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FONDATION POUR L’EDUCATION RESEAU LIBRE SAVOIR

COURS DE VACANCES EDITION 2023


COORDONATEUR NATIONAL / MONSIEUR NDOUR
TEL : 77-621-80-97 / 77-993-41-41

METHODOLOGIE DE L’EXPLICATION DE TEXTE


PHILOSOPHIQUE
INTRODUCTION GENERALE
L’explication de texte philosophique comprend trois parties : une introduction, un développement
et une conclusion.
INTRODUCTION
Présentation du texte
De qui est le texte ?
De quel ouvrage est-il tiré ?
De quoi traite celui-ci ?
Sont les questions principales auxquelles vous devez répondre en premier lieu.
Ex : Le texte que nous nous proposons d’étudier est extrait du Phédon de Platon, dans lequel
l’auteur démontre et dénonce la servitude de l’homme vis-à-vis de son corps
Etablissement de la problématique
A présent vous devez expliquer l’intérêt original du texte lui-même, c’est-à-dire en quoi il répond à
un problème déterminé.
Ex : Cependant à travers ce passage, c’est en fait le problème de la difficulté de l’âme d’accéder au
vrai ou à l’Etre, et, éventuellement, le moyen d’y échapper qui est posé.
Annonce du développement
Evidemment vous n’avez pas besoin ici d’annoncer rigoureusement le plan de la première partie de
votre développement puisque vous aller tout bonnement suivre celui de l’auteur. Cependant, cela ne
nous dispense pas de faire une phrase de transition, qui annonce le passage à cette première partie,
et surtout d’annoncer le problème que vous allez étudier dans la première partie.
Ex : C’est ce que nous allons tenter de comprendre à travers l’analyse de ce texte que nous
chercherons par la suite à interroger sur ses origines, son contenu et sa portée.
DEVELOPPEMENT : PARTIE I
Repérer la structure du texte
Votre plan doit suivre précisément celui de l’auteur étudié. Vous devez donc opérer un découpage
soigneux du texte, en vous aidant de tous les mots de liaisons, et particulièrement de ceux qui
pourraient témoigner d’une rupture avec ce qui a été dit précédemment : Mais, cependant, pourtant,
néanmoins, par contre etc.…
Le passage que vous avez à souligner possède un commencement, une construction et une fin dont
vous devez témoigner dans votre devoir. Il réclame à ce titre une attitude comparable à celle du
biologiste qui s’apprête à disséquer un organisme pour en rechercher les principaux éléments ainsi
que leurs rapports.
BACCALAUREAT SESSION 2023
DOCUMENT CONFECTIONNE PAR MONSIEUR NDOUR / TEL. 77-621-80-97 / 77-993-41-41
Procéder à son étude ordonnée
Une fois ce repérage effectué, vous pouvez commencer à vous atteler à l’étude proprement dite du
texte. Mais attention, dégager l’intérêt philosophique du texte, ce n’est ni le résumer, ni le
paraphraser, ni étaler tout ce que vous savez sur la vie ou sur la doctrine de son auteur. Vous devez
étudier le texte pour ce qu’il vous livre de lui-même, en lui collant au plus prés , et en gardant
toujours à l’esprit qu’il désire résoudre un problème philosophique précis. Quel est ce problème et
comment le texte y répond-il ? Sont les deux questions auxquelles vous devez impérativement avoir
répondu avant de procéder à une analyse détaillée. Cette étude revient à repérer chaque unité de
sens que l’on a précédemment isolée. Vous devez rendre pleinement le sens du texte, en expliquant
les concepts utilisés, en développent les idées essentielles de l’auteur, aussi bien exprimées
qu’implicites, et en vous gardant de toute interprétation personnelle. Le texte que vous avez à
étudier n’est ni une poésie, ni un roman, et votre subjectivité doit être exclue de votre travail. De
même, ne cherchez pas à éclairer la pensée de l’auteur concerné par d’autres philosophes : le texte
doit se comprendre par lui-même, car il se suffit à lui-même.
DEVELOPPEMENT : PARTIE II
Dégagez l’intérêt philosophique :
Le texte que vous venez de disséquer comporte un intérêt essentiel. A vous de vous en emparer
(mais justifiez le) afin de le développer sur le mode d’une mini-dissertation, n’hésitez pas à
critiquer le passage qui se trouve sous vos yeux, sans pour autant affirmer qu’il est tout à fait
débile. Aidez-vous pour cela des auteurs qui ont émis un avis contraire au sien sans pour autant les
caricaturer ou les parodier. C’est votre avis qui compte, et Descartes ou Platon ne sont que des
outils à votre disposition pour faire valoir votre position. Le piège à éviter absolument est donc de
faire un devoir sur le thème : « Rousseau a dit ceci, Hobbes cela et Kant autre chose », car votre
professeur le sait encore mieux que vous. Ce qui l’intéresse, ce n’est donc pas uniquement votre
culture, mais la manière dont vous savez l’utiliser, pour étoffer votre conviction propre.
NB : Il se peut que vous soyez d’accord avec l’auteur du texte : ne paniquez pas.
1-) Mettez au contraire en valeur son judicieux raisonnement, rn démontrant que tous ses
adversaires ont de faux arguments (sans pour autant les dévaloriser).
2-) Etayez son raisonnement par d’autres démonstrations philosophiques, qui partagent son point de
vue.
CONCLUSION
A présent, vous devez rappeler la question fondamentale du texte, c’est-à-dire sa problématique.
Ceci fait, vous pouvez récapituler :
1-) Les étapes décisives du raisonnement de l’auteur et sa conclusion.
2-) Le thème essentiel qui, d’après vous, s’en dégage.
3-) Les critiques ou objections que vous avez pu formuler à l’encontre du texte ou,au contraire,
l’affinement de cette pertinente théorie.
4-) Les propositions de remplacement ou la confirmation des thèses du texte que vous avez
énoncées, à l’aide d’auteurs qui abondent dans votre sens.

BACCALAUREAT SESSION 2023


DOCUMENT CONFECTIONNE PAR MONSIEUR NDOUR / TEL. 77-621-80-97 / 77-993-41-41
DOMAINE 1 : SERIE DE TEXTES PHILOSOPHIQUES

TEXTE N° 1
Socrate n’enseigne pas, car il ne sait pas. Il ne possède pas la vérité. Celle-ci n’entend pas un savoir transmissible ;
mais il démolit les fausses certitudes, de qui croit savoir et la rend ainsi disponible à la recherche, le
questionnement, la réflexion. Mais c’est aussi le priver en quelque sorte des bénéfices secondaires de sa maladie
ignorante d’elle-même, la tranquille souffrance de qui croit savoir, le conformisme secourable. Le conformisme ne
cherche plus car il croit savoir ce qu’il en est et ce qu’il faut. Seul celui qui sait ne pas savoir sait.
Vladimir GRIGORIEF, Philo de base
…………………………………………………………………………………………..……………………………..
TEXTE N° 2
Le mot grec « Philosophe » désigne celui qui aime le savoir, par différence avec celui qui, possédant le savoir, se
nomme savant. L’essence de la philosophie, c’est la recherche de la vérité non sa possession, même si elle se trahit
elle-même, comme il arrive souvent jusqu’ à dégénérer en dogmatisme, en un savoir mis en formule, définitif,
complet, transmissible par l’enseignement. Faire de la philosophie c’est être en route, les questions en philosophie
sont plus essentielles que les réponses, et chaque réponse devient une nouvelle question.
Karl JASPERS, Introduction à la philosophie
…………………………………………………………………………………………………..……………………..
TEXTE N° 3
Où commence la philosophie ? Il y a deux façons d’entendre la question. On peut se demander d’abord où situer les
frontières de la philosophie, les marges qui la séparent de ce qui n’est pas encore ou pas tout à fait elle. On peut se
demander ensuite où est-elle apparue pour la première fois, en quel lieu elle a surgi et pourquoi là plutôt qu’ailleurs.
Question d’identité, question d’origine, liées l’une à l’autre, inséparables même si en trop bonne, en trop simple
logique, la seconde semble supposer déjà résolue la première. On dira : pour établir la date et le lieu de naissance de
la philosophie, encore faut-il connaitre qui elle est, posséder sa définition afin de la distinguer des formes de pensée
non philosophiques ? Mais, à l’inverse, qui ne voit qu’on ne saurait définir la philosophie dans l’abstrait comme si
elle était une essence éternelle ? Pour savoir ce qu’elle est, il faut examiner les conditions de sa venue au monde,
suivre le mouvement par lequel elle s’est historiquement constituée, lorsque l’horizon de la culture grecque, posant
des problèmes neufs et élaborant des outils mentaux qu’exigeait leur solution, elle a ouvert un domaine de réflexion,
tracé un espace de savoir qui n’existerait pas auparavant, où elle s’est elle-même établie pour en explorer
systématiquement les dimensions. C’est à travers l’élaboration d’une forme de rationalité et d’un type de discours
jusqu’alors inconnus que la pratique philosophique et le personnage du philosophe émergent, acquièrent leur statut
propre, se démarquent, sur le plan social et intellectuel, des activités de métier comme des fonctions politiques ou
religieuses en place dans la cité, inaugurant une tradition intellectuelle originale qui en dépit de toutes les
transformations qu’elle a connues, n’a jamais cessé de s’enraciner dans ses origines.
Jean-Pierre VERNANT, In philosopher
…………………………………………………………………………………………..……………………………..
TEXTE N° 4
La valeur de la philosophie doit être cherchée pour une bonne part dans son incertitude même. Celui qui n’a aucune
teinture de philosophie traverse l’existence, emprisonné dans les préjugés qui lui viennent du sens commun, des
croyances habituelles à son temps et son pays et des convictions qui se sont développées en lui sans la coopération
ni le consentement de sa raison. Pour un tel individu, le monde est sujet à paraitre précis, fini, évident, les objets
habituels ne lui posent aucune question et les possibilités non familières sont dédaigneusement rejetées. Dès que
nous commençons à philosopher, au contraire, nous trouvons que même les choses les plus ordinaires de la vie
quotidienne conduisent à des problèmes auxquels nous ne pouvons que donner des réponses très incomplètes. La
philosophie, bien qu’elle ne soit en mesure de nous dire avec certitude quelle est la vraie réponse aux doutes qu’elle
élève, peut néanmoins suggérer diverses possibilités qui élargissent le champ de nos pensées et les délivre de la
tyrannie de la coutume. Tout en diminuant notre certitude à l’égard de ce que sont les choses, elle augmente
beaucoup notre connaissance à l’égard de ce qu’elles peuvent être : elle repousse le dogmatisme quelque peu
arrogant de ceux qui n’ont jamais pénétré dans la région du doute libérateur et garde vivace notre sens de
l’étonnement en nous montrant des choses familières sous un aspect non familier.
Bertrand RUSSEL Problème de la philosophie
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TEXTE N° 5
C’est, en effet, l’étonnement qui poussa, comme aujourd’hui, les premiers penseurs aux spéculations
philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l’esprit ; puis,
s’avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes
de la Lune, ceux du soleil et des Etoiles, enfin la genèse de l’Univers. Or apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est
reconnaitre sa propre ignorance ‘c’est pourquoi même l’amour des mythes est, en quelque manière amour de la
sagesse, car le mythe est un assemblage de merveilleux). Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l’ignorance que
les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c’est qu’évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la
seule connaissance et non pour une fin utilitaire. Et ce qui s’est passé en réalité en fournit la preuve : presque toutes
les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction quand on
commença à rechercher une discipline de ce genre.
ARISTOTE, Métaphysique
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TEXTE N° 6
Quelles sont les origines de la philosophie. La philosophie a-t-elle débuté au VI ème siècle, dans les cités ioniennes,
comme l’admet une tradition qui remonte, ou a-t-elle une origine plus ancienne soit dans les pays grecs, soit dans
les pays orientaux ? L’historien de la philosophie doit-il se borner à suivre le développement de la philosophie en
Grèce et dans les et civilisation gréco-romaine, ou doit-il étendre sa vue aux civilisations orientales ? La question
des origines reste sans solution précise. A côté de ceux qui, avec Aristote, font de Thales, au VIème siècle, premier
philosophe, il y avait en Grèce des historiens pour faire remonter au de-là de l’hellénisme, jusqu’aux barbares, les
origines de la philosophie. Il semble que les orientalistes, à mesure qu’ils nous dévoilent les civilisations
préhelléniques comme les civilisations mésopotamiennes et égyptiennes avec lesquelles les cités de l’Ionie, berceau
de la civilisation grecque, ont été en contact, donnent raison à la seconde thèse.
………………………………………………………………………………………………………………………….
TEXTE N° 7
La célèbre « maïeutique » de Socrate est l’art d’ « accoucher les idées». C’est une méthode, une attitude, qui à poser
des questions jusqu’à ce que l’interlocuteur arrive à fonder définitivement son discours sur des bases irréfutables ou
bien prenne conscience de ce manque. Afin de ne pas imposer la vérité, mais pour permettre à chacun de la faire
sienne. Socrate prend la position de celui qui ne sait rien. Mon art d’accoucheur comprend donc toutes les fonctions
que remplissent les sages-femmes ; mais il diffère du leur en ce qu’il délivre des hommes et non des femmes et qu’il
surveille leurs âmes en travail et non leurs corps. Mais le principal avantage de mon art, c’est qu’il rend capable de
discerner à coup sûr si l’esprit du jeune homme enfante une chimère et une fausseté, ou un fruit réel et vrai. J’ai
d’ailleurs cela de commun avec les sages-femmes que je suis stérile en matière de sagesse, et le reproche qu’on m’a
fait souvent d’interroger les autres sans jamais me déclarer sur aucune chose, parce que je n’ai en moi aucune
sagesse, est un reproche qui ne manque pas de vérité. Et la raison, la voici : c’est que dieu me contraint d’accoucher
les autres, mais ne m’a pas permis d’engendrer. Je ne suis donc pas du tout sage moi-même et je ne puis présenter
aucune trouvaille de sagesse à laquelle mon âme ait donné le jour. Mais ceux qui s’attachent à moi, bien que
certains d’entre eux paraissent au début complètement ignorant, font tous, au cours de leur commerce avec moi, si le
dieu le leur permet, des progrès merveilleux, non seulement à leur jugement, mais à celui des autres. Et il est clair
qu’ils n’ont jamais rien appris de moi, et qu’ils ont eux-mêmes trouvé en eux et enfanté beaucoup de belles choses.
Mais s’ils en ont accouché, c’est grâce au dieu et à moi.
PLATON, Théétète
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TEXTE N° 8
Le doute est le sel de l’esprit ; sans la pointe du doute, toutes les connaissances sont bientôt pourries. J’entends aussi
bien les connaissances les mieux fondées et les plus raisonnables. Douter quand on s’aperçoit qu’on s’est trompé ou
que l’on a été trompé, ce n’est pas difficile ; je voudrais même dire que cela n’avance guère ; ce doute forcé est
comme une violence qui nous est faite ; aussi c’est un doute triste ; c’est un doute de faiblesse ; c’est un regret
d’avoir cru, et une confiance trompée. Le vrai, c’est qu’il ne faut jamais croire, et qu’il faut examiner. Croire c’est
agréable. C’est une ivresse dont il faut se priver. Ou alors dites adieu à liberté, à justice, à paix. La fonction de
penser ne se délègue point. Dès que la tête humaine reprend son antique mouvement du haut en bas, pour dire oui,
aussitôt les rois reviennent.
ALAIN

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TEXTE N° 9
La philosophie nait d’une conscience angoissée, d’une conscience sommée de s’adapter à un univers devenu
étranger, inhabituel, un univers dont le silence, parce qu’il nous laisse démunis, inquiète et trouble. La philosophie
nait des situations troubles. S’il y a donc un besoin de philosophie, c’est qu’il y a un manque dans la réalité, de
l’irréalité dans la réalité, de l’inhumain dans l’humain. La philosophie vient de ce qu’il y a un désir d’autre chose,
d’une autre chose, d’une autre organisation de la société, et de ce que ce désir ne peut s’affranchir des vielles formes
sociales. C’est à partir du manque que nous discernons dans le réel que nous philosophons comme pour résoudre,
supprimer l’insatisfaction née de la prise de conscience de ce manque ou de cette spéculation brumeuse détachée de
la réalité et des problèmes concrets, concrets dans les situations elles-mêmes concrètes. L’initiative philosophique
est indétachable des préoccupations pratiques et ne saurait être qu’une intention de grande envergure à l’échelle des
sociétés humaines.
Ebenezer Njoh MOUELLE. Jalon, Ed clé, 1970
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TEXTE N° 10
C'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher de les ouvrir, que de vivre sans philosopher ; et le plaisir de voir
toutes les choses que notre vue découvre n'est point comparable à la satisfaction que donne la connaissance de celles
qu'on trouve par la philosophie ; et, enfin, cette étude est plus nécessaire pour régler nos mœurs et nous conduire en
cette vie, que n'est l'usage de nos yeux pour guider nos pas. Les bêtes brutes, qui n'ont que leur corps à conserver,
s'occupent continuellement à chercher de quoi le nourrir ; mais les hommes, dont la principale partie est l'esprit,
devraient employer leurs principaux soins à la recherche de la sagesse, qui en est la vraie nourriture ; et je m'assure
aussi qu'il y en a plusieurs qui n'y manqueraient pas, s'ils avaient espérance d'y réussir, et qu'ils sussent combien ils
en sont capables.
DESCARTES, Les principes de la philosophie.
………………………………………………………………………………………………………………………….
TEXTE N° 11
J’aurais voulu premièrement y expliquer ce qu’est la philosophie, en commençant par les choses les plus ordinaires
comme sont, que ce mot philosophie, signifie l’étude de la sagesse, et que par la sagesse on n’entend pas seulement
la prudence dans les affaires, mais une parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir, tant pour
la conduite de sa vie que pour le conservation de sa santé et l’invention de tous les arts et qu’afin que cette
connaissance soit telle il est nécessaire qu’elle soit déduite des premières causes ; en sorte que pour étudier à
l’acquérir ,ce qui se nomme proprement philosopher, il faut commencer par les premiers principes.
DESCARTES, Les principes de la philosophie
………………………………………………………………………………………………………………………….
TEXTE N° 12
De façon générale, nul ne peut se nommer philosophe s’il ne peut pas philosopher. Mais on apprend à philosopher
que par l’exercice et par l’usage qu’on fait de soi-même de sa propre raison. Comment la philosophie se pourrait-
elle, même à proprement parler, s’apprendre ? En philosophie, chaque penseur bâtit son œuvre pour ainsi dire sur
les ruines d’une autre ; mais jamais, aucune n’est parvenue à devenir inébranlable en toutes ses parties. De là vient
qu’on ne peut apprendre à fond la philosophie, puisqu’elle n’existe pas encore. Mais à supposer même qu’il en
existât une effectivement, nul de ceux qui l’apprendraient ne pourrait se dire philosophe, car la connaissance qu’il
en aurait demeurerait subjectivement historique.
KANT, Logique
………………………………………………………………………………………………….………………………
TEXTE N° 13
Déterrer une philosophie, ce n’est pas encore philosopher. L’occident peut se vanter d’une brillante tradition
philosophique mais l’occidental qui a reconnu l’existence de cette tradition et qui en a même saisi le contenu, n’a
pas encore commencé à philosopher. La philosophie ne commence qu’avec la décision de soumettre l’héritage
philosophique et culturel à une critique sans complaisance. Pour le philosophe aucune donnée, aucune idée si
vénérable soit-elle, n’est recevable avant d’être passée au crible de la pensée critique. En fait, la philosophie est
essentiellement sacrilège en ceci qu’elle se veut l’instance normative suprême ayant seul droit de fixer ce qui doit, et
de ce fait abolit le sacré pour autant qu’il veuille s’imposer à l’homme du dehors. C’est pourquoi tous les grands
philosophes commencent par invalider ce qui était considéré jusqu’à eux comme absolu.
Marcien TOWA, Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle

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TEXTE N° 14
Quiconque veut vraiment devenir philosophe devra "une fois dans sa vie" se replier sur soi-même et, au-dedans de
soi, tenter de renverser toutes les sciences admises jusqu'ici et tenter de les reconstruire. La philosophie - la sagesse
- est en quelque sorte une affaire personnelle du philosophe. Elle doit se constituer en tant que sienne, être sa
sagesse, son savoir qui, bien qu'il tende vers l'universel, soit acquis par lui et qu'il doit pouvoir justifier dès l'origine
et à chacune de ses étapes, en s'appuyant sur ses intuitions absolues. Du moment que j'ai pris la décision de tendre
vers cette fin, décision qui seule peut m'amener à la vie et au développement philosophique, j'ai donc par là même
fait vœu de pauvreté en matière de connaissance. Dès lors il est manifeste qu'il faudra alors me demander comment
je pourrais trouver une méthode qui me donnerait la marche à suivre pour arriver au savoir véritable. Les
méditations de Descartes ne veulent donc pas être une affaire purement privée du seul philosophe Descartes, encore
moins une simple forme littéraire dont il userait pour exposer ses vues philosophiques. Au contraire, ces méditations
dessinent le prototype du genre de méditations nécessaires à tout philosophe qui commence son œuvre, pour donner
naissance à une philosophie.
HUSSERL, Méditations Cartésiennes
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TEXTE N° 15
Assurément, la philosophie est, à notre époque attaquée de toutes parts. Elle l’est sur le plan de la connaissance par
les savants ou plutôt par les pseudo-philosophes qui, éblouis par les succès de la science voudraient réduire toute
activité de type scientifique. Elle l’est selon le souci de l’efficacité par les techniciens qui constatent qu’elle
n’augmente en rien notre pouvoir sur le monde. Elle l’est, politiquement par certains réactionnaires qui lui
reprochent de nous détacher des tâches sociales, ou d’être une idéologie au service d’un régime ou d’une classe.
Mais la philosophie se laisse maladroitement intimider. Elle sait que ces attaques ne datent pas d’aujourd’hui, et que
ce n’est pas à notre siècle que Socrate a été condamné à mort par la cité, toujours hostile. En effet, elle l’est au mode
de vie que la philosophie suppose, à la perpétuelle remise en question qu’elle exige, à la recherche sans résultat
utilisable qu’elle entreprend.
Ferdinand ALQUIE
…………………………………………………………………………………………………..……………………
TEXTE N° 16
Dans la mesure où une science est méthodique, dans cette même mesure, il devient accidentel que ses résultats
soient le fait de tel savant plutôt que tel autre. L’œuvre du génie de la pensée, l’œuvre philosophique tout
spécialement est bien différente de l’œuvre scientifique : elle s’en distingue surtout par ceci qu’elle est, de par sa
nature même imprévisible et qu’elle apparaît dans l’existence comme une sorte de miracle. Chose caractéristique, il
se passe exactement le contraire pour l’œuvre scientifique : les plus grandes découvertes de la science ont été faites
presque simultanément et d’une manière indépendante par plusieurs personnes à la fois qui ignoraient que la même
découverte avait été faite par une autre personne. Je mentionnerais par exemple, la découverte par Galilée et
Léonard de Vinci du principe de l’inertie. Jusqu’à un certain point, la méthode amène ici le progrès. Les savants
sont plus les serviteurs de la méthode que ses maîtres. Aussi, l’homme qui connaît l’état de la science à son époque
sait que toutes les découvertes, avant même d’être faîte sont déjà ordinairement comme on dit « dans l’air ».
MAX SCHELLER, Le Saint, le Génie, le Héros
………………………………………………………………………………………………………………………….
TEXTE N° 17
Un second résultat concerne l’attitude à l’égard de certaines productions de la pensée africaine telles que nous les
révèle l’ethnologie. Leur façon de procéder n’est ni purement philosophique, ni purement ethnologique, mais ethno-
philosophique. L’ethnophilosophie expose objectivement les croyances, les mythes, les rituels, puis brusquement,
cet exposé objectif se mue en profession de foi métaphysique, sans ne se soucier ni de réfuter la philosophie
occidentale, ni fonder en raison son adhésion à la pensée africaine. De la sorte l’ethnophilosophie trahit à la fois
l’ethnologie et la philosophie. L’ethnologue décrit, expose, explique, mais ne s’engage pas quant au bien-fondé de
ce qui est ainsi décrit, expliqué. Elle trahit aussi la philosophie parce que la pierre de touche qui lui permet d’opérer
un choix entre les diverses opinions est avant tout l’appartenance ou la non appartenance à la tradition africaine,
alors qu’un exposé philosophique est toujours une argumentation, une démonstration ou une réfutation. Ce qu’un
philosophe retient et propose est toujours, du moins en droit, la conclusion d’un débat contradictoire.

Marcien TOWA, Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle.

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TEXTE N° 18
La philosophie entre en conflit avec la religion du fait que celle-ci se veut l’autorité absolue tant dans le domaine de
la vérité que dans celui de la pratique. Mais, la vérité de la religion se présente comme un donné extérieur en
présence duquel on s’est trouvé. Cela est particulièrement net dans les religions dites révélées, celles dont la vérité a
été annoncée par quelque prophète, quelque envoyé de Dieu. Ainsi, dans la religion, « le contenu est donné, il est
considéré comme au-dessus ou au-delà de la raison ». La religion conçoit l’esprit humain comme borné, limité, et
ayant donc besoin que les vérités essentielles pour l’homme, que sa raison infirme serait incapable de découvrir par
soi-même, lui soient révélées de façon surnaturelle et mystérieuse. Mais, l’idée d’une vérité au-delà de la raison,
inaccessible naturellement à l’esprit humain, est absolument inconcevable par la philosophie qui repose sur le
principe diamétralement opposé selon lequel la pensée ne doit rien admettre comme vrai qui n’ait été saisi comme
tel par la pensée. L’homme est certes un être borné, fini (sauf du côté où il est esprit). « Le fini concerne les autres
modes de son existence … ; mais quand, comme esprit, il est esprit, alors il ne connait pas de limites. Les bornes de
la raison ne sont que les bornes de la raison de ce sujet-là, mais, s’il se comporte raisonnablement, l’homme est sans
bornes, infini ».
Marcien TOWA ; Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle.
………………………………………………………………………………………………………………………….
TEXTE N° 19
La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui
arrive, sur un point particulier de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ; de
sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal ; elle ne pense pas ; elle traduit des besoins en
connaissances. En désignant des objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaitre. On ne peut rien fonder sur
l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait, par exemple, de les
rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire
provisoire. L’esprit scientifique nous interdits d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas,
sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et
quoi qu’on dise, dans la vie scientifique les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du
problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est
une réponse à une question.
Gaston BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique
…………………………………………………………………………………………………..……………………
TEXTE N° 20
Dans la formation d’un esprit scientifique, le premier obstacle, c’est l’expérience première, c’est l’expérience placée
avant et au-dessus de la critique qui, elle, est nécessairement un élément intégrant de l’esprit scientifique. Puisque la
critique n’a pas opéré explicitement, l’expérience première ne peut, en aucun cas, être un appui sûr. Nous donnerons
de nombreuses preuves de la fragilité des connaissances premières, mais nous tenons tout de suite à nous opposer
nettement à cette philosophie qui s’appuie sur un sensualisme plus ou moins facile, plus ou moins romancé, et qui
prétend recevoir directement ses leçons d’un donné clair, net, sûr, constant, toujours offert à un esprit toujours
ouvert. Voici alors la thèse philosophique que nous allons alors soutenir : l’esprit scientifique doit se former contre
ce qui est en nous et hors de nous. Il doit se former en se réformant.
Gaston BACHELARD
…………………………………………………………………………………………………..……………………
TEXTE N° 21
Voici le fondement de la critique de la religion : l’homme fait la religion, la religion ne fait pas l’homme. Et en effet, la
religion est la conscience et le sentiment de l’homme qui ne s’est pas encore trouvé ou qui s’est déjà perdu. Mais l’homme ce
n’est pas un être abstrait, extérieur au monde. L’homme’ c’est le monde de l’homme, l’Etat, la société. Cet Etat, cette société,
produisent la religion, conscience pervertie du monde, parce qu’ils sont un monde perverti. La religion est la théorie générale
de ce monde, sa logique sous une forme populaire, son « point d’honneur » spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale,
son solennel complément, sa raison générale de consolation et de justification. Elle est la réalisation fantastique de l’essence
humaine, parce que l’essence humaine n’a pas de véritable réalité. La lutte contre la religion est donc une lutte indirecte contre
la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, le cœur d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit d’un
temps sans esprit. Elle est l’opium du peuple.

Karl MARX, Critique de la Philosophie du droit de Hege

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