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"Les Nomades Interrompus": Henri Guillaume

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Henri GUILLAUME

"LES NOMADES INTERROMPUS"

INTRODUCTION
A L'ETUDE
DU CANTON TWAREG DE L'IMANAN

ETUDES NIGERIENNES N° 3S
"LES NOMADES INTERROMPUS"

INTRODUCTION
A L'ETUDE
DU CANTON 1WAREG DE L'IMANAN
ETUDES NIGERIENNES N° 35

"LES NOMADES INTERROMPUS"

INTRODUCTION
A L'ETUDE
DU CANTON TWAREG DE L'IMANAN

par

Henri GUILLAUME

Centre Nigérien de Recherches en Sciences Humaines


NIAMEY - 1974
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• Agadez
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NIGERIA
• Kano

CROQUIS DE SITUATION
ERRATUM

Henri Guillaume Etudes Nigériennes n° 35

Au lieu de Lire:

p. 1 matérieux matériaux

p. 12 Immantn Imanntn

p. 24 selon lesquels selon lequel

p. 26 K~l Te bonntnt K~l T~bonn~nt

p. 28 Kel es Suk K~l es Suk

p. 31 ighawalen ighawelen

p. 33 est issue d'une famille de d'une fille de

p. 39 je vous ai de le laisser ai dit de

p. 56 le phénomène de la traite celle du phénomène

p. 67 ostentoire ostentatoire

p. 83 berats bere

p. 92 Imman~n Imanntn

p. 92 imajeghen imajeghtn
AVANT-PROPOS

Il semble nécessaire d'exposer tout d'abord les conditions et


l'état d'esprit dans lesquels a été mené ce travail. Particulièrement
intéressé par les modalités d'adaptation des sociétés nomades à leurs
environnements écologiques, j'avais entrepris l'étude du tamasheq
à l'INLCO et avais rédigé en 1969 un mémoire succinct sur le rOle
joué par l'extraction et la commercialisation du sel de l'Amadror
dans la vie économique des Twareg Kil Ahaggar. Les matériaux uti-
lisés pour la rédaction de ce texte étaient principalement d'origine
bibliographique, certaines informations ayant été cependant recueil-
lies au cours d'un voyage dans le Sud algérien.

Espérant effectuer ma première enquête ethnologique en pays


twareg, j'envisageais de me rendre au Niger.

Se posait alors le problème de délimiter une zone de recherche


et d'établir un programme de travail précis. Je ne retenais finalement
que des projets fort vagues espérant ainsi échapper, à cette époque
là, aux deux dangers suivants;
- l'appropriation personnelle d'une aire culture lle, attitude condui-
sant à l' insta uration d'une sorte de rapport féoda l entre l'ethnologue
et la population autochtone, s'enfermer dans un espace limité et y
régner, ne serait-ce qu'au niveau de l'auto-satisfaction intellectuelle.
- le choix d'un sujet d'étude précis que l'on range dans un do-
maine artificiellement dénommé et composé, divisions arbitraires,
émiettement idéologique, diffus dans l'enseignement universitaire
traditionnel, d'une réalité que l'on ne peut saisir qu'envisagée dans
sa totalité. C'est dans la pratique quotidienne qu'apparaf1:ra une voie
de recherche souvent totalement différente de celle que l'on aurait
pu retenir à sa table de travail. Le chercheur doit s'efforcer de rece-
voir le maximum des messages émis par le groupe au sein duquel il
vit ; état de disponibilité qui, particulièrement indispensable au
cours du premier séjour, requiert de ne point satisfaire cette propen-
sion à vouloir immédiatement dominer et orienter les événements,
rendre intelligibles et formaliser les matérieux recueillis.

Le cadre de cette recherche, le canton de l'Imanan (départe-


ment de Filingué), n'a été retenu qu'à Niamey. Cette région, véri-
table ilOt twareg en pays djerma et sudye, est traversée par la piste
2

Niamey-Filingué; Bonkoukou, le village le plus important, est à


environ 140 km de la première ville et 40 km de la seconde.

Il me faut ici remercier Madame Suzanne Bernus ainsi que Mon-


sieur Diouldé Laya, directeur du CNRSH, pour les conseils qu'ils
ont su m'apporter lors de mon arrivée au Niger. Je sais également
gré à Monsieur le Ministre Muddur Zakara, chef du canton de l' Ima-
nan, de s'@tre immédiatement montré favorable à ce travail.

Le choix de cette zone, proche de la capitale et de population


nomade sédentarisée, a été en grande partie déterminé par deux con-
traintes matérielles:
- ne bénéficiant d'aucune aide financière, le voyage était à
mes frais, ce qui limitait davantage mes possibilités réelles de tra-
vail. Ne disposant pas de véhicule et me déplaçant à chameau (ce
qui est de toute façon préférable mais apparaf't malheureuse!TI~,1t
dans ce contexte comme un lourd handicap), il valait mieux retenir
une région d'accès facile et de superficie relativement restreinte.
- la durée extr@mement brève de mon séjour: du 13 octobre
au 22 décembre 1970.

Il est indispensable d'évoquer le problème du temps dans la


recherche ethnologique. Si je dois mentionner ma gratitude envers
la population de l'Imanan, c'est moins pour son amabilité et sa
compréhension méritoires que pour m'avoir offert la possibilité de
prendre conscience à quel point je répondais parfaitement bien à
l'exigence de ne pas "perdre ou gaspiller son temps". Durant le
cycle des études, partir sur un "terrain", c'est toujours partir à
un degré plus ou moins fort en tant qu'individu passant des diplô-
mes. Il m'est souvent arrivé en brousse, d'envisager mon enquête
en tant que futur mémoire de maf'trise ; il y aurait une échéance,
une clef pour le doctorat de troisième cycle. Quelques semaines
après mon retour, je lisais dans un extrait d' "Un Riche Cannibale"
de Jean Monod: "lorsque le jeune ethnologue se présente sur le
"terrain", il a déjà sa thèse en vue - fOt-ce une monographie -
c'est le premier pas de sa carrière. Dès avant de partir, c'est son
retour qu'il prépare" .

L'ethnologie n'échappe guère à la notion de rentabilité que


j'espérais, innocemment, réservée plus particulièrement à d'autres
domaines. Le chercheur a de nombreuses chances d'@tre pris dans un
engrenage dont il lui sera difficile de se dégager; la non-accumu-
lation immédiate de matéria ux clairs et concis, l'échec ou plutôt ce
que l'on considère comme un échec, n'est guère acceptable. Etant
donné les conditions actuelles de la recherche, la difficulté d'obte-
nir des bourses et crédits de mission, l'heureux bénéficiaire risque
de penser déjà aux conditions d'obtention de nouvelles ressources
ce qui sera déterminant pour son comportement sur le "terrain" et la
3

valeur des informations recueillies.

Ce concept de rendement, toile de fond de ce qui devient vite


parodie ethnologique, est d'a utant plus puissant semble-t-il, lors-
que le séjour sur le "terrain" est particulièrement court. Il m'a été
impossible de m'arracher à ce carcan temporel; or, la meilleure mé-
thode de travail c'est justement de ne rien brusquer, de savoir pa-
tienter et vivre non pas en ayant l'illusion d"'atteindre" l'Autre, mais
en cherchant à percevoir et saisir son existence quotidienne. Peu
importe alors si je suis toujours "le Blanc", ce Blanc qui s 'e st main-
tes fois surpris comme ayant un rythme de vie sans commune mesure
avec celui de la population parmi laque lle il résidait. Il semble sou-
haitable que la première expérience de "terrain" s'étale sur une pé-
riode d'au moins un an ; peut-être est-il alors plus aisé de dépas-
ser cette prise de conscience et de bannir une enquête ethnologique
qui prend vite le visage d'une collecte à sens unique, d'une activité
exclusivement bénéfique pour un "bon élève" ou un chercheur sou-
cieux de jouir à nouveau de ce temps difficilement dissociable de
l'argent.

De nombreuses informations qui se sont révélées riches lors


du dépouillement et auraient mérité une attention particulière au mo-
ment de leur enregistrement sont alors totalement passées inaperçues
du fait de la rapidité de l'enquête. Les contingences matérielles, en
outre, n'ont généralement pas rendu possible la mise au point d'une
analyse quantitative de certains phénomènes étudiés.

Cette étude préliminaire permet cependant de poser des hypo-


thèses et directions de recherche qui laissent envisager le prolonge-
ment futur de l'analyse descriptive par une interprétation théorique
encore floue et hésita nte (1).

PRESENTATION

Le plan d'exposition adopté ici reflète la démarche SUlVle sur


le terrain. Ne possédant aucune connaissance initiale sur cette ré-
gion, d'ailleurs peu étudiée jusqu'à présent, ce sont la nature
et l'enchafnement des événements quotidiens qui ont guidé cette
enqu~te. Il est vite apparu que l'étude de l'histoire du peuplement

(1) Cet ouvrage constitue une version parfois légèrement corrigée


d'un texte rédigé dans le cadre d'une maftrise spécialisée d'eth-
nologie dirigée par MM. R. Cresswell et P. Mercier et soutenue
en novembre 1971 à l'Université Paris V - Sorbonne. Entre le mo-
ment de sa rédaction et celui de sa publication, ce travail a pu
~tre poursuivi lors d'un nouveau séjour au Niger (novembre 1972 -
Mai 1973).
4

constituait une condition primordiale pour la saisie de tout phéno-


mène.

La premlere partie sera donc consacrée à l'histoire du peuple-


ment. Certains renseignements ont été collectés dans des ouvrages
mentionnant, souvent indirectement, la zone retenue. Vu le caractè-
re restreint de ces données, mon travail repose surtout sur des in-
formations orales et des documents consultés aux Archives de Ni a-
mey et de Filingué. Pressé par le temps et ne pouvant envisager de
passer ces quelques semaines enfermé dans des salles d'archives,
je n'ai certainement pas pris connaissance de l'ensemble des écrits
. concernant cette région. Pour cette partie, le lecteur pourra particu-
lièrement se référer aux index des noms de lieux et de personnes
afin de prendre connaissance des termes notamment cités au cours
de ces premières pages.

Cette étape initiale de la recherche est immédiatement appa-


rue comme révélatrice de certains conflits et tensions inhérents à
la société étudiée. La compréhension progressive du processus de
constitution de l'ensemble twareg de l'Imanan s'est accompagnée
de l'avènement d'un type de situation dans lequel je me trouvais
totalement prisonnier. Le peuplement étant composé comme nous le
verrons, de groupes migrants numériquement réduits et d'origines
diverses, l'étude de leurs relations mutuelles a entrafné de la part
de chacun d'eux une tentative de prise en charge de l'étranger que
j'étais. Dans le domaine des alliances matrimoniales et des droits
à la chefferie par exemple, chaque groupe s'efforçait d'utiliser mon
travail comme justification, caution des informations qu'il m'ap-
portait et qui étaient profondément marquées par des phénomènes de
"stratégie" et de "manipulation". Les difficultés rencontrées au
cours de l'enquête en histoire du peuplement sont, sans nul doute,
une excellente voie pour réaliser à quel point tout domaine d'étude
requiert prudence et esprit critique.

Ainsi, les traditions orales recueillies en milieu twareg révè-


lent la part d'intervention de l'individu sur le f~it historique; cha-
que groupe se livrant à des calculs pour déterrriÙ~er sa place dans
le tout. Au cours de cette première partie, seront sl-lrtout mises en
re lation des traditions orale s enregistrées auprès d' informate urs ap-
partenant à des populations différentes; on verra que l'analyse de
t'tïtstoire d'une population précise ne peut être menée que dans un
,la'rge champ spatial généralement négligé par les historiens tradi-
tionnels.

L'approche du fait historique nécessite la compréhension de


sa: reconstruction généralement consciente par les agents sociaux.
Pour tenter de rendre·compte du fait dans une parole "historique"
il m'a fallu passer par une parole "historienne" donnée par mes
5

informateurs et qui est susceptible d'avoir fait subir deux distorsions


au réel. D'une part, l'attribution d'un sens au fait, condition premiè-
re de son existence; d'autre part, la pertinence donnée à ce sens en
fonction de ce que je représentais pour l'informateur. L'histoire ainsi
signifiée par l'agent social n'est donc plus le miroir du "réel" mais
l'image mlême de cet agent. Un discours historique classique aurait
visé à une reconstitution vraisemblable d'une parole "historienne"
dont la multiplicité jusqu'ici souvent délaissée, fait naftre l'invrai-
semblable; "vraisemblable" et "invraisemblable" se conjuguant
avec "homogène" et "hétérogène".

La seconde partie portera sur l'analyse des structures socia-


les; je présenterai tout d'abord les diverses catégories constituti-
ves de cette société et les appréhenderai dans le cadre de l'organi-
sation socia le de la production. Privilégiant la dimension historique,
j'essaierai de souligner les transformations essentielles qu'ont con-
nu les rapports sociaux de production depuis le 19ème siècle. Ce
ne sera bien entendu qu'une esquisse où la présentation d'éléments
trop coupés de l'ensemble du système paraftra mécanique, donc
simpliste. Des points de rupture fondamentaux apparaftront néan-
moins, constituant d'importants moments pour l'étude à venir des
possibilités de reproduction de cette société dans le temps. Phéno-
mènes internes et externes a u système envisagé expliqueront que
"le dynamisme, comme l'écrit P. Mercier (1968 - page 513-514),
est toujours présent, même dans les périodes où ne paraissent s'ac-
cumuler que peu d'innovations; et bien que la protestation sociale,
celle qui conduit éventuellement à des remises en causes radicales
de l'ordre existant, n'ait ici guère de possibilités de s'exprimer ...
il n'est pas un rapport social, si peu accentuée que soit la hiérar-
chisation dans un groupe donné, qui ne révèle une dissymétrie. et
donc un potentiel de tension" .

La dernière partie présentera les différents secteurs contem-


porains d'activités économiques; l'accent sera particulièrement mis
sur la place tenue par l'agriculture dans la vie économique de ces
anciens pasteurs et l'association de l'élevage aux travaux agricoles.

La prise en considération de la politique menée par l'adminis-


tration coloniale sera déterminante pour saisir les structures fonciè-
res actuelles et les transformations rapides qu'a connu le milieu
naturel. Cet environnement écologique en pleine mutation et des
structures socio-économiques contraignantes, engendrent une situa-
tion nouvelle dont les diverses composantes seront envisagées.
6

TRANSCRIPTION

L'analyse linguistique s'est limitée à une simple transcription


phonétique; il sera certainement intéressant d'entreprendre une étu-
de approfondie de ce parler tamasheg dont la pratique est en régres-
sion permanente sous l'avancée de la langue djerma.

En raison des difficultés d'impression, un système simplifié


de transcription sera utilisé.

Lors de leur premier emploi, les noms de lieux géographiques


comporteront, outre leur tra nscription phonétique, ce lle qui leur est
habituellement attribuée dans les documents administratifs, sur les
cartes I. G. N ..... ; ailleurs, seule la première transcription sera
retenue.

Les équivalences à établir entre la graphie employée ici et


celle officialisée lors du Colloque de Bamako, sont les suivantes

sh Il
kh x

gh ~
k k

q q (uvulaire sourde)

"
e
d

e ou E selon les cas

0 o ou J selon les cas

Le redoublement du même caractère, voyelle ou consonne,


indique une longueur.
7

PREMIERE PARTIE

HISTOIRE DU PEUPLEMENT
8

.1.&.
208 altitude \ ° ~lLlNGUE
~ °Tunfaliz

• Dogon Gao Zod,

:. ~. -.."
LE DALLOL BOSSa: ZONE D'ENQUETE
9

l - DONNEES PREALABLES :

l .1 - Morpho-pédologie

L'Imannin (Imanan), dont le village principal Bonkuku (Bonkou-


kou) se trouve à 3° 13' de longitude Est et 14° l' de latitude Nord,
est situé dans le Dallol Bosso. Cette vallée morte, prolongement
vers le Sud du réseau hydrographique de l'Azawagh, suit l'axe du
synclinal Continental terminal et correspond à une zone de drafnage
de premier ordre de la nappe phréatique générale. A son point le plus
étroit, appelé "Seuil de l'Imanan", la vallée n'excède pas 5 km.
Elle est recouverte de sables formant généralement de molles ondu-
lations entre lesquelles figurent parfois des bas-fonds (aghirer) aux
terres lourdes et riches en limons où se constituent durant l'hiver-
nage des mares plus ou moins étendues.

Coupe géologique effectuée au village d'Ibogholliten (Ibogaliten) -


(Sogetha - 1963)

profondeur
0,5 mètre sable fin à grossier; gris à beige
5 mètres sable fin à grossier; jaunatre
11 argile silteuse peu sableuse;
blanchatre bariolée
16 grès fin à moyen, très peu argileux,
silteux, triturable; jaunatre
21 grès fin fortement silteux, argileux;
blancMtre à taches rouillées
26 grès fin à moyen, silteux, argileux ;
blancMtre
31 argile fortement silteuse; sableuse
blanchatre à taches rouillées.
36 silt sableux, argileux; blanchatre,
rouillé,
41 grès fin silteux, argileux; blancha-
tre
46 argile silteuse ; blanchatre, rouillée.
10

La plaine sableuse est limitée à l'Est et à l'Ouest par des


plateaux dont se sont détachés, par érosion, de petits pitons et
des reliefs escarpés aux formes tabulaires. Ces plateaux composés
d'argilite sableuse comprenant parfois une couche d'une dizaine de
mètres d'argile pure et recouverte en surface par de la latérite, me-
surent environ 40 à 50 mètres de haut; comportant quelques espaces
nus pierreux, ils sont le plus souvent le domaine de la brousse ti-
grée. Cependant, dans la zone de l'Imannin, le plateau Ouest, par-
ticulièrement, a subi des effondrements qui se traduisent par la pré-
sence de vallées sablonneuses aboutissant dans le Dallol ; la fa-
laise s'estompe alors, la pente s'adoucit.

1.2 - Pluviométrie

L'Imannin connan un climat de type sahélien caractérisé par


une courte saison des pluies (juin-septembre) et une longue 'lison
sèche dont l'alternance conditionne le cycle de production annuel
des pasteurs et des cultivateurs. Cette région, dont la pluviométrie
généralement inférieure à celle présentée ci-dessous sera étudiée
de manière plus précise au cours de la dernière partie, est située
entre les isohyètes 400 et 500 mm.

Moyennes annuelles enregistrées à la station de Filingué :

années j ours de pl uie

1960 369,9 mm 26
1961 464,7 27
1962 484,5 30
1963 462,5 29
1964 478,1 35
1965 596,5 34
1966 307,9 22
1967 454,3 26
1968 454,3 22
1969 339,3 23

1.3 - Démographie

Comparé aux autres cantons du département de Filingué,


l'Imannin possède un taux modéré d'accroissement naturel de sa
population. En 1950 par exemple, la natalité y est particulièrement
faible :
Il

taux de natalité taux de mortalité


Imannlin 18 % 17 %
Tlighazlirt
32 % 17 %
(Tagazar)
Tondikandya 36 % 13,5 %
Kughfey
33 % 13 %
(Kourfey)

Ce taux de natalité peu élevé est le fait de la population d'ori-


gine twareg où l'on ne compte, en 1950, que 40,2 % de personnes
âgées de moins de 15 ans (pourcentage qui tombe à 35,3 pour le vil-
lage de Diggina) contre 49 % chez les Djerma du même canton. Cette
situation en milieu twareg est, semble-t-il, la conséquence d'une
fréquente monogamie, bien que parfois chronologique, et de phéno-
mènes d'endogamie des divers groupes sociaux.

La reproduction démographique est en outre limitée par une


mortalité infantile et une émigration connaissant de fortes poussées
lors des périodes de disette, ce qui explique les déficits ou faibles
progressions enregistrées ci-dessous pour les années 1929-1930,
1932-1933 et 1946-1950.

Canton de l'Imannlin :
années population Sources d'information

1905 4.270
1929 6.000 environ
1930 5.494 Archives de Niamey et
de Filingué
1932 5.636
(Rapports des adminis-
1933 5.604
trateurs: Urfer
1938 6.309 Taillandier
Brachet)
1943 7.745
1946 8.607
1950 8.775
1953 9.004
1958 10.170
1964 11.164
Rapports annuels
1965 11 . 346
(Ministère de l'Economie
1968 11.754 Rurale)
1969 12.074
12

Il est nécessaire de tenir compte ici du caractère fragmentaire


et imprécis des premiers recensements; de plus, la crois sance cons-
tatée à certaines époques est parfois due à l'arrivée de populations
nouvelles dans le canton ou à l'enregistrement de groupes jusqu'alors
non recensés. Ainsi, en 1943-1946, de nombreux commerçants hausa
viennent s'installer dans la région avec leurs familles; les chiffres
communiqués pour la période 1950-1953 masquent le déficit réel de
la population (8775-8146), l'administration enregistrant pour la pre-
mière fois 858 pasteurs peul qui nomadisent depuis plusieurs décen-
nies dans le Dallot.

L'analyse des répercussions de la politique coloniale notamment,


révèlera les conditions défavorables de réalisation de cette expan-
sion démographique.

II - ORIGINES ET MIGRATIONS

L'histoire de l'Imannin n'est envisagée, pour l'instant, qu'à


partir de l'arrivée des Twareg. Malgré les travaux de certains auteurs,
la période précédente est confuse; les fouilles archéologiques man-
quent particulièrement. Cette ébauche d'analyse ne concerne donc
que les principales migrations twareg et les populations présentes
dans la région lors de leurs déroulements.

II. 1 - Les Kil Nan:

Les premiers Twareg arrivent dans l'Immanin vers 1810 ; cette


date approximative, communiquée dans tous les documents consultés
ainsi que dans les infonnations recueillies au cours de l'enquête,
sera ici retenue sous toute réserve.

Cette migration est constituée de quelques familles nobles


(imajeghin, sing : amajegh) kil Nan, fraction détentrice du pouvoir
chez les Iullemmeden de l'Est ou "Kil Dinnik".

L'administrateur Brachet écrit à leur sujet (1943) : "cette ori-


gine est confirmée par le fait que les relations avec la tribu mère
furent continuées jusqu'en 1917 environ, date de la révolte de Kaocen.
L'oncle maternel du chef actuel "cousinait" avec Alghoumar ag Erkabi
ag Moussa, chef des Kel Nan, mort en 1917, avec Ismaghel, son
prédecesseur, avec Alghoumar, Alghimaret que les vieillards de
Bonkoukou se souviennent être allés voir dans leurs campements de
Tlemcès, Tiggert, Barmou".

Ce déplacement est, semble-t-il, une fuite à la suite de la


défaite que connurent, dans le Nord de l'Ader, ces imajeghin face
à Gélani, On peut se référer pour cette pha se historique à F. Nicola s
(1950 - pp 56-57) et à Urvoy qui écrit (1936 - P. 205) : "Après les
13

concessions d'Attaférich aux tribus maraboutiques, la seule diffé-


rence avec les Imagerens était supprimée et il était naturel qu'ils
aient de plus en plus mal supporté les restes d'une ancienne vassa-
lité. Un d'eux sut les rallier et renversa la supré'.1atie des nobles.
Il était de la tribu des Attaouaris et s'appelait Gélani. Il eut ['habi-
leté de colorer de buts religieux cette querelle de castes et se posa
en réformateur de l'Islam local qu'il devait ramener à sa pureté pri-
mitive ... Quand les partis furent bien formés, il suffit d'un incident
pour mettre le feu aux poudres. Vers 1809, au marché de Birni'n Ader
(capitale de l'Ader), Gélani se disputa avec un noble, Karosa frère
du futur amenokal Bouda!. Ils avaient envie tous les deux du même
bouclier, Gélani gifla en public Karosa, monta à cheval et appela
aux armes ses partisans; les Imagerens se sauvèrent et Gélani fut
nommé amenokal des Oullimiden. Les combats furent d'abord indé-
cis, mais à la fin, les nobles ayant attaqué à Ezac, près d'Azel,
un campement imrad et ramenant leurs prises vers le Nord-Ouest,
furent surpris au puits d 'Amander. Vaincus, ils se retirèrent à Mena-
ka en demandant l'hospitalité à leurs cousins de l'Ouest, leurs an-
ciens ennemis" .

Le conflit ayant provoqué le départ des imajeghin est relaté


dans la "Chronique de Malam Ahmadou Ben Dtechouko, marabout du
sultan Ibrahime Soko de l' Hégire 1325" ; la traduction de ce texte
par le lieutenant Peignot (1907) m'a été communiquée par R. Dutel,
ancien commandant par interim du cercle de Dosso : "Alors un ma-
rabout touareg de la tribu Attaouari se nommait Gélani. Il avait une
lance armée de cornes de biches et il se rendait au marché. Il vou-
lait un bouclier, mais un imoshagt voulait aussi ce bouclier et ils
s'abandonnèrent à la colère. Tous les marabouts prirent des chevaux
et des sabres. Les imoshagt se sauvèrent et Gélani fut nommé
amenokal des Oulliminden".

L'implantation Kil Nan dans l'Imannin pourrait être le fait de


quelques familles ne rejoignant pas les Iullemmeden Kil Attaram de
la région de Menaka mais cherchant refuge plus au Sud dans le Dal-
101 Bosso. Cette zone est alors habitée par des groupes djerma, gube
("gubawa" en hausa) et sudye appelé aussi Kughfeyawa. Durant les
premiers temps, l'installation twareg semble se dérouler pacifique-
ment. Les informations utilisées ici proviennent de l'enquête sur le
terrain et des textes consultés aux archives de Niamey et de Filin-
gué; les administrateurs ayant rédigé ces derniers se sont référés
à des renseignements recueillis uniquement en milieu twareg de
l'Imannin.

a) un vieil esclave de l'actuel village de Dakfao relate l'arrivée


des premiers imajeghin de la manière suivante: "Le pays était au-
trefois une brousse, Idris, père de Akli et Alkhuseyni, arrive avec
des familles twareg et leurs esclaves. Shitt (Chatt) est alors habité
14

par des Djerma. Les Twareg, conduits par Idris, s'arrêtent d'abord
au baobab. s'installent ensuite à Bagga (2 arbres servent encore
de repère pour reconnartre ce lieu) et enfin à Shitt où naissent Akli
et Alkhuseyni (même père, même mère). Ils offrent une chèvre rous-
se à leurs génies et un mouton blanc au baobab",

b) Pour l'imam Addibis (village de Bonkuku) : "deux Twareg Iullem-


meden, Akli et Ahiya, arrivent dans la région, Ahiya retourne chez
leur père Idris qui n'est pas venu avec eux, Akli reste avec ses deux
esclaves et se marie avec une Djerma nommée Hawa, fille de Immey-
da dont le nom fut donné à une mare proche de Shitt" ,

c) Selon Ali Seydi (Bonkuku) : "Les gens de Tidghaq se sont pré-


parés et sont venus, Ils lui ont dit qu'ils allaient le marier. Un
homme comme toi, on veut se mélanger avec lui. Akli leur a répon-
du qu'il n'avait pas vu la femme qu'il désirait pour se marier. Il
leur a dit qu'il n'aimait pas cette saleté; ils parlent avec leurs
mains, ils ne connaissent pas le tamasheq et lui non plus ne con-
nait pas leur langage, Ils lui ont dit "quitte notre pays" ; il leur a
répondu que la terre appartient à Dieu. Ils discutent avec lui, ils
discutent avec lui jusqu'à ce qu'ils en aient assez, Ils sont retour-
nés chez eux, A ce moment là, ils lui ont amené la fille du chef de
Tidghaq. Un homme ne peut rester sans femme".

d) L'administrateur Crocicchia (1921) écrit qu'un Twareg nommé


Akli vient s'établir à Shitt ; "bien accueilli par les Djermas et les
Goubes, il épousa une femme djerma et s'y établit définitivement".

e) Selon Brachet (1943) : "Al Rhaji (18 ?, 1820) conduit une di-
zaine de familles Kel Nan dans le Dallol Bosso", D'après l'auteur,
ces Twareg s' insta llent à Dakfao où vivent des Gube qui, effrayés,
fuient sur le piton rocheux de Shitt, puis, après des pourparlers,
redescendent et scellent une alliance par le mariage d'Al Rhaji avec
une fille gube nommée Hawa, Un garçon, dont le nom est perdu,
nartra de ce mariage; Akli est son surnom.

f) Le 22 septembre 1952, l'administrateur Taillandier écrit


qu'Akli après s'être installé à "Satt" où il est bien accueilli par
les Djerma et les Gube vivant dans la région, épouse une femme
djerma,

Il faut noter que l'appellation d'''Akli'' peut poser un problè-


me quant à la nature du groupe conduit par ce personnage dont le
nom signifie "esclave" en tamasheq, D'après monsieur Muddur
Zakara, cette terminologie proviendrait d'une déformation du nom
"Akhli" ; les Djerma ne prononçant pas le son "kh" l'auraient rem-
placé par "k" dont l'emploi s'est généralisé,
15

Pour résumer

a) Idris (se rend à Shfitt, village habité


1 par desDjerma)

Akli Alkhuseyni

b) Idris (ne vient pas dans le Dallol)

Ahiya Akli (épouse une fem-


me djerma nommée
Hawa, fille de Im-
meyda)

c) Akli épouse la fille du chef de Tfidghaq.

d) Akli s'établit à Shfitt peuplé de Djerma et de Gube; il épouse


une femme djerma.

e) Al Rhaji (épouse une femme gube nommée


1 Hawa)

Akli

1
Alkhuseyni

f) Akli s'installe à Shfitt peuplé de Djerma et de Gube ; il épouse


une femme djerma.

Brachet confond, semble-t-il, Al Rhaji et Akli 3 données


permettent d'avancer cette hypothèse

- Al Rhaji se marie avec Hawa, mariage généralement attribué


à Akli.

- Brachet présente, dans une autre partie de son texte, Alkhu-


seyni comme successeur de Al Rhaji à la chefferie, Akli étant
ainsi évincé du pouvoir politique. Or l'ensemble des généalogies
recuilllies au cours de l'enquête et qui seront utilisées dans un
travail ultérieur, mentionne toujours Akli comme père de Alkhu-
seyni et premier chef (fimnokal) de l'Imannfin.

- Selon l'administrateur Urfer (l950-a), la succession de Al Rhaji,


premierdétenteurde la chefferie, revient à son fils Alkhuseyni.
Le contact entre migrants twareg et populations locales est
évoqué dans la majorité des versions:

- En a, b, d, e et f, les autochtones sont Djerma ou Gube, par-


fois les deux. En outre, l'informateur de la version "c" a précisé,
dans le cadre d'autres traditions orales i que les habitants de Shitt
etaient djerma.

- En a, d et f, les imajeghin s'établissent à Shitt dont le nom


tamasheq est Tjj{dghaq.

Dans la première version, est mentionné un lieu appelé Bagga,


les Twareg y auraient stationné avant de poursuivre leur route vers
Shitt. Ils n'auraient trouvé à cet endroit que deux puits déjà com-
blés et datant selon eux d'une époque très ancienne. Faute de temps
et n'y voyant pas sur le moment un intérêt majeur, je n'ai pas réper-
torié ce lieu qui se trouve certainement entre les villages actuels
de Dak fa 0 et de Shitt.

Deux hypothèses peuvent être posées à son sujet:


- Il s'agit d'un ancien point de peuplement Asaaba. Les Asaaba
seraient les premiers occupants de cette zone; leur présence se
trouve mentionnée dans les divers travaux concernant le Dallol Bos-
so. Brouin écrit: "La tradition indigène raconte que les premiers
occupants auraient été des Asaaba, race blanche, qui se seraient
établis sur les montagnes, notamment sur la montagne de Chatt;
le vieux puits, dont les traces se voient encore, serait leur oeu-
vre" (1933).

On peut aussi se référer à J, Robin (1939 - p. 402), J,Périé


et M.Sellier (1950 - p. 1018), Séré de Rivières (1965 - p. 38), Guy
de Beauchêne (1950 - pp. 69-80). Nicole Echard a relevé, lors d'un
bref séjour à Shitt en 1965, des traditions orales concernant les éta-
blissements asaaba ; il y est dit notamment:

"Les Asaaba sont venus, ils ont fait leur village sur la monta-
gne Tondi-wey, puis ils sont tous repartis. On ne sait d'où ils sont
ve nus ni où ils sont partis. C' éta it il y a longtemps.

Les Asaaba étaient trois. Le grand frère était installé à Shat,


le deuxième était à Itshigil et le troisième à Luma. L'afné saluait
les cadets du haut de la butte Tondi-wey
- fo' ofo dunaafo ~

et les autres répondaient


- nguruto ngwoy ~

ce qui est l'équivalent du zerma : fofo ni kani bani ? "salut, com-


ment vas-tu?" dont la réponse est: bani sarney," je vais bien""
(1969 - P. 65).
17

Bagga, qui vit s'installer durant une période indéterminée les


premières tentes Kil Nan, fut peut-@tre un lieu de résidence asaaba
proche de Shritt. Il viendrait ainsi s'ajouter aux autres sites réputés
tels qui sont nombreux dans cette région (Gao, Kutubi, Tombo ... ).
Il serait donc nécessaire de localiser Bagga de manière précise et
d'y entreprendre des travaux archéologiques.

- Il s'agit du point de départ de la migration d'un groupe animis-


te hausaphone parti s'installer dans la région de Tahoua. Selon des
informations communiquées par N. Echard, "Bagga" est le nom de
la divinité ayant guidé la migration et l'installation du groupe fon-
dateur. Ce nom a été attribué au premier village créé une fois le
lieu d'arrivée atteint. D'après les notes recueillies par N. Echard
dans les cantons de Bambey et de Kalfu (préfecture de Tahoua) : "Le
village a été fondé par deux frères, Kimba et Dambo, fils de Gado,
Gado était fils de Kisa (ou de Bagar, lui-m@me fils de Kisa). Kisa
était installé à Shat (actuelle préfecture de Filingué). Leur migra-
tion se serait effectuée au 18ème siècle. Selon de Loppinot, l'arri-
vée dans la région de Kimba et Dambo se situerait vers 1700 ...
Parvenus dans la région de Baga, la divinité montra le lieu dit Faska
Matsafa où elle demanda qu'on lui fasse chaque année un sacrifice.
Elle cessa de les guider et disparut ... "

Cette migration est relatée par F. Nicolas (1950, p. 52) qui


la situe au début du 18ème siècle: "fondation de Bagga par Tchim-
ba et son frère Dambo, venus de Cheutt dans l'Imannan (subdivision
de Filingué) ; ce sont des Asena "masafa" ; le fétiche est toujours
établi sur la dune proche du village de Bagga. Tous les habitants
de Funkuy, Tchinnahar, Lellongo, Chokit, Kalgo donnent la dflne
aux Asena de Bagga comme "martres du sol" ; la f@te du fétiche a
lieu à Bagga vers le 5 juin: une cinquantaine de chèvres sont ame-
nées par les Asena de Danfam, Takanammat etc ... chaque année
à la m@me date, et égorgées sur l'autel" .

Ce terme de "Bagga" prononcé pour la première fois devant


moi par un vieil esclave du village de Dakfao et repris ensuite par
d'autres personnes originaires de l'Imannrin est donc, semble-t-il,
relativement connu, du moins en tant que lieu géographique.
N. Echard par contre, lors de son passage à Shritt en 1965, n'a ja-
mais entendu prononcer le terme de "Baga", élément sans doute
important dans le travail qu'elle avait envisagé. Elle écrit à ce
propos : "Il s'agis sait alors de retrouver des traditions qui auraient
permis de recouper, de compléter et d'éclairer d'un jour nouveau
celles recueillies précédemment dans l'Ader. Ce but n'a pu @tre
atteint ... " (1969 - p. 55).

Ainsi, à moins de 5 km de distance et parmi des populations


d'origines différentes, le relevé de traditions orales peut prendre
des tournures fort diverses.
18

La version "a" mentionne le sacrifice d'une chèvre rousse et


d'un mouton blanc, ce qui laisse deviner un champ d'étude certaine-
ment riche. Il s'agira de voir dans quelle mesure l'islamisation mas-
que des croyances animistes qui, dans le cas des Kil Nan ayant fui
la région de Tahoua, sont peut être à rapprocher des pratiques rituel-
les existant chez les populations azna de l'Ader. Il faudra rechercher
si ces cultes précis furent le privilège des imajeghin Kil Nan qui
détinrent le pouvoir politique jusqu'aux années 1870 environ.

Les variations constatées dans l'enregistrement des traditions


orales vont être renforcées par la poursuite de l'analyse des 6 versions
relatant l'entrée en contact des nouveaux venus twareg avec les an-
ciens occupants du sol.

- en b, c, d, e, f: l'individu conduisant la migration épouse


une femme appartenant à un groupe ayant précédé les Twareg rlans
cette zone.
- en b, c, d, f : Akli se marie avec une Djerma; en "e", avec
une Gube,
- en b et e, l'épouse a pour nom Hawa ; en "b" son père s'ap-
pelle Immeyda.

Deux points sont à souligner:


. Les versions a, d et f présentent les familles Kil Nan com-
me s'installant à Shitt même, tandis que dans les trois autres, elles
résident, semble-t-il, à proximité du village. Cette présence est
mentionnée par H. Salomon (1903) qui écrit que, vers 1820, "Akili
quitte sa tribu de la région de Guiddan Bada pour se rendre à Chap".
Plusieurs traditions orales, non présentées dans le cadre de ce tra-
vail, associent en effet ce groupe nomade au village de Shitt. Il se-
ra nécessaire, bien entendu. de localiser précisément les lieux
d'établissement des premières tentes twareg.

S'il est difficile d'affirmer, pour l'instant, que les individus


composant cette migration se sont fixés, ne serait-ce que quelques
mois par an, sur le site même de Shitt, il est néanmoins possible
de penser qu'ils se sont installés aux abords des deux buttes témoins
souvent utilisées comme refuge par les Shittawa (habitants de Shitt)
et qui ont pour nom djerma "Tondi Wey", "la montagne de la femme"
et "Tondi Aru", "la montagne de l'homme".

Cette hypothèse parart confirmée par le mouvement de popula-


tion ayant lieu à la suite d'une diminution de la surface du canton
de l'Imannin ; le 11 avril 1920, le commandant Crocicchia, dans
une mesure répressive touchant les Twareg soupçonnés d'avoir favo-
risé Fihirun, l'~mnokal des Iullemmeden Kil Attaram. dans sa révol-
te du 9 avril 1916, restreint le territoire contrôlé par la chefferie
19

twareg. Le groupe Kil Nan, contraint d'abandonner son point d'ins-


tallation, de nombreuses terres et le cimetière des imajeghin, s'éta-
blit alors à l'intérieur de la nouvelle limite qui passe au pied du
vieux baobab dont les branches portent encore des caractères tifinagh
qui relateraient l'histoire des premiers migrants.

D'après certaines informations le nom de Shitt viendrait de


celui de l'arbre "see" ensonghay, "diki" en hausa (Ce/tis-integrifo/Ûl) i
devenus "see-t", le son "s" aurait disparu en tamasheq au profit
du son "sh" ce qui donna "sheett" puis "shitt". Il semble que l'on
puisse écarter l'éventualité de l'origine tamasheq de ce mot mention-
née par N. Echard ("Shet-n-aman" : "oeil de l'eau") i les Twareg ont
toujours nommé ce lieu "tidghaq" ce qui signifie en tamasheq "petite
montagne" , appellation désignantla forme des deux buttes témoins.

Ainsi, les Twareg quittent Tidghaq et fondent le village de


Dakfao, plus couramment appelé "Aybachi", c'est-à-dire "je m'en
moque", marque de dépit de la population à l'égard de l' administra-
tion coloniale.

La nouvelle frontière avec le canton du Kughfey fut matériali-


sée par des pieds d'euphorbe plantés tous les 2D mètres. Elle passe
près de Shitt, ce qui vient confirmer la proximité de l'ancien lieu
de résidence des imajeghin par rapport à ce dernier village .

. Les versions b, c, d, e, f, mentionnent le mariage du chef


du groupe Kil Nan avec une femme appartenant à la population locale
présentée, selon les cas, comme Djerma ou Gube. Il existe, sans
doute à propos de ces deux termes, une confusion qui nart de l'ap-
pellation d'un groupe selon la langue qu'il parle. Or, une partie des
Gube a adopté la langue djerma : les Twareg regroupent d'ailleurs
sous le nomde"Ihatin" tous ceux (aussi bien Djerma, iwunninin,
que Gube) qui parlent le djerma-songhay, les opposant ainsi aux
"Irasafan", c'est-à-dire les Sudye ou Kughfeyawa de langue hausa.

Ceci pourrait confirmer l'hypothèse suivante avancée par


N. Echard (1969 - P. 68) : "D'après M.H. Piault, il ya deux tradi-
tions distinctes en ce qui concerne l'origine de la migration des
Gubawa. La première rattache les Gubawa actuellement installés
dans le Dallol Mauri à deux lignages initiaux dont les fondateurs,
deux frères du nom de Gije et Dagoje, vep'aient de l'Est et plus par-
ticulièrement du Daura, le premier des sept Etats Hausa, les Hausa
Bokwoy. Après leur installation à Lugu et à la suite d'une querelle,
Gije quitte son frère, laissant là sa famille. On le recherche mais
ses traces disparaissaient auprès d'une fourmilière. C'est longtemps
après qu'on a appris que Gije avait eu des enfants ... dans la région
de Filingué. Les descendants de Gije se trouveraient à Tanki, villa-
ge proche de Damana. La seconde tradition concerne les Gubawa
20

zermai"sés établis dans les régions de Loga (Dosso) et de Damana,


et donne comme origine de ces groupes un village Songhay nommé
Goberi.

Si l'on confronte ces traditions aux éléments d'information re-


cueillis à Shat, on peut à titre d'hypothèse, avancer que se sont
succédés dans ce village des groupes gubanshe des deux origines.
Celui d'Amayda se rattacherait à celui des Gubawa zermal'sés issus
de Goberi ... "

L'implantation twareg se déroule, du moins dans une premlere


phase, de manière pacifique; la population locale offre une de ses
femmes en mariage au chef des imajeghin, sans doute Akli. Une al-
liance est ainsi scellée entre les deux groupes; les anciens occu-
pants de la région auraient construit aux pasteurs Kil Nan quelques
cases en paille entourées de clôtures d'où le nom de Kil Wil"li
("gens des enclos") attribué à ces derniers.

Dans les versions "b" et "e", cette épouse se nomme Hawa ;


en "b", Hawa a pour père Immeyda. Ce dernier est certainement le
même individu qu' "Amayda" cité dans le passage précédent. Par ail-
leurs il est dit, en "b", qu'Immeyda a donné son nom à une mare
proche de Shitt, événement qu'il faut rapprocher d'une tradition ora-
le concernant le peuplement gube et rapportée par Nicole Echard
(1969 - pp. 67-68):"
"Ils étaient trois frères. L'afné s'appelait Mayda (ou Amayda).
Quand ils sont venus, la forêt était si dense qu'ils ne pouvaient
marcher et devaient ramper. Ils sont montés sur la butte Tondi-wey.
De loin, le grand frère a vu de l'eau briller au soleil. Ils sont allés
à la mare qui est située à l'Est du village. Mayda boit alors et rote
en disant "Amayda". La mare a conservé ce nom" .

L'amajegh Kil Nan épouserait donc la fille du chef gube ins-


tallé à Shitt.

Les données recueillies en milieu twareg de l'actuel canton de


l'Imannin vont maintenant être confrontées avec celles relevées par
Nicole Echard à Shitt où ses informateurs étaient d'origine sudye.

Les Sudye ou Kughfeyawa atteignent cette zone du Dallol Bosso


vers 1780, semble-t-il. Les récits enregistrés à Shitt assimilent
arrivée de la migration conduite par un certain Bukar et soumission
ou exode de l'ancien peuplement gube. Une partie des Gube accep-
tent, en effet, la suprématie des nouveaux venus, d'autres se lais-
sent, par contre, repousser. Ainsi:
-" "Amayda" et ses frères se sont séparés: l'un est parti à
Fariya vers Damana, l'autre à Loga dans l'actuel canton de Dosso
et Amayda est allé s'établir à Gamonzo près de Yeni. Ce sont eux
21

qui ont fondé ces trois villages". (Echard - 1969 - P. 68),


- "Alors que les Gubawa commandaient, arrivèrent les Sudye
qui se sont installés dans le pays et ont pris la chefferie". (Echard -
1969 - p. 69).
- "En ce temps là (c'est-à-dire, rappelons le, cinq ans après
l'arrivée des Sudye à Shat) , Bukar commandait tout le pays jusqu'à
Bumba. Un Futavenu à Shat lui demande où il peut s'installer. Bukar
lui 'Tlontre Birnin Bairo. Il n' y avait a lors personne dans cette brous-
se, pas même unTwareg". (Echard, 1969 - p. 73).

Comme l'écrit N. Echard, "en ce qui concerne Shat, la sépa-


ration des trois frères Gubawa et leur départ seraient liés à l'arrivée
du groupe sudye dirigé par un personnage nommé "Bukar" ou "Bukari".

Il semble alors difficile qu'un amajegh Kril Nan ait épousé,


vers 1810, la fille de l'al'né des trois frères.

Les informateurs sudye ne mentionnent la présence de Twareg


qu'à partir des hostilités qui s'ouvriront plus tard entre les deux
groupes: pour la période antérieure il est simplement dit : "A l'épo-
que de Gu ma ndakwoy , un Twareg Lisawan avait tué quelqu'un dans
l'Alt et s'était enfui jusque dans cette région. Son nom était Maha-
man. Il est arrivé seul mais ses parents sont venus de plus en plus
nombreux le rejoindre" (Echard 1969 - PP. 75-76).

Peu d'importance est donc attribuée aux premiers migrants twa-


reg. De même, les traditions orales recueillies dans l'Imannrin pas-
sent totalement sous silence la présence des Sudye dans la région
de Shritt dont le peuplement serait essentiellement djermaphone.

Il existe, au niveau du récit, une sorte d'ignorance mutuelle


de la part de s deux populations qui vécure nt pourtant, dès le début,
à proximité l'une de l'autre.

Le problème posé par le mariage de l'amajegh twareg avec la


fille d'un ancêtre gube, dont la pers onna lité revêt parfois un carac-
tère mythique, n'est pas envisagé ici sous l'angle de la vraisemblan-
ce ou de la recherche d'une chronologie "réelle" mais en tant qu'élé-
ment révé late ur de s transformations de l'organisation politique du
haut Dallol Bosso. A l'époque de la migration Kril Nan, le pouvoir
politique est détenu par la chefferie sudye ("gumandey") dont l'im-
plantation s'est traduite par l'exode des Gube, anciens occupants
du sol, quelques uns seulement acceptant de se soumettre et parti-
cipant alors à une relation à plaisanterie pour l'analyse de laquelle
on pourra se référer à N. Echard (1969 - pp. 72-73) et M. H. Piault
(1964 - pp. 7-9).
22

J'avancerai, à titre d'hypothèse, que l'alliance présentée dans


l'Imannlin comme twareg-gube et concrétisée par le mariage d'Akli
avec Hawa, associe en réalité les populations twareg et sudye. La
réinterprétation de cet échange "oublié" par les Sudye, répondrait
au désir, pour les imajeghlin, de fonder, dans le passé l'accord qu'ils
ont progressivement noué avec des groupes gube antérieurement do-
minés par les sudye et que l'on retrouve attesté à travers les allian-
ces matrimoniales figurant dans les quelques généalogies recueillies
au cours de cette enquête.

Après une première phase de coexistence pacifique avec les


Sudye, les Twareg, appuyés par les habiles archers gube, ouvrent
des hostilités qui entrafneront le recul des premiers et se poursui-
vront sous d'autres formes à l'époque coloniale. La prise en consi-
dération de cette alliance est certainement essentielle pour saisir
l'avènement de la suprématie de l'Imannlin car "même au temps de
la puissance du canton, les guerriers twareg étaient fort peu nom-
breux : 50 à 80" (Taillandier.1953).

Ainsi les conditions d'instauration du pouvoir twareg expliquent


peut-être, d'une part, le peu d'informations recueillies a uprès des
Sudye de Shlitt au sujet du rôle des Gube et, d'autre part, le fait que
Twareget Sudye semblent s'ignorer, à travers les récits, sur un laps
de temps d'environ deux décennies.

Ce cas concret, où un événement est, semble-t-il, "réajusté"


par les agents sociaux en fonction de faits historiques qui l'ont sui-
vi, montre la difficulté d'effectuer un travail d'ethno-histoire. Sai-
sir le "pourquoi" de la vision subjective, "manipulée" qui est don-
née du "réel" requiert un vaste champ spatial des recherches, atout
indispensable pour éviter les affirmations et constructions partiel-
les, partiales par rapport au "fait historique".

On peut noter, en outre, que la plupart des traditions orales


recueillies auprès d'informateurs sudye "s'emploient, comme l'écrit
N. Echard, à expliquer et à justifier l'implantation Sudye à Shat et
dans la région". De nombreux renseignements concernent en effet
leur origine, leur migration et leur fixation dans le Dallol.

Les récits relevés dans l'Imannlin n'accordent, au contraire,


qu'une place extrêmement limitée à l'origine des divers groupes
twareg, aux phénomènes ayant provoqué leurs déplacements et aux
itinéraires suivis; seules quelques données de cet ordre ont été
enregistrées quant au groupement maraboutique Klil es Suk. La ma-
jorité des traditions orales, qui ne seront utilisées que dans le ca-
dre d'un travail ultérie ur, relate les nombreux comba ts menés par
les imajeghlin au 19è siècle, ce qui laisse présager du rôle primor-
dial des guerres dans la vie économique de l'Imannlin.
23

II.2 - Les Kil Koshilan:

A la mort de l'imnokal Alkhuseyni, fils a!hé d'Akli,(1) ,éclate


une dispute entre ses frères à propos de l'héritage de ses biens ma-
tériels. L'un d'entre eux, Karé Karé, quitte la zone d'installation
des Kil Windi et s'établit avec quelques familles dans une région
particulièrement riche en palmiers doum ("tageyt" - crucifera thebaicaJ,
légèrement a u Nord de l'actuel village de Koshilan. Cet environne-
ment naturel leur vaut souvent le nom de "Kil Tageyt".
L'étude des rapPorts entretenus, au 19è siècle, par ce groupe
twareg, avec certains villages djerma de l'actuel canton du Tondi-
kandya et celle des prérogatives de ses chefs, descendants de Karé
Karé, constitueront certainement une donnée importante pour la com-
préhension, notamment du système politique twareg. A la fin du 19è
siècle en effet, les Kil Koshilan possèdent leur "tambour de guerre"
(itt,bel) et paraissent peu concernés par les décisions de l"mnokal.
Ce fractionnement présumé du pouvoir politique est d'ailleurs encore
observable durant les premières années de la conquête coloniale.
Abbey, chef des imajegh,n de Koshilan et arrière petit-fils de Karé
Karé, fait alliance avec Garasa, chef djerma du Tondikandya, qui
s'est installé à Loki, village de l'Imannin proche de Koshilan.
Tous deux détournent les caravanes et tentent de prendre des captifs
ils pillent, en particulier, le village djerma de Faria dont le chef,
mort en 1904, est remplacé par un certain Darhaman nommé par le
lieutenant Guyon-Vernier. Menaçant alors de détruire le village,
ils préviennent le nouveau chef qu'il ne recevra d'eux l'investiture
que si une rançon leur est versée. Les villageois leur offrent 2
boeufs, 4 moutons et 6 tonnes de mil.
Cette rebellion des Kil Koshilan face aux troupes militaires
françaises, traduit le maintien d'une ancienne marge de liberté par
rapport à la chefferie twareg dont les actions sont maintenant en
grande partie contrôlées par les colonisateurs. Abbey sera révoqué
et condamné à quatre ans de prison à Niamey.

II. 3 - Les Lisawan :

Peu après son arrivée dans le Dallol Bosso, la fraction Kil


Nan est rejointe par quelques familles Lisawan. L'histoire de l'Iman-
nin est ici encore directement liée aux troubles agitant l'Ader.

En effet, après avoir vaincu les Iullemmeden Kil Dinnik,


Gélani tente de convertir à l'Islam les Azna qui prennent la fuite ou
se regroupent en villages fortifiés. Urvoy (1936 - P. 206) écrit à
propos de ce conflit: "les nobles chassés, l'union des marabouti-
ques perdait sa raison d'être et Gélani risquait de voir'· un concur-
rent se dresser contre lui. Pour maintenir sa puissance, en conservant
(1) voir en annexe, la liste des imnokal de l'Imannin.
24

un but de guerre, il se tourna de l'autre cOté et prêcha la guerre sainte


contre les pail=!ns de l'Ader".

Les Azna livraient jusqu'alors un tiers de leurs récoltes aux


chefs twareg Lisawan qui se partageaieht, depuis 1696 environ, le
pays de la manière suivante:
- l'Ahmet Taza à Agouloum Toudou
- l'Alemtey à Keita
- l'Ahmet Toukiès au Sud-Ouest.

L'extension de la domination de Gélani provoque l'exode des


Lisawan. Beaucoup se réfugient à Sokoto, certains gagnent le Dallol
Bosso.

On peut se référer pour cet épisode à Séré de Rivières (1965 -


p. 179) et Urvoy (1936 - p. 83) selon lesquels: "entre 1809 et 1814,
un fanatique Gélani, souleva les tribus imrad des Oullimindens de
l'Est et se jeta sur les populations haoussa de la région de Tahoua.
Celles-ci avaient, depuis deux siècles pour suzerains ef protecteurs,
une tribu touareg venue de l'Ait, les Lissaouanes. Dans les troubles
qui suivirent la victoire de Gélani, une fraction de cette tribu émigra
vers le Sud-Ouest. Ce sont les touareg de l'Imanan. Leur chef,
l'Ahmet Tounkuès, dut les suivre car il disparait à ce moment de
l'Ader" .

Cette migration ne constitue certainement pas, comme le dit


cet auteur (1936 P. 296), "le noyau des touareg de l'Imanan".

Cependant, un second déplacement de familles Lisawan revêt,


semble-t-il,beaucoup plus d'importance. Pour Brachet (non daté),
ces pasteurs "étaient riches et firent impression par leurs troupeaux
et le nombre de leurs captifs" .

Il est permis de poser l'hypothèse qu'il s'agit à nouveau d'une


fuite à la suite d'une défaite, vers 1865! des Lisawan dans l'Ader.
Cette période, fortement marquée par l'accession au pouvoir de
"BoudaI le Pouilleux", est évoquée par Urvoy (1936 - PP. 208-209)
"jusque vers 1860, les Oulliminden vécurent tranquilles ... Mais
un nouvel aventurier semblable à Gélani et Ibrah, vint par cupidité
décharner la guerre vers 1860. BoudaI Inchilkim (Bouda l le Pouilleux)
imposa à partir de 1854 sa domination aux Kel Gress ; exigeant de tous
les Kel Gress, à titre de tribut, trois chameaux par noble, un par
bella, il réclama la redevance aux Oulliminden qui se rebiffèrent
d'où rupture et combats. Les rezzou ne cessèrent plus de part et
d'autre. Moussa remplaça son père BoudaI à la tête des Oullimin-
den. Boudal-Inchilkim tua le jeune frère de Moussa. Alkoumati ;
représailles et redoublement de haine. .. On vit se former deux
25

partis, d'une part, les Kel Gress avec le Serki "n Ader domestiqué;
d'autre part, les Oulliminden avec les cultivateurs des régions de
Tahoua et de Tamaské, ainsi que les Lissaouanes".

Ainsi, un combat ou une période de combats malheureux pour


la domination du Nord de l'Ader explique peut-être cette seconde
migration lisawan ; une telle identité est cependant présentée avec
quelques réserves, certaines informations attribua"nt à ces nouveaux
arrivants une origine Kil Gress,

Ces imajeghin installés tout d'abord à la mare de Kessau pro-


che de Shitt , s'établissent ensuite à celle de Bebetinde. Ce n'est
que plus tard qu'ils se fixeront dans la zone appe lée "Nakira" et
qui constitue aujourd'hui un quartier de Bonkuku. Les informations
concernant le nom de "Nakira" sont vagues; ce terme qui signifie,
semble-t-il, en hausa "être sain et sauf" évoque généralement pour
les informateurs twareg l'action même de se sauver. Il n'est point
fait allusion alors à la fuite de l'Ader mais à l'éloignement des ten-
tes lisawan par rapport à celles du groupe dont nous allons mainte-
nant parler et avec lesquelles elles auraient été auparavant mélangées.

II,4 - Le s Kil Tibonnint :

Trois sources d'information relatent l'implantation de ce grou-


pe dans le Dallol Bosso :

a) D'après l'imam Addibis (Bonkuku) :

"Albadiri vint d'Azawagh, il séjourna d'abord à Tuddu (Kughfey)


avec sa famille. Les Kil Windi de Shitt firent la guerre à la même
époque contre le Kughfey, Les Kil Windi proposèrent à Albadiri de
se joindre à eux mais ce dernier n'étant pas prêt, refusa, tout en
leur demandant quand ils comptaient revenir, Les Kil Windi sorti-
rent vainqueurs d'un nouveau combat contre le Kughfey; Albadiri,
accompagné de ses deux esclaves, gagne alors l'Imannin où il fut
rejoint par le reste de sa famille, Ils s'installèrent à Libangu, les
Kil Windi retournant à Shitt~'

b) Dans un rapport anonyme consul té aux archives de Filingué

"Albadari vient d'Azawak où, durant une dispute avec les


touareg de Ahara, il a tué deux personnes, Il est pourchassé dans
sa fuite par quatre individus; il en tue deux, les deux autres aban-
donnant la poursuite, Après quelques jours passés à Toudou, il
prend part aux cOtés des Soudiés à une bataille contre les twareg
Kel Windi de Chett venus les attaquer. Akli et ses hommes sont,
semble-t-il, vaincus, ces derniers expliquant leur fuite par le fait
26

d'avoir aperçu un touareg parmi les soudiés. Akli selle alors son
cheval, rend visite à Aldabari, qui accepte de venir s'installer dans
l'Imanan. Dès son arrivée, l'amenokal Kel Windi lui donne sa fille
en mariage".

c) Alt1nine ag Arias (1971, pp, 127-129) rapporte la tradition sui-


vante:
"Un touareg de la tribu Tébonnant s'est querellé avec un des
touareg apparenté à Elinsar, le père de Firhun. Le Kel Tebonnant l'a
tué. Puis le Kel Tebonnant a fui et il est venu s'installer dans les
parages de Filingi, Les Imannan ont àttaqué Filingi, ils ont vu qu'il
ressemblait à un Touareg. Ils ont su que c'était un Touareg; l'un
d'eux l'appela et lui dit: "toi depuis quand es-tu venu dans ce pays.
De quelle fraction es-tu? Il lui répondit: moi je suis un Touareg.
Il lui demanda; pourquoi es-tu parmi les Ihatan ? Il lui répol'''iit :
je ne vois aucune personne sauf les Ihatan Sougué". L'autre lui dit
"déménage, nous habitons là-bas". Il a déménagé et il est allé
camper à Bonkuku. C'est l'anclêtre de Bizo et de Muddur, je ne con-
nais pas son nom. Son fils qui est né le jour où il est venu camper
auprès d'une colline qui se trouve à l'Est de Filingui dénommée
Enjer, c'est là qu'on a baptisé son fils au nom de Enjer".

Cette migration Kil Tebonnint, fraction des Iullemmeden de


l'Ouest, atteint le Dallol vers 1830, époque où s'intensifient les
guerres entre twareg et sudye.

La version "b" suppose, d'ailleurs, les twareg vaincus lors


d'un premier combat; dans la version "a" ils ne triomphent, semble-
t-il, qu'au cours d'une seconde bataille. La suprématie des imajeghin
n'est pas encore établie. Leur domination sur les populations séden-
taires voisines est limitée; elle deviendra beaucoup plus effective
sous la chefferie de Bikkin (1879 ? - 1888), petit-fils d'Albadiri,
ce qui provoquera des changements importants dans l'organisation
économique, sociale et politique de la société twareg.

Bien que l'étude de la dévolution du pouvoir politique ne soit


pas abordée dans ce texte, il est possible de mentionner dès à pré-
sent que la rencontre entre Kil Windi et Kil Tebonnint donne lieu
à une alliance matrimoniale. Albadiri épouse Khadija, fille de
l'(mnokal Akli ; ce mariage est ainsi rapporté par Ali Seydi (Bonkuku)

"Elle l'a accouché parce qu'elle a bu du lait, vite, vite; elle


a grossi, grossi, Il l'a marié à son neveu qui l'avait suivi, lui-mlê-
me était suivi par ses esclaves. A pied. Son neveu s'est ensuite
levé; il l'a marié. Puis son neveu lui a dit qu'un ge ndre ne peut
rester chez son beau-père. Il lui a dit: "je vais aller me promener
au pied de la colline que je vois là-bas, je vais la visiter pour
choisir une terre". Il s'est promené, il s'est promené depuis le début
27

de la colline Inwutalagadin. Il est passé au pied de la colline, jus-


qu'à ce qu'il atteigne la colline de Lfibangu. Il est revenu, il a dit
à son oncle: "moi, j'ai vu la place où je désire m'installer. Je sur-
veille un endroit, tu surveilles un autre endroit". Ce jour là, il a
emporté sa tente, il a quitté son oncle. Ceux-ci sont devenus les
Kfil Windi, ceux-là les Kfil Bonkuku. Le pays est appelé imannfin.

L'informateur présente Akli comme oncle maternel (anghatmi)


d'Albadfiri ; ainsi, l'fimnokal twareg donne sa fille en mariage à son
neveu (tegeze). L'attribution de ce lien de parenté valorise l'alliance
entre les deux groupes, le mariage entre cousins croisés (ibubfizen)
et plus particulièrement celui avec la fille du frère de la mère, étant
considéré comme préférentiel.

Les gens d'Albadfiri s'établissent d'abord à Lfibangu (du .nom


d'une mare "bangu" où l'on cultive du "la", plante utilisée pour la
préparation de certaines sauces), zone située au pied du plateau
Ouest, à environ 2,5 km au Nord de Bonkuku. Ils se déplaceront
ens uite vers la mare de Bebetinde et ne se fixeront, semble-t-il,
sur le site actuel du village de Bonkuku qu'au temps de la chefferie
de Bfikkin.

II. 5 - Les Kfil Tami

L'origine de ce groupe généralement considéré comme amajegh


paraf't confuse; les informations, les relations de parenté sont pro-
fondément marquées par des situations conflictuelles liées au pro-
blème de l'accession au pouvoir politique.

D'après le Président Boubou Hama (1967, p. 452), "la troisiè-


me famille fut celle d'Abourbour et de son frère Manou; elle est
originaire de la tribu Kel Han des Oullimeden de l'Est. Elle quitta
les Oullimeden à l'époque du règne de Kawa ag Akli . Abourbour se
maria avec la fille de Kawa nommée Fama. Il eut d'elle un unique
fils, Zangui. Celui-ci eut cinq enfants: Damou, Innaberk, Zabbai',
Infill et Danghi, Ils s'installèrent en un lieu qu'ils nommèrent Jami,
à mi-chemin entre Bonkoukou et Dacfao. Ils prirent alors la dénomi-
nation de Kel-Jami".

Il semble que seul Aburbur (ou Burbuch) s'établisse dans


l'Imannfin, son frère Manu poursuivant son chemin. Les Kfil Nan
qui détiennent alors la chefferie contractent une alliance matrimo-
niale avec le responsable de la nouvelle migration twareg à qui ils
donnent en mariage Fadimo, petite-fille d'Akli et soeur de l'fimnokal
Kawa, selon les généalogies enregistrées au cours de l'enquête.

Cependant, il est écrit dans un rapport administratif anonyme


(1942 ou 1943) , que "le village de Jami tire son nom de la tribu Kfil Jami,
28

fraction Kel es Souk de Menaka, dont quelques représentants se-


raient venus dans l'Imanan".

Cette origine religieuse, les Kil es S uk étant des marabouti-


ques, est mentionnée dans deux traditions orales recueillies pendant
mon séjour.

Dans la première, ces Kel es Suk, venant du Dinnik ("Est"),


s'établissent à Dunday, près de Sokoto. Chassés de la région, ils
se dispersent, certains fuyant dans l'Imannin.

Le second récit présente les deux ancêtres Kil Jami comme


d'importants marabouts peul venus de Sokoto. L'attribution d'une
telle identité suscite, semble-t-il, deme interprétations possibles
- elle est la marque d'un désir de dénigrer des individus se
proc lamant twareg,
- les rattacher à la société peul de Sokoto est au contraire
un moyen de "redorer leur bla son" .

Il faut en effet se replacer en ce 19è siècle où s'affirment la


force et le rayonnement de l'empire fondé par Usman dan Fodio. Les
twareg de l'Imannin soutiennent les divers groupes peul (Sokoto,
Say, Gando, Torodi, TampKala, Liptako) dans leurs combats contre
les djerma de Dosso et leurs alliés. Mazu, descendant d'Aburbur
et nommé émnokal en 1896, ira chercher confirma tion de son titre de
chef auprès du Sarki n' Musulmi.

Le Président Boubou Hama (1967, P. 456) rapporte une tradi-


tion selon laquelle Sokoto aurait fait appel aux imajeghin de l'Iman-
nin pour lui venir en aide dans sa lutte contre l'Arewa ; 25 twareg
commandés par Zakara ag Barghaji, père de l'actuel chef de canton,
guerroyent durant un mois aux cOtés des peul qui remarquent leur
bravoure à la suite d'une grande victoire. Le Sarki n'Musulmi est
tellement impressionné qu'il fait une prière pour que le nombre des
guerriers de l'Imannin ne dépasse jamais la centaine: il offrira,
en outre, chaque année à leur imnokal, un burnous et un turban de
chef.

La mention de ce cadeau n'est peut-être qu'un moyen, au ni-


veau du récit, de masquer l'existence d'une suzeraineté, ne serait-
ce que nominale, du puissant Etat peul.

L'appartenance religieuse présumée des Kil Jami qui est ici


prise en considération, ce qui ne peut entrafher cependant aucune
affirmation quant à leur identité "réelle" sera une donnée impor-
tante pourl'analyse future de la fonction du domaine idéologique
(religion musulmane et pouvoirs animistes) dans le procès de dé-
volution et le contenu de la chefferie.
Photo 1· Falaise bordant le Dallol à hauteur de Bonkuku

Photo 2· Les deux buttes témoins (''Tondi Wey" et "Tondi Aru") du site de Sh'tt.
Photo 3· Baobab portant les tifinagh gravés par les premiers imajeghf/n installés
dans J'lmannfn et relatant leur histoire.

Photo 4 . Tambour de guerre (ftlrbel) des Twareg de \'Imann~n.


29

Lors de leur arrivée, les Kil Jami s'installent à Maraku ; cer-


tains partent ensuite à Jami (Djami), ... d'autres dans la zone riche
en palmiers doums et proche de Koshilan. Il est possible que cette
dispersion territoriale, que l'on constate semble-t-il au sein d'au-
tres groupes, corresponde à des phénomènes plus complexes de seg-
mentation. Peu avant, ou à l'époque de la conquête française, ces
twareg s'établissent dans la région de Diggina, laissant quelques
dépendants au village de Jami.

"Diggina" est une mare dont le nom viendrait de celui de


"Idiggini". Il ne s'agit sans doute pas ici de l'imnokal Kil Gress,
Idiggini, qui passa dans l'Imannin en 1891 à la suite de la fameuse
"bataille de la clOture" (afarig) contre les Kil Attaram, mais du chef
de la tribu Igirnazin qui rendait parfois visite à certains de ses dé-
pendants nomadisant, comme on le verra, dans le Dallol Bosso.

Selon une tradition orale, "Diggina était a utrefois une mare


remplie de lait de vache et entourée de forêts. Idiggini y venait avec
ses chameaux, ses troupeaux, ses chevaux parce qu'il y avait là-
bas tout le p~turage. C'est là qu'il s'arrêtait. C'est le nom de Idig-
gini qu'on a donné à Diggina. C'est lui qui possédait les Igirnazin".

II.6 - Les Kil shiwil :

L'enquête sur la population de l'actuel village de Shiwill


(Ichiwil) s'est révélée particulièrement délicate. Elle a été forte-
ment conditionnée, en effet, par l'existence de conflits, de profon-
des tensions encore actuelles entre ce groupe et les autres fractions
imaieghin de l'Imannin.

Ces dernières, refusant de reconnartre l'origine twareg que se


donnent les Kil Shiwil dans le jeu complexe de leurs relations avec
l'ethnologue, les considèrent comme "mauri".

Pour le président Boubou Hama (1967, P. 453) "la SlXleme fa-


mille était celle de Waza Waza. Elle est la plus récente, elle
viendrait de l'Est de l'Ait; probablement avant de venir se fixer dans
l'Imanan, elle séjourna, longtemps, dans le Follakam (Illéla) et
surtout dans l'Arewa où elle a encore des attaches. Elle arriva dans
l'Imanan peu de temps avant l'arrivée des Français. Elle s'installa
à 4 km au Sud de Bonkoukou dans un lieu dit Chiwil. Elle prit le nom
de Kil Chiwil" .

D'après une tradition orale recueillie au cours de ce travail,


"Venant du pays mauri, Bowaji et Waza s'installent à Gaghbeyfandu
où ils sont craints. Un jour de marché à Jami, ils tuent des gens à
l'aide de leurs lances dont les deux extrêmités sont acérées. Des
individus d'Aybachi préviennent Bikkin qu'ils partent à leur recher-
che; à leur retour, les deux mauri qui ont ramené avec eux Idder,
30

Wadighun et Chinna s'installent à shiwil. Cette appellation trouve


son origine dans le fait que les mauri déclaraient être des Shiwilawa".

Cette vague migratoire s'effectue, semble-t-il, en deux pha-


ses; à la suite d'un conflit avec des imajeghin, certains compagnons
de Bowaji et Waza partiraient en pays inauri pour revenir ensuite dans
le Dallol Bosso avec de nouveaux migrants. Il sera indispensable
d'enregistrer de manière précise les divers groupes composant les
Kil Shiwil ; un important phénomène de segmentation est peut-être
discernable dans l'existence des Kil Balley, groupe numériquement
restreint dont la parenté exacte avec les Kil Shiwil reste à définir.
Si les Kil Balley participent aux échanges matrimoniaux avec les
autres fractions, les Kil Shiwil, en dépit de leur statut d'hommes
libres pouvant posséder des esclaves, en sont quasiment exclus.
L'étude de ces deux entités, écartées du pouvoir politique, passe-
ra notamment par l'analyse de leurs alliances matrimoniales et donc
des aires de circulation de leurs biens, leur place dans la posses-
sion des terres, dans la répartition des butins de guerre et des vil-
lages sédentaires tributaires ... Données primordiales pour saisir
les mécanismes de maintien des inégalités entre les groupes domi-
nants.

II.7 - Groupes maraboutigues et forgerons.

Les représentants de cette "confédération" religieuse sont


nombreux dans le Dallol Bosso, particulièrement au Tighazirt où
ils constituent la majorité du peuplement et détiennent la chefferie.
Parmi les fractions Kil es Suk qui y sont installées, trois sont aus-
si présentes dans l'Imannin :

1) La migration conduite par Agigiakhmed et Assafar :

Selon une tradition orale rapportée par l'imam Addibis :

"Abugheydeta a sept fils. Ils quittent Tunbul pour se rendre


à Misira (région de la Mecque) où ils séjournent durant sept ans.
De là, au village de ~suk (d'où leur nom). La guerre provoquée par
les blancs qui viennent du village de Nisarata (d'où leur nom
U
"annisara les fait fuir à Almadinet. Ils sont accompagnés de for-
)

gerons. Ils se séparent alors:


- un va à Ketshena (Nigeria)
- un va à Sokoto
- Mamanjabo part à Say
- Abulkhasan part à Birnibayaro
- Khamadilkhaji (
- Agigiakhmed ( partent à Bagare (près de Tawa) durant sept ans.
- Assafar (
31

Ces trois derniers se battent avec les Shérifs. Ils partent à


Tintirka, village du Mali. Khamadilkhaji poursuit sa route vers
Aderanbukan puis Azanghawelen. Les ighawelen le suivent et vien-
nent à Jami avec lui durant deux jours. Akli qui vivait à Shtitt vient
les voir à Jami et discute avec Khamaldtilkhaji à qui il demande de
s'éloigner d'une journée de marche sous peine de voir les hostilités
s'ouvrir. Un forgeron nommé Indeliman part à Sansani car Khamadtil-
khaji a rêvé à un village. Indeliman rencontre un vieux nommé Sabla
à qui il dit que ce village conviendra à son martre. Le forgeron re-
vient et rend compte à Khamadtilkhaji, qui décide de partir vers San-
sani. Il créé le village de Tabla où il installe ses hommes qui sont
nombreux. Les gens de Sabla vont voir Khamadtilkhaji à qui ils de-
mandent de s'éloigner vu le nombre important de ses hommes.
Khamadtilkhaji possède un b~ton qu'il pose puis il s'assied sur un
chapelet en cuir en disant aux gens de Sabla de le laisser tranquille.
Ces derniers effrayés, partent et disent chez eux que le marabout
est trop puissant pour qu'on puisse l'inquiéter. Les ighawalen venus
avec ces Ktil es Suk s'installent dans la région".

N. Echard, lors d'un passage dans le canton du Ttighaztirt en


1965, a recueilli le récit suivant sur les pérégrinations des Ktil es
Suk : "Zahid vient d'Azawa. C'est un imajeren d'origine Oulliminden.
Le nom de son groupe n'est pas connu. Il fonde le village de Winditen.
Après avoir quitté l'Azawak, Zahid passe par Ayorou puis s'installe
à Winditen. Cela il y a environ trois siècles. Ses descendants se
sont sédentarisés. Zahid arrive avec sa famille et leurs bellah Ima-
rehen. Il a un frère nommé Mahamadi Ikna qui s'installe avec lui
à Winditen où il n'y avait rien auparavant. La région était occupée
par des gube et des djerma.

A peine arrivé, Zahid mène les guerres contre les djerma qui
fuient, les gube restant par contre et acceptant de payer l'impôt
aux twareg. Au Sud rien jusqu'au pays djerma de Dunga et Karma.
A l'Ouest: brousse jusqu'au fleuve. Mohammed El Hadji (appelé
" l' homme de Tabla") quitte Médine pour aller à la Mecque. Il gagne
alors Assouk au Soudan egyptien où il reste quatre ans et se marie
avec une captive qui lui donne un fils nommé Ansulum. On le trouve
ensuite durant douze ans à Bagare à l'Est de Tahoua (Est de Kao).
Il reprend son voyage, passe par Anderamboukan où il séjou,ne du-
rant deux jours, par Jami (village de l'Imanan existant encore; il
n'y a laissé personne) où il reste sept jours auprès d'une mare. Il
arrive enfin avec ses troupeaux et ses captifs à Sansane, village
de population gube. A cette époque, on appelle l'endroit "Sansane"
seulement. Salba, le grand homme du pays dominé par Zahid, vient
le trouver. Mohamed El Hadji est en train de faire la prière; ses
animaux parcourent les -champs où le mil pousse, ceci se passe au
début de l'hivernage. Sàlbi;i lui demandant s'il n'a pas vu le mil,
Mohamed El Hadji lui rép.ot'id qu'il est arrivé de nuit et qu'il ne sa-
vait pas que c'était d-umiL La prière terminée Salba lui dit : "il y a
32

un twareg lA-bas, s'il te voit prier il va te chasser" (les vrais twareg


ne prient pas et ne font rien d'autre que la guerre); Mohamed El Hadji
répond: "tout cela ne m'empéche pas de prier et de lire mon Coran".
Salba :" il faut que je prévienne le chef des twareg de votre venue.
S'il accepte votre présence, vous resterez, sinon vous partirez".
Mohamed El Hadji: "Tu vas partir avec mon cordonnier sa luer le
chef; s'il a une fille qu'il me la donne en mariage".

Les deux hommes partent et arrivent à Winditen pour rencontrer


Zahid. Le gube Salba explique la situation et demande l'attitude à tenir
face à l'étranger marabout.

Zahid convoque ses trois filles pour les consulter. L'afnée re-
fuse, la seconde de méme, la troisième nommée Al'Sa répond: "père
je ferai ce que vous voudrez" .

Zahid accepte l'installation de Mohamed El Hadji; Salba et le


cordonnier servent d'intermédiaire. Trois jours après, Mohamed El
Hadji reçoit sa femme:entre temps, il fonde le village de Tabla à
3 km, au Nord-Ouest de l'actuel Tabla.

Après Ansulum, il a deux fils avec sa nouvelle femme


- Mourlouf
- Ahmed
Zahid meurt, Mohamed El Hadji meurt quelques mois après. Moha-
med Ikna est nommé chef à Winditen ; sous son règne, des Oullimi-
den de l'Azawak viennent razzier la région durant deux demaines.
Ils ravagent tout, tuent Mohamed, ne laissant la vie sauve qu'à des
femmes et des enfants. Les Bellah se sont enfuis, de méme que les
enfants de Mohamed El Hadji qui n'ont pas pris part aux combats.

Le pays reste sans chef durant six mois. Les hommes ayant
été tués, les bellah viennent trouver les trois fils du marabout à qui
ils proposent la chefferie, Ansulum étant cependant écarté du pou-
voir étant donné l'origine de sa mère.

Mourlouf, préférant se consacrer A la religion, refuse le com-


mandement qui incombe à Ahmed.

La chefferie restera ensuite dans sa famille".

Séré de Rivières (1944) relate cette phase historique de maniè-


te. identique:
" Une·famille de Touareg, dont le chef était Zait, d'une tribu
dite Imareyen, vint de l'Azawar, à la suite d'une rixe, au cours de
laquelle Zait avait tué un de ses cous ins. Il s' insta lla à Tondikiré,
puis à Winditen. Là, il était entouré de Zerma (Windi = concession,
33

enclos, en zerma). Une fraction de la famille s'était enfuie jusqu'au


fleuve chez les Logomaten ; puis rallia Zalt et s'installa à Kogori.

Zalt était avec ses frères, dont Mohamed Ikna. Il mourut vers
1735. Mais ses ennemis, les Oulimiden, dans l'Azawar, surent où
s'était réfugié son groupe de fuyards. Ils firent dire que c'était tou-
jours la guerre et de se préparer, Ils vinrent, campèrent à Tondikaré
(falaise Sud du Tondikandia) ,

Mohamed Ikna réunit ses gens, demanda aide aux Kel Es


Souk, nouveaux venus, voisins. La bataille eut lieu entre Tondikaré
et Winditen, vers l'emplacement du village Foulan de Ogga ; elle fut
très meurtrière, la descendance male de Zalt et de ses frères fut
anéantie. Les Touareg de l'Azawar repartirent en emmenant les ani-
maux.

Mohamed Ikna s'enfuit vers l'Ouest, revint un mois après et


mourut deux ans plus tard, sans fils. Ce fut le premier Twareg à
vivre dans une case de paille,

On prétend qu'il n'y a plus qu'un descendant direct de Zalt,


le nommé Arhmed, à Banizoumbou ; il pourrait venir d'un enfant échap-
pé au massacre, Mais on ne le relie pas sans interruption même à
Zalt, et on spécifie bien que seules les filles de celui-ci eurent des
enfants qui vécurent: l'une, Agaysha, épousa Mohamed el Hadji a
qui elle donna Arhmed et Mougrouf, d'où la famille des chefs actuels.
Une famille à Mbama est issue d'une famille de Mohamed Ikna.

Les Imareyen avaient des bella, qui se dispersèrent après le


désastre, et passèrent sous l'autorité des autres Touareg, A la mort
de Mohamed Ikna, 10 ans après Zalt (1745), la chefferie touareg
était vacante; les bella l'offrirent aux fils de Mohamed el Hadji:
Anesloum ne fut pas accepté par les bella; Mogrouf, marabout, re-
fusa, Arhmed fut nommé" .

Khamadilkhaji dont parle l'imam Addibis est sans aucun doute


le même personnage que Mohamed El Hadj (i) cité dans les deux der-
nières versions, S' il atteint le Tighazirt avant la mort de Zalt qui
se placerait vers 1735, il est impossible qu'Akli puisse le rencon-
trer lors de son passage à Tami si l'on considère, bien entendu, que
les Kil Nan ne parviennent dans le Dallol Bosso que vers 1810. La
mention de cette entrevue dans le premier texte, correspond peut-
être à l'affirmation, au niveau du récit, de la puissance de l'tfmnokal
twareg qui se pennet de menacer un marabout dont le surnom de
"ilis n Tabla" ("l'homme de Tabla") prend une dimension quasi my-
thique dans les traditions orales.

Khamadilkhaji ne laisse aucun des siens dans la région de


Shitt ; deux de ses frères restés dans l'Azawagh, Agigiakhmed et
SOURCE: IMAM ADDIBIS
ABUGrETA

---------------

AGIlGIlAKHMED ASSAFAR

1
IKHAMWAN

A~r
...-------_1_ _-
KHAIM AN

1
HANZA MOKHAMED
1
MIZZA

~L __ 'I- - - " - - - '1


KHABSETA MINTU HALEBA
"rAr w
.l:>

"-------rl----.'------,'r---'I---'I-----,1
AL\lWED ATTAUGHIT ALESUED KHANNATA AZIlM ZIM
~'-----.I-------yI
TAMMATUKUL NUKH IKHIYUTEN SEYDI SEDID
MOKHAMED

1
AKHMADIlN

.- A_KI_L_I-----...,

1 1
SAGHA KHAMADODO
Assafar, constitueront plus tard le noyau Kil es Suk de l'Imannin.
La généalogie ci-jointe permet de voir la proche parenté existant
entre les Kil es Suk établis dans l'Imannin et Azim Zim ; les twareg
de ce canton ont toujours maintenu d'étroits contacts avec le célè-
bre chef religieux installé dans la zone de Menaka, ce qui leur va-
lut la méfiance et la suspicion de l'administration française.

Agigiakhmed n'est pas venu, semble-t-il, dans l'Imannin ;


Khaiman et Mizza, par contre, y sont enterrés. Leurs familles qui
nomadisaient entre l'Azawagh et le Dallol Bosso quittent définitive-
ment l'Imannin quelques années après la conquête coloniale; il en
est de même pour les gens de Khamadodo Ag Agha li , seule la fa-
mille de son frère Sagha restant dans la région de Bonkuku.

2) Le groupe de Fokara :

Venant de la région de Gao (Mali), un chef Kil es Suk nommé


Fokara s'est fixé dans le Tighazirt; son tombeau se trouverait à In-
burian. Il eut deux fils: Khamma qui ne quitta point la région et Khisa,
qui s'installa dans l'Imannin où sa descendance actuelle ne comprend
plus que deux familles au village de Diggina et une à celui de Dakfao.

3) Les Issakarana :

La plupart des membres de cette fraction Kil es Suk, ongmaire


elle aussi de la zone de Gao, s'établirent dans le Tighazirt, quel-
ques uns seulement se joignant aux imajeghfin Kil Koshilan. Une de
leurs familles réside encore au village de Amsaghal (Amassaral).

Il faut ici distinguer les artisans qui sont liés aux différents
groupes imajeghin et ceux qui ont accompagné les marabouts dans
leurs déplacements. Cette distinction s'avèrera fondamentale lors-
que l'on étudiera leurs fonctions respectives dans la production éco-
nomique. De nombreux forgerons de l'Imannin appartiennent à la se-
conde catégorie.

L'origine de cette population est confuse; d'après une tradi-


tion communiquée par l'imam Addibis à l'administrateur Brachet (1943),
elle serait double :
- certains artisans, descendant de "Yaoud" (juif) et "vomis"
par Mokhamed, sont restés me nteurs et hypocrites
- les autres descendent d'esclaves de Kil es Suk.

Des mariages ayant eu lieu entre les deux "sous-castes", il


devient de plus en plus difficile de procéder à cette dichotomie.
36

Le récit présenté par Altinine ag Arias (1971, p. 131) évoque


certainement la deuxième possibilité:

"au sujet de l'origine des inaden, c'est à l'époque du prophète


Mohammed, c'est à cette époque là que la troupe du prophète avait
attaqué un village nommé Khaybara ; c'était dans un pays de blanc s.
Les compagnons du prophète ont pris ce village. Ils ont pris tous les
hommes. ils les ont regroupés dans une seule place.

A cette époque, les forgerons faisaient leur métier, le travail


du fer. ce métier ils l'ont hérité du prophète qui lui-même forgeait
le fer. Le prophète mit tous les forgerons de cOté. Il a dit à ses com-
pagnons que les forgerons sont libres pour toujours:

"laissez les libres, ils n'ont pas de Martres, laissez les con-
tinuer leur travail, ce sont des nobles et non pas des esclaves".

II.8 - Autres migrations :

Outre les dépendants qui vivaient déjà à proximité de leurs


maftres avant l'implantation dans le Dallol Bosso, ces derniers sont
rejoints durant le 19ème siècle par des petits groupes migratoires
avec lesquels ils n'entretenaient préalablement, semble-t-il, aucun
rapport particulier.

Les limites de cette recherche n'ont permis de recueillir à leur


sujet que des informations partielles, l'ignorance éta nt tota le qua nt
à la population Debbakar, par exemple, dont quelques éléments ré-
sideraient ou auraient résidé dans l'Imannin.

Il faudra particulièrement rechercher la nature des relations


qui existaient à l'époque pré-coloniale entre ces groupements et
les diverses fractions d' imajeghin, donnée nécessaire pour la con-
naissance des forces productives dont disposaient respectivement
ces dernières.

La présentation des groupes iderfan et ighawelen ne sera abor-


dée qu'au cours de la seconde partie, l'accent étant surtout mis sur
leur place essentielle dans le cadre des rapports de production.

Par manque de matériaux, l'histoire du peuplement peul qui


est constitué, semble-t-il, de migrations différentes, ne sera pas
ici développée. Les Peul s'installent pacifiquement au 19ème siècle
dans l'Imannin, remplissant des fonctions de berger et offrant leur
technique d'archer aux imajeghin en guerre. L'adaptation de ces
pasteurs aux conditions de production contemporaines sera envisa-
gée dans la dernière partie de ce texte.
37

Seuls, quelques renseignements sont apportés sur les popula-


tions suivantes:

- Les Igirnazin -

Leur statut social est controversé; d'après certaines infor-


mations, ceux qui résident dans l'Imannin sont dépendants des
imajeghin portant le même nom et dont l'imnokal Idiggini ag Osman
ag Abelbolo a déjà été mentionné à propos de l'origine du terme
"diggina". C'est à la faveur d'une défaite de leurs martres, dans la
zone de Tahoua, qu'ils profitent de s'enfuir. Certains s'installent
dans la région d'Abala, d'autres en pays sudye, au Tighazirt et à
proximité des imajeghg'n de Bonkuku. Ce n'est en effet qu'à la colo-
nisation qu'ils se fixeront au village actuel de Gao Aljenna (Gao
Aljena), leur ancien campement de cultures.

- Les Ibogholliten -

Ces métis de twareg et de noirs étaient liés aux imaleghg'n


Igheulen nomadisant vers Tlemcès. A la suite d'un conflit avec l'lI!mnokal
Abarad, les Ibogholliten prennent la fuite, emportant avec eux de
nombreux troupeaux et des captifs. Ils atteignent le Dallol Bos so aux
temps de la chefferie de Bikkin (1879 ? - 1888) ; cette périodisation
est indiquée sous toute réserve car l'enquête a montré, par ailleurs,
que la forte personna lité de cet ama jegh provoque chez de nombreux
informateurs une tendance à situer, à l'époque de son pouvoir, des
événements qui se sont sans doute déroulés à d'autres moments.
Certains migrants s'installent en pays Sudye et fondent Dogongao,
d'autres s'arrêtent à Bonkuku, le village d'Ibogholliten datant de
l'époque coloniale. Etant donné leur richesse et la condition noble
qu'ils prétendent avoir, les imajeghg'n les reçoivent avec déférence;
Zakara leur accorde des terres dans la région de Diggina qu'il domine.

Afin de se soustraire à la chefferie twareg, une partie de la


population d'Ibogholliten quittera, en 1922 ou 1926, l'Imannin pour
le Kughfey où elle créé le village de Dogongaozodi.

III - PERSPECTIVES DE RECHERCHE

Le peuplement t\ilareg de l'Imannin se présente comme la ren-


contre de diverses migrations originaires de "tribus" différentes.
La configuration ancienne du Dallol Bosso explique certainement en
partie le choix de cette vallée par les groupes en fuite.

En effet, malgré son aspect de voie de communication naturelle,


le Dallol est un lieu de refuge. A l'écart des grandes zones de par-
cours du Nord, il offre, en outre, au 19ème siècle, certaines carac-
téristiques susceptibles d'attirer les nomades:
38

- La population locale semble en nombre restreint


- Les mares d'hivernage sont nombreuses, les puits creusés
dans la vallée, de faible "profondeur. Par exemple :
au village de Bonkuku: 3,50 m - 4,40 m environ,
a u village de Gao Aljenna : 3,70 m,
a u village de Koshilan : 5 m,
au village de Sigiradu : 3 m.

- Les cultures sont peu développées; la végétation est abon-


dante et la faune, riche. Dans une tradition orale déjà citée, Idiggini,
chef des Igirnazlin, conduit ses troupeaux dans la région de Diggina
selon l'limnokal actuel, son père, Zakara, aurait vu à la fin du siè-
cle dernier des girafes et des éléphants s'abreuver à la mare de Be-
betinde.

Certains trava ux soulignent ce cadre écologique


- Le capitaine Berger écrit :

"l'installation des twareg dans le Dallol Bosso remonte para ft-


il à cinq générations. D'après la tradition, le touareg Ahamadou El
Kass origimlire de Gagare (des gens du Tagazza ne savent m~me plus
où se trouve ce pays), est venu seul le premier avec son chameau
dans le Dallol Bosso, alors exclusivement habité par les djermas.
Séduit par l'abondance de l'eau, il appela auprès de lui un certain
nombre de touaregs et de bellas qui fondèrent un premier établisse-
ment" (1901).
- Chatelain rapporte un récit d'après lequel:
"en ces temps-là, les djermas de Sarga avaient dans leur trou-
peau un boeuf noir de grande taille qui, le soir venu, rentrait docile-
ment avec les autres animaux. Un soir de saison sèche on ne le vit
pas revenir, ni le lendemain, ni les jours suivants. Ce n'est que
trois mois plus tard, au début de l'hivernage, qu'il réapparut, gras,
luisant, en pleine forme. Il reprit des habitudes régulières et on ne
songeait plus à son escapade quand l'année suivante, il fit une nou-
velle absence d'égale durée. Il en fut de m~me pendant trois années
consécutives. Les djermas voulurent avoir l'explication de ce mys-
tère : ils décidèrent qu'à la prochaine fugue de l'animal, un chas-
seur suivrait ses traces a ussi loin qu' il le fa udrait. Ainsi fut fait. Le chas-
seur abondamment pourvu d'eau et de nourriture prit le pied et pen-
dant deux jours et deux nuits, suivit les traces du boeuf qui le con-
duisait dans la direction de l'Est. Le troisième jour il découvrit
le fugitif paissant paisiblement dans une verdoyante vallée, de con-
cert avec de nombreux congénères .... Boukar Yolombi mis au courant
des événements approuva la conduite de son fils et se félicita d'une
union qui lui permettait d'aller s'installer en ami dans une contrée
39

à l'eau abondante et aux p~turages plantureux, où les boeufs res-


taient gras en toute saison" (1921, pp. 274-2761.

La description de ce déplacement de population djerma, qui


s'effectue sans doute au début du 18è siècle, donne une image atti-
rante du Dallol Bosso où les premiers Kil Nan découvrirent un siècle
plus tard, environ, d'excellents p~turages de saison sèche. La fixa-
tion progressive de groupes twareg dans une telle zone peut rappeler
à certains égards les nombreux cas d'installation par les pasteurs
du Moyen-Orient, les Turcs, de leurs campements aux abords des
sources et ombrages. Le mode de vie nomade est, peut-être, trop
rarement envisagé comme contrainte.

Cet environnement matériel satisfaisant paraft répondre à la


traduction du terme "imannin" donné par F. Nicolas dans une note
manuscrite communiquée par R. Dutel.

"Imanan serait un pluriel inusité de "amana" ; "aman" signifie


"tribut" dans le sens de "es sabil" ; ce qui tombe comme don du
ciel, bénédiction (de p~turages, de bon pays)".

Cette signification cependant est fortement controversée. Pour


Altinine ag Arias, la racine de ce mot, "manna", veut dire au con-
traire "endroit déserté, sans végétation, où il n'y a rien", d'où
"région desséchée, où il n'a pas plu".

La traduction la plus fréquente est reprise par le président


Boubou Hama (1967 p. 451) : "le nom d'Imanan provient de l'expres-
sion Zarma "Imanan". Après les attaques contre les Soudié et les
Goubey par les touareg Aya et Alhadj, les Goubey décidèrent unani-
mement de lais ser les touareg s'installer dans le pays. Ils dirent
"Ima nan" (l'expression en zarma signifie: "laissez-les"), d'où
"Imanan". Le pays prit ce nom qui est devenu celui du canton de
l'Imanan" .

De même, pour Ali Seydi (village de Bonkuku) : "le nom que


le djerma a dit est "imanan". Ce nom est devenu "imannin". Lors-
qu'ils sont revenus après avoir achevé une guerre, un vieux a dit:
"Qu'est ce que je vous avais dit ? Vous savez que je vous ai de le
laisser. Vous avez vu ; "imanan".

Ainsi l'origine djerma du terme reflèterait la suprématie des


twareg. Face à leur domination militaire, les populations loca les
s' inc lineraient devant leur désir de s'établir da ns le Da 1101 Bosso.
40

Il faudra étudier dans quelle mesure l'abondance des ressour-


ces naturelles au 19ème siècle favorise la persistance du fraction-
nement, par groupes migratoires, qui semble discernable au sein de
l'organisation générale de la société twareg.

Les tensions et conflits qu'a révélé cette première approche


d'ethno-histoire, ne répondent guère à la vision "euphorique" des
sociétés "traditionnelles" que nous offre la démarche historique clas-
sique. Ces dernières connaftraient alors une "temporalité homogène"
où les événements se succèdent dans une fluidité "simplificatrice".
Ainsi, après avoir parlé des migrations Kil Nan et Kil es Suk, Séré
de Rivières écrit: "d'autres groupes apparentés rejoignirent encore
l'Imanan, des Imizkikian, une fraction lissaouane du ressort de
l'Amat-Toukies, quelques éléments isolés, des Imareyen. L'ensem-
ble sur un territoire restreint s'amalgama rapidement pour former un
tout homogène" (1965 p. 100).

Il ne s'agit pas de reconstruire une histoire "vraisemblable" ,


de se donner pour but la recherche du "vrai" et du "faux", mais de
comprendre pourquoi la nature d'un m~me fait historique varie selon
les informateurs. Sapir écrivait: "A vrai dire, nos monographies
sont truffées d'affirmations qui, malgré leur formulation générale, re-
posent sur le témoignage d'une poignée d'individus (parfois d'un
seul), considérés comme les porte-paroles de la communauté. Quand
l'anthropologue se renseigne sur les systèmes de parenté, sur les
rites, la technologie, l'organisation sociale ou les structures lin-
guis tiques , il fait le voeu que son informateur épouse assez étroite-
ment l'intelligence et les intentions de son groupe pour les trans-
mettre fidèlement et du m~me coup éliminer de la recherche son pro-
pre facteur personnel" (1932,1971, p. BB). Il faut tenir compte,
précisément, de la part d'intervention d'un individu ou d'un groupe
au sein d'une totalité et ne pas la considérer comme marginale ou
accidentelle.

La diversification des sources d'information dans le cadre de


l'entité twareg ne suffit pas ; l'enqu~te devra en effet se prolonger
parmi les diverses populations qui furent en contact avec l'Imannin.
Méthode indispensable pour approcher le "fait historique" et voie
de pénétration au coeur d'une société qui "n'est pas, selon l'expres-
sion de P. Mercier, seulement en mouvement mais qui, pour une
large part, ne peut ~tre définie que par ce mouvement m~me et par
ses effets" (196B - p. 513); l'extension spatiale des recherches ap-
paraft aussi comme condition nécessaire pour saisir l'articulation
des groupes migratoires twareg avec les populations agricoles voisi-
nes. L'histoire des peuplements gube, djerma et sudye, l'étude de
leurs systèmes socio-économiques et de leurs structures politiques
respectives constitueront une donnée essentielle pour la connais-
sance et la compréhension de la formation économique et sociale
twareg et de son mode de domination sur certains groupes d'agriculteurs
41

sédentaires du Dallol Bosso au 19ème siècle.

Je citerai, à ce propos, le passage que Marx consacre au phé-


nomène de la "conquête" dont l'analyse a généralement consisté à
faire appel à la détermination du hasard historique:

"Dans toutes les conquêtes, il y a trois possibilités. Le peuple


conquérant impose a u peuple conquis son propre mode de prod uction (par
exemple les Angl-ais en Irlande dans ce siècle, en partie dans l'Inde) ;
ou bien il laisse subsister l'ancien mode de production et se contente
de prélever un tribut (par exemple les Turcs et les Romains) ; ou bien
il se produit une action réciproque qui donne naissance à quelque-
chose de nouveau, à une synthèse (en partie dans les conquêtes
germaniques). Dans tous les cas, le mode de production, soit celui
du peuple conquérant ou celui du peuple conquis, ou encore celui
qui provient de la fusion des deux précédents, est déterminant pour
la distribution nouvelle qui apparaft. Bien que celle-ci se présente
comme condition préalable de la nouvelle période de production, elle
est ainsi elle-m~me à son tour un produit de la production, non seu-
lement de la production historique en général, mais de telle ou telle
production historique déterminée.

Les Mongols par leurs dévastations en Russie par exemple,


agissaient eonformément à leur mode de prod uction fondé sur le p~­
turage, qui exigeait comme condition essentielle de grands espaces
inhabités. Les barbares germaniques, dont le mode de production
traditionnel comporte la culture par les serfs et la vie isolée à la
campagne, purent d'autant plus facilement soumettre les provinces
romaines à ces conditions, que ia construction de la propriété ter-
rienne qui s'y était opérée avait déjà complètement bouleversé l'an-
cien régime de l'agriculture.

c'est une image traditionnelle que dans certaines périodes on


n'aurait vécu que de pillage. Mais, pour pouvoir piller, il faut qu'il
existe quelque chose à piller,donc une production. Et le mode de
pillage est lui-même à son tour déterminé par le mode de production.
Une "stock-jobbing nation" (nation de spéculateurs en Bourse) par
exemple ne peut pas ~tre pillée comme une nation de vachers.

En la personne de l'esclave, l'instrument de production est


directement ravi. Mais alors la production du pays au profit duquel
il est ravi, doit être organisée de'telle sorte qu'elle permette le tra-
vail d'esclave, ou (comme dans l'Amérique du Sud, etc ... ) il faut
que l'on créé un mode de production conforme à l'esclavage". (Cette
traduction, préférée à celle, plus ancienne, parue dans la collec-
tion "Pleiade", figure dans la récente publication de l' "Introduction
à la Critique de l'Economie Politique", E.S .. 1972, pp. 162-163).
43

DEUXIEME PARTIE

L'ORGANISATION SOCIALE DE LA PRODUCTION


1

1
45

1 - NOMENCIATURE DES GROUPES SOCIAUX

Il est possible d'opérer une dichotomie fondamentale au sein


des groupes sociaux, dichotomie "réalisée" par la mise en relation
de groupes "martres" et de groupes "dépendants".

Le problème de l'existence de "classes" ne sera pas ici direc-


tement posé. S'il ne fait pas de doute que, dans cette formation so-
ciale fortement hiérarchisée, les groupes considérés participent à
un système de "rapports de classes" caractérise par l'opposition et
l'exploitation, il est néanmoins impossible au niveau de cette recher-
che, de distinguer des classes spécifiques. Il faudra, pour cela, con-
tinuer et approfondir l'analyse de la place tenue par chaque "catégo-
rie" sociale dans le cadre des procès de production et de reproduc-
tion de la société toute entière.

Les" martres " , c'est-à-dire les "hommes libres" (illelh(n) con-


trôlent, bien que dans des conditions variables, les moyens de pro-
duction, la distribution des produits et parfois la reproduction démo-
graphique de certains groupes.

Les dépendants, par contre, participent directement à la pro-


duction, mais n'ont accès aux moyens de production que par inter-
vention des premiers. Cet état d'exploitation connart cependant des
formes et des niveaux divers.

1.1 - Les groupes "martres"

Ce terme désigne les twareg nobles. Ils détiennent le pouvoir


politique et constituent l'élite guerrière de la société. Ils appartien-
nent à l'origine à des confédérations différentes et, malgré un statut
identique, leurs diverses fractions ne jouissent pas toutes de la mê-
me puissance.

A la différence de la plupart des sociétés twareg, il n'existe


pas, dans l'Imannfin, de groupes vassaux (imghad); les imghad
étant des hommes libres attachés aux nobles par des liens de clien-
tèle.

Ce sont les "gens de l'Islam" ils se consacrent à la stricte


pratique religieuse. Etant donné la présence, dans l'Imanntin, de
nombreuse s et renommées familles maraboutiques, il sera particuliè-
rement intéressant d'analyser sous quelles formes l'idéologie reli-
gieuse a pu renforcer et justifier le système de domination mis en
place par le s guerriers.

Bien que de condition libre, les artisans sont étroitement liés


aux deux autres groupes qualifiés de "martres".

Beaucoup sont arrivés avec les Ktil es Suk ; ils connaissent


parfois la langue arabe et ont une activité religieuse régulière.
S'ils peuvent, au 19ème siècle, travailler, semble-t-il,le cuir et le
bois, il leur est, par contre, interdit d'utiliser les métaux. La fabri-
cation des armes, élément essentiel dans la vie économique pré-
coloniale, incombe uniquement aux artisans attachés aux imajeghin.

Les inadin constituent aujourd'hui ia population ayant le mieux


conservé ses caractéristiques anciennes; leurs femmes, par exemple
sont les seules de l'Imanntin à véritablement posséder les danses
traditionnelles. Ils pratiquent une stricte endogamie qui explique la
clarté de leur peau comparée à celle des nobles dont le métissage
est prononcé; aucune alliance matrimoniale n'est établie avec un
artisan n'appartenant pas à la société twareg (attaga).

La dot en bétail a pratiquement disparu de l'Imanntin, m~me


chez les imajeghin qui donnent l'équivalent monétaire d'un nombre
variable de came lins ; les forgerons par contre continuent à donner
deux boeufs de quatre ans dès le mariage, plus deux femelles de
trois ou quatre ans dans un délai souvent très large. L'homme ne
pourra répudier son épouse qu'à condition de lui avoir remis la tota-
lité du bétail requis; dans le cas où la femme quitte son mari, elle
doit rendre à ce dernier les deux bovins de quatre ans.

I. 2 - Les groupes "dépendants"

Ce terme signifierait "ceux qui sont nés", c'est-à-dire qu'il


représente les individus ou groupes d'individus qui sont attachés
depuis souvent plusieurs générations à une famille ou un groupement
"martre". Ils sont considérés comme partie intégrante du patrimoine,
de l'héritage familial et ainsi ne peuvent ~tre vendus.

On distinguera, parmi les isaha, trois catégories sociales


dont les différents statuts seront analysés de manière plus détaillée
lors de l'étude des rapports de production:
47

1) les ighawelen :

Ils sont plus généralement appréhendés au niveau collectif


qu'individuel et constituent des entités particulières. La plupart,
semble-t-il, ne furent jamais ca ptifs, l'affranchis sement, s'il Y a
lieu, étant fort ancien et se perdant souvent "dans la nuit des temps".

Deux migrations d'ighawelen originaires du "Dinnik" atteignent


l'Imannin au cours de la première moitié du 19ème siècle. L'une s'éta-
blit à proximité des imajeghin Kil T~bonnintet donnera naissance à
l'époque coloniale au village de Balleykwara (Belakwara) ; l'autre
s'installe au Nord de Koshilan (Kossilane) y créant, notamment, le
village de Loki. Elle se dispersera, à la colonisation, entre plusieurs
villages situés dans la partie Sud du canton.

2) Les Iderfan :

Ce sont des captifs ayant été affranchis; l'affranchissement


étant le plus souvent individuel. Ces anciens esclaves peuvent avoir
une double origine :
- soit, ils font partie de familles asservies aux twareg avant
leur impla ntation dans le Da 1101,
- soit, ils proviennent du butin amassé par les guerriers au
cours des nombreux combats menés depuis leur arrivée dans
l'Imannin.

Il semble que peu d'affranchissements aient eu lieu dans le cadre


de cette société twareg ; certains iderfan seraient venus du Tighazért
peu de temps après l'arrivée des troupes françaises.

3) Le terme "Isaha" désigne aussi, semble-t-il, les escla-


ves dépendant depuis longtemps de leurs martres et les ayant accom-
pagnés lors de leurs pérégrinations vers la zone étudiée. Les twareg
avaient tendance à les garder auprès d'eux et ne les vendaient pas.
Basée sur le critère théorique de leur non commercialisation, une
m~me terminologie recouvre donc des réalités différentes, à savoir
deux catégories d'individus jouissant d'une relative autonomie face
aux groupes dominants et une catégorie totalement asservie à ces
derniers.

Une enquête approfondie sera nécessaire car divers éléments


emp~chent de préciser de façon relativement sare la portée de ce
mot:
- de nombreux descendants d'esclaves arrivés dans l'Imannin
avec les twareg ont épousé durant le 20ème siècle des captifs issus
de populations razziées dans le Sud-Ouest du Niger.
48

- vu le recul important du tamasheq, l'usage de ce terme est,


semble-t-il, en régression. Cette situation cache peut-être un refus
d'employer ce mot actuellement péjoratif; il s'agirait d'un oubli vo-
lontaire lié au problème du changement des rapports sociaux. Quali-
fier quelqu'un d' "asehu" c'est le rattacher à une famille noble dont
il nie, aujourd'hui, du moins devant un étranger, toute forme d'auto-
rité et de domination.

Procéder à un tel découpage est aussi satisfaire un besoin de


clarté qui risque de rapidement conduire au type "idéal" et à une re-
présentation simplificatrice. Il arrive, par exemple, que les manres
fassent appel au "réservoir" isaha pour trouver des hommes à vendre
ou à échanger.

L'imam Addibis rapporte que "lorsqu'il n'y a pas suffisamment


d'inezziyin, les isaha les remplacent. Un jour, l'imnokal Bikkin
envoie un mes sager au chef de Ayir, Mokhamed Alkumeti, pour lui
demander ce qu'il désire en échange d'un magnifique cheval qui est
en sa possession. Dix individus sont réclamés. Bikkin parcourant
toutes les cases d'inezziyin n'en trouve aucune regroupant dix per-
sonnes. Il rend alors visite à un groupement d' ighawelen venu d'Aza-
wagh et dont une partie a continué vers le Tighazirt. Une seule case,
celle d'un nommé llifantan, offre le nombre de personnes recherché.
Bikkin les échange contre le cheval. La famille d'Ilifantan retourne-
ra dans l'Imannin ; les ighawelen la récupèrent en contrepartie de
bovins" .

Mohamed ag El Kumati fut imnokal des Iullemmeden Kil Dinnik


il reçut ce titre à la mort de Musa ag Bodal que F. Nicolas situe en
1872 (1950 - p. 59) ; on peut se référer au sujet de cette succession
à E. Bernus (1970 p. 446).

Mohamed ag El Kumati est présenté ici comme chef de "Ayir"


(Ait), ce qui représente pour l'informateur les régions du Nord-Est.

Par opposition au terme "isaha " ce lui d' inezziyin signifierait


"ceux qui sont achetés". Ces esclaves proviennent du butin de guer-
re ou d'achat sur les marchés et peuvent être vendus ou échangés.

Leur entrée en contact avec les twareg est toujours postérieure


à l'installation de ces derniers dans le Dallol Bosso.

Le mot "iklan" , qui leur est aujourd'hui particulièrement ré-


servé, peut aussi désigner les isaha. Péjorativement connoté et en
contradiction avec l'idéologie officielle d'abolition de l'esclavage,
il n'est guère employé, surtout en présence d'un étranger, et le ter-
me "bella" lui est généralement préféré. Ne concernant en fait que
49

les ighawelen et les iderfan, ce dernier mot représente, dans son


extension, l'ensemble des dépendants.

Au 19ème siècle, par ailleurs, des ~ notamment des isaha


semble-t-il, possédaient des captifs à qui était donné le nom d"~
n iklan"

Terminologie utilisée pour désigner certaines composantes de


la structure socia le

masc. sing. Illilli amajegh


fém. sing. tlllillit timajeght
masc. plur. illellin imajeghin
fém. plur. tille llatin timajeghin

ederif abogholli
tederift tiboghollit
iderfan ibogholliten
tiderfen tibogholliten

eghawel asehu
teghawelt tasehut
ighawelen isaha
tighawelen tisaha

inezzi akli
tenezzit taklit
inezziyin iklan
tinezziyin tiklatin

II - LES GROUPES SOCIAUX DANS LES RAPPORTS DE PRODUCTION

II.1 - Période pré-coloniale

Les liens établis entre martres et dépendants sont cristallisés


dans deux types de rapports pour lesquels sera utilisée la même ter':"
minologie que celle employée par P. Bonte dans son étude sur les
twareg Kil Gress (1970 - p. 88)
- rapports esclavagistes
- rapports tributaires.

L'esclave est séparé des moyens de production mais il n'a


pas, en outre, directement accès au contrOle des femmes. Entière-
ment dépendant de son propriétaire quant à sa reproduction économi-
que, il l'est aussi pour sa reproduction démographique.
50

Le martre fournit nourriture et vêtements à l'esclave qui vit à


l'intérieur ou à proximité de sa concession. Les tiklatin accomplis-
sent les diverses taches domestiques (pilage du mil, corvée d'eau,
préparation de la nourriture ... ) tandis que les homme s sont souvent
employés pour le gardiennage des troupeaux. Quelques uns cepen-
dant sont cultivateurs; ils n'ont aucun droit sur les récoltes qui re-
viennent en totalité aux martres. Durant la saison des pluies, les
agriculteurs partent chaque matin sur les champs généralement pro-
ches du village et regagnent leurs concessions le soir. Lorsque la
zone de culture est éloignée, ils y restent parfois plus longtemps;
c'est le cas des imaieghin de Jami qui, jusqu'en 1890 environ, s'ins-
tallent avec leurs cultivateurs durant plusieurs semaines dans la ré-
gion du village actuel de Diggina où se trouvent leurs champs. Tout
au long des travaux agricoles, les guerriers montent la garde autour
des parcelles défrichées afin de prévenir toute tentative de pillage
de la part des Sudye. Le mil (enile) une fois récolté est ach Üné
en lieu sOr à Jami.

Lorsqu'un esclave se marie avec une femme appartenant à une


famille "martre" autre que celle dont il dépend, les enfants nés de
l'union reviennent au propriétaire de l'épouse qui bénéficie, en ou-
tre 1 généralement des services de cette dernière. Un homme libre
préfèrera donc marier ses captifs entre eux et garder ainsi une force
de travail maximum; il autorisera les mariages ayant pour cadre sa
famille élargie, les unions entre esclaves de fractions différentes
étant par contre extrêmement rares.

En cas de divorce, les enfants et leur mère retournent chez le


martre de cette dernière; la situation est la même si le mari meurt
durant l'union. Si c'est la femme qui disparaft, son propriétaire re-
çoit la progéniture.

Il sera indispensable, au cours d'une prochaine recherche,


d'analyser les modalités de répartition du butin de guerre dont les
inezziy!in représentent un élément majeur. Les procès de circula-
tion de ces biens que sont les individus razziés constituent certai-
nement un facteur essentiel pour saisir les phénomènes de maintien
et de transformation affectant les rapports de force entre fractions
nobles et ceux existant entre ces dernières et les autres groupes
sociaux, maraboutiques notamment. Quelles sont, lors de cette dis-
tribution, les fonctions dévolues à l'!imnokal, au chef de guerre,
aux représentants des divers groupes; y-a-t-il des critères précis
de partage ... ?

Les inezziy!in échus aux guerriers sont souvent utilisés com-


me biens d'échange contre les activités des forgerons et des mara-
bouts. Il faut mentionner l'existence de statuts divers pour les cap-
tifs selon l'identité de leurs martres; les esclaves d'inadin, par
exemple, sont moins bien considérés que ceux d' imajeghin qui leur
51

refusent, entre autres, l'accès à leurs danses. Les comportements


entre esclaves sont calqués sur ceux affichés par leurs propriétai-
res, phénomène relevé par Nicola1"sen (1962) à propos des relations
de parenté à plaisanterie et des attitudes de res pect et de réserve
chez les Kil Ahaggar.

Il semble exister, en outre, comme on l'a dit, une nette ten-


dance à l'endogamie au sein des catégories "isaha" et "inezzivin"
mais aussi à l'intérieur de chaque groupement d'esclaves dépendant
d' une fraction martre particulière.

La distribution, par les imajegh,n, de captifs aux marabouts


et aux forgerons ne constitue qu'une phase de tout un processus de
transactions né de cette source d'enrichissement qu'est la guerre
au 19ème siècle. Les activités militaires sont ainsi a u centre de
tout un système d'échanges qu'il faudra replacer plus tard dans le
cadre général des mécanismes d'ensemble de circulation des produits.
Des catégories sociales exclues de la pratique guerrière directe four-
nissent cependant aux nobles les éléments indispensables pour la
conduite des combats. Les forgerons assurent la fabrication des ar-
mes (lance: allagh - épée :takuba) tandis que les marabouts procèdent à
des prières et rituels avant l'ouverture des hostilités; ils décident
parfois du moment approprié pour engager le combat et peuvent con-
seiller l'exécution d'un acte déterminé dont la forme de déroulement
présagera du dénouement du conflit. Certaines traditions orales, non
communiquées dans ce texte, réservent une importante place au rOle
joué par les maraboutiques lors des guerres: pour reprendre une ex-
pression rapportée par un descendant d'esclave, "les imajeghin ne
craignent pas Dieu mais ils ont peur des marabouts" .

Si les isaha ne peuvent être théoriquement cédés par leurs


propriétaires, et le sont en effet rarement, les inezziy,n par contre,
après leur redistribution, semblent souvent destinés à la vente. Deux
possibilités se présentent alors:
- la famille d'un individu razzié peut le racheter à son martre,
le prix fixé étant de 1 ou 2 captifs, plus 1000 cauris. Ces conditions
d'échange s'expliquent par le fait que certaines populations noires,
notamment les djerma, possèdent elles aussi de s esclaves. Le ra-
chat, appelé" fansa " (terme djerma) parart fréquent car il est appré-
cié par les gens de l'Imannin pour qui il est particulièrement avan-
tageux. Luttant généralement contre les même villages, les mêmes
ennemis, ces derniers peuvent savoir de façon assez précise où se
trouvent détenus les individus emportés en captivité et ainsi les ré-
cupérer.
- le captif peut être vendu sur un marché; il semble que le
Tighazirt ait été un point de vente relativement important, du moins
au niveau régional. Parmi les acheteurs figurent des pasteurs du Nord
52

dont les possibilités d'approvisionnement en esclaves sont plus li-


mitées que celles des imajeghtn établis parmi les populations sé-
dentaires.

Cette analyse descriptive des rapports esclavagistes au 19è


siècle donne une vision certainement figée et ponctuelle de cette
réalité à l'époque considérée. Les rapports de production esclava-
gistes ne connartraient alors de profonds changements, menant en
l'occurence à leur disparition, que sous l'impact de la colonisation.
Un élément laisse pourtant présumer une situation plus complexe et
indique une voie de recherche possible. L'apparition à la fin du siè-
,cIe dernier d'tklan n tklan, plus particulièrement parmi la population
isaha, permet, en effet, de poser le problème d'une transformation
du statut de l'esclave à l'époque pré-coloniale. Comment un hom-
me appelé "captif" pouvait-il lui-même posséder un captif? Quelle
en était l'utilisation? Ce bien était-il donné, obtenu par la ~ erre
ou l'échange d'autres biens? Pour l'acquérir ou après l'avoir acquis,
la condition du bénéficiaire, bien qu'encore qualifié d' "akli" , doit
certainement connartre des modifications déterminantes. Peut-être
certains esclaves sont-ils alors sur le chemin de l'intégration à un
système tributaire dont l'analyse est maintenant abordée.

Ce système de relations lie les imajeghtn aux ighawelen et


iderfan ; de statut identique, les affranchis ont cependant avec leurs
martres des rapports situés à un niveau plus personnel. Les deux
groupes ighawelen respectivement attachés aux imajeghtn de Bonkuku
et de Koshilan ont à leur tête des chefs notamment chargés de repré-
senter leurs groupements auprès des nobles.

S'ils ne sont pas libres, ighawelen et iderfan contrôlent tou-


tefois leur production et possèdent du bétail. Pouvant accumuler une
certaine quantité de biens, ils sont en mesure d'acquérir des escla-
ves et paient eux-mêmes la dot matrimoniale. L'endogamie qui pré-
vaut au sein des deux fractions d'ighawelen parart favorisée par les
imajeghtn, attitude qui s'explique par le désir de ces derniers de
ne point perdre de dépendants au profit d'individus ayant le même
statut qu'eux. Ainsi, les hommes libres exercent-ils un certain
contrôle sur la reproduction démographique de cette catégorie de
dépendants. Lors d'un mariage, le beau-père utérin remettrait à
l'amajegh auquel il est attaché un tiers environ de la dot qu'il a
reçue. Les deux communautés d'ighawelen présentes dans l'Imannin
sont respectivement liées, comme on l'a dit, à deux groupes imajeghin o

Leur mise en relation s'effectue, semble-t-il, à un niveau restreint,


celui peut-être de la famille élargie; il sera nécessaire de rechercher
le lieu précis où se réalisent les formes de dépendance.
53

L'utilisation des individus soumis à des rapports tributaires


se manifeste principalement dans le cadre des activités guerrières
et du versement d'une redevance céréalière.

1) Les guerres:

Il est possible d'en distinguer deux types


- les grands conflits guerriers qui, au 19è siècle opposent les
djerma de Dosso et leurs alliés aux djerma de l'Ouest soutenus par
les divers groupements peul et les twareg de l'Imannlin et du Tligha-
zlirt. Le Dallol Bosso vit se dérouler de nombreux combats et les
imajeghin de l'Imannlin furent plusieurs fois attaqués par de nom-
breux adversaires conduits par des chefs aussi renommés que Isa
Modi Koronbeyzi, Lantagundi ou Samna Karfé.

Face à ces importantes troupes ennemies, les nobles twareg,


en nombre réduit, ne peuvent résister qu'en faisant appel à la masse
des tributaires. Afin d'expliquer la place tenue par ces derniers au
cours des batailles, un informateur les compare aux soldats noirs
accompagnant les européens lors de la colonisation. Les imajeghin
les placent en première ligne et apportent leur aide aux points fai-
bles avant de s'engager totalement dans la lutte.

Ainsi ,selon une tradition orale recueillie auprès de l' imamAddibis


et concernant une guerre contre le Klibbi : "Bello" conseille à l'imnokal
Bfikkin de laisser les bella engager les hostilités; les plus forts étant
rapidement mis hors de combat, les imajeghin interviennent et chas-
sent les Kubawa ... "

L'administrateur Brachet (1943) écrit à propos de cette straté-


gie "Il convient de ne pas juger cette méthode d'après notre menta-
lité. Pensons d'abord que les bellas étaient une partie du troupeau
des touaregs. Si l'on considère le bella comme un bétail, la conduite
des touaregs est normale. Quand leur bétail était attaqué, les toua-
regs, avertis, se précipitaient en armes pour les défendre. Dans les
autres cas ils les faisaient avancer à la manière de ces soldats qui
poussent un troupeau devant eux ou de ces caravanes qui s'abritent
derrière leurs chameaux".

Si les inezziyin . ne participent pas aux èonflits, les isaha,


du moins les ighawelen et les iderfan, constituent une force indispen-
sable pour les imajeghin. Ils combattent généralement à pied mais
certains possèdent des chevaux, ce qui ne permet pas d'affirmer pour
autant qu'ils jouissent du pouvoir d'acquérir leurs montures. Ayant
droit à une part du butin, ces dépendants entretiennent donc des rap-
ports relativement favorables avec les hommes libres auxquels ils
sont liés. Il faudra rechercher pourquoi, dans des conditions qui
paraissent analogues, ces mêmes relations sont nettement plus ten-
dues dans le Tlighazlirt, région d'où les dépendants prennent la fuite
54

en aoOt 1903 pour se réfugier à Bonkuku, le capitaine Quillichini les


contraignant alors à rebrousser chemin.

- les expéditions guerrières qui sont menées loin de l'Imannén


et les rezzou effectués dans les régions limitrophes du pays twareg
sont réservés aux imajeghén. Les simples coups de main qui sont le
fait de quelques guerriers seulement ne requièrent pas une importante
préparation; la décision d'organiser un pillage est prise ordinairement
au niveau de chaque groupe noble, aucune concertation générale entre
martres n'étant nécessaire. Le pouvoir d'intervention de l'émnokal
semble ici inexistant.

2) La dflne en céréale

A la différence des esclaves qui vivent à proximité de leurs


martres et sont accompagnés sur leurs champs par ces derniers, les
tributaires peuvent s'installer seuls, durant l'hivernage, sur leurs
zones de culture. Ils disposent de leur production et peuvent l'échan-
ger, en cas de surplus, contre d'autres produits. Ils versent cepen-
dant aux imajeghlfn un tribut annuel représentant le pius souvent
1/10è de leur récolte mais pouvant s'élever parfois jusqu'à la moitié.
Cette redevance est appelée "tamasedek", terme dérivé du mot arabe
"sadaqa" désignant une forme particulière d'aumOne religieuse. L'ex-
tension de ce nom, son utilisation dans le cadre d'une dflne versée
aux martres, constitue certainement l'un des moyens par lesquels la
religion musulmane vient renforcer et justifier l'idéologie de la domi-
nation agissant au sein de cette formation sociale fortement hiérar-
chisée.

Le rapport de production tributaire repose ainsi sur la livraison


de la tamasedek ; l'agriculture en pays twareg étant cependant peu
développée au milieu du 19è siècle, les imajegh,n cherchent un
complément céréalier auprès des populations voisines. Deux pério-
des sont discernables dans l'exploitation par les guerriers twareg
de ce "silos" à mil que représentent les villages noirs limitrophes de
l'Imannén :

- Tusqu'en 1880 environ, les rezzou, procurent la plupart du grain.


La suprématie des imajeghén est sans cesse remise en question par
les sudye du Kughfey et les djerma du Tondikandya qui pillent régu-
lièrement les installations twareg. Ils abandonnent cependant pro-
gressivement une partie du Dallol aux envahisseurs nomades, ce qui
ne les empêche pas de les harceller en permanence. Vers 1835, par
exemple, des sudye originaires d'Itshigin et de Shikal viennent brO-
1er un grenier appartenant à l',mnokal Alkhuseyni. Les imajeghén
les rejoignent au village de Talekya sur lequel ils libèrent des pi-
geons ; au moment de l'engagement des combats, d'autres pigeons
portant un tissu enflammé autour du cou sont lélchés et rejoignent
les oiseaux précédemment mis en liberté, propageant ainsi le feu à
55

tout le village. Les Sudye, a lors pris de panique, lais sent le champ
libre aux dévastations des twareg qui, sur la lancée, triomphent des
villages de Gandou, Tokane et Tonbo.

La résistance offerte par le peuplement Kughfeyawa est évoquée


dans une tradition orale rapportée par un vieil esclave de Dakfao :
"sous la chefferie de Kawa, un captif parti à Itshigin pour percevoir
la dfme en mil est tué par les Irasafan. Une bataille s'ensuit où 60
filles et 60 garçons sont emmenés en captivité par les imajeghin".

- A l'époque de Bikkin qui détient le pouvoir de 1879 (?) à 1888,


s'affirme le contrôle de certains villages, ce qui permet la mise en
place d'un ensemble de relations économiques incessament bafouées
jusque là. La conquête des communautés sédentaires se traduit par
leur intégration aux rapports de prod uction tributaires qui connais sent
alors une forte extension. Si leurs droits sur les terroirs ne sont pas
remis en cause, elles sont parfois soumises à des redevances en
travail et versent annuellement l/lOè de leurs récoltes. On est ainsi
en présence, à la fin du siècle dernier, d'un système tributaire en
pleine phase d'expansion.

Il est possible, semble-t-il, de reprendre pour les twareg de


l'Imannin ce que Pierre Bonte écrit à propos des Kil Gress :
"C'est pour l'essentiel au sein de leur propre mode de production que
se réalise l'évolution; la rencontre avec les populations sédentaires
aboutit à une simple juxtaposition, l' orga nisation domestique et tri-
butaire de la production reste dominante (1970 p. 361).

La remise du tribut se déroulait dans le cadre communautaire,


chaque chef de village centralisant les céréales apportées par ses
sujets. Du cOté twareg, le lien de dépendance était, semble-t-il,
établi au niveau de chaque groupe noble. Il sera nécessaire de re-
chercher la nature du découpage opéré par les divers groupements
migratoires imajeghin ; quelles communautés villageoises dominent-
ils respectivement?

Le pourquoi d'une telle articulation entre ces sociétés ne sau-


rait être apporté par la seule analyse du système de production de
la société twareg. Comme on l'a dit à la fin de la première partie,
la connaissance de l'organisation économique et sociale des popu-
lations autochtones sédentaires est ici indispensable.

Les redevances versées sont en quelque sorte pour les villa-


ges sudye, gube et djerma le gage de la paix, de la sécurité. Ceux
qui refusent la soumission à de telles relations de dépendance font
l'objet, par contre, d'incessants rezzou de la part des imajeghin.
Cette situation pacifique est cependant fort relative car ces groupes
sont toujours à la merci du "bon vouloir" et des nécessités économi-
ques conjoncturelles de la société twareg. Ainsi, d'après l'imam
56

Addibis, peu de temps avant la conquête française, l'fimnokal Mazu


organise un travail collectif auquel participent 50 Sudye du village
de Shika 1. Manqua nt d'ingrédients pour la préparation de la nourri-
ture, il s'en procure en vendant l'un des cultivateurs.

L'accès des imajeghfin à une suprématie régionale se conju-


gue donc avec l'instauration de rapports tributaires réguliers qui
fournissent une importante part du mil dont ils disposent. D'après
certaines traditions orales, le défrichement de terres par la popula-
tion de l'Imannfin ne connartrait, en effet, un véritable développement
qu'à la suite de la victoire remportée par les twareg sur les troupes
du chef djerma Isa Modi Koronbeyzi. Ce combat qui se déroule vers
1890 marque la fin d'une série de guerres particulièrement violentes
et nombreuses. Si, avant cette époque, de nombreux ~ et autres
dépendants se livrent peut-être à l'agriculture, leur production n'en
reste pas moins limitée. Deux hypothèses sont notamment envisagea-
bles pour rendre compte de cet état:

- Le climat d'insécurité régnant dans le Dallol Bosso rend dif-


ficile la pratique de cette activité économique. étrangère de s urcrort
à des populations nomades dont certaines n'atteignent cette zone
que vers 1865. Les rezzou, puis l'établissement d'un système tribu-
taire avec les villages de cultivateurs noirs sédentaires solutionnent
la question de l'approvisionnement en céréales.

- Une fois atteinte la suprématie régionale, l'existence d'une


éventuelle et importante production de mil par les inez<:iyfin et les
isaha se serait peut-être heurtée à un manque de débouchés, carac-
térisés, semble-t-il, par l'inexistence dans cette zone, au 19è siè-
cIe, de circuits commerciaux nettement déterminés. Ainsi, l'absence
d'un trafic caravanier comme celui, par exemple, des caravanes de
sel (teghalemt) de Fachi et Bilma conduites par les Kfil Gress, cons-
titue certainement un frein à l'accroissement d'une production céréa-
lière dont un surplus conséquent poserait problème quant à son écou-
lement.

II. 2 - Incidences de la colonisation:

Phénomène d'origine externe au système étudié, la conquête


coloniale va provoquer de profonds changements au sein de ce der-
nier. L'entrée en contact des troupes françaises avec les twareg de
l'Imannfin a lieu en novembre 1900.

1) La guerre:

Sa disparition entraf'ne bien entendu le phénomène de la traite:


en outre, les rezzou devenant impossibles, les twareg perdent un mode
57

essentiel d'approvisionnement en mil. Les derniers grands combats


agitant le Dallol se déroulent en 1897 lors du passage dans cette ré-
gion de deux individus fuyant la progression française et cherchant
refuge à Sokoto:

- Ahmad u-C heik u, fils de El Hadj Omar, guerrier et prophète


célèbre du Sénégal;
- Ali Bori, roi du Diolof.

Une tradition orale rapportée par l'imam Addibis relate cet évé-
nement : "Les Futawa qui viennent du Sénégal atteignent l'Imanntin
durant la chefferie de Mazu auquellls proposent une alliance pour
attaquer les Kughfeyawa de Tunfaliz dont le chef est Gumbi. Sur pro-
position des guerriers twareg Abeyet Zakara, des hommes s'infiltrent
entre le rebord du Dallol et les villages de Tunfaliz et Filingué, em-
pêchant ainsi les Kughfeyawa de se replier sur le plateau.

Devant le désir des Futawa de pénétrer dans la ville, les twareg


préconisent de d'abord l'incendier à l'aide de flèches rougies par les
forgerons. L'incendie allumé, les villageois échouant dans leur ten-
tative de gagner la colline rejoignent leur cité que les Futa détruisent
alors. Sur leur lancée, ils mettent Filingué à sac. Dans leur fuite,
les Kughfeyawa abandonnent leur tittébel qu'un abogholli nommé
Bolkha récupère et cache. Il le remettra par la suite à l'timnokal de
l'Imanntin. Ce dernier poursuit Namelaya, futur chef du Kughfey, qui
perd son boubou et se réfugie à Dosso où il trouve des troupes fran-
çaises qu'il accompagnera à ShikaI puis à Filingué".

Contrairement à ce qui est dit ici, les divers rapports des ad-
ministrateurs mentionnent une grave défaite subie à Fllingué par les
alliés de l'Imanntin.

Sellier, par exemple, écrit (non daté) : "Les guerriers d'Amadou


Seikou et d'Ali Bori arrivent dans l'Imanan. Ils s'allient aux touareg
et marchent avec eux contre les Soudiés. En août 1897, ils détruisent
Itchigin, puis attaquent Chika!, Les guerriers d'Ali Bori tombent à
chaque assaut sous les flèches empoisonnées des goubés et des
soudiés. Ali Bori lève le siège et par Tounfal1z atteint Fil1ngué. Là,
le chef des guerriers, Gado Mayaki, les fait recevoir par les habi-
tants. Tous les guerriers trouvent asile dans les concessions du vil-
lage et sont traités en hôtes de marque, les femmes se chargent de
distraire les soldats d'Ali Bori. Mais tout à coup, à la nuit, le tam-
tam joue et il rythme cette chanson devenue célèbre : "Kowa Ya kazé
bako gida shi" :"que chacun tue l'étranger qui est chez lui". Tous
les habitants se précipitent sur les gens d'Ali Bori et les massacrent.
Seuls Ali Bori et quelques uns de ses suivants échappent à la mort.
Ils s'enfuient vers l'Imanan, gagnent Dogondoutchi. Des milliers de
guerriers venus du Soudan, il en est bien peu qui arrivent à gagner
le refuge de Sokoto" .
58

Cette dernière version s'accorde avec le récit communiqué par


le président Boubou Hama; parlant d'Ali Bori et Ahmadu-Cheiku. il
y est dit : "Après cette guerre, les coalisés retournèrent dans le
Tagazar puis tous ensemble, ils vinrent se fixer à Bonkoukou, dans
l'Imanan. Ils prirent les villes de Tchikal, de Tounfalis et de Itchigin
de la province de Filingué. Ils furent reçus avec un zèle particulier,
on les gata même, on leur permit de disposer de tout dans la ville.
Mais le soir, alors que les Foutanke ne s'attendaient à rien, un
crieur dit dans toute la ville: - "Koowa da Baakou sa " (que chacun
s'occupe de l'étranger qui est dans sa case).

En pleine nuit, l'ordre de massacrer les étrangers fut donné .


. Certains disent que Mazou Koumbel qui tua Isa Korombé trouva la
mort à Filingué au cours de cette attaque.

Après sa défaite, l'armée des coalisés regagna ses positions


dans le Tagazar et l'Imanan. Quelques temps après, l'arrivéE' les
Français était annoncée" (Boubou Hama, b, p. 112).

2) Les redevances versées par certains villages gube, sudye


djerma.

Ces agriculteurs sortent vite de l'emprise twareg ; les nobles


acceptent sans trop de difficultés, semble-t-il, cette atteinte à leur
suprématie. Une telle attitude s'explique par le fait qu'il ne se sont
jamais véritablement considérés comme" propriétaires" des surfaces
cultivées par les habitants de ces villages.

La perte, lors de la limitation arbitraire du canton en 1920, de


terrains mis en culture par des inezziy!in et des isaha sera par contre
ressentie comme un vol.

L'extension de l'agriculture au sein même de la société twareg


se présente comme un moyen de remédier à la disparition de secteurs
essentiels du système économique. On n'envisagera pas ici la possi-
bilité du développement de cette activité dans le cadre des rapports
de prod uction "traditionne ls"; l'idéologie colonisatrice brisant ces
derniers, des liens de dépendance de formes nouvelles vont progres-
sivement apparartre.

Le 5 mai 1904, l'administration coloniale prend les mesures


suivantes:
- le dépendant doit 1/20 de la récolte au martre,
- il doit lui fournir en outre 10 jours de travail par an,
- si une jument de dépendant met bas, le produit femelle lui
revient, le produit male est remis au martre qui donne un
boeuf en échange,
59

- si un dépendant a deux enfants en bas ~ge, au lieu de confier


l'un d'eux jusqu'à sa nubilité au martre, il lui offre un boeuf
et se libère ainsi de cette obligation,
- si un dépendant meurt en laissant des enfants, ceux-ci héri-
tent en totalité; si le défunt n'a pas d'enfants, les proches
parents héritent des 3/4 de la succession, l'autre quart est
remis au martre.

Ces clauses concernant les r'klan sont, durant plusieurs années,


peu observées.

L'action"humanitaire" de libération des captifs donnera plus


de réalité à cette dernière à la suite de la révolte de Fighun en 1916.
L'émancipation des dépendants prend alors le caractère de représail-
les envers les imajeghr'n. Ceux-ci sont dans l'obligation de céder
des terres à leurs dépendants, quels que soient leurs anciens statuts.
Les modalités de cette distribution n'ont pu être, pour l'instant, dé-
terminés. Les ~ accèdent ainsi à la martrise de leur production:
l'obtention de champs personnels n'exclut pas cependant la survivan-
ce de marques de dépendances vis-à-vis des anciens martres;

- les anciens captifs leur versent souvent une part de leurs ré-
coItes:
- lors d'un mariage, la dot s'élève à lsOou200FrC.F.A. envi-
rons, parfois 500 FrC. F.A. Le père de l'épouse remet 25 à 50 Fr
C. F .A., à son ancien propriétaire. L'autorisation de ce dernier
n'est plus que rarement demandée mais le fait de lui donner
une certaine somme est ressenti comme une ratification, une
va lida tion de l'union;
- tous les dépendants paient la dfme levée par le chef de canton,
titre et fonction toujours accordés par l'administration à l'r'm-
noka 1. Les deux fonctions vont ici de pair. Ce versement, qui
représente 1/10 des récoltes, a progressivement diminué; se-
lon l'administrateur Urfer (a-1950), l'r'mnokal Bizo nommé le
23 février 1933, reçoit au cours des années suivant son élec-
tion 10.000 bottes de mil environ par an; en 1946, le chiffre
tombe à 5.500 bottes, en 1949 à 1.000 bottes. L'r'mnokal re-
met 1/3 de la dfme aux chefs de villages; le reste est entre-
posé dans les greniers collectifs en cas de famine.

Excepté pour quelques familles d'r'klan qui restent à proximité


de leurs anciens martres, la disparition progressive des liens de dé-
pendance traditionnels s'inscrit dans une nouvelle organisation de
l'espace habité. L'émancipation spatiale symbolise l'abandon des
anciens statuts socio-économiques.
60

Jusqu'à la fin du 19ème siècle, 5 villages regroupent la popu....


laUon de l'Imannin ; les twareg y vivent entourés de l'ensemble de
leurs dépendants, On emploie ici le terme de "village" car il semble
que les imajeghlfn se soient rapidement sédentarisés; malgré les
mouvements possibles de population dOs à la transhumance, par
exemple, les villages sont toujours occupés par un certain nombre
d'individus.

Il a été impos sible de dater la disparition généralis ée de l'uti-


lisation de la tente; l'époque de cet abandon varie certa inement se-
lon les groupes, Au contact des populations sédentaires locales, les
.twareg de souche Kil Nan ont adopté de bonne heure les habitations
en paille (ehin n alemoz) d'où leur appelation de Kil Windi ("gens
des enclos"),

L'emploi du banco est beaucoup plus tardif; seules 4 c nstruc-


tions en argile (ehin n talak) existaient en 1952 dans le canton. La
première construite, celle de l'ancien imnokal 8izo, le fut de force
par l'administration coloniale.

Cette réticence, guère étonnante de la part d'anciens nomades,


s'explique en outre par deux éléments:
- le coQt élevé d'utilisation de ce matériau,
- l'impossibilité, dès l'apparition de ce type de maison, des dé-
placements qu'effectuent les villages dans un rayon de quel-
ques centaines de mètres, phénomène qui sera étudié au cours
de la dernière partie,

Cinq regroupements villageois existent donc durant la période


pré-colonia le :
- Bonkuku
- Koshilan
- Jami
- Shiwil
- Tidghaq : fondé par les Kil Nan, il est souvent désigné sous
le nom de Shitt, village aujourd'hui extérieur au territoire
contrôlé par l'Imannin. Il est à l'origine du village actuel
de Dakfao, aussi appelé Aybashi.

Ces villages, peuplés comme on l'a vu dans la premlere partie


de groupes migratoires d'origines diverses, consistaient, semble-t.:..
il, en lieux de rassemblements possédant une organisation peu rigide.
Ils se déplaçaient souvent par mesure d'hygiène et étaient plus ou
moins éloignés les uns des autres, suivant la conjoncture des con-
flits guerriers avec les adversaires de l'Imannin.
61

L'implantation coloniale provoque une désagrégation de ces


noyaux villageois qui se traduit par l'éloignement des dépendants
hors des limites de leurs anciennes résidences. Dans le cas des
villages de Bonkuku et Koshilan notamment, ce mouvement est faci-
lité par le fait que les populations twareg et ighawelen ont toujours
possédé des chefs respectifs, ce qui favorisa les recherches de
compromis. La majorité des dépendants abandonnent donc les abords
immédiats des concessions habitées par des hommes libres et s'éta-
blissent souvent dans les régions où ils avaient coutume de se ren-
dre durant l'hivernage pour pratiquer l'agriculture.

Il en est ainsi pour les villages suivants:


- Balleykwara ; les ighawelen liés aux imaleghlin de Bonkuku
s'installent à environ 300 mètres de ce village; le marché
hebdomadaire (samedi) se tient actuellement dans l'interval-
le (reconnu comme village en 1907).
- Koshilan Balley (Kossilane) : population issue de Koshilan
twareg (1901),
- In Atlis (Inattes) : population venue de Koshilan Twareg ;
reconnu comme village en 1911.
- Tilluwa (Touloua) : population issue de Koshilan Twareg,
- Tiwilla (Tuila) : statut de village délivré en 1903,
- Loki : ses habitants étaient déjà regroupés durant l'époque
pré-coloniale au Nord de Koshilan Twareg ; ils s'établissent,
à la colonisation, sur leurs champs, emplacement du village
actuel,
- Eghru (Ercrou) : m~me proce ssus de constitution que Loki,
- Gao Aljenna : ancienne zone de culture des Igirnazlin qui
résidaient auparavant à proximité de Bonkuku. Reconnu com-
me village en 1909,
- Ibogholliten (Ibogaliten) : ancienne zone de culture accédant
au statut de village en 1910.

A l'exception des deux derniers villages cités, dont les habi-


tants jouissaient, semble-t-il, d'une indépendance assez importante
à l'égard des imaiegh,n de l'Imannlin, tous les autres sont situés
dans la moitié Sud du canton et possèdent des populations autrefois
soumises à des rapports de type tributaire.

Le cas des villages de Kwartligi (Kwartagi) et Sigiradu (Sigara-


dou) ne sera abordé qu'au cours de la troisième partie car il s'agit
d'un phénomène de dispersion de l'habitat beaucoup plus récent.
62

Le s individ us qui éta ie nt liés a ux groupe s domina nts par de s


rapports esclavagistes occupent des villages localisés dans la moi-
tié Nord du canton:
- Balley (Baley) : population issue de Bonkuku. Reconnu com-
me village en 1912.
- Fandara : ancienne zone de culture du village de Tidghaq.

- Kofuno
Lakatan
t .
anCIennes zones de culture de Tidghaq - statut
de village en 1950.

L'analyse précise des modalités d'apparition des villages et


de l'identité de leurs populations sera es sentie lle pour connartre
le nombre respectif de dépendants liés à chaque fraction "martre",
c'est-à-dire la force de travail principale dont chacune d'elle dis-
pose, donnée déterminante pour saisir leurs places et leurs straté-
gies au sein du système social.

Relativement incertain en ce qui concerne les villageois de


Loki et Eghru, d'autres groupes, par contre, vivaient déjà à l'écart
des imajeghin avant la colonisation qui ne fait que leur accorder le
statut de village:
- Amsaghal (Amassaral) : fondé à l'époque de l'imnokal Bikkin
par des ighawelen liés aux Kil Koshilan. Une partie de ces derniers
rejoint ses tributaires vers 1890 ; l'administration française scinde
cet ense mble pour créer deux villages : Amsagha 1 Twareg et Amsagha 1
Balley.
En 1940, le chef Bizo, en conflit avec les imajeghin au sujet
de la perception de l'impôt, opère une réunification et confie la di-
rection du village à un eghawe 1.

- Jami : peu d'années avant la conquête coloniale semble-t-il,


les twareg partent, comme on l'a vu, créer le village de Diggina, lais-
sant à Jami quelques dépendants.

II. 3 - Situation Contemporaine

Particulièrement conditionné par l'idéologie officielle et le re-


fus quasi-systématique d'aborder l'éventualité de la résistance de
certaines structures anciennes aux changements actuels, ce domaine
de l'enqulHe permettra néanmoins de poser des jalons pour une recher-
che future.

1) Le mariage.

Lors d'une alliance matrimoniale entre anciens dépendants,


la dot (t~) s'élève généralement à environ 15.000 FrC.F.A.
63

A cette somme s'ajoute le versement de 500 C.F.A. pour le marabout,


500 les forgerons,
500 l'amajegh
dont la famille dominait celle du dépendant qui se marie.

De son cOté, le père de l'épouse Ote, semble-t-il, de la taggalt,


la même valeur pour la remettre aux descendants des anciens martres
de sa famille.

Il sera nécessaire de voir parmi quelle catégorie d'anciens


dépendants a surtout cours cette pratique.

Les unions entre imajeghin et descendantes de tiklatin sont


nombreuses; le métissage est très prononcé. Lorsque, à l'époque
pré-coloniale, un amajegh épousait une de ses captives, aucune
dote n'était versée: s'il désirait se marier, par contre, avec une
taklit ne lui appartenant pas, il devait remettre une jument ou peut-
être deux boeufs à son propriétaire, sans quoi ce dernier avait droit
aux enfants nés du mariage et considérés comme~. Cette valeur
en bétail aurait été remplacée ensuite par une somme de 20.000 C. F .A.
dont le versement actuel parart fort incertain, les renseignements
obtenus étant profondément contradictoires selon l'identité des infor-
mateurs.

A l'inverse, les structures sociales "traditionnelles" sont tota-


lement subverties dans le cas, relevé au cours de ce travail, d'une
timajeght appartenant à une importante famille et mariée avec un riche
bella.

2) Le versement d'une redevance aux anciens martres:

Après la révolte de Fighun, les imajeghin de l'Imannin sont


condamnés à céder des terres à leurs dépendants qui peuvent dès
lors véritablement disposer de leurs récoltes. Aucune dfme n'est of-
ficiellement exigée; pourtant, de nombreux cultuvateurs offrent cha-
que année quelques bottes de mil à ceux qui, autrefois, les domInaient.

Le grain est remis à une famille puis réparti entre les divers
imaieghin qu'elle comprend. L'importance du don est à la discrétion
du bella et varie annuellement selon la qualité de sa récolte; ainsi,
en 1970, un chef de concession, avec lequel j'ai particulièrement
travaillé, a retiré une dizaine de bottes des 660 récoltées.

Il serait essentiel de définir le statut passé des familles se


livrant encore à une telle pratique: deux hypothèses peuvent être
avancées:
- il s'agit d'anciens ighawelen ou affranchis; le don apparart
alors comme une survivance des rapports tributaires;
64

- il s'agit d'anciens.ils..!.ê.D. : il est possible de poser plus fa-


cilement, dans ca cas, le problème de la notion de "proprié-
té" du sol.

La plupart des nobles affirment être les propriétaires de la


terre. Ils estiment pouvoir toujours récupérer les parcelles échues
aux dépendants au début du siècle; ils n'auraient accordé qu'un
simple droit de défrichement. La possession du terroir vient de sa
conquête par les armes.

Il semble que l'on puisse parler de l'existence au 19ème Sle-


cle de la notion de "propriété", celle-ci étant entendu comme déten-
tion de droits pré-éminents sur une région. L'affirmation de ces droits
ne se situe pas au niveau individuel mais à celui des divers groupes
migratoires d'imajeghin. Malgré les alliances passées entre eux,
ils affirment aujourd'hui encore leur originalité et leur spécificité
respectives.

Le versement volontaire d'une redevance par certaines familles


autrefois soumises à des rapports de type esclavagiste serait les
restes d'une reconnaissance du droit des nobles sur le sol. Un tel
comportement s'expliquerait par la totale dépendance qui caractéri-
sait la situation des ~ face à leurs martres; il illustrerait en
outre ce qui a été souligné dans d'autres domaines, à savoir: la
tendance à la symbiose idéologique entre martres et esclaves, ces
derniers faisant leur l'idéologie dominante.

Un point n'a pu être abordé au cours de cette enquête: l'étude


des liens existant entre quelques familles imajeghtin puissantes et
celles d'anciens dépendants possédant des champs mais étroitement
rattachées aux premières. Ces tiklan, puisqu'on leur réserve encore
ce terme, participeraient, semble-t-il, à l'ensemble des travaux
agricoles sur les terres des hommes libres puis regagneraient, les
récoltes achevées, leurs concessions villageoises proches de celles
de leurs martres où leur incomberaient certaines taches domestiques.
Ce type de rapport ne concernerait qu'un nombre d'individus très ré-
duit.

3) La df'me du chef de canton:

L'administration colonia le a confié la gérance des terres vier-


ges à l'timnokal qui détient, comme on l'a vu, la fonction de chef
de canton.

Tout étranger désirant défricher une parcelle doit lui en deman-


der l'autorisation. Il lui verse la dfme et n'accède au statut de pro-
priétaire que lorsqu'il est recensé dans le canton.
65

Il faut mentionner ici le cas des villages de population djerma


installés sur le plateau Ouest. Ces villages, qui versent la dfme à
l'g'mnokal, ont toujours été considérés par les twareg comme proprié-
taires de leurs champs. En effet, au cours du 19ème siècle, les
imajeghg'n se sont cantonnés dans le Dallol ; ils n'ont pas poussé
leur conqu~te sur le plateau Ouest qui leur est revenu lors de la li-
mitation du territoire en 1920. A cette époque là les djerma avaient
déjà défriché certains terrains. Cette situation concerne les villa-
ges suivants:
- Tillobi (Tilobi)
- Tashi Deybanda
- Tashi Sofakwara.

L'g'mnokal est toujours responsable des terres vierges mais


la rédevance qui lui était destinée est supprimée depuis l'accession
de la République du Niger à l'indépendance. De nombreuses familles,
cependant, versent encore une partie de cette dfme qui représentait
nonnalement autrefois 1/10 des récoltes.

L'g'mnokal recevant aujourd'hui une quantité de mil bien moin-


dre, entrepose ce dernier dans ses greniers et n'assure plus la redis-
tribution décrite plus haut, entre les chefs de villages. Ceux-ci re-
çoivent souvent directement de la part des villageois quelques bottes
de mil.

On verra au cours de la troisième partie que les cultures du


mil et du haricot fournissent de nos jours les ressources vivrières
de base (utilisation de l'iler-Iigamshek). D'autres produits sont cul-
tivés mais de manière plus limitée:
- sorgho (abora)
- manioc
- arachide (production très faible).

Certains agriculteurs s'adonnent à la culture de la calebasse;


le canton possède en outre quelques jardins (afarig) produisant des
fruits et des légumes. ---

La société twareg a adopté à l'imitation de ses VOlsms agri-


culteurs, le système du travail collectif. Ce dernier, appelé "bogu"
par les djerma, "gaya" par les hausa, porte le nom de "tadiglishit "
en tamasheq.

On peut en distinguer trois formes principales:

1) le travail collectif destiné au chef (tadiglishit n imnokal)


66

Il apparart comme un moyen de compenser la disparition des


redevances en travail auxquelles étaient soumis les ighawelen et
les affranchis. Il semble que l'on soit en présence non pas de la
transformation interne d'un type de rapports mais plutôt de l'adapta-
tion d'un emprunt que l'on tente, à la manière d'un calque, d'appo-
ser le mieux possible sur un schéma abandonné.

Dénié de tout caractère obligatoire ce travail collectif prend


l'allure d'un ensemble de prestations et de contre-prestations; la
fourniture du travail se déroule souvent au niveau villageois, chaque
village orga nisant un tadiglishit.

En 1968, l'lifmnokal a bénéficié de travaux collectifs organi-


sés par les villages suivants:
- Diggina
- Gao Aljenna
- Ibogholliten
- Balley
- Lakatan.

Le nombre de participants est généralement élevé; deux des


travaux collectifs organisés par ces villages se déroulèrent chacun
sur deux jours, l'un regroupant 60 personnes, l'autre 70.

Le bénéficiaire offrit pour ces deux travaux:


- 5 moutons
- 7 chèvres
- 400 Fr C.F.A. de cola
- 200 Fr C. F .A. de tabac
- 1 sac de sel
- de la bouillie de mil (aghejira)
- de la pate de mil ou de sorgho tardif (ishink)

Cette forme de tadiglishit s'exerce aussi au profit de certains


riches imajeghlifn possesseurs de surfaces vastes et ne se livrant
pas eux-m~mes à la pratique de l'agriculture.

Sur 75 concessions twareg que possède le canton de l'Imannfin,


seulement une dizaine d'entre elles environ, se trouvent dans cette
situation. En 1970, par exemple, un amajegh bénéficia' d'un travail
collectif qui réunit 30 personnes auxquelles il donna:
- 1 mouton
- 1 calebasse de 100 noix de cola
- 1 sac de sel
- la bouillie de mil
- la pate de mil ou de sorgho tardif.
67

Le caractère somptuaire de la dépense et la recherche du pre s-


tige social subsistent mais cette forme de travail collectif, moyen de
remplacement des anciens liens de dépendance, dévoile de plus en
plus l'intérêt économique que les imajeghir:i lui accordent. Comme
l'écrit H. Raulin : "ces cultivateurs apparaissent en réalité comme
des employeurs qui font travailler des salariés, rétribués sous for-
me de nourriture de cola et de musique et qui en retirent un avantage
qui s'exprime d'abord en profit monétaire, source de prestige social"
(1963 p. 72) . - " ;

Cette tendance paraft confirmée par la disparition progressive


de ce type de tadiglishit au profit du travail salarié. Ce point sera
examiné plus loin.

2) Le travail collectif entre particuliers

Il s'agit de l'introduction d'un système de relations étranger,


semble-t-il, aux structures passées de l'ensemble twareg.

Selon une expression de J. Rouch, ce genre de travail se pré-


sente comme une "culture-invitation" ; tout caractère ostentoire dis-
paraft pour faire place à un échange de services, un procès de coo-
pération.

Certaines phases des cultures réclament une main-d'oeuvre


assez importante, les cultivateurs s'invitent mutuellement sur leurs
champs respectifs; celui qui bénéficie de l'aide offre un repas sim-
ple mais est surtout tenu de rendre le travail fourni lorsque chaque
participant le lui demandera. Un chef de concession peut envoyer
à sa place l'un de ses fils suffisamment agé.

H. Raulin étudie ce type de travail au regard de la réduction


des tailles moyennes des concessions qui entrafhe une baisse du
niveau de la procluction. Il écrit:" son origine et son développement
permettent de le considérer comme le complément nécessaire de la
désintégration du groupe familial sur le plan de la production ...
Ce groupe de travail réduit n'est pas un facteur de productivité car
aucune émulation n'est possible et le rendement est nettement moins
bon que lorsque le groupe familial étendu pouvait mettre en ligne
10 ou 12, ou m~me davantage de travailleurs formant 1 ou 2 équipes
homogènes" (1963 P. 75).

La fragmentation en petites unités de production indépendantes


est accentuée dans le canton de l'Imannin par la tendance croissante
des individus à s'établir en permanence sur leurs champs, phénomène
qui sera étudié au cours de la dernière partie.
TABLEAU 1
groupements unités de recensement unités de recensement
(e)
ou villages selon le nombre de personnes selon le nombre de ménages

concernés 1- 6 7 - 15 + 15 TU 1 2 3 4 5

N Geza l 33 6 39 39

p 0
M Geza II 35 3 38 37 1
A
D Total 68 9 '.
77 76 1
E
S % 88,3 % 11,7 % 9B,7 % 1,3%
E

•• Gorgabe 1 94 28 122 108 . 10 4

S Ogga 57 8 1 66 60 6
01
U N Total 151 36 1 188 168 16 4 aJ

% 80,3% 19,4 % 0,3% 89,3% 8,5 % 2,2 %

S Tashi Sofakwara 1 1 1
L E
D Diggina 7 2 9 7 2
E
N Shiwii 1 1 1
T
A Bonkuku 7 1 8 7 1
1
R Total 15 4 19 - 16 3
E
S % .78,9 % 21,1 % B4,2 % 15,8 %

Total général '234 49 1 284 260 20 4

% nÉnéra~ Q') ':l °L ...lJ..-2a.b.. J) ,; °L Cl 1 __h •. °t. 7. CL ... l <1 al,.. _ .. - .-._-
-D- - , - ~

Tillobi 12 12 24 23 1
M
Fakara 26 26 1 53 49 4
J
D
Total 59 72 6 137 122 14 1

% 43 % 52,5 % 4,5 %
.. 89 % 10,2 % 0,8 %
E
Shiwil 4 2 6 4 2
V
R BalIeykwara 1 1 1
M
Bonkuku (+)
N 01
Dakfao (+) «l
M
D
Total 5 2 7 5 2

% 71,4 % 28,6 % 71,4 % 28,6 %


A
Tota 1 généra l 64 74 6 144 127 16 1

% général 44 % 52 % 4 % 88,2 % 1,1 % 0,7 %

Hausa Bonkuku 43 19 62 58 4

% 70 % 30 % 93,S % 6,5 %
1 2
Diggina 17 10 2 29 23 3 1
M
Bonkuku 9 9 2 20 17 2 1
A

J Koshilan' 2 4 6 6
----E - - - ~ .. - - . - .
Dakfao 6 10 16 15 1
G -
Fandara 1 1 2 1 1
H
t Amsaghal 2 2 2 2
N 1
Total 37 34 4 75 64 fi 4

% 49,3 % 45:4 % 5,3% 85,3 % 8 % 5,3 % l ,4 %

Diggina 42 21 1 64 (+) (+) (+) (+) (-1.)

Shiwil 12 11 1 24 20 4
B 1

Balleykwara 59 65 7 131 106 17 8

Koshilan 24 30 3 57 37 13 6 l
1

Tiwilla 14 17 31 24 6 1
E _.
Bonkuku 166 lOB 14 288 (+) (+) (+) (+) (+)

Koshllan twareg 14 14 1 29 J
20 4 4 l

Dakfao 36\ 27 1 64 53 9 1 1
-
Gao Aljenna 20 9 29 26 3
L
Eghru 20 30 1 51 34 15 1 1

Jami 6 3 1 10 9 1

Kofuno 9 15 1 25 17 7 1

L 1bog ho 11ite n 24 21 -
45 35 6 4

Ballay - 15 _. -- -16 31~- -25 - --6-~

Fandara 38 17 55 44 10 1

Loki 24 21 45 36 9
A
Tilluwa 8 12 2 22 12 8 1 1

Lakatan 19 21 2 42 36 3 3

Amsaghal 19 34 3 56 36 16 4

Sigiradu 17 - 18 2 37 29 5 3

ln Atis 21 19 2 42 32 6 3 l

Total 607 529 42 178 631 14B 41 3 4


(H)

% 51,5 % 44,9 % 3,6 % 76,4 % 17,9 % 5 % 0,3 % 0,4 %

nadin Bonkuku .' 61 16 77 (+) (+) (+) (+) (+)

% 79,2 % 20,8 %

(el TU : Total des unités de recensement


(.el SN : Semi-nomades
VMD : Villages à majorité djerma
VMND : Villages à minorité djerma
(+) : indique qu'aucune donnée n'a pu être recueillie
(H) : ce total renvoie aux pourcentages de l'analyse par personnes, l'étude par ménages étant basée ici
sur un total inférieur, (absence de données pour les villages de Diggina et de Bonkuku).
71

Le tableau 1 a été élaboré à partir des registres établis lors


du recensement de 1965 et consultés à la sous-préfecture de Filingué,

L'interprétation de ces donnée s doit être prudente car ce que


j'appelle "unité de recensement" ne correspond pas forcément à
"l'unité de production". J'entends par ce dernier terme, le groupe
social utilisant collectivement des moyens de production et jouis-
sant d'une certaine forme d'appropriation; ce type de coopération
restreinte, en plein développement à l'époque contemporaine, sem-
ble "dominante" dans l'organisation sociale actuelle de la produc-
tion, ce qui n'exclut pas bien entendu les autres formes de procès
de travail mentionnées,

Plusieurs unités de production peuvent être recensées sous le


nom d'une m~me personne; des enquêtes de contrOle seront donc
nécessaires, Il est néanmoins permis de poser l'hypothèse ql la
tendance générale manifestée par ces résultats est certainement pro-
che de la réalité; l'éclatement spatial de l'habitat, qui s'accompa-
gne généralement de l'accès à la propriété du sol et des troupeaux,
se traduit en effet au niveau administratif par le désir pour les chefs
d'unités de production ou concessions de se faire personnellement
recensés.

Les cas où le responsable d'une unité de recensement a plu-


sieurs épouses ne sont pas considérés comme "ménages" différents,

Les résultats concernant les populations bella et twareg sont


sensiblement les m~mes ; un léger avantage est noté pour les unités
comprenant 1 à 6 personnes,

Leur caractère réduit apparart dans l'enqu~te sur le nombre


des ménages: 76,4 % des unités bella, 85,3 %des unités d'imaje-
.!!!!in et d'inislumen ne possèd~nt qu'un ménage. L'absence de co-
résidence entre frères mariés par exemple, entrafhe une dissémina-
tion des forces productives; cette fragmentation trouvant un pallia-
tif dans le regroupement des travailleurs lors des entreprises collec-
tives.

On peut remarquer que le pourcentage le plus élevé des con-


cessions ayant 2 ménages revient à la population djerma fixée dans
des villages où cette ethnie est nettement minoritaire. On obtient
le chiffre de 28,6 % contre 10,2 % dans les villages à majorité djer-
ma. Cet écart s'explique peut-être par le fait que l'insertion en mi-
lieu différent entraf'nerait un renforcement de l'homogénéité des struc-
tures familiales. Il serait intéressant de voir dans quelle mesure ce
phénomène se prolonge au sein des activités agricoles, plus précisé-
ment dans la composition ethnique des participants aux travaux col-
lectifs,
72

Les "cultures-invitations" sont répandues dans tous les villa-


ges, parmi toutes les populations du canton; leur fréquence paraft
assez élevée.

Ce type de procès de coopération se manifeste à l'occasion


des principaux travaux agricoles mais aussi lors de tout autre travail
réclamant une exécution rapide et donc une productivité supérieure
à celle généralement fournie par la main-d'oeuvre d'une seule unité
de production. Il en est ainsi, par exemple, pour la construction des
cases.

Certaines formes particulières de travaux collectifs ont été re-


levées au cours de l'enquête:
- le haricot est semé (semis: tastifoghtist) après le premier
binage (agaytik) et récolté, exce pté certaine s variétés h~tives, après
le mil. La récolte de cette légumineuse incombe aux femmes et aux
enfants, parfois aux hommes lorsque la surface cultivée est très
étendue. Les femmes organisent alors des tadiglishit. En 1970, par
exemple, un riche amaiegh dont les épouses ne travaillent pas, en
a organisé deux, faisant appel à des femmes bella.

Il n'existe pas, semble-t-il, dans l'Imanntin, de champ appar-


tenant à des femmes, sauf dans le cas de veuves démunies de res-
sources.

- De jeunes garçons cultivent parfois une parcelle prêtée par


leurs pères et disposent de leurs productions qu'ils utilisent pour
leurs usages personnels (achat de vêtements, fournitures diverses) .
Lorsque l'enfant est trop jeune, le père se charge de ces activités
commerciales; il arrive, en effet, que des enfants de 6 ans bénéfi-
cient du don d'un petit champ appelé tittaktis.

Le chef de famille peut utiliser la récolte de son jeune fils;


ce phénomène, habituel lorsque la récolte annuelle au niveau de la
concession est mauvaise, m'a été notamment rapporté par des habi-
tants du village de Loki dont le terroir renferme précisément de nom-
breux terra ins en friche parce qu' épuis és .

En 1970, un garçon de 14 ans a organisé, lors du sarclage, un


tadiglishit auquel ont participé 15 camarades; la nourriture offerte
comportait:
+ pour déjeuner: ishink
+ à la fin du travail : aghejira , riz, 10 F C.F.A. de cola pour
chaque travailleur.
73

La mise en culture de champs par des enfants a été mentionnée


par les chefs des villages suivants:
- Bonkuku
- Diggina
- Fandara
- Eghru
- Shiwil
- Iami
- Loki
- Lakatan
- Amsaghal
- Tillobi
- Sigiradu.

- Au village djerma de Tillobi, les femmes de plusieurs conces-


sions voisines ont l'habitude de se regrouper en fin de matinée à
l'ombre d'un arbre pour piler, Il ne semble pas que le système d'échan-
ge de travail intervienne ici; ce fait montre cependant l'importance
attribuée au travail en commun dont l'émulation améliore la producti-
vité tout en la re nda nt moins pénible.

3) Le travail collectif pour le bea u-père (tadiglishit n addagal)

Comme le dit H. Raulin, le futur gendre fournit ainsi à son


beau-père "non seulement une prestation en travail qui viendra s'a-
jouter aux cadeaux nécessaires, mais également la preuve de sa for-
ce et de sa puissance de travail" (1963, P. 72).

Cette pratique est très courante au sein de l'ensemble des po-


pulations de l'Imannfin ; le futur gendre n'organise généralement
qu'un seul travail collectif qui est effectué lorsque la fiancée vit
encore chez ses parents. L'ami intime (amidini) et les camarades
sont les premiers conviés.

1) Processus d'apparition.

Le système du travail collectif tend à perdre de l'importance


au profit du travail salarié; ce changement touche surtout les tadi-
glishit organisés par l'fimnokal et certaines familles d'imaieg~
aisés, travaux collectifs dont la contrepartie n'est pas une fourni-
ture en travail.

L'emploi de manoeuvres payés à la journée parait plus rentable


car le travail fourni est de meilleure qualité; l'abandon de l'ancien-
ne forme de relations marque la disparition de la recherche du pres-
tige social qui s'y traduisait dans la redistribution ostentatoire par
74

le bénéficiaire d'une partie de son profit entre les individus travail-


lant pour lui. Le paiement des salaires. acte qui n'est pas compara-
ble, s'adresse souvent, en outre, à des cultivateurs étrangers au
canton.

Envisagé de plus en plus sous l' ang le de l' intér~t économique,


ce type de tadiglishit laisse progressivement la place au travail sa-
larié.

Le recours au salariat requiert des possibilités financières


assez importantes. C'est pourquoi. des concessions n'emploient
souvent que quelques manoeuvres durant peu de jours. organisant
parallèlement des tadiglishit.

Ainsi, en 1970, le chef du village de Balley a fait appel à des


journaliers agricoles pendant 7 jours et a bénéficié d'un tadiqlisht
de 19 personnes à qui il a offert
- 1 chèvre,
- 3 paquets de cigarette s.
- 1 calebasse de cola.

Il existe donc, actuellement une utilisation conjuguée du tra-


vail collectif et du travail salarié; seules les concessions riches
peuvent retenir uniquement la seconde possibilité. Ce choix est ce-
pendant conditionné par les variations de l'offre de travail: l'affluen-
ce annuelle de manoeuvres dépend de la nature de leurs propres ré-
coltes de l'année précédente ainsi que de l'ampleur des travaux en
cours sur leurs champs.

Une dizaine de concessions twareg ainsi que quelques indivi-


dus possédant un métier rémunérateur (tailleur ... ) ne cultivent pas
la terre eux-mêmes. Ils vivent dans leurs concessions. généralement
construites en banco, et vont passer régulièrement quelques jours
dans des cases élevées sur l'un de leurs champs afin de surveiller
le déroulement des divers travaux.

En 1970, un amajegh de Bonkuku a employé durant l'hivernage


36 manoeuvres, un autre, environ 135. Dans le m~me village, sur
6 tailleurs, 2 ne se sont rendus en brousse que par intermittence
l'un des deux a utilisé une main d'oeuvre salariée de la manière
suivante:
2 manoeuvres durant 2 semaines chacun
5 1
4 6 jours chacun
2 1 jour.
75

2) Origine des manoeuvres

On peut distinguer:
- les djerma de la région de Loga, notamment, qui viennent se
faire embaucher dans l'Imannin lorsqu'ils manquent de grains. Ce fut
le cas en 1970 où le manque de ressources étaient telles que les
djerma vinrent dans le Da 1101 avec toute leur famille ; les enfants tra-
vaillent alors sur les champs tandis que les femmes vendent du bois
qu'elles sont allées chercher sur le plateau Ouest et s'occupent des
travaux domestiques dans les concessions aisées.
- les bella du canton qui, lorsque leurs récoltes précédentes
ont été mauvaises ou que celles à venir s'annoncent désastreuses,
cherchent à s'employer sur les champs de ceux qui peuvent et ont
besoin d'offrir du travail. Ce phénomène est à mettre en relation
avec les problèmes de la possession des terres et de l'émigration
qui seront abordés plus loin. Lorsque l'offre de travail est élevée
et que l'immigration djerma est restreinte, les salaires qui leur sont
versés peuvent connartre une légère hausse.

3) Salaires:

Le montant et la nature des rémunérations varient selon les


diverses phases du cycle agricole

al nettoyage du champ:

Cette activité appelée abaniz en tamasheq reçoit toujours une


compensation monétaire. L'employeur fournit une nourriture frugale
au cultivateur (aghefira le matin et à midi, ishink le soir) qui reçoit,
en outre, une somme pouvant aller de 200 C FA pour le débroussail-
lage d'un "petit champ" à 1500 CFA pour celui d'un "grand champ".

b) semis:

Le manoeuvre manipulant la houe touche 75 Fr C. F .A. par jour


(10 h de travail environ), celui qui sème: 50 Fr C.F.A.

Si le travailleur reste plusieurs jours chez le m~me propriétai-


re, il bénéficie de la nourriture que l'on vient de mentionner; dans
le cas où il n'est employé que durant une seule journée, il reçoit
25 CFA supplémentaire.

c) Sarclages:

Accompagnant la distribution de nourriture habituelle, deux


modes de rémunération sont ici possibles:
76

en argent: pour un adulte 200 CFA (parfois 150) par jour


pour un enfant 150
pour un jeune enfant 55

en mil : cette solution est souvent préférée par les salariés,


le prix de cette céréale sur les marchés étant généralement très élevé
durant l'hivernage.

Selon les employeurs, un adulte reçoit 1 botte (tibolest) par


jour ou tous les deux jours. En période de famine, ce barême tombe
~ 1 attilet ou une 1/2 botte (la première mesure devant posséder un
équivalent en grains proche ou égal ~ la 1/2 botte).

Un enfant selon sa capacité de travail, peut recevoir une


botte de taille normale ou plus réduite.

d) Récolte: 5 C. F .A. par botte.

En ce qui concerne les femmes employées dans les concessions


locales pour des taches domestiques, elles touchent 600 C. F .A. par
mois et prélèvent, parfois quotidiennement, une petite qua ntité de
mil lors de la préparation des repas.
77

TROISIEME PARTIE

L'AGRICULTURE DANS lA VIE ECONOMIQUE


79

l - LE CADRE AGRICOLE

1.1 - Possession et distribution des terres :

Il serait indispensable de mettre au point un échantillon et


d'enregistrer de manière précise les superficies actuellement possé-
dées par certaines concessions représentatives des diverses catégo-
ries sociales déjà mentionnées. La durée limitée de l'enquête sur le
terrain n'a pas permis, par exemple, de savoir exactement ce que re-
présentaient un "petit" champ et "un grand" champ. L'évaluation ap-
proximative de quelques récoltes céréalières a par contre été possi-
ble.

Lorsque l'administration colonia le, après la révolte de Fighun,


les contraint à céder des terres aux bella, des familles imajeghin
gardent de vastes mais surtout riches étendues cultivables. Quel-
ques unes, parmi elles, ne peuvent s'adapter aux conditions nouvel-
les et vivent dans la pauvreté, tandis que des concessions bella ac-
cèdent à une certaine richesse, en bétail notamment. Cependant,
nombreux sont les anciens dépendants qui, disposant de parcelles
restreintes, sont obligés de s'adresser aux imajeghin pour obtenir
la possibilité de cultiver des terres supplémentaires.

D'après le recensement de 1965, les nobles représentent 840


personnes, c'est-à-dire 6,6 % de la population totale qui atteint
12.548 individus. Le groupe bella compte approximativement 8.300
personnes, ce qui représente environ 66 % de l'ensemble du peuple-
ment.

Par exemple, sur Il imajeghin habitant Bonkuku


cultive 4 champs et en prête Il
" 3
" 2
" 1 10
" 3 1
" 4 12
" 2 1
" 1
"4 2
"r 4
"4
80

De m~me : - le chef amajegh du village de Fandara cultive


1 champ et en pr~te 5
- celui de Diggina en cultive 1 et en pr~te 3
Shiwil 3 1
Koshilan 1 2

Les familles les plus aisées possèdent, en outre, des terres


qui, en raison de leur épuisement, sont laissées en jachère. Il en
est ainsi, par exemple, pour un amaiegh de Bonkuku qui cultive 4
champs, en pr~te 6 et en laisse 2 en friche.

Il est possible de distinguer diverses formes de prêt foncier,


la richesse du propriétaire étant généralement un facteur déterminant

Le propriétaire cède un champ à condition que l'emprunteur lui


avance une certaine somme d'argent:
pour un "grand" champ de 15.000 à 20.000 francs C. F .A.
pour un "petit" champ: de 5.000 à 10.000

A la différence de ce qui se passe dans l'hypothèque, le créan-


cier jouit ici de l'usufruit de la terre; il verse cependant au débiteur:
5 bottes de mil pour un "petit" champ
10 bottes de mil pour un "grand" champ.

On est en présence du système de l'antichrèse, contrat par


lequel un débiteur remet à son créancier la possession d'un immeu-
ble pour sOreté de sa dette; le créancier antichrésiste a la jouissan-
ce de l'immeuble qui lui a été donné.

Lorsque l'emprunteur décide d'arrêter la mise en culture de la


parcelle, le propriétaire est dans l'obligation de lui rembourser la
somme empruntée; s'il ne l'a plus à sa disposition, il cherche alors
un autre créancier afin d'obtenir l'argent qu'il doit au premier.

Si par contre, l'emprunteur souhaite poursuivre les travaux


agricoles sur le terrain cédé, alors que le propriétaire désire le ré-
cupérer, un système de surenchère peut s'instaurer: ce dernier ré-
clame le versement d'une somme supplémentaire sous peine de ren-
dre l'argent emprunté et de chercher un autre cultivateur.

La monnaie n'intervient pas ici; le propriétaire prête son


champ contre la livraison du 1/10 de la récolte, ce qui correspond,
puisqu'il s'agit presque toujours d'une relation amajegh-bella
81

à l'ancienne dfme étudiée plus haut.

Ce pourcentage est fixe, il ne varie pas selon la superficie


de la parcelle. Le propriétaire peut re prendre son bien quand il le
désire, excepté après les semailles.

Bien que le versement d'une botte sur dix ne soit pas toujours
rigoureux, il est généralement exigé du cultivateur une quantité suf-
fisante de grains; sinon, le propriétaire annule le prêt. Le chef du
village de Shiwil par exemple, a récupéré dernièrement plusieurs
champs, la contrepartie étant insuffisamment versée.

On n'a pas affaire ici à la remise d'une ou de quelques gerbes


symboliques comme garantie du droit de propriété; la dfme est envi-
sagée comme source de revenus, son intérêt économique est primor-
dial.

C) Er~tJ>.Q1.J!: le!r.~Ln"':e..ÊLe2:CiE~<r.u~u.!!e_l~@~.!e.9~v~n~~~n_1l!!.1
~tLo..ll~!l.~~e.!!t :

La contrepartie sert alors à éviter que l'emprunteur après plu-


sieurs année s de mise en culture du terrain, ne prétende en être le
propriétaire.

Le chef amaieqh du village de Dakfao, par exemple, a cédé


un champ à un bella à qui il a demandé 300 Francs C. F .A. plus la
remise annuelle de 3 bottes de mil, preuve du prêt et non du don.

Ce procédé qui est souvent utilisé lorsque le demandeur est


un parent ou un ami (cas pour lequel le prêt est d'ailleurs parfois
totalement gratuit), exprime aussi le nouveau mode de domination
des imajeghin sur leurs anciens dépendants. Outre leurs disponibi-
lités financières qui leur permettent, à l'inverse de la plupart des
bella, d'employer des manoeuvres salariés et de disposer ainsi d'une
force de travail suffisante pour mettre en vi;lleur plusieurs champs,
les familles imajegh,n les plus puissantes jouissent d'importantes
superficies cultivables, support matériel de leur dernière emprise
sur une partie de la population bella. Le développement de la notion
de propriété foncière familiale au détriment de celle de droits confé-
rés au niveau du lignage ou du groupeme:lt, est indissociable du rOle
que joue actuellement la terre dans le domaine du prestige social et
de la richesse économique des nobles.

La possession contemporaine du terroir doit être envisagée


dans le cadre de la substitution des liens de dépendance disparus;
les bellas ont tendance à quémander des terres auprès de leurs an-
ciens martres qui voient se constituer autour d'eux une véritable
clientèle.
82

Bien qu'il faille prendre en considération l'absence dans l'Iman-


nin de cultures industrielles telles que l'arachide et le coton, il sem-
ble que la possession de la terre et la suprématie qu'elle entrafhe
soient un frein déterminant dans sa mise en vente par les twareg.
Des évaluations précises manquent, mais il semble que les ventes
de parcelles soient extrêmement rares, bien que l'imnokal n'ait plus
l'ancien pouvoir de confisquer un champ vendu,

Il arrive de manière exceptionnelle que dans le cas d'une très


longue antichrèse, le propriétaire abandonne son bien au créancier.

Aucune forme de contrat renouvelable annuellement n'a été en-


registré au cours de l'enquête. D'après l'imnokal Muddur Zakara,
la location de terres aurait pratiquement disparu avec le décli- de
la culture du tabac il Y, a une vingtaine d'années environ.

A cette époque là, les femmes bella, une fois le mil et le hari-
cot récoltés, louaient les bas-fonds du Dallol où l'eau est proche
afin de cultiver le tabac. Le propriétaire du terrain recevait 1/4 ou
1/5 de la récolte.

Les renseignements donnés ici sur les techniques culturales


et le traitement du tabac sont tirés d'une monographie de l'adminis-
trateur Brachet (1943).

Au 19ème siècle, lestwareg de l'Imannin fument et prisent du


tabac venant du Nigéria. En 1898, le manque d'approvisionnement
fait considérablement monter les prix; des caravaniers apportent
alors des graines du Nigéria, ce qui permet à certaines femmes bella
de l'Imannin d'entreprendre la culture du tabac, Les terres du Dallol
lui donnent un goOt particulier, sa saveur varie selon les années et
il est fort apprécié des populations du Tondikandya, du Djermaganda,
par une partie du peuplement de Niamey, de l'Imannin et certains no-
mades du Nord.

Les semis se font en janvier à l'intérieur des concessions


les plans sortent au bout de 2 semaines et sont repiqués dans des
jardins installés dans les bas-fonds argileux. Des épineux clôturent
les jardins qui possèdent chacun un puisard central pour l'arrosage
qui a lieu matin et soir. Les récoltes s'échelonnent de début avril
à juillet; durant les premières années de cette pratique agricole,
les semis se faisaient en septembre-octobre, mais ce système fut
abandonné car les récoltes s'effectuant de janvier à avril, un arro-
sage incessant était impératif. Avec les semis faits en janvier, le
tabac profite des premières pluies.
B3

Une fois la récolte achevée, les feuilles frafchement coupées


sont étendues, sur une natte isolée du sol, en plusieurs couches
dont l'épaisseur peut atteindre 1 mètre; l'ensemble est recouvert
d'une seconde natte. Les manoques ainsi obtenus sont abondamment
arrosés tous les matins au moyen de calebasses percées de petits
trous. Ce traitement dure 2 semaines; les feuilles sont ensuite éten-
dues séparément sur des nattes et séchées au soleil pendant 7 à 8
jours. Elles sont ensuite entassées dans des "bere"(1) tubulaires de
1 mètre sur 25 centimètres environ et ainsi vendues sous forme de
brisure.

Cette culture était autrefois très répandue, les champs de ta-


bac entouraient totalement Bonkuku. Les villageois de Balley qui en
cultivaient énormément, étaient les principaux responsables de sa
commercialisation vers la zone nomade, particulièrement la région
de Menaka. Ils profitaient de la transhumance d'hivernage pour l'é-
changer contre du bétail.

Cette culture connart une disparition rapide à la suite d'une


famine qui sévit dans l'Imannin en 1951. Des gens de l'Ader venant
alors y vendre des bérets de sorgho, découvrent un marché possible
pour le tabac et les oignons de la région de Bouza. Face au commer-
ce et à la concurrence croissante de ces produits, le tabac de l'Iman-
nin disparart ; avant de repartir vers l'Ader, les caravaniers pour-
suivent aujourd'hui leur chemin jusqu'au Tighazirt où ils achètent
du natron. Les femmes jusqu'alors responsables de la culture du ta-
bac abandonnent ce pénible travail pour se consacrer à une activité
beaucoup moins dure et suffisamment rentable: la préparation de
nourritures diverses vendues sur les marchés du canton.

1.2 - Terroir et production

En dépit des diverses formes de distribution des terres, la ma-


jorité de la population dispose de surfaces cultivables restreintes.
La limitation arbitraire du ca nton le 11 avril 1920 par l'administration
coloniale est une donnée déterminante pour saisir la situation actuel-
le. Les imaieghin de l'Imannin perdent de nombreuses terres au pro-
fit notamment de la population sudye ; le commandant Crocicchia dé-
sirant faire passer la nouvelle limite à la lisière de Shiwil, se heurte
à l'opposition résolue de Isaka, chef de ce dernier village, qu'il fait
dénuder et bastonner. L'amajegh obtient finalement gain de cause et
sauve ainsi quelques parcelles. Les Kil Windi, de leur côté, se
voient retirer 170 champs environ. A la suite de cette mesure répres-
sive, des concessions bella quittent la région mais, malgré cet exode,
les habitants de l'Imannin disposent désormais d'une partie de Dal-
101 fort réduite.

(1) ,sac de sparterie en fibres de palmier doum.


84

Dans la zone appelée le "seuil" de l'Imannrin, c'est-à-dire à


hauteur du village de Tiwilla, la distance entre les plateaux Est et
Ouest n'excède pas 5 kilomètres. Sur une superficie totale de
1536 km2 ce canton ne possède qu'à peu près 700 km2 de Dallol où
est concentrée la plupart de la population.

Les chiffres communiqués ici proviennent des registres établis


lors du recensement de 1965. Il s'agit de calculer le nombre d'indi-
vidus résidant dans les villages de vallée

Villages Population
Diggina 613
Shiwil 510
Ba lleyKwara 1.023
Koshilan balley 463
Tiwilla 214
Bonkuku 2.761
Koshilan Twareg 263
Dakfao 522
Gao Aljenna 160
Eghru 376
Jami 66
Kofuno 204
Ibogholliten 294
Balley 209
Fandara 318
Loki 299
Tilluwa 183
Lakatan 295
Amsaghal 476
Sigiradu 320
Fakara 369
In Atris 303

10.241

D'après le recensement, la population totale est de 12.548


personnes; il faut en enlever, dans le cadre de cette analyse, 363
qui sont recensés dans l'Imannrin mais n'y résident pas. C'est le
groupement peul Gorgabe II qui nomadise dans le cercle de Margu.
On obtient donc 12.185 individus vivant réellement à l'intérieur des
limites du canton; parmi eux, 10.241 habitent dans le Dallol et
cultivent, on le verra, presque exclusivement des champs se trou-
vant dans cette vallée. Ainsi, 84 % de la population du canton est
localisé sur une superficie d'environ 700 km2, ce qui donne une den-
sité de 14,6 habitants au km2.
85

Cette occupation de la vallée entrafne une exploitation inten-


sive du sol; les terres, en nombre limité, sont cultivées jusqu'à
épuisement. Certaines sont travaillées depuis plusieurs dizaines
d'années. La jachère est pratiquement inexistante, un champ n'est
délaissé que lorsqu'il est totalement épuisé. Aucun chef de village
n'a mentionné la pratique de jachère systématique sur le territoire
dont il est responsable. Une parcelle ne sera généralement abandon-
née qu'à la suite de plusieurs récoltes désastreuses; quelques bot-
tes de mil récoltées suffisent pour inciter à semer l'année suivante.

Actuellement, plusieurs villages ne possèdent pas une seule


terre en friche malgré la stérilité croissante de leurs champs; c'est
le cas de : Amsaghal, Fandara, Loki, Lakatan, Sigiradu, Dêlkfao,
Eghru.

Les zones les moins fertiles mais toujours ensemencées sont


situées:
- entre les villages de Balley et Jami
- entre les villages de Jami et Shiwil
- entre les villages de Koshilan et Loki
- au nord-ouest de Bonkuku, entre la piste automobile et le
plateau.

Certains champs qui ne sont même plus semés accueillent les


troupeaux dont la fumure contribuent à la régénération de la terre.
Leur épuisement est tel que certains sont laissés en friche depuis
près de 20 ans (généralement, seuls les imajeghr(n possédant de
nombreuses parcelles peuvent se permettre d'observer des délais si
longs). Ces terrains se rencontrent particulièrement
- entre Balley et Jami
- entre Jami et Shiwil
- dans la région de Kwartrigi
- au Sud-Ouest de Bonkuku

Devant la rareté des surfaces cultivables, les agriculteurs ex-


ploitent donc les moindres recoins de vallée et n'abandonnent un ter-
rain que lors de sa stérilisation complète. Cette attitude ne peut con-
duire qu'à des récoltes misérables qui sont le lot de la plupart des
concessions. Elle a en outre pour conséquence inévitable, le déboi-
sement qui aggrave et accélère la détérioration des sols. En quelques
dizaines d'années de colonisation française, l'Imannrin a rapidement
perdu l'abondante végétation et la faune variée qui sont mentionnées
dans les traditions orales concernant le 19ème siècle. Les terres les
plus fécondes se trouvent aujourd'hui dans la région de Diggina où
subsistent précisément de nombreux gao (atris - Faidherbia a/bida) ,
arbres dont l' humus de décomposition est particulièrement riche. De
plus, ces arbres attirent durant la saison sèche les nomades qui,
malgré l'interdiction, profitent de la nuit pour couper des branches
86

et les donner en pêHure à leur bétail. A l'engrais végétal, vient ainsi


s'ajouter la fumure animale. Cette coupe de bois participe cependant
d'un processus cumulatif; en effet, si elle attire les troupeaux elle
n'en accentue pas moins la disparition progressive de la flore. De
m~me que de nombreux cultivateurs détruisent les jeunes pousses
lors du nettoyage de leurs champs, les pasteurs, pour des raisons
différentes (raréfaction des arbres et de la paille), en arrivent à ar-
racher les racines et à sectionner les branches de telle manière que
toute croissance de la plante est irrémédiablement interrompue.

Deux phénomènes favorisent d'autre part le caractère profon-


dément déficitaire des récoltes céréalières:

- Les ravines (azza) qui creusent la falaise Ouest et déversent


durant la saison des pluies des masses d'eau qui, malgré la cons-
truction de tranchées, saccagent les parcelles cultivées au pied du
plateau. En 1970 par exemple, une pluie de 38 mm a ainsi dévasté
de nombreux champs situés notamment à Boseyin, zone de cultures
au Nord-Ouest de Bonkuku.

- La quantité et la répartition des pluies. Comme on l'a vu au


début de la première partie, le canton de l'Imannin se trouve entre
les isohyètes 400 et 500 mm mais les précipitations annuelles dont
il jouit sont inférieures.
87

On constate des variations dans la pluviosité mensuelle, notam-


ment pour le mois de juillet. Les faibles précipitations d'octobre 1970
ont porté un coup sérieux au rendement de la culture du mil. Il faut
surtout mentionner les différences de pluviométrie selon les régions
du canton, ce qui entrafne des variations importantes dans leur pro-
duction respective; en juin 1970 par exemple, le manque de pluies
a entravé les binages du mil qui étaient en cours dans les parties
Sud et Est.

Essai d'évaluation des récoltes

Le mil et le haricot constituent les deux principales et quasi-


ment uniques ressources agricoles. Les chiffres avancés ici, indi-
cateurs d'un ordre de grandeur approximatif, expriment néanmoins
la nette insuffisance de la production c éréa lière pour satis faire les
besoins de la population.

En 1970, de nombreux cultivateurs n'ont récolté que d'une à


dix bottes de mil, parfois aucune. La plupart disposent de quelques
dizaines de gerbes. A l'exception de certaines concessions qui béné-
ficient d'un net surplus en grains, la moyenne des meilleures récol-
tes paraft généralement se situer dans une fourchette allant de 200
à 400 bottes.

Pour l'année 1970, d'après une enqu~te menée auprès de cer-


tains chefs de village:
- récolte du chef de Dakfao : 215 bottes sur un champ. Deux villa-
geois ont obtenu une production supérieure: 300 bottes chacun
- chef de Balley : 100 bottes sur 2 champs (récolte maximum dans
ce village: 200 bottes)
- chef de Fandara : 200 bottes sur 1 champ
- chef de Jami : 105 bottes sur un champ
- meilleures récoltes de Shiwil : entre 100 et 200 bottes
- la plupart des cultivateurs de Eghru disposent de 10 à 60 gerbes
- maximum de Loki : 100 bottes
- maximum de Sigiradu : 150 bottes.

Selon des informations récentes concernant le cycle agricole


de 1971 et portant sur 10 unités de production du village d'In Atis,
les récoltes de ces dernières s'échelonnent de la manière suivante
- 45 bottes de mil, 2 sacs (turikilla) de haricots
30
- 103 1 4

- 40
40
60
- 120
88

60 bottes de mil, 1 sac (turikilla) de haricots


28
- 200

D'après quelques données recueillies au Service de l'Agricultu-


re de Niamey et concernant les expériences des carrés de rendement
en mil :

Année 1968 village de Diggina

Parcelles superficie rdt/ha


1 100 m2 320 kg
2 210
3 280
4 350
Rendement moyen 261 kg/ha

Année 1969 ~. village de Fandara

Parcelles superficie rdt/ha


1 100 m2 235 kg
2 140
3 185
4 210
5 225
6 435
7 340
8 215
9 170
la 225
Rendement moyen 238 kg/ha

Ces rendements sont inférieurs à ceux généralement enregis-


trés dans le département de Filingué. Leur interprétation doit surtout
tenir compte de la faible superficie de la majorité des champs et du
fait que la plupart des cultivateurs n'exploitent qu'une ou deux par-
celles.

L'lmanntin a connu plusieurs périodes de famine au cours de


ce siècle, notamment durant les années 1930, 1932-1933, 1942,
1948-1949, 1949-1951, 1953. Ainsi l'administrateur Taillandier écri-
vait: "L'imanan se caractérise par un état de disette chronique"(l953).

Si les imajeghtin les plus puissants et quelques bella particu-


lièrement favorisés lors de la distribution des terres faisant suite à
la révolte de Fighun, disposent régulièrement de 500 à 800 gerbes
89

de mil et plusieurs sacs de haricot (le record des récoltes pour l'en-
semble du canton revient à un amajegh d'origine Kril Tami : 2335 bot-
tes en 1969, un peu moins de 2000 en 1970), la majorité des cultiva-
teurs manquent considérablement de produits vivriers. Taillandier
écrivait déjà en 1953 : "Presque tous les touaregs sont aujourd'hui
plus pauvres que leurs bellas dont plus grand chose ne les distingue,
à part les haillons indigo dont ils drapent leur misère et leur dignité".

II - SEDENTARISATION HUMAINE ET TRANSHUMANCE DU BETAIL.

II.l - Le système de fumure

Devant la stérilisation croissante du sol, les cultivateurs ont


souvent cherché des systèmes d'enrichissement de la terre dont l'étu-
de sera ici menée dans une perspective temporelle.

Le terroir de chaque village est généralement découpé en zones


de cultures portant chacune un nom. Au début de l'hivernage, la po-
pulation active et les enfants en bas-age quittent le village pour
s'installer sur les champs. Ces individus sont appelés tisegrid, ter-
me désignant, chez les nomades, les bergers qui s'éloignent des
campements pour surveiller les troupeaux. Au début du siècle, lors-
que l'agriculture était encore peu développée et que des terres vier-
ges étaient disponibles, les migrants constituaient de petits hameaux
provisoires en brousse; les noms portés par ces regroupements de
cases étaient ceux des diverses zones de cultures qui leur servaient
de point d'installation. La taille de ces hameaux variait de 2 à 45
cases environ.

L'extension des activités agricoles a souvent entrafné l'écla-


tement des hameaux de culture, chaque concession tendant à s'ins-
taller isolément sur sa terre. Dans le cas des petits villages, les
cultivateurs, lors du retour de la saison sèche, abandonnent souvent
l'armature de leurs cases sur les parcelles; seuls sont emportés les
seko (tegharafant) qui seront utilisés pour la construction au village
d 'habitation moins robustes. Ils seront ramenés en brousse pour le
cycle suivant des travaux agricoles.

L'emplacement des cases sur les champs peut varier annuelle-


ment: il sera déterminé par la portion de terres la plus stérile et né-
cessitant un apport urgent d'engrais. L'installation provisoire en
brousse d' une grande partie de la population est donc provoquée non
seulement par l'éloignement des champs mais aussi par le souci de
lutter contre l'épuisement des terres. Le nombre de cases reçu par
une parcelle dépend de sa dimension mais aussi de la composition
de la concession: un chef de concession aisée dispose de son habi-
tation ; dans le cas contraire et s'il possède plusieurs épouses, il
90

se rend à tour de rOle chez chacune d'entre elles, Le tableau nO II


montre la forte proportion de chefsd' unités de recensement ayant u~
seule conjointe, ce qui peut s'expliquer en partie par des ressources
économiques faibles,

Il arrive que certains cultivateurs propriétaires de surfaces


très limitées groupent leurs cases sur le champ plus vaste d'un voi-
sin, m~me si ce dernier n'a aucun lien de parenté avec eux, Celui
qui accueille les constructions ne demande aucune contrepartie car
il bénéficie d'un apport important de fumure, Les autres par contre,
perdent tout enrichissement humain de la terre durant l'hivernage;
cette perte est parfois compensée, mais rarement semble-t-il, par
le transport de fumier dans des couffins portés par des hommes ou
des êlnes qui sont nombreux dans le canton,

Le m~me problème se pose pour les individus possédant ~es


champs proches du village et regagnant ce dernier chaque soir,

Ce système de fumure est amélioré par la technique de dépla-


cement de s village s, mode particulier d'entra ide collective. Le pro-
priétaire d'une parcelle cultivée depuis longtemps et dont la produc-
tion est insignifiante, demande au chef de son village de la choisir
comme prochain emplacement de ce dernier; la localisation des vil-
lages change ainsi tous les 3 ou 4 ans environ, La contrepartie plus
ou moins exigée du demandeur est, durant les 2 ou 3 années suivant
l'abandon du chqmp comme lieu d'élection du village, la jouissance
par le chef de la totalité de la récolte obtenue sur cette parcelle,

Si le propriétaire ne possède que ce terrain, il a recours aux


diverses formes de distribution des terres étudiées précédemment;
lorsque le pr~t a lieu entre parents, il est rare qu'une contrepartie
soit réclamée,

Depuis quelques années, un nombre croissant de cultivateurs


vivent en permanence sur leurs champs et ne regagnent plus leurs
villages à la fin des récoltes, Ils gardent cependant la jouissance
de l'emplacement villageois de leurs anciennes concessions et en-
voient parfois un des leurs au cours de la saison sèche pour refaire
ou consolider les clOtures abfmées par les intempéries de l'hivernage,

Ce mouvement de population prend d'abord naissance chez les


bella pauvres ne possédant pas de bétail; cette carence est ainsi
atténuée par la fourniture d'un supplément de fumure humaine mais
aujourd'hui, l'état de stérilité de nombreuses terres pousse de plus
en plus d'individus, m~me d'origine amajegh, à se fixer sur leurs
parcelles,
nombre d'épouses % unités de % uni té de re- %unités de recen % unités de % unités de % unités de
par chef d'unités recensement censement peul sement peul en recensement recensement recensement
de recensement peul nomades semi-nomades village non peul djerma bella twareg

l 94,8 92 95 63,2 78,7 70,6

2 4 7 5 30,6 21 24
<.D
1,2 0,3 .....
3 l 5,5 4

4 0,1 1,4

TABLEAU II
92

Un tel exode est facilité par la proximité de la nappe aquifère;


l'eau est en effet proche dans le Dallol (généralement à 3, 4 mètres).
La plupart des champs possèdent leur puits, ce qui évite des dépla-
cements pénibles et constitue, comme on le verra, un facteur impor-
tant pour le bétail.

La dispersion du peuplement entrafl1e le déclin des noyaux


villageois, parfois m@me leur disparition. Ce profond changement
a pour conséquence directe la réduction de la taille des unités de
production et l'extension des travaux collectifs entre particuliers,
phénomènes étudiés au cours de la seconde partie.

Les villages de Sigiradu et Loki ont vu toute leur population


se disperser depuis 1967, Lakatan et Jami depuis 1968.

Tout village de l'Immanrin possède des concessions défuâtive-


ment établies en brousse; 6 concessions imajeghen de Dakfao et 3
d'Amsaghal se trouvent dans cette situation.

Face à cette dissémination croissante de l'habitat lnarquant


la fin d'un type de déplacements saisonniers, apparart depuis quel-
ques années un phénomène de fixation des villages qui entrafl1e la
disparition d'un autre mode d'occupation temporaire du sol, généra-
lement triennal ou quadriennal. Dans les deux cas, un nouveau stade
est atteint dans le processus de sédentarisation; cette tendance est
particulièrement nette lors de l'installation de villages sur un lieu
définitif. Apparaissent alors, en effet, des normes nouvelles affec-
tant la représentation que la population se fait du concept spatio-
temporel de "village" ; il faudrait analyser leurs fonctions et leur
degré de compatibilité avec les normes anciennes. Le village ne se
déplace plus car sa structure passée doit intégrer de nouveaux élé-
ments tels que les maisons construites en dur, l'école, la plantation
d'arbres (surtout des nfmes - dogagnaro).. . .. Malgré l'intangibi-
lité du signifiant de "village" (aghrirum), son signifié a subi une
profonde mutation de par la nouve Ile forme d'occupa tion humaine du
Dallol et l'introduction de nouvelles valeurs par la colonisation.

Plusieurs villages de l'Imannrin ont abandonné le système


d'installation temporaire que n'ont jamais connu, cependant, Bonkuku
et Balleykwara :
- Diggina depuis 8 ans
- Shiwil depuis 10 ans
- Dakfao depuis 10 ans
- Fandara depuis 11 ans
- Amsaghal depuis 4 ans
- Tillobi depuis 6 ans
- Koshilan depuis 6 ans.
93

Les cultivateurs font largement appel à la fumure de leurs champs


par les animaux. La possession de bétail est primordiale non seulement
pour l'apport d'engrais, mais aussi pour sa commercialisation qui per-
met en années difficiles d'acheter du mil ou de payer des manoeuvres
lorsque les travaux agricoles nécessitent parfois une main d'oeuvre
importante. Dans un rapport d'aoOt 1950, l'administrateur Urfer notait
à ce propos que la récolte médiocre de 1949 a vait provoqué la vente
d'environ 300 chèvres au cours de 3 marchés successifs à Bonkuku.

La situation provoquée par l'épuisement du sol est aggravée


par une diminution de l'ensemble du cheptel de l'Imannlin, particu-
lièrement du petit bétail. Les agriculteurs rencontrent des difficultés
croissantes pour reconstituer des troupeaux touchés par les décès
dOs aux froids et aux pluies suivant les périodes de sécheresse et
par les ventes à bas prix lors des disettes. Cette tendance se déga-
ge des chiffres communiqués par Taillandier (1953) et concernant les
animaux possédés par les sédentaires:
années ovins caprins bovins anes chevaux chameaux
1943 1779 10 072 3672 286 216 136
1946 1570 7 130 4060 291 250 143
1950 1190 4 418 3417 365 229 218
1953 649 2 791 3706 320 218 262

Avant d'analyser le mode d'intégration des rapports agriculture-


élevage, on notera, après avoir rapidement présenté les races anima-
les du troupeau de l'Imannlin, les oppositions existant entre eux.

1) Les races animales:

Pour plus de détails sur certaines races mentionnées ici, on


peut se référer à Pierre Bonte (1968 PP. 20-24).

- Bovins:
= zébu peul Delboji : race assez répandue
= zébu Bororodji
= zébu Azawagh : race la plus nombreuse.

- Ovins:
= race Ara-Ara: surtout répandue en milieu twareg et bella
= race Bali-Bali (ou "Udawa") : surtout répandue en milieu
peul.
94

- Caprins:
= chèvre rousse de Maradi : peu nombreuse
= race gorgabe (du nom d'un groupement peul)
= race caprine du Sahel.

- Chevaux:
= cheval de l'Ait (dangongu)
= cheval hausa (tanbaranga).

2) Le caractère contradictoire des activités agricoles et


pastorales:

L'extension des cultures réduit d'autant les terrains de par-


cours des troupeaux qui sont contraints, durant l'hivernage, de quit-
ter le Dallol où les jachères sont extrêmement rares. Ceux qui ne
partent pas en transhumance cherchent refuge sur les plateaux. Ce
déplacement pose le problème de l'eau car, à l'inverse de la vallée,
les mares y sont rares et les puits profonds, ce qui rend pénible
l'abreuvement du bétail.

Le déboisement, en outre, contribue à amoindrir dans le Dallol


la qualité du tapis végétal de saison sèche. De plus, la paille de
mil dont la valeur alimentaire est déjà faible, tend à dis pa ra f'tre .

Parallèlement à la diminution des terres cultivables riches,


on assiste donc à la détérioration des paturages. Cette situation
permettra de comprendre le mode de nomadisation de certains grou-
pements peul recensés dans le canton de l'Imannfin.

La possession de troupeaux, enfin, parait incompatible avec


la pratique de l'agriculture, l'époque de la tra nshumance coil1cidant
avec celle où les travaux agricoles battent leur plein. Il s'agira de
voir dans quelle mesure, ces cultivatel,1rs, anciens pasteurs, conci-
lient ces deux activités.

3) La fumure anima le

Selon leur richesse, les concessions disposent de deux possi-


bilités pour assurer la subsistance du bétail en saison des pluies:

+ le maintien dans la zone agricole:

Quelques bêtes peuvent être gardées dans le canton afin de


profiter de leur lait et de leur fumier. Il s'agit des chamelles laitiè-
res, des anes, de quelques bovins et de nombreux caprins.
95

Tout au long des travaux agricoles, les chamelles laitières


paturent sur les collines tandis que les autres animaux sont installés
sur les parties les moins fertiles des champs. Au début de chaque
hivernage, un emplacement précis est ainsi choisi par le chef de
concession. Les bêtes sont généralement entravées à des piquets
mais lorsque le cultivateur ne possède que des caprins, il entoure
souvent la zone stérile d'une haie d'épineux. Le bétail s'abreuve
aux nombreuses mares qui apparaissent avec les premières pluies,
les puits creusés dans les champs étant réservés, durant cette sai-
son, aux mel1)bres des concessions. De véritables couloirs d'épineux
le canalise vers les points d'eau afin d'éviter tout dégat qu'il est
susceptible de causer aux constructions et aux cultures; une indem-
nisation précise est prévue

- Durant la nuit:
dég1'its causés par un chameau 500 Frs C. LA
un cheval 250
un bovin 250
un 1'ine 150
un caprin 75

- Durant la journée
Les valeurs précédentes sontdiminuésde moitié, l'animal étant
généralement repéré plus vite.

Tout comme pour la fumure humaine, un système réclamant une


certaine coopération existe ici. Il arrive cependant que des cultiva-
teurs ne possèdant aucun bétail, soient privés, durant l'hivernage,
de tout engrais d'origine animale.

Diverses possibilités se présentent

Un cultivateur confie son bétail à un chef de concession non-


parent pour qu'il le garde sur sa terre. Diverses causes peuvent ex-
pliquer cet abandon temporaire d'animaux: possession d'une parcelle
restreinte, éloignement de cette dernière par rapport à une mare ou
aux chemins permettant l'accès aux paturages des collines (pour les
bovins notamment), absence de zone suffisamment stérile pour né-
cessiter un surplus de fumure durant la saison des pluies, non dis-
position d'enfants pour surveiller les bêtes.

- Un cultivateur demande à un autre dont il n'est pas parent,


de lui prêter quelques animaux afin d'améliorer la fumure de son
champ.

Dans ces deux cas, il arrive que le demandeur remette une


contrepartie:
96

- pour l bovin: 250 Frs C. F .A. ou l botte de mil


- pour l chameau: 500 Frs C. LA. ou l botte de mil.

Ces redevances ne sont pas rigoureuses; leur versement varie


selon les possibilités du créancier qui, parfois, ne fournit rien. Dans
le premier cas, notamment, celui qui bénéficie du parcage du bétail
sur sa terre se contente de l'apport d'engrais et de la consommation
du lait.

- Lorsque le pr~t d'animaux a lieu entre deux individus liés par


des relations de parenté, celui qui reçoit les b~tes sur son champ
ne réclame généralement aucune contrepartie, quel que soit le deman-
deur.

Comme on l'a vu, les individus possédant des champs proches


du village regagnent généralement celui-ci chaque soir; ils confient
leur cheptel, durant la journée, à des bergers peul qui les ramènent
aux concessions villageoises à la tombée de la nuit. Bonkuku possè-
de ainsi quatre bergers, Balleykwara, deux. Prix du gardiennage pour
la saison des pluies :
- 2 caprins : l botte de mil
- 2 ovins
bovin

+ la transhumance:

Si la plupart des unités de production gardent la totalité de


leurs troupeaux dans l'Imannfin, les plus aisées, cependant, envoient
quelques animaux en transhumance. Ce sont généralement des con-
cessions imajeghfin, djerma, hausa, parfois bella.

La population twareg de l'Imannfin a totalement abandonné,


aujourd'hui, la pratique du départ annuel vers les p~turages du Nord.
Deux hypothèses peuvent ~tre avancées pour expliquer cette situation

. l'avènement de l'agriculture comme activité dominante dans


le système économique a certainement entrafné la disparition rapide
du déplacement temporaire d'une partie de la population vers le Nord.

La sédentarisation sur un territoire restreint permet en outre


le maintien, tout au long de l'année, d'un tissu de relations sociales
suffisamment denses pour reproduire la cohésion minimum de la so-
ciété. A la différence de ce qui se passe généralement pour les no-
mades sahéliens, les grands rassemblements d'hivernage n'apparais-
sent plus ici comme essentiels pour renforcer une solidarité sociale
amoindrie par la dispersion nécessaire des campements en saison
sèche.
L.4 ""- ~ '
, ~l

"

Photo 5· Habitation des femmes dans la concession d'un important noble twareg
(village de Bonkuku),

Photo 6 . Piquets destinés au bétail et installés sur la partie stérile d'un champ.
97

De plus, la fixation permanente des quelques imajeghin ne


cultivant pas la terre eux-m~mes et disposant ainsi du temps néces-
saire pour la transhumance, a peut-être été favorisée par la dissocia-
tion existant actuellement entre cette activité et une éventuelle fonc-
tion économique telle que les échanges commerciaux pratiqués par
les Kil Gress. L'absence d'un intérêt économique direct est sans
doute à prendre en considération. A l'inverse de l'Ader où les Kil
Gress acheminent le mil vers le pays nomade, ce sont ici les pas-
teurs qui viennent chercher les céréales en zone sédentaire.

A l'époque pré-coloniale déjà, où seuls les Kil es Suk jouis-


sant d'une certaine immunité guerrière se déplaçaient fréquemment
le long du Dallol Bosso, les nomades descendaient parfois vers l'Iman-
nin, attirés, semble-t-il, par le seul marché sOr de la partie Nord
du Dallol en proie à des guerres incessantes (le marché de Tidghaq
remplacé par celui deBonkuku lorsque Bikkin accède à la chefferie
en 1879).

L'attrait actuel manifesté par les éleveurs pour les marchés


de la vallée s'explique par les conditions commerciales qu'ils y ren-
contrent. M. Dupire écrit à ce propos 0962, P. 50) :

"Même en février, l'agitation du marché de Filingué est éton-


nante. Des twareg et bouzou qui descendent de la région de Ménaka,
conduisent à chameau du petit et du gros cheptel. Ils préfèrent ce
marché à ceux du Nord-Abala, Ménaka - parce que la moins grande
abondance de bétail en rend les prix supérieurs tandis que celui du
mil est pour eux moins élevé. Certains ont essayé de vendre déjà à
Abala et s'ils ne réussissentàFilingué, ils se rendront le lendemain à
Gao, puis à Bonkoukou. D'autres viennent par le marché de Gao de
la région de Tahoua où selon eux, il y aurait "trop" de bétail présen-
té à cette époque. S'ils échouent à Filingué, ils se dirigeront sur
Bonkoukou (lo à 15 jours de déplacement en totalité)" .

. la disparition d'esclaves dépendant totalement des imaleghtn,


empêchent ces derniers de confier leur cheptel à des individus appar-
tenant à la société twareg. Durant l'hivernage, les hommes libérés
se consacrent aux cultures. La situation est différente dans l'Ader
où malgré la désaffection croissante des imajeghin pour la cure salée,
la survivance de rapports esclavagistes permet la conduite des trou-
peaux par des captifs accompagnés de quelques nobles.

Les enfants des familles imajeghin les plus puissantes ne


quittent plus le terroir, ce qui reflète, si l'on considère la transhu-
mance comme une forme de voyage initiatique, la disparition de tou-
te fonction sociale attachée à ces déplacements. Avec la non parti-
cipation à la transhumance, paraissent s'estomper les dernières atta-
ches aux "valeurs nomades", soutien essentiel dans l'affirmation de
l'originalité ethnique twareg face aux sédentaires noirs.
98

On est donc en présence d'un type de transhumance du bétail


totalement dissocié du nomadisme de ses propriétaires que l'on peut
ainsi qualifier de "nomades interrompus". Les troupeaux sont en effet
conduits par des individus étrangers à la société twareg de l'Imannin.

Populations assurant la transhumance des troupeaux:


- certains des groupements peul recensés dans le canton
fraction Gorgabe 1
fraction Gorgabe II
peul rattachés à la zone de culture de Ogga (groupe Furant-
shire)
- des populations nomades du Nord
fractions twareg :
Igeresuen (imgh~
Ishahadinaran (imghad)
Ibogholliten (liés aux imajeghin Kil Telateyt)
Temizggida ~
Kil T~bonnint ~d'imajeghinKil Telateyt)
Tahabanet (iklan d' imaghin Kil Tarbent)
fractions idaksahak
Idogeriten
Tabihu
Ibahawin
Ibagargaren
Taghbenasa.

Les m~mes pasteurs reviennent généralement chaque année.


Les unités de production imajeghin, djerma et h;;.usa font particuliè-
rement appel aux services de Twareg et d'Idaksahak. Les bella pré-
fèrent par contre s'adresser aux peul. En effet, les nomades du Nord
craignent peu les propriétaires bella, ce qui provoque souvent des
conflits lors de la disparition de bétail au cours de la transhumance.
Lorsqu'un animal meurt durant la cure salée, celui qui en a la charge
doit ramener la portion de robe ayant reçu la marque (ejuwel) au fer
rouge (voir ci-contre les marques utilisées dans l'Imannen pour les
came lins) ; s'il ne la présente pas, il sera soupçonné d'avoir vendu
la bi'lte et devra rembourser le propriétaire.

Déroulement de la transhumance:

Les troupeaux quittent l'Imannin vers le mois de mai pour


n'y revenir qu'en octobre-novembre. Durant l'hivernage, ils station-
nent sur les riches p~turages du Nord dont la plupart sont situés en
territoire malien. Le bétail. p~ture généralement dans les vallées pro-
longeant le Dallol Bosso et constituant les ramifications méridionales
99

de l'Azawagh : plaines de l'Ahzar, de l'Ahara où sont installés de


nombreux campements Kfil es Suk (Intfikore t, Moni ... ). Ces terres
lourdes sont appelées "Foko meydulu" , ce qui signifie "terres de
fumée", les mirages y étant fréquents. Ces sols possédant, semble-
t-il, une teneur en sel inférieure à ceux rencontrés par exemple dans
la zone de Teggida n Tesemt, les nomades emportent avec eux du
natron acheté sur les marchés du Dalloi. Ce natron, indispensable
pour l'équilibre physiologique du cheptel, provient du Tfighazfirt et
du Dallol Fogha. Est aussi vendu sur le marché de Bonkuku, du sel
provenant:
- de l'Amadror dans l'Ahaggar. Les caravanes atteignant
Filingué sont de plus en plus rares,
- de Taodeni : considéré comme le meilleur sel pour les ani-
maux. La barre ~) est vendue 2250 Frs C. F .A.
- de Kaolack (Sénégal) : consommé par les hommes. Prix d'un
sac de 25 kg : 650 Frs C.F.A.

MARQUES DE CHAMEAUX UTIUSEES DANS L'IMANNiN

- Imajeghfin (recensement non exhaustif)

~
o
~
+
ces marques portées sur la cuisse peuvent étre dissociées,
l'élément inférieur étant alors placé sur le cou.

- iklan n imajeghfin :

- Inadfin n imajeghfin :
;#
- Ighawelen :
~
- Kfil es Suk

(sur le cou)
100

- Inadfin n Kfil es S uk :

- Ibogholliten
/
- Igirnazfin :
[
11111 (sur le cou)

Conditions de gardiennage pour la saison des pluies:

Le propréitaire du bétail donne au choix du nomade aSS1lrant


la transhumance:
- pour 1 chèvre 25 Frs CFA ou pour 3 chèvre s 1 botte de mil
- pour 1 mouton 50 Frs CFA ou pour 2 moutons 1 botte de mil
- pour 1 bovin 100 Frs CFA ou 1 botte de mil.
- pour 1 chamea u 500 Frs CFA (la contrepartie est toujours
monétaire) .

A peine les récoltes achevées, le bétail transhumant regagne


le Dallol ; en cas de retard des travaux agricoles, il peut stationner
quelque temps sur les plateaux ou dans le canton voisin du Kughfey
plus riche en terrains de parcours que l'Imannfin où il pature ensuite.

Le cheptel qui fume ainsi le terroir est composé d'animaux


appartenant aux cultivateurs du canton mais aussi aux pasteurs as-
surant la transhumance. Les b~tes sont abreuvées aux puits creusés
dans la plupart des champs; les mares s'assèchent rapidement à
l'exception de celles de Bebetinde, Tamaraberi et Tamarakaina.

Les nomades dépendant de tribus imajeghfin du Nord, instal-


lent leurs tentes, les dernières que l'on puisse voir dans cette région.

De ux ca s sont ici à distinguer:


- Les cultivateurs qui regagnent les villages à la fin des récol-
tes et laissent leurs animaux en garde à ceux qui les ont conduits vers
les paturages du Nord. Ils leur donnent en contrepartie pour toute la
période de la saison sèche:
. pour 1 bovin: 1 botte de mil.
101

Si une vache possède plusieurs génisses, le propriétaire


donne en outre au gardien le lait d'une d'entre elles. Parfois sur 3
animaux qui naissent durant le gardiennage, le propriétaire garde les
deux premiers, laissant le troisième au berger.

Le premier système est plus employé car plus avantageux,


notamment lorsque le propriétaire du troupeau possède plusieurs va-
ches en cours de ge station.

pour 1 chèvre : 1/2 botte de mil


pour 1 mouton:

Les nomades du Nord prennent souvent eux-mêmes les céréa-


le s dans le s greniers élevés s ur le s champs, Par contre, la méfiance
affichée à l'égard des peul emp~che ces derniers de se servir; les
propriétaires leur donnent régulièrement le mil da.

- Les cultivateurs qui n'ont pas de bétail et vivent souvent


en permanence en brousse font appel aux troupeaux possédés par les
éleveurs qui reçoivent en échange de l'apport en fumure:
1 botte de mil pour 4 jours s'ils sont accompagnés d'une
nombreuse famille
1 botte de mil pour 7 jours s'ils ne viennent qu'avec quel-
ques personnes,

Les peul de Ogga, Geza 1 et Geza II gardent rarement du


bétail étranger durant la saison sèche; ils parcourent plutôt la région
avec leurs seuls troupeaux.

Les agriculteurs font donc largement appel à l'élevage, la


fourniture en fumure étant indispensable pour un terroir restreint dont
l'exploitation intensive depuis de nombreuses années entrafne une
stérilité croissante des sols, Il faut noter cependant que de nombreu-
ses unités de production ne possédant pas de bétail et disposant de
récoltes médiocres n'ont pas les moyens matériels de réclamer les
services des nomades. Ainsi, leurs champs ne bénéficient d'aucun
apport en fumure, la fécondité de la terre diminue, gage de misère
et de profondes carences vivrières,

Cette fumure est, en outre, de valeur limitée:


les champs proches des villages ne reçoivent que du fumier
sec et pulvérulent qui ne pénètre pa s dans le sol,
les parcelles parcourues par les troupeaux durant la saison
sèche voient leur fumure légèrement augmentée par le pié-
tinement des troupeaux,
102

L'intégration du fumier au sol est certainement la meilleure


sur les portions de champs où les animaux restent aux piquets durant
l'hivernage. On peut se référer, pour le problème de l'amélioration
des techniques de fumure, à H. Raulin et N. Echard (965).

Plusieurs éléments permettent d'expliquer que la possession


de bétail soit une fin particulièrement recherchée:
- elle est l'un des symboles de richesse et de prestige social.
Vis-à-vis des imajeghin, la constitution d'un troupeau représente pour
le bella la compensation de son état d'infériorité et de relative dépen-
dance dans le domaine foncier.
- elle permet de subvenir aux besoins impératifs en fumure.
- elle assure la satisfaction directe d'une partie de l'alimen-
tation et constitue une réserve facilement commercialisable, facteur
fort enviable dans une région où la production agricole, médiocre et
fluctuante, permet rarement la réalisation de certaines obligations
(paiement de l'impôt, disposition d'une quantité de mil suffisante
pour l'alimentation annuelle des membres de la concession ... ).

Si l'élevage conserve une fonction primordiale dans le systè-


me économique de l'Imannin, travaux agricoles et travaux pastoraux
n'en sont pas moins assumés par des populations appartenant à des
sociétés différentes. Cette division fondamentale du travail ne s'opè-
re plus aujourd'hui dans le cadre de la société twareg étudiée.

II. 2 - Conditions contemporaines d'existence des groupes peul


de l'Imannin.

La pauvreté des p~turages et des terres de culture du canton


entrafnent pour les populations peul une vie, généralement semi-no-
made, difficile. Leur cheptel est limité, méme dans le cas des frac-
tions Geza let Geza II qui mènent une vie totalement nomade. On
constate, en se référant au tableau III, que ces deux groupes possè-
dent cependant davantage d'ovins et de bovins que les trois autres
groupes composés d'agriculteurs-pasteurs; ces derniers disposent
quasiment de la même proportion de caprins, petit bétail qui leur
fournit un complément de ressources et subvient à leurs besoins en
viande.

Il est intéressant de comparer les chiffres relevés au cours


de l'enquéte avec ceux communiqués par M. Dupire (1962, p. 20)
et concernant les peul nomadisant dans le canton voisin du Kughfey
- pour les Farfarou : 6,2 ovins et caprins par personne
5 bovins
- pour les Bororo 1,2 ovins et caprins par personne
5,4 bovins
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GEZA l
- nomades
563 3,3 103 0,5 536 3,1 19 0,1 1 0,005 19 0,1
- 170 personnes

GEZA II ......
o
- nomades 0,1 w
213 1,6 116 0,8 448 3,5 6 0,04 1 0,007 15
- 127 personnes

GORGABE l
- semi-nomades
316 0,8 202 0,5 767 1,9 17 0,03 2 0,005 16 0,04
- 390 personnes

GORGABE II
- semi-nomades 0,005 0,04
327 0,9 191 0,5 713 1,9 16 0,04 2 16
- 363 personnes

OGGA
- semi-nomades 0,007 11 0,04
175 0,6 253 0,9, 486 1,8 9 0,03 2
- 274 personnes

TABLEAU III
104

La tribu Geza, ongmaire du Nigéria, est divisée en deux


fractions; elle ne possède aucun cultivateur. Durant l'hivernage,
une partie des troupeaux monte vers les vallées de la frontière md-
lienne, l'autre partie ne dépasse pas le Kughfey. Durant la saison
sèche, ces nomades s'approvisionnent èn mil en faisant stationner
leurs animaux sur les champs des cultivateurs de l'Imannin qui ne
leur confient généralement pas de bétail. La fraction Gorgabe II re-
censée dans l'Imannin, vit en réalité dans la région de Yeda (Sud
de Baleyara) ; quelques individus, cependant, amènent leurs trou-
peaux dans l'Imannin durant la saison sèche.

La fraction Gorgage 1 et les peul Furantshire habitent par con-


tre dans le canton et mettent certaines terres en culture. Les premiers
sont localisés dans la région de Qgga, les seconds sur le plateau
Ouest dans la zone de Wagani. Leur système économique repose sur
une division des travaux agricoles et pastoraux à l'intérieur de leur
société: à la fin de la saison sèche, les membres des divers campe-
ments se séparent pour assurer la réalisation des travaux agricoles
d'une part, la conduite du bétail en transhumance d'autre part. Lors-
que la main d'oeuvre familiale est insuffisante, des regroupements
de troupeaux peuvent être effectJés. Ces peul qui versent encore
souvent la drine à l'imnokal twareg, conservent généralement les
m~mes parcelles chaque année; ils y cultivent du mil et du haricot.
Leur habitat consiste, durant la saison des pluies, en des paillottes
que de nombreuses familles habitent d'ailleurs tout au long de l'an-
née. Quelques animaux laitiers restent sur les portions de champs
les plus stériles.

Ces groupes ont adopté le système des tadiglishit en vigueur


dans le canton; ils ont retenu le type de travail collectif destiné aux
particuliers. Leurs attaches à la vie et aux valeurs sédentaires sont
certainement manifestées en outre par la monétarisation d'une partie
de la dot: 10.000 à 15.000 Frs C.F.A., plus 3 bovins.

Comme on l'a vu les membres des campements chargés de


conduire les troupeaux en transhumance, se voient confier des ani-
maux par une partie de la population de l'Imannin. Ce gardiennage
se poursuit durant la saison sèche (surtout pour les fractions Gorgabe)
et se combine ainsi à la fourniture de fumier par leur propre cheptel.
Cette complémentarité particulièrement étroite entre la société twareg
et ces collectivités peul d'agriculteurs-pasteurs, permet à ces dernières
d'obtenir un surplus de mil indispensable étant donné leurs faibles ré-
coltes personnelles.

Il peut parartre étonnant que ces groupements peul se main-


tiennent dans une zone sédentaire pauvre alors que leurs congénères
nomades du Kughfey bénéficient de conditions d'existence supérieures.
Trois hypothèses peuvent ~tre avancée s, semble-t-il, pour expliquer
une telle situation:
105

- La force de l'habitude. La fraction Gorgabe Il, par exemple,


se livre à l'agriculture depuis environ 35 ans.

- Les individus concernés prétendent craindre de ne pas trou-


ver suffisamment d'eau vers le Nord. Crainte sans fondement, semble-
t-il (on peut se référer à M. Dupire, 1962).

- L'attraction du marché de Bonkuku est un élément important;


la facilité de commercialisation est essentielle. Ces semi -nomades
peuvent y vendre du bétail (parfois des génisses), du lait afin de se
procurer du mil ou de l'argent pour payer l'impôt. Chaque semaine,
des femmes peul de l'Imanntin et du canton voisin du Tondikandya
viennent y proposer du lait (akh) et du beurre (widi) :
prix d'une gourde (tikilwet) de beurre : 300, 400 ou 500 Frs
CFA selon la quantité
prix de deux louches (amola) de lait: 5 Frs CFA.

III - TRANSFORMATION ET DIVERSIFICATION DES ACTIVITES ECONO-


MIQUES.

La pratique du système de fumure étudié n'emp~che pas la


fréquence de récoltes largement déficitaires. Il s'agit maintenant
d'analyser les modalités par lesquelles la majeure partie de la popu-
lation tente de pallier l'insuffisance d'une production agricole sou-
vent incapable de satisfaire les be soins minima des cultivateurs.
Les deux derniers points mentionneront des solutions qui ne dépas-
sent guère pour l'instant l'état de projets.

IlL 1 - L'emplQi sur les champs appartenant à des concessions


aisées.

Comme on l'a vu au cours de la seconde partie, ce travail


recouvre deux formes:

A) Les travaux collectifs de type ostentatoire organisés par


l'imnokal et les individus les plus riches, généralement des imaieqhtfn
à quelques exceptions près. Ils aident les individus démunis de res-
sources à "faire la soudure". H. Raulin écrit à ce propos (1963 -
p. 71) : "L'institution peut apparartre comme un facteur de redistri-
bution et d'équilibre de la société en ce sens qu'au moment où les
ressources alimentaires commencent à diminuer dangereusement et
quand la disette se fait sentir, les moins bien pourvus peuvent obte-
nir des plus riches de quoi subsister" .

B) Le travail salarié qui tend à remplacer le type de tadiglishit


précédent. La brièveté de l'enqu~te n'a malheureusement pas permis
106

d'évaluer de façon précise l'importance quantitative de ces deux phé-


nomènes.

III.2 - L'artisanat.

Il faut distinguer les activités réservées à la "caste" des


forgerons de celles pratiquées par des personnes n'y appartenant pas.
Aucune information n'a été recueillie au sujet de la poterie qui est
réservée a ux femmes mais dont l'importance semble a ujourd' hui res-
treinte.

A) Les artisans (inadén) travaillent le bois, le fer et le cuir.


Ils sont, en outre, cultivateurs. Peu de données technologiques ont
pour l'instant été enregistrées. Néanmoins le travail du cuir, géné-
ralement féminin au sein des autres confédérations twareg, est ici
largement répandu parmi les hommes. Les activités exercées par les
femmes leur permettent de posséder les vêtements et les bijouA les
plus beaux de l'Imannén.

La sédentarisation de ces groupes migratoires twareg et la


pauvreté actuelle de la plupart de leurs membres ont entrafné la raré-
faction, parfois m@me la disparition de la fabrication de certains ob-
jets tels que les bijoux, les selles de chameaux de valeur, les armes ..
Excepté pour les objets nécessaires à la vie domestique et aux acti-
vités agricoles, la commercialisation du reste de la production parart
surtout s'effectu~rvers Niamey.

B) La fabrication et la vente de certains produits artisanaux


concernent l'ensemble de la population, excepté certaines conces-
sions imajeghén où les matières premières sont souvent achetées
et les objets fabriqués non commercia tisés.

L'écoulement des produits représente sans doute un appoint


important pour les ressources de l'unité de production qui s'y livre.
Des données précises sur cet artisanat et les revenus qu'il procure
font pour l'instant défaut.

La production concerne les objets suivants

1) Les nattes ("tsalet") :

Le ramassage des palmes de doum (crucifera thebaica - tageyt)


est généralement effectué par les femmes et les enfants. Les doum
ont une forme buissonnante mais surtout arborescente; on en trouve
particulièrement dans la zone des villages de Bonkuku, Tiwilla, Tillu-
wa et Koshilan. 10 palmes doubles sont vendues 5 Francs C.F .A.

Il existe divers types de nattes portant des noms différents


les prix donnés ont été relevés sur le marché de Bonkuku :
107

- Fela natte blanche - 50 Francs CFA


- Dambindi blanche avec bandes d'une seule couleur en
transversale - 150 Frs CFA
- Kudikeyna natte de couleur non blanche avec une bande
dans le sens de la longueur - 200 Frs CFA
- Tabeleze noire et rouge - 200 Frs CFA
- Yayillabo couleurs en forme de losange et de triangle
300 Frs CFA
natte formée de bandes transversales de cou-
leurs différentes - 500 Frs CFA
- Balibali une partie d'une seule couleur, le reste compo-
sé de bandes de couleurs diverses dans le sens
de la largeur - 500 Frs CFA
- Gidanstibtiro 500 Frs CFA.

2) Les cordes (~) : elles sont fabriquées par les hom-


mes au moyen de fibres de doum.

3) Bien que ne faisant pas partie de ce que l'on appelle ha-


bituellement "l'artisanat", je mentionne ici la préparation de nourri-
tures diverses vendues par les femmes bella de Bonkuku aux indivi-
dus fréquentant le marché. Cette activité qui a connu, comme on l'a
déjà dit, un fort développement lors de la disparition de la culture du
tabac, incombait autrefois aux femmes originaires des villages sudye
de Gao, Kanya, Shtitt ... Elle ne fournit qu'une mince part des dispo-
nibilités nécessaires pour satisfaire les besoins de chaque unité de
prod uction.

Les produits sont fabriqués dès l'aube à l'intérieur des con-


cessions puis vendus sous des abris de paille (taffala), au nombre
de 54 sur le marché de Bonkuku. Sont ainsi proposés
- Aghejira : 1 portion: 5 Frs CFA
- diverses friandises à base de mil ou de blé, d'épices et de
sucre:
1~ 2,5 Frs CFA
1 sala 5
1 parimasa 5
5 kekena 5

III.3 - Les activités annexes

On peut parler ici de professions; les sommes monétaires


qu'elles rapportent sont variables mais elles permettent rarement,
semble-t-il, de compenser aisément la médiocrité de s re ssources
agricoles. On distinguera, parmi les métiers mentionnés, celui de
boucher, régi par des règle s strictes et d'accès réservé.
108

L'Imannlin possède 7 bouchers, tous d'origine hausa (4 à


Bonkuku, 3 à Balleykwara). Durant l'hivernage, ils cultivent eux-m~­
mes des champs proches des deux villages cités, ce qui leur permet
de vivre dans leurs concessions villageoises et de continuer à s'oc-
super du marché de la viande qui "tourne au ralenti" en cette saison.

Le montent réduit de leurs récoltes est accentué par l'absence


de fumure humaine et animale sur leurs champs durant les pluies.
L'un d'eux, par exemple, a récolté sur 2parcelles :
- en 1969 99 bottes de mil
- en 1970 : 40 bottes de mil.

La profession est héréditaire; un chef (Sarki n pauwa) dont la


charge n'est pas forcément héréditaire, s'occupe de l'organisation
de l'abattoir (dlidgrizamrin ehare), des différends d'ordre profession-
nel. Il a perdu de nos jours une part de ses pouvoirs traditionnels;
il ne reçoit plus les têtes de bovins égorgés et ne tue plus les ani-
maux, acte maintenant réservé au marabout qui reçoit la Frs CFA par
animal tué.

Quelques bouchers importants sont entourés d'aiàes qui effec-


tuent certaines opérations: les dépouilleurs et les rôtisseurs par
exemple reçoive~t 50 Frs C FA chacun pour 500 de viande vendue.

Le village de Bonkuku en compte 8, celui de Balleykwara 2.

6 à Bonkuku , 5 à Ba lleykwa ra , l à Fandara, 1 à Kofuno, 1 à


Dakfao, 1 à Lakatan.

Comme on l'a vu plus haut, à l'exception de de.ux d'entre eux


qui emploient des manoeuvres, tous cultivent et vivent en brousse
durant l'hivernage. Ils reviennent parfois à leurs villages pour accom-
plir les rares travaux qui leur sont demandés en cette période.

Les bénéfices sont surtout réalisés après les récoltes et à


l'époque marquée par les f~tes clôturant le carême musulman, événe-
ment qui entrafne la dépense d'une grande partie des revenus en achat
de vêtements.
109

L'essor démographique constaté en 1943-1946 (voir les chif-


fres communiqués au début de la première partie) s'explique notam-
ment par l'installation dans l'Imannlï!n. au cours de cette période,
de migrants hausa originaires de l'Ader. 60 en 1933, ils étaient 138
en 1943 ; parmi eux figuraient plusieurs commerçants attirés par la
nature de voie de communication naturelle du Dallol Bosso.

Bonkuku possède aujourd 'hui 12 commerçants, BalleyKwara, 4.


Tous cultivent eux-mêmes, certains emploient des manoeuvres pour
les aider. Vivant sur leurs champs durant l'hivernage. ils ferment leurs
boutiques ou les confient à des proches parents. L'achat des produits
se fait généralement sur les marchés de Niamey, Baleyara et Filingué
depuis l'interdiction d'exporter des céréales. un seul d'entre eux se
rend à l'étranger; il va à Parakou (Dahomey) acheter du manioc, du
mars, des pagnes et des parfums. Certains tirent de substantiels pro-
fits de leur négoce et participent à un système spéculatif analysable
au niveau national et portant notamment sur les céréales. A côté de
ces individus. représentants d'un groupe social particulièrement dyna-
mique et souvent lié à la classe politique, figurent de nombreux cul-
tivateurs qui se consacrent, en saison sèche, à des activités com-
merciales de caractère limité. Un ou plusieurs membres d'une conces-
sion peuvent ainsi vendre sur les marchés une quantité restreinte de
produits divers (tissus, cola, sucre, sel, dattes, cigarettes, frian-
dises ... ) dont la fourniture est parfois assurée par les commerçants
locaux qui peuvent alors utiliser ces agriculteurs comme intermédiai-
res.

Ici encore, des données quantitatives manquent. Il serait né-


cessaire d'étudier précisément les divers marchés régionaux, les cir-
cuits commerciaux, la nature des échanges, les mouvements monétai-
res qui en résultent. De même, l'évaluation du montant des revenus
procurés par les activités annexes citées et l'analyse de leurs mode
d'utilisation permettront de saisir la place exacte tenue par ces der-
nières dans la recherche d'un complément à la production agricole.

III. 4 - Les mouvements de population

Il est possible d'en distinguer deux types

Elles résultent généralement de phénomènes conjoncturels et


peuvent être définitives. Elles semblent relativement peu fréquentes
aujourd'hui mais furent par contre nombreuses avant la promulgation
des décrets de 1946 mettant fin notamment au travail obligatoire.
Elles consistaient alors en des départs vers les colonies britanniques
afin de fuir les contraintes de l'administration française. La limitation
110

arbitraire du canton en 1920 provoque de m~me l'abandon de leur ter-


roir par diverses familles d'agriculteurs.

Les périodes de disette entrafnent elles aussi, des déplace-


ments de population. En 1930, 250 bellëi partent vers le Nord du dé-
partement de Filingué et vers le Nigeria; en 1951, plusieurs conces-
sions appartenant pour la plupart au village de BalleyKwara, s'ins-
tallent au Kughfey dans les régions de Tarkassa et Takusa.

La mise en culture de terres dans la zone d'Abala par des bella


de l'Imannin notamment, pose le problème de la progression actuelle
des cultures vers le Nord enregistrée dans le département de Filingué.
Un danger existe en ce sens que de telles activités agricoles sont à
la merci de la moindre baisse de pluviométrie.

Elles constituent un phénomène régulier et habituel dans le


cycle économique annuel d'une grande partie de la population. Les
individus quittent le canton au début de la saison sèche qui repré-
sente pour eux une longue phase de chômage où ils sont condamnés
à l'inaction. Ils ne regagneront souvent leurs villages qu'avant les
premières pluies.

Cet exode temporaire et d'ampleur variable selon la qualité


des dernières récoltes céréalières, peut les conduire soit vers des
zone s situées en territoire nigérien, s oit vers des pays étrangers.

Les départs à l'étranger paraissent assez rares; aux réticen-


ces des bella se sont ajoutées ces dernières années les restrictions
d'entrée au Ghana. Les séjours en COte d'Ivoire, plus particulière-
ment, sont surtout le fait de la population djerma de l'Imannin. Le
chef du village djerma de Tillobi, par exemple, s'y rend chaque an-
née. L'administrateur Taillandier écrivait à ce sujet: "Les jeunes
djermas, comme tous leurs congénères, effectuent des séjours dans
les territoires du Sud, Gold Coast ou Côte d'Ivoire, mais ils revien-
nent régulièrement. Les bellas sont d'humeur moins vagabonde et {je
dépassent guère Niamey; leurs absences sont en général de courte
durée" (1953).

Une enquête statistique devra rechercher l'éventualité de des-


tinations variables selon les diverses ethnies du canton,

La plupart des déplacements saisonniers s'effectuent donc à


l'intérieur du Niger; les villes de Niamey, Madawa, Maradi et Zinder
constituent les principaux points de chute.

Il faudra déterminer ici les cla.sses d'.§ge des migrants, les


travaux souhaités et ceux effectivement accomplis, le montant des
111

salaires perçus et leur emploi (redistribution répondant à une recher-


che traditionnelle du prestige social, dépenses de caractère somp-
tuaire, paiement de l'impôt, achat de mil, investissement d'un capi-
tal que l'on fait fructifier ... ).

Ill. 5 - Le défrichement de terres sur les plateaux.

L'exode de cultivateurs vers les petites vallées entaillant les


plateaux constitue une solution purement agricole pour remédier à la
situation critique provoquée par la stérilité des terres de Dallol. Ce
transfert de population se heurte cependant à plusieurs obstacles.

Le plateau Ouest est beaucoup plus concerné par la mise en


culture de parcelles que le plateau Est, de nature identique mais
moins bien pourvu en sols sablonneux. Comme on l'a vu au début de
la première partie, ces plateaux comportent quelques espaces nus
pierreux, le reste étant recouvert par la brousse tigrée principalement
composée des espèces suivantes:
- kodogo Bauhinia reticulata
- tukkubut Combretum micranthum
- faghio Bombax buonopozense
- enelenidlil Euphorbi balsamifera
- abriklima Combretum eliott
- takaleflit Combretum beguei
- tiwilla Sclerocarya birrea
- tazzeyt Acacia senegal

Les villages et la plupart des champs sont localisés dans les


vallées; des surfaces cultivables sont disponibles, ce qui permet à
certains cultivateurs de pratiquer la jachère avant l'épuisement total
d'une terre. La qualité du sol y semble nettement supérieure que dans
. le Dallol.

Dans le rapport annuel du Ministère de l'Economie Rurale


(1969), les résultats obtenus sur les carrés de rendement du village
de Ta shi Deybanda sont bien meilleurs que ceux déjà communiqués
et concernant des villages de Dallol :
112

Parcelles Rdt/ha
l 475 kgs
2 415
3 505
4 630
5 625
6 545
7 485
8 520
9 645
10 550

Rendement moyen = 539,50 kg!ha

La présence de terrains vierges ou non cultivés depuis plu-


sieurs années ainsi que les récoltes généralement bonnes dont béné-
ficient les villages djerma incitent l'administration à préconiser l'ex-
ploitation du plateau Ouest. L'abandon de terres de Dallol qui en ré-
sulterait, favoriserait leur régénération. L'administrateur Urfer écri-
vait déjà en 1951 : "Je compte pousser au maximum l'abandon des
vieux champs et inviter les villageois les plus défavorisés à défri-
cher sur la colline Ouest et la région de Fakara autour de l'emplace-
ment du futur puits. Mais je n'ai guère d'illusions, le bouzou étant
très attaché à sa terre, même si elle ne le nourrit pas". Cette derniè-
re appréciation reflète l'attitude prédominante adoptée par la popula-
tion bella (bouzou en hausa) ; de même qu'elle quitte difficilement le
Dallol plusieurs années pour se rendre à l'étranger ou dans d'autres
régions nigériennes, de même elle montre de fortes réticences pour
s'établir sur les plateaux appartenant au canton de l'Imanntin. Des
parcelles défrichées sous la pression de la puissance coloniale ont
été depuis abandonnées.

C) l.'i.n!..ér.ê!.. illi!!i!Il~ illa..!lîle..§t.§"p~ le..§ .9~!!.v2~1E"~ e...o.!:!.rJ.~


~o..!l~_dg Ql.ê.tga..11~.

Plusieurs éléments difficilement dissociables contribuent à


expliquer un tel comportement affiché par les agriculteurs:

1) La conquête ayant porté sur le Dallol, les imajeghtin


n'occupent véritablement les plateaux qu'à l'époque coloniale. La
société twareg les a toujours envisagés comme terre étra ngère et
aujourd'hui encore, ils sont le pays des djerma, seul le Dallol étant
véritablement considéré comme le terroir des bella.

Il serait certainement intére s sant à ce propos d'a nalyser


la manière dont s'appréhendent mutuellement les diverses ethnies re-
présentées dans le canton. Pour les twareg, par exemple, les sorciers
(ikaghkawtin) sont presque toujours djerma ou hausa ; le village de
113

de Shitt en possèderait ainsi un grand nombre.

2) L'extraction de l'eau est beaucoup plus pénible que dans


le Dallol où la couche aquifère est proche. Sur le plateau, les puits
sont profonds. Selon des informations communiquées par 1'1. R. H.
(Niamey), ils atteignent par exemple les profondeurs suivantes:
- à Tillobi 21,70 m
- il. Gillekwara 37,90 m
- à Tashi Deybanda 24 m
- à Tashi Sofakwara 19,70m.

Ce travail supplémentaire semble provoquer chez les


femmes de nombreuses réticences à partir s'installer sur les hauteurs.

3) Certaines concessions bella qui avaient défriché, ces


dernières années, des terres sur le plateau Ouest, sont désormais
revenues sur leurs anciens champs de Dallol. Les cultivateurs expli-
quent ce retour par le fait que le haricot pousse mal sur les hauteurs;
lorsque la récolte de mil est mauvaise, il ne reste plus alors aucune
ressource vivrière. Dans la vallée par contre, lorsque le mil ne don-
ne pas, le haricot vient généralement bien. Un équilibre alimentaire,
bien qu'extrémement fragile et relatif, peut ainsi apparaftre. L'admi-
nistrateur Brachet (1943) rapporte qu'en 1942, par exemple, la mena-
ce de disette consécutive à une désastreuse récolte en mil est écar-
tée par d.'importantes disponibilités en haricot. Cette situation s'ex-
plique en partie par le fait que cette légumineuse se contenterait en
période de faible pluviométrie de l'humidité naturelle du sol du Dallol,
le mil réclamant par contre une humidité supérieure. La nappe aquifè-
re étant profonde sur les plateaux, le haricot n'y disposerait que
d'un taux restreint d'humidité naturelle.

Par ailleurs, l'abandon de parcelles mises en culture


sur le plateau Est à hauteur du village de Fakara, serait due à une
baisse de la pluviométrie dans cette région depuis plusieurs années.
Des concessions rattachées au village de Shiwil et installés dans la
zone de culture de GalleJeru ont regagné la vallée depuis deux ans
certaines familles bella de rami sont dans le méme cas.

III.6 - Les cultures de saison sèche

Le Dallol est parsemé de bas-fonds aux terres lourdes et


riches en limons; à l'exception des mares de Bebetinde, Tamaraberi
et Tamarakaina, ils s'assèchent rapidement à la fin de l'hivernage.
Chaque terroir villageois en possède; l'eau y est proche: à environ
50 - 70 cm de profondeur. L'exploitation des pourtours et des surfa-
ces mêmes de ces cuvettes ne soulève, semble-t-il, aucune difficul-
té. Les cultures y sont pourtant rares,
114

Le blé n'est absolument pas cultivé; seule la culture de la


calebasse apporte dans quelques villages une diversification à la
production de base reposant sur le mil et le haricot. Le sorgho, géné-
ralement semé après le premier binage, pousse dans les parties les
plus fertiles des champs, autour des puits et des mares. Sa produc-
tion est réduite ainsi que celle du manioc (rogo),

Les jardins actuellement entretenus dans le canton donnent


des résultats satisfaisant mais leur nombre est limité.

Ils sont protégés par des haies d'épineux (d'où leur nom ~
qui signifie "clôture") et les produits suivants y sont cultivés:
- dattes telazdak
- goyaves tamayak
- mangues mangur
- anones ttmakadit
- papayes tlimaJcadit-n-annlisara
- citrons lemu wandliran
- oranges lemu wamakaran
- melons elagaz
- patates douces kudliku
- tomates tomati
- piments kyimba
- canne à sucre arakJce
- menthe anaghnagh
- carotte-s
- salades

Ces cultures sont peu répandues bien que la population soit


invitée à s'y adonner. La propagande en leur faveur est notamment
réalisée par le canal des quatre écoles du canton où les élèves en-
tretiennent des jardins.

Plusieurs éléments permettent de saisir leur faible expansion:

a) Le manque d'habitude, l'ignorance des techniques cultura-


les requises. Le prix des semences et des outils entre aussi évidem-
ment, en ligne de compte. L'encadrement, la formation des cultiva-
teurs constituent ici un facteur primordial; les paroles et lointains
conseils de moniteurs d'agriculture coupés des masses paysannes
de par leur accession au statut de fonctionnaire, ne peuvent en rien
faciliter la diffusion de techniques nouve Ile s. L' introd uction de la
traction animale utilisée en Afrique du Nord et particulièrement étu-
diée par H. Raulin pourrait certainement faciliter et améliorer l'irri-
gation,

b) Les structures foncières paraissent être un frein pour la


mise en valeur des pourtours de certaines mares. Ces zones semblent
115

souvent appartenir à des concessions imajeghfin ; tel est le cas des


mares de Bebetinde et de Balley. Lorsqu'ils n'y font pas de jardins,
les imajeghfin gardent généralement ces parcelles pour eux. S'ils
les prêtent, les bénéficiaires n'ont pas l'autorisation de s'y livrer
à des activités de jardinage car il serait alors difficile pour les pro-
priétaires de les récupérer au bout de plusieurs années à des agricul-
teurs ayant obtenu sur leurs surfaces les arbres et produits déjà men-
tionnés. Des relevés fonciers complémentaires seront indispensables
pour évaluer précisément les obstacles posés par une telle forme de
propriété du sol.

c) Peu de débouchés extérieurs semblent s'offrir aux cultures


de saison sèche. Filingué constitue pour ces produits un marché li-
mité. Niamey est approvisionné par les marafchers de plus en plus
nombreux, installés sur les rives du Niger. Cependant le développe-
ment de ces façons culturales peut être envisagé dans l'optique d'une
consommation locale de la production qui fournirait ainsi un complé-
ment vivrier aux denrées de base que sont les produits d'hivernage.
Ici encore, des dispositions pratiques sont à prendre afin de favori-
ser l'adoption de nouvelles habitudes alimentaires,

III.7 - L'introduction de l'arachide

Le Service de l'Agriculture tente d'implanter la culture de


l'arachide dans la région, Face à cette tentative, la population ma-
nifeste de nombreuses réticences; seuls s'y adonnent quelques djer-
ma et ha usa ayant vécu dans des régions où cette culture industriel-
le est développée, Ces cultivateurs s'estiment satisfaits des résul-
tats obtenus; l'un d'eux ayant acheté en 1966 pour 25 Frs CFA de
graines, a recolté la même année, l'équivalent de 5 sacs vendus
800 Frs CFA chacun. Le sac qui contient 40 à 50 kg environ, atteint
souvent le prix de 1.600 Frs CFA.

La population bella refuse cependant de se consacrer à cette


nouvelle production, elle prétend ne pas en connaftre les techniques
mais craint surtout d'abandonner totalement la culture du mil et du
haricot ce qui représente à ses yeux la famine si la récolte d'arachide
est mauvaise une année, Avec les deux autres produits par contre,
le cultivateur dispose toujours d'un minimum de ressources vivrières.
Comme on l'a vu, si le mil ne donne pas, le haricot vient générale-
ment bien. Ainsi l'agent d'agriculture responsable du canton de l'Iman-
nfin n'a distribué en 1969 qu'une tonne de semences alors que son
collègue du canton djerma voisin du Tondikandya en a écoulé 15 tonnes.

Quelques bella acquièrent de l'arachide sur le marché de Bon-


kuku pour leur consommation personnelle. Elle provient surtout du
pays hausa et de la région de Fadama ; les cultivateurs l'achètent
souvent par tas de 5 Frs CFA.
116

Tout comme dans de nombreuses zones sahéliennes, l'exten-


sion d'une agriculture arachidière commerciale accélèrera certaine-
ment la pénétration de rapports de production de type capitaliste et
entravera davantage les paysans de l'Imannfin au grand commerce
international et aux fluctuations, ou plutôt à la chute, du cours mon-
dial de cette matière première. Il est loin d'être évident, en outre,
que la culture de l'arachide contribuerait fortement, comme on le pré-
tend parfois, à régénérer les sols épuisés du Dallo!.

Le caractère critique de la situation analysée au cours de


cette dernière partie se reflète dans la manière dont les jeunes appré-
hendent les activités agricoles présentées comme créatrices d'insé-
curité et de besoins non satisfaits.

Au cours d'une enquête menée dans les écoles de Bonkuku,


Diggina et Shiwil, j'ai demandé aux divers instituteurs de do;.ler à
leurs élèves des cours moyens deuxième année (moyenne d'§ge : 13 -
15 ans) une dissertation portant sur le choix de leurs activités futures,
la destination particulière de ce travail étant passée sous silence
afin de réduire la part de "tricherie".

En consultant le tableau IV, on constate qu'à une exception


près ("athlète", - idée du sport, source d'argent et de prestige so-
cial), tous les écoliers aspirent à des professions dépendant de
l'Etat. Ce choix est certainement renforcé par les fonctions importan-
tes détenues par: des personnes originaires du canton et qui y revien-
nent régulièrement. Leur richesse concrétise la vision d'un Etat dis-
pensateur de revenus réguliers et suffisants pour satisfaire un nom-
bre croissant de besoins. Le statut de fonctionnaire s'oppose ainsi
à celui de cultivateur généralement prometteur d'indigence. Les rap-
ports à l'agriculture ne sont mentionnés que trois fois par l'intermé-
diaire du métier "d'agent d'agriculture" dont les revenus dépendent
de l'Etat et non pas des activités agricoles. Le seul élève mention-
nant le travail de la terre comme métier possible, écrit à ce sujet:
"les cultivateurs cultivent le mil et le haricot mais chaque année,
il le ur manque de la nourriture".
117

Bonkuku Diggina Shiwil


Professions Total
(22 élève s) Os élèves) (10 élèves)
garçons fille s garçons filles garçons filles

Institute ur
6 4 4 2 1 17
Institutrice

Inspecteur
1 1
d' enseignem.

Médecin 3 4 2 1 10

Infirmier
4 2 3 1 10
Infirmière

Agent
dl agriculture 3 3

Ingénieur 1 1

Ambassadeur 1 1

Ministre l 1

Député l l

Pilote
l 1
d'avion

Athlète 1 1

Tableau IV
118

e ONe L us ION

Les limites inhérentes au corpus d'informations pour l'instant


disponible ont été soulignées tout au long de ce texte; les points
sur lesquels dev'ra particulièrement porter une future enquête ont été
retenus. e 'est pourquoi, après avoir proposé certaines suggestions
méth'QQologiques, je m'efforcerai de tracer au cours de ces lignes re-
vue's 'et corrigées quelques temps après la soutenance de ce mémoire,
le cadre théorique s usce ptible d'orienter le s recherches entreprise s.

Outre la poursuite du dépouillement des Archives, il est ap-


paru qu'une nouvelle approche sur le terrain doit répondre à la double
exigence suivante:
- le recueil de matériaux dans les zones d'où proviennent les
vagues miçjr~toires présentées lors de la première partie. Si tous
échanges matrimoniaux entre migrants et membres des groupes d'ori-
gine semblent généralement inexistants, des contacts ont été par
contre maintenus. Un tel élargissement spatial de l'enquête fournira
non seulement des renseignements d'ordre historique, mais permettra
peut être aussi de connaftre la situation des principaux groupements
avant leur dispersion et leur exode vers le Dallol Bosso (statut so-
cial, activités économiques, types de rapports avec les agriculteurs
sédentaires ... ), donnée qui contribuera certainement à expliquer le
processus de leur mise en relation, la nature de la trame qui les unit
et la forme prise par leur sédentarisation une fois atteint cette vallée.
Une étape importante de cette analyse consiste en l'essai de déter-
mination des systèmes de parenté et des modes de dévolution du
pouvoir politique en vigueur dans les sociétés twareg dont sont ori-
ginaires les fractions imajeghin de l'Imannin. Il est possible qu'une
telle démarche fournisse par exemple une réponse à un premier problè-
me relevé par les généalogies enregistrées au cours de ce terrain et
concernant des familles de chefferie, éléments qui n'ont point été
exploités au cours de cette phase préliminaire des travaux. Dans
l'Imannin, en effet, les droits à la chefferie sont transmis en ligne
patrilinéaire; tant que les nobles d'origine Kil Nan détiennent
l 'lfttibe 1 , il semble exister une tendance à l'épuisement des fils de
l'imnokal, le pouvoir revenant ensuite aux fils de l'afné. Par contre,
lorsqu'un amajegh Kil T~bonnint accède à la chefferie et met ainsi
fin à cette dynastie. il justifie son droit en mentionnant son appar-
tenance à la ligne matrilinéaire de l'ancien Ifmnokal. Si la causalité
119

d'une te lie rupture réside probablement dans le jeu de s contradictions


internes au système social étudié, il est cependant permis de penser
que le cadre d'analyse ici proposé peut rendre compte de cette réfé-
rence à la matrilinéarité.
- la nécessité, au niveau régional du Dallol Bosso, de con-
duire l'enqu~te au sein de toutes les populations mises en présence.
Les limites actuelles du canton de l'Imannén, conséquence de mesu-
res coercitives adoptées par l'administration coloniale, ne peuvent
évidemment circonscrire un champ de recherche bien que leur prise
en considération soit indispensable pour saisir les conditions d'exis-
tence contemporaines des populations résidant sur ce territoire admi-
nistratif. Le recueil d'informations, de traditions orales en pays
Kughfey et djerma notamment, c'est-à-dire la diversification des
sources de renseignements, constitue un atout indispensable pour
l'approche du "fait historique".

Une te lle démarche devrait contribuer d'une part, à la con-


naissance de l'histoire du peuplement du Haut Dallol Bosso, d'autre
part à l'identification des systèmes sociaux caractéristiques des
communautés d'agriculteurs sédentaires autochtones, donnée fonda-
mentale pour l'analyse de la formation économique et sociale twareg
et de son mode de conqu~te et d'articulation avec ces dernières.

La diversité, l'hétérogénéité constatées dans le peuplement


de l'Imannén empêche la réalisation d'un projet qui s'était rapidement
dessiné au début de l'enquête, à savoir l'étude du procès de séden-
tarisation d'une société de pasteurs nomades. Dans le cas des twareg
de l'Imannén, nous ne sommes pas en présence d'une société nomade
constituée et dont on espérait découvrir la génèse du passage à un
mode d'existence sédentaire. Parallèlement à une étude parcellaire
des systèmes sociaux en place au 19ème siècle dans les diverses
"tribus" d'origine des imajegh,tn de l'Imannén, il s'agira donc sur-
tout de poursuivre, parfois d'entreprendre l'analyse précise du sys-
tème des forces productives et des rapports de production en privilé-
giant dans un premier temps la période historique où l'ensemble des
groupes migratoires a atteint le Dallol Bosso. Sera ainsi posé le pro-
blème de l'identification du ou des modes de production constituant
le soubassement économique de cette société twareg. L'examen des
changements que connaissent ces dernièrs (dans la mesure où il en
existe plusieurs) aux époque s précolonia le et colonia le, recherchera
les conditions de leur reproduction et leur transformation éventuelle
en de nouveaux modes de production. Il s'agira, particulièrement,
d'analyser le degré de compatibilité d'éléments caractéristiques d'un
système pastoral avec un processus d'expansion de l'agriculture.
Certains indices ont déjà révélé que l'apparition de nouveaux rapports
de prod uction (travaux collectifs entre particuliers, sa lariat ... ) ne
pouvait ~tre expliquée qu'en tenant compte du rOle essentiel joué par
les anciens rapports internes à la formation twareg et ceux propres
120

aux sociétés agricoles kughfey et djerma.

En abordant le phénomène de la pénétration de l'économie


capitaliste, la recherche connait une nouvelle dimension; l'analyse
d'une réalité qui est apparue comme une 'structure de classes, devra
s' inscrire alors dans le cadre de la société nationa le nigérienne.

Il parart souhaitable que ce travail débouche sur une tentative


d'étude comparative avec les recherches menées au sein d'autres
sociétés twareg du Sahel (E. Bernus, 1963 - P. Bonte, 1970), démar-
che susceptible de mettre en relief des mécanismes plus profonds
de transformation des systèmes sociaux considérés.

Si la nature m~me du peuplement de l'Imannin vient d'appa-


rartre comme un obstacle au traitement d'une certaine problématique,
elle conduit directement, par contre, à rechercher le mode de forma-
tion de cette entité sociale twareg dont les diverse s composantes
sont intégrées à une unité politique dominée par un chef supérieur
détenteur du tambour de guerre. Il s'agit donc de déterminer ce que
représente cette intégration et sur quelles bases elle s'opère.

L'enqu~te en histoire du peuplement qui s'était imposée com-


me condition nécessaire et initiale à tous travaux s'efface mainte-
nant devant l'analyse des rapports de parenté, véritable clef donnant
accès à un vaste champ de recherche. N'insistant pas sur l'étude
élémentaire de l'organisation familiale (terminologie de parenté, ty-
pes de filiation, mariages préférentiels, circulation des biens ... ),
je mettrai ici l'accent sur les alliances matrimoniales entre groupes
imajeghin, phénomène déterminant, semb1e-t-il, pour la question
posée,

Les généalogies recueillies lors de ce premier seJour, témoi-


gnent d'une extr~me fréquence d'échanges matrimoniaux entre les
diverses fractions nobles; les Kil Shiwil étant cependant pratique-
ment exclus de ce procès de circulation des femmes, En dépit de tel-
les relations et à l'inverse des appréciations de nombreux adminis-
trateurs coloniaux, la catégorie dominante des martres semble peu
intégrée et loin de participer à ce "tout homogène" dont parlait
Séré de Rivières, Certains phénomènes rendent compte des rapports
de force et des tendances centrifuges manifestés au niveau de la
structure politique: stratégies conflictuelles régissant les informa-
tions d'ethno-histoire, faible centralisation semble-t-il du pouvoir
politique, puissance des chefs de groupes imajeghg'n (tambour de
guerre des Kil Koshilan, organisation des rezzous, .. ), emploi extr~­
mement rare du terme "Kil Imannin", référence habituelle au nom
de la''tribu'' d'appartenance des anc~tres migrants (Kil T~bonnint.,,)
ou à celui du village qu'ils ont fondé dans l'Imannin (Kil Jami, Kil
Koshilan, , ,), , , " Les rapports de parenté chez les imajeghg'n appa-
rartraient ainsi comme l'infrastructure sociale assurant la cohésion
121

interne indispensable à cette catégorie dans le cadre des grands


conflits armés du 19ème siècle. Ce type de guerre exige en effet
la participation de l'ensemble des nobles, association contribuant
par là même à la reproduction des unités domestiques et des fractions
nobles en tant que telles. Prolongeant cette hypothèse de recherche,
il est possible d'envisager que ce réseau de relations sociales vien-
ne renforcer au niveau idéologique la reproduction des groupes domi-
nants en conférant un caractère d'homogénéité à la représentation
que s'en font les catégories dépendantes et les communautés autochto-
nes dominées (1).

Peut-être alors, pourra-t-on déterminer la pertinence et défi-


nir le contenu de signifiants tels que tribu, ethnie, lignage ... aux-
quels ont été préférés pour l'instant, dans le cas de la société twareg
de l'Imanntin, les termes de groupe, entité ... dont la nature floue
exclut toute interprétation hative.

Paris, octobre 1971.

(1) Ce programme a reçu un début de réalisation au cours du second


séjour sur le terrain (novembre 1972 - mai 1973). Les recherches
ont principalement porté sur le processus de transformation du
système socio-économique et la parenté (recueil de généalogies
portant sur environ 600 individus identifiés). Ces travaux font
l'objet d'une thèse de doctorat de 3è cycle en cours de rédaction.
123

ANNEXE

LISTE DES tMNOKAL DE L'1MANNtN

AKIl AG AHIYA (Ktl NAN)

ALKHASAN AG AKIl
ALKHUSEYN1 AG AKIl
MOKHAMED AG ALKHUSEYN1
KAWA AG ALKHUSEYN1
ATTEWtL AG MOKHAMED
BtKK1N AG ALKHAS UM 1879 - 1888 (KtL TtBONNE'NT)
ANAR AG BE'KK1N 1888 - 1890
tNFF1lA AG Z1NGUI 1890 - 1896 (KtL JAMI)
MAZU AG tNNAB1R 1896 - 1901
AMAGERG1S AG KHUMtR 1902 - 24-8-1905 (KtL NAK1RA)
AKKOMAR AG YOGO 12-9-1905 - 1932 (KtL TtBONNE'NT)
B1ZO AG WAK1KHUN 23-2-1933 - 15-9-1952
ZOD! AG GUBEKWEY 5 jours d'investiture (KtL SHIW1L)
MUDDUR AG ZAKARA nommé le 13-10-1952 (KtL JAMI)
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
125

BI B LI 0 G RA PHI E

Abréviations

- arch.F archives de Filingué


- arch. N archives de Niamey
- BCEHSAOF Bulletin du Comité d'Etudes Historiques et
Scientifiques de l'A. O. F.
- BIFAN Bulletin de l'Institut Fondamental d'Afrique Noire
- CNRSH Centre Nigérien de Recherches en Sciences Hu-
maines
- CRDTO Centre Régional de Documentation pour la Tradition
Orale
- J.S .A. Journal de la Société de s Africaniste s.

Altinine ag Arias -
"Iwillimidan" (CNRSH, CRDTO, Niamey, 1971).

de BEAUCHENE -
"Niger 1963, recherches archéologiques" (in" Obiets et
Mondes" - T. VI, fasc. l, 1966).

BERGER (Capitaine)
Rapport du 31 janvier 1901 (Arch. N.)

BERNUS E. -
"Quelgues aspects de l'évolution des Touaregs de l'Ouest"
(Etudes Nigériennes nO 9, Niamey, 1963).
"Récits historiques de l'Azawagh. Traditions des Iullemeden
Kel Dinnik" (ln "BIFAN" t. XXX, II, série B, nO 2, 1970).
126

BONTE P. -
"L'élevage et le commerce du bétail dans l'Ader Doutchi-Majya"
(Etudes nigériennes, nO 23, 1968),
"Production et Echanges chez les twareg Ke1 Gress du Niger"
(thèse de doctorat de 3ème cycle - Paris - Faculté des Lettres,
juin 1970),

BOUBOU HAMA -
a) "Recherches sur l'histoire des Twareg sahariens et souda-
nais" (Présence africaine - Paris, 1967),
b) "Histoire traditionnelle des Peul du Dallo1 Boboye" (sans
date - à paranre aux "Etudes Nigériennes").

BRACHET -
"Monographie du 28 février 1943" (arch. F).
"Carnet monographique de Filingué" (arch. F).

BROUIN -
Rapport de tournée - 1933 (arch. N).

CHATELAIN -
"L'exode djerma de l'And jarou vers le Dallo1 Bosso le Djigui
et le Fakara" (in BCEHSAOF, 1921, PP. 273-279).

CORNU (Capitaine) -
"Notes sur Filingué" 3 septembre 1901 (arch. F).

CROCICCHIA -
Rapport de septembre 1921 (arch. F).

DUPIRE M. -
"Les facteurs humains de l'économie pasto1a1e" ("Etudes
Nigériennes" - nO 6 - 1962, nouv. ed. 1973).

ECHARD N. -
"Histoire du peuplement: les traditions orales d'un village
sudye, Shat - Filingué, République du Niger" (in~. -
XXXIV, 1, 1969, pp. 57-77).

GAMORY-DUBOURDEAU -
"Etude sur la création des cantons de sédentarisation dans
le cercle de Zinder" (in BCEHSAOF, 1924, pp. 239-258).
127

MARX K. -
"Introduction à la critique de l'économie politique" (Editions
sociales, 1972).

MERCIER P. -
"Tradition, changement, histoire. Les Somba du Dahomey
septentrional" (Anthropos. 1968).

MONOD J. -
"Un riche cannibale" (in "Les temps modernes" - décembre-
janvier 1970-1971 - nO 293-294, PP. 1061-1120).

"Monographie du cercle de Niamey" 1955.


Subdivisions de Filingué, Say, centrale de NiameY/Boboye,
(ex. Margou) - (arch. N.).

NICOlAISEN J. -
"Structures politiques et sociales des Twareg de l'Air et de
l'Ahaggar" (Etudes Nigériennes, nO 7, 1962, traduction Bernus).

NIC OlAS F. -
"Tamesna" (Paris - Imprimerie nationale, 1950).

PEIGNŒ (Lieutenant) -
Rapport du 3 décembre 1907 (archives personnelles de R. Dutel).

PERIE J. & SELLIER M. -


"Histoire des populations du cercle de Dosso" (in BIFAN, 1950)

PIAULT M.H. -
"Populations de l'Arewa, introduction à une étude régionale"
'Etudes nigériennes nO 13, 1964).

PlANHOL X. de -
"Les fondements géographiques de l'histoire de l'Islam"
(Paris, Flammarion, 1968).

Rapport administratif anonyme -


(1942 ou 1943 - arch. F).

RAULIN H. -
"Techniques et bases socio-économiques des sociétés rurales
nigériennes" (Etudes Nigériennes, nO 12, 1963).
128

RAULIN H. & ECHARD N. -


"Mission Ader Doutchi - Majya - 1965" (IFAN CNRS).

RENAUD (Lieutenant) -
"Etude sur l'évolution des Kel Gress vers la sédentarisation"
(in BCEHSAOF, 1922).

"Report on the Niger water resources survey"


(Aero Service Corporation - Division of Litton industries -
Philade lphia, l 967) .

ROBIN J. -
"Notes sur les premières populations de la région de Dosso"
(in BCEHSAOr. 1939, PP. 401-402),
"Description de la province de Dosso" (in BCEHSAOF, 1947,
pp. 56-98),

SALOMON H. -
"Notice sur le cercle du Djerma et historique du cercle",
1903 - (archive s pers onne Ile s de R. DUTEL).

SAPIR -
Article in "Tournai of Abnormal and Social Psychology" , 27,
1932 (traduit in "Anthropologie", 2è édition, Paris, 1971,
collection "Points").

SELLIER M. -
"Note sur l'histoire et le peuplement du cercle de Niamey"
(arch. F).

SERE de RIVIERES E, -
"Rapport de tournée d'ensemble - canton du Tagazar, avril-
aoQt 1944" (archives personnelles de R. Dutell.
"Histoire du Niger" (Paris, 1965).

SOGETHA -
"Etude hydrogéologique du Dallol Bosso" (1963).

TAILLANDIER D. -
Rapport du 22 septembre 1952 (arch. F),
Rapport sur le recensement du canton de l'Imanan -décembre
1953 (arch. N).
129

URFER P. -
a) rapport d'aoQt 1950 (arch. F.).
b) rapport du 4 septembre 1950 (arch. F.).
c) Télégramme lettre du 24 juillet 1950 (arch. F).

URVOY -
"Histoire des populations du Soudan Central (Colonie du Ni-
ger)" (Paris - Larose - 1936).
131

INDEX DES NOMS DE PERSONNES

Abarad 37 Bolkha 57
Abbey 23, 57 Bonte 49, 55, 93, 120
Abugheydeta 30 Boubou Hama 27, 28, 29, 39, 58
Abulkhasan 30 BoudaI Inchilkim
Aburbur (Abourbour, (Budal) 24
Burbuch) 27, 28 Boukar Yolombi 38
Addibis 14, 25, 30, 35, 48, 56, Bowaji 29, 30
57 Brachet Il, 12, 14, 15, 24, 35,
Ag;g;akhmed 30, 33, 35 53, 82, 113
Ahiya (Aya) 14, 15, 39 Brou in 16
Ahmadu Cheiku Bukar 20, 21
(Amadou Seikou) 57, 58
Ahmadou El K ass 38 Chatelain 38
Alh (Agaysha) 32, 33 Chinna 30
CressweH 3
Akli 13, 14, 15, 18, 20, 22, Crocicchia 14, 18, 83
23, 25, 26, 31, 33
Albad;ri (Albadari, Dagoje 19
Aldabari) 25, 26, 27 Dambo 17
Ali Bori 57, 58 Damou 27
Ali Seydi 26, 39 o arham an 23
Alghoumar ag Erkabi Debbakar 36
ag Moussa 12 Dupire 97, lOI, 105
Alkhuseyni 13, 15, 23, 54 Dutel 13, 39
Al Rhaji (voir Akli) 14, 15
Altinine ag Arias 26, 36, 39 Echard 16, 17, 19, 20, 21, 22,
Anesloum (voir 31, 101
Ansulum) 33 El Hadj Omar 57
Ansulum 31 Elinsar 26
Asaaba 16 Enjer 26
Assafar 30, 35
Attaferich 13 Farfarou 102
Attaouari (s) 13 Fighun (Firhun,
Az;m zim 35 Fihirun) 18, 26, 63, 79, 88
Fokara 35
Bagar 17 Furantshire 98, 104
Be auchene (de) 16
B;kkin 26, 27, 29, 37, 48, 53, Gado 17
55, 62, 97 Gado Mayaki 57
BeHo 53 Garasa 23
Berger 38 Gelanl 12, 13, 23, 24
Bemus 2, 48, 120 Geza lOI, 102, 104
Bizo 26, 59, 60, 62 Gije 19
132

Gorgabe 84, 98, 104, 105 K;l Telateyt 98


Gumbi 57 K;l Windi 20, 23, 25, 27, 60, 83
Guyon-Vernier 23 Khadija 26
Khaiman 35
Hawa 14, 15, 18, 20, 22 Khamad;lkhaji
(Mohamed El Hadj (i» 30, 31, 32, 33
lb ag arg aren 98 Kimba 17
Ibahaw;n 98 Kisa 17
lbogholliten 9, 37, 98 Kubawa 53
Ibrah 24
Ibrahime 50ko 13 Lantagundi 53
ldaksahak 98 Laya 2
ldd;r 29 Lisawan (Lissaouanes)21, 23, 24, 25, 40
ldiggini 29, 37 Logomaten 33
ldogeriten 98 Loppinot (de) 17
Idris 13, 14, 15
1geresuen 98 Malam Ahmadou
19heulen 37 Ben Dtechouko 13
19inlaz;n 29, 37, 38 Mamanjabo 30
lmareyen (lmarehen) 31, 32, 33, 40 Manu (Manou) 27
lmizkikian 40 Marx 41
lmmeyda (Amayda, Mazu 28, 56, 57
Mayda) 14, 15, 18, 20 Mercier 3, 5, 40
lndeliman 31 Mizza 35
lnfill 27 Mohamed ag El
lnnaberk 27 Kumati (Mokhamed
lsa Modi Koronbeyzi Alkumeti) 48
(lsa Korombe) 53, 56, 58 Mohamed lkna
lshahad;naran 98 (Mahamadi lkna) 31, 32, 33
1ssakaran a 35 Mourlouf (Mougrouf,
lullemmeden Mogrouf) 32, 33
(Oullimeden, Oulli- Muddur ag Zakara 2, 15, 26, 82
miden, Oulimiden, Musa ag Bedal
Oulliminden) 12, 13, 24, 25, 26, 27, (Moussa ag BoudaI) 24, 48
32, 33
Namelaya 57
Kaocen 12 Nicolal~en 51
Kare Kare 23 Nicolas 12, 17, 39, 48
Kawa ag Akli 27, 55
K;l Ahaggar 1, 51 Peignot 13
K;l Attaram 13, 18, 29 Périé 16, 21
K;l Balley 30 Piault 19
K;l Bonkuku 27
K;l Dinnik 12, 23, 48 Quillichini 54
K;l Es 5uk (5ouk) 22, 28, 30, 31, 33, 35,
40, 46, 97, 99 Raulin 67, 73, 101, 105, 114
K;l Gres. 24, 25, 29, 49, 55, 56, Robin 16
97 Rouch 67
K;l Jami 27, 28, 29, 89, 120
K;l Koshilan 23, 35, 62, 120 5abla (5alba) 31, 32
K;l Nan (Han) 12, 13, 14, 17, 18, 19, 5alomon 18
20, 21, 23, 27, 33, 39, 5amna Karfe 53
40, 60, 118 5apir 40
K;15hiwil 29, 30, 120 5ellier 16
K;l Tageyt 23 5éré de Rivières 16, 32, 40, 120
K;l Tarbent 98
133

Tab;hu 98 Usman Dan Fodio 28


Taghbenasa 98
Tahabanet 98 Waza 29, 30
Taillandier 11, 14, 22, 88, 89, Waza Waza 29
93, 110
Tem;zggida 98 Zabbat 27
Zahid (Zait) 31, 32, 33
Urier 11, 15, 59, 93, 112 Zakara ag Barghaji 28, 37, 38, 57
Urvoy 12, 23, 24 Zangui 27
134

INDEX DES NOMS DE LIEUX

Les noms ''Bonkuku'' (Bonkoukou), "Imann~n" (Imanan), "Kughfey" (Kourfey) et "Dallol Bosso",
souvent cités dans le texte, ne sont pas ici répertoriés.

Abala 37, 97 B~mibayaro 30


Ader 12, 13, 17, 18, 23, 24, Bilma 56
25, 83, 97, 109 Bimi n'Ader 13
Aderanbukan (Ade- Bimin' Bairo 21
ramboukan) 31 Boseyj/n 86
Agouloum Toudou 24 Bouza 83
Ahaggar 99 Bumba 21
Ahara 25, 99
Ahzar 99 Chokit 17
Almadinet 30 COte d'Ivoire 110
Amadror l, 99
Amander 13 Dahomey 109
Amsaghal Balley Dakfao (Dacfao) 13, 14, 15, 17, 19, 27,
(Amassaral) 62, 84, 85, 92 35, 55, 60, 81, 84, 85,
Amsaghal Twareg 87, 92, 108
(Amassaral) 35, 62, 73, 84, 85, 92 Damana 19, 20
Arewa 28, 29 Danfam 17
Aybachi 19, 29, 60 Daura 19
Ayj/r (AD-) 21, 24, 29, 48 Diggina 11, 29, 35, 37, 38, 50,
Ayorou 31 62, 66, 73, 80, 84, 88,
Azanghawelen 31 92, 116
Azawagh (Azawar, Djermaganda 82
Azawa, Azawak) 9, 25, 31, 32, 33, 35, Dogondoutchi 57
48, 99 Dogongao 37
Azel 13 Dosso 13, 20, 28, 53, 57
Dunday 28
Bagare 30, 31 Dunga 31
Bagga (Baga) 14, 16, 17
Baleyara 104, 109 Eghru (Ercrou) 61, 62, 73, 84, 85, 87
Balley (Baley) 62, 66, 83, 84, 85, 87, llsuk (Assouk) 30, 31
115 Ezac 13
Balleykwara (Belak-
wara) 47, 61, 84, 96, 108, Fachi 56
109, 110 Fadama 115
Bambey 17 Fakara 84, 112, 113
Banizoumbou 33 Fandara 62, 73, 84, 87, 88, 92,
Barmou 12 108
Bebetinde 25, 26, 38, 100, 113, Fariya (Faria) 20, 23
115 Faska Matsafa 17
135

Filingue (Filingi) 1, 2, 4, 11, 13, 17, La Mecque 30, 31


19, 26, 57, 58, 88, Ltlbangu 25, 26
97, 99, 109, 110, 115 Lellongo 17
Fogha 99 Liptako 28
Follakam 29 Loga 20, 75
Funkuy 17 Loki 23, 47, 61, 62, 73, 84,
85, 87, 92
Gagare 38 Lugu 19
G aghbeyfandu 29 Luma 16
Galleferu 113
Gamomo 20 Madawa (Madaoua) 110
Gando 28 Mali 31, 35
Gandou 55 Maradi 110
Gao 17, 97, 107 Maraku 29
Gao 35 Margu 84
Gao Aljenna (Aljena) 37, 38, 61, 66, 84 Mbama 33
Ghana 110 Medine 31
G illekw ara 113 Menaka 13, 28, 35, 83, 97
Goberi 20 MiSf!ra 30
Guiddan Bado 18 Moni 99

Ibogholliten Nakira 25
(Ibogaliten) 37, 61, 66, 84 Ntlsarata 30
IIleIa 29 Niamey l, 2, 4, 11, 13, 23, 82,
In Attis (!nattes) 61, 84 88, 106, 110, 113, 115
!nburian 35 Nigeria 30, 82, 104, 110
!nttlkoret 99
Inwutalagadin 26 Ogga 33, 98, lOI, 104
Itshigin (Itchigin,
Itshigil) 16, 54, 55, 57, 58 Parakou 109

Jami (Djami) 27, 29, 31, 33, 50, 60, Sansani (Sansane) 31
62, 73, 84, 87, 113 Sarga 38
Say 28, 30
Kalfu 17 Sénégal 57
Kalgo 17 Shtltt (Shatt, Satt,
Kanya 107 Chatt, Cheutt, Chett,
Kao 31 Chap) 13, 14, 15, 16, 17, 18,
Kaolack 99 19, 20, 21, 22, 25, 31,
Karma 31 33, 60, 107, 113
Ktl bbi 53 ShikaI (Chikal,
Keita 24 Tchikal) 54, 56, 57, 58
Kessau 25 Shiwil (Chiwil,
Ketshena 30 lchiwil) 29, 30, 60, 73, 80, 83,
Khaybara 36 84, 85, 92, 113, 116
Kofuno (Kofouno) 62, 84, 108 Sigiradu (Sigaradu) 38, 61, 73, 84, 85, 87,
Kogori 33 92
Koshilan Balley Sokoto 24, 28, 30, 57
(Kossilane) 61, 84, 85, 92, 106
Koshilan Twareg Tabla 31, 32, 33
(Kossilane) 23, 38, 47, 52, 60, 61, Tahoua (Tawa) 17, 18, 24, 25, 30, 31,
80, 84, 85, 92, 106 37, 97
Kutubi 17 Takanammat 17
Kwarttlgi (Kwartagi) 61, 85 Takusa 110
Talekya 54
Lakatan 62, 66, 73, 84, 85, 108 Tamaraberi 100, 113
136

Tamarakaina 100, 113


Tamaske 25
Tampkala 28
Tanki 19
Taodeni 99
Tarkassa 110
Tashi Deybanda 65, 111, 113
Tashi Sofakwara 65, 113
Tchinnahar 17
T;dghaq 14, 15, 19, 50, 97
Teggida n' Tessoum
(Tesemt) 99
T;ghaz;rt (Tagazar,
Tagaxza) li, 30, 31, 33, 35, 38,
47, 48, 51, 53, 58, 83,
99
Tiggert 12
Tillobi (Tilobi) 65, 73, 92, 110, 113
Tilluwa (Touloua) 61, 84, 106
Tint;rka 31
Tiwilla (Tuila) 61, 84, 106
Tlemcès 12, 37
Tokane 55
Tonbo (Tombo) 17, 55
Tondi Aru 18
Tondikandya
(Tondikandia) 11, 23, 33, 54, 82, 105,
115
Tondikire (Tondikare) 32, 33
Tondi Wey 16, 18, 20
Torodi 28
Tuddu 25
Tunbul 30
Tunfaliz (Tounfaliz,
Tmmfalis) 57, 58

Wagani 104
Winditen 31, 32, 33

Yeda 104
Yeni 20

Zinder 110
137

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Carte l
Carte II P. 8
Généalogie Kil Es Suk P. 34
Photos 1, 2, 3, 4 PP. 22-23
Tableau l P. 68-69-70
Tableau II p. 91
Photos 5, 6 PP. 96-97
Marques de chameaux utilisés dans
l'Imannrin p. 99
Tableau III P. 103
Tabléau IV P. 117
139

TABLE DES MATIERES

Avant-Propos 1

Première Partie: HISTOIRE DU PEUPLEMENT 7

1 - Données préalables 9
Il - Morpho-pédologie 9
1 - Pluviométrie 10
2
1 - Démographie 10
3
II - Origines et migrations 12
III - Les Ktil Nan 12
11 - Les KtilKoshilan 23
2
11 - Les Lisawan 23
3
II 4 - Le s Ktil Ttibonntint 25
Ils - Les Ktil Jami 27
II - Les Ktil Shiwil 29
6
11 - Groupes maraboutiques et forgerons 30
7
Ils - Autres migrations 36

III - Perspectives de recherche 37

Deuxième Partie: L'ORGANISATION SOCIALE DE lA


PRODUCTION 43

1 - Nomenclature des groupes sociaux 45


Il - Les groupes "martres" 45
1 - Les groupes "dépendants" 46
2
II - Les groupes sociaux dans les rapports de
production 49
140

III - Période pré-coloniale 49


A. Contenu des rapports de type escla-
vagiste 49
B. Contenu des rapports de type tributaire 52
II 2 - Incidence s de la colonisation 56
A. Disparition des anciennes sources de
biens 56
B. Transformation des liens de dépen-
dance 58
C. Nouvelles formes d'occupation du sol 59
II - Situation contemporaine 62
3
A. Les vestiges des anciens liens de dé-
pendance 67
B. La formation de rapports nouveaux 65
C. Le travail sa larié 73

Troisième Partie: L'AGRICULTURE DANS LA VIE ECONO-


MIQUE 77

l - Le cadre agricole 79
Il - Possession et distribution des terres 79
. A. Cas d'une concession modeste 80
B. Cas d'une concession aisée 80
C. Pr~t pour lequel n'est exigé qu'une
légère redevance en mil et/ou en
argent 81
D. Le système de location 82
1 - Terroir et prod uction 83
2
II - Sédentarisation humaine et transhumance
du bétail 89
III - Le système de fumure 89
A. La fumure humaine 89
B. L'association du bétail aux travaux
agricoles 93
II - Conditions contemporaines d'existence
2
des groupes peul de l'Imannin 102

III - Transformation et diversification des activi-


tés économiques 105
III - L'emploi sur les champs appartenant
I
à des concessions aisées 105
141

1H - L'artisanat 106
Z
III - Les activités annexes 107
3
III - Les mouvements de population 109
4
III - Le défrichement de terres sur les plateaux III
5
III - Les cultures de saison sèche 113
6
III - L'introduction de l'arachide 115
7

CONCLUSION 118
ANNEXE lZ3
BIBUOGRAPHIE lZ5
INDEX DES NOMS DE PERSONNES 131
INDEX DES NOMS DE UEUX 134
TABLE DES ILLUSTRATIONS 137
TABLE DES MATIE RES 139
143

COLLECTION DES ETUDES NIGERIENNES

1 - In Memoriam Charles Le Coeur (épuisé)

Z - Y. URVOY
L'art dans le territoire du Niger (épuisé)

3 - M. DUPIRE
La place du commerce et des marchés dans
l'économie des Bororos (épuisé)

4 - S. VIANES-BERNUS
Mouvements de marchandises au Ghana (épuisé)

5 - H. RAULIN
Rapport provisoire mission 1961 (épuisé)

6 - M. DUPIRE
Les facteurs humains de l'économie pastorale (épuisé)

7 - 1. NIC OLAISEN
Structures politiques et sociales des Touaregs
de l'Ait et de l'Ahaggar (épuisé)

8 - G. NICOlAS
Notes ethnographiques sur le terroir, l'agriculture et
l'élevage dans la vallée de Maradi.

9 - E. BERNUS
Quelques aspects de l'évolution des Touaregs de
l'Ouest. (épuisé)

10 - C. PIAULT
Contribution à l'étude de la vie quotidienne de la
femme Maouri, nouvelle édition, revue et augmentée.

11 - S. BERNUS
Niamey. population et habitat.
144

12 - H. RAULIN
Techniques et bases socio-économiques des sociétés
rurales du Niger Occidental et Central.

13 - M. H. PIAULT
Populations de l'Arewa. Introduction à une étude régiona le.

14 - H. RAULIN
Enquête socio-économique rurale 1961-63 (épuisé)

15 - N. ECHARD
Etude socio-économique dans les vallées
de l'Ader Doutchi- Majya (épuisé)

16 - G. MAINET et G. NICOlAS
La vallée du Gulbi de Maradi.

17 - P. DAVID
La Geste du Grand K'Aura Assao. (épuisé)

18 - P. DAVID
Maradi, l'ancien état et l'ancienne ville.
Site, population, histoire. (épuisé)

19 - R. ROC HETTE, J. D. GRON OFF , F. MASSEPORT,


A. VAlANCar
Doumega, Dioundiou, Kawara Débé villages des
Da llols Maouri et Fogha .

20 - J. P. OLIVIER de SARDAN
Les Wogos du Niger.

21 - J. NICOlAS
"Les juments des Dieux". Rites de possession et
condition féminine en pays Ha usa.

22 - H. DOUMESCHE, G. NICOlAS, Maman dan MOUCHE


Etude socio-économique de deux villages Hausa.

23 - P. BONTE
L'élevage et le commerce du bétail dans l'Ader
Doutchi-Majya.

24 - D. LAYA
Recherche et développement. Le projet de mise en
valeur des cuvettes de Kutukalé et Karma, en pays
Songhay.
145

25 - J. P. OLIVIER de SARDAN
Les voleurs d'hommes, (notes sur l'histoire des Kurtey)

26 - C. RAYNAUT
Quelques données de l'horticulture dans la Vallée de Maradi,

27 - A. SALIFOU
Le Damagaram ou Sultanat de Zinder au XIXè siècle, 1971,

28 - S. BERNUS
H. Barth chez les Touaregs de l'Ait. 1972.

29 - C, BAROIN
Marques de bétail chez les Daza et les Azza du Niger, 1973.

30 - B. SURUGUE
Contribution à l'étude de la musique sacrée Zarma-Songhay,
1972.

31 - S. et E. BER NUS
Du sel et des dattes, 1973.

32 - Y. PONCET
Cartes ethno-démographiques du Niger, 1973,

33 - A. SALIFOU
Kaoussan ou la Révolte Sénoussiste, 1973

34 - M. SIDIKOU
Sédentarité et Mobilité entre Niger et Zgaret, 1973

Toute la correspondance concernant les Etudes Nigériennes


doit être adressée à :
Mme S. BERNUS - Laboratoire d'Anthropologie Sociale,
Collège de France, Il place Marcelin Berthelot
75231 PARIS Cedex 05.
Achevé d'imprimer
sur les presses de COPEDITH
40 rue Amelot 75011 Paris

Dépôt légal 3ème trimestre 1974

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