Com Pol Syllabus
Com Pol Syllabus
Com Pol Syllabus
UNIVERSITE DU BURUNDI
FACULTE DES SCIENCES POLITIQUES ET JURIDIQUES
DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE ET RELATIONS
INTERNATIONALES
COMMUNICATION POLITIQUE
Syllabus de cours de Master, 1ère année, Science politique
Par Denis BANSHIMIYUBUSA
Docteur en Science Politique
Volume horaire :
4 crédits (théorie : 30h, Travaux dirigés : 15h, Travaux personnels de l’étudiant : 15h)
Informa- Le cours sera enrichi par la prise de notes par les étudiants en plus du
tions syllabus ; des interventions des étudiants sont souhaitées pour que cette
interaction permette aux étudiants de s’imprégner des notions apprises.
Activités Enseignement magistral suivi chaque fois de débats sur un sujet donné.
Interven- Déroule- Cours magistral (20), Travail de groupes par les étudiants (15h) ; rappel sur
tion ment les notions apprises (10min), corps de la matière et interaction (70 min) ;
Conclusion (20 min)
Produ- 1° Exposés sur les travaux de groupe ;
ctions 2° Travail de groupe sur un thème de communication politique.
Motivation Les étudiants doivent être intéressés par les problèmes de société, le débat
politique sur des enjeux de société et de la communication en politique.
Intera- Quoiqu’il s’agisse d’un cours magistral, une grande part d’interaction sera
ctions faite entre professeur et étudiants, et ces derniers entre eux.
Conformément à la loi en vigueur, l’évaluation comporte 3 principaux
moments :
Appropri- Evaluation 1° Premièrement, il y a des évaluations à mi-parcours écrites, complétées par
ation des travaux et exposés en groupes après le cours (40%) ;
2° Deuxièmement, il y a un examen final écrit (60%).
3° Troisièmement, pour ceux qui n’auront pas réussi ces épreuves de 1ère
Session, il y aura une 2ème Session qui sera écrite et cotée sur 100%.
~3~
4. 1. Le style réaliste 38
4. 2. Le style courtois 39
4. 3. Le style bureaucratique 40
4. 4. Le style républicain 41
Chapitre 3. Espace public modernisé et rationalisation de la 42
compétition politique
1. Les techniques 42
1. 1. Le marketing politique 42
1. 2. Les sondages d’opinion et les études qualitatives 45
2. Les étapes de l’élaboration d’une stratégie de 46
communication politique au cours d’une campagne
électorale
3. Les transformations des campagnes électorales 50
3. 1. Aux Etats-Unis d’Amérique 50
3. 2. Le cas de la France 53
Chapitre 4 Les effets de la communication persuasive et 59
leur perception
1. Les premières approches 59
1. 1. Le modèle de la propagande 59
1. 2. Le paradigme des effets limités des médias 59
2. Les approches récentes 64
2. 1. L’effet de mise sur agenda 64
2. 2. L’effet d’amorçage 65
2. 3. L’effet de cadrage 65
2. 4. La critique 68
Chapitre 5. Les professionnels de la communication 70
politique
1. Invention du « métier » de conseiller en 70
communication
2. L’américanisation de la vie politique : fin de 73
l’amateurisme ?
Chapitre 6. Les mutations de l’espace public 76
Evolution des régimes médiatiques et du 77
gouvernement représentatif
La médiatisation du politique 79
Les transformations du journalisme politique 81
Communication comme substrat de la démocratie 84
Conclusion générale 86
Référence bibliographiques 87
~5~
0. Introduction générale
Même dans les régimes totalitaires, les dirigeants politiques ne peuvent, à long terme,
faire l’économie d’une certaine recherche d’acceptation, par la société civile, des
dominations instituées sur elle. La communication loge au cœur de l’organisation
~6~
politique parce que s’installer aux rênes du pouvoir ou s’y maintenir exige de
convaincre. Le ministre de la propagande d’Adolphe Hitler, Joseph Goebbels, veillait
au juste équilibre entre la propagande politique et le divertissement, restreignant la
première à certains moments pour mieux assurer son contrôle sur l’ensemble de la
population allemande. Convaincre est une affaire d’esprit et de cœur, de raison et de
plaisir.
Qu’elle soit le fruit d’un instinct politique sûr ou le résultat d’un travail systématique
et acharné, la persuasion collective joue un rôle central en politique. Machiavel,
l’ancêtre des experts en relations publiques, enseigne à son Prince ce qui convient
pour se faire estimer. Le stratège italien conclura d’ailleurs que la meilleure des
forteresses pour les dirigeants consiste à ne pas être haï du peuple, ce qui suppose une
disposition d’esprit favorable à l’égard de celui-ci, ou du moins son apparence, et la
capacité de la faire connaître.
Pour fondamentale que soit la communication politique dans toute société, son intérêt
s’accroît en démocratie et dans les sociétés hypermédiatisées comme celles qu’on
trouve en Occident. La démocratie ayant érigé la légitimité du peuple comme
première, aussi faut-il, pour gouverner, s’assurer d’un appui sinon indéfectible et
consensuel, du moins relativement sûr et majoritaire, un appui qui se manifeste sans
cesse, à l’encontre des règles de la démocratie parlementaire.
mélange des genres entre la politique et les loisirs en tout genre : le théâtre, les sports,
les jeux, les prières, les danses, les chansons, etc.
Au total, les thèmes les plus populaires de la communication politique durant les sept
premières décennies du XXè siècle concernent en majeure partie les effets des médias
sur la formation des opinions individuelles et collectives. A différentes époques, des
mots-clés seront successivement (et quelquefois concurremment) utilisés, reflétant
non seulement les modes intellectuelles, mais aussi la manière d’appréhender les
phénomènes de communication politique : propagande, persuasion, opinion publique,
symbolisme, langage politique, publicité, marketing, réception. Plusieurs imposants
bilans de la recherche d’avant les années quatre-vingt laissent voir la multiplicité des
~8~
Comme nous allons le voir plus tard, dans toute communication politique, celle des
gouvernants comme celle des opposants, deux niveaux sont toujours à considérer.
1° celui de l’information proprement dite, quand il convient d’afficher une prise de
position, faire part d’intentions ou de propositions, annoncer des décisions.
2° celui de la légitimation. Il s’agit de justifier les analyses ou les choix opérés en
multipliant les signaux qui doivent fortifier la confiance des destinataires dans celui
qui parle, voire, plus largement, dans sa famille politique sinon même dans le
système politique tout entier.
~ 10 ~
Savoir communiquer a toujours été une tâche importante des responsables politiques,
à toute époque, mais, de nos jours, avec le développement des outils modernes de
communication et l’importance en démocratie du soutien de l’opinion publique, cette
dimension du travail politique est devenue fondamentale.
Encadré n°02
Par légitimation, il faut entendre les mécanismes matériels et symboliques qu’utilisent les
détenteurs du pouvoir et visant à rendre ce dernier acceptable, voire souhaitable, aux yeux des
gouvernés. Le travail de légitimation a pour objectif principal de transformer l’obéissance en
adhésion à l’ordre social et politique en place. A ce titre, dans les rapports de pouvoir, il est un
moyen essentiel par lequel les gouvernants cherchent à générer du consentement – ou limiter la
résistance – aux formes sociales de la domination, aux règles du jeu politique (quand il existe) et à
leurs décisions.
Depuis les premiers travaux sur la psychologie des foules à l’âge des médias de
masse jusqu’aux recherches récentes sur les effets des réseaux socionumériques sur
l’opinion, de nombreux chercheurs se sont intéressés aux questions que l’on regroupe
aujourd’hui derrière l’expression « communication politique » : propagande et
techniques de mesure et de suggestion des opinions ; marketing politique et technique
de mobilisation électorale ; couverture médiatique de la politique. Pour autant,
l’analyse de la communication comme pièce centrale du processus politique suppose
une connaissance approfondie du fonctionnement des institutions, des acteurs et des
pratiques politiques ainsi qu’une attention sourcilleuse aux changements culturels,
économiques et techniques des sociétés.
Au croisement de plusieurs disciplines (sociologie, science politique, sciences de la
communication, sciences du langage), le champ d’études de la communication
politique tend presque partout à s’autonomiser, mais la production scientifique la plus
solide a toujours partie liée avec les études politiques quand elle ne constitue pas une
branche reconnue de cette discipline.
~ 11 ~
3. Objectifs du cours
Chapitre Premier
COMMUNICATION POLITIQUE :
A LA RECHERCHE D’UNE DEFINITION
Pour Lynda Lee Kaid (2004), la communication politique peut se comprendre comme
la « part prise par la communication dans le processus politique ». Même si cette
définition extrêmement laconique ramasse l’essentiel du sujet qui nous occupe dans
ce cours, il ne faudrait pas perdre de vue qu’en ce début du XXIème siècle le processus
politique déborde largement le cadre traditionnel de l’action des institutions
~ 14 ~
politiques, des campagnes électorales et de leur couverture par les médias. Raison
pour laquelle la communication politique comprend aussi le rôle de la communication
dans le travail de gouvernement, c’est-à-dire les activités de communication qui
visent à influencer le fonctionnement des organes exécutifs, législatifs et judiciaires,
les partis politiques, les groupes d’intérêt et les autres parties prenantes du processus
politique. Ainsi, si l’on admet que la notion de communication politique recouvre
tous les usages d’informations et de symboles contenant une charge politique ou
servant des intentions politiques, l’échelle de vue sur l’objet s’élargit donc de façon
notable et appelle un exercice actualisé de définition.
C’est une vision où la communication politique est constituée par l’ensemble des
techniques et procédés dont disposent les acteurs politiques, le plus souvent les
gouvernants, mais seulement, pour séduire, gérer et circonvenir l’opinion publique.
Cette conception est fondée sur une vision très contemporaine de la communication
politique. Cette représentation mutile la communication tout autant que la politique,
notamment parce qu’elle les dissocie. C’est une conception à la fois instrumentale et
manipulatoire en ce sens qu’elle projette une conception technique de la première sur
une conception manipulatoire de la seconde. Il s’agit d’une conception technocratique
du problème de la communication politique principalement considérée comme
habilitée à gérer une image (il est possible de maîtriser ou changer l’opinion
publique).
NB. L’œcuménisme est une tentative de rapprocher, de faire dialoguer les religions
entre elles, chrétiennes d’abord et l’ensemble des religions ensuite. Dominique
Wolton veut dire qu’il va essayer de concilier les points de vue des trois acteurs.
A la conception strictement instrumentale, s’oppose une vision œcuménique de la
communication politique définie comme « un processus interactif concernant la
transmission de l’information entre les acteurs politiques, les médias d’information et
le public » (Rippa Norris, The Virtuous Circle : Political Communication in Post-
industrial Societies, 2000). Cette conception tend à éluder le rapport de domination
entre gouvernants et gouvernés, et sous-estime l’échange d’autres biens que
l’information, notamment les biens symboliques tels que les images, les
représentations ou les préférences.
Cette définition est très proche de celle de Dominique Wolton qui indique que la
communication politique est « l’espace où s’échangent les discours contradictoires
des trois acteurs qui ont la légitimité à s’exprimer publiquement sur la politique et qui
sont les hommes politiques, les journalistes et l’opinion publique au travers des
sondages » (Les Essentiels d’Hermès, La Communication politique, 2008). Dans le
même ordre d’idée, J.-M. Cotteret trouve qu’il s’agit de « l’échange d’informations
entre gouvernants et gouvernés par des canaux de transmission structurés ou
informels » (1973).
différents types d’acteurs d’où les démocraties modernes sont confrontées à 3 types
de dimensions :
Tous les acteurs ne sont donc pas à égalité ou n’ont pas les mêmes possibilités
d’accéder à la communication politique. Par ailleurs, les acteurs concernés
n’échangent pas que des informations. On sait bien que d’autres biens symboliques
sont en cause comme les images, les représentations, les préférences, etc. De même,
on suppose une certaine sincérité de la communication politique alors que parfois elle
peut générer de mensonges. Enfin, on s’interroge sur la place des journalistes en tant
qu’intermédiaires entre les acteurs politiques et les masses.
Dans Elections medias and the modern publicity process (1990), Jay G. Blumler
décrit la substance de la communication politique dans cette conception. Selon cet
auteur, la communication politique est « une compétition pour influencer et contrôler,
grâce aux principaux médias, les perceptions publiques des événements politiques
majeurs et des enjeux ». Avec cette conception, on passe de l’échange indéterminé à
la lutte explicite pour le contrôle des représentations collectives, les médias faisant
une entrée spectaculaire dans le processus. La communication politique va être
caractérisée par un travail sur les événements et sur la représentation du sens des
~ 19 ~
Cette définition montre qu’il s’agit de se placer dans une compétition entre différents
types de discours et d’enjeux du moment. Il y a lutte pour le contrôle des perceptions
des évènements politiques et des enjeux. Cette définition présente l’avantage de
montrer que l’on est dans une compétition et non dans un échange égalitaire, sans
objectif de domination, pour donner un sens aux évènements. La question posée est
aussi celle des effets des médias comme si l’on pouvait contrôler la perception des
événements par l’opinion publique.
1° Le premier risque est celui où les médias mangent la politique : risque bien connu
de la « politique spectacle » ;
2° Le second risque est celui où les sondages mangent l’opinion publique, en donnant
le sentiment d’une représentation possible de celle-ci. Ce qui est gagné en simplicité
est perdu en complexité, et vérité.
3° Enfin, le troisième déséquilibre résulte de la rupture de la relation entre médias et
opinion publique.
Hier, les journalistes représentaient l’opinion publique face aux hommes politiques.
Représentation libre et subjective puisque par définition, le journaliste parle en son
nom personnel. Il est aussi le porte-parole implicite de cette opinion, au nom de
~ 20 ~
laquelle il pose des questions aux hommes politiques, ou les critiques. Il y a donc une
sorte de concurrence entre les deux représentations de l’opinion publique, celle des
sondages, celle des journalistes. Avec le risque suivant pour les journalistes : avec les
sondages, il y a une « représentation objective », en tous cas quantitative de l’opinion
publique que l’on peut trouver « supérieure » à celle des journalistes. Avec le risque
d’un renfermement du monde médiatique sur lui-même, ou d’une trop grande
subordination de celui-ci à l’industrie des sondages.
C’est une conception qui fait partiellement retour sur la révolution intellectuelle
grecque du Ve avant J. C. : la communication politique est consubstantielle à la
démocratie. Une démocratie est possible grâce à la discussion et au débat collectif.
Tous les citoyens sont appelés à formuler des raisonnements et à participer à la
formation des choix politiques (Jürgen Habermas, Joshua Cohen). Inspiré par une
théorie normative de la démocratie, J. Cohen écrit : « la notion de démocratie
délibérative s’enracine dans l’idéal intuitif d’une association démocratique dans
laquelle la justification des termes est des conditions de l’association procède d’une
argumentation et d’un raisonnement public de citoyens égaux. Les citoyens, dans un
tel ordre, partagent un engagement commun vis-à-vis de la résolution des problèmes
de choix collectifs à travers un raisonnement public, et considèrent leurs institutions
de base légitimes dans la mesure où elles établissent un cadre favorable à une
délibération publique libre » (J. Cohen, 1989).
Qui plus est, bien que plusieurs auteurs se soient penchés sur l’apparition historique,
dans le sillage des Lumières, d’une pratique sociale de délibération critique sur les
affaires publiques, c’est au philosophes et sociologue allemand Jürgen Habermas que
l’on doit la première et sans doute la plus aboutie formalisation théorique du concept
d’espace public. Héritier de l’école de Francfort, Habermas s’est attaché à travers son
œuvre, d’une part, à repérer les lieux, les signes et les agents de l’émergence d’une
~ 21 ~
Encadré n°03
Ecole de Francfort : Groupe de philosophes et de sociologues allemands réunis autour de l’Institut
de Recherche sociale fondé à Francfort en 1923 et qui sera à l’origine de la théorie critique. Deux
noms sont considérés comme les figures tutélaires de cette école : Max Horkheimer (1895-1973) et
Theodor W. Adorno (1903-1969). Les deux auteurs ont publié en 1947 La dialectique de la raison
(traduit en 1974), qui est un ouvrage de critique de la société des médias de masse, dans lequel ils
développent l’idée selon laquelle les industries culturelles (film, médias et loisirs), loin de permettre
une émancipation par la culture, uniformiseraient plutôt les perceptions sociales des individus et les
maintiendraient dans un état de domination. Pour la plupart juifs et marxistes, ces intellectuels
seront contraints de s’exiler aux Etats-Unis dans les années 1930 en raison de la montée du
nazisme. Erich Fromm, Herbert Marcuse et Walter Benjamin appartiennent également à ce courant
de pensée.
Ceci dit, la vision de J. Habermas d’un public éclairé et capable de suspendre ses
intérêts pour débattre rationnellement manque toujours d’assises sociologiques. Son
cadre théorique modifié se fonde sur la théorie de l’agir communicationnel qui « doit
dégager un potentiel de rationalité inscrit dans la pratique communicationnelle
quotidienne… » (ibid., 1992, p. 177). Habermas persiste à imaginer que l’être humain
peut être exempt de passion, dégagé de ses intérêts et surtout fondamentalement
intéressé par la chose publique ; il conçoit le règlement des conflits à l’extérieur des
rapports sociaux, d’où l’idée que la société peut assurer l’égalité de tous.
2. L’interface politique/communication
Deux points sont ici fondamentaux auxquels il faut souscrire entièrement : tout
d’abord, les aspects techniques ne sont qu’une dimension du processus de
communication. Ensuite, ce n’est pas de la communication mais bien de la politique
qu’il faut partir pour comprendre les processus de communication politique. A ce
propos, Luhmann n’hésitait pas à prédire en 1981 que « le rapport entre
communication et société apparaîtra non seulement comme le sujet d’une étude
spécifique de la communication, mais comme le thème central des études de
communication dans la science sociale dans son ensemble ».
Quant à la politisation, c’est le travail qui consiste à affecter à une autorité publique
la prise en charge du problème ainsi publiquement reconnu. Politiser une situation,
~ 24 ~
4. 1. La dimension pragmatique
4. 2. La dimension symbolique
4. 3. La dimension structurelle
5. 1. L’approche comportementaliste
En 1948, Lasswell énonce sa question « qui dit quoi, par quel canal et avec quels
effets ? » pour décrire une action de communication. La communication, d’abord, est
conçue comme une somme de facteurs : l’émetteur, le message, le récepteur, le code,
le canal et la situation. Elle est, ensuite, conçue comme un processus linéaire qui est
la transmission de l’information contenue dans le message depuis l’émetteur vers le
récepteur. Elle est, enfin, caractérisée par son effet sur le destinataire. Selon D. K.
Berlo, « nous communiquons pour influencer, pour exercer un effet conforme à nos
intentions ». Dans la perspective comportementaliste, la question des effets de la
communication est centrale. Les études de propagande jouent un rôle fondamental
dans les débuts de la recherche en communication politique et la propagande peut être
considérée comme une modalité de la communication persuasive qui, en général,
n’implique pas de dialogue entre la source et la cible et vise à conformer les
représentations, attitudes et conduites des propagandés aux préférences des
propagandistes.
5. 2. L’approche structuro-fonctionnaliste
Selon K. Deutsch, la communication n’a pas d’existence propre car c’est toute la
politique qu’il faut analyser en termes de communication car « diriger est avant tout
~ 28 ~
une affaire de communication ». Des flux d’informations sont filtrés par des écrans
pour aboutir à des décisions. L’efficacité du système est conditionnée par quatre
facteurs : le poids de l’information, le temps de latence nécessaire pour réagir, le gain
réalisé par chaque opération corrective et le déplacement de la cible de
communication.
5. 3. L’approche interactionniste
5. 4. L’approche dialogique
une discussion argumentée. L’espace public résulte de l’interlocution des citoyens qui
accomplissent leur liberté dans la participation aux affaires publiques.
Chapitre 2.
ENJEUX, CARACTERISTIQUES ET FONCTIONS
DE LA COMMUNICATION POLITIQUE
Ce qui est décisif en politique, ce ne sont pas les raisons objectives que les citoyens
peuvent avoir de se montrer satisfaits ou insatisfaits de leurs gouvernants, mais les
perceptions qu’ils ont de leur vécu. Il s’ensuit qu’une bonne communication politique
peut atténuer considérablement le niveau des mécontentements alors que des erreurs
en ce domaine peuvent, au contraire, se révéler ravageuses. Les critères de de succès
sont la capacité d’inspirer confiance et l’aptitude à faire partager ses propres grilles
d’analyse des situations.
1° D’abord, parce qu’elle témoigne d’un succès devant les urnes ou d’un crédit de
confiance accordée par une autorité légitime (dans le cas de la nomination).
2° Ensuite, parce qu’elle investit d’une compétence au sens juridique du terme : lato
sensu, celle de légiférer. Certains acteurs sont même en situation, parfois, de créer
une situation nouvelle par le seul fait de dire. C’est ce que l’on appelle l’énoncé
performatif : une prise de parole qui produit une action (John Austin, Quand dire
c’est faire, 1962). C’est par exemple le cas du président de l’Assemblée nationale
déclarant la séance ouverte/close, du candidat aux élections acceptant ou refusant de
se désister, du président de la CENI proclamant le vainqueur de l’élection
présidentiel, etc.
Pour les premiers ils courent le risque de se retrouver démentis par un bilan décevant
ou d’avoir à affronter une question embarrassante : « pourquoi n’avoir pas déjà
profité de l’exercice du pouvoir pour mettre en œuvre un programme aussi
séduisant » ? Mais gouverner, c’est décevoir. A plus long terme, le gouvernement
subira l’effet de backlash, c’est-à-dire le choc en retour lié aux désillusions
engendrées dans l’opinion par sa politique.
Quant aux opposants, ils ont des préoccupations différentes. Par nécessité tactique, ils
sont portés à exacerber attentes et exigences, à surenchérir sur les espérances à faire
naître. Leur intérêt en effet est de souligner ou de susciter les mécontentements
susceptibles d’affaiblir les gouvernants. Néanmoins, eux aussi courent le risque de
perdre leur crédibilité si une fois qu’ils arrivent au pouvoir, ils n’arrivent pas à
répondre aux attentes qu’ils avaient suscitées lorsqu’ils étaient encore opposants.
Murray Edelman (Politics and Symbolic Action, New York, Academic Press, 1971) a
montré que les croyances mais, surtout, les demandes et exigences politiques qu’elles
génèrent, ne sont, chez beaucoup de citoyens, ni rigides ni définitivement stabilisées.
Bien au contraire, elles apparaissent en réalité fréquemment sporadiques en
manifestations, variables en intensité, ambivalentes dans leur contenu. Les enquêtes
par sondages qui recueillent des réponses explicites à une question précise montrent
qu’entre deux moments d’enquête différents, il y a fréquemment inconstance sinon
~ 34 ~
même inconsistance de l’opinion dont la fluidité s’observe lorsque les sujets sont
suivis avec attention sur une période de temps suffisamment significative.
Cette observation est fondamentale car elle ouvre aux responsables politiques, en
interaction avec d’autres leaders d’opinion, la possibilité d’œuvrer en faveur d’une
restructuration des perceptions du vécu et d’une inflexion des attentes quant à
l’avenir. C’est ce que l’on appelle les « cadres de l’action » ou, dans un autre
vocabulaire, les « univers symboliques » de référence. Ainsi, le succès de l’action
politique, évalué en termes de satisfaction des citoyens, dépend-il non seulement de
mesures concrètement favorables mais aussi, voire bien davantage, des
représentations positives que les gouvernants réussissent ou non à susciter autour
d’elles. Or, ce travail s’effectue à travers le langage qui justifie la politique suivie,
mais il est également le fruit des dimensions symboliques qui s’attachent à l’action
elle-même. Il y a donc lutte pour imposer les mots qui font voir et qui font croire,
entre adversaires, aux fins de légitimer les représentations nécessaires à tous les
protagonistes.
Pour les hommes politiques, la légitimité résulte de l’élection. La politique est leur
raison d’être. La communication est surtout assimilée à une stratégie de conviction
~ 35 ~
pour faire adhérer les autres, hommes politiques, journalistes ou électorat. Pour les
journalistes, au contraire, la légitimité est liée à l’information qui a un statut
évidemment fragile puisqu’il s’agit d’une valeur, certes essentielle, mais
contournable qui autorise à faire le récit des événements et à exercer un certain droit
de critique. Ils observent et relatent les faits de la politique sans jamais pouvoir eux-
mêmes en faire. Ils sont les « face à face » des hommes politiques. Pour les sondages,
« représentants de l’opinion publique », la légitimité est d’ordre scientifique et
technique. L’objectif est de refléter au mieux une réalité qui n’a d’existence objective
qu’au travers de la construction qu’ils en font. La politique constitue la principale
cause de leur succès pour l’anticipation qu’ils apportent parfois aux comportements
du corps électoral.
3° Enfin, elle facilite l’exclusion de thèmes qui ne sont plus l’objet de conflits ou sur
lesquels un consensus temporaire existe. Là aussi le rôle des médias est important par
la place qu’ils accordent aux thèmes débattus sur la place publique.
En période d’élection, les sondages jouent un rôle considérable puisque chacun essaie
de savoir à l’avance ce que pourra être le résultat, ceux-ci étant pour le moment le
seul instrument représentatif permettant une telle approximation.
Ainsi donc, comme l’écrit si pertinemment Jean-Marie Cotteret dans Gouverner c’est
paraître, ramenée à l’essentiel, la communication politique assure une fonction
d’adéquation entre le gouvernant et le gouverné. En d’autres termes, les gouvernants
doivent être l’écho des souhaits, demandes et exigences des gouvernés. Ces derniers
doivent accepter les décisions contraignantes prises par les gouvernants. Ce
~ 37 ~
Une valeur « est une manière d’être ou d’agir qu’une personne ou une collectivité
reconnaissent comme idéale et qui rend désirables ou estimables les êtres ou les
conduites auxquelles elle est attribuée ». Prises dans ce sens, les valeurs constituent le
ciment de ce qu’Auguste Comte appelait déjà « le consensus social » et que les
sociologues désignent quelquefois comme « intégration sociale ». Valeurs du système
politique d’un côté, valeurs de la société de l’autre doivent se répondre.
S’inspirant en partie des aperçus postmodernes aussi bien que de l’accent classique
sur la performance du discours, Hariman propose une analyse des styles politiques.
Selon lui, les styles sont des techniques de rédaction du pouvoir. Il existe une
pluralité de styles, chacun étant l’articulation esthétique d’une théorie politique. Ces
styles consistent, selon Hariman en un « ensemble de règles concernant la parole et le
comportement » 1) qui permettent de mettre en accord les actes symboliques et leurs
contextes, 2) qui guident les pratiques« communicationnelles », 3) par l’intermédiaire
d’un répertoire de conventions (techniques) rhétoriques, qui se fondent sur des
réactions esthétiques et 4) qui ont pour conséquences la détermination de l’identité
des individus, la cohésion sociale et la distribution du pouvoir. Selon Hariman, la
politique est stylisée, c’est-à-dire qu’elle résulte d’une mise en scène usant de
conventions déjà connues par ceux qui y participent. En admettant qu’il y en a
sûrement davantage, Hariman nous propose quatre styles : réaliste, courtois,
républicain et bureaucratique. Chaque style incarne une relation entre le pouvoir et
ses sujets et privilégie un mode de communication.
~ 38 ~
4. 1. Le style réaliste
Il s’agit d’une communication instrumentale qui prétend dire vrai. Le style réaliste,
qui trouve son expression la plus élégante chez Machiavel, réduit la politique à un
concours de forces et à leur manipulation stratégique. Lorsque Machiavel laisse
entendre au Prince qu’il vaut souvent mieux mentir, il lui propose un modèle de
communication instrumentale. Sujets, alliés et ennemis doivent tous être conçus
comme objets. Leur respect, leur dévouement et leur crainte doivent être soutenus
afin de préserver l’ordre social et le pouvoir du Prince. La figure de base du style
réaliste est le dédain de figures. Ce style, qui nie en être un, refuse tout ornement. Il
prétend n’être qu’un discours « degré zéro », uniquement dénotatif, qui ne fait que
représenter, rendre visible. Machiavel se distingue des autres conseillers du Prince,
qu’il accuse d’être préoccupés par des illusions et des rêves idéalistes, aux dépens
d’une perception des contraintes auxquelles le Prince devra faire face. De même, le
style réaliste, dont Machiavel se fait à la fois l’avocat et l’adepte, exige que nous
traitions le discours de nos opposants de rhétorique, au sens péjoratif, de paroles
floues et qu’au contraire nous nous présentions comme analyste perspicace du réel et
comme homme ou femme d’action ayant le courage d’entreprendre ce qui est
nécessaire.
Hariman affirme que ce style domine la politique moderne. La politique en tant que
telle disparaît, cédant à un concours entre de soi-disant « experts ». Le style réaliste,
bien qu’il soit utile dans un régime technocratique, ne favorise pas la démocratie. Par
ailleurs, des autres styles décrits par Hariman, un seul incarne la culture démocratique
: le style républicain. Ce style apprécie le discours, exige que chacun se reconnaisse
dans l’autre en tant que citoyen et l’invite à prendre parole. Nous y reviendrons.
~ 39 ~
4. 2. Le style courtois
Nous retrouvons des éléments de ce style au sein des partis politiques, assujettis à
leurs chefs. Le pouvoir réel et symbolique des chefs est tel qu’on ne peut facilement
le remettre en question. Les aspirants à la chefferie se livrent à une vive concurrence
afin d’occuper une place importante dans la hiérarchie que le chef ordonne, mais
cette course doit se faire dans l’ombre. Un chef de parti ne peut tolérer que d’autres
réclament son poste. Ils doivent attendre qu’il décide de se retirer à moins qu’ils ne
tentent d’organiser un putsch.
4. 3. Le style bureaucratique
C’est à cette sorte de pouvoir que le citoyen moderne fait normalement face. Il ne
s’agit pas pour autant d’un style rationnel, bien qu’il réclame ce statut, car il ne peut
finalement saisir le réel. Chaque texte exige une interprétation qui dépend d’un autre
texte, ad infinitum. La finalité devient la « rationalisation », c’est-à-dire la
multiplication de textes, de schémas, de précisions, d’exceptions et ainsi de suite. Le
réel, sa présence même, est toujours différé ; le texte devient son supplément.
~ 41 ~
4. 4. Le style républicain
Ce style requiert que chacun soit respecté en tant que citoyen, que cette identité
l’emporte sur toute autre et que le débat public soit guidé par l’idée du bien commun.
Ce style est exigeant, car il rend le citoyen orateur responsable de l’existence même
de la république. Le discours républicain se base sur une forte distinction entre la vie
publique et la vie privée. Ce style ne valorise pas un sentiment d’intimité, mais un
respect formel, la philia, entre citoyens. Ce sont les paroles et les gestes publics du
citoyen qui sont conséquents et auxquels il sera tenu.
~ 42 ~
Chapitre 3
ESPACE PUBLIC MODERNISE ET RATIONNALISATION
DE LA COMPETITION POLITIQUE
1. 1. Le marketing politique
Les méthodes du marketing politique font donc appel à la sociologie électorale, aux
sondages d’intention de vote et d’opinion, aux entretiens qualitatifs individuels ou de
groupe. Les analyses statistiques de données de type descriptif comme les analyses
factoriels et typologiques, l’analyse des similarités et préférences et aussi de type
explicatif comme la segmentation ou les mesures conjointes sont souvent combinées
avec les modèles de simulation pour assister la décision stratégique.
Comme on l’a déjà vérifié à plusieurs reprises, les sondages s’intègrent au marketing
politique sans que cela signifie pour autant qu’ils se confondent avec lui. Leur
convergence tient à leur commune logique de segmentation de la société et des
opinions qui en émanent. Les sondages sont donc des outils du marketing politique
~ 46 ~
même s’il est abusif de les réduire à cela. Les sondages électoraux sont ici un outil
privilégié d’analyse des intentions de vote. Ils rendent, en effet, possible
l’identification des cibles stratégiques. Les analyses statistiques multidimensionnelles
servent à connaître les perceptions et préférences des citoyens et les modèles
mathématiques contribuent à identifier et évaluer les opportunités qui permettent aux
concurrents de se positionner sur le marché électoral.
Quels sont les objectifs à atteindre ? Telle est la question que l’on doit se poser avant
le début de sa campagne électorale. Or les objectifs ne sont pas toujours aussi clairs
que ce qu’on croit, y compris dans une campagne électorale. Pour certains candidats
l’objectif n’est pas de gagner l’élection présidentielle par exemple, mais d’accroître
leur popularité ou encore engranger le maximum de voix pour être en position de
négocier avec d’autres acteurs politiques concurrents. Quand un candidat n’a aucune
chance d’être élu, son objectif premier est d’accroître sa notoriété et quand un
candidat est en position d’outsider, c'est-à-dire de ne pas gagner une élection, a-t-il
intérêt à tout miser sur cette élection ou plutôt voir à long terme et miser sur une
élection ultérieure.
2. 2. L’analyse du terrain
Comme on est dans une perspective de marketing politique, donc de valorisation d’un
produit ou d’ajustement de son produit aux attentes du marché, une fois l’objectif
~ 47 ~
identifié, il faut savoir cerner les attentes du public. On va donc examiner quelles sont
les préoccupations qui s’expriment par le biais des sondages d’opinion et on va aussi
examiner quelle est l’image des candidats/de la personne dans le public. Il faut
éventuellement examiner aussi la manière dont les autres candidats font campagne et
il peut exister des effets de mimétismes ou de reprise d’une thématique concurrente.
Cette analyse du terrain se fait tout au long d’une campagne, tout un travail va être
fait sur la question de savoir si tous les messages envoyés par le candidat sont bien
passés dans le public, si les thématiques lancées sont reçues ou entendues.
2. 3. L’adoption de la stratégie
l’on peut dire que P.-C. Sendegeya du PRP présentait une image qui ne collait pas
avec ce qu’il était profondément : Hutu qui n’est pas de la lignée royale et de la
monarchie.
Les candidats vont essayer de maîtriser l’agenda politique et médiatique à la fois pour
le lancement des candidatures et pour ensuite le lancement de thèmes de
campagne/programmes pour la période post-élection. On dit que plus la notoriété du
candidat est faible, plus il aura intérêt à se lancer tôt dans la campagne électorale à
laquelle il souhaite participer. Parfois on attribue des succès ou d’ailleurs des échecs
au moment où la candidature a été annoncée. Même si on peut penser que ces
éléments ne sont pas aussi déterminants, ils vont apparaître aux yeux des acteurs
politiques comme extrêmement importants. Ainsi par exemple, on admet que le
FRODEBU avait commencé sa propagande politique clandestine et mis en place
progressivement ses structures organisationnelles dès 1986, c’est-à-dire 6 ans avant
son agrément comme parti politique. Il en a été de même pour le CNDD-FDD en
2003-2005.
2. 5. L’élaboration d’un plan de campagne
Le plus souvent les candidats vont s’efforcer de jouer parallèlement sur plusieurs
tableaux et combiner des déplacements personnels (réunions publiques/meetings)
avec divers types d’interventions dans les médias. Cela veut dire que l’équipe de
campagne et le candidat vont s’efforcer de rencontrer aussi différents types de
publics. Les stratégies peuvent éventuellement être ajustées à certaines catégories
sociales. Exemples, si le candidat visite les déplacés à l’intérieur du pays, les Batwa,
etc., il va devoir ajuster son discours à cette catégorie sociale et éventuellement se
mettre en communion auprès d’elle. D’où trois grands apprentissages à effectuer pour
les acteurs politiques selon Yves Poirmeur :
2. 5. 1. Apprendre à plaire
A l’aide de la communication de masse, on va demander aux acteurs politiques d’être
non seulement compétents mais également aimés du public. Donc, il s’agit de séduire
le public le plus vaste possible, non seulement avec des propositions mais aussi avec
un physique, une voix, un talent, une séduction, un bon/beau couple, etc.
~ 50 ~
2. 5. 2. Apprendre à simplifier
La réussite des prestations télévisées nécessite un style de communication plus
rapide, des phrases brèves, des formules qui vont pouvoir être reprises par des médias
qui ont déjà à faire à une surabondance d’informations. Il va donc falloir leur offrir
quelque chose de court, qui va leur permettre un peu d’animer leurs séquences
d’informations. Trois impératifs sur la petite phrase selon Yves Poirmeur : la « petite
phrase » doit être rapide, originale et simple.
La première campagne qui se déroule avec des médias qui permettent une
transmission d’un message à un grand nombre de personnes est la campagne
américaine de 1952 qui est présentée comme l’origine du marketing politique aux
~ 51 ~
USA. C’est la première fois que les partis démocrates et républicains dégagent un
budget pour la communication politique. C’est également la première fois que vont
être réalisées des publicités commerciales pour valoriser les candidats. Ils font appel
à un cabinet de relation publique et à un spécialiste de marketing politique de
relations commerciales. Ce spécialiste marketing issu du commerce traditionnel va
imposer une simplification et une modification du contenu des messages politiques. Il
lui impose de simplifier ses argumentations et il réalise des sondages pour déterminer
sur quels sujets devrait porter les spots télévisés qui sont réalisés. Les sujets sont
choisis pour répondre finalement aux attentes du public. A l’inverse le candidat
démocrate avait beaucoup moins réfléchi en termes d’attentes de l’opinion publique
et avait programmé tous ses spots en fin de soirée, ce qui a considérablement limité
son public.
Après cette campagne de 1952, les campagnes suivantes vont apporter du raffinement
dans les techniques utilisées par les candidats à l’élection présidentielle. La campagne
de 1956 va notamment être marquée par l’apparition de spots télévisés négatifs, c’est-
à-dire qui attaquent l’adversaire. Ces spots négatifs existent encore aux USA, au
Canada, etc. La campagne de 1960 de JFK va être considérée comme un modèle de
la communication politique moderne pour deux raisons principales :
1° C’est la première campagne où va être réalisé un débat télévisé entre les candidats.
Nixon avait accepté le principe de débat télévisé avec son challenger en pensant
pouvoir l’emporter facilement, puisqu’il avait beaucoup plus d’expérience que John
Fitzgerald Kennedy. Or ce dernier est apparu beaucoup plus à l’aise dans ses débats
face au candidat Nixon et il se trouve qu’il a gagné l’élection, ce qui a renforcé la
croyance que c’est par la télévision qu’il avait remporté l’élection, surtout lors du
premier débat où les spectateurs ont été les plus nombreux.
En revanche à partir des années 1980 les campagnes s’intensifient et les supports se
diversifient. Depuis 1976 lors de toutes les campagnes présidentielles, le débat entre
les deux candidats est systématiquement pratiqué et en plus, de plus en plus de débats
télévisés sont retransmis entre des candidats aux primaires. Ensuite, une proportion
importante des fonds de campagne sont consacrés à la télévision. Plus de la moitié
des budgets de communication depuis les années 80 est utilisée pour la télévision. On
est dans un cadre juridique actuellement qui autorise l’achat d’espaces publicitaires.
Dernière campagne en date ayant marqué les esprits : celle d’Obama en 2008. Cette
campagne a eu beaucoup de retentissement en France par le biais d’un rapport de la
fondation Terra Nova (laboratoire d’idées appelé le « think tank » du parti socialiste).
Cette campagne a généré une récolte de fonds très importante, à tel point qu’Obama a
même refusé le financement public auquel il aurait pu prétendre (pas que par bonté
d’âme mais parce que dans ce cas il n’a plus de plafond de dépenses de campagnes).
Aux USA, le fait de collecter des fonds est un signe de dynamisme, en France on s’en
méfie.
Les partis français s’en sont donc un peu inspirés. Ils ont ainsi essayé de créer des
réseaux sociaux de sympathisants en vue de la campagne de 2012. Contrairement à ce
qu’on pourrait croire, Obama a beaucoup utilisé ses fonds de campagne à l’achat de
spots télévisés. Ce qui caractérise le contexte américain depuis les années 80, c’est
une omniprésence de la communication politique et la simplification des thèmes de
campagne.
3. 2. Le cas de la France
A partir du milieu des années 70, de nombreuses personnes vont affirmer que l’Etat
n’a pas à contrôler la télévision. La gauche qui avait beaucoup critiqué l’emprise du
gouvernement sur l’audiovisuel va tenter de libéraliser et effectuer une épuration des
journalistes ayant une opinion divergente sur ce sujet. La gauche crée une haute
autorité indépendante de l’audiovisuel : en 1989, on parlait du Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel (CSA) après plusieurs appellations. Cette autorité est chargée de faire
respecter le pluralisme politique à la télévision et de délivrer des autorisations
d’émettre. Si un média ne respecte pas un pluralisme politique, le CSA est en mesure
de lui retirer l’autorisation d’émettre.
1° On insère dans la campagne des messages qui concernent la vie privée des
candidats. VGE va être le premier à se mettre en scène puisqu’il s’affiche avec sa
fille. Il cherche à corriger son image de technocrate froid.
2° C’est également la première campagne présidentielle dans laquelle est organisé un
débat entre les candidats du second tour.
3° En matière de stratégie, c’est la première fois que des slogans se répondent. Chirac
(l’autre candidat) a des affiches et des slogans qui répondent aux affiches de VGE.
Exemple : L’affiche de VGE disait : « La France a besoin d’un Président », celle de
Chirac disait « Le Président qu’il vous faut ».
L’élection présidentielle de 1995 est une campagne plus sobre que les autres. Depuis
1990 est instauré un plafond de dépenses de campagne pour les présidentielles. Les
affiches ont été moins présentes. C’est le premier débat où il n’y a pas beaucoup
d’affrontement. Les 2 candidats qui sont présentés comme les principaux candidats
sont le Président sortant et le premier ministre sortant. Comme ils ont des positions
assez spécifiques, ils se déclarent assez tardivement.
~ 56 ~
Lors de la campagne de 2002, l’agenda électoral des candidats et l’agenda des médias
vont se trouver en convergence sur un thème : l’insécurité. Cette présence de
l’insécurité sur l’agenda des candidats et l’agenda médiatique s’explique par le fait
qu’il n’y avait pas de différences perceptibles entre les 2 candidats, mais en revanche
il y avait un élément qui les distinguait à l’évidence: c’est leur manière de traiter
l’insécurité.
une affiche officielle du candidat à l’entrée des bâtiments publics. Plus aucun
candidat n’achète de grands espaces d’affichages.
Chapitre 4
LES EFFETS DE LA COMMUNICATION PERSUASIVE
ET LEUR PERCEPTION
Un autre ouvrage a un grand retentissement. Serge Tchakotine écrit un peu plus tard
en 1939 « Le viol des foules par la propagande politique ». Cet ouvrage s’intéresse à
la montée du nationalisme en Allemagne et analyse les effets de la propagande
politique. Il s’appuie sur les travaux de Pavlov sur le réflexe conditionné. Il va
avancer que la propagande est créée par la répétition des messages, la simplicité des
messages, le recours à des couleurs particulières vives pour la plupart. Petit à petit les
individus vont associer à la propagande des comportements conditionnés. Selon ce
modèle, les médias nous influencent : la situation actuelle est due au fait que les
médias créent le problème. On voit cette idée que les citoyens sont conditionnés par
les messages que l’on reçoit de la part des médias. La croyance dans le pouvoir des
images nous vient de la première moitié du 20ème siècle.
C’est avec le présupposé qu’il existe des mécanismes communs entre un acte d’achat
et un vote que Lazarsfeld et son équipe abordent l’analyse d’une campagne
présidentielle aux USA qui opposait le candidat démocrate Roosevelt au candidat
républicain, Wilkie en 1940. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’un ouvrage,
The People’s Choice, publié en 1944. Leur hypothèse est en effet que la campagne
présidentielle change les opinions et le vote des citoyens. Donc les techniques
publicitaires vont avoir des effets sur les comportements de vote. Effectivement à
l’époque la télévision existe à peine donc les organes principaux de diffusion des
messages présidentiels sont la radio et la presse. Ils vont travailler avec une technique
particulière en sciences sociales, le questionnaire appliqué à un panel, c’est-à-dire
qu’ils interrogent à plusieurs reprises les mêmes personnes. Ils vont poser des
questions sur leurs opinions politiques et ils vont poser des questions sur l’exposition
des citoyens aux messages de la campagne.
L’étude ne conclut pas du tout à l’influence des messages médiatiques sur le citoyens
mais au contraire au déterminisme social du vote. L’équipe ne s’attendait absolument
pas à ça… « On vote politiquement comme on est socialement ». Ce sont nos
appartenances à divers groupes sociaux qui vont déterminer nos choix finalement. Ce
que montre donc l’équipe de Lazarsfeld c’est l’homogénéité politique des groupes
sociaux.
~ 61 ~
- Statut socioéconomique
- Appartenance religieuse
- Lieu de résidence
Encadré n°04
L’indice de prédispositions politiques est un indice de caractérisation sociale des individus construit
à partir de trois variables : le niveau socioéconomique, l’appartenance religieuse et le lieu de
résidence. La combinaison d’un certain niveau socioéconomique, de l’appartenance à une religion
plutôt qu’une autre et la résidence (rurale ou urbaine) constitue un faisceau de prédispositions
sociales élevées quant à l’orientation politique d’un individu. Ainsi, l’indice permet de prédire aux
Etats Unis d’Amérique, tendanciellement, les citadins catholiques et moins fortunés sont
prédisposés à voter pour le parti démocrate, comme les « groupes ethniques », quand les ruraux,
protestants et plus fortunés sont eux prédisposés à voter pour le parti républicain.
Pour l’aspect média, ce que montre cette étude de Lazarsfeld c’est que la campagne
électorale elle-même n’a qu’un effet très limité sur les choix politiques, car la plupart
des électeurs se sont décidés bien avant la campagne. L’étude montre notamment que
les préférences politiques sont des éléments durables qui remontent le plus souvent à
l’enfance, qui sont liés au milieu familial (ce qui n’est plus vrai aujourd’hui).
Les personnes qui sont le plus susceptibles de changer d’orientation politique sont
aussi celles qui s’intéressent le moins à la politique et à la campagne. Ce sont les
personnes qui ont dans leurs appartenances des pressions contradictoires. A contrario,
les personnes qui sont le moins susceptibles de changer d’opinion par rapport à leur
appartenance sociale sont celles qui vont le plus suivre la campagne. Finalement, les
citoyens feraient un choix sur un marché, donc ils s’informent sur les différentes
options possibles et ils choisissent. Mais à l’époque cette étude montre que la
~ 62 ~
campagne n’est pas utilisée comme cela mais comme un élément pour se conforter
soi-même dans son choix.
Ce qu’il est également intéressant de voir, c’est que ce qui va être retenu de la
campagne est ce qui va dans le sens de nos prédispositions. La campagne aurait donc
pour effet principal d’activer et de renforcer les prédispositions politiques existantes.
Par ailleurs, ce que montre Lazarsfeld est que l’un des évènements importants dans la
formation des opinions est la conversation politique/la discussion politique
informelle. Quand on réfléchit à la formation des préférences politiques, on voit que
les contacts interpersonnels/les conversations ont plus d’influence que la propagande
électorale, surtout auprès des électeurs les moins politisés. Lazarsfeld écrit : « les
gens qui savaient déjà pour qui ils allaient voter ont lu et écouté bien plus de matériel
de campagne que les personnes qui ne savaient pas pour qui ils allaient voter ». Cette
découverte de la première étude électorale sur les campagnes va être à l’origine du
modèle de communication à deux étages.
Encadré n°05
Les leaders d’opinion sont des individus exerçant une influence certaine au sein de groupes sociaux
restreints (cercle familial, amical, professionnel, etc.). Cette influence repose sur des relations
interpersonnelles entre les individus, sur le statut et le rôle social occupé par le leader, et sur son
activité de médiation, de traduction et de filtrage des informations médiatiques utiles à l’unité du
groupe. Ce sont des personnes politisées qui relaient le message, le colorent et le diffusent.
Ces recherches ont montré que l’influence des campagnes électorales tout du moins
au temps de la radio était très limitée. Cependant certains auteurs ont par la suite fait
remarquer que d’autres aspects de la recherche de Lazarsfeld notamment l’effet de
renforcement de l’intention, l’effet de l’activation des prédispositions politiques
étaient également très importants.
Les effets directs des médias sont difficiles à mesurer, et si on les mesure, c’est de
manière indirecte donc par le biais de la conversation, des échanges informels. On
remarque dans les enquêtes que ce sont les personnes les plus intéressées par la
politique qui vont le plus s’exposer aux messages politiques. Bien sûr quand on
évalue le public des JT on a tout de même un public très large, mais quand on regarde
qui s’expose à des émissions repérées comme politiques, on tombe tout de même sur
des publics plus spécialisés. On retombe dans la même question : comment toucher
non pas cet électorat déjà convaincu mais plutôt l’électorat le plus susceptible de
changer d’avis mais aussi le moins intéressé par la politique ? Il est donc difficile
d’isoler des effets propres aux expositions des messages politiques.
~ 64 ~
Encadré n°06
Identification partisane : forgée durant l’enfance au sein du foyer familial, elle fonctionne comme
un écran qui filtre la vision du monde des électeurs. Plus les individus s’identifient à un parti, dans
le droit fil des valeurs auxquelles ils ont été socialisés dans leur milieu familial, plus ils sont enclins
à voter pour le candidat de ce parti, même sans connaître précisément les opinions que soutient le
candidat.
Les médias proposent un certain nombre de sujets qui intéressent leur public et qui
produisent un certain nombre d’effets sur celui-ci. Généralement, on distingue 3 types
d’effets : effet de mise sur agenda, effet d’amorçage et effet de cadrage.
Selon Bernard Cohen, « la presse ne réussit sans doute pas la plupart du temps à dire
aux individus ce qu’ils doivent penser, mais est incroyablement efficace lorsqu’il
s’agit de dire aux électeurs ce à quoi ils doivent penser » (Bernard Cohen, 1963).
Reprenant plus de 10 ans plus tard cette hypothèse, Maxwell McCombs et Donald
Shaw vont formaliser cet effet en forgeant le concept de « fonction de mise à
l’agenda » ou « agenda-setting function » des médias.
Cette notion principalement utilisée en politique publique vise à rendre compte d’un
travail de sélection opéré par différents acteurs en vue de porter des
problèmes/questions sur la place publique. De façon assez proche, deux auteurs Cobb
et Elder ont utilisé la notion d’agenda-building pour décrire les liens entre
l’élaboration de l’agenda politique (les problèmes traités par le gouvernement),
l’agenda des médias et l’agenda de l’opinion publique. Il y a souvent correspondance
entre les trois mais pas toujours.
~ 65 ~
L’effet de cadrage ne mesure pas l’imposition d’un problème par les médias mais il
mesure les cadres interprétatifs auxquels les médias ont recours pour définir un
évènement. Le cadrage suppose essentiellement de la sélection et de la saillance.
Cadrer suppose de sélectionner quelques aspects d’une réalité perçue et d’en faire
quelque chose de plus saillant dans sa mise en public, de telle sorte à valoriser une
~ 66 ~
Ces trois effets finalement revisitent la notion de persuasion. Il s’agit quand même de
relativiser les effets de persuasion des médias en montrant qu’ils peuvent
éventuellement influencer la manière dont on perçoit l’évènement, les critères
considérés comme majeurs, voire l’arrivée sur l’agenda politique d’un problème mais
en montrant aussi la difficulté à identifier ces effets.
1° Plus un individu est engagé sur le plan cognitif (sensible à un problème), plus il
sera attentif et recevra le message et son enjeu ;
2° Les individus tendent à résister aux arguments contraires à leurs prédispositions
politiques surtout s’ils disposent d’informations leur permettant de relier le message à
leurs prédispositions. Par exemple si je suis sympathisant du CNDD-FDD et que je
lis un discours dont je sais qu’il est du Gnl E. Ndayishimiye sur la sécurité, je vais
être d’accord avec lui, alors que si on lit le même discours écrit par Rwasa du CNL ça
ne sera pas le même ressenti ;
~ 68 ~
Cette critique de l’approche par les effets a été fondée notamment par Stuart Hall, qui
a publié un article fondateur dans la revue Réseaux en 1994. C’est un article qui porte
en fait sur ce que Hall a appelé l’« encodage » et le « décodage » des messages. Pour
lui, la communication repose sur 2 processus selon lesquels le message est encodé par
l’émetteur et va être décodé par le récepteur du message.
Hall va montrer que ce qui pose problème dans la communication, ce n’est pas
tellement le processus d’encodage mais celui de décodage. On croit en fait que le
sens donné par l’émetteur est le seul qui peut être perçu par le récepteur. Mais Hall
dit qu’il existe 3 types de décodages possibles :
3° Le décodage qui s’appuie sur un « code oppositionnel » : dans cette position, les
interlocuteurs vont refuser le code dominant et vont même proposer une toute autre
interprétation de la réalité et du message.
Pour Hall, le défaut des études sur les effets c’est que ces études ne travaillent que sur
la production de message et non pas sur le sens que les récepteurs des messages vont
donner aux messages reçus.
~ 70 ~
Chapitre 5
LES PROFESSIONNELS DE LA COMMUNICATION POLITIQUE
Pas de place pour les amateurs ! Tel est le constat qui frappe tout observateur qui se
penche aujourd’hui tant sur le niveau d’organisation que sur le profil des équipes de
campagne des candidats aux élections nationales dans les démocraties actuelles. Etre
~ 71 ~
1. 1. Un rôle
Le premier à avoir publié sur ce rôle est Cayrol dans La nouvelle communication
politique. Il postule que cette nouvelle communication politique s’oriente vers la télé
au lieu d’aller au public. C’est donc un rôle car selon Cayrol, le conseiller en
communication est une personne qui maîtrise les techniques de marketing politique et
qui aide un candidat à les mettre en œuvre dans le cadre d’une stratégie donnée. Les
conseillers en communication sont généralement des publicitaires reconvertis dans le
champ politique.
Selon Ph. Riutort, les conseillers en communication partagent des croyances sur leur
propre métier et sur leur propre efficacité.
télévision aux USA). On peut donc considérer que ces conseillers en communication
vont accorder la primauté aux techniques et particulièrement ici à la TV, mais on
pourrait bien évidemment généraliser ceci à l’internet, par rapport aux relations
sociales. Cette idéologie professionnelle repose en fait sur les intérêts de ces
professionnels de la communication qui ont besoin de se légitimer et donc qui ont
besoin de se trouver des moments fondateurs de la profession.
C’est une hypothèse souvent avancée dans les travaux, notamment ceux de Blumler
et Cavanagh sur les trois âges de la communication politique, ainsi que ceux de
~ 74 ~
Farrell et Webb qui ont produit un chapitre nommé « Parties without Partisants ». Ils
décrivent donc ce qu’ils appellent un troisième âge de la communication politique qui
serait la période actuelle. Ils distinguent donc trois âges :
1° Première période dite aussi « période de l’âge d’or » est marquée par des contacts
directs. C’est une période des partis de masse où les discours partisans étaient perçus
comme une source essentielle du débat social et où ces discours étaient
essentiellement transmis par les documents des partis, par les affiches et puis sinon
par les réunions publiques et le contact interpersonnel. On appelle aussi cet âge
« l’âge d’or du parti de masse » ;
C’est beaucoup moins vrai en France que dans les pays Anglo-Saxons, car dans ces
pays c’est aussi lié à la tradition culturelle qu’il y a une habitude de s’adresser aux
communautés (pas forcément sociales mais culturelles, ou une catégorie d’âges…).
Les citoyens dans ces pays ont davantage de moyens pour réagir. Ces auteurs
soulignent que les partis et les candidats aux élections seraient de plus en plus enclins
à modeler et cibler leurs messages en fonction des attentes supposées des électeurs
plutôt que de porter des propositions programmatiques élaborées en interne. Cela
veut dire que finalement les partis politiques seraient progressivement dépossédés de
leur fonction importante qui est celle du produire des programmes et des projets.
1° Il n’y a pas lieu de distinguer les différents âges car on ne voit pas les savoir-faire
nouveaux ;
2° Les trois âges se combinent au lieu de se succéder. Ainsi par exemple, aux USA,
les campagnes électorales combinent les éléments qui proviennent des trois âges de la
politique ; d’où l’on peut dire que cette distinction reste artificielle.
3° En fonction des ressources de chaque organisation, les schémas ne sont pas les
mêmes : certains privilégient la télé, d’autres l’internet, d’autres encore la radio, etc.
Autrement dit, comme beaucoup de travaux l’ont souligné, les manières de faire
campagne varient énormément d’un parti à l’autre, varient également selon les
contextes institutionnels. Blumler et Cavanagh eux-mêmes ont dit que leurs schémas
évolutifs étaient inspirés par les expériences américaines et britanniques et qu’il
faudrait le confronter à différents contextes.
~ 76 ~
Chapitre 6.
LES MUTATIONS DE L’ESPACE PUBLIC ET L’IRRESISTIBLE
MEDIATISATION DU POLITIQUE
Au début de ce chapitre, il n’est sans nul doute pas inutile de rappeler que le
développement de la démocratie et des médias libres n’est une tendance ni naturelle
ni inéluctable de l’Histoire. Nous savons que les régimes démocratiques ont inauguré
un contrat politique d’un genre nouveau fondé sur la séparation des pouvoirs,
l’égalité des droits, le principe de justice et la garantie des libertés fondamentales. En
effet, c’est à travers des luttes sociales et politiques, des controverses et différentes
mises à l’épreuve que ces nouveaux principes de dévolution et d’exercice du pouvoir
ont pris le pas sur les principes établis ou concurrents. Là où il s’est institutionnalisé,
ce nouveau contrat politique a progressivement reconnu les libertés nécessaires à
l’efficacité de la démocratie : liberté de l’information (transparence de la décision
politique qui fait pièces au secret d’Etat et à la censure) et la liberté d’opinion (droit à
et de s’opposer qui révoque l’arbitraire absolutiste).
Encadré n°08
La médiatisation désigne le processus relativement long par lequel des éléments centraux de
l’activité sociale et culturelle se retrouvent progressivement sous le contrôle des logiques
médiatiques.
s’exprime pas seulement dans l’arène parlementaire, mais aussi dans les journaux et
les salons. Valeur cardinale de la démocratie en train de naître, la publicité des
informations et des opinions politiques est au fondement des nouveaux rapports de
pouvoir qui sont expérimentés à l’ère contemporaine.
Par ailleurs, il faut noter que la fin du XXe siècle, et plus encore le début du XXIe
siècle, ont amené une plus grande publicité des opinions des citoyens. En effet, le
développement des médias électroniques (sites, blogs, plateformes d’hébergement
vidéo) et des réseaux socionumériques (Facebook, Tweeter, whatsapp, instagram,
etc.), mais aussi le recours croissant aux dispositifs de concertation tendent à
individualiser les médias de masse, traçant de nouveaux usages.
2. La médiatisation du politique
A ce titre, cette dernière étape marque un franchissement d’un nouveau seuil avec la
généralisation de l’adaptation à la logique médiatique commerciale, tant au sein des
entreprises journalistiques que dans l’activité politique. Avec un effet retard, la
prédiction de Jürgen Habermas d’une colonisation du monde vécu par les médias
aurait ainsi trouvé à se réaliser. Internet renforce et accélère ce phénomène. Pour
certains spécialistes, ce nouveau média ne fait qu’exacerber la tendance à
l’alignement de tous les professionnels de l’espace public sur la media logic, quand
pour les autres, il introduit une accélération historique du temps politique et fournit
une arme supplémentaire à la course aux armements communicationnels que se
livrent les professionnels de la politique.
convient donc d’observer en détail les relations que les entreprises médiatiques ont
successivement entretenues avec les pouvoirs sur le temps long du politique. Dès lors
que l’on s’engage sur un tel diagnostic, cela suppose d’articuler la dimension
politique aux enjeux économiques, sociaux et technologiques qui sous-tendent la
production médiatique. Il s’agit, d’une part, de s’intéresser aux efforts des
gouvernants, des acteurs politiques et du groupe des journalistes eux-mêmes pour
contrôler, encadrer, réguler et/ou autonomiser l’univers médiatique, en fonction des
évolutions institutionnelles et socioculturelles du pays ; et, d’autre part, d’observer la
manière dont les mutations politiques ont bouleversé le système médiatique et,
réciproquement, la manière dont les transformations médiatiques ont accompagné les
métamorphoses du système politique.
Erik Neveu pour la France, Jean Charron et Jean de Bonville pour l’Amérique du
Nord distinguent 4 configurations du journalisme, plus ou moins contemporaines des
phases décrites précédemment. Au-delà des éléments descriptifs, ces éléments tentent
d’articuler les évolutions de la pratique journalistique avec l’organisation
économique, politique et sociale, les fondements matériels et techniques des médias,
les modes d’organisation du travail des journalistes, les représentations qu’ils se font
de leur rôle et les caractéristiques sémantiques ou stylistiques de leur production.
3° Ce deuxième modèle est ensuite remis en cause dans les années 1960-1980. Face à
la professionnalisation de la communication politique et avec la montée du
journalisme audiovisuel, les journalistes politiques vont progressivement modifier la
mise en forme des informations et développer un journalisme d’« expertise critique ».
C’est un journalisme qui va beaucoup plus systématiquement chercher à regarder
dans les coulisses du politique afin de faire prévaloir un savoir-faire critique. Ce
nouveau journalisme va fortement s’appuyer sur les sondages pour fonder son
expertise et résister ainsi à la professionnalisation de la communication politique. A
l’instar de la « démocratie du public », ce journalisme est marqué par la montée des
logiques d’audience. Du côté de la sociologie des journalistes, on constate que les
nouveaux entrants dans la profession sont plus systématiquement diplômés et ont un
rapport plus distant et critique à l’encontre du politique.
4° Mais ce modèle semble rencontrer des problèmes à partir du milieu des années
1990, du fait de la stagnation des audiences télévisées, de la crise économique des
médias, de la rapidité des changements du jeu politique et de l’apparition de
nouveaux acteurs. Progressivement, apparaît une confusion entre journalisme
politique et show politique. On assiste alors à l’avènement du « journalisme de
communication » dans le journalisme politique, caractérisé par un ciblage croissant
des attentes des audiences, par des frontières floues entre discours journalistiques,
paroles citoyennes et communication d’entreprise, par un renforcement de l’affichage
de liens de « connivences » entre les rédactions et leurs publics, etc. Le système
médiatique contemporain se caractérise, en effet, par une diversification et une sur-
spécialisation des supports. Partant, se développe une privatisation de l’information
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selon les pratiques des lecteurs avec, pour corollaire, une plus grande infidélité des
lecteurs.
Conclusion générale
Ce cours nous a permis de comprendre que la politique est largement devenue affaire
de communication. Dans la conquête comme dans l’exercice du pouvoir, la
communication occupe aujourd’hui une place cruciale. Naguère encore rejetée du
côté des « procédés » peu avouables de conquête des électeurs, la communication
apparaît aujourd’hui comme une exigence des citoyens. Chaînes d’information
continue, réseaux sociaux, cotes de popularité, emballements médiatiques et
stratégies d’influence des groupes de pression sont le nouvel horizon de l’activité
politique. Bien plus, si l’éloquence et le maniement ritualisé des symboles y sont
toujours de mise, « bien communiquer » est devenu un impératif absolu dans les
sociétés de l’information, voire de la sur-information. D’où l’invention puis la
consécration de nouveaux « métiers » des professionnels de la communication ou
spin doctors dans la division du travail politique.
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Références bibliographiques