affaire Confédération Syndicale des
Travailleur du Cameroun (CSTC) contre Etat du Cameroun.
1285
Ordonnance n° 76/OSE/PCA/CS/97-98 du 21 Septembre 1998, Confédération Syndicale des Travailleurs du
Cameroun (CSTC) contre Etat du Cameroun.
1286
Ordonnance n° 72/OSE/PCA/CS/98-99du 30 juillet 1999, affaire Prince Njapoum Jean Trapez contre Etat du
Cameroun.
1287
Ordonnance n° 02/OSE/PCA/CS/79-80 du 08 février 1980, affaire société « Assurance Conseils Franco-
Africains (ACFRA) contre Etat du Cameroun.
301
douane, constatée par procès-verbal du Comité consultatif national des
concessionnaires en douanes agréés au Cameroun, est susceptible de causer à la
société requérante un préjudice irréparable en ce qu’elle risque d’être « exposée à la
paralysie de ses activités »1288.
302
conformément aux règles du droit du travail, régler les droits de l’agent, soit la
confirmer et l’agent pourra alors être dédommagé ou réintégré1295.
1295
Ordonnance n° 27/OSE/PCA/CS/93-94 du 12 juillet 1994, affaire Zintchem Baroung Nicodème contre Etat
du Cameroun.
1296
O. Dugrip, op. cit., p. 273
1297
Ordonnance n° 17/OSE/PCA/CS/93-94 du 21 avril 1994, affaire Khoury Miguel contre Etat du Cameroun.
1298
Ordonnance n° 01/OSE/PCA/CS/00-01 du 03 octobre 2000, affaire Compagnie des Scieries Africaines
(SCAF) contre Etat du Cameroun.
1299
Ordonnance n° 41/OSE/PCA/CS/00-01 du 10 avril 2001, affaire Société Forestière Petra contre Etat du
Cameroun. Dans le même sens, Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/00-01 du 16 janvier 2001, affaire Société
Forestière PETRA A SOFOPETRA contre Etat du Cameroun.
1300
O. Dugrip, op. cit., p. 274.
303
Dans les autres matières, le juge est moins libéral. En effet, s’il considère que
la fermeture d’une pharmacie « avec tout ce qu’elle comporte comme denrée à
conserver délicatement constitue un préjudice irréparable »1301, que l’exécution de la
décision portant expulsion de la gérante d’ un établissement cause à ses occupants
un préjudice irréparable « en ce que liés au propriétaire par un contrat, ils ne
pourront plus honorer à leurs obligations »1302, ou que causerait un préjudice
irréparable l’exécution d’une décision portant transfert d’un casino de l’Hôtel Méridien
à l’Hôtel Sawa de Douala, en ce que la société requérante risque de perdre ses
énormes investissements réalisés en vertu d’un bail notarié avec fixation d’une
échéance, surtout que l’acte incriminé ne fait nullement état d’une éventuelle
résiliation dudit bail1303, ou encore que l’exécution des décisions portant réalisation
du contrat de gérance libre d’un Centre Climatique causerait un préjudice irréparable
à la société requérante en ce qu’elle « risque de perdre sans compensation ses
importants investissements réalisés sur les lieux »1304, ou, enfin, que l’exécution
d’une décision contenue dans un message-porté du Procureur général de la Cour
d’Appel du Centre suspendant la vente aux enchères publiques d’un véhicule « est
de nature à causer un préjudice irréparable au requérant en ce qu’elle fait entrave à
l’exécution d’une décision de justice »1305. A contrario, il estime que n’est pas
susceptible de causer un préjudice irréparable au requérant l’exécution d’un décret
qui modifie et complète le décret déterminant les communes et leur ressort
territorial1306, l’exécution de la lettre – circulaire d’un Gouverneur de Province
portant application de l’instruction du Premier Ministre relative au règlement du
contentieux entre les collectivités publiques locales et une agence de publicité – en
l’occurrence Cameroun Publi – Expansion –, en ce qu’elle n’interdit pas à la société
requérante « d’exécuter son contrat qui d’ailleurs exclut explicitement en son article 2
1301
Ordonnance n° 21/91-92/OSE/PCA du 14 août 1992, affaire Mayouga Yvonne contre Etat du Cameroun et
Ordonnance n° 05/92-93/OSE/PCA du 05 octobre 1992, affaire Sighoko Abraham contre Etat du Cameroun..
1302
Ordonnance n° 03/OSE/PCA/CS/93-94 du 19 octobre 1993, affaire Moutaka Locko Julienne contre Etat du
Cameroun.
1303
Ordonnance n° 59/OSE/PCA/CS/97-98 du 18 juin 1998, affaire Société SOCADIC contre état du Cameroun.
1304
Ordonnance n° 03/OSE/PCA/CS/98-99 du 09 octobre 1998, affaire société Sogethore contre Etat du
Cameroun.
1305
Ordonnance n° 70/OSE/PCA/CS/98-99 du 28 juillet 1999, affaire Keau Ngani André contre Etat du
Cameroun.
1306
Ordonnance n° 22/OSE/PCA/CS/93-94 du 30 mai 1994, affaire Bouba Bello Maïgari contre Etat du
Cameroun.
304
alinéa 1, toute situation de monopole en faveur de la société Media Plus »1307, ainsi
que l’exécution des arrêtés d’un Gouverneur de Province nommant des agents
d’affaires dans sa province1308. De même, il considère que l’acte de déclaration
d’association n’est pas de nature à causer un préjudice à une association qui en
demande la suspension « en ce que la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 gara ntit la
liberté d’association »1309. Qu’en est-il lorsqu’il est saisi d’une demande de sursis à
exécution d’une décision dont les conséquences sont essentiellement d’ordre
pécuniaire ? Autrement dit, comment détermine-t-il le préjudice d’ordre pécuniaire ?
1307
Ordonnance n° 25/OSE/PCA/CS/93-94 du 27 juin 1994, affaire Société Media Plus contre Etat du
Cameroun.
1308
Ordonnance n° 33/OSE/PCA/CS/97-98 du 04 février 1998, affaire Ordre National des Avocats (Bafoussam)
contre Etat du Cameroun.
1309
Ordonnance n° 09/OSE/PCA/CS/99-00 du 02 février 2000, affaire Association Bangoulap de Yaoundé
contre Etat du Cameroun.
1310
Contrairement à ce qu’écrit un auteur. Voir. C. Keutcha Tchapnga, op. cit., p. 89.
1311
M. Rougevin-Baville, R. Denoix de St Marc et D. Labetoule, op. cit., p. 110.
1312
O. Dugrip, op. cit., pp. 275 et suivantes.
1313
Ibid.., p. 275.
305
tellement graves pour le requérant qu’ils rendent le préjudice irréparable ou
difficilement réparable.
1314
Ordonnance n° 59/CS/PCA du 31 mars 1977, affaire Michel Njine Ngangley contre Etat du Cameroun.
1315
En ce sens, ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/90-91 du 30 janvier 1991, affaire More Mbongoue Guillaume
contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 10/OSE/PCA/CS/93-94 du 16 février 1994, affaire Kenfack Etienne
contre Etat du Cameroun et ordonnance n° 36/OSE/PCA/CS/93-94 du 26 septembre 1994, affaire Madame
Djamen Ndjiya Ide contre Etat du Cameroun.
1316
Ordonnance n° 59/CS/PCA du 31 mars 1977, affaire Michel Njine Ngangley contre Etat du Cameroun.
1317
Ordonnance n° 07/OSE/PCA/CS/88-89 du 15 septembre 1989, affaire Pamansie Josué contre Etat du
Cameroun
306
financement de son stage à l’étranger »1318. Dans l’affaire Noucti Tchokwago du 13
mai 19961319 , le juge a renforcé cette tendance jurisprudentielle en affirmant
clairement que l’exécution prématurée des sanctions pécuniaires en cause « est de
nature à causer un préjudice difficilement réparable au requérant, compte tenu des
difficultés de trésorerie qu’éprouvent actuellement l’Etat et les organismes sous sa
tutelle, situation qui ne faciliterait pas le remboursement des sommes encaissées en
cas d’issue heureuse du recours au fond ». En protégeant les intérêts financiers du
requérant1320, il a voulu également protéger les deniers publics. En effet, dans cette
affaire, il préserve aussi bien l’intérêt privé – celui du requérant – et l’intérêt public.
1318
Ordonnance n° 04/OSE/PCA/CS/91-92 du 04 février 1992, affaire Eboule Ndoumbe Ndomube Maurice
contre Etat du Cameroun.
1319
Ordonnance n° 25/OSE/PCA/CS/95-96 du 13 mai 1996, affaire Noucti Tchokwago contre Etat du
Cameroun et Chambre de Commerce (Intervenante).
1320
C. Keutcha Tchapnga, op. cit., p. 89.
1321
Ordonnance n° 7/OSE/PCA/CS/78-80 du 5 juin 1980, affaire Socrate Clonaris contre Etat du Cameroun.
1322
Ordonnance n° 08/OSE/PCA/CS/90-91 du 11 mars 1991, affaire Ebode Jean-Marie contre Etat du
Cameroun.
1323
Ordonnance n° 22/91-92/CS/PCA du 23 septembre 1992, affaire Ntchana Zacharie contre Etat du Cameroun.
1324
Ordonnance n° 12/OSE/PCA/CS/91-92 du 4 mai 1992, affaire Brasseries du Cameroun contre Etat du
Cameroun.
307
Lorsqu’il arrive que le juge ordonne le sursis à l’exécution d’un ordre de
recettes, c’est essentiellement pour une raison sociale voire humanitaire. C’est ainsi
qu’il a estimé que l’exécution d’un ordre de recettes d’un montant de 4 040 717 de
francs CFA risquait d’occasionner un préjudice difficilement réparable pour le
requérant, « retraité de son état et démuni »1325. Il n’a pas la même souplesse
lorsqu’il s’agit d’une sanction disciplinaire.
1325
Ordonnance n° 15/OSE/PCA/CS/93-94 du 16 mars 1994, affaire Noumen Ntchao Justin contre Etat du
Cameroun.
1326
Ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/86-87 du 1er décembre 1986, affaire Tchaleu Wouako Gabriel contre Etat
du Cameroun.
308
conteste1328, surtout lorsque la conjoncture économique est « particulièrement
difficile »1329. Quant à l’exécution de l’imposition, il estime de façon récurrente que si
elle a lieu, elle causerait un préjudice irréparable à la personne requérante1330.
Dans le cas particulier d’un Cabinet d’Etude, le juge soutient que cette exécution
peut occasionner sa fermeture le faisant ainsi perdre sa clientèle1331. En cette
matière, le juge tient compte moins de l’importance de l’imposition que de la taille
financière de la personne requérante et du régime d’imposition auquel elle est
soumise pour accorder le sursis. Pour ce qui est du commandement de payer que
les services des Impôts de l’Etat adressent aux contribuables qui, à tort ou à raison,
n’ont pas pu satisfaire à leurs obligations fiscales, il admet que son exécution est de
nature à causer un préjudice difficilement réparable à la personne requérante, soit
parce qu’elle « peut faire l’objet d’une saisie »1332, soit parce que, du fait qu’elle peut
être saisie, elle est susceptible de « faire l’objet d’une vente aux enchères »1333.
Enfin, il considère qu’un procès-verbal de saisie-exécution établi par la Recette des
finances enjoignant un contribuable de payer la somme d’argent qu’il doit à l’Etat et
en scellant son étude est de nature à faire subir à la société requérante un préjudice
irréparable, à savoir « la fermeture de son étude »1334.
1327
P. Dibout, « Le développement du sursis à exécution en matière fiscale », AJDA, 1984, p. 584 et O. Fouquet,
« Le sursis à exécution en matière fiscale », Gaz Pal, 20 décembre 1987.
1328 1328
Ordonnance n° 10/OSE/PCA/CS/90-91 du 14 mars 1991, affaire Etoke Joël contre Etat du Cameroun.
1329
Ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/91-92 du 11 mars1992, affaire Ngameleu Dominique contre Etat du
Cameroun.
1330
Ordonnance n° 17/OSE/PCA/CS/90-91 du 17 septembre 1992, affaire Ndengue Thomas Byll contre Etat du
Cameroun et ordonnance n° 01/OSE/PCA/CS/91-92 du 1er novembre 1991, affaire Ndengue Thomas Byll Justin
contre Etat du Cameroun.
1331
Ordonnance n° 38/OSE/PCA/CS/93-94 du 26 septembre 1994, affaire Ndengue Thomas Byll contre Etat du
Cameroun.
1332
Ordonnance n° 20/OSE/PCA/CS/93-94 du 10 mai 1994, affaire Société Sintrabois contre Etat du Cameroun.
1333
Ordonnance n° 21/OSE/PCA/CS/93-94 du 10 mai 1994, affaire Etablissements Efeck contre Etat du
Cameroun.
1334
Ordonnance n° 07/OSE/PCA/CS/97-98 du 29 octobre 1998, affaire Société Civile Professionnelle contre Etat
du Cameroun. Dans le même sens, ordonnance n° 20/OSE/PCA/CS/92-93 du 30 juillet 1993, affaire Ngando
Bebey Joseph contre Etat du Cameroun.
1335
P. Mouzouraki, op. cit., p. 49.
309
ne pas livrer le secret de ses solutions pour se garder la possibilité de revenir,
éventuellement sur celles-ci »1336. Ensuite, parce qu’il utilise des formules variées
pour qualifier ce préjudice, lesquelles ne renvoient pas toujours ou forcément à la
même réalité. Toutefois, il n’est pas contestable que la notion de préjudice
irréparable exprime bien l’urgence de la situation litigieuse puisque l’appréciation de
celle-ci suppose un jugement sur l’intérêt menacé1337. De même, il n’est pas
contestable que la jurisprudence en la matière est à la foi libérale et restrictive.
Comme l’écrit J -J Gleizal, « tout ce passe comme si le juge était là pour rappeler à
l’administration les institutions qu’il importe de respecter. Un jour, c’est un arbre, un
autre jour une entreprise industrielle, autres temps, autres mœurs »1338. Cela étant,
la notion de préjudice irréparable n’est pas la seule condition législative que le juge
prend en compte pour octroyer le sursis à exécution des décisions administratives
contestées. Il y a également celle relative à l’exclusion des décisions intéressant
l’ordre public.
L’ORDRE PUBLIC
1336
Ibid., pp. 49-50.
1337
P. Jestaz, L’urgence et les principes classiques de droit civil, op. cit., p. 8 et p. 235.
1338
J-J. Gleizal, op. cit., p. 391.
310
que la décision du juge ne puisse compromettre l’ordre dont l’administration a la
charge »1340. Seulement, le 27 janvier 1983 un décret « est intervenu pour faire
disparaître toute restriction tenant à l’ordre public pour le prononcé du sursis par les
tribunaux administratifs »1341.
1339
Sur les applications jurisprudentielles de cette disposition réglementaire, voir J-M Auby et R. Drago, T2, op.
cit., pp. 35-36.
1340
J-J. Gleizal, op. cit., p. 396.
1341
Y. Gaudemet, « Les procédures d’urgence dans le contentieux administratif », op. cit., p. 423.
1342
Ch. Debbasch et J-C. Ricci op. cit., p. 421.
1343
Ibid.
1344
En effet, la détermination de l’origine de cette décision permet de comprendre pourquoi elle est formulée
ainsi par l’article 16 alinéa 2 de la loi n° 75/17, c’est-à-dire l’énumération de trois notions les unes à la suite des
autres comme « s’il s’agissait de notions autonomes ». La doctrine qui a commenté cette disposition a justement
critiqué cette conception mais en donnait l’impression que l’idée était du législateur camerounais alors qu’il n’a
fait que reprendre une disposition juridique consacrée par l’Exécutif français dans sa réforme du contentieux
administratif de 1953. A ce sujet, lire P. P. Tchindji, note sur l’affaire Le Messager, Penant n° 803 1990, op. cit.,
p. 337 ; M. Kamto, Observations sur l’affaire Le Messager, in Droit administratif processuel du Cameroun, op.
cit., p. 177 et C. Keutcha Tchapnga, op. cit., p. 90.
1345
C. Keutcha Tchapnga, ibid.
311
Dans certains cas, il la détermine de façon stricte en se conformant à la prescription
législative en la matière(A) ; dans d’autres cas, par contre, il la détermine de façon
lâche en dénaturant ladite prescription légale (B).
Il arrive qu’il garde le silence sur cette exigence et considère que l’exécution
de la décision en cause est de nature à causer un préjudice irréparable au requérant,
alors même que cette décision concernait l’ordre public. Il en a été ainsi dans l’affaire
UPC du 19 octobre 19931346 à propos de l’interdiction par le Préfet de la Mifi de la
tenue du congrès du parti politique UPC à Bafoussam, chef lieu de son département.
Cette détermination est faite soit directement par le juge lui-même, soit par le
biais du Ministère Public dans ses réquisitions, lesquelles sont reprises par le juge.
Ce dernier a eu à procéder à cette détermination dans un certain nombre de
matières. Il en est ainsi en matière foncière, en matière professionnelle, en matière
sanitaire et en matière financière.
1346
Ordonnance n° 04/OSE/PCA/CS/93-94 du 19 octobre 1993, affaire Union des Populations du Cameroun
contre Etat du Cameroun.
312
En matière foncière, le juge considère comme n’intéressant pas l’ordre public,
la sécurité ou la tranquillité publique l’arrêté ordonnant le retrait d’un titre foncier1347 ;
la décision portant règlement d’une opposition à la demande d’obtention d’un titre
foncier1348 ; la décision portant ou ordonnant la rectification d’un titre foncier1349 ;
l’arrêté portant déchéance des droits réels de propriété sur un terrain domanial1350 ;
la décision portant attribution d’un titre foncier1351. En matière professionnelle, le juge
considère comme n’intéressant ni l’ordre public, ni la sécurité ou la tranquillité
publique, la décision portant rejet du dossier d’un candidat à la profession
d’huissier1352 ; l’arrêté portant interruption du stage de formation d’un fonctionnaire à
l’étranger1353 ;la décision portant expulsion d’une gérante d’un immeuble sous
contrat1354 ;la décision portant autorisation de licenciement d’un employé1355.En
matière sanitaire, il admet que la décision portant fermeture d’une officine
pharmaceutique ne concerne pas l’ordre public, la sécurité ou la tranquillité
publique1356. En matière financière, il estime que les décisions mettant en débet des
agents publics1357 ne concernent pas l’ordre public. Il en est de même de la décision
émettant à l’encontre d’une personne morale privée des ordres de recettes1358, et, en
1347
Ordonnance n° 09/OSE/PCA/CS/88-89 du 3 mai 1998, affaire Fouda Etoundi André contre Etat du
Cameroun .
1348
Ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/88-89 du 04 septembre 1989, affaire Kamdem Lazare contre Etat du
Cameroun.
1349
Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/90-91 du 04 juillet 1991, affaire Chedjou Gabriel et ordonnance n° 11/91-
91/OSE/PCA/CS du 14 avril 1991, affaire ZOCK Ibrahim contre Etat du Cameroun.
1350
Ordonnance n° 13/OSE/PCA/CS/93-94 du 07 mars 1994, affaire Nanhou Jacques contre Etat du Cameroun.
1351
Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/93-94 du 07 mars 1994, affaire Collectivité de Maképé II contre Etat du
Cameroun.
1352
Ordonnance n° 16/OSE/PCA/CS/90-91 du 19 septembre 1991, affaire Yem Luc contre Etat du Cameroun.
1353
Ordonnance n° 10/OSE/PCA/CS/91-92 du 17 mars 1992, affaire Kamdou Zachée contre Etat du Cameroun.
1354
Ordonnance n° 03/OSE/PCA/CS/93-94 du 19 octobre1993, affaire Moutaka Locko Julienne contre Etat du
Cameroun.
1355
Ordonnance n° 27/OSE/PCA/CS/93-94 du 12 juillet 1994, affaire Zintchem Baroung Nicodème contre Etat
du Cameroun.
1356
Ordonnance n° 05/92-93/CS/PCA du 05 octobre 1992, affaire Sighoko Abraham contre Etat du Cameroun.
1357
Ordonnance n° 07/OSE/PCA/CS/88-89 du 15 septembre 1989, affaire Pamansie Josué contre Etat du
Cameroun ; ordonnance n° 04/OSE/PCA/CS/91-92 du 04 février 1992, affaire Eboule Ndoumbe Maurice contre
Etat du Cameroun ; ordonnance n° 10/OSE/PCA/CS/93-94 du 16 février 1994, affaire Kenfack Etienne contre
Etat du Cameroun.
1358
Ordonnance n° 12/OSE/PCA/CS/91-92 du 4 mai 19929, affaire Brasseries du Cameroun (SABC) contre Etat
du Cameroun et ordonnance n° 08/OSE/PCA/CS/90-91 du 11 mars 1991, affaire Ebode Jean-Marie contre Etat
du Cameroun.
313
matière fiscale, des impositions1359 et des décisions ordonnant les recouvrements
d’impôts1360.
Il arrive des fois qu’ après avoir admis que la décision querellée ne concerne
ni l’ordre public, ni la sécurité publique ou la tranquillité publique, le juge considère
que c’est plutôt son exécution qui « est de nature à porter atteinte à l’ordre public, à
la sécurité ou à la tranquillité publique à cause de son impact sur la population »1361.
Ce faisant, le juge protège, non pas l’Etat, mais les citoyens contre les effets
néfastes d’une décision administrative sur la paix sociale dans leur localité.
On aurait pu penser que dans l’affaire UPC du 19 octobre 1993, le juge allait
évoquer ce motif dans la mesure où la décision contestée interdisait la tenue du
congrès d’un parti politique ; il ne l’a pas fait, alors que l’interdiction d’une réunion ou
d’une manifestation publique, comme la tenue du congrès d’un parti politique,
intéresse nécessairement et directement l’ordre public. Non seulement il n’a pas
évoqué ce motif, mais en plus, il a reconnu que cette interdiction est de nature à
causer un préjudice irréparable au requérant. Le recours de ce dernier n’a été rejeté
comme sans objet que parce qu’il n’a fait l’objet de réquisitions du Ministère Public
que postérieurement à la période prévue pour la tenue du congrès1362. En adoptant
une telle attitude, le juge a ainsi ouvert une brèche dans la condition qui exclut du
sursis à exécution les décisions intéressant l’ordre public. Mais il ne s’est agi que
1359
Ordonnance n° 03/OSE/PCA/CS/78-80 du 24 mars 1980, affaire Nguepi Joseph contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/78-80 du 15 avril 1980, affaire Sundjio Justin contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n° 17/OSE/PCA/CS/90-91 du 17 septembre 1991, affaire Ndengue Thomas Byll contre Etat du
Cameroun.
1360
Ordonnance n° 10/OSE/PCA/CS/90-91 du 14 mars 1991, affaire Etoke Joël contre Etat du Cameroun et
ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/91-92 du 11 mars 1992, affaire Ngamaleu Dominique contre Etat du Cameroun.
1361
Ordonnance n° 07/91-92/OSE/PCA/CSdu 20 mars 1992, affaire Elites et notables du village Bamoudjo
contre Etat du Cameroun.
1362
Ordonnance n° 04/OSE/PCA/CS/93-94 du 19 octobre 1993, affaire Union des Populations du Cameroun
(UPC) contre Etat du Cameroun.
314
d’une exception au principe car dans d’autres affaires, certes peu nombreuses, il a
rejeté les demandes au fond aux motifs qu’elles sollicitent le sursis à l’exécution de
décisions intéressant l’ordre public.
Cette prise de position indique, d’une part, que la matière foncière peut être
aussi concernée par l’ordre public, et, d’autre part, qu’ il suffit que l’administration
vise « les nécessités d’ordre public » dans sa décision, sans aucune motivation à
l’appui, pour lier celle du juge. Ainsi, toutes les fois que la décision contestée visera
l’ordre public, le juge aura compétence liée. D’ailleurs, son caractère changeant en
fait une arme redoutable entre les mains de l’Administration qui peut en user pour
limiter l’intervention du juge et rendre pratiquement impossible l’obtention du sursis à
exécution des décisions contestées. Cela est d’autant plus vrai que dans l’affaire
BICEC du 26 novembre 19971365, le juge a refusé le sursis au motif que l’acte
contesté du Procureur de la République « est intervenu dans l’optique de préserver
l’ordre public et la paix sociale.
Ce que l’on peut regretter dans cette prise de position du juge sur la question
relative à l’ordre public, c’est le laconisme de la motivation de ses décisions, alors
qu’il s’agit d’une question importante mettant en jeu les libertés individuelles et
publiques. Pourtant, comme l’écrit J-M. Février, la motivation des décisions
juridictionnelles revêt une dimension « pédagogique » et évite que « le silence
1363
Ordonnance n° 33/OSE/PCA/CS/95-96 du 30 janvier 1996, affaire Société Mondiana SARL contre Etat du
Cameroun.
1364
Ordonnance n° 05/OSE/PCA/CS/97-98 du 13 octobre 1997, affaire Mesdemoiselles Carle Julia et
Tchangongom Tcheumaka contre Etat du Cameroun.
1365
Ordonnance n°15/PCA/CS/97-98 du 26 novembre 1997, affaire BICEC contre Etat du Cameroun.
315
génère le doute ». Pour cet auteur, en effet, la transparence du raisonnement
juridictionnel « doit permettre la confiance en ceux qui rendent la justice, tout comme
la lisibilité de la règle constitue par elle-même une garantie pour les justiciables »1366.
Cette prise de position est contraire à la lettre de la loi, puisque celle-ci interdit
justement le sursis à exécution des décisions intéressant l’ordre public. Ainsi, en
rejetant une demande au motif que la décision attaquée ne concerne pas l’ordre
public, le juge dénature la loi. Qui plus est, il introduit une condition totalement
incompréhensible et aberrante, car son application impliquerait le rejet de la majorité
1366
J-M. Février, Recherche sur le contentieux administratif du sursis à exécution, op. cit., p. 313.
1367
Ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/90-91 du 30 janvier 1991, affaire More Mbonguè Guillaume contre Etat du
Cameroun.
316
des demandes en matière de sursis. Il y a donc lieu d’espérer qu’il s’est agi dans
cette ordonnance d’un problème de rédaction.
De même qu’on peut espérer qu’il s’est agi d’un problème de rédaction dans
l’ordonnance qu’il a rendue dans l’affaire Kamdoum Zachée du 7 juillet 19921368
lorsqu’il prend en compte non pas l’objet de l’acte contesté mais son lieu
d’application pour affirmer que l’ordre public n’est pas concerné. Dans cette affaire,
en effet, le juge déclare, en reprenant les réquisitions du Ministère Public, que
« l’arrêté incriminé est de nature à occasionner un préjudice inestimable au requérant
qui devra supporter le financement de son stage à l’étranger où la tranquillité
publique ne sont pas concernées (sic !) ». Quel que soit l’angle sous lequel on prend
cette affirmation, elle est incompréhensible quant à la référence faite à la tranquillité
publique.
1368
Ordonnance n° 18/91/92/OSE/PCA/CS du 7 juillet 1992, affaire Kamdoum Zachée contre Etat du Cameroun.
1369
Ordonnance n° 20/OSE/PCA/CS/93-94 du 10 mai 1994, affaire société Sintrabois contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n° 21/OSE/PCA/CS/93-94 du 10 mai 1994, affaire Etablissement EFECK contre Etat du Cameroun.
1370
Ordonnance n° 25/OSE/PCA/CS/93-94 du 27 juin 1994, affaire Société Média Plus contre Etat du
Cameroun.
1371
Ordonnance n° 17/OSE/PCA/CS/93-94 du 21 avril 1994, affaire Khouri Miguel ; ordonnance
n°23/OSE/PCA/CS/93-94 du 02 juin 1994, affaire Kamto Maurice contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°09/OSE/PCA/CS/98-99 du 09 décembre 1998, affaire Ouafo contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°19/OSE/PCA/CS/98-99 du 23 mars 1999, affaire Wabo Rigobert contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°41/OSE/PCA/CS/00-01 du 10 avril 2001, affaire Société forestière Petra contre Etat du Cameroun.
1372
Ordonnance n° 48/OSE/PCA/CS/98-99 du 27 mai 1999, affaire Etoga Longui contre Etat du Cameroun et
ordonnance n° 13/OSE/PCA/CS/00-01 du 07 décembre 2000, affaire Mlle Mama Biloa Sandrine contre
Université de Ngaoundéré.
1373
Ordonnance n° 59/OSE/PCA/CS/97-98 du 18 juin 1998, affaire Société SOCADIC contre Etat du
Cameroun.
1374
Ordonnance n° 35/OSE/PCA/CS/97-98 du 12 février 1998, affaire Nacho Comprehensive High School
Bamenda contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 68/OSE/PCA/CS/97-98 du 31 août 1998, affaire
Ntchamandé Augustin contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 74/OSE/PCA/CS/97-98 du 07 septembre 1998,
affaire Ntonè Félicien contre Etat du Cameroun.
317
litigieuse1375 ou querellée1376 ne concerne ni l’ordre public… » . Dans d’autres, enfin,
on peut lire ceci : « … l’exécution de l’arrêté querellé »1377, ou : « de cet arrêté »1378
ou : « de ce décret »1379, ne concerne ni l’ordre public, ni la sécurité ou la tranquillité
publiques.
1375
Ordonnance n° 03/OSE/PCA/CS/98-99 du 09 octobre 1998, affaire société SOGETHORE contre Etat du
Cameroun.
1376
Ordonnance n° 10/OSE/PCA/CS/98-99 du 08 mars 1999, affaire Mendendana Dzenguene Joseph contre Etat
du Cameroun.
1377
Ordonnance n° 60/OSE/PCA/CS/97-98 du 30 juin 1998, affaire Djike Bernard contre Etat du Cameroun.
1378
Ordonnance n° 40/OSE/PCA/CS/00-01 du 06 avril 2001, affaire Mbida Evondo Martin contre Etat du
Cameroun.
1379
Ordonnance n° 07/OSE/PCA/CS/98-99 du 08 décembre 1998, affaire Honorable Joseph Mbah-Ndam contre
Etat du Cameroun.
1380
Article 16 alinéa 2 loi n° 75/17 du 08 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême statant en
matière administrative.
1381
Ordonnance n° 31/CS/ PCA/91-92 du 30 septembre 1992, affaire familles Nzeuback de Badoumla contre
Etat du Cameroun.
318
en substance : « Attendu que monsieur le Procureur Général pour sa part est
favorable à cette demande puisque introduite conforment aux dispositions de l’article
16 de la loi n° 75/17 du 08 décembre 1975 (…) et ne concerne ni l’ordre public, ni la
sécurité ou la tranquillité publique ». Il le dit également dans l’affaire Lozenou Nana
Jean-Paul du 11 mars 19991382 en ces termes : « Attendu que cette demande de
suspension n’intéresse ni l’ordre public ni la sécurité ou la tranquillité publiques ». Or,
d’après la loi, ce n’est pas la demande qui ne doit pas intéresser l’ordre public, mais
bien la décision litigieuse dont le sursis à exécution est sollicité. Enfin, il détermine
de façon confuse cette exigence légale dans l’affaire Dame veuve Pente née Djabou
Marie1383. En effet, il l’examine avant une condition de recevabilité externe, alors qu’il
devait le faire après, puisqu’elle est une condition de fond. Encore qu’il ne devait
même pas le faire dans la mesure où la condition de recevabilité n’était pas remplie,
le requérant s’étant trompé sur l’autorité auprès de laquelle il devait adresser son
recours gracieux préalable. Ainsi, après avoir affirmé «( …) que ni l’ordre public, ni la
sécurité ou la tranquillité publiques ne sont concernés »,il déclare : « Mais attendu
qu’il appert du dossier que le recours gracieux préalable a été adressé à une autorité
inhabile (…) ; attendu que le recours contentieux étant irrecevable, le sursis y greffé
ne peut qu’être rejeté ». Dans cette affaire, l’appréciation du juge est non seulement
confuse, mais également imprécise. Il en est ainsi dans bon nombre d’ordonnances
de sursis.
1382
Ordonnance n° 17/OSE/PCA/CS/98-99 du 11 mars 1999, affaire Lozanou Nana Jean-Paul contre Etat du
Cameroun.
1383
Ordonnance n° 05/OSE/PCA/CS/99-00 du 14 septembre 2000, affaire dame veuve Pente née Djabou Marie
contre Etat du Cameroun.
1384
Ordonnance n° 07/OSE/PCA/CS/97-98 du 29 octobre 1998, affaire Société Professionnelle Muna et Muna
contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/97-98 du 26 novembre 1997, affaire Bikoko Jean
Marc contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 33/OSE/PCA/CS/97-98 du 04 février 1998, affaire Ordre
National des Avocats (Bafoussam) contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/98-99 du 10 mars
1999, affaire Kaptué Tobou Germain contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 51/OSE/PCA/CS/98-99 du 9
juin 1999, affaire Bisso Augustin contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 08/OSE/PCA/CS/99-00 du 02
février 2000, affaire Mosima Frizt contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 01/OSE/PCA/CS/00-01 du 13
319
indiquer que le contentieux ne porte pas sur une mesure intéressant l’ordre public.
La formule est laconique et pèche par son imprécision. En effet, affirmer que l’ordre
public n’est pas concerné, sans autre précision, peut avoir plusieurs significations ou
interprétations. D’abord, cela peut signifier que l’ordre public n’est pas concerné par
la demande qui a été déclarée recevable ; une telle interprétation n’est pas à rejeter
dans la mesure où le juge lui-même a eu à le dire. Mais, elle n’est pas conforme à
l’alinéa 2 de l’article 16 de la loi n° 75/17. Ensu ite, cela peut signifier que l’ordre
public n’est pas concerné par l’exécution de l’acte contesté ; cette interprétation est
aussi plausible puisque le juge lui-même l’a consacrée dans de nombreuses
ordonnances. Mais, il s’agit également d’une lecture qui n’est pas en phase avec
alinéa 2 de l’article 16 de la loi n° 75/17. Enfin , cela peut signifier que l’ordre public
n’est pas concerné par la décision attaquée au regard de son objet ou de la matière
sur laquelle elle porte. Une telle interprétation est, non seulement plausible, mais
exacte car conforme à la lettre et à l’esprit de l’article 16.2 de la loi n° 75/17.
octobre 2001, affaire Compagnie des Scieries Africaines (SCAF) contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°20/OSE/PCA/CS/00-01 du 26 février 2001, affaire Edzimbi Paul contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°25/OSE/PCA/CS/00-01 du 07 mars 2001, affaire Ignace Foyet contre Etat du Cameroun et ordonnance
n°42/OSE/PCA/CS/00-01 du 10 avril 2001, affaire Société Arno contre Etat du Cameroun.
1385
J-M. Février, op. cit., p. 313.
1386
Ibid.
320
Procureur général ou l’Avocat général près la Cour Suprême ou un substitut du
Procureur Général près ladite Cour1387.
1387
Article 11 alinéa 1 et 2 de l’ordonnance n° 72/06 du 26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême.
1388
Extrait du propos liminaire du Ministre de la Justice, Garde des sceaux au cours d’une conférence de presse
donnée vendredi le 10 décembre1999. Voir Cameroun Tribune n° 6995/3 285 du 13 décembre 1999, p. 10.
1389
Article 3 du décret n° 95/048 du 08 mars 1995 portant Statut de la Magistrature.
1390
Extraits du propos liminaire du Ministre de la Justice, op. cit., p. 10.
1391
Article 16 alinéa 2 de la loi n° 75/17.
1392
M. Kamto, Observations sur l’affaire « Le Messager », op. cit., p. 176.
1393
R. Hostiou, Procédure et formes de l’acte administratif en droit français, Thèse, paris, LGDJ, 1975, p. 28.
1394
Ibid.
321
Comme l’a écrit E. Laferrière, les avis conformes ou avis impératifs « constituent une
collaboration effective à la décision, celle-ci ne peut pas être prise sans le concours
de deux autorités, celle qui fait l’acte et celle qui lui donne autorité, celle qui fait l’acte
et celle qui lui donne son assentiment sous forme d’avis »1395.
Ainsi, l’avis conforme du Ministère Public n’est pas une formalité de procédure
contentieuse qui viserait simplement à éclairer le juge administratif sur l’exercice de
sa compétence en matière de sursis ; il « se traduit par un véritable partage de cette
compétence »1396 avec le Ministère Public. Tout comme il« n’est pas du domaine de
la procédure consultative, il relève de celui de la capacité normative de l’auteur »1397.
On a donc affaire à un « co-consentement »1398 . Comme l’écrit P- F. Benoit, « on
sort ici en réalité du domaine consultatif pour entrer dans un véritable système de
compétence co-partagée »1399.
Tenu par la loi de se prononcer sur le sursis sollicité après l’avis conforme du
Ministère Public, le juge administratif est souvent amené à reconnaître explicitement
cette obligation qui lui incombe. Bien qu’il existe des cas où il suit l’avis du Ministère
1395
E. Laferrière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, préface de R. DRAGO, T. 2,
Paris, LGDJ, 1989, p. 503.
1396
R. Hostiou, op. cit., p. 32.
1397
Ibid.
1398
G. Dupuis, J. Moreau, Cours de droit administratif, 2ème année, Rennes, 1969-1970, cité par R. Hostiou, ibid.
1399
P- F. Benoît, Le droit administratif français, op. cit., n° 193, p. 127. Le juge administratif camerounais parle
de « co-décision ». V. jugement n° 50/CS/CA du 7 avril 1983, Akoa Dominique contre Université de Yaoundé.
1400
R. Chapus, Droit administratif général, T 1, 13ème Ed., Paris, Montchrestien, 1999, p. 1070.
322
Public sans l’énoncer formellement dans les visas de l’ordonnance1401 ou sans en
donner la substance1402, le juge formule cette obligation avant de l’appliquer, ou
l’applique sans la formuler explicitement.
Ministère public
1401
Nous avons recensé au moins deux ordonnances dans lesquelles le juge n’évoque ni formellement ni
substantiellement l’avis du Ministère Public : v. ordonnance n°17/OSE/PCA/CS/93-94 du 14 avril 1994, affaire
Khoury Miguel contre Etat du Cameroun et ordonnance n° 26/OSE/PCA/CS/93-94 du 28 juin 1994, affaire Otto
Bidjoka et La FIB contre Etat du Cameroun.
1402
Dans de nombreuses ordonnances, le juge énonce l’avis dans les visas mais n’en donne pas la substance dans
la partie consacrée à la motivation : v., par ex., ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/88-89 du 04 avril 1989, affaire
Kamdem Lazare contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 07/OSE/PCA/CS/88-89 du 15 septembre 1989,
affaire Pamansie Josué contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 22/OSE/PCA/CS/93-94 du 30 mai 1994,
affaire Bouba Bello Maïgari contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 23/OSE/PCA/CS/93-94 du 02 juin 1994,
affaire Kamto Maurice contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 05/OSE/PCA/CS/97-98 du 13 octobre 1997,
affaire Mesdemoiselles Carle Julia et Tchangongom Tchumaka contre Etat du Cameroun ; ordonnance n°
33/OSE/PCA/CS/97-98 du 04 février 1998, affaire Ordre National des Avocats contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n° 10/OSE/PCA/CS/98-99 du 08 mars 1999, affaire Mendendana Dzenguene Joseph contre Etat du
Cameroun ; ordonnance n° 01/OSE/PCA/CS/00-01 du 3 octobre 2000, affaire Compagnie des Scieries
Africaines contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 40/OSE/PCA/CS/00-01 du 06 avril 2001, affaire Mbida
Evondo Martin contre Etat du Cameroun.
1403
Ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/86-87 du 1er décembre 1986, affaire Tchaleu Wouako Gabriel contre Etat
du Cameroun.
1404
Ordonnance n° 0287-88/PCA/CS du 16 octobre 1987, affaire Dame Ekoumou Enyegue Dorothée contre Etat
du Cameroun.
323
de suspension de l’exécution d’un titre foncier formulée par la requérante , il déclare :
« (…) ainsi que le Ministère Public l’a si bien relevé dans ses réquisitions (…),
réquisitions aux quelles le juge administratif ne peut, de toute manière, que se
conformer, le sursis à exécution (…) a le caractère d’une procédure accessoire en ce
sens que la demande ne peut pas ne pas accompagner un recours principal,
effectivement exercé en vue de l’annulation de la décision en cause ». En l’espèce,
la requérante avait présenté isolement le recours aux fins de sursis. Dans l’affaire
société Ngankeu et Compagnie du 21 mars 19981405, il formule également de façon
directe l’obligation qui lui incombe de statuer conformément à l’avis du Ministère
Public. Il le dit en ces termes : « Attendu que dans ses conclusions du 07 mars 1988,
auxquelles le Président de la Chambre Administrative ne peut que se conformer, le
Procureur Général près la Cour Suprême déclare ne pas s’opposer au sursis à
exécution sollicité par la société NGankeu et Cie ». Aussi, conclut-il qu’ « (…) il
échet, dès lors, de faire droit à la requête à fin de sursis à exécution que cette
société a formée ». En l’espèce, le juge a non seulement suivi, mais a reproduit
purement et simplement l’avis du Ministère Public. Enfin, dans l’affaire Eboule
1406
Ndoumbe Maurice du 04 février 1992 , il va plus loin. Il ne parle plus de
réquisitions du Ministère public auxquelles il ne peut que se conformer. Il affirme,
plutot, que, « par application de l’article 16 alinéa 2 de la loi n° 75/77 8 décembre
1975 (…), le juge administratif doit rendre une ordonnance conforme à l’avis du
Ministère Public ».
Il arrive aussi que le juge formule plutôt de façon détournée l’obligation pour
lui de statuer conformément à l’avis du Ministère Public.
1405
Ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/87-88 du 21 mars 1988, affaire Société Ngankeu et Cie contre Etat du Cameroun.
1406
Ordonnance n° 04/OSE/PCA/CS/91-92 du 04 février 1992, affaire Eboule Ndoumbe Maurice contre Etat du
Cameroun.
1407
Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/90-91 du 04 juillet 1991, affaire Chedjou Gabriel contre Etat du Cameroun.
1408
Ordonnance n° 01/OSE/PCA/CS/91-92 du 1er novembre 1991, affaire N’dengue Thomas Byll contre Etat du
Cameroun.
324
Dans ces deux affaires, le Ministère Public avait requis la suspension de
l’exécution des décisions contestées. Dans la première , il estimait que la rectification
d’un titre foncier doit s’effectuer dans des conditions particulières prévues par la loi.
Dans la seconde , il soutenait que l’exécution de l’imposition contestée est de nature
à causer un préjudice irréparable au requérant. Après avoir admis la pertinence de
l’argumentation du Ministère Public dans ces affaires, le juge déclare : « (…) encore
que le juge administratif ne peut rendre qu’une ordonnance conforme à l’avis du
Ministère Public, en application de l’article 16 alinéa 2 de la loi n° 75/17 du 08
décembre 1975 (…) ». En fait, il s’est rendu compte qu’en appréciant l’avis du
Ministère public, il se démarquait de la loi. On comprend alors pourquoi il poursuit
son argumentation en reconnaissant qu’il ne peut que suivre cet avis comme l’y
oblige la loi.
Le juge ne formule pas dans tous les cas l’obligation légale qui lui est faite de
statuer conformément à l’avis du Ministère Public, il arrive qu’il l’applique
directement.
Dans certains cas, l’avis du Ministère Public n’est pas énoncé de façon
détaillée au point où on puisse savoir s’il porte sur la forme ou sur le fond de la
demande. C’est à la lecture de la motivation de l’ordonnance qu’on s’en fait une idée.
325
Ainsi, dans l’affaire Beyissa Adolphe du 26 mars 19801409, il est indiqué dans le visa
de l’ordonnance que le Ministère Public a requis le rejet de la demande de sursis à
exécution de la décision contestée ; Mais, c’est à la lecture de la motivation de
l’ordonnance qu’on comprend pourquoi. En l’espèce, le requérant n’avait pas formé
au préalable un recours gracieux contre la décision litigieuse avant d’introduire son
recours contentieux. Il en est de même dans l’affaire Mveng Mbarga Constantin du
26 mars 19801410. En effet, c’est dans le visa de l’ordonnance rendue dans cette
affaire que l’avis du Ministère Public tendant au rejet de la demande du requérant qui
sollicitait le sursis à exécution d’un ordre de recettes est indiqué sans autre précision.
C’est à la lecture de la motivation de l’ordonnance qu’on se rend compte que cet avis
défavorable est par le fait que le requérant n’a pas introduit un recours en annulation
de l’ordre de recettes contesté et qu’il n’est fait aucune allusion à cet ordre de
recettes dans la requête introductive d’instance. Conformément aux avis émis par le
Ministère Public, le juge a déclaré les recours irrecevables dans ces deux espèces.
Dans d’autres cas, par contre, l’avis du Ministère Public sur la recevabilité du recours
est clairement déterminé et le juge s’y conforme après l’avoir au préalable explicité.
Ainsi, dans l’affaire Société SIAB du 24 janvier 19871411, le Ministère Public avait
requis le rejet de la requête au motif qu’à la demande initiale de sursis n’était pas
jointe la décision ministérielle dont la suspension de l’exécution était sollicitée ;
suivant cet avis, le juge de l’espèce, a explicité les motifs de rejet en indiquant que la
société requérante n’était pas en mesure de produire pareille décision puisqu’elle
n’avait pas suivi la procédure lui permettant de l’obtenir. Elle était donc irrecevable à
solliciter le sursis à l’exécution d’une décision dont l’existence même se révélait
incertaine. De même, dans l’affaire La succession Tsiazock du 08 février 19941412, le
Ministère Public avait requis le rejet de la requête au motif que le juge administratif
« ne peut surseoir qu’à l’exécution d’un acte administratif », le requérant ayant
sollicité un sursis à statuer sur une cause pendante devant une juridiction de l’ordre
judiciaire ; se conformant à cet avis , le juge a précisé que le Président de la
Chambre Administrative ne peut « ordonner ce genre de sursis sans outrepasser ses
1409
Ordonnance n° 04/OSE/PCA/CS/79-80 du 26 mars 1980, affaire Beyissa Adolphe contre Etat du Cameroun.
1410
Ordonnance n° 05/OSE/PCA/CS/79-80 du 26 mars 1980, affaire Mveng Mbarga Constantin contre Etat du
Cameroun.
1411
Ordonnance n° 10/OSE/PCA/CS/86-87 du 24 janvier 1987, affaire société SIAB contre Etat du Cameroun.
1412
Ordonnance n° 09/OSE/PCA/CS/93-94 du 08 février 1994, affaire La Succession Tsiazock contre Etat du Cameroun.
326
pouvoirs » et que seule la juridiction saisie d’un litige peut ordonner un sursis à
statuer s’il le juge opportun après appréciation de la cause.
1413
Ordonnance n° 02/OSE/PCA/CS/79-80 du 08 février 1980, affaire « Assureurs Conseils Franco Africains »
contre Etat du Cameroun.
1414
Ordonnance n° 3 bis/OSE/PCA/CS/79-80 du 10 mars 1980, affaire Onguene Obama Jean contre Etat du Cameroun.
1415
Ordonnance n° 03/OSE/PCA/CS/79-80 du 24 mars 1980, affaire Nguepi Joseph contre Etat du Cameroun.
1416
Ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/79-80 du 21 mars 1980, affaire société Ngankeu et Cie contre Etat du Cameroun.
1417
Ordonnance n° 07/OSE/PCA/CS/79-80 du 05 juin 1980, affaire Socrate Clonaris contre Etat du Cameroun.
1418
Ordonnance n° 09/OSE/PCA/CS/79-80 du 16 août 1980, affaire Natcham Albert contre Etat du Cameroun.
1419
Ordonnance n° 08/OSE/PCA/CS/79-80 du 22 juillet 1980, affaire Oba Mvele Jean Samuel contre Etat du Cameroun.
327
requérant ; se conformant à cet avis, le juge a indiqué que le requérant, condamné à
une peine d’emprisonnement ferme pour émission de chèque sans provision voit sa
considération entachée et sa moralité remise en cause , qu’il tombe alors sous le
coup de la loi qui lui interdit d’exercer certaines activités (en l’espèce la gestion d’un
établissement scolaire). Dans les affaires Nguepi Joseph du 24 mars 1980 et Sundjio
Justin du 15 avril 1980, le Ministère Public avait requis le sursis à l’exécution des
impositions contestées par les requérants. Suivant cet avis, le juge a estimé que ces
impositions ne concernent pas l’ordre public, que le silence de l’Etat dans l’affaire
Nguepi Joseph constitue la preuve du bien - fondé des prétentions du requérant ,
que le fait pour l’administration de reconnaître dans l’affaire Sundjio que le requérant
avait déjà payé les 20 % des impôts contestés est une reconnaissance implicite
mais nécessaire que le requérant réunissait les conditions légales pour bénéficier du
sursis à l’exécution de ses impositions. Quant aux affaires Socrate Clonaris du 5 juin
1980 et Matcham Albert du 16 août 1980, le Ministère Public avait requis le rejet des
demandes de sursis à l’exécution des ordres de recettes contestées. Se conformant
à cet avis, le juge a justifié le rejet de la demande du sieur Socrate Clonaris par le fait
que l’intéressé ne rapportait pas la preuve que l’exécution de l’ordre de recettes
contesté était de nature à lui causer un préjudice irréparable. Quant au rejet de la
demande de sieur Matcham Albert, il l’a justifié par le fait que, non seulement
l’intéressé ne contestait pas le bien-fondé de l’ordre de recettes, se contentant
d’indiquer que les retenues mensuelles sur son traitement étaient trop élevées eu
égard à ses charges de famille, mais en plus qu’il était tenu, en vertu de la législation
en vigueur, « de restituer à l’Etat les deniers publics dont il n’a pu justifier
l’utilisation ». Enfin, pour ce qui est de l’affaire Oba Mvele Jean Samuel du 22 juillet
1980, le Ministère avait requis le rejet de la demande de sursis à l’exécution de la
mise en débet du requérant ; se conformant à cet avis, le juge a motivé son
ordonnance en deux points : d’abord, le requérant ne semblait pas contester la
matérialité des faits qui sont à l’origine de sa mise en débet ; ensuite, il se devait, en
vertu de la loi, de restituer à l’Etat les deniers publics dont il n’a pas pu justifier
l’utilisation.
328
est l’auteur réel de la décision. Mais, il reste que celle - ci est conforme à l’avis émis
par le Ministère Public ; un avis impératif qui s’impose à lui car il doit, non
seulement le demander, mais également s’y conformer1420.
1420
E. Laferrière, op. cit., p. 503.
1421
Ordonnance n° 11/91-92/OSE/PCA/CS du 14 avril 1992, affaire Zock Ibrahim contre Etat du Cameroun.
Dans le même sens, ordonnance n° 13/OSE/PCA/CS/93-94 du 07 mars 1994, affaire Nanhou Jacques contre Etat
du Cameroun.
1422
Ordonnance n° 15/OSE/PCA/CS/93-94 du 16 mars 1994, affaire Noumem Ntchao contre Etat du Cameroun.
1423
Ordonnance n° 16/OSE/PCA/CS/93-94 du 25 mars 1994, affaire Nyam Charles contre Etat du Cameroun.
329
le requérant des établissements de toutes les institutions universitaires nationales
risque d’occasionner pour l’intéressé un préjudice difficilement réparable au regard
du fait qu’il se trouve dans l’impossibilité de poursuivre ses études et que son avenir
sera ainsi sérieusement hypothéqué, le juge conclut qu’ « (…) il y a lieu de
suspendre l’exécution de la décision litigieuse ». Si dans cette affaire, et dans les
précédentes, le juge administratif se conforme à l’avis du Ministère Public et
reconnaît qu’il est tenu de le suivre puisqu’il s’agit d’une exigence légale, dans
d’autres par contre il a tendance à relativiser cet avis au point même de le remettre
en cause.
Apprécier une idée, une attitude ou une notion c’est dire ce qu’on en pense au
regard de ses connaissances, de son expérience ou des éléments d’ordre théorique,
pratique, juridique ou extra juridique. Cette appréciation peut être positive ou
négative, favorable ou défavorable, voire nuancée. Une telle appréciation n’est pas,
en principe, admise lorsqu’on a affaire à un avis conforme. Ainsi, le juge administratif
doit se contenter d’appliquer l’avis émis par le Ministère Public sans dire ce qu’il en
pense puisqu’ il s’impose à lui. Tel n’est pourtant pas le cas en pratique, du moins si
on se réfère à certaines ordonnances rendues en matière de sursis. En effet, par des
1424
R. Hostiou, op. cit., p. 31.
1425
Ibid., p. 28.
330
formules diverses et variées, le juge apprécie souvent l’avis conforme du Ministère
Public avant de l’appliquer . Parfois même, il l’apprécie en même temps qu’il
examine les arguments émis par le requérant.
1426
V. par ex., ordonnance n° 09/OSE/PCA/CS/90-91 du 26 février 1991, affaire Kotto Jean Jacques contre Etat
du Cameroun ; ordonnance n° 2391-92/OSE/CS/PCA du 28 septembre 1992, affaire Potouonjou Taponzie
Daniel contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/92-93 du 22 février 1993, affaire Ngapeth
Jean Claude contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/93-94 du 07 mars 1994, affaire
Collectivité de Makepé II contre Etat du Cameroun.
1427
Ordonnance n° 15/92/93/ORSE du 15 avril 1993, affaire Boog Maurice et autres contre Etat du Cameroun.
1428
Ordonnance n° 12/OSE/PCA/CS/91-92 du 4 mai 1992, affaire Brasseries du Cameroun (SABC) contre Etat du
Cameroun.
1429
Ordonnance n° 08/OSE/PCA/CS/90-91 du 11 mars 1991, affaire Ebode Jean-Marie contre Etat du
Cameroun.
1430
Ordonnance n°09/OSE/PCA/CS/90-91 du 26 février 1991, affaire Kotto Jean-Jacques contre Etat du Cameroun . Voir
aussi, ordonnance n°06/OSE/CS/PCA/90-91 du 30 janvier 1991, affaire More Nbongue Guillaume contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n° 08/OSE/PCA/CS/90-91 du 11 mars 1991, affaire Ebode Jean-Marie contre Etat du Cameroun.
1431
Ordonnance n° 11/9192/CS/PCA du 25 mars 1992, affaire Ebanga François contre Etat du Cameroun, Ordonnance n°
22/91/92/CS/PCA du 23 septembre 1992, affaire Ntchana Zacharie contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 23/91-
92/CS/PCA du 28 septembre 1992, affaire Potounjou Taponzie Daniel contre Etat du Cameroun et ordonnance n°
30/91/92/CS/PCA du 30 septembre 1992, affaire Hôtel Méridien contre Etat du Cameroun.
1432
Ordonnance n°03/OSE/PCA/CS/93-94 du 19 octobre 1993, affaire Moutaka Locko Julienne contre Etat du Cameroun
1433
Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/93-94 du 07 mars 1994, affaire Collectivité de Maképé II contre Etat du Cameroun.
1434
Ordonnance n° 10/OSE/PCA/CS/93-94 du 16 février 1994, affaire Kenfack Etienne contre Etat du Cameroun.
1435
Ordonnance n° 31/OSE/PCA/CS/91-92 du 30 septembre 1992, affaire familles Nzeubcak de Badoumla contre Etat du
Cameroun.
1436
Ordonnance n° 15/92-93/ORSE du 15 avril 1993, affaire Boog Maurice et autres contre Etat du Cameroun.
1437
Ordonnance n° 12/OSE/PCA/CS/91-92 du 04 mai 1992, affaire Brasseries du Cameroun contre Etat du Cameroun.
1438
Ordonnance n° 10/91-92/OSE/PCA/CS du 17 mars 1992, affaire Kamdoum Zachée contre Etat du
Cameroun ; ordonnance n° 07/91/92/OSE/CS du 20 mars 1992, affaire Elites et Notables du village Bamoudjou
contre Etat du Cameroun.
331
conforme à l’avis du Ministère Public »1439 , avant d’ajouter : « … par application de
l’article 16 de l’alinéa 2 in fine de la loi n° 75/ 17 du 8 décembre 1995 fixant la
procédure devant la Cour Suprême statuant en matière administrative »1440. Il arrive
même qu’il apprécie concomitamment l’avis du Ministère Public les moyens de la
partie requérante. Ainsi, dans l’affaire succession Koa Maurice du 1er mars 20001441,
il déclare : « Attendu que l’argumentaire développé par la succession Koa Maurice et
les réquisitions du Ministère Public sont pertinents, convaincants et donc fondés ;
qu’il échet par conséquent de faire droit à la demande et ordonner le sursis à
exécution de la décision (…) ». Dans l’affaire Nguiakam Marie et autres du 17 mai
20001442, il apprécie non seulement les arguments des requérants et du Ministère
Public, mais également le silence du défendeur, pour conclure que les recourants
sont fondés en leur demande et qu’il échet d’y faire droit : « Attendu qu’autant
l’argumentaire développé et soutenu par les recourants que les réquisitions du
Ministère Public sont convaincants et que faute pour le défendeur de n’avoir fait
valoir aucun moyen pour faire échec aux prétentions des autres parties, il échet de
dire que les recourants sont fondés en leur demande et d’y faire droit ».
En somme, le juge ne tranche dans le sens indiqué par le Ministère Public que
parce que l’argumentaire de ce dernier est pertinent, judicieux et convaincant. Ce qui
revient à dire que s’il ne l’était, il statuera dans le sens contraire.
Une telle façon de faire démontre, à suffisance, que le juge éprouve un certain
malaise à se conformer à l’avis du Ministère Public. En effet, pour ne pas donner
1439
Ordonnance n°16 bis/OSE/PCA/CS/91-92 du 16 juin 1992, affaire Nye Safinda Maurice contre Communauté
Urbaine de Douala ; ordonnance n° 17/OSE/PCA/CS/91-92 du 13 juillet 1992, affaire Djou Gilbert contre
Communauté Urbaine de Douala et ordonnance n° 18/91-92/OSE/PCA/CS du 27 juillet 1992, affaire Kamdoum
Zachée contre Etat du Cameroun.
1440
Ordonnance n° 02/OSE/PCA/CS/86-87 du 20 octobre 1986, affaire Les Nouvelles Brasseries Africaines
(NOBRA) contre Etat du Cameroun. Dans le même sens, ordonnance n° 01/OSE/PCA/CS/90-91 du 15
novembre 1990, affaire Tchimtezeu Chrétien et consorts contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°10/OSE/PCA/CS/91-92 du 14 mars 1992, affaire Etoke Joël contre Etat du Cameroun ; ordonnance
n°17/OSE/PCA/CS/90-91 du 17 septembre 1991, affaire Ndengue Thomas Byll contre Etat du Cameroun ;
ordonnance n° 16/OSE/PCA/CS/90-91 du 19 septembre 1991, affaire Yem Luc contre Etat du Cameroun et
ordonnance n° 06/OSE/PCA/CS/90-91 du 11 mars 1992, affaire Ngameleu Dominique contre Etat du Cameroun.
1441
Ordonnance n° 14/OSE/PCA/CS/99-00 du 1er mars 2000, affaire Succession Koa Maurice contre Etat du Cameroun.
1442
Ordonnance n° 28/OSE/PCA/CS/99-00 du 17 mai 2000, affaire Nguiakam Marie et autres contre Etat du Cameroun.
332
l’impression que la décision qu’il va rendre est conditionnée par cet avis, il procède à
son appréciation, avant de statuer dans le sens qu’il a indiqué ; ce faisant, il indique,
certes implicitement, mais certainement, que le Ministère Public « n’est pas (pour
autant) investi d’un pouvoir de décision puisque, seul, il ne peut qu'émettre un avis
sans force exécutoire »1443.
Il arrive que le juge aille très loin dans la relativisation de l’avis émis par le
Ministère Public au point de le remettre en cause. Cette relativisation radicale
constitue l’expression achevée du malaise qu’il éprouve à se conformer à cette
obligation légale qui, manifestement, limite sérieusement son pouvoir d’appréciation.
1443
R. Hostiou, op.cit., p. 31.
333
a. La remise en cause de l’avis émis par le Ministère public au niveau de
la recevabilité de la demande de sursis
Cette remise en cause est intervenue dans les affaires Mayouga Yvonne du
14 août 19921444, Sighoko Abraham du 05 octobre 19921445, et UPC du 19 octobre
19931446. Alors que le Ministère Public avait requis dans ces trois espèces
l’irrecevabilité des recours aux fins de sursis au motif que la suspension de
l’exécution d’un acte administratif ne peut être recevable que si elle est appuyée par
une demande au fond introduite en même temps et par la même requête ou par une
requête séparée, soit concomitamment, soit postérieurement au dépôt du recours au
fond, que les requérants avaient saisi directement le juge administratif d’une
demande de suspension sans avoir au préalable introduit un recours contentieux,
que les recours gracieux qu’ils avaient introduits auprès de l’Administration ne liaient
pas le juge administratif, mais que ce dernier n’était lié que par le recours
contentieux, le juge ne l’a pas suivi dans ses réquisitions ; il a plutôt admis la
recevabilité desdits recours. En se référant à l’article 16 alinéa 2 de la loi n° 75/17 du
8 décembre 1975, le juge a considéré d’une part, dans les affaires Mayouga Yvonne
et Sighoko Abraham qu’« il est indéniable que la fermeture de la pharmacie avec tout
ce qu’elle contient comme denrée à conserver délicatement constitue un préjudice
irréparable dont l’arrêt ne saurait attendre les délais nécessaires à l’introduction d’un
recours contentieux devant la chambre administrative », et, d’autre part, dans l’affaire
UPC qu’il « il est indéniable que l’arrêté n° 986/AP/F.35/SF du 24 septembre 1993 du
Préfet de la Mifi interdisant la tenue du congrès de l’UPC à Bafoussam du 1er au 30
octobre 1993 est de nature à causer un préjudice irréparable notamment eu égard à
l’état d’avancement des préparatifs dont la suspension de l’exécution ne saurait
attendre l’introduction d’un recours contentieux ».
1444
Ordonnance n° 21/91/92/OSE du 14 août 1992, affaire Mayouga Yvonne contre Etat du Cameroun. Cette
ordonnance a fait l’objet d’un recours en appel du Ministère Public le 18 août 1992. Les recherches effectuées au
greffe de la Cour Suprême pour connaître la suite qui a été donnée à ce recours par l’Assemblée Plénière ont été
infructueuses, car tous les registres consultés n’indiquaient aucune trace du dossier de l’affaire.
1445
Ordonnance n° 05/92-93/CS/PCA du 05 octobre 1993, affaire Sighoko Abraham contre Etat du Cameroun.
Cette ordonnance a aussi fait l’objet d’appel de la part du Ministère Public le 28 octobre 1992 ; le dossier de
l’affaire a été communiqué le 30 avril 1995 au Président de la Cour Suprême pour désignation d’un rapporteur ;
mais jusqu’à la rédaction de la présente étude l’affaire n’était toujours pas jugée.
1446
Ordonnance n° 04/OSE/PCA/CS/93-94 du 19 octobre 1993, affaire Union des Populations du Cameroun
contre Etat du Cameroun. Cette ordonnance a elle aussi fait l’objet d’appel par le Conseil de l’UPC le 15 mars
1994.Il contestait le fait que le juge ayant déclaré son recours recevable l’ait rejeté au fond parce qu’il était
devenu sans objet.
334
Dans ces trois affaires, le juge administratif a admis que « le seul recours
gracieux, prélude au recours contentieux est suffisant pour que le Président de la
Chambre Administrative se prononce ». Allant plus loin dans l’affaire Sighoko
Abraham, il a estimé « qu’on ne saurait demander à un administré qui subit un
préjudice grave du fait d’une décision administrative d’attendre les délais de recours
contentieux (plus de trois mois au moins) pour pouvoir saisir le juge administratif afin
d’y voir mettre fin, alors et surtout qu’il a déjà été décidé que la seule procédure qui
suspend une décision administrative est celle du sursis à exécution prévue par
l’article 16 de la loi susvisée (S.D.F contre Etat du Cameroun) ».
L’opposition entre le juge et le Ministère Public dans ces trois affaires est,
d’une part, l’illustration de la versatilité du juge administratif dans l’appréciation des
1447
conditions de recevabilité externe des demandes annexes et, d’autre part, la
traduction du souci qui l’anime de statuer vite, de tenir compte de l’urgence qui est le
fondement et la finalité de la procédure du sursis. Mais ce qui frappe dans cette
opposition, c’est que les arguments développés par le juge pour admettre la
recevabilité des recours portent à la fois sur des éléments de forme et de fond. C’est
ainsi qu’il soutient que l’exécution des mesures prises par l’administration, à savoir :
la fermeture de la pharmacie et l’interdiction de la tenue du congrès du parti politique
UPC, est susceptible de causer un préjudice irréparable - élément ou condition de
fond - aux requérants, pour en déduire que le seul recours gracieux - élément ou
condition de forme - qui annonce le recours contentieux, suffit pour qu’il statue au
fond. Dans l’affaire Sighoko Abraham, en particulier, il estime que les délais de
recours contentieux - plus de trois mois au moins - sont tels qu’il ne serait pas
indiqué de demander à un administré qui subit un préjudice grave du fait d’une
décision administrative portant fermeture de sa pharmacie de les attendre pour
pouvoir saisir le juge administratif pour qu’il y mette fin. Il évacue donc l’exigence du
recours contentieux dont les délais sont incompatibles avec l’urgence de la situation
contentieuse par un argument qui participe de l’évidence et qui donne l’impression
qu’il enfonce une porte ouverte, puisqu’il dit : « (…) alors et surtout qu’il a été décidé
que la seule procédure qui suspend une décision administrative est celle du sursis à
exécution (…) ». En réalité, là n’est le problème. Le problème est de savoir si une
procédure d’urgence comme celle du sursis à exécution doit être soumise à la
1447
V., à ce sujet, paragraphes 3 et 4, section 1, chapitre 1, titre 1 de la 1ère partie, supra.
335
condition du recours contentieux au fond alors même que ce recours est introduit
dans des délais qui sont incompatibles avec une telle procédure. Autrement dit, ne
faut-il pas, du fait de l’urgence de la situation litigieuse, admettre la saisine du juge
aux fins de sursis à exécution sans qu’il ne soit exigé du requérant l’introduction
préalable ou concomitante du recours contentieux au fond, puisqu’il n’est possible
qu’après plusieurs mois ?
1448
Ordonnance n° 59/CS/PCA du 31 mars 1977, affaire Michel Njine Ngangley contre Etat du Cameroun.
1449
Ordonnance n° 22/OSE/PCA/CS/97-98 du 23 décembre 1997, affaire Mvogo Jean-Marie contre Etat du Cameroun.
1450
Ordonnance n° 22/ORSE/PCA/CS/99-00 du 10 mai 2000, affaire Watia Pierre contre Etat du Cameroun.
336
réquisitions du Ministère Public, le juge a rejeté la demande de sursis au double motif
que le requérant n’avait pas prouvé d’une part que les retenues opérées sur sa solde
étaient pratiquées en violation des dispositions du décret n° 75/459 du 29 juin 1975
déterminant le régime de rémunération des personnels civils, et, d’autre part, que
l’exécution de la décision administrative contestée lui causait un préjudice qui pouvait
s’avérer irréparable. Alors que le Ministère Public s’est placé sur le terrain de la
violation des droits de la défense du requérant par l’administration, donc sur le plan
du non respect d’une règle de procédure d’édiction de l’acte administratif unilatéral
pour requérir le sursis à l’exécution de la mise en débet querellée, le juge s’est plutôt
situé sur celui de la preuve juridique et matérielle à savoir la preuve de la violation de
la loi et de l’existence d’un préjudice pouvant s’avérer irréparable, donc sur le plan du
respect des éléments de fond de l’acte administratif unilatéral. Quant à la deuxième
affaire opposant le sieur Mvogo Jean Marie à l’Etat du Cameroun, le Ministère Public
avait requis le sursis à exécution de la décision admettant provisoirement une
personne autre que le requérant à exercer les fonctions de Consul Honoraire de la
République Démocratique du Congo à Douala aux motifs que son exécution causait
à l’intéressé un préjudice irréparable ; prenant à contre pied cet avis, le juge avait
déclaré la demande de sursis non fondée en ce que « contrairement aux réquisitions
du Ministère Public, la voie reste ouverte au requérant de demander l’indemnisation
dans le cadre du recours au fond pour le préjudice prétendument subi ». Pour le juge
donc, le recours en indemnisation pouvait permettre au requérant de faire réparer le
préjudice qu’il prétendait avoir subi ; ce qui revient à dire qu’implicitement mais
certainement, qu’il a rejeté l’idée d’un préjudice irréparable en l’espèce. Pour ce qui
est de la troisième espèce enfin, à savoir L’affaire Watia Pierre, le Ministère Public
avait requis que soit ordonné le sursis à l’exécution de l’arrêté contesté qui autorisait
le retrait du titre foncier en arguant de ce que, d’une part, cet arrêté ne concernait ni
l’ordre public, ni la sécurité ou la tranquillité publique, et, d’autre part, que son
exécution était de nature à causer un préjudice irréparable au requérant qui avait
sûrement aliéné l’immeuble en cause. Dans une approche subtile qui évitait toute
opposition frontale avec le Ministère Public, mais qui participait d’une remise en
cause de ses réquisitions, le juge s’était intéressé plutôt aux arguments du requérant
et aux circonstances de fait antérieures à sa saisine pour déclarer le requérant non
fondé en sa demande de sursis à l’exécution de la mesure querellée. Ce dernier
soutenait que ses procédures d’entrée et de sortie de l’indivision étaient régulières,
337
qu’aucune fraude n’avait été commise et que c’est à tort que le Ministre de
l’Urbanisme et de l’Habitat avait autorisé le retrait du titre foncier sur la base duquel il
avait, par morcellement, obtenu le sien propre. Pour le juge, cette argumentation du
requérant était contraire à la motivation de l’arrêté querellé. Il estimait qu’ il ressortait
de cet arrêté qu’un tiers avait usé de fraude pour obtenir le titre foncier sur un terrain
indivis appartenant à une collectivité dont le requérant n’était même pas membre.
Aussi justifiait-il le retrait du titre foncier litigieux par le fait des dénonciations de
fraude dans lesquelles le requérant était l’un des principaux mis en cause. Par cette
prise de position, le juge démontre clairement que le retrait de l’acte litigieux n’était
nullement susceptible de causer un préjudice irréparable au requérant qui l’a obtenu
frauduleusement. D’ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’un acte obtenu par
la fraude ne crée pas de droits à l’égard de celui qui s’en prévaut car il s’agit d’un
acte matériellement inexistant qui peut être retiré à tout moment1451.
Il apparaît, en définitive, que si le juge administratif est lié légalement par l’avis
du Ministère Public - ce qui constitue une entrave à son pouvoir d’appréciation – et
qu’ il reconnaît et applique cette obligation, il a tendance à le remettre en cause.
Une telle situation est à la fois préjudiciable et regrettable. Préjudiciable d’abord,
parce qu’elle ne permet pas l’édiction d’une jurisprudence cohérente et lisible au
profit du justiciable. Regrettable, ensuite, parce qu’elle n’est pas comparable à celle
en vigueur dans le contentieux judiciaire où l’avis du Ministère public ne lie plus le
juge. En effet, l’avis conforme du Ministère Public par réquisitions écrites avait été
institué dans la procédure de sursis à exécution provisoire des décisions de justice
en matière non répressive par la loi n° 74/6 du 16 juillet 1974 et maintenu après la
modification apportée par la loi n° 79/3 du 29 juin 1979 ; mais, il s’est avéré, dans la
pratique, « qu’une telle exigence constituait une contrainte anormale »1452 et « une
sérieuse entrave au pouvoir du juge »1453 . C’est ainsi que la loi n° 84/14 du 5
décembre 1984 y a mis fin, restituant au juge civil son entier pouvoir de décision.
L’article 1er de cette loi dispose, en effet, que « le Président statue sur réquisitions
écrites du Ministère Public » et non plus sur « réquisitions conformes », comme le
prescrivaient les précédentes lois. Ainsi, Le juge non répressif « est libre de statuer
1451
Voir, dans ce sens, CS/CA, jugement n° 36/91-92 du 30 avril 1992, affaire Mveng Mbarga Constantin
contre Etat du Cameroun et CE, 13 novembre 1992, Riaz.
1452
M. Kamto, op. cit., p. 177.
1453
P.P. Tchindji, op. cit., p. 338.
338
selon sa souveraine appréciation, quelles que soient les réquisitions du Ministère
Public »1454.
1454
Ibid., p. 339.
1455
O. Dugrip, op. cit., p. 279.
1456
Gérard Porcell, « Le sursis à exécution au cœur du débat », AJDA, 1984, p. 147. En ce sens, voir CE, Ass.,
13 février 1976, Assoc. de sauvegarde du quartier Notre Dame, Rec., p. 100.
1457
CE, 2 juillet 1982, Huglo et Autres.
339
PARAGRAPHE I : LA NECESSITE DE L’OCTROI DU SURSIS A EXECUTION
Les moyens de droit sont ceux qui se fondent sur une norme juridique
existante. En général, ils sont évoqués en matière de recours pour excès de pouvoir
lorsque estimant que l’acte qui lui fait grief est illégal, le requérant en sollicite
l’annulation par le juge. Mais, ils ne sont pas étrangers à la matière de sursis à
exécution, et leur appréciation par le juge préjuge de la décision qu’il pourra rendre
au fond. Le juge administratif camerounais a eu à apprécier les moyens de droit
1458
R. Odent, op. cit., p. 919.
1459
B. Pacteau, op. cit., p. 293.
1460
Ch. Debbasch et J.-C. Ricci, op. cit., p. 450.
1461
B. Pacteau, op. cit., p. 292.
340
allégués par le requérant tant en matière financière qu’ en matière foncière et dans le
contentieux relatif à la fermeture d’officines pharmaceutiques.
1462
Ordonnance n° 59/CS/PCA du 31 mars 1977, affaire Michel Njine Ngangley contre Etat du Cameroun.
1463
Ordonnance n° 3/OSE/CS/PCA/78-79 du 24 mars 1980, affaire Nguepi Joseph contre Etat du Cameroun.
1464
Ordonnance n° 06/OSE/CS/PCA/79-80 du 15 avril 1980, affaire Sundjio Justin contre Etat du Cameroun.
341
Il se dégage de ce qui précède que, lorsque le requérant apporte la preuve
qu’il a rempli les conditions exigées par le Code Général des Impôts ; autrement dit,
lorsqu’il est établi qu’il s’est conformé à la légalité, le juge ordonne le sursis à
exécution de l’imposition litigieuse1465 ; au cas contraire, il rejette la demande de
sursis comme mal fondée. Il en a été ainsi dans l’affaire Etablissement El Blanco du
8 avril 19991466 . En l’espèce, le requérant sollicitait, sur le fondement de l’article 289
(nouveau) de l’ordonnance n° 73/21 du 21 mai 1973 p ortant Code Général des
Impôts qui fixe comme conditions pour surseoir au paiement de la partie contestée
des impositions, entre autres , la justification « du paiement d’au moins 20% du
montant des impositions en cause », le sursis à exécution du procès-verbal de saisie
– exécution ayant fermé sa salle de jeux et lui réclamant le paiement de divers
impôts et taxes. Le juge a estimé que le requérant n’avait pas justifié le paiement des
20% exigés par le Code Général des Impôts. De même, dans une espèce
postérieure en date du 22 mars 2001, relative également à la contestation d’une
imposition dont le sursis à exécution était sollicité par l’intéressée, le juge a estimé
que « les arguments avancés par la requérante au soutien de sa demande de sursis
à exécution ne sont pas de nature à militer pour le blocage de la décision
ministérielle querellée »1467.
En matière foncière, le juge examine aussi les moyens de droit allégués par le
requérant pour se prononcer sur le sursis sollicité.
1468
L’affaire Eock Ngwem Léonard du 15 septembre 1994 est la parfaite
illustration de l’exercice par le juge du contrôle de la légalité de la décision
administrative en matière de sursis à exécution au travers des moyens de droit
invoqués par le requérant. En l’espèce, le requérant sollicitait le sursis à exécution de
la décision du Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, car il estimait qu’elle avait été
prise en violation de l’article 8 du décret n°76/16 7 du 27 avril 1976 fixant les
1465
Ordonnance n° 29/OSE/PCA/CS/00-01 du 20 mars 2001, affaire Société Inter Logistic System (ILS) S.A
contre Etat du Cameroun.
1466
Ordonnance n° 21/OSE/PCA/CS/98-99 du 8 avril 1999, affaire Etablissement El Blanco contre Etat du
Cameroun.
1467
Ordonnance n°30/OSE/PCA/CS/2000-2001 du 22 mars 2001, affaire Société Industrielle pour la Diffusion
des Equipements Mécaniques au Cameroun S.A. (SIDEM) contre Etat du Cameroun.
1468
Ordonnance n° 34/OSE/PCA/CS/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Eock Ngwem Léonard contre Etat du
Cameroun.
342
modalités de gestion du domaine privé de l’Etat, et au seul motif qu’il était parent au
Directeur des Domaines. Le juge a admis le bien - fondé de cet argument, d’autant
plus que, sitôt la décision querellée prise, le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat
avait, quelques jours après, autorisé, par une autre décision, la vente du lot litigieux
au profit de quelqu’un d’autre. Il a fait observer que, sans raison valable, l’on risquait
« le chevauchement de deux procédures sur le même lot et ce, au détriment du
premier acquéreur ». Aussi, a-t-il considéré qu’il paraissait « judicieux d’ordonner le
sursis à exécution dans cette cause sans préjudicier au principal ». Cette précision
finale, à savoir « sans préjudicier au principal », montre bien que le juge a senti qu’il
était à la limite d’une appréciation qui ressortit à la compétence du juge de l’excès de
pouvoir. On ne voit donc pas comment, agissant comme juge de fond, il ne prendra
pas une décision d’annulation, puisqu’il reconnaît comme fondé l’argument du
requérant, lequel repose sur la violation d'un règlement. Saisi pour ordonner le
sursis à exécution des décisions ayant ordonné la fermeture de deux pharmacies, il
est allé plus loin encore dans l’appréciation des moyens de droit allégués par les
requérants, au point d’agir, moins comme juge du sursis, mais davantage comme
juge de l’excès de pouvoir.
1469
Ordonnance n° 21/91-92/OSE du 14 août 1992, affaire Mayouga Yvonne contre Etat du Cameroun.
1470
Ordonnance n° 05/92-93/CS/PCA du 05 octobre 1993, affaire Sighoko Abraham contre Etat du Cameroun
343
juge a constaté qu’il est constant que les requérants ont régulièrement introduit des
demandes sollicitant l’autorisation d’ouverture d’officines, lesquelles ont été
reversées au Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens, mais qu’après les 90
jours prévus par la loi, les requérants n’avaient toujours pas reçu de réponse. L’un
des requérants, le sieur Sighoko Abraham devait d’ailleurs saisir le Président du
Conseil de l’Ordre des Pharmaciens pour l’informer de l’ouverture de son officine.
Considérant que les requérants s’étaient conformés à la loi en ce que le silence du
Conseil de l’Ordre au-delà du délai légal prévu pour accepter ou rejeter les dossiers
valait acceptation, le juge a admis que les requérants étaient en droit de s’installer
sur les sites qu’ils avaient choisis et qui ont été créés par le Ministre de la Santé
conformément à la législation.
1471
Ordonnance n°4/CS/PCA/79-80 du 26 mars 1980, affaire Beyissa Adolphe contre Etat du Cameroun.
344
aux moyens invoqués par le requérant. Il se pose, dès lors, la question de savoir
quand est-ce qu’un moyen est sérieux.
Dans son acception classique, le moyen sérieux est « celui qui fait réfléchir un
juriste raisonnablement compétent à premier examen de l’affaire »1472. Pour S.
RIALS, un moyen est dit sérieux lorsqu’il « mérite d’être considéré, (qui) nécessite
réflexion pour un juge sérieux, c’est-à-dire normalement capable de distinguer ce qui
fait et ce qui ne fait pas de difficulté »1473.
Les moyens sérieux sont ceux qui ont un caractère non dilatoire et
n’apparaissent pas comme devant être rejetés de plano.
On peut donc dire qu’en considérant que les prétentions du requérant ne sont
pas sérieuses, le juge veut signifier par-là qu’elles n’apparaissent pas pratiquement
fondées, en l’état du dossier, à la date à laquelle il statue1476.
1472
S. Rials, op.cit., p.193.
1473
Ibid.
1474
V. J- J Gleizal, op.cit. , p. 392.
1475
Ibid.
1476
Sur la question, v. R. de Saint Marc, « Les notions de "préjudice difficilement réparable" et de "moyen
sérieux" », Gaz. Pal., 1985, p. 124.
1477
Ordonnance n°8/OSE/CS/PCA/79-80 du 22 juillet 1980, affaire Oba-Mvelle Jean Samuel contre Etat du
Cameroun.
1478
Ordonnance n°09/OSE/CS/PCA/79-80 du 16 août 1980, affaire Matcham Albert contre Etat du Cameroun.
345
mais estimaient que les retenues effectuées mensuellement sur leur traitement en
exécution de ces mesures étaient très élevées eu égard à leurs charges de famille.
En prenant position sur des arguments de fait avancés par les requérants, le
juge du sursis a examiné le fond de l’affaire, sans pour autant trancher sur celle-ci.
Toutefois, il ne s’est livré « qu’à un examen incomplet de l’argumentation au fond qui
peut encore, par définition, évoluer »1479. En effet, le sursis n’étant qu’ « une
procédure d’urgence susceptible seulement de produire effet à titre provisoire », « il
ne faut pas le transformer en une première étape du jugement de l’affaire »1480.
Lorsque le juge n’exige pas que les moyens allégués soient de nature à
justifier le sursis à exécution, il conditionne celui-ci à la preuve de l’urgence.
B. L’EXIGENCE DE L’URGENCE
1479
O. Dugrip, op.cit, p. 285.
1480
B. Genevois, Concl. sur CE, sect. 9 décembre 1983, Rec. p, 499, AJDA, 1984, p. 82, chr. Lasserre et Delarue.
1481
Ordonnance n° 74/OSE/PCA/CS/97-98 du 07 septembre 1998, affaire Ntonè Félicien contre Etat du Cameroun.
1482
Manhar Bennis, op.cit, p.123.
1483
P-L. Frier, L’urgence, op.cit ; p.308.
346
Mais le silence du législateur « n’enlève rien à la vérité de cette règle établie
selon laquelle le sursis à exécution n’atteint son but que s’il est ordonné
rapidement »1484. En effet, au cœur de cette procédure, l’urgence opère de manière
implicite. Le silence du législateur n’exclut pas aussi que le juge fasse de l’urgence
une condition explicite d’octroi du sursis.
Lorsque le juge statue en matière de sursis, il doit avoir présent à l’esprit que
son action doit être fondée sur l’urgence pour éviter que l’irréparable ne se produise.
L’urgence est donc intimement liée au sursis à exécution bien qu’elle ne soit pas
énoncée explicitement dans les ordonnances de sursis. Il est incontestable qu’elle
sous-tend toute la procédure du sursis et conditionne souvent l’exécution de cette
mesure conservatoire.
1484
G. Pambou Tchivounda, op.cit, p.104.
1485
P-L. Frier, op.cit, p.309.
347
En faisant ainsi explicitement de l’urgence une condition d’octroi du sursis, le
juge administratif s’est certes affranchi des conditions légales d’octroi du sursis, mais
il ne l’a pas définie concrètement. En effet, les critères ayant présidé à l’exercice de
son pouvoir d’admettre ou de méconnaître l’urgence restent d’une grande opacité.
Les solutions consacrées amènent à penser qu’il a probablement pris en compte
l’intérêt général, l’intérêt des parties et peut-être celui d’une bonne administration de
la justice.
1486
Ordonnance n°31/OSE/PCA/CS/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Dame Ngo Eog Christine contre Etat du Cameroun.
1487
Ordonnance n°35/OSE/PCA/CS/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Eog Christine
1488
Ordonnance n°32/OSE/PCA/CS/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Ngwem Honoré contre Etat du Cameroun.
1489
Ordonnance n°33/OSE/PCA/CS/93-94 du 15 septembre 1994, affaire Ngo Ngwem Isabelle contre Etat du Cameroun.
348
procédure d’acquisition des lots domaniaux prévue par l’article 8 du décret n°76/167
du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine privé de l’Etat. il a dès
lors conclu comme dans la précédente affaire que « vu l’urgence (…), il (…) paraît
judicieux d’ordonner un sursis à exécution dans préjudicier au principal ».
Cependant, dans des affaires similaires, mais sur la base d’autres motifs, le juge va
refuser de prendre en compte l’urgence. Ainsi, dans l’affaire Ngwem Honoré, il a
refusé d’ordonner le sursis à exécution de la décision du Ministère de l’Urbanisme et
de l’Habitat qui annulait l’acte de vente d’un lot domanial établi au profit du requérant
alors que celui-ci estimait qu’elle ne reposait sur aucune base légale et qu’elle violait
l’article 8 du décret n°76/167 du 27 avril 1976 qui dispose que toute personne peut
être bénéficiaire d’un lot domanial pourvu qu’elle respecte la procédure légale
d’acquisition. Le juge a considéré que le Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat «
a apprécié souverainement ces ventes effectuées au profit du requérant et de sa
famille alors que celui-ci était Directeur des Domaines audit Ministère ». Il a ensuite
fait observer que lesdits terrains domaniaux ont été reversés au domaine privé de
l’Etat. Aussi a-t- il a conclu, non sans ambiguïté, que « l’annulation de leur acquisition
est sans préjudice important et urgent pour le requérant ». Dans l’affaire Ngo
Ngwem Isabelle, il a corrigé cette ambiguïté quant à la notion de préjudice important
et urgent. Ainsi, ce n’est pas le préjudice qui était urgent mais plutôt le prononcé du
sursis sollicité par le requérant. Dans cette affaire, la requérante sollicitait elle aussi
le sursis à exécution de la décision du Ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat qui
annulait l’acte de vente d’un lot domanial acquis par elle, estimant qu’elle n’avait
aucune base légale. Le juge a rejeté la demande de l’intéressée au motif que le
terrain domanial en cause a été reversé au domaine privé de l’Etat et qu’« en
l’absence de toute urgence signalée, l’annulation de cette acquisition est sans
préjudice important pour la requérante ». Ici, le juge rattache explicitement la
condition d’urgence à celle de préjudice ; ce faisant, il indique que « l’urgence et le
préjudice (irréparable) ne sont que deux éléments d’un même ensemble pris
seulement à un stade différent de raisonnement »1490.
1490
P-L. Frier, op.cit, p.314.
349
requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il apprécie donc « concrètement,
compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux
sont de nature à caractériser une urgence justifiant que sans attendre le jugement au
fond, l’exécution de la décision soit suspendue »1491.
Il est admis que « le sursis à exécution est le remède donné par la loi aux
juridictions administratives pour pallier les conséquences irréversibles que pourrait
entraîner le caractère non suspensif d’un recours devant l’une de ces
juridictions »1494. Or, la pratique suivie par le juge administratif camerounais a
tendance à contredire l’objet même du sursis qui « est d’empêcher que l’application
d’un acte de légalité douteuse ne crée une situation sur laquelle son annulation
ultérieure permettrait trop difficilement de revenir »1495.
Il s’avère que le juge camerounais est très souvent réticent à l’égard de cette
procédure « qui risque d’aboutir à la paralysie des collectivités publiques et substitue
1491
Pierre-François Racine, « les grands principes spécifiques au procès administratif », in Remy Cabrillac,
Marie-Anne Frison-Roche et Thierry Revet, sous la dir., Libertés et droits fondamentaux, 8e éd., Paris, Dalloz,
2000, p.631. Dans ce sens, voir : CE, Sect. 19 janvier 2001, confédération des radios libres, CE, Sect. 28 février
2001, Préfet des Alpes-Maritimes. Lire aussi Cédric Senelar-Gil, les conditions de mise en œuvre de l’article
L521.2 du Code de Justice administrative relative au référé – liberté, Mémoire de DEA de Droit Public
« Théories et pratiques », Université du Cergy – Pontoise, Sept. 2002, en particulier, pp. 17-29.
1492
O. Dugrip, op.cit, p. 327.
1493
Pierre Estoup, La pratique des procédures rapides – référés, ordonnances sur requête, procédures
d’injonction, Paris, Litec, 1990, p 59., n°70.
1494
M. Copper - Royer, Note sur CE, 22 juin 1956, Secrétaire d’Etat à la Reconstruction et au Logement, AJDA,
1956, II. 314.
1495
B. Pacteau, Note sous CE, Ass., 11 juin 1976, Moussa Koné, D., 1977. J. 40.
350
le juge à l’administrateur » 1496. C’est ainsi qu’il a introduit une exigence particulière à
l’octroi du sursis, à savoir que celui-ci ne doit intervenir que s’il est opportun. Ce
faisant, il « se reconnaît un pouvoir discrétionnaire pour prononcer le sursis,
consistant dans le fait qu’il estime ne pas être tenu de le faire alors que ses
conditions sont satisfaites »1497. Certes, il a jusque-là fait très peu usage de cette
exigence; mais, toutes les fois qu’il a fait appel à des considérations d’opportunité, il
a refusé d’ordonner le sursis à exécution (A) , restreignant encore le champ de la
procédure du sursis (B).
1496
M. Long, P. Weil, G. Braibant, GAJA, 1984, p. 260.
1497
P. Mouzouraki, op.cit, p.66.
1498
D. Dugrip, op.cit, p. 297.
1499
Ordonnance n° 75/OSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire société BOTAC S.A. contre Etat du
Cameroun .
1500
Ordonnance n° 77/ORSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire Tikum Frédéric Njei contre Etat du Cameroun et
ordonnance n° 78/ORSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire Tchinda Louis contre Etat du Cameroun.
351
d’examiner l’affaire au fond », en évoquant, sans plus, « les circonstances de cette
affaire ».
Il se dégage de ce qui précède qu’il y aurait donc pour le juge à tenir des
« faits de la cause » ou des « circonstances de l’affaire » pour refuser un sursis
théoriquement fondé. Ceci est d’autant plus vrai que dans deux affaires rendues le
même jour que les précédentes, il a évoqué également les « circonstances de
l’affaire » pour justifier l’inopportunité de toute interférence avec la décision du
défendeur avant l’examen de l’affaire au fond. Dans la première affaire1501, le
requérant sollicitait le sursis à l’exécution des impositions mises à sa charge par
l’Administration fiscale ; tandis que dans la seconde1502, le requérant sollicitait le
sursis à l’exécution des décisions du Ministre de la Santé Publique et de l’Ordre
National des Pharmaciens du Cameroun ordonnant la fermeture de sa pharmacie et
sa radiation de l’Ordre des pharmaciens du Cameroun.
1501
Ordonnance n°79/ORSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire Momo Momo André contre Etat du
Cameroun
1502
Ordonnance n°80/ORSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire Nganoa Emmanuel Blaise contre Etat du Cameroun.
1503
R. Chapus, Rapport de synthèse sur le juge administratif face à l’urgence, Gaz. Pal., 1985, p. 320.
1504
O. Dugrip, op.cit, p. 299.
1505
B. Pacteau, Contentieux administratif, op.cit, p. 297.
352
2. La justification exceptionnelle des considérations d’opportunité
constitutives de contre-indications à l’octroi du sursis
1506
Ordonnance n°22/OSE/PCA/CS/97-98 du 23 décembre 1997, affaire Mvogo Jean-Marie contre Etat du Cameroun
1507
R. Chapus, Droit du Contentieux administratif, op.cit, p.892.
1508
B. Pacteau, op.cit, p.297.
1509
Ch. Debbasch et J-C. Ricci, op.cit, p. 422.
353
1. La protection du caractère exécutoire des décisions administratives
1510
O. Dugrip, op.cit, p.300.
1511
Voir Ordonnance n°79/ORSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire Momo Momo André Contre Etat du
Cameroun
1512
Dans le même sens, mais en matière foncière, ordonnance n° 77/ORSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999,
affaire Tikum Frédéric Njei Contre Etat du Cameroun et ordonnance n°78/ORSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet
1999, affaire Tchinda Louis Contre Etat du Cameroun.
1513
B. Pacteau, Note sous CE, Ass., 18 juin 1976, Moussa Koné, op., cit.
1514
J. Morand-Deviller, « Le contrôle de l’administration : la spécificité des méthodes du juge administratif et
du juge judiciaire », op.cit, p.191.
1515
F. Gazier, cité par O. Dugrip, op.cit ; p.301.
354
2. Le caractère exceptionnel du sursis à exécution
Dans ses conclusions sur l’affaire Ministre des Finances et des Affaires
Economiques c/ Crédit Coopératif Foncier, M. Laurent affirmait très précisément que « du
fait même qu’il s’oppose à un acte administratif, le sursis ne peut avoir qu’un caractère
strictement exceptionnel »1516. Cette affirmation est d’autant plus actuelle que dans les
affaires Momo Momo André1517, Tikum Frédéric Njei1518 et Tchinda Louis1519 du 30 juillet
1999, le juge administratif camerounais considère qu’il est inopportun vu les circonstances
de l’affaire « d’interférer avec la décision du défendeur avant d’examiner l’affaire au
fond ». Il n’ admet donc pas le sursis à exécution comme une institution normale dans la
procédure administrative contentieuse.
1516
Laurent, concl. sous CE, 1er octobre 1954, Rec., p.492.
1517
Ordonnance n°79/ORSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire Momo Momo André Contre Etat du Cameroun.
1518
Ordonnance n°77/ORSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire Tikum Frédéric Njei Contre Etat du Cameroun.
1519
Ordonnance n°78/ORSE/PCA/CS/98-99 du 30 juillet 1999, affaire Tchinda Louis Contre Etat du Cameroun.
1520
O. Dugrip, op.cit., p. 302.
1521
F. Moderne, Colloque IEJ, Pau, p, 268, cité par O. Dugrip, ibid.
1522
Ibid.
1523
G. Braibant, Note sous CE, 1er octobre 1954, Ministre des Finances et des Affaires Economiques contre
Crédit coopératif foncier, AJDA, 1954, II, 424.
1524
Ibid.
355
sursis à exécution. Il paraît donc difficile d’admettre la position adoptée par le juge,
car aucune justification n’a été avancée par lui pour justifier l’inopportunité
« d’interférer avec la décision du défendeur avant d’examiner l’affaire au fond » s’il
ordonne la suspension de l’ exécution des décisions mises en cause.
1525
O. Dugrip, op.cit, pp. 238-239.
356
CHAPITRE II
357
Classiquement, le référé administratif est essentiellement destiné à la
préparation des procès et à la conservation ou à la recherche d’éléments de preuve
sur des dommages ou situations1526.
Ces conditions peuvent être regroupées en deux grands groupes. D’une part,
les conditions positives, et, d’autre part, les conditions négatives. Leur prise en
compte par le juge est fonction de chaque espèce qui lui est soumise. Mais, un
examen attentif de la jurisprudence amène à dire que si le juge appréhende de façon
1526
B. Pacteau, op. cit., p. 310.
1527
P.L. Frier, L’urgence, op. cit., p. 296.
1528
O. Dugrip, op. cit., p. 305.
1529
Article 122 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975.
358
relativement stricte les conditions positives (Section I), son appréhension des
conditions négatives est plutôt indécise (Section II).
1530
O. Dugrip, op. cit., p. 306.
1531
J-C Piedbois, « l’urgence et l’utilité dans la procédure du référé », Gaz. Pal., 1985, p.121.
1532
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p 826.
1533
C. Cézar-Bru, P. Hebraud, J. Seignolle et G. Odoul, La juridiction du président du tribunal, t.1 : des référés,
Lib. Techn. ,1978, p. 39, cité par O. Dugrip, op. cit., p. 308.
1534
Chr. Gabolde, « L’exception d’urgence en droit administratif », D., 1952, Chr., p. 42.
359
d’une notion qui participe à la fois du fait et du droit. Aussi, lorsque le juge doit
apprécier ou déterminer l’existence d’une situation d’urgence, il est amené à donner
aux faits de l’espèce une qualification juridique d’où il résultera des conséquences de
droit.
Si la loi fait de l’urgence une condition d’octroi du référé, elle ne la définit pas.
En effet, Elle se borne à autoriser l’intervention du juge « dans tous les cas
d’urgence », sans autre précision. Le législateur s’est donc refusé à donner des cas
d’urgence une énumération qui serait toujours incomplète même si elle était
suffisamment détaillée. Ce faisant, il a laissé la latitude au juge pour déterminer son
intervention, sans même lui indiquer un « critère lui permettant de distinguer tel " cas
d’urgence" de tel autre cas qui ne serait pas d’urgence »1535. Le juge administratif
camerounais lui-même n’a pas non plus donné une définition de l’urgence lorsqu’il
statue au vu des circonstances de chaque espèce.
1535
G. Pambou Tchivounda, op. cit., p. 103.
1536
AJDA, 1958, II. 188.
1537
Ibid.
1538
O. Dugrip, op. cit., p. 311.
1539
Ibid., p. 312.
360
A. L’APPREHENSION TEMPORELLE DE L’URGENCE
1540
G. Pambou Tchivounda, op. cit., p.81.
1541
CA , Amiens, 26 juin 1950, Bull. doc., 3. 76. 239, cité par O. Dugrip, op. cit., p. 313.
1542
J-M. Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, T2, op. cit., p.47.
1543
B. Pacteau, op. cit., p. 314.
1544
CFJ/CAY, arrêt n°91 du 06 janvier 1970, Nkwenkam Molhie Luc contre Commune de Pleine Exercice de
Yaoundé.
361
Ainsi, le juge considère « qu’il y a urgence à prescrire » une mesure
conservatoire constituant à ordonner, par provision, la suspension de l’exécution de
la décision prise par le Secrétaire d’Etat au Tourisme portant nomination d’un
administrateur séquestre dans un hôtel, dans le but d’éviter la détérioration du
patrimoine immobilier dudit hôtel1545, surtout que cette autorité a agi au mépris de la
réglementation applicable en matière touristique et hôtelière.
1545
Ordonnance de référé n°01/ORSE/PCA/CS/86-87 du 23 octobre 1986, affaire La Succession Roggow C/Etat du
Cameroun.
1546
Ordonnance de référé n°06/OR/PCA/CS/93-94 du 25 novembre 1993, affaire Collectivité de Maképé II
C/Etat du Cameroun.
1547
Ordonnance de référé n°19/OR/CS/PCA/92-93 du 29 juillet 1993, affaire collectivité Kambo contre Etat du Cameroun.
1548
Ordonnance de référé n°02/PCA/CS/97-98 du 02 octobre 1997, affaire Kouogan Claude contre Etat du
Cameroun et Ngoum-Pene Joseph (intervenant).
1549
Ordonnance de référé n°21/OR/PCA/CS/97-98 du 16 décembre 1997, affaire Ngouempemeu Joseph C/Etat du
Cameroun.
1550
Ordonnance de référé n°05/OR/PCA/CS/98-99 du 15 octobre 1998, affaire collectivité Villageoise Minkwele
C/Etat du Cameroun.
1551
Ordonnance de référé n°12/OR/PCA/CS/93-94 du 04 mars 1994, affaire société SINTRABOIS contre Etat du Cameroun.
362
Mais, la condition d’urgence n’est pas d’application absolue. Ainsi, même
lorsqu’elle est remplie, la mesure sollicitée peut ne pas être ordonnée. C’est le cas
lorsque l’intervention du juge de référé risque de préjudicier au principal ; lorsque le
requérant a saisi le juge de référé pour qu’il constate que l’avenant d’un marché lie
l’Etat uniquement à son débiteur qui en est le seul signataire et qu’il ordonne en
conséquence la rectification des décomptes établis en faveur d’un tiers en exécution
de cet avenant1552.
Il résulte de ceci que le juge n’exige pas que le dommage redouté soit toujours
irréparable. La reconnaissance de l’urgence repose donc, essentiellement, « sur la
considération que la situation peut évoluer avant l’intervention du juge du fond,
entraînant un préjudice pour le demandeur »1553. Dès lors, l’urgence suppose
l’existence d’un élément finaliste.
1552
Ordonnance de référé n°19/ORSE/PCA/86-87 du 17 septembre 1987, affaire Ossongo Eteme François contre
Etat du Cameroun.
1553
O. Dugrip, op. cit., p. 329.
1554
Ordonnance de référé n°60/77/OR1/CS/CA du 31 mars 1977, affaire Ndjofang Frédéric contre Etat du
Cameroun.
363
écrites qu’il a subies en vue d’une contestation éventuelle de l’authenticité de ces
documents (…) ».
Reposant donc sur une analyse des circonstances de l’affaire exposées par le
demandeur, « la négation ou la reconnaissance de l’urgence résultent d’une
1555
Ordonnance de référé n°7/ORSE/CS/PCA/77-78 du 3 juin 1978, affaire Lélé Gustave contre Etat du
Cameroun. Suite à l’appel interjeté par le sieur Lélé, cette ordonnance a été confirmée par l’Assemblée plénière.
V. arrêt n°06/A du 25 février 1999, Lélé Gustave C/Etat du Cameroun.
1556
O. Dugrip, « Mesures conservatoires et effet suspensif dans la procédure administrative », Cahiers n°4 de
IDEDH, Université de Montpellier I, Faculté de Droit et des Science Economiques, 1995 , p. 45.
1557
O. Dugrip L’urgence contentieuse devant les juridictions administratives, op. cit., p. 326.
364
appréciation personnelle et subjective du juge du référé »1558. Du fait de l’imprécision
législative de la notion, le juge peut , en effet, lui donner le contenu de son choix.
Aussi, le fait qu’il en ait une appréhension contingente, relative et subjective1559 ne
saurait surprendre. D’ailleurs, cette appréhension flexible de l’urgence lui permet
d’appréhender aussi la condition de l’utilité des mesures sollicitées.
Comme l’écrit P-L. Frier, la recherche de l’utilité par le juge « lui permet de
déterminer s’il faut prescrire les mesures demandées et cela indépendamment de
tout élément temporel. Il s’interroge pour savoir si les demandes formulées
permettraient effectivement de sauvegarder les droits des parties et apportent un
quelconque bénéfice pour la solution du litige »1560. Aussi, pour appréhender l’utilité
des mesures sollicitées, le juge administratif camerounais s’assure d’une part
qu’elles sont nécessaires à la préservation des droits menacés du requérant (A), et,
d’autre part, qu’elles présentent un intérêt pour la solution du litige (B).
1558
Ibid., p. 332.
1559
O.Dugrip, op. cit. p. 334. Dans le même sens, J-C. Piedbois, op. cit., p. 122.
1560
P.L Frier, op. cit., p. 307.
365
A. L’UTILITE DE LA MESURE POUR LA PRESERVATION DES DROITS
MENACES DU REQUERANT
Ainsi que l’indique le juge dans l’affaire Fouda Etama du 25 juin 19871562, si
l’article 122 de la loi n°75/17 « ne concrétise pas les mesures susceptibles d’être
prononcées » en matière de référé, « se bornant à énoncer que le Président de la
Chambre Administrative ou l’Assemblée Plénière peut dans certaines conditions et
limites , ordonner " toutes mesures utiles " (…), le juge des référés administratifs ne
peut, en tant que tel prononcer que des mesures provisoires ou conservatoires »1563.
Il peut s’agir soit des mesures utiles à sauvegarder une situation mise en péril par un
acte administratif1564, soit des mesures utiles à éviter une situation mettant en péril
les intérêts des parties1565. Mais, le juge ne peut ordonner ces mesures utiles que
sous la réserve de ne pas faire préjudice au principal et de ne pas faire obstacle à
l’exécution d’aucune décision administrative1566. Autrement dit, la mesure utile « ne
1561
G.Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif, T2, op. cit., p. 185. V. aussi conclusions de Mme Latournerie
sur CE, 17 décembre 1976, Ferignac, où elle écrit qu’ « une mesure qui est demandée au juge des référés est
utile si elle est de nature à sauvegarder ou à protéger un droit du demandeur » ; Rec., p .564.
1562
Ordonnance de référé n°14/ORSE/PCA/86-87 du 25 juin 1987, affaire Fouda Etama C/Etat du Cameroun.
1563
Dans le même sens, ordonnance de référé n°63/OR/PCA/CS/97/98 du 6 juillet, affaire Melingui Melingui
Narcisse Balise C/Etat du Cameroun.
1564
Ordonnance de référé, n°16/OR/PCA/CS/91-92 du 4 juin 1992, affaire Sienche Maurice et autres contre Etat
du Cameroun ; ordonnance de référé n°02/OR/PCA/CS/93-94 du 07 octobre 1993, affaire Ahanda François
contre Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n°30/OR/PCA/CS/97-98 du 21 janvier 1998, affaire Société
Antenne Electrique Alarme (AEA) C/Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n°67/OR/PCA/CS/97-98 du 24
août 1998, affaire Madame Nedjeumen Emilienne C/Etat du Cameroun ; ordonnance de référé
n°06/OR/PCA/CS/98-99 du 8 décembre 1998, affaire SOSSO Emmanuel C/Etat du Cameroun.
1565
Ordonnance de référé n°01/OSE/PCA/CS/97-98 du 2 octobre 1997, affaire Dame Abanda Metogo née Noah
clémentine C/Etat du Cameroun
1566
Ordonnance de référé n°07/OR/PCA/CS/93-94 du 25 novembre 1993 affaire Nsegué Joseph & autres c/Etat
du Cameroun et la MAETUR (intervenante).
366
doit nullement être une solution finale au fond du litige » 1567. Elle doit être une
mesure provisoire ou conservatoire destinée à sauvegarder les droits et intérêts
d’une partie, dans l’attente du règlement au fond du litige. Mais, c’est aussi une
mesure qui affecte et modifie la situation des parties, car elle se traduit « par une
obligation de faire ou de ne pas faire à la charge de l’une d’elles »1568, bien entendu,
« de façon provisoire et durant le procès »1569. A ce titre, est utile la mesure
ordonnant l’arrêt des travaux sur un terrain litigieux1570 soit pour garantir les droits de
tout un chacun et éviter que les agissements de l’une des parties « n’ébranlent la
paix sociale et l’ordre public »1571, soit pour éviter que le requérant ne subisse un
préjudice irréparable1572 ou que ses intérêts ne soient définitivement compromis1573.
Il en est ainsi parce qu’il s’agit d’une mesure qui relève de la compétence du juge de
référé et qui ne touche pas le fond du litige. Sont, a contrario, inutiles les mesures qui
ne relèvent pas de sa compétence.
Ainsi, est inutile la mesure tendant à obtenir du juge des référés la suspension
de l’exécution d’une décision contestée du fait qu’il ne peut y procéder « sans
examiner préalablement le bien fondé en fait et en droit de la demande (…) ou au
mieux sans faire préjudice au principal »1574, ou alors « sans outrepasser ses
1567
Ordonnance de référé n°16/PCA/CS/91-92 du 4 juin 1992 ; ordonnance de référé n°02/OR/PCA/CS/93-94
du 7 octobre 1993 ; ordonnance de référé n°01/OSE/PCA/CS/97-98 du 2 octobre 1997 ; ordonnance de référé
n°30/OR/PCA/CS/97-98 du 21 juin 1998 ; ordonnance de référé n°67/OR/PCA/97-98 du 24 août 1998 ;
ordonnance de référé n°06/OR/PCA/CS/98-99 du 8 décembre 1998.
1568
R. Chapus, Rapport de synthèse, op. cit., p. 318.
1569
Y. Gaudemet, « Les procédures d’urgence dans le contentieux administratif », op. cit., p. 428.
1570
Ordonnance de référé n°09/ORSE/CS/PCA/88-89 du 28 septembre 1989, affaire , Tamo Pelap Jean-claude
contre Commune Urbaine de Bafoussam ; ordonnance de référé n°19/OR/CS/PCA/92-93 du 29 juillet 1993,
affaire Collectivité Kambo C/Etat du Cameroun.
1571
Ordonnance de référé n°06/OR/PCA/CS/93-94 du 25 novembre 1993, affaire collectivité Makepé II C/Etat du
Cameroun.
1572
Ordonnance de référé n°05/PCA/CS/98-99 du 15 octobre 1998, affaire Collectivité villageoise Minkwele
contre Etat du Cameroun.
1573
Ordonnance de référé n°16/OR/PCA/CS/97-98 du 02 octobre 1998, affaire Kouogan Claude contre Etat du Cameroun.
1574
V. ordonnance de référé n°16/OR/PCA/CQ/91-92 du 4 juin 1992, affaire Sienche Maurice et autre C/Etat du
Cameroun ; ordonnance de référé n°02/OR/PCA/CS/93-94 du 07 octobre 1993, affaire Ahanda François C/Etat
du Cameroun ; ordonnance de référé n°01/OSE/PCA/CS/97-98 du 02 octobre 1997, affaire Dame Abanda
367
pouvoirs »1575. Il en est de même de la mesure tendant à ce que les parties soient
maintenues « en l’état en attendant l’aboutissement de la procédure du fond » en ce
qu’elle ne constitue guère une mesure provisoire1576, de celle sollicitant la
suspension du commandement enjoignant le requérant à payer une certaine somme
d’argent à l’administration fiscale et la main-levée des scellés1577 ou tendant à ce qu’il
soit ordonné la discontinuité des poursuites engagées contre le requérant1578. Tel
est le principe qui n’est pas cependant absolu. En effet, Il arrive que le juge le
remette en cause. C’est ainsi que dans l’affaire la Succession Roggow du 23 octobre
19861579, il a admis la mesure tendant à suspendre l’exécution d’une décision
nommant un administrateur séquestre dans un hôtel en se conformant à l’avis du
Ministère Public qui estimait qu’une telle mesure serait judicieuse « pour limiter les
dégâts (…) ».
Metogo née Noah Clémentine C/Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n°30 OR/PCA/CS/97-98 du 21
janvier 1998, affaire Société Antenne Electronique Alarme (AEA) C/Etat du Cameroun.
1575
Ordonnance de référé n°07/ OR/PCA/CS/93-94 du 25 novembre 1993 affaire Nsegue Joseph et autres C/Etat
du Cameroun et MAETUR (intervenante).
1576
Ordonnance de référé n°63/ OR/PCA/CS/97-98 du 6 juillet 1998, affaire Melingui Melingui Narcisse Blaise
C/Etat du Cameroun.
1577
Ordonnance de référé n°67OR/PCA/CS/97-98 du 24 août 1998, affaire Madame Nedjeumen Emilienne
contre Etat du Cameroun.
1578
Ordonnance de référé n°01/ORSE/PCA/CS/86-87 du 23 octobre 1986, affaire La Succession Roggow contre
Etat du Cameroun.
1580
Ordonnance de référé n°60/77/OR1/CS/CA du 31 mars 1977, affaire Ndjofang Frédéric contre Etat du Cameroun.
1581
Ordonnance de référé n°14/ORSE/PCA/86-87 du 25 juin 1987, affaire Fouda Etama contre Etat du Cameroun.
1582
Ordonnance de référé n°08/ OR/PCA/CS/ du 31 mars 1988, affaire Fonacho Georges Isaih contre Etat du Cameroun.
368
Il apparaît donc que le juge écarte la demande pour défaut d’utilité lorsque son
intervention n’est pas nécessaire ou lorsqu’elle ne s’impose pas au regard de son
champ de compétence. Mais, la nécessité de cette intervention n’est qu’un des
éléments de détermination ou d’appréciation de l’utilité de la mesure sollicitée. Pour
être utile, il faut encore qu’ elle présente un intérêt pour la solution du litige.
Une telle mesure présente un intérêt pour la solution du litige tant en référé
qu’au fond en cas de recours en annulation. Il en est de même des mesures
d’instruction relatives à l’expertise.
1583
Ordonnance de référé n°60/77/OR1/CS/CA du 31 mars 1977.
369
2. L’utilité des mesures d’instruction relatives à l’expertise
Lorsqu’une personne sollicite par voie de référé des mesures utiles d’expertise
ou d’instruction, elle n’ a pas à invoquer forcément l’urgence ; « il lui suffit seulement
de prouver voire d’alléguer, l’"utilité" de la mesure sollicitée » 1587. Mais, celle-ci ne
doit pas préjudicier au principal1588.
Est également utile la désignation d’un expert dans le cas où deux titres
fonciers sont en compétition sur un même terrain, dans la mesure où il devra préciser
lequel des deux titres a pour objet le terrain litigieux1591. Il en est de même lorsque la
désignation de l’expert permet de déterminer si l’immeuble du requérant, menacé de
destruction par l’autorité municipale, se trouve dans le domaine public ou pas1592. Le
travail de l’expert doit porter exclusivement sur des questions de fait. Comme le juge
principal, le juge du référé ne peut pas lui confier le soin de se prononcer sur des
questions de droit telles, par exemple, les conséquences juridiques à tirer du résultat
1584
R.Chapus, Rapport de synthèse, op. cit., p. 318.
1585
Ibid.
1586
Y. Gaudemet, « Les procédures d’urgence… », op. cit., p. 427.
1587
Ch. Debbasch et J-C. Ricci, op. cit., p. 406.
1588
Ordonnance de référé n°30/ OR/PCA/CS/97-98 du 21 janvier 1998, affaire Société Antenne Electronique
Alarme contre Etat du Cameroun.
1589
ordonnance de référé n°63/OR/PCA/CS/97-98 du 6 juillet 1998, affaire Melingui Meligui Narcisse Blaise
contre Etat du Cameroun.
1590
Ordonnance de référé n°30/ OR/PCA/CS/97-98 du 21 janvier 1998, affaire Société Antenne Electronique
Alarme C/Etat du Cameroun.
1591
Ordonnance de référé n°21/V97-98 du 16 décembre 1997, affaire Ngouempemeu Joseph C/Etat du
Cameroun et Kouogan Claude.
1592
Ordonnance de référé n°63/ OR/PCA/CS/97-98 du 6 juillet 1998, affaire Melingui Melingui Narcisse Balise
C/Etat du Cameroun.
370
de ses investigations1593; le bien fondé d’une prétention ; l’étendue d’un droit ou
d’une obligation ; ou encore, la qualification juridique des faits relevés1594. Il
détermine la mission de l’expert « dans les limites des conclusions dont il est
saisi »1595.
1593
V.C.E, 2 mai 1958, Douesnard, Rec., p. 257.
1594
R.Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 832.
1595
Ibid.
1596
Conclusions sur CE, Section, 14 mars 1958, AJDA, 1958. II. 189.
1597
V. article 3 du décret n°95/048 du 08 mars 1995 portant Statut de la Magistrature.
371
orienter ses réquisitions ou les influencer. C’est dire si par cette voie, le Ministre de la
Justice, et donc l’Etat, peut peser sur les décisions rendues par le juge ; surtout que
la loi fait obligation à celui-ci, en matière de référé, de se conformer aux réquisitions
du Ministère public.
1598
R. Hostiou, op. cit., p. 28
1599
Ibid.
1600
E. Laferrière, T2, op. cit., p. 505.
1601
R. Chapus, Droit administratif général, op. cit., p. 1070.
1602
Ibid.
1603
R. Hostiou, op. cit., p. 31.
1604
Ibid.
372
A. LA RECONNAISSANCE DE L’OBLIGATION DE STATUER
Le juge reconnaît l’obligation légale qui lui est faite de statuer dans le sens
des réquisitions du Ministère public1608 d’une part, en la formulant, et, d’autre part, en
l’appliquant.
Le juge formule de diverses manières l’obligation légale qui lui est faite de se
conformer à l’avis du Ministère public. Dans certains cas, il la formule en ces termes :
« Attendu qu’en cas de réquisitions défavorables comme celui de l’espèce,
l’obligation qui lui est faite de se conformer à l’avis du Ministère Public dispense le
juge des référés administratifs de discuter les moyens invoqués par les parties »1609.
Dans d’autres cas, après avoir indiqué l’avis défavorable du Ministère public, il
précise que « dans ce cas obligation est faite au juge des référés de se conformer à
l’avis du Ministère public »1610, ou que « le juge des référés administratifs ne peut,
1605
Dans ce sens, ordonnance de référé n°07/OR/CQ/PCA/87/88 du 31 mars 1988, affaire Kamsu Joseph C/Etat
du Cameroun ; ordonnance de référé n°08/91-92 OR/CS/PCA du 27 février 1992, affaire Front Social
Democratic, Parti politique (SDF) c/Etat du Cameroun et ordonnance de référé n°02/PCA/CS/97-98 du 2
octobre 1997, affaire Kouogan Claude C/Etat du Cameroun.
1606
Dans se sens, ordonnance de référé n°01/CS/PCA/92-93 du 02 octobre 1992, affaire Union Démocratique
Camerounaise (UDC) c/Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n°04/ORCS/PCA/92-93 du 02 octobre 1922,
affaire Dame Mayouga Yvonne c/Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n°18/OR/PCA/CS/93-94 du 28 avril
1994, affaire Me Ndzinga Sébastien et autres C/Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n°46/OR/PCA/CS/98-
99 du 12 mai 1998, affaire SOGETHORE c/Etat du Cameroun.
1607
V. par ex., ordonnance de référé n°01/OSE/PCA/CS/97-98 du 2 octobre 1997, affaire dame Abanda Metogo
née Noah Clémentine c/Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n°4/OR/PCA/CS/97-98 du 09 avril 1998,
affaire Dutchou Jean c/Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n°63/OR/PCA/CS/97-98 du 6 juillet 1998,
affaire Melingui Melingui Narcisse Blaise contre Etat du Cameroun.
1608
Ordonnance de référé n°14/ORSE/PCA/86-87 du 25 juin 1987, affaire Fouda Etama contre Etat du Cameroun.
1609
Ordonnance de référé n°03/ORSE/PCA/CS/86-87 du 25 juin 1987, affaire Ossongo Eteme François c/Etat du
Cameroun et ordonnance de référé n°08 OR/CSPCA/88-89 du 28 septembre 1989 affaire Ngwie Emmanuel
Mbang c/Etat du Cameroun.
1610
Ordonnance de référé n°03/90-91/OR/CS/PCA du 03 décembre 1990, affaire Bonu Innocent contre Etat du Cameroun.
373
suivant les prescriptions de l’article 122 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975,
qu’entériner les conclusions du Ministère public »1611 . Dans d’autres cas enfin, après
avoir énoncé l’avis favorable du Ministère public, il déclare « qu’il convient de rendre
une ordonnance conforme à l’avis énoncé ci-dessus, par application de l’article 122
in fine précité »1612 ou « qu’il échet de faire droit » à la demande du requérant
« conformément à l’avis du ministère public »1613. Cette formulation de l’obligation de
statuer selon l’avis du Ministère public implique pour le juge l’obligation de
l’appliquer.
Le juge administratif applique de deux façons l’obligation qui lui est faite de se
conformer à l’avis du Ministère public. Tantôt il l’appliquer sans examiner les moyens
de la cause ; tantôt il le fait tout en examinant les moyens de la cause.
Dans certaines affaires, le juge affirme clairement, après avoir énoncé l’avis
du ministère public qu’il dit s’imposer à lui, qu’il n’est pas tenu « de discuter les
moyens invoqués par les parties »1614. Dans d’autres affaires, il formule d’abord
l’obligation avant de rejeter les recours. Il en est ainsi dans l’affaire Ngassam
Thomas Débonnaire du 30 mars 19891615 où, après avoir formulé cette obligation, il
conclut qu’ « (…) en conséquence le rejet de la demande de Ngassam Thomas
Débonnaire s’impose ». il en est de même dans l’affaire Bonu Innocent du 03
décembre 19901616 où il conclut « qu’il y a lieu par conséquent de jeter cette requête
pour absence d’acte administratif faisant grief ». Dans d’autres affaires encore, il
1611
Ordonnance de référé n°19/ORSE/PCA/86-87 du 17 septembre 1987, affaire Ossongo Eteme François C/Etat
du Cameroun. Dans le même sens, ordonnance de référé n°03/OR/CS/PCA/88-89 du 30 mars 1989, affaire
Ngassam Thomas débonnaire c/Etat du Cameroun.
1612
Ordonnance de référé n°01/ORSE/PCA/CS/86-87 du 23 octobre 1986, La Succession Roggow contre Etat du Cameroun.
1613
Ordonnance de référé n°09/ORSE/CS/PCA/88-89 du 28 septembre 1989, affaire Tamo Pelap Jean-Claude
C/Etat du Cameroun.
1614
Dans ce sens, ordonnance de référé n°03/ORSE/PCA/Q/86-87 du 25 juin 1987, affaire Ossongo Eteme
François C/Etat du Cameroun et ordonnance de référé n°08 /OR/CS/PCA/88-89 du 28 septembre 1989, affaire
Ngwie Emmanuel Mbang, C/Etat du Cameroun.
1615
Ordonnance de référé n°03/OR/CS/PCA/CQ/ 88-89 du 30 mars 1989.
1616
Ordonnance de référé n°03/90-91/OR/CS/PCA du 03 décembre 1990.
374
énonce l’avis du Ministère public et en tire les conséquences qui s’imposent, sans
examiner les moyens de la cause. Ainsi, lorsque le Ministère public requiert son
incompétence, il déclare « qu’il en découle que le juge des référés administratifs est
incompétent pour connaître ce litige, sans excéder son pouvoir en préjudiciant au
principal »1617 ou que « le juge des référés ne peut que se déclarer incompétent sa
décision risquant de préjudicier au principal »1618. De même, lorsque le Ministère
public requiert le rejet d’une demande au motif que le requérant a saisi le juge des
référés après le jugement au fond rendu dans une même affaire par le juge
administratif, il affirme « qu’il en découle que le juge des référés administratifs ne
peut que rejeter cette demande »1619. Il arrive qu’il aille au-delà en examinant les
moyens de la cause.
Il arrive que le juge des référés soit plus pédagogique dans l’application de
l’avis du Ministère public. Sans l’apprécier ou l’interpréter, il permet de mieux le
comprendre en examinant directement ou indirectement les moyens allégués par les
parties, en particulier le requérant. Quelques exemples suffisent pour illustrer cette
tendance.
1617
Ordonnance de référé n °15/OR/CS/PCA/CAY/91-92 du 4 juin 1992, affaire Nkengue Vincent de Paul c/Etat du
Cameroun.
1618
Ordonnance de référé N)05/OR/CS/PCA/90-91 du 29 novembre 1990, affaire Kotto Jean-Jacques c/Etat du Cameroun.
1619
Ordonnance de référé n°08/OR/CS/PCA/92-93 du 09 mars 1993 , affaire Ngangmufuh Fon Martin C/Etat du
Cameroun et Zangue Puis (intervenant).
1620
Ordonnance de référé n°14/ORSE/PCA/86-87 du 25 juin 1987, affaire Fouda Etama c/Etat du Cameroun
375
le requérant, « le bien fondé de la demande d’indemnisation et, encore moins,
allouer l’indemnité, même à titre provisionnel ».
1621
Ordonnance de référé n°19/ORSE/PCA/86-87 du 17 septembre 1987, affaire Ossongo Etémé François c/Etat
du Cameroun.
1622
Dans le même sens, ordonnance de référé n°16/OR/PCA/CS/ 91-92 du 4 juin 1992, affaire Sientche Maurice
et autres C/Etat du Cameroun.
1623
Ordonnance de référé n° 02/OR/PCA/CS/93-94 du 07 octobre 1993, affaire Ahanda François c/Etat du
Cameroun.
1624
Ordonnance de référé n°07/OR/PCA/CS/93-94 du 25 novembre 1993, affaire Nsegué Joseph et autres c/Etat
du Cameroun et MAETEUR (intervenante).
1625
Ordonnance de référé n°16/OR/PCA/CS/91-92 du 4 juin 1992.
376
susceptible de suspendre l’exécution d’une décision administrative est celle prévue
par l’article 16(2) de la loi n°75 du 8 décembre 19 75 ».
1626
Ordonnance de référé n°11/OR/CS/PCA/90-91 du 19 mars 1991, affaire Docteur Edou André C/communauté
urbaine de Yaoundé.
1627
Ordonnance de référé n°06/DR/PC/CS 93-94 du 25 novembre 1993, affaire collectivité de Makepe II C/Etat du
Cameroun.
1628
Ordonnance de référé n°02/OR/CS/PCA/90-91 du 3 décembre 1990, affaire Anong Machia Abdoulaye C/Etat du
Cameroun.
1629
Ordonnance de référé n °13/OR/CS/PCA/90-91 du 19 mars 1991 ,affaire journal « Le Messager » C/ Etat du Cameroun.
1630
Ordonnance de référé n°13/OR/CS/PCA/90-91 du 25 avril 1991, affaire journal « Le Messager » C/Etat du Cameroun.
377
juge des référés administratifs pour la raison que l’article 14 de la loi n°90/052 du 19
décembre 1990 relative à la communication sociale n’avait pas prévu de procédure
de référé et qu’elle avait confié les litiges nés de la censure au juge de fond. Pour
confirmer et justifier ces conclusions, le juge a eu à rappeler le contenu de la
disposition législative évoquée par le Ministère public avant d’affirmer « Qu’il en
découle que le juge de référé ne saurait, sans excéder son pouvoir en préjudiciant au
principal connaître des litiges nés de la censure ». Mais, il arrive que le juge aille au -
delà de l’explication ou qu’il ne se contente pas de suivre l’avis du Ministère public.
Autrement dit, il lui arrive de relativiser l’obligation qui lui est faite de statuer
conformément à l’avis émis par le Ministère public.
1631
E. Laferrière op. cit., p.503.
1632
Ibid.
378
1. L’appréciation de l’avis conforme du Ministère Public avant son adoption
1633
R. Hostiou, op. cit., p. 31.
1634
R. Bourdonclé, Note sous CE, 19 décembre 1958, D., 1959 ; J.559 , cité par R. Hostiou, ibid.
1635
Ordonnance de référé n° 04/OR/CS/PCA/90/91 du 29 novembre 1990, affaire société PLANTERA (S.A.R.L)
contre Etat Cameroun, SODECAO et Banque Mondiale.
1636
Ordonnance de référé n°/07/OR/CS/PCA/90-91 du 30 janvier 1991, affaire Tsoungui Ayissi Laurent contre
Etat du Cameroun.
1637
Ordonnance de référé n°15/OR/CS/PCA/90/91 du 18 juillet 1991, affaire Labogénie contre Etat du
Cameroun..
1638
V. ordonnance de référé n°19/OR/CS/PCA/90-91 du 18 juillet 1993, affaire collectivité Kambo c/ Etat du Cameroun.
379
l’Etat au titre de la dette fiscale1639. Tout comme il considère comme « pertinente et
fondée» l’argumentation relative à l’incompétence du juge de référés soutenue par le
Ministère public dans l’affaire Belibi François du 13 juin 20001640, pour la raison que
la contestation soulevée par les parties, parce que fondée sur la question de
propriété, est sérieuse et de ce fait échappe à la compétence du juge des référés
administratifs.
L’exigence de l’avis conforme n’est pas une formalité de procédure qui viserait
simplement à éclairer l’auteur de l’acte sur l’exercice de sa compétence1642 . Elle
implique, pour l’autorité consultante, une prise en compte intégrale de l’idée
exprimée par l’organe consultatif. L’autonomie qui lui reste est seulement le pouvoir
de ne prendre aucune décision ou de provoquer un nouvel avis. Au lieu de procéder
ainsi, le juge administratif est souvent amené à compléter et à dépasser l’avis du
Ministère public, sans cependant le contredire. Ainsi, dans l’affaire Guinness
Cameroun du 07 août 19801643, alors que dans ses réquisitions le Ministère public
invitait le juge administratif à se déclarer incompétent pour connaître du litige et
partant à renvoyer la société requérante à mieux se pourvoir, au regard de l’objet de
sa demande qui portait sur la voie de fait, le juge n’y a pas souscrit directement. Il a
évoqué d’abord des problèmes liés à la recevabilité externe de la demande avant
d’aborder ceux relatifs à sa compétence : « Attendu qu’il convient de prime abord de
faire remarquer à la société Guinness que les demandes en référé devant le
Président de la Chambre administrative interviennent avant ou lors de l’introduction
d’un recours contentieux (…) qu’il ne ressort pas des déclarations de son conseil que
cette société soit sur le point de saisir la Chambre administrative d’un recours
1639
V. ordonnance de référé n° 12/OR/PCA/CS 93-94 du 4 mars 1994, affaire société SINTRABOIS C/ Etat du Cameroun.
1640
Ordonnance de référé n°38/OR/PCA/CS/99-2000 du 13 juin 2000, affaire Belibi François, c/Etat du Cameroun.
1641
R. Hostiou, op. cit., p. 31.
1642
Ibid., p. 32.
1643
Ordonnance de référé n°10/OR/PCA/79-80 du 07 août 1980 affaire Guinness Cameroun contre Etat du Cameroun.
380
contentieux, ni que cette juridiction ait déjà été saisie d’un pareil recours ». En
évoquant ce moyen, le juge dépasse donc le cadre de l’avis du Ministère public et
fait de celui-ci, non pas l’élément, mais un des éléments devant concourir à l’édiction
de la décision contestée.
1644
Ordonnance de référé n°7/ORSE/PCA/CS/86-87 du 18 décembre 1986 affaire Nguimbous Jean-François
contre Etat du Cameroun.
1645
Ordonnance de référé n°08/ORSE/PCA/CS/86-87 du 29 décembre 1986, affaire Mongo Mbock Philippe
contre Etat du Cameroun.
1646
Ordonnance de référé n°12/OR/CS/PCA/90-91 du 19 mars 1991, affaire journal « Le Messager » contre Etat du
Cameroun.
1647
Ordonnance de référé n°13/OR/CS/PCA/90-91 du 25 avril 1991, affaire journal « Le Messager » c/Etat du Cameroun.
381
3. La remise en cause de l’avis émis par le Ministère public
Les espèces n’ayant pas fait l’objet d’appel du Ministère public sont celles
dans lesquelles la remise en cause de son avis par le juge n’a pas eu une influence
réelle ou significative sur le décision finale. Il en est ainsi des affaires Ndjofang
Frédéric du 31 mars 19771651 et Lélé Gustave du 3 juin 19781652. Dans l’affaire
Ndjofang Frédéric, le Ministère public avait requis le rejet de la requête en référé au
motif que le demandeur n’avait pas articulé la mesure utile sollicitée. Le juge a
estimé, par contre, que « la remise au requérant de relevé des notes qu’il a
obtenues à l’examen d’entrée 4éme année ainsi que les thermocopies des épreuves
écrites qu’il a subies (…) constituent une mesure utile (…) », mais a débouté le
requérant sur la prétention relative à l’annulation des examens attaqués, pour
incompétence. Quant à l’affaire Lélé Gustave, le Ministère public avait soulevé
l’irrecevabilité du recours d’une part pour défaut de qualité de la part du requérant,
et, d’autre part, parce que l’intéressé demandait au juge des référés de prononcer le
sursis à exécution de la décision contestée qui est une procédure parallèle distincte
de celle de référé qui ne relève pas de la compétence du juge des référés. Sur le
premier point, le juge a statué à l’opposé de l’avis émis par le Ministère public
1648
CS/AP . arrêt n5 A du 21 novembre 1985, affaire Procureur Général, Cour suprême c/Sighoko Fossi Abraham.
1649
Ordonnance de référé n°12/ORSE/CS/PCA/83-84 du 18 juillet 1984 affaire Sighoko Fossi Abraham contre
Etat du Cameroun.
1650
Dans le même sens, CS/AP arrêt n°9 A du 29 juin 1989, Procureur général, Cour Suprême c/Ets Nziko
André. L’ordonnance querellée ordonne la levée des scellés, alors que le Ministère public avait émis un avis
contraire. Elle a donc été infirmée par l’Assemblée Plénière de la Cour Suprême.
1651
Ordonnance de référé n°60/77/OR1/CS/CA/ du 31 mars 1977, affaire Ndjofang Frédéric c/ Etat du
Cameroun.
1652
Ordonnance de référé n°7/ORSE/CS/PCA/77-78 du juin 1978, affaire Lélé Gustave c/Etat du Cameroun.
382
estimant que le requérant avait bien qualité pour agir, car actionnaire dans la banque
pour laquelle il agissait, la radiation de celle-ci lui causait personnellement un
préjudice et que, par conséquent, la suspension de l’exécution des décisions
attaquées lui profitait nécessairement1653. C’est sur le second point qu’il a tranché,
plus ou moins, conformément à l’avis du Ministère public en évoquant, non pas
l’irrecevabilité du recours pour défaut de recours aux fins de sursis, comme le
requérait le Ministère public, mais plutôt l’incompétence du juge des référés à
ordonner une telle mesure qui fait l’objet d’une procédure parallèle.
1653
Dans cette affaire, le juge fonde la qualité du requérant sur l’intérêt pour agir. Cette position a été discutée en
son temps lorsque nous examinions le point relatif à l’appréciation par le juge de l’accessoire des conditions de
recevabilité externe des demandes annexes (voir 1ère partie, titre 1 chapitre 1 section 1).
1654
V. article 122 de la loi n°75/17 du 8 décembre 1975
383
l’ordre public et la sécurité publique »1655. Quant à l’interdiction de préjudicier au
principal et à l’interdiction de faire obstacle à l’exécution d’une décision
administrative, elles étaient, jusqu’à la réforme des procédures d’urgence
accessoires du 30 juin 2000, contenues dans le Code des tribunaux Administratifs et
des Cours administratives d’Appel qui disposait que le juge des référés peut « dans
tous les cas d’urgence ordonner toutes mesures utiles sans faire préjudice au
principal et sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative »1656.
1655
cette limite a été supprimée par le décret du 29 janvier 1969, en son article 9,. V. R. Chapus, Droit du
contentieux administratif, op. cit., 822.
1656
Article R 130 du code. V. B. Pacteau, op. cit., pp. 315 316 ; Ch. Debbasch et J-C. Ricci, op. cit., p. 412 et
O.Dugrip, « Mesures conservatoires et effet suspensif dans la procédure administrative » op. cit., p. 39.
1657
O. Dugrip, L’urgence contentieux…, op. cit., p. 343.
384
A. L’APPREHENSION CONTINGENTE DES LITIGES PAR RAPPORT AU
1658
Ordonnance de référé n°09/ORSE/CS/PCA/88-89 du 28 septembre 1989, affaire Tamo Pelap Jean-Claude
c/commune urbaine de Bafoussam.
1659
Ordonnance de référé n°/19/OR/CS/PCA/92-93 du 29 juillet 1993, affaire collectivité Kambo contre Etat du Cameroun.
1660
Ordonnance de référé n°06/OR/PCA/CS/97-98- du 25 novembre 1997, affaire collectivité Makepe II contre
Etat du Cameroun.
1661
Ordonnance de référé n°02/OR/PCA/CS/97-98 du 02 octobre 1997, affaire Kouogan Claude contre Etat du Cameroun.
1662
Ordonnance de référé n°21/OR/PCA/CS/97-98 du 16 décembre 1997, affaire Ngoumepemeu Joseph c/Etat du Cameroun.
385
Par contre, dans l’affaire Mbongo Mounoume Thomas du 5 mars 19981663, bien qu’il
ait admis que le litige n’intéressait pas le maintien de l’ordre public, il s’est déclaré
incompétent au motif qu’il s’est dégagé des débats « une contestation sérieuse sur la
dualité des titres fonciers prétendument affectés à l’immeuble litigieux ».
En général, le juge ne dit pas en quoi et pourquoi le litige qui lui est soumis
n’intéresse pas le maintien de l’ordre public. Il se contente des formules stéréotypées
et laconiques du genre : « Attendu que le litige n’intéresse ni l’ordre public, ni la
sécurité et la tranquillité publiques »1664 ou : « Attendu que ni l’ordre public ni la
sécurité ou la tranquillité publique ne sont concernés »1665. Ce laconisme pose
problème parce que législateur n’a pas déterminé ce qui ressortit à l’ordre public, à
la sécurité et à la tranquillité publiques. Or, il s’avère qu’il s’agit de formules qui ne
sont en fait que l’expression d’une même notion à savoir l’ordre public. En se
contentant de reprendre telle quelle la formule législative sans l’expliciter, le juge
entretient le flou sur cette interdiction, ce qui est de nature à favoriser des abus
administratifs. En effet, il suffit que l’administration évoque dans sa décision ou dans
sa défense des nécessités de l’ordre public qui ont été à la base de son action pour
que le juge refuse d’intervenir dans la cause.
1663
Ordonnance de référé n°40/OR/PCA/CS/97-98 du 5 mars, affaire Mbongo Mounoume Thomas C/Etat du Cameroun.
1664
Ordonnance de référé n°09/ORSE/CS/PCA/88-89 du 28 septembre 1989, affaire Tamo Pelap Jean-Claude
C/Commune urbaine de Bafoussam.
1665
V. ordonnance de référé n°19/OR/CS/PCA/92-93 du 29 juillet 1993, affaire collectivité Kambo ; ordonnance
de référé n°06/OR/PCA/CS/93-94 du 25 novembre 1993, affaire collectivité Maképé II ; ordonnance de référé
n°21/OR/PCA/CS/97-98 du 16 décembre 1997, affaire Ngouempemeu Joseph et ordonnance de référé
n°04/OR/PCA/CS/97-98 du 5 mars 1998, affaire Mbongo Mounoume Thomas.
1666
Ordonnance de référé n°12/OR/CS/PCA/90-91 du 19 mars 1991, affaire journal « Le Messager » C/Etat du Cameroun.
386
25 avril 19911667 à se déclarer incompétent pour la raison que l’article 14 de la loi
n°/052 du 19 décembre 1990 relative à la liberté de communication sociale n’a pas
prévu de procédure de référé pour les litiges intéressant la censure administrative
des journaux, mais qu’il a confié ces litiges au juge de fond, il a, certes reconnu
qu’au regard de cette loi, il ne pouvait sans excéder son pouvoir, en préjudiciant au
principal, connaître de ces litiges, mais a indiqué, que la contestation était sérieuse
dans la mesure où elle était relative à l’ordre public et aux bonnes mœurs, « des
questions de fait dont l’appréciation relève du juge du fond »et que ne peut connaître
« le juge provisoire qu’est le juge de référé ». Ce faisant, il indiquait que les litiges
relatifs à la censure intéressaient le maintien de l’ordre public et qu’il ne peut en
connaître, en application de l’article 122 de la loi n °75/17 du 8 décembre 1975.
L’intérêt de cette jurisprudence est qu’elle renseigne sur la nature des litiges
portant sur l’ordre public, bien qu’elle ne définisse pas ce dernier. Il s’agit d’une
« contestation sérieuse » qui, sur le plan juridictionnel, ressortit à la compétence,
non pas du juge de l’accessoire ou du provisoire, mais du juge de fond, donc du
principal.
Le juge des référés n’a pas toujours une appréhension exacte ou juste de
l’interdiction qui lui est faite de connaître des litiges intéressant le maintien de l’ordre
public. Il a tendance à la confondre à celle qui est faite au juge du sursis de
connaître des décisions intéressant l’ordre public ; ce qui n’est pas sans
implications.
1667
Ordonnance de référé n°13/OR/CS/PCA/90-91 du 25 avril 1991 ; affaire journal « Le Messager » c/Etat du
Cameroun.
387
1. L’objet de la confusion
Dans l’appréhension de l’interdiction qui lui est faite de connaître des litiges
intéressant l’ordre public, le juge confond la cause de sa saisine et son objet.
Autrement dit, il confond le litige, à savoir la difficulté ou le problème qui oppose le
demandeur en référé et l’administration et la solution sollicitée pour ce litige par le
demandeur.
Cette confusion a été faite, par exemple, dans deux espèces rendues
respectivement le 9 avril 1998 1668 et le 5 octobre 19981669. Dans la première espèce,
le litige portait sur la nomination à des postes de responsabilités au sein du Ministère
de l’Agriculture. Le requérant contestait cette nomination au motif que la décision
avait été rédigée avec des termes ambigus sur le titulaire du poste d’affectation qu’il
occupait ; il avait donc saisi le juge en référé pour qu’il ordonne la suspension de
l’exécution cette décision contestée. Le juge a accédé à sa demande, car il a estimé
que « la mesure sollicitée ne concerne ni le maintien de l’ordre public ni la sécurité
et la tranquillité », alors qu’il devait, en tant que juge des référés, dire que le litige
n’intéresse pas le maintien de l’ordre public… Dans la seconde espèce, le Ministre
de l’Urbanisme et de l’Habitat avait établi au profit des tiers un titre foncier sur des
parcelles de terrain appartenant à une collectivité villageoise. Alors que les
détenteurs desdits titres avaient engagé des travaux sur le terrain litigieux, le juge
des référés fut saisi par la collectivité requérante d’un recours tendant à ordonner
l’arrêt provisoire desdits travaux. Il accéda à cette demande au motif que « la
mesure sollicitée ne concerne ni l’ordre public, ni la sécurité ou la tranquillité
publiques », alors qu’en référé, c’est le litige, et non la décision, qui ne doit pas
concerner le maintien de l’ordre public. Ici encore, le juge a confondu l’interdiction
telle quelle est énoncée en matière de sursis et celle qui est consacrée en matière de
référé.
La loi est pourtant claire sur ce point. En matière de sursis, l’article 16 (2) de la
loi n°75/17 énonce que le juge ne peut ordonner le sursis à exécuter que si «(…) la
décision attaquée n’intéresse ni l’ordre public, ni la sécurité ou la tranquillité
publiques » ; alors qu’en matière de référé, l’article 122 de la même loi prescrit que le
1668
Ordonnance de référé n°45/OR/PCA/CS/97-98 du 9 avril 1998, affaire Dutchou Jean c/Etat du Cameroun.
1669
Ordonnance de référé n°05/OR/PCA/CS/98-99 du 15 octobre 1998, affaire collectivité villageoise Minkwele
c/Etat du Cameroun.
388
juge peut ordonner toutes mesures utiles «( …) sauf pour les litiges intéressant le
maintien de l’ordre public, la sécurité et la tranquillité publiques ».
1670
M. Kamto, observations sur l’ordonnance de référé n°7/ORSE/CS/PCA/77-78 du 3 juin 1978, affaire Lele
Gustave C/Etat du Cameroun, in Droit administrative processuel du Cameroun, op. cit., p.181.
389
Dans l’appréhension de l’interdiction qui lui est faite de préjudicier au principal
lorsqu’il ordonne les « mesures utiles », le juge adopte aussi souvent, des positions
pour le moins confuses.
L’interdiction faite au juge des référés par l’article 122 de la loi n°75/17 du 8
décembre 1975 de ne pas prononcer des mesures faisant « préjudice au principal »
est issue du Code de procédure civile français de 1806 - article 809 - reprise à
l’origine par la loi française de 19551671 et plus tard par le Code des tribunaux
administratifs et des cours administratives d’appel1672 jusqu’à la réforme des
procédures d’urgence le 30 juin 2000.
On peut s’interroger sur la nécessité de cette interdiction lorsqu’on sait que les
mesures édictées par le juge des référés ont toujours un caractère provisoire et n’ont
pas l’autorité de la chose jugée. Comment donc le juge des référés pourrait-il
préjudicier au jugement du principal et limiter la liberté du jugement du tribunal en
anticipant sur le règlement au fond du litige ?
Comme l’écrit J-C Piedbois, « l’idée que le juge des référés ne saurait prendre
position sur le fond et limiter les pouvoirs de la juridiction en orientant sa décision
future est l’une des idées les moins contestées et les plus faciles à comprendre »1673.
En effet, « l’interdiction de préjudicier au principal tend à exclure que le juge des
référés puisse statuer sur des questions de droit relevant de la compétence du juge
du principal, c’est-à-dire sur des questions de fond : celles qui seront débattues au
cours de l’instance ouverte par le recours principal »1674 ; et « même si les parties ne
soumettent jamais au juge le jugement du principal, les mesures de référé ne
sauraient empiéter sur la mission attribuée au juge du fond »1675, puisqu’elles sont
édictées dans le cadre d’une procédure provisoire et accessoire.
1671
V. Y Gaudemet, « les procédures d’urgence… » op. cit., p 429 ; Marie Françoise Casadei-Jung, « Etude
critique du référé administratif », Gaz. Pal., 1985. I. 279. Lors de la refonte du Code de procédure civile en
1975, cette notion de « préjudice au principal » a été définitivement. abandonnée.
1672
V. R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 830. L’auteur considère que la
formule « préjudice au principal » est une « expression quelque peu anarchique ».
1673
J-C Piedbois, « Procédure d’urgence ». Répertoire de contentieux administratif, Encyclopédie Dalloz, op. cit.
1674
R. Chapus, op. cit., p. 829.
1675
O. Dugrip, L’urgence contentieux… , op. cit. p. 344.
390
L’interdiction faite au juge des référés de préjudicier au principal répond aussi
au souci de donner à la procédure de référé la célérité nécessaire. En effet, la
connaissance des « contestations sérieuses » nécessite de longues investigations,
lesquelles sont incompatibles avec la rapidité qui caractérise la procédure de
référé1676. Par ailleurs, cette interdiction « incite le juge des référés à faire preuve
d’une certaine timidité chaque fois que la demande qui lui est présentée risquerait de
l’amener à prendre position sur une question délicate concernant le fond même du
litige »1677. Ainsi, dans l’intérêt des parties, dont les droits sont de ce fait préservés,
l’interdiction « assure la conciliation de l’efficacité de l’intervention du juge et du
respect des garanties d’une bonne administration »1678 . Elle empêche le juge des
référés, qui intervient dans une procédure où les garanties juridictionnelles restent
limitées, de porter un préjugement sur le litige, de trancher à ce stade une question
de droit et d’orienter ainsi la solution du différend1679.
1676
V.CFJ/CAY arrêt n°50 du 27 juin 1968, affaire Bernard Auteroche contre Ordre National des Médecins du
Cameroun.
1677
Francis Hamon et Herbert Mails, « L’urgence et la protection des libertés contre l’administration », Dalloz,
Chr., 1982, p. 52.
1678
O.Dugrip ; op. cit., p. 344.
1679
P-L Frier, L’urgence , op. cit. p. 315.
1680
CE, 2 mai 1959, Douesnard ; CE, 16 octobre 1985, Chauffou, D.A , 1985, n°563.
1681
Grevisse, Conclusions sur CE, 14 mars 1958, Secrétaire d’Etat à la Reconstruction et au Logement contre
Consorts Hue, AJDA, 1985 II. 186.
1682
O.Dugrip, « Mesures conservatoires et effet suspensif dans la procédure administrative », op. cit. p. 39.
1683
Ch. Debbasch et J-C. Ricci, op. cit. P. 413.
1684
Y. Gaudemet, op. cit., p. 429.
391
ce propos, que l’interdiction faite au juge des référés de préjudicier au principal « n’a
pas de sens en matière de mesure conservatoire », que « si le juge s’y tenait
vraiment, il ne pourrait jamais ordonner de telles mesures (…), il doit " composer "
avec cette interdiction »1685.
En droit privé, le juge des référés peut ordonner des mesures d’urgence
nécessaires, même touchant le fond du droit, « dès lors qu’elles ne soulèvent pas de
contestation juridique sérieuse »1686 . En effet, les particuliers peuvent lui demander
« de faire cesser jusqu’au jugement sur le fond une violation unilatérale » de leurs
droits et de « rétablir le statu quo ante de fait »1687. Le juge judiciaire peut ainsi
ordonner en référé des séquestres, des expulsions et des saisies - arrêts1688. C’est la
raison pour laquelle le juge administratif français a explicitement remplacé
l’interdiction de faire préjudice au principal en 1997 « par une autre exigence,
légitime celle-là, et inspirée par le nouveau Code procédure civile : celle de
1689
l’absence de contestation sérieuse » qu’il a appliquée jusqu’à l’entrée en vigueur
de la réforme du 30 juin 2000.
FOND DU DROIT
En indiquant que le juge des référés peut ordonner dans tous les cas
d’urgence toutes mesures utiles sans faire préjudice au principal, le législateur lui
interdit de se prononcer expressément sur des questions relatives au fond du droit
que le juge du principal peut seul trancher.
1685
R.Chapus, Rapport de synthèse, op. cit., pp. 318-319.
1686
P-L Frier , op. cit, p 301
1687
F. Méjan, « Référé administratif, sursis à exécution, expertise d’urgence, Rev. Adm, 1954, p. 260.
1688
P-L Frier, « une inconnu : le vrai référé administratif », op. cit., p. 68.
1689
Ibid. p 319.
392
Si de façon générale, le juge des référés se conforme à cette interdiction en
refusant de statuer sur des demandes qui portent sur des questions de fond dont il
est incompétent pour connaître, il arrive, cependant, qu’il rejette au fond des
demandes portant sur des questions qui touchent le fond du droit, alors qu’il devait
se déclarer incompétent.
1690
Ordonnance de référé n °60/77/OR1/CS/CA du 31 mars 1977, affaire Ndjofang Frédéric contre Etat du Cameroun.
1691
Ordonnance de référé n19/ORSE/PCA/86-87 du 17 septembre 1987, affaire Ossongo Eteme François contre
Etat du Cameroun.
1692
Ordonnance de référé 05/OR/CS/PCA/90-91 du 29 novembre 1990, affaire Kotto Jean-Jacques contre Etat du Cameroun.
1693
Ordonnance de référé n°07/OR/CS/PCA/90-91 du 30 janvier 1991, affaire Tsoungui Ayissi Laurent contre
Etat du Cameroun.
1694
Ordonnance de référé n°12/OR/CS/PCA/90-91 du 19 mars 1991, affaire journal « Le Messager » contre Etat
du Cameroun et ordonnance de référé n°13/OR/CS/PCA/90-91 du 25 avril 1991, affaire journal « Le Messager »
contre Etat du Cameroun.
1695
Ordonnance de référé n°08/91-92/OR/CS/PCA du 27 janvier 1992, affaire Front Social Démocratique. Parti
Politique (SDF) contre Etat du Cameroun.
1696
Ordonnance de référé n°01/OR/CS/PCA/92-93 du 02 octobre1992, affaire Union Démocratique
Camerounaise (UDC) contre Etat du Cameroun, ordonnance de référé n°02/OR/CS/PCA/92-93 du 02 octobre
1992, affaire Social Democratic Front (SDF) contre Etat du Cameroun et ordonnance de référé
n°03/OR/CS/PCA/92-93 du 02 octobre 1992, affaire Social Democratic Front (SDF) et Union des forces
Démocratique du Cameroun (UFDC) contre Etat du Cameroun.
1697
Ordonnance de référé n°19/ORSE/PCA/86-87 du 17 septembre 1987, affaire Ossongo Eteme François contre
Etat du Cameroun.
393
par le requérant « un défaut de notification préalable, cette circonstance ne pouvant
avoir pour effet d’entraîner une prorogation de compétence »1698, ni le
remboursement des sommes précomptées sur le solde d’un agent objet d’un ordre
de recettes 1699, ni la publication des articles censurés d’un journal1700, ni l’intégration
d’un fonctionnaire dans une catégorie de la Fonction publique1701.
1698
Ordonnance de référé n°/ORSE/PCA/CS/86-87 du 29 décembre 1986, affaire Mongo Mbock Philippe contre
Etat du Cameroun.
1699
Ordonnance de référé n°07/OR/CS/PCA/90-91 du 30 janvier 1991, affaire Tsoungui Ayissi Laurent contre
Etat du Cameroun.
1700
Ordonnance de référé n°12/OR/CS/PCA/90-91 du 19 mars 1991, affaire Journal « Le Messager contre Etat
du Cameroun ; ordonnance de référé n°13/OR/CS/PCA/90-91 du 25 avril 1991 affaire journal le journal «Le
Messager » contre Etat du Cameroun.
1701
Ordonnance de référé n°15/OR/CS/PCA/CAY/91-92 du 4 janvier 1992, affaire Nkengue Vincent de Paul
contre Etat du Cameroun.
1702
Ordonnance de référé n°19/ORSE/PCA/86-87 du 17 septembre 1987, affaire Ossongo Eteme François contre
Etat du Cameroun.
1703
Ordonnance de référé n°14/ORSE/PCA/86-87 du 25 juin 1987, affaire Fouda Etama contre Etat du
Cameroun ; ordonnance de référé n°0/OR/PCA/CS/96-97 du 21 octobre 1996, affaire International United Black
Funding (I.U.B.F) contre Etat du Cameroun.
1704
Ordonnance de référé n°14/ORSE/PCA/86-87 du 25 juin 1987 précitée.
1705
Ordonnance de référé n°09/OR/CS/PCA/91-92 du 27 février 1992, affaire Front Social Démocratique Parti
Politique (SDF) concernant Etat du Cameroun.
1706
Ordonnance de référé n°40/OR/PCA/CS/97-98 du 5 mars 1998, affaire Mbongo Mounoume Thomas contre
Etat du Cameroun.
1707
Ordonnance de référé n°38/OR/PCA/CS/99-2000 du 13 juin 2000, affaire Belibi François contre Etat du Cameroun.
394
sans préjudicier au fond du litige. Ainsi, la demande qui a pour objet le règlement
d’un litige faisant nécessairement préjudice au principal, ne peut être examinée par
le juge des référés administratifs.
Il ressort de la jurisprudence que tel n’est pas toujours le cas. En effet, le juge
des référés est souvent amené à apprécier au fond des contestations touchant le
fond du droit, et s’il n’ordonne pas la mesure sollicitée, c’est parce qu’il estime que
ces contestations ne sont pas fondées. Ainsi, dans l’affaire Kamsu Joseph du 31
mars 19881708, se fondant sur des dispositions réglementaires, il a rejeté, comme non
fondée, la demande du requérant, estimant que l’intéressé « ne peut, en l’absence
d’une décision administrative l’autorisant à poursuivre son stage dans quelque autre
Etude d’huissier, exercer légalement les fonctions d’huissier » et que sa
demande « ne repose sur aucune base légale ». De la même façon, il a jugé mal
fondée, mais sans dire pourquoi et comment, la demande d’un requérant tendant à
l’annulation d’un contrat1709. Il reste qu’en la déclarant « mal fondée », il a outrepassé
son pouvoir et, de ce fait, a préjudicié au principal, puisque seul le juge du fond peut
déclarer fondée ou non fondée une demande en annulation d’un acte unilatéral ou
contractuel de l’Administration. C’est pour rétablir l’état de droit en la matière que,
saisie en appel par le requérant, l’Assemblée Plénière de la Cour Suprême, dans un
arrêt en date du 4 Janvier 2001,1710a infirmé l’ordonnance rendue dans cette affaire
1708
Ordonnance de référé n° 07/OR/CS/PCA/87-88 du 31 mars 1988, affaire Kamsu Joseph contre Etat du
Cameroun.
1709
Ordonnance de référé n° 03 /OR/CS/PCA/88-89 du 30 mars 1989, affaire Ngassam Thomas Débonnaire
contre Etat du Cameroun.
1710
CS/AP, arrêt n° 28/ du 4 janvier 2001, affaire Ngassam Thomas Débonnaire contre Etat du Cameroun.
395
par le Président de la Chambre Administrative, en consacrant l’incompétence du juge
des référés à connaître de ce litige . Le juge d’appel reconnaît ainsi que le juge de
l’urgence a empiété sur la compétence du juge de fond.
Dans une autre espèce où les requérants sollicitaient qu’il donne « un ordre
urgent pour faire arrêter les dommages et souffrances irréparables que subissent les
victimes du sinistre du Lac Nyos provenant du Préfet du Département de la
Menchum dans la province du Nord-Ouest »1711, le juge des référés a, se conformant
à l’avis du Ministère Public, rejeté, comme mal fondée, la demande des requérants,
sans avoir à « discuter les moyens invoqués par les parties » . Ce faisant, il a statué,
certes implicitement, mais certainement, sur le fond du litige, alors même que,
manifestement, la mesure sollicitée concernait une injonction à adresser à
l’Administration, mesure qu’il ne peut édicter sans préjudicier au principal.
1711
Ord. de référé n° 08/OR/CS/PCA/88-89 du 28 septembre 1989, affaire Ngwie Emmanuel Mbang c/Etat du Cameroun.
1712
Article 143 du décret n° 86/903 du 18 juillet 1986.
1713
Ord. de référé n° 04/OR/CS/PCA/90-91 du 29 novembre 1990, affaire Société PLANTERA (SARL) contre
Etat du Cameroun, SODECAO et Banque Mondiale.
1714
Ord. de référé n° 02/OR/CS/PCA/90-91 du 3 décembre 1990, affaire Anong Machia Abdoulaye c/Etat du Cameroun.
396
arguments n’étaient pas fondés. Le motif avancé par lui est qu’il ressortait de la
contre vérification faite que le déficit reproché au requérant était réel et qu’une
suspension de l’exécution de l’arrêté de mise en débet serait contre la loi et la
réglementation en vigueur. Il en résulte que c’est pour des motifs de légalité qu’en
l’espèce, la demande a été rejetée au fond . En procédant de la sorte, le juge des
référés a statué sur le fond du droit, alors qu’il aurait dû considérer, comme il l’a fait,
que la demande l’invitait à préjudicier au principal et se déclarer incompétent pour en
connaître.
Autant le juge des référés ne doit pas juger le fond du droit, autant il ne doit
pas préjuger de la solution qui sera donnée au fond par le juge du principal. Ceci
revient à dire qu’il ne peut pas prendre « des mesures qui laissent prévoir son
sentiment sur les droits des parties quant au fond »1715. Il en résulte qu’il fait
préjudice au principal s’il prend parti sur le fond du droit au lieu de s’en tenir à des
mesures strictement provisoires.
Même lorsqu’il laisse intacts les droits des parties et bien que sa décision ne
lie pas le juge de fond qui reste libre d’agir autrement, le juge des référés jugerait
provisoirement le fond du litige, et, par conséquent, préjudicierait au principal, s’il
dévoile simplement son intention sur ce point, car « sa décision préjuge de la solution
à donner par le tribunal au fond du procès »1716.
1715
O. Dugrip, « Mesures conservations et effet suspensif… », op. cit., p. 40.
1716
J. Seignolle , « De l’évolution de la juridiction des référés, l’évolution des pouvoirs du juge des référés »,
JCP, 1954. 1. 1205.
397
préjuger le fond du droit. Il en est ainsi lorsqu’il détermine les mesures d’instruction et
les mesures conservatoires qui ne préjudicient pas au principal.
Le juge des référés affirme de façon récurrente qu’il ne peut ordonner que des
mesures provisoires ne portant pas sur le fond du droit . Il soutient, en effet, qu’il ne
peut prescrire que des mesures provisoires et conservatoires. Pourtant, « ordonner
des mesures conservatoires, c’est en réalité imposer une obligation de faire ou de ne
1717
Ord. de référé n° 21/OR/PCA/CS/97-98 du 16 décembre 1997, affaire Ngouempemeu Joseph c/Etat du Cameroun.
1718
Ord. de référé n° 63/OR/PCA/CS/97-98 du 6 juillet 1998, affaire Melingui Melingui Narcisse Blaise c/Etat du
Cameroun.
1719
Ord. de référé n° 30/OR/PCA/CS/97-98 du 21 janvier 1998, affaire Société Antenne Electronique Alarme
(AEA) contre Etat du Cameroun
398
pas faire » 1720. Il s’avère qu’ « en lui-même, le prononcé des mesures conservatoires
en référé " préjudicie " toujours au principal d’une certaine façon puisqu’il a pour objet
d’aménager la situation des parties par ailleurs en litige »1721. Ainsi, dans une
certaine mesure, le juge des référés « préjuge le sens dans lequel le litige sera jugé
et affecte la situation des parties »1722. D’ailleurs, il n’est pas interdit au juge des
référés d’aménager ou d’affecter la situation de fait des parties et ce d’autant plus
que, comme l’écrit R. Chapus, « les mesures conservatoires (…) destinées à
sauvegarder les droits et intérêts d’une partie dans l’attente du règlement au fond
(…) affecte et modifie la situation des parties » et se traduisent « par une obligation
de faire ou de ne pas faire à la charge de l’une d’elles »1723.
1720
M. F. Casadei-Jung, op. cit., p. 281.
1721
Y. Gaudemet, op. cit., p. 429.
1722
O. Dugrip, L’urgence contentieuse…, op. cit., p.349.
1723
R. Chapus, Rapport de synthèse, op. cit., p. 318.
1724
Ord. de référé n° 60/77/DR/CS/CA du 31 mars 1977, affaire Ndjofang Frédéric contre Etat du Cameroun.
1725
Ord. de référé n° 09/ORSE/CS/PC/88-89 du 28 septembre 1989, affaire Tamo Pelap Jean-Claude contre
Commune Urbaine de Bafoussam.
1726
Ord de référé n° 02 /OR/PCA/CS/97-98 du 02 octobre 1997, affaire Kouogan Claude c/Etat du Cameroun.
399
comme dans les cas précédents, les pouvoirs du juge des référés s’arrêtent là où
commence la contestation d’un droit. D’après le Commissaire du Gouvernement
Rougevin-Baville, le fait pour le juge des référés d’ordonner l’arrêt des travaux en
attendant l’intervention au fond du juge du principal « est le type même de mesure
conservatoire »1727, car elle n’hypothèque pas le principal.
A contrario, le juge des référés estime que les mesures consistant à maintenir
les parties en l’état1728et à ordonner la main-levée des scellés1729 ne constituent pas
de mesures provisoires, car il ne peut les ordonner sans en examiner préalablement
le bien-fondé en droit et en fait, voire sans faire préjudice au principal. Pour lui, le
juge des référés ne doit ordonner que des mesures conservatoires, en tout cas utiles
à sauvegarder une situation mise en péril par l’acte administratif ; ces mesures ne
doivent nullement être une solution finale au fond du litige. Elles doivent être des
mesures provisoires ne faisant pas préjudice au fond. De la même façon, il estime
qu’il ne peut ordonner, sans préjudicier au principal, la suspension de l’exécution
d’un acte administratif. Il refuse ainsi de suspendre l’exécution d’un arrêté du Ministre
de l’Urbanisme et de l’Habitat portant autorisation d’occupation des parcelles de
terrain situées dans le domaine public1730 ; de suspendre les effets d’un titre foncier
contesté1731 ; de suspendre une mise en demeure servie par l’autorité communale
ordonnant au requérant d’arrêter les travaux par lui entrepris et de démolir sans délai
l’immeuble en cours d’élévation et la baraque construite sur le terrain litigieux, la
poursuite des travaux entrepris mettant « en péril la réglementation domaniale dont
le contrôle incombe à l’autorité municipale mise en cause »1732; de suspendre
l’exécution d’une décision de l’autorité municipale mettant le requérant en demeure
de démolir dans un délai de 30 jours ses constructions réalisées sur le domaine
litigieux, « le requérant ne justifiant pas avoir saisi le juge du fond d’un recours
1727
M. Rougevin-Baville, Concl. Sur CE, sect., 25 janvier 1980, Soc. des terrassements mécaniques (SOTEM) et
Mariani, AJDA, 1980, p. 615
1728
Ord. de référé n° 63/OR/PCA/CS/97-98 du 6 juillet 1998, affaire Melingui Melingui Narcisse Blaise c/Etat
du Cameroun.
1729
Ord. de référé n° 67/OR/PCA/CS/97-978 du 24 août 1998, affaire Madame Nedjeumen Emilienne contre
Etat du Cameroun et CS/AP, arrêt n°9/A du 29 juin 1989, Procureur général près la Cour Suprême contre
Etablissements Nziko André. Dans cet arrêt, l’Assemblée Plénière infirme une ordonnance du Président de la
Chambre Administrative qui prescrivait la levée des scellés dont avait été l’objet la société mise en cause et
déclare la cour incompétente pour connaître de cette affaire en référé.
1730
Ord. de référé n° 02/OR/PCA/CS/93-94 du 07 octobre 1993, affaire Ahanda François c/Etat du Cameroun
1731
Ord. de référé n° 09/OR/PCA/CS/95-96 du 7 décembre 1995, affaire Mme nana Liliane c/Etat du Cameroun
1732
Ord. de référé n° 01/OSE/PCA/CS/97-98 du 02 octobre 1997, affaire Dame Abanda Metogo née Noah
Clémentine contre Etat du Cameroun
400
principal »1733; de suspendre le commandement enjoignant le requérant à s’acquitter
de sa dette fiscale1734; d’ordonner la discontinuation des poursuites engagées par
l’Administration contre le requérant et de suspendre toute procédure
d’immatriculation sur un terrain litigieux au bénéfice de l’une des parties en litige1735.
Le juge soutient, comme précédemment, que sa décision ne doit ordonner que des
mesures conservatoires, utiles à sauvegarder une situation mise en péril par un acte
administratif ; qu’elle ne doit nullement être une solution au fond du litige. Pour lui,
ordonner la suspension d’une décision administrative l’amènerait à examiner
préalablement le bien-fondé de la demande du requérant et donc à faire préjudice
au principal. Il découle de ceci que le juge des référés ne peut intervenir que pour
préserver un état de choses et non pour le modifier ou anticiper sur la solution du
fond. La mesure édictée ne doit donc pas modifier le droit. De cette limitation, le juge
en déduit qu’il est interdit au juge administratif, statuant en référé, de prendre une
mesure susceptible de faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative. La
mise en œuvre de cette interdiction par le juge des référés est flexible, voire limitée.
Comme tout juge administratif, le juge des référés est soumis aux limites qui
tiennent à la particularité du droit public et qui pèsent généralement sur la juridiction
dont il est l’émanation. il est ainsi assujetti au respect « du principe de la séparation
de la justice administrative et de l’administration active »1736 et l’interdiction de se
substituer à l’administration qui en découle s’impose à lui. Il résulte de ceci que
« l’existence d’une situation d’urgence n’a pas pour effet d’accroître les pouvoirs du
juge des référés »1737.
Les pouvoirs du juge des référés sont limités par une interdiction spécifique, à
savoir qu’il lui est interdit de faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative.
1733
Ord. de référé n° 63/OR/PCA/CS/97-98 du 6 juillet 1998, affaire Melingui Melingui Narcisse Blaise contre
Etat du Cameroun
1734
Ord. de référé n° 67/or/PCA/CS/ 97-98 du 2 août 1998, affaire Madame Nedjeumen Emilienne c/Etat du Cameroun.
1735
Ord. de référé n° 12 /ORSE/CS/PCA/84-85 du 28 mars 1985, affaire société SODEXHO contre Etat du
Cameroun ; ord. de référé n° 06/02/
1736
CFJ/CAY, arrêt n° 50 du 27 juin 1968, Bernard Auteroche contre Ordre National des Médecins du Cameroun.
1737
Ainsi, il n’est pas au pouvoir du juge des référés administratifs d’organiser l’intérim d’un office public ou
ministériel. En ce sens, ordonnance de référé n° 08/ORSE/PCA/CS/86/87 du 29 décembre 1986, affaire Mongo
Mbock Philippe contre Etat du Cameroun
401
Tout différent est le référé en matière civile. En cette matière, le référé permet à une
partie d’obtenir du juge qu’il fasse cesser jusqu’au jugement sur le fond une violation
unilatérale de ses droits par un particulier. Ainsi, « le but que permet de poursuivre le
référé civil introduirait, s’il était transposé en droit administratif, la possibilité de
surseoir en référé à l’exécution d’une décision administrative »1738.
C’est une règle de portée générale que « le référé ne doit pas paralyser
l’administration : ses prérogatives traditionnelles ne peuvent pas être tenues en
échec par la procédure de référé »1742. Le juge des référés ne peut ainsi ordonner
des mesures qui auraient pour effet d’entraver l’exécution ou l’application d’une
décision administrative1743, d’une part, parce qu’il existe une procédure à cet effet, et,
d’autre part, parce que cette prohibition résulte de l’interdiction expresse qui lui est
faite de préjudicier au principal.
1738
Ch. Debbasch et J-C. Ricci op. cit., p. 414.
1739
Y. Gaudemet, op. cit., p. 430.
1740
B. Pacteau, op. cit., p. 316, voir CE, 4 juillet 1975, Guemache, Rec., p. 407,( à propos d’un acte même
« inexistant »).
1741
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 828.
1742
P. Fanachi, Référé, répertoire de droit public et administratif, Dalloz, 1985.
1743
Ordonnance de référé n° 10/OR/PCA/79-80 du 07 août 1980, affaire Guinness Cameroun contre Etat du Cameroun
402
1. L’existence d’une procédure permettant de suspendre l’exécution des
actes administratifs
1744
Ordonnance de référé n° 01/ORSE/CS/PCA/94/85 du 07 novembre 1984, affaire SO’O Georges contre Etat du
Cameroun.
1745
Ordonnance de référé n° 07/ORSE/CS/PCA/77-78 du 3 juin 1978, affaire Lélé Gustave contre Etat du Cameroun.
1746
Ordonnance de référé n° 19/ORSE/CS/PCA/86-87 du 17 septembre 1987, affaire Ossongo Eteme Francis
contre Etat du Cameroun.
1747
Ordonnance de référé n° 09/ORSE/CS/PCA/91-92 du 27 février 1992, affaire Front Social Démocratique,
Parti Politique (SDF) contre Etat du Cameroun.
1748
Ordonnance de référé n° 01/ORSE/CS/PCA/92-93 du 02 octobre 1992, affaire Union Démocratique du
Cameroun (UDC) contre Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n° 02/ORSE/CS/PCA/92-93 du 02 octobre
1992, affaire Social Democratic Front (SDF) contre Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n°
03/ORSE/CS/PCA/92-93 du 02 octobre 1992, affaire Social Democratic Front et Union des Forces
Démocratique du Cameroun (UFDC) contre Etat du Cameroun.
1749
Ordonnance de référé n° 16/ORSE/CS/PCA/91-92 du 4 juin 1992, affaire Sienche Maurice et autres contre
Etat du Cameroun.
403
suspension de l’exécution d’une telle mesure « sans examiner préalablement le bien-
fondé ou au mieux sans faire préjudice au principal ». Le lien entre l’interdiction de
faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative et l’interdiction de faire
préjudice au principal est ainsi établi par le juge : la première découle de la seconde.
1750
Ordonnance de référé n° 07/ORSE/CS/PCA/93-94 du 25 novembre 1993, affaire Nsegué Joseph et autres
contre Etat du Cameroun et Missions d’Aménagement et d’Equipement des Terrains Urbains et Ruraux
(MAETUR) (partie intervenante).
1751
O. Dugrip, « Mesures conservatoires et effet suspensif dans la procédure administrative », op. cit., p. 42.
1752
R. Drago, « La procédure de référé devant le Conseil d’Etat », RDP, 1953, p. 297.
1753
Voir ordonnance de référé n° 07/ORSE/CS/PCA/86-87 du 18 décembre 1986, affaire Nguimbous Jean
François contre Etat du Cameroun ; ordonnance de référé n° 08/ORSE/CS/PCA/86-87 du 29 décembre 1986,
affaire Mongo Mbock Philippe contre Etat du Cameroun.
1754
Ordonnance de référé n° 07/ORSE/CS/PCA/86-87 du 18 décembre 1986, affaire Nguimbous Jean François
contre Etat du Cameroun.
404
cette Etude1755 ; lorsque la mesure sollicitée s’apparente à un sursis à exécution en
ce qu’ elle vise à empêcher que l’administration ne puisse déduire de la décision par
laquelle elle a résilié un marché de travaux les conséquences qu’elle entraîne pour la
poursuite desdits travaux1756. Il en est de même lorsque la mesure sollicitée
s’apparente à un sursis à exécution en ce qu’elle vise à l’arrêt par l’administration
des poursuites contre le requérant1757, ou lorsque le requérant sollicite
l’immatriculation d’un terrain objet de litige1758.
Bien que le juge ait clairement affirmé son incompétence à ordonner le sursis
à exécution en matière de référé et qu’il ait le souci légitime de donner à l’interdiction
de faire obstacle à l’exécution des décisions administratives toute sa portée, il arrive
cependant qu’il infléchisse cette interdiction en ordonnant la suspension de
l’exécution de certaines décisions litigieuses.
1755
Ordonnance de référé n° 08/ORSE/CS/PCA/86-87 du 29 décembre 1986, affaire Mongo Mbock Philippe
contre Etat du Cameroun.
1756
Ordonnance de référé n° 07/O/PCA/CS du 08 septembre 1988, affaire Entreprise SOGEBA c/Etat du Cameroun.
1757
Ordonnance de référé n° 06/ORSE/CS/PCA/98-99 du 8 décembre 1998, affaire Sosso Emmanuel c/Etat du Cameroun.
1758
Ordonnance de référé n° 47/ORSE/CS/PCA/98-99 du 12 mai 1999, affaire Tchutchamo Mathias c/Etat du Cameroun.
1759
R. Chapus, op. cit., p. 828.
1760
V. Ibid., pp. 828-829 ; O. Dugrip, L’urgence contentieux…, op. cit., pp. 361-364 et O. Dugrip, « Mesures
conservatoires et effet suspensif dans la procédure administrative », op. cit., p. 43.
405
1. La prise en considération de l’urgence
Dans la première espèce, le requérant avait saisi le juge des référés pour
obtenir une ordonnance aux fins de surseoir à l’exécution d’une décision prise par la
Secrétaire d’Etat au Tourisme nommant un administrateur - séquestre dans l’Hôtel
du propriétaire décédé, en attendant l’aboutissement des formalités judiciaires
relatives à sa succession. Sur avis du Ministère Public qui estimait , d’une part, que
le Secrétaire d’Etat ne peut, au regard de la réglementation, désigner un séquestre
que lorsqu’une juridiction est préalablement saisie d’une ou plusieurs infractions qui
seraient commises par l’établissement hôtelier et que le séquestre ainsi désigné
cesse ses fonctions quand la justice a rendu une décision devenue définitive, et,
d’autre part, qu’ il est judicieux de limiter les dégâts consistant à la détérioration du
patrimoine de l’hôtel mis sous administration séquestre, en ordonnant le sursis à
exécution de la décision litigieuse, le juge des référés a admis « qu’il y a urgence à
prescrire la mesure sollicitée », c’est-à-dire, le sursis à l’exécution de la décision
querellée.
1761
Ordonnance de référé n° 01/ORSE/PCA/CS/86-87 du 23 octobre 1986, affaire La succession Roggow contre
Etat du Cameroun.
1762
Ordonnance de référé n° 12/OR//PCA/93-94 du Société SINTRABOIS, affaire So’o Georges c/Etat du Cameroun.
406
double. Premièrement, en se fondant sur l’urgence, le juge a ordonné la suspension
de l’exécution du commandement querellé ; secondement, dans le dispositif de
l’ordonnance, le juge s’est déclaré incompétent sur la requête en référé et a reçu la
requête de sursis à exécution qu’il a déclaré fondée ; ce faisant, il s’est substitué au
juge de sursis, semant ainsi « une confusion qui est de nature (…) à jeter le trouble
dans l’esprit des justiciables »1763, car il a remis en cause la séparation fonctionnelle
qui existe entre le juge des référés et le juge du sursis.
Cette remise en cause prend une autre dimension lorsque, pour infléchir
l’interdiction de faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, le juge des
référés donne une portée générale aux dispositions législatives régissant le référé.
1763
C. Keutcha Tchapnga, Note sur l’ordonnance de référé n° 06/OR/PCA/CS/PCA/98-89 du 08 décembre 1998,
affaire Sosso Emmanuel contre Etat du Cameroun, Juridis Périodique n° 45, op. cit., p. 45.
1764
Ordonnance de référé n° 46/OR/PCA/CS/97-98 du 09 avril 1998, affaire Dutchou Jean c/Etat du Cameroun.
407
En adoptant une telle posture, le juge des référés remet en cause la distinction
opérée par le législateur entre le sursis à exécution et le référé qui sont des
procédures autonomes et différentes l’une de l’autre ; et « s’il n’en était point ainsi,
l’institution des deux procédures serait injustifiée »1765.
Par ailleurs, le juge des référés semble admettre que le référé peut intervenir
même sans une procédure au fond, alors que le sursis ne le peut. Autrement dit, il
considère, comme l’a écrit M. Labetoulle, que « la demande de référé ne se rattache
pas à un litige principal, mais au contraire qu’elle est autonome et trouve sa fin en
elle-même »1766. Si telle est la position du juge des référés, c’est qu’il n’est ni à une
contradiction près, ni à sa première contradiction quant au caractère accessoire de la
procédure du référé1767.
Quoi qu’il en soit, que le juge soit saisi au fond ou pas, la procédure de référé,
et celle de sursis sont des procédures accessoires et provisoires dont le but est de
préserver les droits des parties sans juger ou préjuger le fond du droit dans l’attente
d’une instance au fond, qu’elle soit éventuelle ou effective. Par ailleurs, bien qu’elle
ait une portée générale, « la procédure de référé est bien distinguée de celle du
sursis, en cela que le référé ne peut jamais faire obstacle à l’exécution d’une décision
administrative »1768, même s’il faut reconnaître, au regard de ce qui précède, qu’à
travers certaines de ses décisions, le juge des référés tend à en apporter la preuve
du contraire en ordonnant, en référé, la suspension de l’exécution d’une décision
administrative contestée au motif que celle-ci est identique par son contenu et son
objet à une décision dont l’exécution a déjà été suspendue par le juge des
référés1769.
1765
M. Kamto, Observations sur l’ordonnance de référé n° 7/ORSE/CS/PCA/77-78 du 3 juin 1978, affaire Lélé
Gustave contre Etat du Cameroun, in Droit administratif processuel du Cameroun, op. cit., p. 181.
1766
D. Labetoulle, Concl. sur CE, 3 mars 1978, AJDA, 1978, p. 581. Pour une contestation de ce point de vue,
voir P-L. Frier, « Un inconnu le vrai référé administratif », op. cit., p. 71..
1767
Voir les développements y relatifs dans la section 1, consacrée aux conditions de recevabilité externe des
demandes annexes, du chapitre1, du titre1 de la 1ère partie de la présente étude.
1768
Y. Gaudemet, Traité de droit administratif, op. cit., p. 469.
1769
Ordonnance de référé n° 07/OR/CS/PCA/90-91 du 30 janvier 1991, affaire Tsoungui Ayissi Laurent c/Etat du
Cameroun.
408
CONCLUSION DU TITRE I
Cela dit, il faut reconnaître qu’en raison des limites prescrites par le législateur
et/ou par le juge administratif et appréciées ou prise en compte de façon plus ou
moins rigide et fluctuante par ce dernier, « le rôle des mesures d’urgence pré-
contentieuses n’est pas toujours suffisant pour permettre une protection efficace des
droits des administrés »1771 . Même l’urgence de la situation litigieuse ne permet pas
toujours de franchir ces limites. Ainsi, le sursis à exécution est accordé de façon
discriminatoire, tandis que le référé est octroyé de façon exceptionnelle. Il se dégage
de la jurisprudence, en effet, d’une part, que l’appréciation par le juge des conditions
prescrites par le législateur pour ordonner le sursis est essentiellement fluctuante,
qu’en plus, il a édicté d’autres conditions qui en restreignent l’édiction ; et, d’autre
part, qu’il appréhende de façon relativement stricte les conditions positives et de
façon indécise les conditions négatives d’octroi du référé. Il en résulte une prise en
compte contingente de l’urgence dans l’édiction des mesures d’attente par le juge
administratif camerounais.
1770
O. Dugrip, « Mesures conservatoires et effet suspensif dans la procédure administrative », op. cit., p. 43.
1771
F. Hamon et H. Mails, op. cit., p. 49.
409
TITRE II
410
Les mesures d’urgence contentieuses ou mesures contentieuses justifiées
par l’urgence participent des conséquences de l’urgence sur la situation
contentieuse. Elles constituent la réponse du juge à la sollicitation du requérant
quand les conditions de fond d’urgence sont remplies. Autrement dit, c’est le résultat
de l’action normative du juge.
1772
P-L. Frier, L’urgence, op. cit., pp. 327-328.
1773
Ibid.
1774
R. Chapus, Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 842.
1775
M. Dran, Le contrôle juridictionnel et la garantie des libertés publiques, thèse, Paris, LGDJ, 1968, p. 32.
411
CHAPITRE I
412
Comme l’écrit F. Delpérée, « le contentieux électoral n’est (…) pas un
contentieux comme les autres. Le temps, l’espace, l’action ne se présentent pas ici
comme ailleurs »1776. Mabileau disait déjà qu’il était « l’une des plus grandes
questions politiques qui aient été présentées »1777.
1776
F. Delpérée, Le contentieux électoral, 1ère éd., que sais-je ?, PUF, Paris, 1998, p.4.
1777
Cité par F. Delpérée, ibid., p 7.
1778
G.Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif, T2 op. cit., p 54.
413
SECTION I : LA PRESCRIPTION LIMITATIVE DES MESURES D’URGENCE
DEFINITIVES DANS LE CONTENTIEUX DES OPERATIONS
PREPARATOIRES A L’ELECTION
S’il est vrai que « l’office principal du juge de l’élection consiste, par définition,
à contrôler la régularité des opérations électorales »1779, il n’est nullement exclu qu’il
soit amené à connaître de la régularité des opérations préliminaires à l’élection, soit
parce que les textes lui en donnent compétence - il en est ainsi des opérations
préparatoires à l’élection des membres des Chambres consulaires ; soit parce que,
« les opérations préliminaires à une élection ne sont pas détachables de celle-ci et
ne peuvent être mises en cause que par un recours direct contre l’élection elle-
même »1780- tel est le cas des opérations préparatoires à l’élection des conseillers
municipaux.
1779
B.Maligner, op. cit., p. 25
1780
Ch. Debbasch et J-C. Ricci, op. cit., p. 737. Voir aussi : CE, 3 décembre 1980, Confédération nationale des
Groupes Autonomes de l’Enseignement public, Req. n° 16. 989.
414
PARAGRAPHE I : UNE RECONNAISSANCE DE LA VALIDITE DES
CONTESTATIONS PORTANT SUR LES OPERATIONS
PREPARATOIRES A L’ELECTION AU SEIN DE LA
CHAMBRE DE COMMERCE
1781
Sur ce point, cf. section 1 relative aux conditions de recevabilité externe de la demande dans les procédures
d’urgence spéciales, chapitre1 du titre 2 de la Ière partie, supra.
415
administratif « contre les inscriptions, radiations ou omissions faites par le Ministre
chargé du commerce, président de la commission »1782.
C’est sur la base de cette disposition réglementaire que des personnes qui
font partie du corps électoral de la Chambre de Commerce ont eu à saisir le juge
administratif après avoir constaté, après la publication des listes électorales, que
leurs noms avaient été omis. Pour donner droit aux intéressées et ordonner leur
inscription sur les listes électorales, Le juge a eu à s’assurer, d’une part qu’elles
remplissaient les conditions d’inscription sur les listes électorales, et, d’autre part,
qu’elles n’étaient pas frappées d’incapacités qui les excluaient des listes électorales
et de l’élection.
Pour être inscrit sur une liste électorale dressée au sein de la Chambre de
Commerce pour l’élection de ses membres, il faut jouir de ses droits civiques et
politiques ; exercer une profession commerciale, industrielle, artisanale ou de
prestations de service ; être âgé de vingt un ans accomplis au 1er janvier de l’année
d’élection ; être inscrit au rôle de la contribution des patentes dans des catégories
fixées par la réglementation ou être titulaire d’un permis minier à l’exception d’un
permis de prospection. Il est par ailleurs exigé de l’impétrant qu’il soit établi dans
l’exercice de sa profession au Cameroun depuis six mois au moins au 1er janvier de
l’année de l’élection ; qu’il soit en règle avec le fisc en ce qui concerne le paiement
des droits et taxes afférents à l’exercice de sa profession1783.
1782
Article 15 al 1er du décret n° 89/231 du 13 mars 1986 portant statuts de la Chambre de Commence,
d’Industrie et des Ministre abrogé par le décret n° 2001/381 du 27 novembre 2001.
1783
Voir. article 9 du décret n° 68/231 du 13 mars 1986.
1784
CS/CA, jugement n° 52/87-88 du 28 janvier 1988, affaire D.A Nangah contre Etat du Cameroun (MINDIC).
416
son nom sur la liste électorale et a, par conséquent, rejeter son recours, dans
d’autres affaires, assez nombreuses, intervenues le 13 août 19871785 et le 29
octobre 19871786, il a, après examen des pièces produites par les requérants, admis
le bien-fondé de leurs contestations. En effet, cet examen a révélé que les intéressés
remplissaient « toutes les conditions fixées par l’article 9 du décret n° 86/231 du 13
mars 1986 ».
Il résulte de ce qui précède que lorsque le requérant remplit les conditions
réglementaires pour faire partie du collège électoral, le juge reconnaît la justesse de
sa contestation. Mais, il s’assure aussi que l’intéressé n’est pas frappé de l’une des
incapacités prévues par les dispositions réglementaires régissant les conditions
d’élection au sein de la Chambre de Commerce.
1785
V. CS/CA, jugement n° 68/86-87 du 13 août 1987, affaire Electrical Construction contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n°69/86-87, affaire Mukete Plantations Limited contre Etat du Cameroun ; CS/CA jugement
n°70/86-87 du 13 août 1987, affaire société Faienceries Cameroun ; CS/CA jugement n° 72/86/87 du 13 août
1987 , affaire Société Menuiserie-Ebenisterie Yankam Richard contre Etat du Cameroun ; CS/CA jugement
n°73/86/87 du 13 août 1987 affaire Djidjou Prosper contre Etat du Cameroun ; CS CA ; jugement n° 74/86-87 du
13 août 1987, affaire Atsama Foumane contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n° 75/86-87 du 13 août
1987, affaire Société Commerciale Industrielle des Retraités des Forces Armées, Police et Forces auxiliaires du
Cameroun (SO.CIR.FAP) contre Etat du Cameroun ; CS/CA, jugement n°76/86-87 du 13 août 1987 ; affaire
société commerciale du centre contre Etat du Cameroun et CS/CA, jugement n°77/86-87 du 13 août 1987, affaire
Mme Ambassa née Ntsama Agnès contre Etat du Cameroun.
1786
V. CS/CA, jugement n°14/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Hirondelle Voyages contre Etat du Cameroun ;
CS/CA, jugement n°15/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Dame Mache contre Etat du Cameroun ; CS/CA,
jugement n°16/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Soggerom contre Etat du Cameroun.
417
l’atteinte au crédit de l’Etat et au développement national, l’atteinte au règlement de
conditionnement , l’émission de chèque sans provision, l’atteinte à la liberté du
travail, la destruction de denrée, l’extorsion d’un acte, d’une signature d’un blanc-
seing et à la faillite . Il en est de même des individus condamnés à l’emprisonnement
par l’application des lois sur les sociétés ; des individus condamnés à une amende
de 500.000 F CFA sans sursis ou à une peine supérieure pour infraction aux lois
fiscales ou douanières, aux lois et règlements concernant les changes, le commerce,
les prix, les poids et mesures ; les notaires greffiers et officiers ministériels destitués
en vertu de décisions judiciaires ou disciplinaires, les faillis non réhabilités dont la
faillite a été déclarée soit par un tribunal camerounais, soit par un jugement rendu à
l’étranger et reconnu au Cameroun, et de façon générale, toute personne privée de
ses droits civiques et politiques dans le pays dont il a la nationalité.
418
B. LA RECONNAISSANCE DE LA VALIDITE DE LA CONTESTATION
RELATIVE A L’ERREUR SUR LE NOM INSCRIT DANS LA LISTE
ELECTORALE
Une telle prescription n’est pas inutile ou anodine. En effet, l’erreur commise
était de nature à causer à l’intéressé un préjudice ; d’abord, comme électeur ;
ensuite, comme candidat, puisqu’ il aurait fallu qu’il prouve que Teta Jean est bel et
bien Teta Michel, l’un n’étant pas forcément l’autre. En saisissant le juge, l’intéressé
a donc choisi la voie appropriée pour faire réparer l’erreur dans la mesure où son
problème était relatif à l’inscription sur la liste électorale dont le contentieux relève du
juge administratif . Tout autre choix eu été risqué car n’étant pas juridiquement
organisé.
L’enjeu de la contestation était d’autant plus important que pour être certain de
sa justesse, le juge a eu à procéder à un contrôle sur pièces, en exigeant la
production de documents qui permettaient d’établir l’erreur. C’est dire que la
prescription des mesures définitives d’urgence par le juge ne va pas de soi. Cela
est d’autant plus vrai que c’est très limitativement qu’il reconnaît le bien-fondé des
1787
CS/CA, jugement n°26/87-88 du 29 octobre 1987, affaire Teta Michel.
419
contestations portant sur les opérations préparatoires à l’élection des conseillers
municipaux.
1788
B . Maligner, op. cit., p. 40.
1789
J-C.Masclet, op.cit., p 356.
1790
Ibid.
420
A. L’ADMISSION LIMITEE DE LA JUSTESSE DES CONTESTATIONS
PORTANT SUR LA CONSTITUTION ET LE FONCTIONNEMENT DE LA
CCS
Instituée par la loi n°92/002 du 14 août 1992 fixan t les conditions d’élection
des conseillers municipaux, la Commission Communale de Supervision (CCS) est
chargée, au niveau de chaque commune, « de veiller à la régularité, à l’impartialité et
à l’objectivité des élections »1791. Sa composition, fixée par la loi, est constatée par
arrêté du Préfet.
Cette composition de la CCS est constatée par arrêté du Préfet. Elle est ainsi
juridiquement consacrée par un acte administratif unilatéral.
1791
Article 12 al. 1er de la loi n°92/002 du 14 août 1992.
421
prononcé sur la validité des contestations portant sur la régularité de la constitution
de la CCS.
1792
CS/CA, jugement n°47/95-96 du 18 juillet 1996, affaire Social Democratic Front (SDF) et Parti Conservateur
Républicain (PCR) contre Etat du Cameroun (Commune Urbaine de Yaoundé IIIème) RDPC (intervenant).
422
de choisir un suppléant parmi les partis politiques en compétition qui n’ ont pas de
représentant titulaire, il est exclu qu’un même parti politique ait un représentant
titulaire et un représentant suppléant. Le juge aurait gagné en clarté dans son
interprétation de la loi s’il l’avait dit ainsi.
1793
CS/CA jugement n° 052/95-96 du 18 juillet 1996, UNDP (représentée par Marcel Goutalo) c/Etat du Cameroun.
1794
B. Lassere et S. Hubac, « Le contentieux des élections municipales », Chronique générale de jurisprudence
administrative française, AJDA, 1984, p 333.
1795
Ibid.
1796
CS/CA, jugement n°65/95-96 du 18 juillet 1996, affaire P.N.P (CR/Mbam) contre Etat du Cameroun
423
Préfet en accord avec tous les partis politiques en compétition dans la
circonscription ; ce qui , aux dires du requérant, n’a pas été le cas en l’espèce. Le
juge a reproché au parti requérant le fait de ne pas prouver qu’il a contesté la
désignation litigieuse ; en d’autres termes, qu’il n’a pas démontré la réalité du fait
allégué, en présentant « des éléments de conviction de nature à entraîner »1797 une
décision favorable du juge. Or, « à l’égard du juge, faire la preuve consiste à produire
des éléments qui emporteront sa décision »1798. En application de la règle « actori
incumbit probatio », c’est à celui qui met en branle la machine judiciaire d’apporter la
preuve des faits qu’il invoque à l’appui de ses prétentions. Lorsqu’il ne la fait pas, « il
est légitime qu’il supporte les conséquences d’un défaut de preuve »1799, comme en
l’espèce. En effet, ayant allégué qu’il n’avait pas donné son accord préalable à la
désignation de la personnalité indépendante contestée, le requérant n’a pas prouvé
ou justifié qu’il avait saisi le Préfet pour manifester son désaccord. Encore faillait-il
qu’il sache qu’il devait le faire avant de saisir le juge qui ne peut intervenir que pour
apprécier ex-post l’action ou l’inaction de l’autorité préfectorale et/ou de la CCS.
1797
Alain Plantey, « La preuve devant le juge administratif », JCP, 1986 I. 3245.
1798
Ibid.
1799
Ch. Debbasch, « La charge de la preuve devant le juge administratif », D., Chr, I .1983 , p.43.
1800
Dans ce sens, les articles 12 et 26 de la loi n°92/002.
1801
V. article 26 de la loi n°92/002 du 14 août 1992.
1802
V. article 27 de la loi n°92/002.
424
s’abstenir de traiter le recours ; il lui revient dans ce cas de constater sur procès-
verbal le retard mis par le requérant pour le saisir1803.
Pour le juge, lorsque la CCS s’abstient de régler un litige dont elle a été
« valablement saisie au cours des opérations électorales », elle « n’a pas assuré la
régularité desdites opérations qui de ce fait se trouvent viciées »1804. Le juge estime,
en effet, que quand la CCS est saisie des griefs qui relèvent de sa compétence, en
vertu de l’article 12 de la loi n° 92/002, elle ne doit pas s’abstenir de statuer sur
lesdits griefs ; si elle le fait, elle expose « les opérations électorales à la sanction de
nullité »1805. Mais , lorsque la CCS mise en cause a normalement statué sur les
contestations qui lui ont été adressées, il rejette toute requête qui demande
l’annulation du texte constatant sa composition en arguant qu’elle a tardé à statuer
sur lesdites contestations causant un préjudice au parti requérant. Il en a été ainsi
dans l’affaire Social Democratic Front (SDF) et Parti Conservateur Républicain
(PCR) du 18 juillet 19961806. En l’espèce, les partis requérants dénonçaient le retard
accusé par la CCS pour régler leurs requêtes et l’intervention de l’arrêté du Préfet
« qui n’aurait pas permis l’installation de la dite commission à temps » ce qui leur a
causé un préjudice. Le juge a estimé qu’ils n’avaient subi aucun préjudice, « la
commission en question ayant normalement examiné le rejet de leurs listes de
candidatures ».
1803
CS/CA, jugement n°31/85-96 du 16 avril 1996 affaire RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais) (CR de Penja) contre Etat du Cameroun.
1804
CS/CA, jugement n°31/95-96 du 19 avril 1996, sus-cité.
1805
CS/CS, jugement n°52/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun.
1806
CS/CA, jugement n°47/95-96 du 18 juillet, affaire Social Democratic Front (SDF) et Parti Conservateur
Républicain (PCR) contre Etat du Cameroun.
425
En somme, bien que la CCS soit chargée de veiller à la régularité,
l’impartialité et l’objectivité des élections municipales, c’est au juge administratif qu’il
revient d’apprécier la régularité de son action ou de son inaction. C’est ainsi qu’il se
prononce sur la validité des contestations portant sur le rejet des candidatures par la
CCS. Mais, il ressort des décisions rendues en la matière qu’il n’admet que très
limitativement leur validité. En effet, il se réserve, autant que possible, de porter
atteinte à la souveraineté des décisions rendues par la CCS.
Lorsque la liste est rejetée, le Préfet doit, dans un délai maximum de sept (07)
jours, motiver sa décision, en informer le mandataire et transmettre le dossier à la
Commission Communale de Supervision compétente1807. La décision d’acceptation
ou de rejet d’une liste de candidats ou d’une candidature prise par le Préfet peut être
attaquée par le candidat, le mandataire de la liste intéressée ou de toute autre liste,
et par tout électeur inscrit sur les listes électorales auprès de la CCS. Celle-ci statue
définitivement dans les trois (03) jours au plus tard suivant la déclaration de
recours1808. Toutefois, les personnes ou les partis dont les listes ont été rejetées qui
estiment n’avoir pas obtenu gain de cause auprès de la CCS peuvent saisir le juge
soit pour demander la réhabilitation de leurs listes, soit pour solliciter l’annulation de
l’élection. Lorsque le juge retient sa compétence, il examine les contestations au
fond. Il se dégage des décisions rendues en la matière que sa jurisprudence
ambivalente. En effet, si dans certains cas il reconnaît la justesse des contestations
des requérants, dans d’autres, par contre, il les réfute.
1807
Voir article 20 de la loi n°92/002.
1808
Voir, articles 26 et 27 de la loi n°92/002.
426
1. La reconnaissance de la justesse des contestations portant sur le
rejet des candidatures
Pour le juge administratif, s’il est exact que la disqualification d’une liste de
candidats relève de la compétence de la CCS qui « (…) connaît des contestations et
contentieux portant sur les candidatures et le comportement des candidats ou leurs
représentants en période électorale »1809, en particulier ceux relatifs aux décisions
d’acceptation ou de rejet de candidature ou de liste de candidatures, conformément
aux articles 26 et 27 de la loi n°92/002, « il demeure que la dite commission doit être
saisie avant la proclamation des résultats qui marque (…) la fin de son rôle ». Il en a
décidé ainsi dans l’affaire UNDP et SDF relative à la Commune urbaine de Yaoundé
IIe du 18 juillet 19961810 et dans l’affaire SDF - UNDP- UDC et ADD concernant la
Commune urbaine de Yaoundé Ve intervenue le même jour1811. Dans la première
affaire, la CCS avait, sur requête introduite par le RDPC, disqualifié la liste de
l’UNDP alors qu’elle avait déjà proclamé les résultats du scrutin. Le juge a donc
estimé « qu’en statuant en la matière sur une requête introduite tardivement et qui de
ce fait doit être écartée, la CCS a outrepassé ses pouvoirs ». Dans la seconde
affaire, sur requête toujours du RDPC, la CCS avait procédé, après proclamation des
résultats de l’élection, à la disqualification de la liste du SDF ; le juge a considéré
« qu’en statuant sur ce point sur la requête du RDPC introduite après la proclamation
1809
Article 12 al. 255 de la loi n°92/02.
1810
CS/CA, jugement n°44/95-96 du 18 juillet affaire UNDP et SDF (Commune urbaine de Yaoundé IIe ) contre
Etat du Cameroun.
1811
CS/CA, jugement n°63/95-96 du 18 juillet, 1996, affaire SDF- UNDP- UDC et ADD (Commune urbaine de
Yaoundé Ve) contre Etat du Cameroun.
427
du 21 janvier 1996 et qui de ce fait doit être écartée, la CCS ,n’a pas donné de base
légale à sa décision ».
1812
Voir article 12 al 255 de la loi n°92/002.
1813
Ch. Debbasch et J-C. Ricci, op. cit., p.264.
1814
V. article 26 de la loi n°92/002.
1815
CS/CA, jugement n°53/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP (CR/Biyouha) contre Etat du Cameroun.
428
pris soin de rappeler et de repréciser le domaine de compétence de la CCS ; ce qui
lui a permis d’établir l’irrégularité du refus du Préfet.
Cette position du juge confirme l’idée selon laquelle il n’annule le scrutin que
lorsqu’il est établi que l’irrégularité alléguée est « de nature à altérer la sincérité du
scrutin ou à fausser ses résultats »1817. Mais, lorsqu’il statue sur les contestations
portant sur le rejet de candidatures, il se garde de prendre la place la CCS, en
s’assurant qu’ elle a été effectivement saisie et qu’ elle a statué. Aussi est-il amené à
méconnaître la justesse des contestations portant sur le rejet des candidatures par
la CCS.
1816
CS/CA, jugement n°25/95-96 du 29 mars 1996, affaire FPN (Front Patriotique National) C.R/ Mboma contre
Etat du Cameroun.
1817
B. Maligner, op. cit., p. 40.
429
2. La méconnaissance de la justesse des contestations portant sur le
rejet des candidatures par la CCS
1818
CS/CA, jugement n°46/95-96 du 18 juillet 1996, affaire UNDP contre Etat du Cameroun.
1819
A. Plantey, op. cit.
1820
Ibid.
1821
CS/CA, jugement n°46/95-96 du 18 juillet 1996.
430
Cette affaire démontre, à suffisance, les difficultés que peuvent éprouver le
requérant pour « apporter la preuve des faits qu’il invoque à l’appui de ses
prétentions »1822. En faisant peser sur le demandeur la charge de la preuve, le juge
reconnaît « à l’administration un privilège supplémentaire, celui de n’avoir aucune
preuve à apporter »1823. Ainsi, dans l’affaire UNDP analysée, il a suffi que l’autorité
administrative mette en cause l’objectivité du récépissé de la poste produit par le
requérant pour que le juge conclut que ce dernier n’a pas rapporté la preuve que sa
requête a atteint le Président de la CCS. Or, comme l’écrit Ch. Debbasch, « le plus
souvent, les éléments de preuve sont détenus par l’administration. On ne peut donc
pas la dispenser de toute collaboration à la recherche de la preuve »1824. Le juge
pouvait donc user de son pouvoir inquisitorial « pour établir sa conviction sans faire
peser une charge excessive sur le demandeur »1825. Ne l’ayant pas fait, il a conforté
l’administration dans ses prérogatives de puissance publique, alors même qu’en
matière électorale, elle n’est guère transparente.
Autant le juge rejette comme non fondé un recours parce que le requérant n’a
pas prouvé qu’il a effectivement saisi la CCS, autant il rejette la contestation au fond
lorsqu’il est établi, contrairement aux allégations du requérant, que le CCS a , non
pas accepté, mais rejeté sa liste.
Saisi d’un recours aux fins d’annulation des élections du 21 janvier 1996 dans
la commune rurale de Manjo par le parti politique SDF1826 qui soutenait que sa liste
rejetée par le Préfet le 15 décembre 1995 avait été acceptée par la CCS le 22
décembre 1995 mais que la Préfet avait plutôt expédié au Ministère de
l’Administration territoriale un faux procès-verbal rejetant sa liste, le juge a fait
observer, en s’appuyant sur le procès-verbal de la CCS du 22 décembre 1995, que,
contrairement aux affirmations du parti requérant, « cette Commission a constaté le
bien-fondé du rejet de la liste litigieuse, mais devant la pression du recourant, elle a
soumis l’opportunité de cette décision à l’appréciation du Préfet qui a maintenu sa
1822
Ch. Debbasch, op. cit., p. 43.
1823
Ibid.
1824
Ibid.
1825
Ibid.
1826
CS/CA, jugement n°37/95-96 du 09 mai 1996, affaire Social Democratic Front contre Etat du Cameroun
(CR de Manjo).
431
position ». Autrement dit, pour le juge, et au vu du procès-verbal, la liste du parti
requérant n’a jamais été acceptée ; son rejet a été effectivement constaté et jugé
fondé par la CCS.
Le contentieux des opérations électorales s’entend comme celui qui portant sur les
opérations concourant directement à l’expression du suffrage des électeurs1828. Il
1827
A.D Olinga, « L’exigence de la prise en compte des "composantes sociologiques de la circonscription" en
droit électoral camerounais », Juridis-périodique n° 28 , octobre, novembre, décembre. 1996, p.71.
1828
M. Kamto, « Le contentieux électoral au Cameroun », op. cit., p. 10.
432
concerne de façon précise les litiges liés à l’organisation et au fonctionnement des
bureaux de vote, au déroulement et au dépouillement du scrutin et à la proclamation des
résultats du scrutin.
Il est clair que si toutes ces mesures étaient prescrites à peine de nullité des
opérations électorales, peu d’élections seraient tout à fait inattaquables. Il s’avère
que très souvent, surtout dans les petites communes, en particulier dans les
communes rurales, l’ignorance ou la négligence des personnes impliquées dans les
1829
E. Laferrière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, op. cit., p. 317.
1830
Ibid., p. 320.
1831
Ibid.
1832
Voir les développements y relatifs dans le chapitre1 du titre2 de la 1ère partie de la présente étude.
433
opérations électorales favorisent des omissions, des irrégularités qui sont
regrettables, même lorsqu’elles ne révèlent aucune intention de fraude. Ainsi, lorsque
le juge statue sur les recours qui lui sont adressés, il recherche si les irrégularités
qu’on dénonce et dont on lui fournit la preuve sont de nature à compromettre le
secret ou la liberté de vote ou à jeter un doute sur le résultat réel des opérations.
L’analyse des décisions rendues par le juge administratif camerounais dans le
contentieux électoral municipal montre, d’une part, qu’il n’admet que très
restrictivement le bien-fondé des contestations portant sur les opérations de vote du
maire et des adjoints (A), et, d’autre part, qu’il méconnaît le bien-fondé de celles
portant sur les opérations de vote des conseillers municipaux (B).
1833
Sur la genèse et l’évolution des modes de désignation de l’exécutif municipal au Cameroun, lire B.R. Guimdo,
« L’emprise de l’Etat sur l’exécutif communal au Cameroun », Lex Lata n°021, décembre 1995, pp. 9-16.
1834
Voir article 52 (nouveau) al 1er de la loi n°74/26 du 5 décembre 1974 portant organisation communale
modifiée et complétée par le loi n°92/003 du 14 août 1992.
434
élu. Il est procédé après l’élection du Maire à celle des Adjoints. Celle-ci a lieu au
scrutin de listes, à la représentation proportionnelle1835.
1835
Voir article 52 (nouveau) al .3 de la loi n°74/23 du 5 décembre 1974.
1836
CS/CA, jugement n°39/95-96 du 9 mai 1996, affaire SDF (C.U. d’Arrondissement de Douala III ) contre Etat
du Cameroun.
1837
CS/CA, jugement n°04/96-96 du 26 août 1996, affaire Essomba Marcel (CR Ngomezap) contre Etat du Cameroun.
1838
CS/CA, jugement n°24/95-96 du 29 mars 1996, affaire conseillers municipaux de la Commune rurale de
Nanga-Eboko contre Etat du Cameroun.
435
en cause par les requérants. En effet, les requérants soutenaient, en contestation de la
régularité de l’élection du maire et de ses adjoints, qu’ils n’avaient pas signé le procès-
verbal y relatif comme le prescrit l’article 52 (nouveau) alinéa 7 de la loi n°92/003 du 14
août 1992 modifiant et complétant la loi n°74/23 d u 5 décembre 1974 portant organisation
communale. Cet article dispose que l’élection du Maire et de ses Adjoints est constatée
par arrêté du Ministre chargé de l’Administration Territoriale « au vu d’un procès-verbal de
séance établi, signé par chacun des conseillers municipaux, et transmis au Ministre
chargé de l’administration territoriale (…) ». Pour s’opposer aux prétentions des
requérants, le représentant de l’Etat demandait que ces derniers produisent l’acte
incriminé, à savoir le procès-verbal qu’ils n’avaient pas signé. Le juge a rejeté ce
moyen estimant « qu’il ne saura être demandé aux requérants (…) la production de
l’acte incriminé alors que les intéressés attaquent plutôt le vote même des dirigeants
de la commune (…) en soutenant qu’ils n’ont pas signé le procès-verbal afférent
audit vote comme le prévoit l’article 52 (nouveau) alinéa 7 de la loi n°92/003 du 14
août 1992 ». Pour le juge, il résulte de ce texte que l’administration étant le seul
destinataire du procès-verbal de l’élection du Maire et de ses Adjoints, « c’est à elle
qu’il revient de le produire en cas de contestation de ladite élection ». Ne l’ayant pas
fait, elle a, d’après le juge, confirmé les irrégularités dénoncées par les requérants.
En effet, il est de règle que le juge peut exiger des parties les renseignements qu’il
estime utiles pour la solution du litige. Il peut ainsi « requérir des personnes privées
aussi bien que de l’administration qu’elles produisent telle pièce ou tel document.
Devant le refus d’une telle production, le juge tirera le plus souvent des
conséquences défavorables à la thèse de la personne qui n’a pas déféré à la
demande de communication »1839. C’est ce qu’a fait le juge en l’espèce. Il a tiré la
conclusion selon laquelle « le fait pour l’administration de ne pas produire le
document litigieux confirme les irrégularités dénoncées ». En obligeant de la sorte
l’administration à découvrir les mobiles de son action, le juge permet « de rétablir
l’égalité entre les parties dans le domaine de la preuve »1840. Mais, ce rétablissement
n’est jamais permanent ; il est essentiellement contingent et fonction des espèces.
C’est ainsi qu’elle été battue en brèche par le juge dans le contentieux des
opérations de vote des conseillers municipaux en ce qu’il a méconnu la validité des
contestations portant sur la régularité de ces opérations.
1839
Ch. Debbasch et J-C. Ricci, op. cit., p. 439.
1840
Ibid.
436
B. LA MECONNAISSANCE DE LA VALIDITE DES CONTESTATIONS
PORTANT SUR LES OPERATIONS DE VOTE DES CONSEILLERS
MUNICIPAUX
1. La substance de la contestation
1841
CS/CA, jugement n°65/95-96 du 18 juillet 1996, affaire PNP (Parti National par le Progrès) C.R/Mbam
contre Etat de Cameroun.
437
2. La réfutation de la contestation
Pour le juge administratif, « la loi n’interdit pas qu’un candidat soit choisi
comme scrutateur ». C’est un argument qui n’est pas faux en soi. Seulement, il est
très laconique et imprécis. Il est laconique parce que le juge ne traite pas dans les
détails les différentes irrégularités évoquées par le parti requérant. En plus du
problème des scrutateurs désignés, il y a celui concernant la désignation des chefs
traditionnels, membres et candidats d’un parti concurrent, dans des bureaux de vote
et la mise à l’écart des scrutateurs du parti requérant. Pourtant, il s’agissait des
questions qui méritaient des clarifications de la part du juge. Sur le problème de la
désignation des membres d’un parti concurrent dans des bureaux de vote, le juge
aurait pu invoquer les dispositions de la loi n°91 /020 du 16 décembre 1991 fixant les
conditions d’élection des députés à l’Assemblée nationale qui s’appliquent mutatis
mutandis à l’élection des conseillers municipaux1842 et qui traitent justement de la
composition des commissions locales de vote. D’après l’article 31 al. 1er de cette loi ,
la commission locale du vote agissant comme bureau de vote est composée du
Président qui est un représentant de l’administration désigné par le Préfet ; des
membres qui comprennent un représentant de chaque candidat ou liste de
candidats. Cet article précise que le mandataire de chaque liste peut « désigner
pour chaque bureau de vote, son délégué parmi les électeurs inscrits sur la liste
électorale correspondant audit bureau ». La déclaration des représentants des partis
est faite au Sous-Préfet qui constate, par décision, la composition de la commission.
1842
Il en est ainsi lorsque la loi n°92/002 est silencieuse sur un point traité par la loi n°91/025. Tel est le cas des
commissions locales de vote.
1843
J-C. Masclet, op. cit., p. 356.
1844
Ibid.
438
scrutateurs est imprécise dans la mesure où le juge s’est contenté de dire que « la loi
n’interdit pas qu’un candidat soit choisi comme scrutateur . D’abord, il ne dit pas de
quelle loi il s’agit ; ensuite, le silence de la loi n’exclut pas qu’il puisse apprécier
l’impact ou la portée de cette désignation sur les opérations électorales tant le rôle
du scrutateur n’est pas minime. C’est à tort que le parti requérant s’est référé à la loi
n°92/002 pour dénoncer l’irrégularité en cause. Le juge semble l’avoir suivi dans
cette voie. Pourtant, la loi n°92/002 n’évoque null ement la désignation des
scrutateurs et ne comporte d’ailleurs aucune disposition sur l’organisation et le
fonctionnement des bureaux de vote. Ces questions sont traitées plutôt par la loi
n°91/020 qui s’applique mutatis mutandis à l’électi on des conseillers municipaux en
cas de silence de la loi n°92/002 1845. D’après l’article 31 al. 3 de cette loi, « chaque
liste peut (…) désigner deux personnes pour servir comme scrutateurs dans chaque
bureau de vote ». Mais, il n’indique pas les conditions du choix des scrutateurs. On
peut donc subodorer que ces scrutateurs peuvent aussi être des candidats. C’est
l’article 108 de la même loi qui donne quelques précisions sur la qualité du
scrutateur. D’après cet article, « le dépouillement du scrutin est opéré par les
membres de la commission locale de vote ou (…) par les scrutateurs désignés par
eux parmi les électeurs présents sachant lire et écrire. Les noms des scrutateurs
ainsi désignés sont consignés au procès-verbal de chaque bureau de vote ». Il
résulte de cette disposition législative que le scrutateur doit avoir la qualité
d’électeur ; cela induit-il que le candidat-électeur peut être scrutateur ? Si on
appréhende l’électeur stricto sensu ; c’est-à-dire en considérant qu’il n’est
qu’électeur, on pourrait en douter ; a contrario, si on l’appréhende lato sensu ; c’est-
à-dire comme électeur pouvant être candidat ou qui est candidat, on en douterait
moins. Mais, est-il moralement, juridiquement et pratiquement judicieux de désigner
ou d’accepter un candidat comme scrutateur ? La sincérité du vote ne serait-elle pas
menacée ou compromise ? La question vaut son pesant juridique au regard du rôle
que la loi assigne aux scrutateurs dans le dépouillement du scrutin. En effet, d’après
l’article 109 de la loi n°91/020, le dépouillement du scrutin est opéré comme suit :
l’urne du scrutin est ouverte et le nombre des enveloppes contenues est vérifié ;
ensuite, « l’un des scrutateurs extrait le bulletin de chaque enveloppe et le passe,
1845
Voir article 1er de la loi n°92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers
municipaux.
439
déplié, à un autre scrutateur ; celui-ci le lit à haute voix ; les titres des listes et les
noms des candidats portés sur les bulletins sont relevés par deux scrutateurs au
moins sur des feuilles de pointages préparés à cet effet ». Celles-ci sont annexées
au procès-verbal.
Bien que dans l’examen des contestations portant sur les opérations de
proclamation des résultats du scrutin le juge n’a admis que partiellement l’irrégularité
de ces opérations , il a été plus offensif et plus rigoureux dans son argumentaire.
1846
E. Laferrière, op. cit., p. 320.
1847
B.Malig,ner, op., pp. 45-46.
440
PARAGRAPHE II : LA RECONNAISSANCE PARTIELLE DE L’IRREGULARITE
DES OPERATIONS DE PROCLAMATION DES RESULTATS
DU SCRUTIN
1848
CS/CA, jugement n°66/95-96 du 18 juillet 1996, affaire Union Sociale Camerounaise (USC) contre Etat
Cameroun.
441
1. La substance de la contestation
Le problème dans cette argumentation est que nulle part le parti requérant ne
démontre en quoi et comment les procès-verbaux ont été falsifiés. C’est donc sans
difficulté et à raison que le juge a réfuté sa contestation.
442
travaux de la Commission Communale de Supervision qu’il a été signé sans réserve
par tous les membres de ladite Commission dont celui de l’U.S.C », c’est-à-dire le
représentant du parti requérant. Celui-ci a donc voulu se prévaloir de sa propre
turpitude. C’est également à juste titre que le juge a admis l’irrégularité des mesures
prises par la CCS pour remettre en cause les résultats du scrutin constatés par des
procès-verbaux.
Le fait pour la CCS d’être chargée de proclamer les résultats des élections
des conseillers municipaux ne lui donne pas compétence pour statuer sur des
requêtes qui contestent lesdits résultats, de les modifier et d’en proclamer d’autres.
Le juge administratif l’a clairement dit dans deux espèces rendues le 18 juillet
19961850. Il s’est employé, à cet égard, à circonscrire le rôle de la CCS.
1849
Article 12 al 2 § 7 de la loi n°96/002.
1850
CS/CA, jugement n°44/95-96 du 18 juillet, affaire UNDP et SDF (commune urbaine de Yaoundé IIe) contre
Etat du Cameroun et RDPC (Intervenant) et CS/CA, jugement n°63/95-96 du 18 juillet 1996, affaire SDF-
UNDP-UDC et ADD (commune urbaine de Yaoundé Ve) contre Etat du Cameroun.
443
Saisie par le RDPC, la CCS se réunissait six jours après, soit le 27 janvier 1996, et,
« malgré le caractère définitif »des résultats qu’elle a proclamés et constatés sur
procès-verbal, elle a procédé à une nouvelle proclamation des résultats du même
scrutin constatés dans un autre procès-verbal qui relevait le caractère provisoire de
celui établi le 21 janvier 1996. Pour établir l’irrégularité de cette opération, le juge a
fait observer que « la Commission (…) consciente qu’elle était dessaisie des litiges
électoraux après la proclamation des résultats du 21 janvier 1996, a tenté de se
rattraper en qualifiant cette proclamation de provisoire et en relevant que le procès-
verbal y afférent comportait des réserves sur les procès-verbaux qui ne lui avaient
pas alors été envoyés par certains bureaux de vote (…), qu’en fait, il ne s’agissait
pas de réserves, le procès-verbal incriminé faisant ressortir que la Commission est
passée outre ces cas pour arrêter les résultats du scrutin ». Pour lui, si la CCS
voulait conserver sa compétence en l’espèce, il lui appartenait « de surseoir à la
proclamation des résultats en attendant la réception desdits procès-verbaux, la loi ne
lui imposant aucun délai sur ce point (…) ; faute de l’avoir fait, la Commission (…) n’a
pas justifié la régularité des résultats proclamés aux termes du procès-verbal du 27
janvier (…). C’est donc tout logiquement que le juge a conclu qu’ « (…) en procédant
(…) à une nouvelle proclamation des résultats, la CCS, bien que régulièrement
composée (…) a méconnu les dispositions législatives (…) ».
Le juge a saisi l’occasion dans cette affaire pour rappeler que - contrairement
aux allégations des partis intervenants dans cette affaire - la validité de la
proclamation des résultats du scrutin n’est pas liée à l’affichage des résultats,
formalité qui n’est pas prévue par la loi, mais à l’établissement du procès-verbal par
la CCS, signé de tous ses membres présents et transmis à l’autorité administrative.
444
intervenue le 21 janvier 1996 alors qu ‘ elle était dessaisie du contentieux électoral
après ladite proclamation, la CCS a méconnu les textes (…) » .
1851
Article 31 de la loi n°92/002.
445
commission locale de vote est aussitôt transmis avec les pièces annexées par le
Président de le CCS au Préfet par la voie la plus rapide pour acheminement au
Ministre chargé de l’Administration territoriale »1852.
Il faut cependant dire que les précisions apportées par le juge dans cette
affaire n’épuisent pas le problème de la délimitation par la loi du champ de
compétence respectif de la CCS et du juge administratif en matière de contentieux
1852
Article 32 al 1er de la loi n°92/002.
1853
CS/CA, jugement n°50/95-96 du 18 juillet 1996, affaire Social Democratic Front (SDSF) contre Etat du
Cameroun (commune rurale de Demdeng), RDPC (intervenant).
446
de l’élection des conseillers municipaux ; tant de points d’ombre demeurent, le juge
en étant souvent à l’origine.
447
CHAPITRE II
448
Il n’est pas qu’en matière électorale que le juge prescrit limitativement les
mesures d’urgence au profit des requérants. Il en est de même dans les autres
matières que sont le contentieux de la légalisation des partis politiques et celui de la
dissolution des associations. Les effets de la prise en compte contingente de
l’urgence par le juge sur la situation contentieuse sont donc divers et variés. Il se
dégage ainsi de la jurisprudence que si le juge admet de façon sélective la validité
des contestations portant sur le refus d’autorisation des partis politiques (Section I),
il méconnaît systématiquement la validité des contestations relatives à la dissolution
des associations (Section II)
449
SECTION I: L’ADMISSION SELECTIVE DE LA VALIDITE DES
CONTESTATIONS RELATIVES A LA REGULARITE DU
REFUS DE LEGALISATION DES PARTIS POLITIQUES
Historiquement, les partis politiques ont été « conçus pour soutenir des
candidats, encadrer les élus et informer les électeurs » . Mais, ils « sont devenus
aujourd’hui des rouages essentiels de la démocratie de masse » passant d’« une
existence officieuse » 1855 à une existence officielle.
1854
Benoît Jeanneau, Droit constitutionnel et institutions politiques, 8ème éd, Paris, Dalloz, 1991, p. 63.
1855
Ibid.
1856
Loi n° 96/006 du 18 Janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 Juin 1972.
1857
Alinéa 1er de l’article 4 de la loi n°90/056 du 19 décembre relative aux partis politiques.
1858
Alinéa 2 ou l’article 4 de la loi n°90/056.
1859
Article 7 alinéa 1er de la loi n°90/056.
1860
Voir articles 5, 9,10 et 11 de la loi n°90/056.
1861
Article 8 alinéa 2 de la loi n°90/056.
450
Lorsque le Ministre de l’administration Territoriale garde le silence pendant
trois mois à compter de la date de dépôt du dossier auprès des services du
Gouverneur territorialement compétent « le parti est réputé exister légalement »1862 :
c’est la légalisation tacite ou implicite. Il résulte de la jurisprudence que le juge
applique de façon discriminatoire cette disposition législative (§ I) et qu’il n’admet que
très limitativement les contestations portant sur la régularité des motifs de refus de
légalisation (§ II)
1862
Article 7 alinéa 2 de la loi n°90/056.
1863
Article 7 alinéa 2 de la loi n°90/056.
1864
Alinéa 2 de l’article 7 de la loi n° 90/056.
1865
Monique Pauti, « Les décisions implicites d’acceptation et la jurisprudence administrative » RDP,1975, p.1545.
1866
Ibid., p. 1546.
1867
Sur l’ensemble de la question dans le contexte Camerounais, lire, Maurice Kamto et Bernard R. Guimdo,
« Le silence de l’administration en droit administratif camerounais », Lex Lata n°059, déc.1994, pp.10-14 et C.
Keutcha Tchapnga, « L’autorisation tacite, cinq ans après sa consécration en droit positif camerounais », Juridis
Périodique n°28, nov.- oct.- déc. 1996, pp.73-81.
1868
Mireille Monnier, Les décisions implicites d’acceptation de l’administration, Thèse, Paris, LGDJ ; 1992 , p. 7.
1869
Ibid.
451
bien qu’étant un acte qui a un caractère fictif1870, elle est une décision exécutoire et
obligatoire qui s’impose à l’administration. Celle-ci ne peut donc légalement notifier à
un parti politique qui en a bénéficié un acte portant refus de le légaliser. Le juge saisi
à cet effet devrait annuler cet acte puisqu’il est intervenu après que ce parti politique
a, du fait du silence de l’administration, acquis une existence légale. Seulement,
dans la pratique, le juge a eu à appliquer de façon discriminatoire la disposition
législative relative à la légalisation implicite. C’est ainsi que dans un premier temps, il
la implicitement méconnue (A), avant de la prendre en compte, explicitement, dans
un second temps (B).
Certes, le juge n’est pas tenu d’examiner tous les moyens allégués par le
requérant dans son recours. Mais, il reste que lorsqu’il s’agit des moyens décisifs et
de surcroît fondés parce que s’appuyant sur une disposition législative claire, il doit
se donner la peine de s’y pencher ; son rôle étant avant tout de veiller au respect du
droit et de sanctionner tous les actes qui ne s’y conforment pas. Pourtant, dans deux
espèces rendues respectivement le 18 septembre 19921871 et le 30 septembre
19921872, le juge a implicitement méconnu la violation alléguée de la disposition
législative relative à la légalisation implicite des partis politiques qui avait été remise
en cause par l’administration par un acte explicite de refus.
1870
R.Chapus, Droit administratif général, I1, 4ème éd, Paris, Montchrestien, 1988, p.322 et C. Keutcha
Tchapnga, « L’autorisation tacite, cinq ans après sa consécration en droit positif Camerounais », op. cit, pp. 73-
83.
1871
Ordonnance n°26/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire Programme Social pour la Liberté et la
Démocratie (P.S.L.D) contre Etat du Cameroun
1872
Ordonnance n°32/CS/PCA/91-92 DU 30 septembre 1992 affaire Divine Kingdom People’s Party of
Cameroon contre Etat du Cameroun.
452
1992, le Ministre chargé de l’Administration Territoriale était resté coi. Considérant
que le silence gardé par ce dernier pendant plus de trois mois lui donnait une
existence légale, le parti requérant signifiait son « existence légale à Monsieur le
Ministre de l’Administration Territoriale le 23 juillet 1992 » par une correspondance
datée du 22 juillet 1992 et sur décharge des autorités provinciales. Suite à des
rumeurs qui couraient dans les services du Gouverneur du Littoral relatives à une
correspondance adressée au parti requérant par le Ministre de l’Administration
Territoriale annonçant le refus de celui-ci de reconnaître son existence légale-
correspondance qu’il n’avait jamais reçue -, son premier responsable se rendit à
Yaoundé où il lui fut remis en date du 30 juillet 1992 la copie de la lettre du Ministre
de l’Administration Territoriale en date du 19 juin 1992 qui répondait à celle du parti
requérant datée du 20 avril 1992 et qui lui notifiait le refus de le légaliser au motif
que son mémorandum versé au dossier reprenait les dispositions des projets de
société des autres partis politiques. Pour le parti requérant, il y avait excès du
pouvoir en ce que la lettre du Ministre de l’Administration Territoriale ayant été
portée à sa connaissance par sa curiosité et après sa notification du 23 juillet 1992,
soit plus de trois mois après le dépôt de son dossier complet dans les services du
gouverneur compétent, ne lui était pas opposable « car hors délai conformément à
l’article 7 al 2 de la loi (…) ». Bien que pertinente et conforme à la réalité, cette
argumentation a été ignorée par le juge. Au lieu de confirmer l’existence légale du
parti requérant en constatant la violation de la loi par l’administration, il a plutôt
procédé à l’annulation de l’acte explicite de refus de légalisation dudit parti sur la
base d’un autre motif.
453
expirait le 31 décembre 1991 (…) ». Il était donc « réputé exister légalement à la
date du 1er janvier 1992 ». Malgré la véracité et la pertinence de ces arguments, le
juge les a ignorés. Alors même que le parti requérant avait déjà une existence légale,
il a approuvé, sur la base de motifs discutables, son refus de légalisation. Pourtant,
ce refus était illégal parce que intervenu après la légalisation implicite dudit parti.
Il est admis, par ailleurs, qu’une décision expresse de refus qui intervient
postérieurement à l’écoulement des délais prescrits par les textes et sans que soient
réunies les conditions d’un retrait légal « est un acte émanant d’une autorité ayant
épuisé sa compétence et sanctionné, en conséquence, pour violation de la loi »1875.
Par conséquent, et comme l’écrit M. Bertrand, la décision implicite d’acceptation « ne
peut être légalement rapportée, même si les conditions auxquelles la jurisprudence
subordonne la légalité du retrait des actes administratifs individuels se trouvent
remplies »1876. En effet, comme le dit, à juste titre, R. Chapus, « la possibilité de
retrait … priverait de toute signification le délai imparti à l’administration pour décider
explicitement, puisqu’elle lui permettrait de décider à toute époque ; en même temps,
elle lui donnerait le moyen, en s’abstenant volontairement de décider explicitement,
de revenir à tout moment sur les décisions implicites d’acceptation illégales »1877. De
ce fait, « l’administration ne peut s’en prendre à elle-même si elle laisse s’écouler le
délai qui lui est donné sans s’être prononcée. L’impasse dans laquelle elle se place
1873
M. Pauti, op.cit, p.1557.
1874
Ibid.
1875
Ibid.
1876
L. Bertrand, Conclusions sur CE, Section, 14 novembre 1969, sieur Eve, S., p. 498, AJDA, p.864.
1877
R. Chapus, Droit administratif général, T1, Paris, Montchrestien, 1990, pp. 792- 793.
454
est alors la sanction, voulue par la loi ou le règlement, de la carence »1878. C’est
ainsi que dans une espèce en date du 16 décembre 1992, le juge a pris en compte
la disposition législative relative à la légalisation implicite des partis politiques pour en
constater et sanctionner la violation par l’administration.
1878
Arrêt ADD n° 55/CFJ/SCAY du 25 mars 1969, affaire sieur Emini Tina Etienne contre Etat fédéré du
Cameroun oriental.
1879
Lasry, Conclusions sur CE, 12 octobre 1956, Baillet, Dalloz, 1956, p . 665.
1880
M. Pauti, op. cit., p.1557.
1881
Ibid.
1882
Ibid., p.1546.
455
MANIDEM) du 16 décembre 19921883. Pour comprendre pourquoi et comment il l’a
fait, il convient de déterminer les faits de la cause ainsi que les moyens allégués par
le parti requérant et pris en compte par le juge.
1883
Ordonnance n°02/0/PCA/CS/92-93 du 16 décembre 1992, affaire UPC-Manidem contre Etat du Cameroun,
observations B. Guimdo, Juridis info n°16, octobre-novembre-décembre. 1993, pp. 56-58.
456
18 Août 1992 un dossier complet relatif à sa légalisation, entre les mains des
services du Gouverneur de la Province du Littoral (…) ; que le 19 novembre 1992,
soit trois mois après le dépôt, alors que l’UPC-Manidem informait le Gouverneur de
la Province du Littoral que conformément à la loi elle considérait sa légalisation
comme acquise en raison du silence gardé par l’Administration (…), elle a reçu en
retour une lettre (…) en date du 27 novembre 1992 (…) lui notifiant la lettre (…) du
22 septembre du Ministre de l’Administration Territoriale portant refus de légalisation
dudit parti au motif que sa dénomination est de nature à créer la confusion avec
l’Union des populations du Cameroun (UPC) déjà reconnu (…) ». Il a fait observer
qu’aux termes de l’article 7 (2) de le loi n°90/05 6, en cas de silence gardé pendant
trois mois, à compter de la date de dépôt du dossier auprès des services du
Gouverneur territorialement compétent, le parti est réputé exister légalement, « que
dans le cas d’espèce (…), le dossier de l’UPC-Manidem a été déposé dans les
services du Gouverneur de la province du littoral le 18 Août 1992, et que jusqu’au
30 novembre 1992, aucune suite n’y a été donné » ; que « conformément à la loi, au
19 décembre 1992, en raison du silence gardé par l’administration », l’« existence
légale » du parti requérant « était déjà acquise en dépit de la lettre dont il est
demandé l’annulation (…) » qui, d’ailleurs, a été « fabriquée pour les besoins
inavoués, mais, sûrement dans l’intention de nuire ».
La position ainsi adoptée par le juge est intéressante à plusieurs égards. Elle
confirme le fait que les autorisations « tacites produisent leurs effets dès l’expiration
des délais impartis à l’administration »1884. Lorsqu’elle se tait, elle est réputée « avoir
manifesté son acceptation »1885. Par ailleurs, elle conforte une jurisprudence
esquissée dans le cadre du sursis à exécution concernant l’ouverture1886 et le
transfert1887 d’officines pharmaceutiques et confirmée par un jugement rendu le 30
septembre 1993 dans l’affaire Sighoko Fossi Abraham1888. En l’espèce, et en
application de la loi n°90/035 du 10 Août 1990 rela tive à l’exercice de la profession
de pharmacien qui dispose, en son article 7 alinéa que « (…..) passé un délai de
quatre vingt dix (90) jours à compter du dépôt du dossier, le silence gardé par le
consul de l’ordre vaut acceptation de la demande du postulant qui peut s’installer »,
1884
M. Pauti, op.cit, p. 1557.
1885
M. Monnier, op.cit, p.7.
1886
Ordonnance n° 21/0SE/CS/PCA/91-92 du 26 juillet, affaire Mayouga Yvonne contre Etat du Cameroun.
1887
Ordonnance n°05/0SE//CS/PCA/92-93 du 17 septembre 1992, affaire Sighoko Abraham c/Etat du Cameroun
1888
CS/CA, jugement n°83/ADD du 30 septembre 1993, affaire Sighoko Fossi Abraham c/Etat du Cameroun.
457
le juge a admis « (….) qu’il y a eu bel et bien autorisation implicite du fait pour le
Conseil de l’Ordre de garder le silence pendant plus de 90 jours » par rapport à la
demande du requérant qui sollicitait le transfert de son officine pharmaceutique de
Mbouda à Bafoussam. Enfin, outre le fait qu’elle participe d’une saine administration
de la justice en ceci que le juge a fait une juste et bonne application de la loi, cette
position contribue de façon significative à l’édification de l’Etat de droit et au
renforcement de la jurisprudence relative aux actes administratifs implicites qui est
formulée, en particulier, dans le jugement Nguenang Joseph du 29 septembre 1983 ;
à savoir que, « (…) l’acte administratif n’est pas seulement écrit, il peut même être
implicite (…) »1889.
1889
CS/CA, jugement n°102/82-83 du 29 septembre 1983, affaire Nguenang Joseph contre Etat du Cameroun.
1890
C. Pasbecq, « De la frontière entre la légalité et l’opportunité dans la jurisprudence du juge de l’excès de
pouvoir », RDP, 1980, p.806.
1891
Ibid.
1892
Michel Dubisson, La distinction entre la légalité et l’opportunité dans la théorie du recours pour excès de
pouvoir, thèse, Paris, LGDJ,1958, p. 215.
458
Pour apprécier la légalité du refus de l’administration de reconnaître un parti
politique, le juge se fonde sur la loi n°90/056 du 19 décembre 1990 qui détermine les
modalités et les conditions de légalisation des partis politiques. Il se dégage de cette
loi que l’administration ne peut refuser de légaliser un parti politique que si celui-ci ne
remplit pas les conditions qu’elle a édictées. Aussi donne t-elle la possibilité aux
partis dont la légalisation a été refusée de saisir le juge pour contester ce refus et
l’inviter à se prononcer sur sa légalité. Il se dégage de la jurisprudence que lorsque
le juge estime que l’administration ne s’est pas conformée à la loi, il admet
l’irrégularité des motifs de refus (A). A contrario, lorsqu’il considère que c’est le
requérant qui n’a pas respecté les conditions de légalisation édictées par la loi, il
méconnaît cette irrégularité (B).
Le motif est l’élément de l’acte qui consiste « dans les donnés allégués par
l’agent comme justification de son acte »1893. Il « relie l’acte à un stade donné de la
formation du droit, à l’ordonnancement juridique » 1894.
Comme l’écrit G. Peiser, « le contrôle sur les motifs (…) est devenu (…) le
moyen d’annulation le plus important en matière d’excès de pouvoir (…) ; il permet
au juge de contrôler la totalité de l’acte juridique »1895.
1893
Ch. Eisenmann, Cours de droit administratif, Diplôme d’études supérieurs de droit public, 1949-1950,
« L’action de l’Administration », cours polycopié, les cours de droit, 198, rue Saint-Jacques, Paris (5e ), p.411,
cité par ch. Goyard, « Les idées de Ch. Eisenmann sur la théorie du contrôle des motifs » op.cit, p.351
1894
Ch. Goyard, ,ibid.
1895
G. Peiser, Contentieux administratif, op. cit., p.184.
1896
article 8 al 2 de la loi n°90/059 du 19décembre 1990.
1897
V. article 8 al. 2 de la loi n° 90/056 du 19 décembre 1990.
459
1. La mise en cause de l’existence légale des motifs de refus de
légalisation
1898
M. Waline, « Etendue et limites du contrôle du juge administratif sur les actes de l’administration », op.cit.,
p. 31.
1899
M. Waline, Manuel de Droit administratif, 4e éd, Paris, Sirey, 1946, p. 124.
1900
M.Letourneur, « L’étendue du contrôle du juge de l’excès de pouvoir », op.cit, p.57.
1901
Ordonnance n°25/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire.R.D.R. contre Etat du Cameroun.
1902
Ordonnance n°26/CS/PCA/91111-92 du 18 septembre 1992, affaire P.S.L.D contre Etat du Cameroun.
1903
Ordonnance n°28/CS//PCA/91-92 du 23 septembre 1992, affaire UNC contre Etat du Cameroun,
commentaire B. Guimdo, Juridis Info n°19, juillet-Aout-Septembre 94, pp 27-33
1904
Ordonnance n°02/0//PCA//CS du 16 décembre 1992, affaire UPC-Manidem contre Etat du Cameroun,
observations B. Guimdo, Juridis Info n°16, octobre-novembre-décembre ,1993, pp. 56-58.
460
refuser la légalisation du parti requérant, le Ministre de l’Administration Territoriale a
invoqué comme motif le fait que « ce parti ne peut pas être légalisé en raison
notamment de la dénomination " Union Nationale Camerounaise " et de sa devise
"Paix - Travail - Patrie " qui n’est que celle de la République du Cameroun », et dans
l’affaire UPC-Manidem où, pour refuser de légaliser le parti recourant, l’administration
a donné comme motif que « (…) sa dénomination est de nature à créer la confusion
entre l’Union des Populations du Cameroun (UPC), déjà reconnue et dont le sigle
est juridiquement protégé à l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
(O.A.P.I) ».
Le juge a donc estimé que les motifs invoqués par l’administration dans ces
espèces ne sont nullement contenus dans l’énumération des cas de refus faite par
l’article 9 de la loi n°90/056. Il a fait observer que « c’est vainement qu’on
rechercherait dans cette énumération exhaustive et limitative les cas invoqués (...) »
par l’administration. En effet, aux termes de l’article 9 de la loi n°90/056 du 19
décembre 1990, « ne peut être autorisé , tout parti politique qui :
461
2. La mise en cause de la valeur juridique des motifs de refus de
légalisation
Dans les affaires R.D.C et P.S.L.D du 18 septembre 1992, le juge a pris soin,
après avoir établi que le cas de « reprise des dispositions des projets de société
des autres partis » allégué par l’administration pour refuser de légaliser les partis
requérants n’existe pas dans la loi, de préciser «(…) que les partis politiques ont des
moyens de droit pour lutter contre le plagiat de leurs programmes ». De même, dans
l’affaire UNC du 23 septembre 1992, il a considéré qu’en justifiant le refus de
légalisation du parti requérant au motif que sa dénomination est « Union Nationale
Camerounaise, » et que sa devise « Paix –Travail –Patrie » n’est autre que celle de
la République du Cameroun, « la décision attaquée a ajouté à la loi ». Enfin, dans
l’affaire UPC-Manidem du 16 décembre 1992, il a estimé, après avoir établi que le
motif de refus n’est pas consacré par la loi, que « les partis politiques légalement
reconnus (et de surcroît ayant fait protéger leur sigle) disposent des moyens
juridictionnels pour faire respecter leurs droits sans aucune ingérence du Ministre de
l’Administration Territoriale (…) ; qu’en essayant – maladroitement d’ailleurs- de
justifier son refus de légaliser un parti politique dont l’existence légale est désormais
acquise conforment à la loi, la décision attaquée est illégale (…) »1905.
1905
Cette position a été réitérée dans son ordonnance rendue en tierce opposition : voir ordonnance
n°088/PCA/CS/93-94 du 13 décembre 1993, affaire Union des Populations du Cameroun (UPC) contre Etat du
Cameroun (MINAT) et Union des Populations du Cameroun - MANIDEM (UPC-MANIDEM), Obs. B-R
Guimdo, Juris Info n°24, octobre-novembre-décembre 1995, pp. 64-65.
462
possibilité de choix »1906 . Dans ce cas, « sa conduite lui est dictée à l’avance par la
règle de droit »1907, qui lui impose « d’agir dans un sens déterminé »1908, ou « de
prendre une décision déterminée, positive ou négative »1909. Il en est ainsi de
l’édiction par l’administration des motifs de refus de légalisation des partis politiques.
Elle « n’est pas libre de choisir les motifs, ceux-ci lui sont imposés par la loi »1910. Il y
a donc pour elle compétence liée . De fait, la loi ayant pris soin d’indiquer les motifs
qui doivent servir de base à sa décision de refus, « il ne lui est pas possible , à moins
de le faire exprès, d’en choisir d’autres, il violerait trop ouvertement la loi »1911, et
même si ceux-ci ne sont pas expressément en contradiction avec la loi, ils visent ,
cependant,« des circonstances autres que celles que la loi avait prévus »1912.
1906
G. Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif, T1, 12-ed, Paris, PUF, 1992 , p. 528.
1907
Y. Gaudemet, Traité de Droit administratif, op.cit, p.580
1908
B. Kornprobst, « La compétence liée », RDP , 1961, p. 941 ; V aussi G. Timsit, « Compétence liée et
principe de légalité », D., 1964, Chr., p. 217-22.
1909
R. Chapus, Droit administratif général, T1, 13 éd., Montchrestien , Paris, 1999, p. 1014.
1910
M.Reglade, op.cit, p. 435.
1911
Ibid.
1912
Ibid.
1913
Ibid., p. 436.
463
b. L’admission implicite de la commission du détournement de pouvoir par
l’administration
Comme l’a dit M. Hauriou, « c’est dans les motifs de l’acte (….) que le
détournement de pouvoir est saisissable (…) »1920. Seulement, sur le plan pratique,
la preuve du détournement de pouvoir est délicate voir difficile à établir, car elle
amène à scruter les intentions de l’auteur de l’acte. Ainsi, dans de nombreux cas, le
détournement de pouvoir est soit qualifié, soit substitué1921 à travers « l’extension de
la notion de violation de la loi »1922 . De fait, « la pratique de l’annulation pour
1914
J. Rivero et J .Waline, op. cit., p. 222
1915
M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, 12 éd. ; op.cit, p., 442.
1916
Ibid., p. 443.
1917
Ibid.
1918
E. Laferrière, Traité de la juridiction administrative…, T2, op., cit., p, 521
1919
Ibid.
1920
M. Hauriou, op. cit., p. 444.
1921
Manuel Gros, « Fonctions manifestes et latentes du détournement pouvoir », RDP, 1997, pp.1244 et
suivantes.
1922
G Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif, T2, op. cit., p 333
464
détournement de pouvoir apparaît largement comme destinée à dénoncer la
mauvaise foi de l’autorité administrative qui, en connaissance de cause, a détourné
de son but le pouvoir qu’elle a exercé »1923. C’est pourquoi dans les affaires
analysées, le juge n’a pas, en évoquant l’illégalité des décisions de refus, fait appel
au moyen tiré du détournement de pouvoir, préférant plutôt parler d’excès de
pouvoir ; pourtant, après avoir établi que les motifs allégués par l’administration ne se
trouvent pas dans l’énumération exhaustive et limitative des cas de refus par la loi, il
a déclaré, dans l’affaire R.D.R1924 que « les partis politiques ont des moyens de droit
pour lutter contre le plagiat de leurs programmes », et dans l’affaire UPC-
Manidem1925 que « les partis politiques légalement reconnus (et de surcroît ayant fait
protéger leur sigle) disposent des moyens juridictionnels pour faire respecter leurs
droits sans aucune ingérence du Ministre de l’Administration Territoriale » qui a
essayé « maladroitement (…) de justifier son refus de légaliser un parti politique dont
l’existence légale est désormais acquise conformément à la loi ».
1923
R. Chapus, Droit administratif général, op. cit., pp 1003-1004.
1924
Ord. n°25/CS/PCQ/91-92 du 18 septembre 1992 et Ordonnance n°26/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992.
1925
Ordonnance n°02/0/PCA/CS/du 16 décembre 1992
1926
J. Morand-Deviller, op. cit., p 687.
1927
Ibid.
1928
E. Gros, op cit, p. 1243.
465
Ainsi, « malgré la constitution probable d’un détournement de pouvoir, le juge
préfère souvent retenir un autre moyen d’annulation d’apparence plus
objective »1929.
En matière de légalisation des partis politiques, le juge administratif n’a pas une
position uniforme dans l’appréciation de refus invoqués par l’administration. Ainsi, autant il
est amené, en se fondant sur la loi, à reconnaître l’irrégularité de ces motifs, autant, il lui
arrive d’en méconnaître l’irrégularité, en se basant toujours sur la loi.
Les motifs de l’acte sont une condition de sa légalité. Le juge en contrôle non
seulement l’existence mais aussi la valeur. Comme l’écrit M. Waline, « le contrôle
des motifs a pu faire penser (…) que la frontière était bien arbitraire entre ce qui
relève du contrôle du juge, et ce qui lui échappe. Et cette frontière n’est pas toujours
facile à délimiter ». Ainsi, « l’attitude du juge administratif contrôlant les motifs,
exprimés ou non, des décisions administratives attaquées devant lui, a pu paraître à
1929
Ibid., p. 1247.
1930
J- M. Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, T2, p. 413.
1931
Ibid.
1932
CCA/arrêt n°39 du septembre 1950, Ngollo Nyacke contre Administration du Territoire.
1933
Il a ainsi, de façon explicite, considéré comme entaché de détournement de pouvoir l’acte expropriant des
biens immobiliers au bénéfice du personnel d’une société d’économie mixte sans objectif immédiat de participer
au service public de fourniture de l’électricité dans la ville de Yaoundé .V. CFJ/CAY, arrêt n°160 du 8 juin 1971,
affaire Fouda Mballa contre Etat du Cameroun Oriental.
466
certains égards, audacieuse. Les uns en auront loué la hardiesse ; d’autres se seront
inquiétés (…) »1934.
Le problème est que, par le biais du contrôle des motifs, le juge est souvent
amené à apprécier l’exercice par l’administration de son pouvoir discrétionnaire et à
débusquer explicitement ou implicitement un détournement de pouvoir, ou à agir
comme son supérieur hiérarchique en réformant ses décisions ou en les approuvant,
alors même que leur légalité, qui n’est pas évidente, est mise en cause par des
particuliers. C’est ainsi qu’en matière de légalisation des partis politiques, pour
méconnaître l’irrégularité alléguée des motifs de refus invoqués par l’Administration,
le juge a eu à substituer ses motifs à ceux de l’administration et à clarifier le motif de
refus qu’elle a allégué pour le valider.
En règle générale, le juge n’est pas en droit de substituer ni une base légale à
la base erronée ou illégale donnée par l’Administration à son acte, ni un motif exact
ou légal au motif illégal ou erroné invoqué par l’auteur de l’acte1935. Il en résulte que,
« s’il agissait autrement, il interviendrait dans le domaine de l’opportunité qui
appartient exclusivement à l’administration : celle-ci doit disposer seule du choix des
moyens d’action et du choix de ses motifs d’action »1936 que ceux-ci soient prescrits
par la loi ou non.
1934
M. Waline, « Etendue et limites du contrôle du juge administratif », op.cit, pp. 31-32.
1935
En ce sens, CE, 22 juin 1955, Société civile des Dervalliers, CE, 10 octobre 1958, sieur Delarbre.
1936
M. Letourneur, « L’étendue du contrôle du juge de l’excès de pouvoir », EDCE, 1962, p.54.
1937
Ibid.
1938
Ibid.
1939
G. Peiser, Contentieux administratif, op. cit., p. 185 ; V. CE, 8 juin 1934, Augier.
467
celui-ci soit irréprochable, il suffit que le juge précise (la base et) les motifs corrects »
1940
. Comme l’écrit Ch. Pasbecq, « le juge se transforme en administrateur purement
et simplement ; il refait l’appréciation sans avoir tous les éléments en main, comme
l’administrateur actif, même s’il est particulièrement éclairé sur ces problèmes »1941.
L’affaire Front Patriotique Pour le Salut du Peuple Camerounais (FPS- PC) du 23
septembre 19921942 en est l’ illustration topique. En l’espèce, pour refuser la
légalisation du parti requérant, le Ministre de l’Administration Territoriale a donné
dans sa décision mise en cause le motif suivant : « Les statuts ne font pas mention
de l’organe directeur. Par ailleurs, le mémorandum du FPS-PC reprend les
dispositions des projets de société d’autres partis politiques ». Dans sa requête
introductive d’instance, le parti requérant a soutenu le contraire en indiquant d’une
part que l’article 16 de ses statuts énonce que les organes de direction et de décision
du FPS-PC sont par ordre hiérarchique :
1940
M. Letourneur, op. cit., p. 54.
1941
Ch. Pasbecq, op. cit., p. 825.
1942
Ordonnance n° 29/CS/PCA/91-92 du 23 septembre 1992, Front Patriotique pour le Salut du Peuple
Camerounais (FPS- PC) contre Etat du Cameroun.
468
de ceux qui sont chargés de la direction et / ou de l’administration, il affirme « qu’il ne
fait pas de doute que c’est cette disposition légale qui est visée dans la lettre de
refus même si celle-ci fait état de la " mention de l’organe directeur "». Or, l’article 5
alinéa 1er dont s’agit détermine la composition du dossier à déposer pour la
légalisation et distingue bien la demande (§1, alinéa 1er), dont il détermine le
contenu, des statuts (§4 al 1er) qui doivent être produits en triple exemplaire et dont
l’articulation et le contenu ne sont pas précisés par la loi.
Le problème est que, s’étant rendu compte que le motif allégué par
l’administration ne pouvait prospérer puisque portant sur le contenu des statuts, le
juge s’est rabattu sur la demande de légalisation qui pouvait être facilement
contrôlée, la loi ayant déterminé son contenu. Il s’avère, par ailleurs, que dans sa
requête, le parti requérant avait indiqué de façon incomplète la composition de son
organe directeur, donnant ainsi l’occasion au juge d’assurer définitivement la
substitution de motifs pour ne pas avoir à annuler la décision de refus : « Attendu
que dans sa requête Ediriong donne la liste des membres du bureau directeur
provisoire (…) ; liste indiquée sur la demande de légalisation, sans autres précisions
sur l’adresse, l’identité complète, la profession et le domicile desdits membres
directeurs conformément aux exigences de la loi (….) ; c’est donc à bon droit que le
Ministre de l’Administration Territoriale a refusé la légalisation du dit parti (…) ». Ce
motif a donc suffi pour rejeter le recours du parti requérant bien que le juge ait
reconnu l’illégalité du motif de refus allégué par l’administration quant à la reprise
dans son mémorandum des dispositions des projets de société d’autres partis
politiques. Pourtant, dans des espèces antérieures, le juge a retenu le moyen tiré de
l’irrégularité de ce motif pour annuler la décision de refus de légalisation des partis
politiques requérants1943.
Il résulte de ce qui précède que lorsqu’un acte est fondé sur plusieurs motifs
dont certains sont irréguliers, le juge ne procède à son annulation que si les motifs
irréguliers ont eu une influence déterminante dans son édiction. Il procède ainsi « à
une distinction subtile entre motifs déterminants et motifs surabondants »1944 ou non
1943
Ordonnance n° 25/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire Regroupement Démocratique pour la
République (RDR) contre Etat du Cameroun et ordonnance n° 26/CS/PCA/91-92 du 18 septembre 1992, affaire
Programme Social pour la Liberté et la Démocratie (PSLD) contre Etat du Cameroun.
1944
G. Peiser, op. cit., p. 184.
469
déterminants1945. Dans l’espèce analysée, le juge a fait du premier motif un motif
déterminant et du second un motif non déterminant, justifiant ainsi le rejet de la
demande d’annulation de l’acte querellé.
1945
Sur la question des motifs déterminants, voir A. Gandolfi, « Les motifs déterminants dans le recours pour
excès de pouvoir », JCP, 1964. I, 1835.
1946
M. Letourneur, op. cit., p. 60
1947
Cl. Goyard, op. cit., p. 339.
1948
P.-F. Benoíît, op. cit., p. 549.
1949
Ordonnance n°32/CS/PCA/91-92 du 30 septembre 1992, affaire Divine Kingdom People’s of Party of
Cameroon (Martin I. Mokili Mbue) contre Etat du Cameroun
470
ne peut être autorisé. On ne pouvait donc savait pour quel motif exact le parti
requérant n’a pas été légalisé. Aussi, lorsque ce parti a saisi le juge, il a soutenu qu’il
s’est conformé à l’article 9 sus-visé, car rien dans son manifeste n’indique qu’il a
l’intention de porter atteinte à l’intégrité territoriale, à l’unité nationale, à la forme
républicaine de l’Etat, à la souveraineté nationale (…), ni d’encourager le recours à la
violence, de recevoir des subsides de l’extérieur, ni d’encourager la belligérance.
Pour le parti requérant, le mot Kingdom (Royaume) n’exprime pas une intention de
sa part de transformer le pays en royaume ; il « tend à rappeler aux fils du Cameroun
qu’ils sont des enfants de Dieu, le Roi des rois, dont le royaume est un ensemble
dont fait parti le Cameroun ». Il soutient qu’il « se présente comme un forum
politique où le dialogue fraternel et la réconciliation peuvent se réaliser et créer une
atmosphère de paix, d’unité, de justice et de progrès ». Ces arguments n’ont pas
emporté l’adhésion du juge qui, après avoir déterminé les dispositions légales
exactes sur lesquelles l’Administration s’est fondée pour refuser de le légaliser , a
affirmé, sans vraiment le justifier, que l’intéressé les avait violées : « Attendu qu’aux
termes de l’article 9 de la loi n° 90/056 du 19 déc embre 1990 relative aux partis
politiques, ne peut être autorisé, tout parti politique qui " … porte atteinte à la
souveraineté nationale et à l’intégration nationale, notamment par toutes sortes de
discriminations basées sur les confessions religieuses… " ;
Il se dégage de ce qui précède que le parti requérant n’a pas été légalisé
parce qu’il portait ou était susceptible de porter atteinte à la souveraineté nationale et
à l’intégration nationale du fait de son caractère ou de sa nature religieuse.
Autrement dit, il était susceptible de favoriser la discrimination fondée sur la religion
et constituait, par conséquent, une menace pour la cohésion nationale tant par sa
dénomination, qui « est tout un programme », que par son projet de société, qui a un
fondement religieux. Seulement, le juge n’a pas dit en quoi ce parti violait les
dispositions légales auxquelles il fait référence. Et alors même que le problème est
celui de la dénomination du parti en cause et de son projet, il dit que c’est une
471
association religieuse qui devrait se conformer à la loi spéciale applicable aux
associations.
Cela étant, l’intérêt de cette affaire est que le droit positif camerounais interdit
la constitution de partis politiques à caractère religieux, d’autant plus que l’Etat est
constitutionnellement laïc. Accepter de tels partis politiques, c’est remettre en cause
la laïcité, la neutralité et l’impartialité de l’Etat alors et surtout que les partis et
formations politiques- reconnus- concourent à l’expression du suffrage et ont
vocation à conquérir et à exercer le pouvoir. Dans certains pays et pour des raisons
liées à leur histoire, il existe des partis politiques fondés sur une idéologie à caractère
religieux. Le juge aurait donc dû, eu égard à l’imprécision du motif invoqué par
l’Administration pour refuser de légaliser le DKPP, affiner son argumentaire pour
mieux clarifier ce motif.
Il est de plus en plus avéré que c’est surtout dans la recherche de la violation
de la loi que le juge pourrait devenir un concurrent de l’administrateur et, plus
particulièrement dans le contrôle des motifs1950. Le contentieux de la dissolution des
associations en est la preuve. Le juge y agit comme un véritable supérieur
hiérarchique de l’administration en méconnaissant systématiquement la validité des
contestations portant sur la régularité de la dissolution des associations prononcée
par l’Administration. Ce faisant, il refuse d’admettre l’urgence de la mesure sollicitée
par les requérants dans un domaine qui mérite, pourtant, protection de sa part.
1950
Dans ce sens, v. M. Reglade, op. cit., p. 413 ; R. Alibert, Le contrôle juridictionnel de l’administration au
moyen du recours pour excès de pouvoir, Paris, Payot, 1926 ; Ch. Eisenmann, « Le droit administratif et le
principe de légalité, EDCE, 1957, p.25 ; M. Dubisson, op. cit., ;Ch. Pasbecq, op. cit., p. 807 et suiv.
1951
François Terré, « Sur la notion de libertés et droits fondamentaux » in Libertés et droits fondamentaux, sous
la direction de Remy Cabrillac, Marie-Anne Frison-Roche et Thierry Revet, 8e éd, Paris, Dalloz, 2000, p. 3.
472
d’association proclamée par le préambule de la Constitution camerounaise du 18
janvier 1996 et régie par la loi n° 90/053 du 19 dé cembre 1990.
La loi n° 90/053 définit les associations comme des conventions par lesquelles
« des personnes mettent en commun leurs connaissances ou leurs activités dans un
but autre que de partager des bénéfices »1955. Elles obéissent à deux régimes : le
régime de la déclaration et le régime de l’autorisation. Relèvent du régime de
l’autorisation les associations étrangères et les associations religieuses ; toutes les
autres formes (d’associations) sont soumises au régime de la déclaration. Sont
exclues de ces deux régimes, parce que régis par des textes particuliers, les
associations de fait d’intérêt économique ou socio-culturel, les partis politiques et les
syndicats1956.
Alors que les associations étrangères peuvent voir leur autorisation leur « être
retirée à tout moment »1957, les associations déclarées et les associations religieuses
peuvent être suspendues et/ ou dissoutes par l’autorité administrative. Ainsi, d’après
l’article 13 de la loi n°90/053, le Ministre de l’A dministration Territoriale « peut, sur
proposition motivée du Préfet, suspendre par arrêté, pour un délai maximum de trois (03)
mois, l’activité de toute association pour trouble à l’ordre public »1958 . Il peut également,
« par arrêté, dissoudre toute association qui s’écarte de son objet et dont les activités
portent gravement atteinte à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat »1959. De même, le
Ministre de l’Administration Territoriale peut « pour troubles à l’ordre public », suspendre
1952
Article 1er al. 2 de la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 portant sur la liberté d’association.
1953
Article 1er al. 3 de la loi n° 90/053.
1954
Article 4 de la loi n° 90/053.
1955
Article 2 de la loi n° 90/053.
1956
Article 5 al. 3 et 4 de la loi n° 90/053.
1957
Article 17 alinéa de la loi n° 90/053.
1958
Alinéa 1er de l’article 13 de la loi n° 90/053.
1959
Alinéa 2 de l’article 13 de la loi n° 90/053.
473
toute association religieuse1960 qui peut aussi être dissoute, après un préavis de deux
mois resté sans effet, par décret du Président de la République, si après son autorisation,
elle se dévie par la suite de son objet initial1961.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 90/056, le juge administratif n’a été saisi
que trois fois pour connaître des contestations relatives à la dissolution des
associations1964. Il se dégage des décisions rendues en la matière qu’il méconnaît
l’irrégularité de la prescription de la mesure de dissolution contestée ( § 1) ainsi que
l’irrégularité de son application( § 2). En reprenant une idée de M. Dran, on peut
formuler en ces termes sa jurisprudence en cette matière : Si « la liberté jouit d’un
régime renforcé de protection », celle-ci « doit aller de paire avec les exigences de la
vie sociale et le nécessaire maintien de l’ordre et de la sécurité publique, sans lequel
il n’est pas de vie commune possible »1965.
La dissolution d’une association est une mesure de police qui, comme toute
décision administrative, doit émaner de l’autorité compétente et être édictée, le cas
1960
Article 30 de la loi n° 90/053.
1961
Article 31 de la loi n° 90/053.
1962
Voir article 13 de la loi n° 90/053
1963
M. Dran, Le contrôle juridictionnel…, op. cit., p.296.
1964
En ce sens, ordonnance n° 19/0/PCA/ 90-91 du 26 septembre 1991, affaire Organisation Camerounaise des
Droits de l’Homme (OCDH) contre Etat du Cameroun ; ordonnance n° 20/PCA/CS/90-91 du 26 septembre 1991,
affaire Kom Ambroise (Human Rights Watch) contre Etat du Cameroun et ordonnance n° 21/PCA/CS/90-91 du
26 septembre 1991, affaire Comité d’Action Populaire pour la Liberté et la Démocratie ( Cap-Liberté) contre
Etat du Cameroun.
1965
M. Dran, op. cit., p.167.
474
échéant, selon les procédures et dans les formes légales. Quant au fond, elle doit
être conforme au principe, notamment, de l’égalité de tous devant la loi ; c’est-à-dire
« ne pas traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations
semblables »1966. Elle doit aussi, bien entendu, avoir été prise en vue du maintien de
l’ordre public « et non pas surtout en vue d’un intérêt financier ou pour satisfaire un
intérêt personnel ou celui de tiers »1967 ; ce qui l’entacherait de détournement de
pouvoir. Enfin, elle doit être prononcée sur le fondement du texte régissant la liberté
d’association, en l’occurrence la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990.
1966
R. Chapus, Droit administratif général, T1, 13e éd., op. cit., p. 691.
1967
Ibid., p. 691.
1968
Ord. n° 19/0/PCA/ 90-91 du 29 septembre 91 ; ord. n° 20/0/PCA/CS/ 90-91 du 29 septembre 91 et ord. n°
21/0/PCA/ CS/ 90-91 du 29 septembre 1991. Cette limitation de sa compétence matérielle en matière de
dissolution d’association a été analysée dans le chapitre 3 du Titre 2 de la 1ère partie, V. supra.
1969
G. Dupuis, M-J., Guédon et P. Chrétien, op. cit., p. 474.
1970
Ibid.
1971
Ibid.
475
doit être construite en fonction de la seconde ; cette dernière doit trouver dans celle-
ci tous les éléments de nature à justifier son bien fondé »1972. Ainsi, l’illégalité
formelle d’un acte peut déteindre sur son contenu et vice versa ; mais, cela ne peut
conduire à la remise en cause de la distinction entre illégalité ou légalité externe et
illégalité ou légalité interne « qui a pour principal intérêt d’être pédagogique quand il
s’agit de présenter les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir »1973. C’est
la raison pour laquelle, sans les opposer ou les considérer comme « deux ensembles
antagonistes »1974, le juge les apprécie séparément.
1972
P. Soler-Couteaux, « Réflexions sur le thème de l’insécurité du droit administratif ou la dualité moderne du
droit administratif », Mélanges offerts à Jean Waline, Paris, Dalloz, 2002, p. 393.
1973
Ibid., pp. 391-392.
1974
Ibid., p. 392.
1975
Ordonnance n° 19/0/PCA/CS/90-91 du 26 septembre 1991.
476
contre des associations aux objectifs divers » ; il « aurait dû prendre un arrêté de
dissolution pour chaque association en indiquant à chaque fois les griefs articulés
mis à sa charge ». Ne l’ayant pas fait, la requérante a donc estimé que « l’acte
querellé est nul dans sa forme apparente puisque procédant d’une confusion d’entre
l’acte réglementaire et l’acte individuel ».
Cette position du juge rappelle celle du juge administratif français pour qui
l’acte réglementaire est une décision de l’autorité administrative qui édicte une règle
juridique caractérisée par sa généralité et son impersonnalité, qui régit une situation
indéterminée dans la mesure où il ne vise pas un individu mais une situation
générale pouvant intéresser une catégorie d’individus et qui dès lors qu’il a un tel
objet, est toujours règlement même s’il concerne une personne physique ou morale
individualisée1976. Il importe peu que, au moment où la règle est édictée, elle ne
s’applique qu’à un petit nombre d’intéressés. il en ainsi de la décision attribuant
certaines fonctions à une autorité administrative, car elle est appelée à régir pour une
période indéterminée une situation abstraite faite de ses titulaires successifs1977.
1976
V. CE, 20 janvier 1989, Fédération française de Karaté.
1977
V. CE, 27 novembre 1935, Colomb.
477
que sont l’acte individuel, l’acte collectif et l’acte particulier ou sui generis. La
décision individuelle vise telle ou telle personne donnée, elle peut aussi viser
plusieurs personnes mais qui ne sont pas liées. C’est le cas de la délibération d’un
jury d’examen déclarant les candidats reçus ou ajournés. Quant à la décision
collective, elle concerne plusieurs personnes liées par une relation de solidarité.
C’est le cas de l’arrêté de dissolution d’association querellée. Enfin, l’acte particulier
ou sui generis est un acte qui s’applique à une situation donnée mais qui est
susceptible d’atteindre un nombre indéterminé de personnes. Il a donc un régime
mixte qui tient à la fois du régime de l’acte réglementaire que de celui de l’acte
individuel. C’est le cas de la déclaration d’utilité publique1978.
1978
V. CE, 10 mai 1968, Commune de Brovers.
1979
Guillaume Blanc, « Motifs et motivation des décisions administratives », Rev. Adm., 1998 , p.495.
1980
G. Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif , T1, 12e éd. , op. cit., p.291.
1981
Ordonnance n°20/0/PCA/CS/90-91 du 26 septembre 1991.
478
conformes à leur objet statutaire et troubles graves portant atteinte à l’ordre public et
à la sécurité de l’Etat », sans dire en ce qui concerne particulièrement son
association, en quoi ont consisté lesdites activités, en quoi elles ont été non
conformes à son objet statutaire. Examinant ce moyen de défaut de motivation de
l’acte de dissolution querellé, le juge a émis une argumentation qui n’est pas un
modèle de clarté. Il l’a formulée ainsi : « Attendu que s’agissant du défaut de motif,
que l’absence de motif ou une motivation très succincte est sans influence sur la
validité de l’acte administratif »1982. Le seul mérite de cette argumentation est qu’elle
permet de se rendre compte que pour le juge, le moyen allégué est un moyen
inopérant, c’est-à-dire un moyen « qui ne peut exercer aucune influence sur le sort
réservé à l’acte par le juge »1983. Pour le reste, le juge confond défaut de motif et
défaut de motivation. Bref, il assimile la motivation au motif. Portant, il s’agit de deux
formalités distinctes, même si elles sont complémentaires. En effet, si « la motivation
est la formulation des motifs qui sont à la base de la décision »1984, et se rapporte à
la légalité externe, « les motifs sont constitués par les raisons de fait et de droit qui
fondent la décision et relèvent de la légalité interne de l’acte »1985.
Par ailleurs, alors qu’une décision a toujours des motifs, bons ou mauvais,
« elle ne fait pas toujours l’objet d’une motivation, c’est-à-dire qu’elle n’exprime pas
toujours ces motifs »1986.
1982
Il cite, à ce sujet, deux arrêts du CE ; l’un du 22 avril 1955, Association franco-ruisse Rousky Dom ; l’autre
du 16 décembre 1955, Dame Bourgokba.
1983
M. Letourneur, op cit., p.53.
1984
G. Vedel et P. Delvolvé, op cit., p. 291.
1985
Ibid.
1986
Ibid.
1987
G. Blanc, op. cit., p. 496.
1988
Ibid.
479
La complémentarité entre motifs et motivation intervient au niveau du contrôle
du but poursuivi par les responsables de la décision administrative dans le processus
de celle-ci, « dans la perception par les administrés du rôle qu’exerce
l’administration, et enfin dans la sanction par le juge du principe de légalité »1989.
Si l’acte juridictionnel doit toujours être motivé, il n’en est pas de même de
l’acte administratif. Telle est la règle dont il convient de préciser le contenu avant
d’en indiquer les limites.
1989
Ibid.
1990
TE, arrêt n° 208 du 22 juin 1962, Ngongang Alexandre contre Etat du Cameroun.
1991
V. CS/CA, jugement n°75/90-91 du 31 janvier 1991, Mbarga Emile c/ Communauté Urbaine de Yaoundé ;
CS/CA, jugement n°15/97-98 du 26 mars 1998, Noucti Tchokwago c/ Etat du Cameroun.
1992
CS/AP, arrêt n° 02/A du 26 décembre 1996, Atangana Mbarga Albert contre Etat du Cameroun.
480
octobre 1994 portant Statut Général de la Fonction Publique de l’Etat qui exige, en
son 94 al. 1, que toute sanction disciplinaire infligée à un fonctionnaire doit être
motivée. Sans qu’on sache pourquoi, le législateur n’en est pas fait de même pour la
dissolution des associations alors même qu’elle participe d’une remise en cause
d’une liberté publique.
1993
CS/CA, jugement n° 07/97-98 du 26 février 1996, affaire Takoté Megne Madeleine épouse Tignokpa contre
Etat du Cameroun.
1994
CS/CA, jugement n°15/2000-2001 du 25 janvier 2001, affaire Succession Mbarga Raphaël contre Etat du
Cameroun.
1995
M. Dran, op. cit., pp. 594-595.
1996
Ibid. p. 595.
481
faisant pas, « il permet à l’autorité administrative de rester dans ses rapports avec les
administrés, distante, secrète et silencieuse » ; il en résulte une obscurité qui « ne
peut que réduire l’exercice et la portée du contrôle juridictionnel et dont de la
protection des libertés »1997.
Le principe des droits de la défense peut aussi résulter d’un texte législatif ou
réglementaire.
1997
Ibid.
1998
R. Hostiou, op. cit., p. 175.
1999
Voir Hocine Zeghbib, « Principe du contradictoire et procédure administrative non contentieuse », RDP,
1998, pp. 467-503.
2000
M. Lombard, op. cit., p. 192.
2001
CE, 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, GAJA, Paris, Dalloz, 1999, n°61, pp.363-368.
482
de droit de la défense doit donc être réservée à la procédure d’élaboration d’une
décision répressive, qui constitue une institution administrative essentiellement
influencée par les principes du droit pénal »2002. Inspiré par les règles de procédure
contentieuse, « le principe du respect des droits de la défense a un contenu et une
portée sensiblement moins exigeants dans la procédure non contentieuse »2003. En
effet, le juge « veille (…) à la liberté d’action de l’administration et retient une
conception stricte des droits de la défense »2004. Lorsqu’un texte ne l’a pas prévu, il
rejette tout moyen pris de l’irrégularité de la procédure d’édiction de l’acte pour
non respect du principe des droits de la défense. Il en est ainsi dans l’affaire
Organisation Camerounaise des Droits de l’Homme du 26 septembre 19912005 où le
juge a considéré que l’arrêté portant dissolution d’ associations n’avait pas violé ce
principe, comme l’a soutenu la partie requérante, pour la raison que « la loi n°
90/053 du 19 décembre 1990 n’a prévu aucune procédure préalable à l’intervention
de l’arrêté de dissolution du Ministre chargé de l’Administration Territoriale,
notamment une demande d’explication, un avertissement ou une sommation à
l’association qui ne se conforme pas à ladite loi ». A contrario, le juge estime que les
droits de la défense doivent être respectés pour toutes mesures intéressant un
fonctionnaire à partir du moment où un texte l’a prescrit. Il en est ainsi des mesures
disciplinaires2006.
2002
G. Dellis, Droit pénal et droit administratif. L’influence des principes du droit répressif sur le droit
administratif, Thèse dactylographiée, Paris II, 1994, n° 496, cité par Yannakapoulos, op. cit., p. 377.
2003
Y. Gaudemet, Traite de droit administratif, op. cit., p. 621.
2004
Ibid.
2005
Ord. n°19/0/PCA/CS/90-91 du 26 septembre 1991.
2006
En ce sens, v. CCA, 25 octobre 1957, Ebonguè Jean Adalbert contre Administration du Territoire ; CFJ/AP,
19 mars 1969, Moukoko James contre Etat du Cameroun Oriental, CS/CA , jugement n° 05/ 90-91 du 29
novembre 1990, Amougou Linus contre Etat du Cameroun.
2007
CFJ/CAY, 27 janvier 1970, Obam Etémé Joseph contre République Fédérale du Cameroun.
483
principe aux mesures de police2008 pour la raison que celles-ci sont prises dans
l’intérêt de l’ordre public, il a rejeté ce moyen.
Que serait-il advenu s’il s’était agi de la violation d’un principe prescrit par
la loi et constituant de ce fait une formalité substantielle ? Là encore, rien n’obligerait
le juge à retenir ce moyen et à annuler l’acte de dissolution querellé. En effet, en
droit français comme en droit camerounais, le juge accepte, pour diverses raisons
d’espèce, de ne pas considérer comme une source d’illégalité l’inobservation des
règles de procédure, alors même qu’elles ont un caractère « substantiel », estimant
que la méconnaissance de la règle procédurale n’a pas été susceptible d’avoir
réellement une influence sur la décision entreprise2009. Le juge administratif le dit
clairement dans l’affaire OCDH : « Attendu que quand bien même cela était et qu’il
s’agirait d’une formalité substantielle, la doctrine émet que le juge peut être amené à
trouver dans les circonstances particulières de l’affaire des motifs de rejeter le moyen
tiré de l’irrégularité de la procédure quand il ressort du dossier, comme en l’espèce,
que la prétendue irrégularité est sans influence sur le sens de la décision alors
surtout que le but visé par le législateur (respect de l’ordre public) a été atteint en
fait ». Il est donc clair que le juge n’était pas disposé à annuler la mesure de
dissolution querellée, même si la loi imposait le droit pour la requérante « de
développer, pour la défense de ses intérêts, des objections contre » cette
décision2010.
2008
CE ; Ass. 21 juillet 1970, Krivine et Franck, p. 499, AJ 1970, p.607 Chronique D. Labetoulle et P.
Cabanes, JCP. 11971 n° 16672, note D. Lochak : dissolution d’une association ; CE, 18 juin 1975, Dame Conu,
p. 362, D. 1975, IR, p 219 ; fermeture d’un débit de boisson.
2009
V.CE, 4 juillet 1952, Decharme, Rec. P. 362, CE, ASS 7 mars 1975, Association des amis de l’Abbaye de
Fonte-vraud, AJDA, 1976, p. 208, note Hostiou.
2010
V. CE, Sect,15 juillet 1964, Sterboul, Rec., p . 406 ; CE, 29 juin 1990, Mme Poncin, Rec. P. 818.
484
B. LA REFUTATION DES CONTESTATIONS PORTANT SUR
L’ILLEGALITE INTERNE DE LA MESURE DE DISSOLUTION
Un acte est légal sur le plan interne lorsque son contenu, ses motifs et son but
sont conformes au droit en vigueur ou plus précisément au texte sur lequel il se
fonde. L’illégalité interne d’un acte implique soit que cet acte a violé la loi ou le
règlement en vigueur, soit qu’il s’est détourné du but qui devrait être le sien2011.
2011
Sur ces questions, V. R Chapus, Droit administratif général, T1, 13e éd, op. cit., pp. 994 et suiv. ; G. Dupuis,
M.- J. Guédon et P. Chrétien, op.cit, pp. 436-439.
2012
Ordonnance n° 19/0/PCA/CS/ 90-91 du 26 septembre 1991, affaire OCDH contre Etat du Cameroun :
ordonnance n° 20/0/PCA/CS/90-91 du 26 septembre 1991, affaire Kom Ambroise contre Etat du Cameroun.
2013
Ordonnance n° 19/0/PCA/CS/90-91 du 26 septembre 1991 et ord. n°21/0/PCA/CS/90-91 du 26 septembre
1991, affaire Cap-Liberté contre Etat du Cameroun.
485
sécurité de l’Etat. Le contexte et les arguments utilisés par le juge pour réfuter
l’illégalité interne de la mesure de dissolution amènent à penser que le juge a
construit en matière de dissolution d’association, une jurisprudence plus politique
que juridique. En refusant de prescrire la mesure d’urgence définitive sollicitée par
les parties requérantes, il a pris le parti de l’Etat ; or, en matière de police
administrative, la liberté doit être le règle et la restriction (de police) l’exception.
Dans l’affaire OCDH, la partie requérante a indiqué que selon ses statuts, son
association a pour objet « la promotion et la défense des droits de l’homme et
notamment par l’information, l’éducation, la culture et tout moyen pacifique ainsi que
tous autres intérêts s’y rattachant directement ou indirectement et qu’il était constant
que depuis sa création, elle avait engagé une vaste campagne d’information et de
sensibilisation des citoyens camerounais sur leur droits et leurs devoirs ».
486
Cameroun et que ses réunions et décisions allaient dans ce sens, que dès lors, la
participation de son association aux travaux et activités de la coordination entrait
dans le cadre de son objet statutaire. Pour lui, l’Administration devait préciser en quoi
son association s’était écarté de son objet ; le simple fait de dire que son association
a pris part aux travaux de la Coordination des partis politiques d’opposition et
associations « n’établit pas ipso facto (…) que Cap-Liberté s’est écarté de son objet
statutaire ».
Au regard de ce qui précède, le problème était donc de savoir, non pas si les
associations dissoutes ont participé aux travaux de la coordination des partis
politiques et associations, mais si cette participation était conforme à leur objet
statutaire. Le juge était donc appelé à effectuer un contrôle de qualification des faits.
Comme l’écrit Patrice Rolland, « l’efficacité du juge se mesure (…) à son aptitude à
déclarer la violation. Il le fera techniquement en interprétant le droit en vigueur et en
qualifiant les faits ou les actes juridiques. C’est là qu’il pourra faire preuve de timidité
ou d’audace dans la définition de ce qui constitue la violation et qu’on trouvera les
limites humaines de ce procédé de protection ».2014 Ainsi, « le juge précise ou clarifie
le droit et aide par là au respect des libertés garanties »2015. Tel n’a pas été l’attitude
du juge dans la qualification des faits reprochés aux associations dissoutes. Dans
les trois décisions rendues, il a estimé qu’en s’associant au sein de la « Coordination
des partis politiques d’opposition et associations », aux partis politiques dont le but
est par essence, « la lutte pour la prise du pouvoir », ces associations, organismes
qui se veulent défenseurs des droits de l’homme, donc en principe apolitiques, se
sont écartés de leur objet.
Pour le juge donc, les faits reprochés aux associations dissoutes justifiaient la
décision prise par l’Administration. Ceci revient à dire que, au de-là du fait qu’elle a
« exactement examiné la situation dans sa matérialité »2016, elle l’a « qualifiée
juridiquement d’une manière correcte »2017.
Dans l’affaire Kom Ambroise, le juge cite l’article 4 des statuts de l’association
dissoute pour démontrer que l’association dissoute s’est détournée de son objet en
s’associant aux partis politiques. Cet article 4 dispose qu’elle « travaillera pour que la
2014
Patrice Rolland, La protection des libertés en France, Paris Dalloz, 1995 , p.56.
2015
Ibid.
2016
Ch. Debbasch et J-C. Ricci, op. cit., p. 62.
2017
Ibid.
487
loi fondamentale, les textes et législatifs et réglementaires de la République, les
Accords et Conventions auxquels le Cameroun sera partie, obéissent aux
prescriptions de base des instruments internationaux de référence de la protection et
de la promotion des droits de l’homme (…) » . Dans l’affaire OCDH, il cite également
une disposition statutaire de l’association dissoute selon laquelle ses fondateurs
« s’engagent à fonder leur action sur les textes internationaux régulièrement ratifiés
par le Cameroun, sur sa Constitution, sur ses lois et bonnes mœurs (…) », pour
démontrer qu’elle s’est écartée de son objet statutaire.
Il faut dire, à la vérité, que ces références aux statuts des associations ne
prouvent nullement qu’elles se sont détournées de leur objet statutaire et ce d’autant
plus qu’en tant qu’organisations agissant dans le domaine des Droits de l’homme,
elles étaient forcément appelées à s’intéresser à la politique, pas au sens de
conquête et d’exercice du pouvoir, mais dans ses rapports avec les citoyens, dans le
sens du respect des droits et libertés de ceux-ci par l’Etat. Autrement dit, ces
associations, comme toutes les autres, n’avaient pas une vocation politique, mais
étaient appelées à protéger et à promouvoir les droits de l’homme qui sont aussi
bien politiques, sociaux, économiques que culturels. Il est clair que même si elles ne
devaient pas faire de la politique ou s’ingérer dans les affaires politiques, elles ne
pouvaient pas s’en désintéresser non plus, bien qu’elles soient, en principe apolitique
comme l’a dit le juge. De fait, un « organisme qui se veut défenseur des droits de
l’homme », se préoccupe forcément des questions relatives à la démocratie et aux
droits politiques des citoyens ; son rôle étant de les protéger et de les promouvoir.
Le vrai problème dans ces affaires est qu’elles ont eu une connotation
politique, amenant à penser que le juge a rendu une décision plus politique que
juridique. En effet, vu le contexte d’alors, le juge n’a pas voulu, probablement,
affaiblir un pouvoir qui était déjà fortement contesté dans l’opinion, par les partis
politiques et surtout par des associations qui avaient une très grande capacité de
mobilisation des masses populaires et dont l’influence au sein de la « Coordination
des partis politiques d’opposition et associations » était immense. Le pouvoir ne
pouvait reprendre le contrôle de la situation qu’en prononçant la dissolution des
associations les plus représentatives dans l’opinion pour réduire la capacité
d’influence et d’action des partis politiques de l’opposition. Le soutien du juge a donc
été le bienvenu, voire salutaire. C’est tout logiquement qu’il a estimé que la
488
participation des associations dissoutes aux assises de ces partis d’opposition était
non seulement contraire à leur objet statutaire mais qu’en plus elle était de nature à
porter atteinte à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat.
Le problème des motifs de fait est qu’ils sont en général définis avec
beaucoup moins de précision que les motifs de droit ; « c’est dire qu’est laissée aux
autorités administratives une assez large latitude quant à l’appréciation de l’existence
des circonstances de nature à justifier la prise d’une décision »2021. Ceci implique,
par conséquent, « un rôle important du juge administratif en matière de qualification
des faits »2022 ; un rôle qu’il doit assumer avec efficacité, neutralité et impartialité ; le
contrôle de la qualification des faits étant considéré comme un contrôle objectif2023.
2018
S. Ktistaki, L’évolution du contrôle juridictionnel des motifs de l’acte administratif, Thèse, Paris, LGDJ,
1991, p.2.
2019
CS/CA, jugement n° 04/91-92 du 28 novembre 1991, Chi Stephen contre Etat du Cameroun.
2020
J-M Auby et R. Drago, T2, op. cit.,p.371. V. aussi, R. Degni-Segui, « Le contrôle sur l’administration
ivoirienne par la voie du recours pour excès de pouvoir », op. cit., p.175.
2021
F-P. Benoît, op. cit. , p. 547.
2022
Ibid.
2023
J.M. Auby et R. Drago, T2, op. cit., p. 371.
489
avait porté « gravement atteinte à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat »2024 comme
l’avait soutenu l’Administration dans sa décision. Les arguments avancés par les
parties requérantes y ont été certainement pour quelque chose.
Dans l’affaire OCDH, la requérante estimait, d’une part que nulle part dans
l’arrêté il n’était dit en quoi son association avait porté atteinte à l’ordre public,
« encore que cette notion ne puisse s’appliquer aux activités d’une organisation
humanitaire dont les buts sont la recherche d’une société dans laquelle chacun soit
instruit de ses droits et de ses devoirs vis-à-vis de la collectivité », et, d’autre part,
que « l’atteinte à la sécurité de l’Etat est une notion extrêmement précise dont la
gravité implique des preuves et éléments qui » font défaut dans l’arrêté critiqué.
Pour lui, le Ministre de l’Administration Territoriale a détourné son pouvoir à d’autres
fins, d’autant plus qu’il n’a pas prononcé la dissolution de toutes les associations qui
avaient participé aux travaux de la coordination des partis politiques d’opposition et
associations. Dans l’affaire Kom Ambroise, le requérant observait que ce Ministre
n’avait ni prouvé, ni offert de prouver en quoi les actes de son association avaient
porté gravement atteinte à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat, au sens de l’article
13 al 2 de la loi n° 90/053. Enfin, dans l’affaire Cap-Liberté, le requérant estimait que
le motif de « troubles graves portant atteint à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat »
allégué par l’Administration était Sibyllin dans le sens où il était difficile pour le juge
administratif « de savoir si les troubles reprochés à Cap-Liberté existent et s’ils
existent, sont-ils de nature à troubler l’ordre public et la sécurité de l’Etat ». Il
constatait, comme les autres requérants, que le libellé de l’arrêté litigieux ne précisait
pas « lesquelles des activités de Cap-Liberté ont porté gravement atteinte à l’ordre
public et à la sécurité de l’Etat ».
Pour réfuter ces différents arguments et montrer que par leurs agissements
les associations dissoutes avaient violé la loi, le juge a procédé à une démonstration
dont l’imprécision le dispute au parti pris. Pour lui, ces associations se sont rendues
coupables de la violation de la loi par leur participation à la coordination des partis
politiques d’opposition et associations « dont les mots d’ordre sont " villes mortes" et
"désobéissance civique", slogans qui par leur évocation même ne peuvent que
troubler l’ordre public, voire porter atteinte à la sécurité de l’Etat ».
2024
Al.2 article 13 de la loi n° 90/053.
490
Il faut en convenir que cette argumentation n’atteste nullement la violation de
la loi par les associations dissoutes. D’une part, la matérialité des faits reprochés à
ces associations, à savoir l’atteinte à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat n’est pas
établie ; elle est virtuelle, projetée ; d’autre part, leur qualification juridique est
supposée et non vérifiée. Ce qui est finalement reproché à ces associations par le
juge ce n’est pas qu’elles aient porté atteinte à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat,
puisqu’il ne le dit et ne le démontre pas, c’est le fait qu’elles aient participé au sein
d’une structure dont les mots d’ordre sont "villes mortes" - concept qui peut être
compris ou appréhendé diversement-, "désobéissance civique" - notion dont la
conceptualisation et la mise en œuvre sous d’autres cieux a permis la libération des
peuples de l’emprise des régimes dictatoriaux ou favorisé l’émancipation des
peuples et citoyens opprimés du fait de la couleur de leur peau-, qu’il considère
comme des « slogans qui par leur évocation même ne peuvent que troubler l’ordre
public, voire porter atteinte à la sécurité de l’Etat ». Le juge n’a pas recherché si les
faits reprochés aux associations dissoutes constituaient un trouble ou une menace
de trouble pour l’ordre public et une atteinte à la sécurité de l’état ou si ces faits
constituaient « une menace effective de désordre »2025.
2025
G. Dupuis, M.-J. Guédon et P. Chrétien, op.cit, p. 473.
2026
S Ktistaki, op.cit , p. 105.
2027
Ibid.
2028
Ibid.
2029
Ibid., p, 127.
2030
Achille Mestre, Le Conseil d’Etat, protecteur des prérogatives de l’administration, Paris, LGDJ, 1974,
p. 212.
491
L’esprit de la politique jurisprudentielle du juge administratif en matière de
dissolution d’associations pour des motifs d’ordre public peut être comprise à partir
des conclusions du Commissaire du Gouverneur Corneille dans l’affaire Baldy2031 où
il énonçait ce qui suit : « Il n’est pas nécessaire que la mesure de police soit justifiée
par des troubles déjà survenus, des faits positifs, il suffit qu’elle vise de façon précise
des faits éventuels… que le fait prohibé par l’acte attaqué soit susceptible, après
l’expérience passé, d’après des analyses de circonstances, d’amener des troubles
ou simplement de regrettables contre-manifestations ». On mesure alors « le
caractère obligatoirement paradoxal du raisonnement auquel se livre » le juge
administratif qui ne se fonde que « sur de simples conjectures »2032. Ainsi,« la
solution par lui donnée est déduite d’un avenir hypothétique qui n’a jamais été vécu.
La condition supposée virtuellement réalisée », il «prétend en mesurer le degré »2033.
Il faut ajouter à cela le fait que ni l’ordre public, ni la sécurité de l’Etat ne sont
définis ; de même, les cas dans lesquels ils ont été menacés n’ont pas été clairement
déterminés par le juge. Pourtant, c’est à lui qu’il revenait de le faire. Il lui appartient
de dire « quels sont les troubles ou les menaces de trouble qui justifient
l’intervention des autorités de police (…) »2034 ; ce qui l’amène à définir le contenu
abstrait de la loi.
2031
Conclusions Corneille sur CE, 10 Août 1917, Rec., p. 6637.
2032
A. Mestre, op.cit, p. 213.
2033
Ibid.
2034
M. Dran, op. cit., p. 311.
2035
Luc Ndjodo, in Le contentieux administratif et l’Etat de droit, Actes du séminaire d’échange et de
perfectionnement, Marrakech , 14-21 décembre 1996, Agence de la francophonie, 1997 , p.253.
2036
Joseph-Marie Bipoun Woum, « Recherches sur les aspects actuels de la réception du droit administratif
dans les Etats d’Afrique noire d’expression française : le cas du Cameroun », RJPIC n°3, 1972 , p. 374.
2037
Pierre le Mire, « La stabilité des situations juridiques (l’évolution de la jurisprudence relative au retrait et à
l’abrogation) », AJDA, 1980, p. 208.
492
sortes d’interprétations et légitime toutes les interventions du pouvoir (…) »2038.
D’ailleurs, les tentatives doctrinales d’appréhension de la notion de l’ordre public
demeurent soit partielles, soit partiales, et évoluent en fonction de l’appréciation
qu’en fait le juge administratif2039 .
2038
Joseph Binyoum, Le contentieux de la légalité en droit administratif camerounais, thèse, Droit, Toulouse,
1979, p. 66.
2039
Voir par ex., Etienne Picard, La notion de police administrative , thèse, Paris, LGDJ, 1984, T1 et T2 ; Paul Bernard, La
notion de l’ordre public en droit administratif, thèse, Paris, LGDJ, 1962, 262p ; Philippe Beaud, La notion de liberté
publique en droit français, thèse Paris, LGDJ, 1968, 476 p. ;.M. Dran, op.cit ; Jean Yves Chérot, « La notion d’ordre public
dans la théorie de l’action administrative », in La police administrative existe-t-elle ?, la dir. de Didier Linotte, Presses
Universitaires d’Aix Marseille, 1985, pp. 30-35.
2040
M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, op. cit., p.549.
2041
Dans ce sens, voir P.-F Benoît, op. cit. , pp. 749-746.
2042
Concl. Corneille Précitées.
2043
CE, 19 mai 1933, Benjamin.
2044
Français Sarda, « L’intervention du pouvoir dans les instances judiciaires », Pouvoirs n° 16, 1981, p. 78.
2045
Ibid..
2046
Concl., sur CE, 31 janvier 1959, Grange, Rec., p. 85.
493
pas entraver l’action des autorités publiques », bien que souvent, il s’efforce « de
concilier les nécessité de l’ordre public avec l’aspect des libertés individuelles ».
C’est pour d’autres raisons, juridiquement valables, cependant, que le juge
administratif a méconnu l’irrégularité de l’application de la mesure de dissolution
d’associations prononcée par l’administration.
L’acte administratif unilatéral est à l’image de son auteur : il naît, vit et meurt.
Sa naissance résulte d’un processus qui intègre des règles de compétence, de
forme, de procédure et de fond. Sa vie est relative à son application, laquelle prend
en compte son entrée en vigueur et son exécution ; enfin, sa mort se traduit par sa
sortie de vigueur qui peut être de son fait, le fait de l’Administration, du juge ou même
le fait d’un événement imprévu.
2047
Y. Gaudemet, Traité de droit administratif, op. cit., p. 622.
2048
Ch. Eisenmann, « Sur l’entrée en vigueur des normes administratives unilatérales », Mélanges
Stassinopoulos, LGDJ, 1974, p. 201, aussi Jean-Pierre Dubois, « L’entrée en vigueur des normes administratives
unilatérales », Etudes en l’honneur de Georges Dupuis, Paris, LGDJ, 1997, p. 103.
2049
J. Morand-Deviller, op. cit., p. 332.
494
être opposable aux tiers. Le juge administratif camerounais a eu à le préciser dans
l’affaire Messomo Atenen Pierre du 30 septembre 19692050 en ces termes : « (…)
considérant qu’il échet de distinguer entre la validité de l’acte administratif et son
opposabilité aux tiers ; que l’acte administratif entre en vigueur du fait et à partir de
son émission par l’autorité administrative même s’il ne devient opposable aux
administrés que du jour où il a été porté à leur connaissance après un procédé de
publicité ; qu’en d’autres termes, l’acte administratif est exécutoire et opposable à
l’administration elle-même dès sa signature indépendamment de toute publicité dont
l’objet est en effet non pas de rendre la loi ou le décret exécutoire mais seulement
opposable aux tiers ». Cependant, si la publicité n’est pas une condition de la validité
de l’acte, « en revanche, elle conditionne l’applicabilité de la norme »2051. A défaut
d’accomplissement de cette formalité, « l’acte est pratiquement dépourvu
d’effet »2052.
Par ailleurs, l’effet produit par l’acte émis et publié ne doit concerner que
l’avenir ; autrement dit, l’administration ne peut faire remonter l’effet de l’acte au-delà
de la date à laquelle il intervient : c’est la règle de la non rétroactivité des actes
administratifs.
Dans les affaires OCDH et Kom Ambroise, le juge a été confronté à ces questions
de publicité et de non rétroactivité des actes administratifs. En ce qui concerne d’abord la
formalité de publicité, les requérants dans ces deux affaires ont estimé qu’elle avait été
violée en ce que l’Administration n’avait pas cru devoir leur notifier l’acte de dissolution
querellé, moyen que le juge a rejeté comme vain, la formalité ayant effectivement eu lieu
(A). Pour ce qui est de la règle de la non rétroactivité, c’est dans l’affaire Kom Ambroise
que le requérant a soutenu qu’elle avait été violée par l’administration en ce que celle-ci
avait fait rétroagir la décision de dissolution à la date de sa signature. Ce moyen a été
également rejeté par le juge (B).
Le défaut de publicité est sans effet sur la validité de l’acte qui doit s’apprécier
au moment de l’émission de celui-ci. Ainsi, l’acte non publié n’en demeure pas moins
2050
CFJ /CAY, arrêt n° 90 du 30 septembre 1969, Messomo Atenen Pierre contre Etat du Cameroun.
2051
R. Hostiou, op. cit., p. 133.
495
valide. Le défaut de publicité a seulement pour conséquence de le rendre
inopposable aux tiers. Encore qu’il faille distinguer pour les actes particuliers ceux qui
sont créateurs de droits et ceux que ne le sont pas.
Dans les affaires OCDH et Kom Ambroise, les requérants ont argué que
l’Administration n’a pas cru devoir leur notifier l’acte querellé alors que la publicité a
pour effet de porter la décision à la connaissance des intéressés, de faire courir les
délais de recours et de rendre l’acte opposable. Citant un arrêt du CE en date du 2
mai 1945, Beauvallet, le juge a réfuté cet moyen en affirmant que « la notification est
considérée comme valable lorsque l’intéressé en a simplement entendu la lecture ».
2052
Ibid.
2053
CE, Sect., 19 décembre 1952, Demoiselle Mattei.
2054
CE, 22 mars 1907, Dame des Planches, Rec. p. 293 ; S. 1910, III, 33, note Hauriou ; CE, 19 janvier 1973,
Ministre de l’Education Nationale contre Battais et autres.
2055
G. Dupuis, M -J. Guédon et P. Chrétien, op. cit., p. 633.
496
Dans l’affaire OCDH, en particulier, il fait observer « qu’il ressort de l’aveu même de
la requérante qu’elle a entendu lecture de l’arrêté querellé par la voie des ondes ».
Ce faisant, il admet qu’ en plus du fait que la notification doit consister « en la remise
à l’intéressé d’une copie de l’acte »2056, elle peut aussi être faite par voie de radio.
Une telle possibilité doit cependant être regardée comme une exception au principe.
D’abord, parce que l’intéressé peut ne pas être à l’écoute de la radio au moment où
l’acte est lu, et si tel est le cas, l’acte ne saurait lui être opposable. Ensuite, il faudra
rapporter la preuve que la lecture de l’acte a été entendu à la radio. Une telle
modalité ne peut être appliquée que si l’acte est favorable à l’intéressé. D’ailleurs,
alors même qu’il avait énoncé cette modalité de notification, le juge n’a pas cru
devoir l’appliquer dans les espèces analysées, car s’il l’avait fait, les requérants
auraient été déclarés forclos. Aussi, a-t-il procédé à la détermination de la date à
laquelle ils avaient effectivement reçu notification de l’acte de dissolution contesté.
C’est pour cette raison que dans les affaires OCDH et Kom Ambroise, le juge
a été amené à déterminer la date à laquelle les intéressés avaient reçu notification
de l’acte querellé. Ainsi, dans l’affaire OCDH, bien qu’il ait déclaré qu’il ressort de
l’aveu même de la requérante qu’elle a entendu lecture de l’arrêté querellé par voie
des ondes, il a tenu à préciser ce qui suit : « Attendu qu’effectivement l’ OCDH a eu
par ailleurs notification de l’arrêté attaqué le 16 août 1991, date prise en
considération par la présente ordonnance comme point de départ du délai de recours
contre ledit arrêté ». Il faut cependant indiquer qu’il ressort de la relation des faits par
2056
M. Hauriou, op. cit., p. 430.
497
la requérante que c’est à cause de ses multiples démarches auprès de
l’Administration qu’elle a pu avoir copie de l’acte querellé à la date retenue par le
juge. Dans l’affaire Kom Ambroise, il a indiqué que le requérant a reçu notification à
personne de l’arrêté querellé le 28 août 1991, date qu’il a pris en compte comme
point de départ du délai de son recours.
Il résulte de ce qui précède que non seulement la notification a été faite, mais
qu’en plus, elle a été régulière. La jurisprudence ainsi formulée par le juge dans ces
affaires a été confirmée dans des décisions ultérieures. Pour le juge, en effet, la date
de la notification est celle à laquelle l’intéressé a reçu copie de l’acte. Si cette date
n’est pas connue ou donnée avec précisions par les différentes parties, le juge
considère, pour la computation des délais de recours, comme date de notification
celle à laquelle une copie de l’acte a été signée et certifiée conforme2057.
2057
CE/ CA, jugement n° 30/93-94 du 31 mars 1994, affaire Tchouankeu Joseph contre Etat du Cameroun.
2058
CCA, arrêt n° 636 du 10 août 1957, Njock Jean contre Administration Territoriale. Dans le même sens,
CS/AP, arrêt n° 01 /A du 11 décembre 1997, Procureur Général près la Cour Suprême contre Eba Emmanuel.
2059
G. Vedel et P. Delvolvé, T1 op. cit., p. 303.
498
Si l’Administration peut retarder l’entrée en vigueur d’un acte en indiquant
expressément que son application prendra effet à une date postérieure à sa
publication où à sa notification, elle ne peut, par contre, prévoir que cet acte
commencera à prendre effet à une date antérieure à son édiction. Tel peut être saisi
le principe de la non rétroactivité des actes administratifs unilatéraux qui naguère
rattaché à l’article 2 du Code Civil, a été consacré par les juges administratifs
français2060 et camerounais2061 comme un principe général du droit.
2060
V . CE, 2 mai 1947, Devouge, S. 1948 ; 3.8 ; CE, 25 juin 1948, Société du Journal l’Aurore, S. 1948, 2. 69,
concl. Letourneur, D., 1948. J. 437, note Waline ; JCP, 1948. 2. 4427, note Mestre.
2061
CFJ /CAY, 29 mars 1969, sieur Emini Tina Etienne contre Etat du Cameroun.
2062
G. Vedel et Delvolvé, T1, op. cit., p. 303.
2063
Olivier Dupeyroux, La règle de la non rétroactivité des actes administratifs, thèse, Paris, LGDJ, 1953, p. 50,
cité par C. Yannakopoulos, op. cit., p. 158.
499
s’appliquer à des faits ou des actes antérieurs à la date à laquelle cet acte est
devenu opposable aux tiers par l’accomplissement des formalités de publicité
requises » . C’est pourquoi il réfute le moyen de violation allégué par le requérant :
« Attendu que le fait qu’un acte administratif dispose qu’il prend effet à compter de la
date de signature ne viole pas le principe de la non rétroactivité lorsqu’il n’est pas
établi ni évoqué que son application a violé les formalités de publicité à savoir la
notification, celle-ci étant par ailleurs considérée comme valable lorsque l’intéressé
en a simplement entendu lecture ». Comme l’écrit J-F Brisson, « la volonté d’assurer
la sécurité des rapports juridiques entre l’administration et les administrés apparaît à
l’évidence comme le fondement principal de ce principe »2064. En effet, il serait
« illogique et inéquitable »2065 d’exiger des administrés qu’ils agissent avant la règle
en fonction de ce qui ne peut exister que par elle2066. A partir du moment où « la
fonction du droit est d’assurer la sécurité, la stabilité des situations juridiques », elle
« serait méconnue si l’on appliquait une règle juridique à des actes ou à des
agissements intervenus à une époque où l’on ne connaissait pas l’existence de cette
règle »2067.
2064
J-F. Brisson, op. cit. p. 295.
2065
J. Puisoye, « L’application du principe de non rétroactivité des actes administratifs », S., 1961, I, p. 45.
2066
CE, 30 Janvier 1959, Metge, Rec. p. 89 : « L’autorité administrative ne saurait sans porter atteinte au
principe de non rétroactivité des actes administratifs, fixer le point de départ d’un délai à une date antérieure à
celle de l’entrée en vigueur du texte instituant le dit délai ».
2067
M. Rougevin-Baville, R. Denoix de Saint Marc et D. Labetoulle, Leçons de droit administratif, Paris,
Hachette, 1989, p. 114.
2068
Pour un développement exhaustif sur les limites au principe de la non rétroactivité des actes administratifs, voir. J.
Carbajo, L’application dans le temps des décisions administratives exécutoires, thèse, Paris, LGDJ, pp. 73-103.
2069
M. Rougevin-Baville et autres, op. cit., p. 296.
500
Il se dégage de ce qui précède que l’acte portant dissolution d’associations
édicté par le Ministre de l’Administration territoriale n’était pas un acte rétroactif .Sur
ce point, sa validité ne pouvait et ne peut être contestée.
Au terme de cette réflexion sur les mesures édictées par le juge administratif
camerounais en matière électorale, en matière de légalisation de partis politiques et
de dissolution d’associations, il y a lieu de se rendre compte que le fait pour le
législateur d’avoir prévu des dispositions spéciales pour le règlement desdites
affaires n’implique pas forcément que le juge est tenu de prendre des mesures
d’urgence définitives au profit des requérants. L’analyse menée a montré que la prise
en compte de l’urgence dans l’édiction des décisions par le juge est essentiellement
contingente en particulier en matière électorale et en matière de légalisation des
partis politiques. En matière de dissolution des associations, l’urgence dans la
prescription des mesures est méconnue totalement par le juge. Il est vrai qu’en cette
matière, les décisions rendues jusque-là sont peu nombreuses. Ceci justifie peut-être
cela. Dans cette matière comme dans les autres, toute analyse est essentiellement
provisoire ; il en est de même des conclusions que l’on peut en tirer. La raison en est
que la matière juridique en général et contentieuse en particulier est essentiellement
mouvante, fluctuante et évolutive. Cette réserve faite, il y a lieu de dire que la prise
en compte contingente de l’urgence par le juge administratif camerounais affecte
dans toutes ses composantes la situation contentieuse tant dans les matières
accessoires que dans les matières spéciales.
501
CONCLUSION GENERALE
502
Au terme de ce travail, il se dégage et se confirme que l’urgence est prise en
compte de façon contingente par le juge administratif camerounais dans les
contentieux accessoires et spéciaux. Le temps du juge n’est pas le temps du
justiciable. Les solutions apportées par lui ne sont pas toujours celles auxquelles
s’attend le requérant. Cette considération au coup par coup de l’urgence affecte la
procédure contentieuse et a des effets sur la situation contentieuse. Ce faisant, elle
constitue une cause majeure des rythmes insatisfaisants de la justice administrative
au Cameroun.
503
de recevoir telle ou telle demande, indépendamment de toute considération
d’urgence. L’instance contentieuse, quant à elle, est alourdie en ce que, d’une part,
le cadre formel connaît un allégement limité aussi bien au niveau de l’instruction qu’à
celui du jugement des demandes, et que, d’autre part, le cadre temporel s’étire au-
de-là de la limitation textuelle et s’allonge au niveau de l’examen des voies de
recours. Il en est ainsi en matière électorale et dans les autres matières.
504
Il se dégage de ce qui précède la nécessité de prendre en compte l’urgence
de façon permanente, car elle est un gage certain d’une meilleure administration de
la justice administrative au Cameroun.
Tout ceci ne serait pas suffisant ou n’aurait pas d’effet réel s’il ne s’instaure
et ne se développe au sein de cette juridiction une véritable « culture de l’urgence ».
2070
Laurent Cohen-Tanugui, « L’avenir de la justice administrative », Pouvoirs n°46, 1988, p.20.
2071
Y. Gaudemet, « L’ avenir de la juridiction administrative », Gaz. Pal., 1979, p.512.
505
En plus des conditions spécifiques de possibilité, il faut également des
conditions généraux de possibilité soit remplies pour une justice efficiente et
efficace.
C’est à ces conditions que l’urgence pourra avoir droit de cité dans l’activité
juridictionnelle du juge administratif camerounais. Car, comme le disait le sage
Solon, « il ne saurait y avoir de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ».
506
BIBLIOGRAPHIE
507
I. OUVRAGES
A- OUVRAGES GENERAUX
BENOIT (Francis - Paul), Le droit administratif français, Dalloz, Paris, 1968, 897p.
GAUDEMET (Yves), Traité de droit administratif, T1, 16èmeéd. Paris, LGDJ, 2001,
918 p.
508
HAURIOU (Maurice), Précis de droit administratif et de droit public, 12èmeéd., Paris,
Rec. Sirey, 1933, reédition Dalloz, 2002,1150 p (avant-propos
de Pierre DELVOLVE et Franck MODERNE).
509
VEDEL (Georges) et DELVOLVE (Pierre), Droit administratif, T2, 12èmeéd. Paris,
PUF, 1992,802 p.
B- OUVRAGES SPECIALISES
BERNARD (Paul), La notion d'ordre public en droit administratif, Paris, LGDJ, 1962,
262 p.
BRAUD (Philippe), La notion de liberté publique en droit français, Paris, LGDJ, 1968,
476 p.
510
ESTOUP (Pierre), La pratique des procédures rapides- référé, ordonnances sur
requête, procédures d'injonction, Paris, Litec, 1990, 367p.
FAVOREU (Louis), Du déni de justice en droit public français, Paris, LGDJ, 1964,
582p.
JESTAZ (Philippe), L’urgence et les principes classiques du droit civil, thèse, Paris,
LGDJ, 1968, 329p.
511
MOUZOURAKI (Paraskevi), L’efficacité des décisions du juge de la légalité
administrative dans le droit français et allemand, thèse, Paris,
LGDJ, 1999, 509p.
PICARD (Etienne), La notion de police administrative, thèse, T1, Paris, LGDJ, 1984,
445 p.
PICARD (Etienne), La notion de police administrative, thèse, T2, Paris, LGDJ, 1984,
926 p.
ROLLAND (Patrice), La protection des libertés en France, Paris, Dalloz, 1995, 125 p.
II - ARTICLES
512
AUVRET- FRINCK (Josiane), « Les actes de gouvernement, irréductible peau de
chagrin ? », RDP, 1995, pp.131-174.
CHAPUS (René), « Rapport de synthèse »du Colloque sur Le juge administratif face
à l'urgence du 9mars 1984, Gaz. Pal. , 6 juin 1985, pp.317-320.
513
CHAPUS (René), « Qu'est-ce qu'une juridiction ? La réponse de la jurisprudence
Administrative », Recueil d’études en hommage à Charles
EISENMANN, Paris, Cujas, 1977, pp.265-292.
CHEROT (Jean Yves), "La notion d'ordre public dans la théorie de l'action
administrative", in La police administrative existe-t-elle, sous la
direction de D. LINOTTE, Presses Universitaire d'Aix -
Marseille, Marseille, 1985, pp.30-35.
COSSA (A), « L’urgence en matière de référé », Gaz. Pal. ,1955.2, Doc., pp.45-52.
514
DENOIX DE SAINT-MARC (Renaud), «Les notions de" préjudice difficilement
réparable " et de" moyens sérieux" », Gaz. Pal. n°11, 28 février
1985, pp.124-126.
ETCHEGARAY (Jean- René), « Les limites du sursis à exécution », Gaz. Pal. 1985.I.
pp.87-91.
515
FIPA (Jacques),"Le référé devant les juridictions camerounaises", Juridis Périodique
n°38, avril- mai- juin 1999, pp.76-79.
GASSIN (Raymond), « Lois spéciales et droit commun », Dalloz, 1961.I. Chr., pp.91-
98.
GOHIN (Olivier), « Qu’est-ce qu’une juridiction pour le juge français ? », Droits n°99,
1989, pp.93-105.
516
GOHIN (olivier), « La flexibilité dans le contentieux administratif », Mélanges offerts à
Paul SABOURIN, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp.147-166.
GROS (Manuel), «Le juge administratif, la procédure et le temps, RDP, 1999, pp.
1707-1722.
517
HEURTE (André), « Le désistement dans la jurisprudence du Conseil d’Etat », AJDA,
1959, pp.81-91.
KAMDEM (Jean-Claude), « L’intérêt et la qualité pour agir », RCD n°28, 1984, pp.59-
72.
KOFFI AMECA (Louis), « Dix ans de droit en Afrique noire », Penant n°737, 1972,
pp.285-300.
KOUBI (Geneviève), « Acte exécutoire et actes des autorités locales », RDP, 1990,
pp.1493-1523.
518
LAPANNE-JOINVILLE (Jean), « La direction de la procédure devant les tribunaux
administratifs, AJDA, 1965, pp.324-331.
MAILLOT (Jean Luc), « La qualité pour agir du représentant d'une personne morale
devant le juge administratif », Petites Affiches, n°149, décembre
1998, pp.8-12.
MALIGNER (Bernard), « Le contentieux des élections municipales de 1989 »,
RFDA, 1991, pp. 3 -50.
MARKUS (J-P), « Sursis à exécution et intérêt général », AJDA n°4, 1996, pp.251-
263.
519
MEJAN (F.), « Référé administratif, sursis à exécution, expertise d’urgence, R.A,
1954, p.257 et suiv.
ODENT (Bruno), « L’avocat, le juge et les délais », Mélanges René CHAPUS, Paris,
Montchrestien, 1992, pp.483-492.
520
PAUTI (Monique), « Les décisions implicites d'acceptation et la jurisprudence
administartive”, RDP, 1975, pp.1525-1576.
PISSALOUX (Jean Luc), « Réflexions sur les moyens d'ordre public dans la
procédure administrative contentieuse », RDP, 1999, pp.782-
828.
RICHER (Laurent), « L'instance de référé d'urgence », RFDA n°1 avril 2002, pp.269-
271.
521
SAWADOGO (Filiga Michel), « L'accès à la justice en Afrique francophone :
Problèmes et perspectives .le cas du Burkina Faso », RJPIC n°2,
mai- septembre 1995, pp.167-212.
WALINE (Marcel), « Etendue et limites du contrôle du juge administratif sur les actes
de l'administration », EDCE, 1956, pp.25-32.
522
III- THESES ET MEMOIRES
A- THESES
B- MEMOIRES
BERTRAND (L.), Conclusions sur C.E., Section, 14 novembre 1969, sieur EVE, S.,
p.498.
BRAIBANT (Guy), Note sous CE, 1er octobre 1954, Ministre des Finances et des
Affaires Economiques c/ Crédit coopératif foncier, AJDA, 1954.II.
pp.422-424.
BRAIBANT (Guy), Conclusions sur CE, 11 octobre 1963, sieur AGUZOU et autres,
AJDA, 1963, p.630-635.
523
CHARDEAU, conclusions sur CE, 31 janvier 1959, GRANGE, Rec. 85.
DRAGO (Roland), Note sous CE, 19 décembre 1967 Volant et 9 février 1968,
Léguin, RDP, 1968, p.1117.
GENEVOIS (Bruno), Conclusions sur CE, Section, 9 décembre 1983, Rec., pp.499-
504.
524
KAMTO (Maurice), Observations sur l’ordonnance n°9/ OSE/PSA/CS/85-86 du 26
mai1986 affaire Journal « Le Messager » c/ Etat du Cameroun,
in KAMTO (Maurice), Droit administratif processuel du
Cameroun, Yaoundé, PUC, 1990, pp.172-177.
LABETOULLE (Daniel), Conclusions sur CE, 3 mars 1978, AJDA, 1978, pp.581-585.
LAURENT, Conclusions sur CE, Section, 1er octobre 1954, Ministre des Finances et
des Affaires Economiques c/ Crédit coopératif foncier, Rec.,
1954, p. 432.
LASRY, Conclusions sur CE, 12 octobre 1956, BAILLET, Dalloz, 1956, pp.664-665.
LASRY, Conclusions sur CE, 10mai 1957, Sous- Secrétaire d’Etat à la Marine
Marchande c/ Commune de Saint- Brévin - Le – Pins, AJDA,
1957, pp. 246-250.
LASRY, Conclusions sur CE, 15 juillet 1957, Ville de Rouen, RDP, 1958, p.112.
NLEP (Roger Gabriel), Note sur CS/CA, jugement n°12 du 28 janvier 1982, affaire
dame BINAN née NGO NJOM Fidèle c/ Etat du Cameroun,
Penant, 1986, pp.347-360.
RIGAUD (Jacques), Note sous CE, 28 mai 1965, Ep. ERBLAND et autres, AJDA.II.,
pp.380-381.
ROUGEVIN- BAVILLE (Michel), Conclusions sur CE, Section, 25 janvier 1980, Soc.
des Terrassements mécaniques (SOTEM) et Mariani , AJDA,
1980, pp.615- 617.
525
PACTEAU (Bernard), Note sous CE, Ass., 11 juin 1976, Moussa KONE, D., 1977.I.,
pp.38-41.
a. Constitution et lois
Loi n°90/053 du 19 décembre 1990 portant sur la lib erté d’association (modifiée et
complétée par la loi n°99/011 du 20 juillet 1999).
526
Loi n°91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditi ons d’élection des députés à
l’Assemblée Nationale (modifiée et complétée par la loi n°97/013
du19 mars 1997).
Loi n°92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers
municipaux.
Loi n°97/012 du 10 janvier 1997 fixant les conditio ns d’entrée, de séjour et de sortie
des étrangers au Cameroun.
b. Règlements
Décret n°2001/381 du 27 novembre 2001 fixant les co nditions d’élection des membre
de la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Mines et de
l’Artisanat du Cameroun.
a. Gabon
527
b. Centrafrique
c. France
528
ANNEXES
530
531
532
533
534
535
536
537
538
539
540
541
542
543
544
545
546
547
548
549
550
551
552
553
554
555
556
557
558
559
560
561
562
563
564
565
566
567
568
569
570
571
572
573
574
575
576
577
578
579
580
581
582
583
584
ANNEXE 9
Contentieux électoral municipal de 1996
(quelques jugements rendus par la Chambre
administrative de la Cour suprême)
585
586
587
588
TABLE DES MATIERES
589
DEDICACE ........................................................................................................... i
REMERCIEMENTS .............................................................................................. ii
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES ........................................................... iii
SOMMAIRE .......................................................................................................... iv
INTRODUCTION GENERALE ............................................................................. 1
I. IDENTIFICATION DU JUGE ADMINISTRATIF CAMEROUNAIS .................... 3
A- UN ORGANE COLLEGIAL OU PLURIPERSONNEL....................................... 4
1- L’inexistence d’un juge administratif organiquement
autonome.......................................................................................................... 4
2- L’existence au sein de la Cour suprême de deux formations
officiant comme juge administratif .................................................................... 6
a. La Chambre administrative, juge administratif de
Premier ressort ................................................................................................. 7
b. L’Assemblée plénière, juge administratif d’appel .............................................. 7
B. UN ORGANE UNIQUE OU UNIPERSONNEL ................................................. 9
1. L’institution du juge unique dans les contentieux accessoires .......................... 10
2. L’institution du juge unique dans certains contentieux spéciaux....................... 11
II. DETERMINATION DE LA NOTION D’URGENCE ........................................... 13
A. UNE NOTION FONCTIONNELLE ET POLYSEMIQUE .................................. 14
1.L’appréhension de la notion d’urgence à partir de ses effets............................. 16
2. L’appréhension de la notion d’urgence par rapport à une situation de fait........ 17
B. UNE NOTION PROTEIFORME ....................................................................... 19
1. Le critère matériel de détermination des formes d’urgence .............................. 19
2. Le critère formel de détermination des formes d’urgence ................................. 20
3. Le critère finaliste de détermination des formes d’urgence............................... 20
III. LA PLACE DE L’URGENCE DANS LE TRAITEMENT DES CONTENTIEUX
ACCESSOIRES ET SPECIAUX PAR LE JUGE ADMINISTRATIF
CAMEROUNAIS : L’APPREHENSION DU PROBLEME ........................................ 21
A. LA MECONNAISSANCE DE L’URGENCE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF
CAMEROUNAIS DANS LE TRAITEMENT DES LITIGES ADMINISTRATIFS
EN GENERAL............................................................................................................... 22
1. Les manifestations de la méconnaissance de l’urgence ................................... 24
2. Les facteurs explicatifs de la méconnaissance de l’urgence ............................ 25
B. L’INSTITUTION DE PROCEDURES CONTENTIEUSES D’URGENCE ......... 28
590
1. Les procédures d’urgence accessoires ............................................................ 29
a. La procédure du sursis à exécution…………………………………..…………….29
b. La procédure de référé administratif……………………………….………………..31
2. Les procédures d’urgence spéciales.. .............................................................. .33
a. Les procédures d’urgence instituées en matière électorale .............................. .33
α. Les procédures d’urgence instituées en matière de contentieux électoral
municipal ......................................................................................................... 34
β. Les procédures d’urgence instituées en matière de contentieux électoral
au sein des Chambres consulaires ................................................................... 35
b. Les procédures d’urgence instituées dans les autres matières ........................ 39
591
1. La détermination de l’intérêt à agir ................................................................... 56
2. Le détournement de la notion de qualité pour agir au nom d’une personne
morale............................................................................................................... 58
B. LA MECONNAISSANCE DE LA QUALITE POUR AGIR POUR DEFAUT
DE DROITS A PRESERVER............................................................................ 60
1. L’application implicite de la règle "nemo auditur Propriam turpitudinem
allegans" ........................................................................................................... 61
2. La détermination des conditions de détention de la qualité pour agir ............... 62
PARAGRAPHE II : L’OBLIGATION DE PRODUIRE LA DECISION
LITIGIEUSE .......................................................................... 64
A. L’OBLIGATION DE PRODUIRE LA DECISION LITIGIEUSE EN MATIERE
DE SURSIS A EXECUTION ............................................................................. 65
1. L’application de l’obligation en matière de saisie de journaux .......................... 66
2. L’application de l’obligation en matière de recouvrement fiscal ........................ 67
B. L’OBLIGATION DE PRODUIRE LA DECISION LITIGIEUSE EN MATIERE
DE REFERE ..................................................................................................... 68
1. La formulation de l’obligation en matière domaniale ......................................... 69
2. La formulation de l’obligation en matière de clôture des inscriptions sur
les listes électorales.......................................................................................... 70
PARAGRAPHE III : LA JUSTIFICATION DE L’INTRODUCTION D’UN
RECOURS GRACIEUX ....................................................... 71
A. L’APPREHENSION FLUCTUANTE DE LA NECESSITE D’INTRODUIRE
UN RECOURS GRACIEUX .............................................................................. 74
1. L’appréhension de la nécessité d’introduire le recours gracieux en matière
de sursis ........................................................................................................... 75
2. L’appréhension de la nécessité d’introduire un recours gracieux en matière
de référé ........................................................................................................... 78
B. L’APPREHENSION RIGOUREUSE DE L’OBLIGATION D’INTRODUIRE
LE RECOURS GRACIEUX AUPRES DE L’AUTORITE COMPETENTE ......... 81
PARAGRAPHE IV : L’OBLIGATION D’INTRODUIRE UNE DEMANDE
PRINCIPALE ....................................................................... 84
A. UNE CONCEPTION AMBIGUË DE L’OBLIGATION D’INTRODUIRE UNE
DEMANDE PRINCIPALE EN MATIERE DE SURSIS A EXECUTION ............ 84
1. La considération de l’introduction du recours principal comme condition de
592
recevabilité de la demande de sursis ............................................................... 86
a. Le rejet de l’idée d’une demande de sursis introduite avant la demande
principale .......................................................................................................... 86
b. La minoration du recours gracieux comme condition de recevabilité de
la demande de sursis........................................................................................ 91
2. La méconnaissance de l’obligation d’introduire le recours principal comme
condition de recevabilité de la demande de sursis ........................................... 92
a. L’incompatibilité entre l’exigence du recours contentieux et la procédure
de sursis à exécution ........................................................................................ 92
b. La dévalorisation du recours contentieux au profit du recours gracieux ........... 93
B. UNE CONCEPTION RIGIDE DE L’OBLIGATION D’INTRODUIRE
UN RECOURS PRINCIPAL EN MATIERE DE REFERE ADMINISTRATIF .... 95
SECTION II : L’APPRECIATION DE LA RECEVABILITE INTERNE DES
DEMANDES ANNEXES ................................................................. 98
PARAGRAPHE I : LA COMPETENCE DU JUGE ADMINISTRATIF
DE L’URGENCE ..................................................................... 98
A. LA LIMITATION DE LA COMPETENCE DU JUGE DU SURSIS
A EXECUTION ................................................................................................. 98
1. La consécration de la limitation de la compétence du juge du sursis ............... 99
a. Le refus de connaître des demandes sollicitant la suspension de l’exécution
des décisions rendues par des tribunaux de l’ordre judiciaire .......................... 99
b. Le refus de connaître des demandes sollicitant la suspension de l’exécution
des actes portant désignation des chefs traditionnels ...................................... 100
2. La relativisation de la limitation de la compétence du juge du sursis ................ 101
B. LA LIMITATION DE LA COMPETENCE DU JUGE DE REFERE
ADMINISTRATIF .............................................................................................. 102
1. La limitation liée à la nature des actes mis en cause ........................................ 103
2. La limitation liée à la nature du litige ................................................................. 105
PARAGRAPHE II : LA SUBORDINATION DE LA RECEVABILITE
DE LA DEMANDE ANNEXE A LA RECEVABILITE
DE LA DEMANDE PRINCIPALE ........................................ 107
A. L’EXIGENCE DE LA SUBORDINATION EN MATIERE DE SURSIS A
EXECUTION..................................................................................................... 108
B. L’ATTENUATION DE LA SUBORDINATION EN MATIERE DE SURSIS A
593
EXECUTION..................................................................................................... 109
PARAGRAPHE III : L’EXIGENCE QU’IL N’ Y AIT PAS MATIERE A NON LIEU ...... 111
A. LE REJET SYSTEMATIQUE DES DEMANDES ANNEXES POUR DEFAUT
D’OBJET........................................................................................................... 111
1. Le cas de changement de circonstance ........................................................... 111
2. Le cas de la décision déjà exécutée ................................................................. 112
B. LES EFFETS PERVERS DE L’EXIGENCE QU’IL N’ Y AIT PAS MATIERE
A NON LIEU ..................................................................................................... 114
CHAPITRE II : L’INSTABILITE DE L’INSTANCE CONTENTIEUSE
ACCESSOIRE ............................................................................... 117
SECTION I : L’INSTABILITE DE L’INSTANCE ACCESSOIRE INITIALE ............. 119
PARAGRAPHE I : LA FLUCTUATION DU CADRE FORMEL DE
L’INSTANCE ACCESSOIRE INITIALE ................................. 119
A. L’INSTRUCTION DES DEMANDES ANNEXES .............................................. 120
1. L’application à géométrie variable de la contradiction ...................................... 121
a. La suppression de la contradiction ................................................................... 122
α. La suppression explicite de la contradiction ..................................................... 122
β. La suppression non explicitement formulée de la contradiction........................ 123
b. La limitation de la contradiction ........................................................................ 124
2. La communication de la requête au Ministère Public ....................................... 126
a. Une condition de procédure.............................................................................. 127
b. Une portée ambivalente.................................................................................... 127
3. L’examen des incidents de procédure .............................................................. 128
a. L’examen de l’intervention ou le rallongement de l’instruction .......................... 129
b. L’examen du désistement ou le raccourcissement purement formel de
l’instruction........................................................................................................ 131
B. LE JUGEMENT DES DEMANDES ANNEXES ................................................ 133
1. La relative homogénéité du jugement en matière de sursis.............................. 134
2. L’hétérogénéité du jugement en matière de référé administratif ....................... 135
a. L’ambivalence des modalités de jugement ....................................................... 135
b. L’édiction protéiforme de l’ordonnance de référé.............................................. 137
PARAGRAPHE 2 : L’ELASTICITE DU CADRE TEMPOREL DE
L’INSTANCE ACCESSOIRE INITIALE ................................ 138
594
A. L’ELASTICITE DU CADRE TEMPOREL DE L’INSTANCE DUSURSIS
A EXECUTION ................................................................................................. 138
B. L’ELASTICITE DU CADRE TEMPOREL DE L’INSTANCE DE REFERE ........ 140
SECTION II : L’INSTABILITE DE L’INSTANCE ACCESSOIRE DERIVEE......... 142
PARAGRAPHE 1 : L’APPRECIATION DISCRETIONNAIRE DES
VOIES DE RECOURS EN RETRACTATION ....................... 144
A. LA FLUCTUATION DE L’EXAMEN DES RECOURS EN RETRACTATION ... 144
1. L’appréciation des recours en opposition ......................................................... 144
2. L’appréciation des recours en tierce opposition................................................ 146
a. L’appréciation de la tierce opposition en matière de sursis à l’exécution.......... 147
b. L’appréciation de la tierce opposition en matière de référé .............................. 153
3. L’appréciation des recours en révision ............................................................. 154
B. LA VARIATION ET L’EXTENSION DE LA DUREE D’EXAMEN DES
RECOURS EN RETRACTATION ..................................................................... 156
1. La variation récurrente de la durée d’examen des recours en
rétractation en matière de sursis ...................................................................... 157
2. L’extension excessive de la durée d’examen des recours en
rétractation en matière de référé ...................................................................... 158
PARAGRAPHE 2 : L’APPRECIATION CONTINGENTE DE L’APPEL
PAR L’ASSEMBLEE PLENIERE ......................................... 159
A. L’APPLICATION DES REGLES CLASSIQUES REGISSANT L’APPEL .......... 161
1. La recevabilité de l’appel en matière de sursis et de référé .............................. 161
a. La production du mémoire ampliatif .................................................................. 161
b. Le délai d’appel ................................................................................................ 162
2. L’instruction et le jugement de l’appel en matière de sursis et de référé ......... 163
a. L’instruction de l’appel ...................................................................................... 163
b. Le jugement de l’appel...................................................................................... 164
B. UNE DUREE D’INSTANCE D’APPEL CONSTITUTIVE DE DENI
DE JUSTICE..................................................................................................... 165
1. La durée excessive de l’examen des recours ................................................... 166
2. La récurrence des retards anormaux à statuer ................................................. 167
a. Les retards anormaux à statuer sur les appels en matière de sursis ............... 167
b. Les retards anormaux à statuer sur les appels en matière de référé ............... 168
CONCLUSION DU TITRE I .................................................................................. 169
595
TITRE II : LA PRISE EN COMPTE CONTINGENTE DE L’URGENCE DANS
L’APPLICATION DES PROCEDURES CONTENTIEUSES
SPECIALES ........................................................................................ 171
CHAPITRE I : LA FLUCTUATION DU CONTROLE DE LA RECEVABILITE
DES DEMANDES............................................................................ 173
SECTION I : L’APPRECIATION DE LA RECEVABILITE EXTERNE
DES DEMANDES............................................................................ 174
PARAGRAPHE I : LA DETERMINATION DE LA QUALITE POUR AGIR .......... 174
A. UNE DETERMINATION STRICTE DE LA QUALITE POUR AGIR ................ 176
1. La qualité pour contester les opérations relatives aux élections
des conseillers municipaux ............................................................................... 176
a. La qualité pour contester la régularité des opérations relatives à
l’élection des conseillers municipaux en cas de diffamation ............................. 176
b. La qualité pour solliciter la disqualification d’une liste après la
proclamation des résultats du scrutin ............................................................... 177
2. La qualité pour contester l’élection de l’Exécutif municipal ............................... 178
B. UNE DETERMINATION EXTENSIVE DE LA QUALITE POUR AGIR ............ 179
1. L’attribution législative de la qualité pour agir ................................................... 180
2. L’extension jurisprudentielle de la qualité pour agir .......................................... 180
PARAGRAPHE II : LA VERIFICATION DE LA CONFORMITE DES RECOURS
AUX DELAIS LEGAUX DE SAISINE DU JUGE .......................... 183
A. LA VERIFICATION DU RESPECT DES DELAIS DE RECOURS
CONTENTIEUX EN MATIERE ELECTORALE ................................................ 185
1. Un contrôle furtif du respect des délais de recours en matière
de contentieux électoral municipal.................................................................... 185
2. Un contrôle strict du respect des délais de recours en matière
de contentieux électoral au sein des chambres consulaires ............................. 187
a. La prise en compte de l’indétermination de la date de publication
des listes électorales ........................................................................................ 188
b. La prise en compte de la date de proclamation des résultats des élections ..... 190
B. LA VERIFICATION DU RESPECT DES DELAIS DE RECOURS
CONTENTIEUX DANS LES AUTRES MATIERES .......................................... 191
1. La prise en compte de la date de notification de l’acte ..................................... 192
a. La prise en compte de la notification dans le contentieux de la
596
dissolution des associations ............................................................................. 192
b. La prise en compte de la notification dans le contentieux de la
légalisation des partis politiques ....................................................................... 193
2. La prise en compte du défaut de notification de l’acte ...................................... 195
a. Le problème de la preuve de la notification de l’acte ........................................ 196
b. Le refus de prendre en compte "la théorie de la connaissance acquise".......... 197
PARAGRAPHE III : L’OBLIGATION DE PRODUIRE DES ELEMENTS
ANNEXES DE LA DEMANDE ............................................. 199
A. LA CONSIGNATION D’UNE PROVISION ....................................................... 199
1. L’exigence limitée de la consignation d’une provision en matière électorale .... 200
2. L’exigence limitée de la consignation d’une provision dans des
matières non électorales................................................................................... 201
B. LA PRODUCTION DES PIECES JUSTIFICATIVES DE LA DEMANDE .......... 202
1. L’exigence des pièces justificatives de la demande dans le contentieux
des listes électorales au sein de la Chambre de Commerce ............................ 202
2. L’exigence de pièces justificatives de la demande dans l’affaire UPC
du 17 septembre 1992 ...................................................................................... 204
SECTION II : L’APPRECIATION DE LA RECEVABILITE INTERNE DES
DEMANDES .................................................................................... 205
PARAGRAPHE I : LA DETERMINATION DE LA COMPETENCE DU
JUGE ADMINISTRATIF EN MATIERE DE DISSOLUTION
DES ASSOCIATIONS ............................................................ 205
A. LA CONNAISSANCE DES FAITS REPROCHES AUX ASSOCIATIONS
DISSOUTES ..................................................................................................... 206
1. La consistance de la connaissance des faits reprochés aux associations
dissoutes .......................................................................................................... 206
2. La portée de la connaissance des faits reprochés aux associations dissoutes 208
B. LE REFUS D’APPRECIER L’OPPORTUNITE DE LA DISSOLUTION
DES ASSOCIATIONS ...................................................................................... 209
1. Le refus d’exercer le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation des
faits à la base de la dissolution ......................................................................... 210
2. Le refus d’exercer le contrôle de proportionnalité sur la mesure de
dissolution......................................................................................................... 212
597
PARAGRAPHE II : LA DETERMINATION DE LA COMPETENCE DU JUGE
ADMINISTRATIF EN MATIERE DE CONTENTIEUX
ELECTORAL MUNICIPAL .................................................. 215
A. LE REFUS DE CONNAITRE DES LITIGES PORTANT SUR DES
OPERATIONS ANTERIEURES OU LIEES A L’ELECTION DES
CONSEILLERS MUNICIPAUX ......................................................................... 217
1. Les litiges portant sur des opérations antérieures à l’élection ......................... 217
a. Les litiges portant sur l’électorat ....................................................................... 217
b. Les litiges portant sur les candidatures et le comportement des candidats
ou leurs représentants ...................................................................................... 218
c. Les faits commis lors de la campagne électorale ............................................. 220
2. Les litiges portant sur des opérations liées à l’élection ..................................... 220
a. Les litiges relatifs au déroulement du scrutin .................................................... 221
b. Les litiges portant sur la remise et la falsification des procès-verbaux du
dépouillement du scrutin ....................................................................................... 222
B. LA CONNAISSANCE DES LITIGES PORTANT SUR DES OPERATIONS
ANTERIEURES A L’ELECTION DES CONSEILLERS MUNICIPAUX ............ 224
1. La connaissance des litiges portant sur la régularité des actes pris par
le Préfet dans le cadre des opérations préparatoires aux élections
municipales……………………………………………………………….………….. 225
a. La connaissance des litiges portant sur la régularité de la constitution de
la CCS par le Préfet ......................................................................................... 226
b. La connaissance des litiges portant sur la régularité du refus de candidature
par le Préfet ...................................................................................................... 227
2. La connaissance du contentieux portant sur le refus implicite de la CCS
de statuer sur les contestations de candidature ............................................... 228
598
A. L’APPLICATION DE LA FORME CLASSIQUE DE L’INSTRUCTION EN
MATIERE ELECTORALE ................................................................................. 233
1. L’application de la forme classique de la contradiction ..................................... 233
2. L’application des méthodes classiques de travail ............................................. 237
a. La pratique du Président - rapporteur ............................................................... 237
b. La connaissance des incidents de procédure selon les règles classiques ...... 239
α. La connaissance des interventions volontaires ................................................ 239
β. La connaissance des demandes de désistement ............................................. 242
B. LA LIMITATION DE L’INSTRUCTION DANS LES AUTRES MATIERES ........ 245
1. La suppression de la contradiction ................................................................... 245
a. La suppression provoquée de la contradiction ................................................. 245
b. La suppression normale de la contradiction ..................................................... 246
2. La modification des méthodes de travail........................................................... 247
PARAGRAPHE II : L’ALLEGEMENT LIMITE DU JUGEMENT DES RECOURS 248
A. L’APPLICATION DE LA FORME CLASSIQUE DE JUGEMENT EN
MATIERE ELECTORALE ................................................................................. 248
1. La collégialité de l’organe de jugement............................................................. 249
2. L’adoption de la procédure classique de jugement........................................... 250
a. La tenue d’audience publique ........................................................................... 250
b. L’existence du délibéré et le prononcé du jugement ......................................... 252
B. LA SIMPLIFICATION DU JUGEMENT DANS LES AUTRES MATIERES ....... 253
1. La simplification de l’organe de jugement ......................................................... 253
2. La simplification de la procédure de jugement.................................................. 255
SECTION II : L’ELASTICITE DU CADRE TEMPOREL DE L’INSTANCE
CONTENTIEUSE SPECIALE.......................................................... 256
PARAGRAPHE I : LA MECONNAISSANCE DE LA LIMITATION TEXTUELLE
DU CADRE TEMPOREL DE L’INSTANCE CONTENTIEUSE
SPECIALE ............................................................................. 257
A. LE DEPASSEMENT DES DELAIS PRESCRITS PAR LES TEXTES
POUR STATUER ............................................................................................. 258
1. Le dépassement des délais légaux pour statuer en matière électorale ............ 258
a. Le dépassement des délais légaux pour statuer dans le contentieux
électoral au sein des chambres consulaires ..................................................... 259
α. Les délais mis pour statuer dans le contentieux des listes électorales ............ 259
599
β. Les délais mis pour statuer dans le contentieux des opérations électorales ... 260
b. Le dépassement des délais légaux pour statuer dans le contentieux
électoral municipal ............................................................................................ 261
α. Les délais mis pour statuer dans le contentieux des opérations relatives à
l’élection des conseillers municipaux ............................................................... 261
β. Les délais mis pour statuer dans le contentieux des opérations relatives à
l’élection du maires et des adjoints ................................................................... 262
2. Le dépassement des délais légaux pour statuer dans les autres matières....... 263
a. Les délais mis pour statuer dans le contentieux de la dissolution des
associations ...................................................................................................... 263
b. Les délais mis pour statuer dans le contentieux de la légalisation des
partis politiques…………………………………………………………………………..264
B. LA REMISE EN CAUSE DE L’AUTORITE DES DELAIS PRESCRITS
PAR LES TEXTES POUR STATUER ............................................................. 266
1. Le caractère impératif des délais prescrits par les textes pour statuer ............. 266
2. L’absence de prescriptions légales garantissant l’autorité des délais
prescrits par les textes pour statuer ................................................................. 268
a. L’inexistence de voies de droit ouvertes aux parties en cas de
dépassement de délais pour statuer ................................................................. 269
b. L’inexistence de mesures légales sanctionnant le non respect des
délais légaux pour statuer................................................................................. 270
PARAGRAPHE II : L’ALLONGEMENT DU CADRE TEMPOREL DE
L'INSTANCE CONTENTIEUSE SPECIALE DANS LE
CADRE DE L'EXAMEN DES VOIES DE RECOURS .......... 272
A. L'INDETERMINATION DU CADRE TEMPOREL DE L'EXAMEN DES
VOIES DE RECOURS ...................................................................................... 272
1. L'indétermination du cadre temporel de l'examen des voies de recours
en matière électorale ........................................................................................ 272
a. L'indétermination du cadre temporel de l’examen des voies de recours
en matière électorale au sein des chambres consulaires ................................. 273
b. L’indétermination du cadre temporel de l’examen des voies de recours
en matière électorale municipale ...................................................................... 274
2. L’indétermination du cadre temporel de l’examen des voies de recours
dans les autres matières................................................................................... 275
600
B. LA DUREE EXCESSIVE DE L’EXAMEN DES VOIES DE RECOURS ........... 275
1. L’ampleur de la durée de l’examen des voies de recours ................................. 276
2. Les effets pervers de la durée excessive de l’examen des voies de recours ... 277
CONCLUSION DU TITRE II ET DE LA PREMIERE PARTIE .............................. 278
SECONDE PARTIE : LES EFFETS DE LA PRISE EN COMPTE
CONTINGENTE DE L’URGENCE SUR LA SITUATION
CONTENTIEUSE ............................................................... 280
TITRE I : L’EDICTION PARCIMONIEUSE DES MESURES PRESERVANT
PROVISOIREMENT LES DROITS DU DEMANDEUR.......................... 283
CHAPITRE I : L’OCTROI DISCRIMINATOIRE DU SURSIS A EXECUTION ...... 285
SECTION I : L’APPRECIATION FLUCTUANTE DES CONDITIONS
LEGISLATIVES D’OCTROI DU SURSIS A EXECUTION .............. 287
PARAGRAPHE 1 : LE RISQUE D’UN PREJUDICE IRREPARABLE ................. 287
A. LA DETERMINATION DU PREJUDICE D’ORDRE MATERIEL ....................... 290
1. La détermination du préjudice en matière foncière et domaniale ..................... 291
a. Le préjudice lié au titre foncier .......................................................................... 291
b. Le préjudice lié au règlement des litiges fonciers ............................................. 294
c. Le préjudice lié à d’autres matières foncières ................................................... 295
2. La détermination du préjudice en matière d’urbanisme .................................... 296
B. LA DETERMINATION DU PREJUDICE D’ORDRE SOCIAL ........................... 297
1. La détermination du préjudice susceptible d’avoir des répercussions
sur les conditions d’existence de la personne physique ................................... 297
2. La détermination du préjudice susceptible d’avoir des répercussions
sur les conditions de fonctionnement de la personne morale ........................... 301
C. LA DETERMINATION DU PREJUDICE D’ORDRE PECUNIAIRE ................. 306
1. La détermination du préjudice d’ordre pécuniaire dans le contentieux
général mettant en cause l’agent public et la personne privée ......................... 307
a. Le préjudice en matière de mise débet ............................................................. 307
b. Le préjudice en matière d’émission d’ordre de recettes ................................... 308
c. Le préjudice en matière de sanction disciplinaire ............................................. 309
2. La détermination du préjudice en matière fiscale ............................................. 309
PARAGRAPHE II : L’EXCLUSION DES DECISIONS INTERESSANT
L’ORDRE PUBLIC ................................................................ 311
601
A. UNE DETERMINATION STRICTE DE L’EXIGENCE RELATIVE A
L’EXCLUSION DES DECISIONS INTERESSANT L’ORDRE PUBLIC............ 313
1. La détermination des décisions n’intéressant pas l’ordre public ...................... 313
2. La détermination des décisions intéressant l’ordre public................................. 315
B. UNE DETERMINATION LACHE DE L’EXIGENCE RELATIVE A
L’EXCLUSION DES DECISIONS INTERESSANT L’ORDRE PUBLIC............ 317
1. La détermination confuse de l’exigence de l’exclusion des décisions
intéressant l’ordre public ................................................................................... 317
2. La détermination imprécise de l’exigence de l’exclusion des décisions
intéressant l’ordre public ................................................................................... 320
PARAGRAPHE III : L’AVIS CONFORME DU MINISTERE PUBLIC ................... 321
A. LA RECONNAISSANCE DE L’OBLIGATION DE STATUER
CONFORMEMENT A L’AVIS EMIS PAR LE MINISTERE PUBLIC ................. 323
1. La formulation de l’obligation de statuer conformément à l’avis du
ministère public ................................................................................................. 324
a. La formulation directe de l’obligation de statuer conformément à l’avis
du ministère public ............................................................................................ 324
b. La formulation détournée de l’obligation de statuer conformément
à l’avis du ministère public ................................................................................ 325
2. L’application de l’obligation de statuer conformément à l’avis du ministère
public ................................................................................................................ 326
a. Le respect de l’avis émis par le ministère public sur la recevabilité de la
demande de sursis ........................................................................................... 326
b. Le respect de l’avis émis par le ministère public sur le fond de la
demande de sursis ........................................................................................... 328
B. LA RELATIVISATION DE L’OBLIGATION DE STATUER
CONFORMEMENT A L’AVIS EMIS PAR LE MINISTERE PUBLIC ................. 331
1. L’appréciation de l’avis émis par le ministère public avant application ............ 331
2. La remise en cause de l’avis émis par le ministère public ................................ 334
a. La remise en cause de l’avis émis par le ministère public au niveau
de la recevabilité de la demande de sursis ....................................................... 335
b. La remise en cause de l’avis émis par le ministère public au niveau de
l’examen au fond de la demande de sursis ...................................................... 337
602
SECTION II : LA PRISE EN COMPTE D’EXIGENCES PARTICULIERES
POUR L’OCTROI DU SURSIS A EXECUTION ............................. 340
PARAGRAPHE I : LA NECESSITE DE L’OCTROI DU SURSIS A EXECUTION .... 341
A. L’EXIGENCE DE MOYENS SUSCEPTIBLES DE JUSTIFIER LE
SURSIS A EXECUTION ................................................................................... 341
1. L’appréciation des moyens de droit .................................................................. 341
a. L’appréciation des moyens de droit en matière financière ............................... 342
b. L’appréciation des moyens de droit en matière foncière.................................. 343
c. L’appréciation des moyens de droit dans le contentieux relatif à la
fermeture d’officines pharmaceutiques .............................................................. 344
2. L’appréciation des moyens de fait .................................................................... 345
B. L’EXIGENCE DE L’URGENCE ........................................................................ 347
1. L’appréhension classique de l’urgence comme condition implicite en
matière de sursis .............................................................................................. 348
2. La considération explicite de l’urgence comme condition d’octroi du sursis ... 348
PARAGRAPHE II : L’OPPORTUNITE DE L’OCTROI DU SURSIS A EXECUTION . 351
A. LE REFUS D’ORDONNER LE SURSIS A EXECUTER POUR
DES CONSIDERATIONS D’OPPORTUNITE ................................................... 352
1. L’absence d’explication sur les considérations d’opportunité
constitutives de contre-indications à l’octroi du sursis ..................................... 352
2. La justification exceptionnelle des considérations d’opportunité
constitutives de contre-indications à l’octroi du sursis ..................................... 354
B. UNE RESTRICTION SUPPLEMENTAIRE DU CHAMP DU
SURSIS A EXECUTION .................................................................................. 354
1. La protection du caractère exécutoire des décisions administratives ............... 355
2. Le caractère exceptionnel du sursis à exécution .............................................. 356
CHAPITRE II : L’OCTROI EXCEPTIONNEL DU REFERE ADMINISTRATIF ..... 358
SECTION I : L’APPREHENSION RELATIVEMENT STRICTE DES
CONDITIONS POSITIVES D’OCTROI DU REFERE
ADMINISTRATIF............................................................................. 360
PARAGRAPHE I : L’URGENCE DE LA SITUATION .......................................... 360
A. L’APPREHENSION TEMPORELLE DE L’URGENCE…………………………...362
1. L’appréhension de l’urgence par rapport au risque de préjudice matériel ................ 362
2. L’appréhension de l’urgence par rapport au risque de préjudice financier ............... 363
603
B. L’APPREHENSION FINALISTE DE L’URGENCE ........................................... 364
PARAGRAPHE II : L’UTILITE DE LA MESURE SOLLICITEE ........................... 366
A. L’UTILITE DE LA MESURE POUR LA PRESERVATION DES
DROITS MENACES DU REQUERANT ............................................................ 367
1. L’utilité des mesures relevant de la compétence du juge des référés ............. 367
2. L’inutilité des mesures ne relevant pas de la compétence du juge
des référés........................................................................................................ 368
B. L’UTILITE DE LA MESURE SOLLICITEE POUR LA SOLUTION DU LITIGE ....... 370
1. L’utilité de la communication de document sollicité par le requérant ................ 370
2. L’utilité des mesures d’instruction relatives à l’expertise................................... 371
PARAGRAPHE III : L’AVIS CONFORME DU MINISTERE PUBLIC ................... 372
A. LA RECONNAISSANCE DE L’OBLIGATION DE STATUER
CONFORMEMENT A L’AVIS DU MINISTERE PUBLIC .................................. 374
1. La formulation de l’obligation de statuer conformément à l’avis émis
par le ministère public ....................................................................................... 374
2. L’application de l’obligation de statuer conformément à l’avis du ministère
public ................................................................................................................ 375
a. L’application de l’avis du ministère public sans examen des moyens de la cause ... 375
b. L’application de l’avis conforme du ministère public avec examen des
moyens de la cause .......................................................................................... 376
B. LA RELATIVISATION DE L’OBLIGATION DE STATUER
CONFORMEMENT A L’AVIS EMIS PAR LE MINISTERE PUBLIC ................. 379
1. L’appréciation de l’avis conforme du ministère public avant son adoption .............. 380
2. Le dépassement de l’avis conforme émis par le ministère public ..................... 381
3. La remise en cause l’avis émis par le ministère public ..................................... 383
SECTION II : L’APPREHENSION INDECISE DES CONDITIONS
NEGATIVES D’OCTROI DU REFERE ADMINISTRATIF ............... 384
PARAGRAPHE I : L’INTERDICTION DE CONNAITRE DES
LITIGES INTERESSANT LE MAINTIEN DE
L’ORDRE PUBLIC ................................................................. 385
A. L’APPREHENSION CONTINGENTE DES LITIGES PAR RAPPORT
AU MAINTIEN DE L’ORDRE PUBLIC .............................................................. 386
1. La détermination laconique des litiges intéressant le maintien de l’ordre
public ................................................................................................................ 386
604
2. La détermination incidente des litiges intéressant le maintien de l’ordre
public ................................................................................................................ 387
B. L’APPREHENSION CONFUSE DE L’INTERDICTION DE CONNAITRE
DES LITIGES INTERESSANT LE MAINTIEN DE L’ORDRE PUBLIC ............. 388
1. L’objet de la confusion ...................................................................................... 389
2. Les implications de la confusion ....................................................................... 390
PARAGRAPHE II : L’INTERDICTION DE FAIRE PREJUDICE AU PRINCIPAL ...... 391
A. UNE CONCEPTION AMBIGUË DE L’INTERDICTION DE JUGER LE FOND
DU DROIT……………………………………………………………………………..393
1. Le refus de statuer sur des demandes portant sur des questions relatives
au fond du droit ................................................................................................. 394
2. L’appréciation au fond des contestations portant sur le fond du droit .............. 396
B. UNE CONCEPTION RIGOUREUSE DE L’INTERDICTION DE PREJUGER
LE FOND DU DROIT ....................................................................................... 398
1. La détermination des mesures d’instruction ne faisant pas préjudice
au principal ....................................................................................................... 399
2. La détermination des mesures conservatoires ne préjudiciant pas au
principal ............................................................................................................ 399
PARAGRAPHE III : L’INTERDICTION DE FAIRE OBSTACLE A L’EXECUTION
D’UNE DECISION ADMINISTRATIVE ............................... 402
A. LE RESPECT DE L’INTERDICTION DE FAIRE OBSTACLE A
L’EXECUTION D’UNE DECISION ADMINISTRATIVE ..................................... 403
1. L’existence d’une procédure permettant de suspendre l’exécution
des actes administratif ...................................................................................... 404
2. La déduction de l’interdiction de faire obstacle à l’exécution d’une
décision administrative de l’interdiction de faire préjudice au principal ............. 405
B. L’INFLECHISSEMENT DE L’INTERDICTION DE FAIRE OBSTACLE
A L’EXECUTION D’UNE DECISION ADMINISTRATIVE ................................. 406
1. La prise en considération de l’urgence ............................................................. 407
2. La consécration de la portée générale des dispositions législatives
régissant le référé pour infléchir l’interdiction................................................... 408
CONCLUSION DU TITRE I .................................................................................. 410
TITRE II : L’EDICTION LIMITATIVE DES MESURES PRESERVANT
DEFINITIVEMENT LES DROITS DU DEMANDEUR .......................... 411
605
CHAPITRE I : LA PRESCRIPTION LIMITATIVE DES MESURES
DEFINITIVES SOLLICITEES EN MATIERE ELECTORALE ........ 413
SECTION I : LA PRESCRIPTION LIMITATIVE DES MESURES D’URGENCE
DEFINITIVES DANS LE CONTENTIEUX DES OPERATIONS
PREPARATOIRES A L’ELECTION ......................................................... 415
PARAGRAPHE I : UNE RECONNAISSANCE DE LA VALIDITE DES
CONTESTATIONS PORTANT SUR LES OPERATIONS
PREPARATOIRES A L’ELECTION AU SEIN DE LA
CHAMBRE DE COMMERCE .......................................................... 416
A. LA RECONNAISSANCE DE LA VALIDITE DES CONTESTATIONS
RELATIVES A L’OMISSION DU NOM SUR LA LISTE ELECTORALE ............ 416
1. La prise en compte des conditions d’inscription sur les listes électorales.................. 417
2. La prise en compte des prescriptions réglementaires portant sur les
incapacités........................................................................................................ 418
B. LA RECONNAISSANCE DE LA VALIDITE DE LA CONTESTATION
RELATIVE A L’ERREUR SUR LE NOM INSCRIT DANS LA LISTE
ELECTORALE ..................................................................................................... 420
PARAGRAPHE II : UNE RECONNAISSANCE LIMITEE DE LA VALIDITE
DES CONTESTATIONS PORTANT SUR LES OPERATIONS
PREPARATOIRES A L’ELECTION DES CONSEILLERS
MUNICIPAUX ....................................................................... 421
A. L’ADMISSION LIMITEE DE LA JUSTESSE DES CONTESTATIONS
PORTANT SUR LA CONSTITUTION ET LE FONCTIONNEMENT
DE LA CCS....................................................................................................... 422
1. La recherche de la force probante des contestations portant sur la
constitution de la CCS ...................................................................................... 422
2. La recherche de la force probante des contestations portant sur le
fonctionnement de la CCS ................................................................................ 425
B. L’ADMISSION LIMITEE DE LA JUSTESSE DES CONTESTATIONS
RELATIVES AU REJET DES CANDIDATURES ............................................. 427
1. La reconnaissance de la justesse des contestations portant sur le
rejet des candidatures ...................................................................................... 428
a. L’irrégularité de la disqualification des listes de candidats par le CCS
après la proclamation des résultas du scrutin................................................... 428
606
b. La commission du détournement de pouvoir par la CCS................................ 429
c. L’irrégularité du refus du Préfet de tenir compte de l’acceptation d’une
liste de candidats par la CCS .......................................................................... 430
2. La méconnaissance de la justesse des contestations portant sur le
rejet des candidatures par la CCS .................................................................... 431
a. L’ absence de preuve attestant de la saisine effective de la CCS .................... 431
b. L’effectivité du rejet de la liste de candidats par la CCS ................................... 432
SECTION II : LA PRESCRIPTION LIMITATIVE DES MESURES D’URGENCE
DEFINITIVES DANS LE CONTENTIEUXDES OPERATIONS
ELECTORALES ............................................................................. 433
PARAGRAPHE I : LA RECONNAISSANCE EXCEPTIONNELLE DE
L’IRREGULARITE DES OPERATIONS DE VOTE .............. 434
A. L’ADMISSION RESTRICTIVE DE LA VALIDITE DES CONTESTATIONS
PORTANT SUR LES OPERATIONS DE VOTE DU MAIRE ET DES
ADJOINTS ......................................................................................................... 435
1. Les règles régissant les opérations de vote de l’exécutif municipal ................. 435
2. L’établissement restrictif de l’irrégularité de l’élection de l’exécutif municipal ... 436
B. LA MECONNAISSANCE DE LA VALIDITE DES CONTESTATIONS
PORTANT SUR LES OPERATIONS DE VOTE DES CONSEILLERS
MUNICIPAUX ................................................................................................... 438
1. La substance de la contestation ....................................................................... 438
2. La réfutation de la contestation ........................................................................ 439
PARAGRAPHE II : LA RECONNAISSANCE PARTIELLE DE L’IRREGULARITE
DES OPERATIONS DE PROCLAMATION DES RESULTATS
DU SCRUTIN ................................................................................... 442
A. LA REFUTATION DE LA CONTESTATION RELATIVE A LA
FALSIFICATION DES PROCES-VERBAUX DE DEPOUILLEMENT DE
VOTE VALIDES PAR LA CCS ......................................................................... 442
1. La substance de la contestation ....................................................................... 443
2. La justesse de la réfutation de la contestation .................................................. 443
B. L’ADMISSION DE L’IRREGULARITE DES MESURES PRISES PAR
LA CCS POUR REMETTRE EN CAUSE DES RESULTATS DE SCRUTIN
CONSTATES PAR DES PROCES-VERBAUX ................................................ 444
1. L’irrégularité de la reprise de la proclamation des résultats du scrutin par
607
la CCS .............................................................................................................. 444
2. L’irrégularité de l’annulation par la CCS des résultats du scrutin constatés
par le procès-verbal de la commission locale de vote ..................................... 446
CHAPITRE II : LA PRESCRIPTION LIMITATIVE DES MESURES DEFINITIVES
SOLLICITEES DANS LES AUTRES MATIERES ........................ 449
SECTION I : L’ADMISSION SELECTIVE DE LA VALIDITE DES
CONTESTATIONS RELATIVES A LA REGULARITE DU
REFUS DE LEGALISATION DES PARTIS POLITIQUES.............. 451
PARAGRAPHE I : L’APPLICATION DISCRIMINATOIRE DE LA DISPOSITION
LEGISLATIVE RELATIVE A LA LEGALISATION
IMPLICITE DES PARTIS POLITIQUES ......................................... 452
A. LA MECONNAISSANCE IMPLICITE DE LA DISPOSITION LEGISLATIVE
RELATIVE A LA LEGALISATION IMPLICITE DES PARTIS POLITIQUES..... 453
1. La substance de la violation alléguée de la disposition législative relative
à la légalisation implicite des partis politiques .................................................. 453
2. L’illégalité du refus de légalisation intervenu après la légalisation implicite ..... 455
B. LA RECONNAISSANCE DE LA VIOLATION PAR L’ADMINISTRATION
DE LA DISPOSITION LEGISLATIVE RELATIVE A LA LEGALISATION
IMPLICITE DES PARTIS POLITIQUES ........................................................... 456
1. La détermination des faits et des moyens pris en compte .............................. 457
2. L’effectivité de la violation par l’administration de la disposition législative
relative à la légalisation implicite des partis politiques ...................................... 457
PARAGRAPHE II : L’ADMISSION LIMITEE DE L’IRREGULARITE DES
MOTIFS DE REFUS DE LEGALISATION DES PARTIS
POLITIQUES.................................................................................... 459
A. L’ETABLISSEMENT DE L’IRREGULARITE DES MOTIFS DE REFUS ........... 460
1. La mise en cause de l’existence légale des motifs de refus de légalisation .... 461
2. La mise en cause de la valeur juridique des motifs de refus de légalisation..... 463
a. La reconnaissance implicite de la violation par l’administration de sa
compétence liée ............................................................................................... 463
b. L’admission implicite de la commission du détournement de pouvoir par
l’administration ................................................................................................................ 465
B. LA MECONNAISSANCE DE L’IRREGULARITE DES MOTIFS DE REFUS .... 467
1. La substitution des motifs de refus ................................................................... 468
608
2. La clarification des motifs de refus ................................................................... 471
SECTION II : LA MECONNAISSANCE SYSTEMATIQUE DE LA VALIDITE
DES CONTESTATIONS PORTANT SUR LA REGULARITE
DE LA DISSOLUTION DES ASSOCIATIONS ................................ 473
PARAGRAPHE I : LA MECONNAISSANCE DE L’IRREGULARITE
DE LA PRESCRIPTION DE LA MESURE DE
DISSOLUTION D’ASSOCIATIONS ....................................... 475
A. LA RECUSATION DES CONTESTATIONS PORTANT SUR
L’ILLEGALITE EXTERNE DE LA DISSOLUTION D’ASSOCIATION.............. 476
1. L’appréciation de la régularité de la nature de l’acte de dissolution ................. 477
2. L’appréciation du défaut de motivation de l’acte de dissolution ........................ 479
3. L’appréciation de la violation du principe des droits de la défense ................... 483
B. LA REFUTATION DES CONTESTATIONS PORTANT SUR
L’ILLEGALITE INTERNE DE LA MESURE DE DISSOLUTION ...................... 486
1. La participation des associations dissoutes à des activités contraires à
leur objet statutaire ...................................................................................... 487
2. La participation des associations dissoutes à des activités susceptibles
de porter atteinte à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat .......................................... 490
PARAGRAPHE II : LA MECONNAISSANCE DE L’ IRREGULARITE DE
L’APPLICATION DE L’ACTE DE DISSOLUTION
D’ASSOCIATIONS ............................................................... 495
A. LA REFUTATION DU DEFAUT DE PUBLICITE DE L’ACTE DE
DISSOLUTION ................................................................................................. 496
1. La détermination du moment où la notification est considérée comme
valable .............................................................................................................. 497
2. La détermination de la date de notification de l’acte de dissolution .................. 498
B. LA REFUTATION DE LA VIOLATION DU PRINCIPE DE LA NON
RETROACTIVITE DES ACTES ADMINITRATIFS .......................................... 499
CONCLUSION DU TITRE II ET DE LA SECONDE PARTIE ............................ 502
CONCLUSION GENERALE ................................................................................. 503
A. LA PRISE EN COMPTE CONTINGENTE DE L’URGENCE, CAUSE
MAJEURE DES RYTHMES INSASTIFAISANTS DE LA JUSTICE
ADMINISTRATIVE AU CAMEROUN ................................................................ 504
609
B. LA PRISE EN COMPTE PERMANENTE DE L’URGENCE, GAGE CERTAIN
D’UNE MEILLEURE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
AU CAMEROUN .............................................................................................. 506
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................. 508
ANNEXES ............................................................................................................ 530
ANNEXE 1 : Ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l’organi sation
de la Cour suprême( modifiée par la loi n°76/28 du 14 décembre 1976)….…..… 531
ANNEXE 2 : Loi n°75/17 du 08 décembre 1975 fixant la procédu re devant
la Cour suprême statuant en matière administrative…………………………...……535
ANNEXE 3 : Loi n°90/053 du 19 décembre 1990 portant sur la l iberté
d’association……………………………………………………………………………..543
ANNEXE 4 : Loi n°90/056 du 19 décembre 1990 relative aux pa rtis politiques.…545
ANNEXE 5 : Extrait de la loi n°91/20 du 16 décembre 1991 fi xant les conditions
d’élection des députés à l’Assemblée nationale (modifiée par la loi n°97/13 du
19 mars 1997)……………………………………………………………………………547
ANNEXE 6 : Loi n°92/002 du 14 août 1992 fixant les conditio ns d’élection des
Conseillers municipaux………………………………………………………………….556
ANNEXE 7 : Extrait du décret n°78/525 du 12 décembre 1978 p ortant statut
de la Chambre d’Agriculture de l’Elevage et des Forêts du Cameroun ( modifié
et complété par le décret n°84/004 du 10 janvier 19 84)……………………………..568
ANNEXE 8 : Extrait du décret n°86/231 du 13 mars 1986 porta nt statut de la
Chambre de Commerce, d’industrie et des Mines………………………………..….574
ANNEXE 9 : Contentieux électoral municipal de 1996 (quelques jugements
rendus par la Chambre administrative de la Cour suprême)……….………………585
TABLE DES MATIERES ...................................................................................... 589
610