DOC-20240913-WA0011
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TEXTE N° 1
Socrate n’enseigne pas, car il ne sait pas. Il ne possède pas la vérité. Celle-ci n’entend pas un savoir transmissible ;
mais il démolit les fausses certitudes, de qui croit savoir et la rend ainsi disponible à la recherche, le
questionnement, la réflexion. Mais c’est aussi le priver en quelque sorte des bénéfices secondaires de sa maladie
ignorante d’elle-même, la tranquille souffrance de qui croit savoir, le conformisme secourable. Le conformisme ne
cherche plus car il croit savoir ce qu’il en est et ce qu’il faut. Seul celui qui sait ne pas savoir sait.
Vladimir GRIGORIEF, Philo de base
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TEXTE N° 2
Le mot grec « Philosophe » désigne celui qui aime le savoir, par différence avec celui qui, possédant le savoir, se
nomme savant. L’essence de la philosophie, c’est la recherche de la vérité non sa possession, même si elle se trahit
elle-même, comme il arrive souvent jusqu’ à dégénérer en dogmatisme, en un savoir mis en formule, définitif,
complet, transmissible par l’enseignement. Faire de la philosophie c’est être en route, les questions en philosophie
sont plus essentielles que les réponses, et chaque réponse devient une nouvelle question.
Karl JASPERS, Introduction à la philosophie
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TEXTE N° 3
Où commence la philosophie ? Il y a deux façons d’entendre la question. On peut se demander d’abord où situer les
frontières de la philosophie, les marges qui la séparent de ce qui n’est pas encore ou pas tout à fait elle. On peut se
demander ensuite où est-elle apparue pour la première fois, en quel lieu elle a surgi et pourquoi là plutôt qu’ailleurs.
Question d’identité, question d’origine, liées l’une à l’autre, inséparables même si en trop bonne, en trop simple
logique, la seconde semble supposer déjà résolue la première. On dira : pour établir la date et le lieu de naissance de
la philosophie, encore faut-il connaitre qui elle est, posséder sa définition afin de la distinguer des formes de pensée
non philosophiques ? Mais, à l’inverse, qui ne voit qu’on ne saurait définir la philosophie dans l’abstrait comme si
elle était une essence éternelle ? Pour savoir ce qu’elle est, il faut examiner les conditions de sa venue au monde,
suivre le mouvement par lequel elle s’est historiquement constituée, lorsque l’horizon de la culture grecque, posant
des problèmes neufs et élaborant des outils mentaux qu’exigeait leur solution, elle a ouvert un domaine de réflexion,
tracé un espace de savoir qui n’existerait pas auparavant, où elle s’est elle-même établie pour en explorer
systématiquement les dimensions. C’est à travers l’élaboration d’une forme de rationalité et d’un type de discours
jusqu’alors inconnus que la pratique philosophique et le personnage du philosophe émergent, acquièrent leur statut
propre, se démarquent, sur le plan social et intellectuel, des activités de métier comme des fonctions politiques ou
religieuses en place dans la cité, inaugurant une tradition intellectuelle originale qui en dépit de toutes les
transformations qu’elle a connues, n’a jamais cessé de s’enraciner dans ses origines.
Jean-Pierre VERNANT, In philosopher
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TEXTE N° 4
La valeur de la philosophie doit être cherchée pour une bonne part dans son incertitude même. Celui qui n’a aucune
teinture de philosophie traverse l’existence, emprisonné dans les préjugés qui lui viennent du sens commun, des
croyances habituelles à son temps et son pays et des convictions qui se sont développées en lui sans la coopération
ni le consentement de sa raison. Pour un tel individu, le monde est sujet à paraitre précis, fini, évident, les objets
habituels ne lui posent aucune question et les possibilités non familières sont dédaigneusement rejetées. Dès que
nous commençons à philosopher, au contraire, nous trouvons que même les choses les plus ordinaires de la vie
quotidienne conduisent à des problèmes auxquels nous ne pouvons que donner des réponses très incomplètes. La
philosophie, bien qu’elle ne soit en mesure de nous dire avec certitude quelle est la vraie réponse aux doutes qu’elle
élève, peut néanmoins suggérer diverses possibilités qui élargissent le champ de nos pensées et les délivre de la
tyrannie de la coutume. Tout en diminuant notre certitude à l’égard de ce que sont les choses, elle augmente
beaucoup notre connaissance à l’égard de ce qu’elles peuvent être : elle repousse le dogmatisme quelque peu
arrogant de ceux qui n’ont jamais pénétré dans la région du doute libérateur et garde vivace notre sens de
l’étonnement en nous montrant des choses familières sous un aspect non familier.
Bertrand RUSSEL Problème de la philosophie
BACCALAUREAT SESSION 2023
DOCUMENT CONFECTIONNE PAR MONSIEUR NDOUR / TEL. 77-621-80-97 / 77-993-41-41
TEXTE N° 5
C’est, en effet, l’étonnement qui poussa, comme aujourd’hui, les premiers penseurs aux spéculations
philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l’esprit ; puis,
s’avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes
de la Lune, ceux du soleil et des Etoiles, enfin la genèse de l’Univers. Or apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est
reconnaitre sa propre ignorance ‘c’est pourquoi même l’amour des mythes est, en quelque manière amour de la
sagesse, car le mythe est un assemblage de merveilleux). Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l’ignorance que
les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c’est qu’évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la
seule connaissance et non pour une fin utilitaire. Et ce qui s’est passé en réalité en fournit la preuve : presque toutes
les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction quand on
commença à rechercher une discipline de ce genre.
ARISTOTE, Métaphysique
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TEXTE N° 6
Quelles sont les origines de la philosophie. La philosophie a-t-elle débuté au VI ème siècle, dans les cités ioniennes,
comme l’admet une tradition qui remonte, ou a-t-elle une origine plus ancienne soit dans les pays grecs, soit dans
les pays orientaux ? L’historien de la philosophie doit-il se borner à suivre le développement de la philosophie en
Grèce et dans les et civilisation gréco-romaine, ou doit-il étendre sa vue aux civilisations orientales ? La question
des origines reste sans solution précise. A côté de ceux qui, avec Aristote, font de Thales, au VIème siècle, premier
philosophe, il y avait en Grèce des historiens pour faire remonter au de-là de l’hellénisme, jusqu’aux barbares, les
origines de la philosophie. Il semble que les orientalistes, à mesure qu’ils nous dévoilent les civilisations
préhelléniques comme les civilisations mésopotamiennes et égyptiennes avec lesquelles les cités de l’Ionie, berceau
de la civilisation grecque, ont été en contact, donnent raison à la seconde thèse.
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TEXTE N° 7
La célèbre « maïeutique » de Socrate est l’art d’ « accoucher les idées». C’est une méthode, une attitude, qui à poser
des questions jusqu’à ce que l’interlocuteur arrive à fonder définitivement son discours sur des bases irréfutables ou
bien prenne conscience de ce manque. Afin de ne pas imposer la vérité, mais pour permettre à chacun de la faire
sienne. Socrate prend la position de celui qui ne sait rien. Mon art d’accoucheur comprend donc toutes les fonctions
que remplissent les sages-femmes ; mais il diffère du leur en ce qu’il délivre des hommes et non des femmes et qu’il
surveille leurs âmes en travail et non leurs corps. Mais le principal avantage de mon art, c’est qu’il rend capable de
discerner à coup sûr si l’esprit du jeune homme enfante une chimère et une fausseté, ou un fruit réel et vrai. J’ai
d’ailleurs cela de commun avec les sages-femmes que je suis stérile en matière de sagesse, et le reproche qu’on m’a
fait souvent d’interroger les autres sans jamais me déclarer sur aucune chose, parce que je n’ai en moi aucune
sagesse, est un reproche qui ne manque pas de vérité. Et la raison, la voici : c’est que dieu me contraint d’accoucher
les autres, mais ne m’a pas permis d’engendrer. Je ne suis donc pas du tout sage moi-même et je ne puis présenter
aucune trouvaille de sagesse à laquelle mon âme ait donné le jour. Mais ceux qui s’attachent à moi, bien que
certains d’entre eux paraissent au début complètement ignorant, font tous, au cours de leur commerce avec moi, si le
dieu le leur permet, des progrès merveilleux, non seulement à leur jugement, mais à celui des autres. Et il est clair
qu’ils n’ont jamais rien appris de moi, et qu’ils ont eux-mêmes trouvé en eux et enfanté beaucoup de belles choses.
Mais s’ils en ont accouché, c’est grâce au dieu et à moi.
PLATON, Théétète
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TEXTE N° 8
Le doute est le sel de l’esprit ; sans la pointe du doute, toutes les connaissances sont bientôt pourries. J’entends aussi
bien les connaissances les mieux fondées et les plus raisonnables. Douter quand on s’aperçoit qu’on s’est trompé ou
que l’on a été trompé, ce n’est pas difficile ; je voudrais même dire que cela n’avance guère ; ce doute forcé est
comme une violence qui nous est faite ; aussi c’est un doute triste ; c’est un doute de faiblesse ; c’est un regret
d’avoir cru, et une confiance trompée. Le vrai, c’est qu’il ne faut jamais croire, et qu’il faut examiner. Croire c’est
agréable. C’est une ivresse dont il faut se priver. Ou alors dites adieu à liberté, à justice, à paix. La fonction de
penser ne se délègue point. Dès que la tête humaine reprend son antique mouvement du haut en bas, pour dire oui,
aussitôt les rois reviennent.
ALAIN