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Droit International Public

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Droit International Public

Islam Loueti
SOMMAIRE

FICHE N° 1 – LES FONDEMENTS DU DROIT INTERNATIONAL

FICHE N° 2 – LES CARACTERISTIQUES DU DROIT INTERNATIONAL

FICHE N° 3 – L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL EN DROIT


INTERNE 15

FICHE N° 4 – LES TRAITES

FICHE N° 5 – LA COUTUME

FICHE N° 6 – LES PRINCIPES GENERAUX DE DROIT

FICHE N° 7 – LES ACTES UNILATERAUX

FICHE N° 8 – LA DOCTRINE ET LA JURISPRUDENCE

FICHE N° 9 – LES ELEMENTS D’IDENTIFICATION ET DE


RECONNAISSANCE DE L’ETAT

FICHE N° 10 – LA SOUVERAINETE DE L’ETAT

FICHE N° 11 – LA SUCCESSION D’ETAT

FICHE N° 12 – LA DÉCOLONISATION

FICHE N° 13 – L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

FICHE N° 14 – LES AUTRES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

FICHE N° 15 – LA PROTECTION DES INDIVIDUS

FICHE N° 16 – LA RESPONSABILITE DES INDIVIDUS

FICHE N° 17 – LES PROCEDURES DIPLOMATIQUES

FICHE N° 18 – LES PROCEDURES JURIDICTIONNELLES

FICHE N° 19 – LA LIMITATION DU RECOURS A LA FORCE ET


L’ENCADREMENT DE L’ARMEMENT MONDIAL

2
FICHE N° 20 – LES USAGES LICITES DE LA FORCE

FICHE N° 21 – LES ESPACES SOUS SOUVERAINETE

FICHE N° 22 – LES ESPACES SOUS JURIDICTION

FICHE N° 23 – LA HAUTE MER ET LA ZONE

FICHE N° 24 – LES COURS D’EAU (DOUCE)

FICHE N° 25 – L’ESPACE AERIEN

FICHE N° 26 – L’ESPACE EXTRA-ATMOSPHÉRIQUE

3
INTRODUCTION GENERALE

FICHE N° 1 – Les fondements du droit international

– L’essentiel

Bien que tirant ses origines de l’antiquité, le droit international public


contemporain s’est principalement structuré au cours du XIXe siècle. Une
succession d’importantes conférences internationales permettront bien plus tard
et après moults évènements historique l’avènement de l’organisation des
Nations unies en 1945.

Indépendamment de ces évènements historiques, la doctrine considère


généralement que le droit international public s’impose à la société
internationale (traditionnellement présentée comme les relations interétatiques et
organisationnelles, aujourd’hui appelée plus généralement « communauté
internationale ») que ce soit par la volonté des États (doctrines volontaristes), ou
par l’existence de règles supérieures qui s’imposent aux États (doctrines
objectivistes).

– Les connaissances

L’examen des fondements historiques du droit international précédera l’étude de


ses fondements théoriques.

§ 1 Les fondements historiques du droit international

Nous étudierons successivement les origines du droit international puis sa


progressive construction.

I Les origines du droit international

Si l’on prend la définition au sens large du droit international, selon laquelle il


constitue l’ensemble des règles qui s’appliquent aux sujets de la société
internationale, il est possible de faire remonter ses origines à l’antiquité. Ainsi,
des accords ont bien existés aux temps des anciens empires (en occident et en
Asie) ou des cités grecques, mais ils concernaient principalement les aspects
militaires (traités de paix, délimitations des frontières, alliances, etc.) à l’instar
de celui conclu au XIIIe siècle avant J.-C. entre les dirigeants de l’empire
égyptien (Ramsès II) et de celui des hittites (Hattousil III).

4
La notion de jus gentium (droit des gens) – qui précède celle de « droit
international public » – est apparue au cours de la Rome antique et est
initialement considéré comme un droit commun au genre humain mais il
s’imposera ultérieurement comme un droit que toutes les nations doivent suivre.

Avec la « lutte des deux glaives », le Moyen-âge provoque initialement un


ralentissement du développement des relations internationales. En effet, la
conception selon laquelle Dieu, maitre du ciel, était représenté par le pape (chef
spirituel) et Dieu, maître de la terre, était représenté par l'empereur (chef
temporel) est remise en question par la velléité de domination du pouvoir
spirituel sur le pouvoir temporel initiée par le Pape Grégoire VII (XIe siècle) et
poursuivie par ses successeurs. Une succession d’évènements historiques à
l’instar des croisades, des expéditions dans les Amériques ou la réforme
protestante ont pourtant permis un nouvel essor des relations internationales,
renforcé par les apports doctrinaux de certains auteurs tels que Francisco de
Vitoria (1483-1546), Fernando Vazquez de Menchaca (1512-1569), Francisco
Suarez (1548-1617) et Hugo de Groot dit « Grotius » (1583-1645) qui
s’opposent à l’hégémonie papale et exposent l'existence de règles juridiques de
droit naturel obligeant les nations.

L’origine du droit international public remonte symboliquement aux traités de


Westphalie (1648) qui mettent fin aux complexes guerres de Trente ans et de
Quatre-Vingts Ans ayant opposées de nombreux États européens. Ces traités
(signés à Osnabrück et à Münster) mettent en place une réorganisation de
l’Europe à laquelle se superpose un ensemble de règles supranationales
reconnaissant le principe de non-ingérence et l’État souverain comme acteur
central du droit international. Cet évènement provoquera l’essor du droit
international au travers du développement des relations entre États.

II La construction du droit international

Le droit international tel que nous le connaissons aujourd’hui tire son origine
des éléments susmentionnés mais a continué son évolution partir du XIXe
siècle. Après la défaite et l’abdication de Napoléon Bonaparte et la chute de son
empire, les frontières territoriales françaises ont été rétablies et huit États
européens se sont réunis au Congrès de Vienne, entre septembre 1814 et juin
1815, afin de maintenir une paix durable. Ce congrès a jeté les bases des traités
multilatéraux et de leur suivi par un cycle de conférences qui permettra la
création ultérieure d’institutions permanentes à l’instar de la Commission

5
centrale du Rhin (en matière de navigation), renforcée par la Convention de
Mayence, signée le 31 mars 1831. Le développement des différentes branches
du droit international va dès lors rapidement s’accélérer.

Si les aspects militaires ont été pris en compte depuis l’antiquité par le droit
international, on considère que c’est la Convention de Genève (1864 –
inviolabilité des formations sanitaires sur le champ de bataille) et la Déclaration
de Saint-Pétersbourg (1868 – interdiction de l’usage de certains projectiles) qui
fondent le droit humanitaire, soit l’ensemble de règles qui cherchent à limiter les
effets des conflits armés. C’est ce que l’on appellera le jus ad bellum (droit de
faire la guerre), le jus in bello (le droit dans la guerre) et plus tard le jus contra
bellum (droit de prévention de la guerre). Ces tentatives de réduction des
conséquences de la guerre vont s’accompagner d’efforts pour limiter les conflits
armés par l’intermédiaire du principe de règlement pacifique des différends.
Ainsi, le 15 Septembre 1872, l'arbitrage en Alabama est prononcé à Genève et
pour la première fois, un différend entre deux États (les États-Unis d’Amérique
et le Royaume-Uni à propos de la guerre de sécession) est réglé par un tribunal
arbitral international. Cette expérience sera confortée grâce à la première
Conférence de la paix réunit à La Haye (1899) qui permettra aux représentants
de 26 pays de débattre de la paix et du droit international.

Une importante étape est franchie avec la fin de la Première Guerre mondiale.
La Société des Nations (SDN) est ainsi créée par l’intermédiaire du traité de
Versailles, signé le 28 juin 1919 par 32 États (à l’instar de l’Organisation
Internationale du Travail). La tentative de mise en place d’une sécurité
collective pour la société internationale a malheureusement échoué et n’a pas
empêchée la survenance de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, l’ébauche
de la SDN allait permettre la création de l’organisation des Nations unies, créée
par une charte signée lors de la conférence de San Francisco le 26 juin 1945 et
entrée en vigueur le 24 octobre 1945. Cette Charte pose les principes d’un
système fondé sur l’égalité et la souveraineté des États. En parallèle de l’ONU,
de nombreuses autres organisations régionales ou internationales continueront à
se développer et favoriseront l’adoption d’accords inter-étatiques pour la plupart
sectoriels.

§ 2 Les fondements théoriques du droit international

Nous étudierons successivement les principaux fondements théoriques du droit


international avec les doctrines volontaristes puis celles dites objectivistes.

6
I Les doctrines volontaristes

Les doctrines volontaristes reposent sur le fait que le droit international repose
nécessaire sur la volonté de l’État. Cette idée été proposée pour la première fois
par Rudolf Von Jehring (1818-1892), puis perfectionnée par Georg Jellinek
(1851-1911). La conception de ces auteurs est qualifiée de théorie de
l’autolimitation. En effet, à l’instar du droit interne, l’État consent
volontairement au droit international car il est obligé d'entrer en rapports avec
ses pairs.

La doctrine dualiste (voir la doctrine moniste infra) et volontariste développée


par Heinrich Triepel (1868-1946) est quelque peu différente car elle soutient que
le droit international et le droit interne constituent des disciplines différentes par
leur nature et leur fondement même et le droit international nécessite une
transposition en droit interne pour produire des effets.

Dionisio Anzilotti (1867-1950) dans le cadre de la doctrine positiviste et néo-


volontariste, énonce que l’intervention de l’État du point de vue formel est
essentielle pour que la règle sociale devienne règle de droit. Ainsi, même si les
États ne sont pas à l’origine matérielle du droit international, c’est le fait qu’ils
l’appliquent formellement qui le rend obligatoire. Cette théorie s’inspire
principalement des travaux d’Auguste Comte (1798-1857).

II Les doctrines objectivistes

Les théories objectivistes soutiennent que le droit international s’applique


indépendamment de la volonté des États. Les théories traditionnelles du droit
international du XVIe siècle – telle que celle développée par Hugo de Groot dit
« Grotius » (1583-1645) – se fondent majoritairement sur le droit naturel. Le
droit naturel est une notion fondamentale dans la pensée de Grotius, qui le
définit comme l'ensemble des règles conformes à la raison, qui déterminent ce
qui est juste ou injuste selon la nature de l'homme en tant qu'être raisonnable et
sociable. Selon Grotius, le droit naturel est antérieur et supérieur à toute autorité
humaine, qu'elle soit divine ou politique. Il s'agit d'un droit universel, immuable
et commun à tous les peuples et à toutes les époques. Le droit naturel s'applique
aussi bien aux individus qu'aux États, qui sont tenus de respecter les principes
moraux et juridiques qu'il énonce.

La doctrine moniste et normativiste de Hans Kelsen (1881-1973) se fonde sur


une fiction, soit la présence d’une règle « Pacta sunt servanda » (les conventions

7
doivent être respectées) suprême s’imposant aux État. Ainsi, il y a au-dessus de
tous les Etats un ordre juridique qui délimite leurs rapports et qui empêche
n'importe lequel d'entre eux de se reconnaître une supériorité de droit à l'égard
des autres.

La théorie biologique de Georges Scelle (1878-1961) aussi qualifiée d’école


sociologique, s’inspire principalement des théories de Léon Duguit (1859-1928).
La biologie humaine se définit pour Georges Scelle comme le fait que le droit
international est le résultat de l'évolution des sociétés humaines, qui se
caractérisent par la différenciation et l'intégration. Ce droit est donc un système
vivant, dynamique et adaptatif, qui répond aux besoins et aux aspirations des
peuples. La théorie biologique de Scelle a exercé une influence importante sur le
développement du droit international, notamment en mettant en évidence le rôle
des acteurs non étatiques et la diversité des sources du droit.

8
FICHE N° 2 – Les caractéristiques du droit international

– L’essentiel

Le droit international public se distingue fortement du droit interne car il ne


repose pas sur une autorité supérieure et sur un pouvoir de contrainte, mais sur
le consentement des États.

Ainsi et malgré l’expansion des très nombreuses sources du droit international


public (traités, coutumes, jurisprudence), il reste fondamentalement flexible et
aux effets relatifs.

– Les connaissances

Le droit international public, qui peut se définir comme l’ensemble des règles
applicables aux relations entre les sujets de la société internationale, est un droit
fragmenté et flexible.

§ 1 Un droit fragmenté

Nous étudierons successivement l’absence d’autorité centralisée, puis le


caractère multiple des sources du droit international public.

I Une absence d’autorité centralisée

Le droit interne est classiquement présenté comme un ordre juridique très


organisé, qui se fonde sur des organes législatifs, exécutifs et juridictionnels
chargés respectivement de l’élaboration, de l’application et du contrôle de
normes qui s’imposent à tous et dont le non-respect est le plus souvent passible
de sanctions. Le droit international public se démarque fortement du schéma
traditionnel susmentionné. En effet, ce dernier se caractérise de manière
générale par l’absence d’autorité supérieure et de pouvoir de contrainte. Il
n’existe ainsi pas de parlement mondial susceptible d’édicter des normes
générales obligatoires, de gouvernement régissant la société internationale et de
pouvoir juridictionnel pouvant sanctionner automatiquement les violations du
droit international. Le droit international se caractérise plutôt par une grande
décentralisation et horizontalité.

La conjecture populaire selon laquelle l’organisation des Nations unies


remplirait les rôles susmentionnés est inexacte. Sa charte, son assemblée, son
conseil de sécurité et la Cour internationale de Justice ne sont pas les équivalents
respectifs d’une Constitution, d’un pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. Cette

9
situation est logique étant entendu que le principal sujet de droit international est
l’État et que les principes relatifs à son indépendance et à sa souveraineté
s’opposent à l’existence d’un commandement souverain au niveau mondial. En
effet, l’État dispose en théorie d’un pouvoir absolu (dont tous dépendent) et
inconditionné (qui ne dépend de qui que ce soit) que Georg Jellinek a pu
qualifier de « Kompétenz kompétenz » (compétence de la compétence).

Les différences fondamentales entre l’ordre interne et ordre international ont


justement poussé certains philosophes et juristes (à l’instar de Thomas Hobbes,
Emmanuel Kant, Georg Wilhelm Friedrich Hegel ou John Austin) à contester
l’existence même du droit international au profit de la notion plus large de «
relations internationales », soit l'étude scientifique des phénomènes
internationaux (politiques, économiques et juridiques). Le droit international
existe pourtant bel et bien mais est tout simplement différent du droit interne.

II Des sources multiples et sectorielles

On se réfère généralement à l'article 38 du statut de la Cour internationale de


justice pour l’énumération des principales catégories de sources du droit
international public. L’article précité dispose que :

La Cour applique : / I. – Les conventions internationales, soit générales, soit


spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige. /
II. – La coutume internationale, comme preuve d'une pratique générale acceptée
comme étant de droit. / III. – Les principes généraux de droit reconnus par les
nations civilisées. / IV. – Sous réserve de la disposition de l'article 59, les
décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés, comme
moyens auxiliaires de détermination des règles de droit. (…).

Cette liste n’est pas hiérarchisée et est manifestement incomplète car elle ne
comprend pas les actes unilatéraux.

Le droit international public a pris de plus en plus d’ampleur avec un important


buissonnement normatif et institutionnel. Il existe ainsi des milliers d’accords
internationaux. A titre d’exemple, les archives diplomatiques française
comptaient en 2014 plus de 27 000 dossiers, avec plusieurs centaines de
nouveaux enregistrements par an. Selon le principe d’égalité des sources, les
règles juridiques internationales ne sont pas hiérarchisées et sont équivalentes
entre elles, quelles que soit leur importance (comme le nombre de parties à un
traité) ou leur domaine d’application.

10
L’expansion du droit international public n’a justement cessé de s’accélérer dans
de nombreux domaines (droit de l’environnement, droit économique, droits de
l’homme, droit au développement, etc.) et certains auteurs comme Prosper Weil
qualifient le droit international comme étant naturellement fragmenté, car il se
fonde principalement sur des relations étatiques bilatérales dominées par les
intérêts nationaux. Évidemment le rôle de plus en plus prononcé des
organisations internationales est à prendre en compte aujourd’hui.

L’évolution du droit international public a provoqué un débordement de ses


frontières traditionnelles. L’ordre juridique international s’est engagé sur le
terrain du non-droit, brouillant ainsi le seuil de normativité puisqu’il devient
difficile d’identifier les véritables engagements des Etats. C’est le
développement de ce que l’on appelle la « Soft law » (le droit mou/souple).
Cette catégorie comprend l’ensemble des sources dont la normativité est limitée
ou imparfaite (déclarations, résolutions, etc.). Pour la Cour internationale de
justice :

Ces recommandations, adoptées sous forme de résolutions, n’ont pas force


obligatoire. Cependant, lorsqu’elles sont adoptées par consensus ou à
l’unanimité, elles peuvent être pertinentes aux fins de l’interprétation de la
convention ou du règlement qui lui est annexé (CIJ, 31 mars 2014, Chasse à la
baleine dans l’Antarctique – Australie c/ Japon).

La Soft law est ainsi très importante et constitue pour Alain Pellet un processus
à finalité normative. De nombreux textes symboliques et déclaratoire ont ainsi
pu avoir des effets non négligeables sur le développement du droit international
public à l’instar de la déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement de 1992.

§ 2 Un droit consenti

Nous étudierons successivement l’importance du consentement et les effets


équivoques du droit international public.

I L’importance du consentement

L’opposabilité du droit international public est généralement soumise au


consentement des États. La Convention de Vienne sur le droit des traités du 23
mai 1969 dispose ainsi dans son préambule que : « que les principes du libre
consentement et de la bonne foi et la règle pacta sunt servanda sont
universellement reconnus ». L’exigence du consentement des États est aussi
11
particulièrement présente en matière d’intervention du juge. A titre d’exemple,
la compétence de la Cour internationale de justice repose exclusivement sur le
consentement des États qui sont appelés à accepter, selon différentes modalités,
l'exercice de sa juridiction (compromis de juridiction, traité, ou acceptation de la
clause facultative de juridiction obligatoire).

Le critère du nécessaire consentement des États dans la société internationale se


fonde sur les principes de souveraineté et d’égalité souveraine. Selon la
Résolution 2625 du 24 octobre 1970 sur la Déclaration relative aux principes
touchant les relations amicales et la coopération entre États conformément à la
Charte des Nations unies et plus particulièrement son annexe, l’égalité
souveraine entre État comprend les éléments suivants :

les États sont juridiquement égaux ; chaque État jouit des droits inhérents à la
pleine souveraineté ; chaque État a le devoir de respecter la personnalité des
autres États, l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de l'État sont
inviolables ; chaque État a le droit de choisir et de développer librement son
système politique, social, économique et culturel ; chaque État a le droit de
s'acquitter pleinement et de bonne foi de ses obligations internationales et de
vivre en paix avec les autres États.

Pourtant, si le consentement semble être l’une des plus importantes bases pour
établir le caractère obligatoire des règles du droit international, il existe des
notions pouvant théoriquement y déroger, telle que celle du Jus Cogens. Ainsi,
selon l’article 53 de la Convention de Vienne de 1969 susmentionnée :

est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme
impérative du droit international général. Aux fins de la présente Convention,
une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et
reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant
que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être
modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le
même caractère.

Le Jus Cogens est cependant très fortement critiqué à cause de son imprécision
et de son étrange nature de super-norme internationale.

Il est d’ailleurs très difficile d’établir une liste de règles impératives


explicitement consacrées en droit international général.

II Des effets équivoques


12
Le droit international public se fonde donc principalement sur le rôle de la
volonté souveraine des États. Il s’appuie aussi sur le caractère aléatoire des
conséquences de la violation des règles internationales et l’absence de sanction
ou de répression automatique.

Selon Pierre-Marie Dupuy, chaque État reste libre de décider des conséquences
qu’il entend donner à l’atteinte portée à ce qu’il estime être ses droits dans une
situation donnée. Il peut ainsi décider d’engager la responsabilité du sujet de
droit international qui lui a porté préjudice. En outre, il arrive très souvent que la
violation du droit international public ne se concrétise pas par des décisions
juridiquement contraignantes, mais par de simples déclarations qualifiées de
recommandation ou suggestions, adressées directement par un État ou par
l’intermédiaire d’un organe d’une organisation internationale à l'État défaillant.
L’effet de ces déclarations est aléatoire mais certainement pas inexistant. En
effet, l'État mis en cause, même s’il ne consent pas à appliquer ces déclarations,
reste soucieux de son image sur la scène internationale et est régulièrement
conduit à les prendre en considération.

Les effets du droit international public sont donc équivoques en fonction des
situations et du consentement des États. Cette situation étant aggravée par
l’adoption de textes au caractère obligatoire de plus en plus douteux. Le fort
développement de la Soft law n’y est pas étranger, mais il faut toutefois préciser
comme Julien Cazala que si les États refusent, en recourant à un énoncé Soft
law, un engagement juridique contraignant, ils ne renoncent toutefois pas à toute
forme d’engagement. Au fond, le questionnement des effets normatifs du droit
international public, touche aussi ses sources les plus traditionnelles, telles que
les traités.

L’exemple le plus récent est incontestablement celui de l’Accord sur le climat


négocié à Paris le samedi 12 décembre 2015 et signé à New-York le 22 avril
2016 par les 195 membres de la Convention cadre des Nations unies sur les
changements climatiques (1992). A l’instar de nombreuses conventions de droit
international de l’environnement, l’Accord est particulièrement flexible (les
engagements sont librement fixés par les États) et sans mécanismes coercitifs ou
de sanctions pour les parties qui ne respecteraient pas leurs engagements.

13
FICHE N° 3 – L’application du droit international en droit interne

– L’essentiel

Deux théories générales régissent l’application du droit international en droit


interne : Le système dualiste et le système moniste. Les théories précitées sont
mises en œuvre de façon variable par les États, qui déterminent librement les
rapports entre l’ordre international et leur droit interne.

§ 1 Les rapports du droit interne et du droit international en général

Nous étudierons successivement l’aspect théorique puis pratique des rapports du


droit interne et du droit international.

I Les théories monistes et dualiste

Il existe deux principales théories sur les rapports entre le droit international et
le droit interne. Selon la doctrine dualiste, l’ordre juridique national et l’ordre
juridique international forment des ensembles distincts et étanches l’un de
l’autre, alors que dans la théorie moniste les deux ordres se confondent et
interagissent entre eux. S’opposent donc un système cloisonné (le dualisme) à
un système unitaire (le monisme). Cette opposition théorique est importante
pour les États car elle déterminera en pratique leur relation avec le droit
international.

L’école dualiste est la plus ancienne car elle se fonde en partie sur la
souveraineté des États et la primauté du droit interne. Le cloisonnement de ce
système – théorisé par Heinrich Triepel, Dionisio Anzilotti et Alfred Verdross –
repose notamment sur l’idée que les normes internes s’adressent principalement
aux citoyens tandis que les normes internationales visent uniquement les États.
La technique dualiste est un procédé de réception classique du droit
international, qui opère une transformation de la norme internationale devenant
alors une norme interne parmi d'autres (la naturalisation).

Ainsi, les normes internationales ne s’appliquent pas dans l’ordre interne. Pour
qu’elles puissent produire des effets, elles devront être intégralement reprise par
un texte normatif interne (une loi par exemple). Elles seront alors considérées
comme des faits et non des normes.

Après la seconde guerre mondiale, l’idée de renforcement de la société


internationale pour limiter le recours à la force comme moyen de régler les
différends, ainsi que l’interdépendance croissante entre les États, a permis un
14
fort développement de l’école moniste (défendue par Hans Kelsen). Cette
technique opère une intégration des normes internationales dans l'ordre interne
selon le principe de l'insertion directe ou automatique. Il y a ici une continuité
entre les deux ordres, de telle sorte que les normes internationales s’insèrent
dans l’ordre interne, sous réserve de respecter une certaine procédure
généralement prévue par la Constitution de l’État, à l’instar de la signature,
ratification et publication des traités. Le système moniste permet même à
certaines normes internationales d’avoir des effets directs sur les citoyens, ces
derniers pouvant aussi les invoquer devant leurs juridictions. Initialement rares,
ces règles internationales à effet direct sont de plus en plus présentes,
notamment grâce au développement des droits de l’homme comme la
Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales
du 4 novembre 1950 (dite Convention européenne des droits de l’homme –
CEDH). Intégrées à la pyramide des normes, la place des règles internationales
est déterminée par la Constitution de l’État, avec soit une primauté du droit
interne, soit une primauté du droit international.

L’idée que l’on pourrait se faire selon laquelle le système dualiste est moins
favorable que le système moniste pour le droit international doit toutefois être
relativisée. En effet, les deux théories ne sont pas forcément antinomiques, mais
plutôt à géométrie variable. Ainsi, dans les deux systèmes, la norme
internationale reste de toute façon soumise à certaines formalités pour être
opposable en droit interne : la naturalisation pour le dualisme et au moins la
ratification (pour les traités uniquement) pour le monisme. Ainsi, aucun État
n’accorde sans restriction la primauté au droit international sur le droit national.
Dans le silence (ou le flou) de certaines constitutions, il est parfois même
difficile de savoir si le système d’un État penche clairement du côté d’une
théorie plutôt que de l’autre.

II L’utilisation concrète de ces deux théories

Avec une interdépendance entre États de plus en plus développée dans le monde
contemporain, il serait possible de penser que la théorie moniste ait
complètement supplanté le dualisme. Or, il n’en est rien et il existe globalement
un panachage des deux systèmes. Il serait d’ailleurs plus justifié de parler de
monismes et de dualismes, tant l’application concrète des deux théories
précitées varient selon les acteurs concernés.

15
Le Royaume-Uni est souvent présenté comme l’exemple type du système
dualiste. En effet, cet État refuse généralement l’application directe des traités
internationaux qui n’ont pas été naturalisés par une norme interne. Ce système
découle du principe traditionnel de la souveraineté absolue du Parlement
britannique. Une loi doit donc permettre l’intégration du traité, qui obtiendra
ainsi la même valeur que la législation nationale. Toutefois, le postulat
précédemment énoncé n’est pas absolu et doit être relativisé. En effet, le
principe dégagé par William Blackstone : « International Law is part of the Law
of the Land » permet à la coutume internationale d’être automatiquement
intégrée en droit britannique, sans passer par une loi de transposition. En outre,
certaines conventions internationales peuvent relever de la compétence
exclusive de la couronne et ainsi échapper à l’obligation d’une naturalisation
parlementaire du traité.

Il existe parfois des États de type mixte, alliant la conception dualiste à la


conception moniste, à l’instar des États-Unis d’Amérique où les normes
internationales de type « self-executing » (auto exécutoires) s’intègrent
automatiquement au droit interne, alors que celles de type « non-selfexecuting »
(non-auto exécutoires) doivent être transposées (Medellín v. Texas, 552 U.S.
491 - 2008). La distinction entre les deux types de normes internationales
ressortit à la compétence des juridictions américaines.

D’autres États affichent leur position moniste dans leurs constitutions en


prévoyant de manière expresse que les traités font partie intégrante de l'ordre
juridique national, à l’instar de la Constitution grecque du 9 juin 1975 (art. 28),
ou portugaise du 2 avril 1976 (art. 8).

16
TITRE 1 – LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL

SOUS-TITRE 1 – LES SOURCES TRADITIONNELLES

FICHE N° 4 – Les traités

– L’essentiel

Le traité est la source la plus connue du droit international public. Ces accords
internationaux sont globalement définis par la Convention de Vienne du 23 mai
1969 sur le droit des traités. Soumis à la volonté des États, les règles relatives à
l’adoption et la validité des traités ont peu évoluées. Il est possible de constater
aujourd’hui que les effets produit par ces accords ne se limitent désormais plus
aux seuls signataires.

– Les connaissances

L’examen des éléments relatifs à la naissance des traités précédera l’étude de la


vie des conventions internationales.

§ 1 La définition et l’adoption des traités Nous étudierons successivement


quelques considérations générales sur les traités avant d’examiner leur
conclusion.

I La définition du traité

Les traités sont connus – depuis fort longtemps – sous de nombreuses


appellations relativement différentes, telles que celles de pacte, charte, accord ou
convention internationale. Ils se sont multipliés et sont à présent considérés
comme une source majeure du droit international public. Le droit des traités est
à présent codifié par la Convention de Vienne du 23 mai 1969.

Il convient de préciser que ni les États-Unis, ni la France ne sont parties à cette


Convention, la France votant même contre en 1969, pour démontrer son hostilité
à la reconnaissance de la notion de Jus Cogens. Les États précités respectent
toutefois les grands principes du traité, étant entendu qu’ils dérivent de
coutumes internationales préalablement reconnues. Cette Convention est
essentiellement de nature supplétive, son application étant donc facultative.
L’article 2 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités
tente de poser une définition et dispose que :

(…) l'expression « traité » s'entend d'un accord international conclu par écrit
entre États et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un
17
instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle
que soit sa dénomination particulière ; (…) .

Cette définition pose quelques critères d’identification :

1° Un traité est un « accord international », « quelle que soit sa dénomination


particulière ». L’utilisation de cette notion confirme que l’appellation d’un traité
importe peu (CIJ, 26 décembre 1962, Sud-Ouest africain). Dès lors, peu importe
la terminologie utilisée, dès lors que l’accord respecte les autres critères posés
par la Convention de Vienne de 1969 ;

2° Un traité est « écrit ». Ce critère permet notamment de distinguer le traité de


la coutume internationale ;

3° Un traité est conclu « entre États ». Les accords entre un État et une autre
entité – comme une société privée ou une organisation intergouvernementale –
ne sont donc pas considérés comme des traités par la Convention de Vienne de
1969 mais ce sera le cas par la Convention de Vienne de 1986 ;

4° Un traité est « régi par le droit international ». C’est un acte international dont
les conditions de validité, dans l’ordre international, sont déterminées par le
droit international ;

La Convention de Vienne du 23 mai 1969 ne concerne pas les traités signés


entre les États et les organisations internationales. Si cet aspect a été
ultérieurement détaillé par la Convention de Vienne sur le droit des traités entre
Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales du
21 mars 1986, ce texte n’est pourtant toujours pas entré en vigueur et son
contenu reste très proche de la Convention de 1969. Il n’en reste pas moins qu’il
a acquis une valeur coutumière.

II L’élaboration des traités

L’élaboration d’un traité se déroule en plusieurs étapes :

1° La négociation. Les représentants habilités des États intéressés se rencontrent


pour négocier le futur traité. Lorsqu'il s'agit de négocier un traité multilatéral, la
négociation s’effectuera très souvent dans le cadre d’une organisation
internationale à l’instar de l’Organisation des Nations unies, l’Organisation
mondiale du commerce, ou encore l’Organisation internationale du travail. Cette
phase est souvent précédée de long mois de travail et d’échange entre les États
qui seront partie au futur traité ;
18
2° L'adoption. Prévue à l'article 9 de la Convention de Vienne, l'adoption se
définie comme l'acte collectif mettant un terme aux négociations. Le traité est
ainsi définitivement construit et rien ne saurait plus ni être ajouté ni être
retranché au texte. Il acquiert une existence objective réputée traduire la volonté
des États telle qu'exprimée au moment de la négociation ;

2° L’authentification. À la différence de l'adoption, l'authentification est un acte


individuel de l'État par lequel celui-ci reconnaît le texte comme authentique et
définitif. L'authentification se matérialise par la signature ou par le paraphe.
Cette authentification ne constitue cependant pas l'engagement de l'État à se lier
au traité. Si le traité le permet, il est aussi possible d’adhérer ultérieurement à
celui-ci. Ecarter unilatéralement des dispositions du traité est parfois
envisageable, dès lors que ces réserves ne soient pas incompatibles avec l'objet
et le but du traité (CIJ, 28 mai 1951, avis consultatif relatif aux réserves à la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide). Certains
traités interdisent les réserves à l’instar de l’Accord de Paris sur le climat du 12
décembre 2015 ;

3° La ratification.

Jusqu'à ce que l'État exprime son consentement à être lié, le traité n'est qu'un
texte sans plus d'effets que ceux affectés à son élaboration par le droit
international général. Il appartient désormais à l'État de s'y assujettir de façon à
ce que s'établisse un lien conventionnel avec tout autre État acceptant le même
instrument. Les États ne pourront ainsi être liés par le traité qu’à la condition de
l’accomplissement d’une procédure interne impliquant généralement l’accord du
pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif. Il est reconnu que les accords
internationaux ne lient qu’en vertu de cette ratification (CPJI, 10 septembre
1929, Compétence de la Commission internationale de l'Oder), d’autant plus si
cette condition est inscrite au traité. En France, le Président de la République
négocie et ratifie les traités, parfois sous réserve d’une habilitation parlementaire
(art. 52 et 53 de la Constitution). Il existe d’autres formes de validation des
accords internationaux à l’instar de l’approbation, un processus qui implique
simplement la signature d’un accord par les représentants autorisés d’un État,
suivi de l’approbation formelle de cet accord par le pouvoir exécutif. En outre,
les accords en forme simplifié qui sont souvent utilisés pour régler des questions
techniques ou administratives ne nécessitent pas de ratification ;

4° L’entrée en vigueur.

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Elle correspond au moment où la convention s’insère dans l’ordre juridique
international. Les États, de contractants, deviennent parties à l’instrument.
Désormais, celui-ci trouve à s’appliquer entre eux moyennant la réalisation de
conditions prévues dans les clauses finales. Le plus souvent c’est donc le traité
qui règle ses propres modalités d’entrée en vigueur et lorsque de telles
dispositions font défaut, il faut s’en référer à la Convention de Vienne. Pour un
accord bilatéral, le traité peut potentiellement entrer en vigueur et produire tous
les effets de droit qui lui sont attachés une fois que les instruments de
ratification ont été échangés. Pour un accord multilatéral, l'entrée en vigueur du
traité dépend de la ratification d'un nombre suffisant d’États (qui varie en
fonction du texte). A titre d’exemple la Convention de Vienne du 23 mai 1969
sur le droit des traités a nécessité 35 ratifications pour son entrée en vigueur (27
janvier 1980). Les délais d’attentes peuvent donc être longs ;

§2 La vie des traités Après l’examen des conditions de validité des traités, nous
aborderons leurs effets.

I Les conditions de validité des traités Les conditions de validités des traités sont
relativement proches de celle des contrats. Il est possible de distinguer les vices
du consentement et l’illicéité du but ou de l’objet du traité :

1° Le consentement. Le vice du consentement constitue une cause de nullité du


traité (art. 46 à 52 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969). Ces vices pour
être recevables doivent être d’une importance fondamentale. Ce sont :

- L’erreur de fait : Un exemple concret en matière de délimitation frontalière est


celui d’une erreur cartographique (CIJ, 15 juin 1962, Temple de Préah-Vihéar) ;

- Le dol soit le comportement mensonger ou malhonnête d'un État de nature à


inciter un ou plusieurs autres États à donner leur consentement à être liés ; - La
corruption d’un représentant d’un État ; - La contrainte – notamment militaire –
exercée sur un État ou sur un représentant ;

2° Le but et l’objet du traité. Il ne doit pas être contraire à une norme impérative
du droit international général : le jus cogens (encore faut-il pouvoir identifier ce
principe). Si le traité est contraire à une norme impérative préexistante, il peut
être rétroactivement supprimé, alors que si la norme de jus cogens est
postérieure, le traité risque uniquement l’abrogation (art. 53 et 64 de la
Convention de Vienne du 23 mai 1969).

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Les conséquences des éventuelles invalidités susmentionnées sont variables.
Elle peut conduire à la nullité de certaines dispositions, détachables du reste du
traité, ou une nullité absolue dans les cas les plus grave pour la totalité du traité
et de façon rétroactive (ab initio). Cette hypothèse reste néanmoins très
controversée.

II Les effets des traités

Le traité approuvé possède une force obligatoire pour les États qui y sont
parties, selon le principe pacta sunt servanda. L’article 26 de la Convention de
Vienne du 23 mai 1969 dispose à ce titre que : « Tout traité en vigueur lie les
parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». Les parties ne peuvent donc
ni modifier unilatéralement le traité, ni refuser de l’appliquer, le principe pacta
sunt servanda étant le socle de la coopération internationale (CIJ, 27 août 1952,
Droits des ressortissants des États-Unis d’Amérique au Maroc ; CIJ, 27 juin
1986, Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci).

L’article 34 de la Convention de Vienne précitée dispose que le traité : « ne crée


ni obligations ni droits pour un État tiers sans son consentement ».

C’est le principe de l’effet relatif des traités. Une obligation d’un traité ou un
droit consacré par celui-ci ne peut donc logiquement pas être appliqué à un État
qui n'est pas une partie, du moins s’il n’y a pas consenti. Cette manifestation de
volonté doit être expresse pour les obligations mais peut être tacite pour les
éventuels droits octroyés par un traité (art. 35 de la Convention de Vienne).

Certaines dispositions de traités sont parfois applicables aux États tiers sans leur
consentement. C’est le cas si les règles susmentionnées avaient déjà un caractère
coutumier en droit international (CIJ, 20 février 1969, plateau continental de la
mer du Nord). Si le traité est qualifié « d’objectif », il peut aussi s’appliquer
directement aux États tiers. Un traité objectif est un accord créant des droits ou
imposant des obligations à l'égard de tous les États, y compris les États
demeurés à l'extérieur du cercle conventionnel : c'est une convention opposable
erga omnes.

21
FICHE N° 5 – La coutume

– L’essentiel

La coutume est l’une des sources les plus ancienne du droit international public.
A défaut d’un formalisme comme pour les traités, la coutume ne se forme que si
deux éléments sont réunis : l’élément matériel (la pratique répétée) et moral
(l’opinio juris).

– Les connaissances

Seront exposés les éléments relatifs à l’existence de la coutume, avant d’étudier


son autorité en droit international.

§ 1 Définition et formation de la coutume

Nous étudierons la notion de coutume avant de présenter sa formation

I La notion de coutume

La coutume est une source importante du droit international étant entendu


qu’elle précède historiquement les traités. L’article 38 (1°) du statut de la Cour
internationale de justice précise que la Cour applique : « b.la coutume
internationale comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le
droit ; ». La coutume naît donc d’une pratique générale acceptée comme étant
du droit. L’émergence d’une norme coutumière suppose ainsi la réunion de deux
éléments : un élément matériel : une pratique répétée et prolongée de certains
actes et un élément psychologique (ou « opinio juris »).

La coutume internationale peut être générale ou spéciale. Une coutume générale


est opposable à tous les États, alors qu’une coutume spéciale ne s’applique
qu’aux relations entre deux États (coutume bilatérale) ou un nombre limité
d’États (CIJ, 20 nov. 1950, Affaire colombo-péruvienne relative au droit
d’asile ; CIJ, 13 juin 1951, Haya De La Torre).

A l’origine, la coutume était certainement le mode de création du droit


international le plus utilisé mais elle a subi la concurrence contemporaine du
traité, à la fois pour des raisons formelles de précision sur le contenu de la règle,
son opposabilité ou son règlement des différends) mais aussi sur une prise en
compte plus appréciée de la souveraineté des États et de leur consentement. Il
n’en reste pas moins que la coutume possède la même valeur que les traités en
tant que source du droit international. En tant que norme, la coutume peut revêtir

22
un caractère impératif. Pour Pierre Couturier et Tiphaine Demaria, la coutume
est ainsi tout à la fois une source et une norme du droit international et est d’une
importance décisive dans l’ordre juridique international.

II La formation de la coutume

La formule présente à l’article 38 (1° b.) du statut de la Cour internationale de


justice précise que l'existence d'une coutume est attestée par la réunion
cumulative de deux éléments, un élément matériel et un élément moral (l’opinio
juris).

En ce qui concerne l’élément matériel, il s’agit de prouver l’existence de


précédents soit la présence d'un certain nombre d'actes ou de comportements
répétés pendant une certaine durée et fréquence (CIJ, 20 février 1969,
Délimitation du plateau continental de la mer du Nord), de façon générale et
constante (CIJ, 20 novembre 1950, Droit d’asile). Ces pratiques relèvent
principalement des États (CIJ, 3 juin 1985, Plateau continental) mais aussi –
accessoirement – des organisations internationales. Il peut s’agir de
comportements actifs ou passifs, à l’instar d’abstentions répétées.

En ce qui concerne l’élément moral, aussi connu sous le nom d’opinio juris ou
opinio juris sive necessitatis (littéralement l’opinion du droit ou de la nécessité),
il s’agit du comportement adopté par les auteurs et les destinataires de la
coutume et plus particulièrement par le sentiment de se conformer à ce qui
équivaut à une obligation juridique (CIJ, 20 février 1969, Délimitation du
plateau continental de la mer du Nord). C’est la pratique : « acceptée comme
étant le droit » de l’article 38 (1° b.) du statut de la Cour internationale de
justice. L'opinio juris – qui atteste du caractère obligatoire de la règle – est une
notion dont l’existence est débattue par la doctrine, tant sur sa définition même
que sur la difficulté à prouver que l’élément matériel. La recherche de cet
élément moral relève donc principalement du juge et plus particulièrement de la
Cour internationale de justice. À titre d’exemple, à la question de savoir si une
règle coutumière proscrivant l’interdiction de l’arme nucléaire s’était formée, la
Cour internationale de justice va estimer que du fait des divisions
internationales, elle ne pouvait conclure à l’existence d’une telle opinio juris
(CIJ, avis, 8 juill. 1996, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires).

§ 2 L’autorité de la coutume

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L’examen de l’opposabilité de la coutume précèdera l’étude de son articulation
avec les traités.

I L’opposabilité de la coutume

Une règle coutumière générale ne nécessite pas l’unanimité de l’ensemble des


États dans le monde pour devenir opposable globalement (la situation est
évidemment différente pour les coutumes bilatérales ou régionales – CIJ, 27
août 1952, Affaire relative aux droits des ressortissants des États-Unis
d’Amérique au Maroc). Le principe théorique est donc que la coutume générale
est applicable aux États ayant directement participés à sa formation, et présumée
pour les États tiers. Toutefois, selon la Cour internationale de justice, la coutume
ayant été contesté, peut être considérée comme inopposable aux États ayant
soulevés des objections (CIJ, 18 décembre 1951, Pêcheries anglo-norvégiennes),
sous réserve que ces objections soit formulées lorsque la coutume est en cours
de gestation, qu’elle soit formulée clairement, communiquée de façon publique
et réitérée de manière persistante. A défaut, les États ne disposent pas d'un droit
d'exclusion unilatéral à l’égard d’une coutume (CIJ, 20 février 1969,
Délimitation du plateau continental de la mer du Nord).

II L’articulation de la coutume avec les traités

A l’exception du jus cogens, il est reconnu qu’il n’existe pas de hiérarchie des
normes en droit international. L’articulation de la coutume avec les autres
sources internationales peut se révéler problématique dès lors que ces conditions
de formation et d’identification ne sont pas aussi claires que pour d’autres
normes à l’instar du traité.

La coutume étant généralement matérialisée par un principe général, il est


reconnu que l’on s’appuiera en priorité sur les règles tierces appliquant celuici
de façon plus précise (le principe de subsidiarité), ainsi que les règles de même
niveau mais plus récentes.

Les liens entre les traités et les coutumes sont nombreux. Cela semble logique
dès lors qu’indépendamment de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le
droit des traités, le régime juridique des normes conventionnelles est
principalement coutumier. Par ailleurs les traités se sont progressivement
imposés comme des instruments de codification de la coutume internationale. Il
est possible de constater que si les traités sont souvent plus récents, ils peuvent
cependant être parfois moins précis que la coutume et dès lors être écartés à son

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profit (CIJ, 27 juin 1986, Activités militaires et paramilitaires). Ainsi dans
l’hypothèse d’un conflit entre un traité et une coutume, ce n’est ni
nécessairement la coutume , ni nécessairement le traité qui prévaut. Il est ainsi
nécessaire de démontrer qu’une norme par rapport à l’autre est plus précise et
qu’il doit être fait application du principe de lex specialis (CIJ, 25 sept. 1997,
Projet Gabčikovo-Nagymaros).

La codification d’une coutume par un traité ne conduit pas à son abrogation. Son
abrogation ne peut être opérée que par une autre coutume. La coutume
internationale existe donc en parallèle des traités, même pour des règles
similaires à l’instar de la Convention de Vienne susmentionnée, qui dispose
dans l’avant dernier alinéa de son préambule que : « les règles du droit
international coutumier continueront à régir les questions non réglées dans les
dispositions de la présente Convention ».

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