Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
19 vues15 pages

9782705906511

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1/ 15

Retrouver ce titre sur Numilog.

com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

La sociologie
d'Auguste Comte
Retrouver ce titre sur Numilog.com

LE PHILOSOPHE

SECTION DIRIGÉE PAR JEAN LACROIX

21

C o m i t é de p a t r o n a g e

FERDINAND ALQUIÉ

GASTON BACHELARD

ROBERT BLANCHÉ

HENRI GOUHIER

LÉON HUSSON

ÉDOUARD MOROT-SIR

GEORGES MOUNIN

PAUL RICŒUR

JOSEPH VIALATOUX
Retrouver ce titre sur Numilog.com

COLLECTION SUP

La sociologie
d'Auguste Comte

JEAN LACROIX

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE

1973
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Dépôt légal. — 1 édition : 3 trimestre 1956


4 édition revue et corrigée : 3 trimestre 1973
© 1956, Presses Universitaires de France
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation
réservés p o u r tous pays
La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'ar-
ticle 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage
privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les
analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute repré-
sentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'au-
teur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1 de l' article 40).
Cette représentation ou reproduction, p a r quelque procédé que ce soit, constituerait
donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

CHAPITRE PREMIER

Philosophie
sociologie et politique

Au début du XIX siècle la crise politique économique


et sociale est sans doute ce qui préoccupe le plus les
esprits. Tous les penseurs y portent une attention par-
ticulière. De Hegel à Marx, de Saint-Simon à Proudhon
et Fourier, de Lamennais à Ballanche c'est l'époque des
grandes synthèses et des ambitieuses philosophies de
l'histoire. Au point de départ de toutes ces doctrines
il y a une méditation sur le temps présent. Or le temps
présent est dominé par un événement qui reste en
quelque sorte contemporain, qui n'arrive pas à passer :
la Révolution française. Les révolutions de 1830 et
de 1848 apparaissent comme de subites poussées de
fièvre d'un mal latent et toujours présent. Aussi, au
temps même où Napoléon réalisait la synthèse pra-
tique de l'ancien et du nouveau régime, et surtout
dans les années qui suivirent, voit-on beaucoup de phi-
losophes, d'historiens, de politiques ou d'économistes
tenter la synthèse doctrinale de l'ancien esprit monar-
chique et du nouvel esprit révolutionnaire. C'est en
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Allemagne un aspect essentiel de l'œuvre hégélienne.


C'est en France un aspect plus méconnu de l'éclectisme,
sans valeur philosophique certes, mais dont le rôle de
superstructure idéologique ne fut pas négligeable. La
bourgeoisie du XIX siècle, quand elle ne se réfugiait
pas dans le pur traditionalisme de Bonald, Maistre
ou du premier Lamennais, avait besoin d'une sorte de
spiritualisme abstrait, autant que possible vidé de toute
pensée et relativement émancipé de la religion, pour
discipliner la classe ouvrière et légitimer son propre pou-
voir sans s'imposer des devoirs trop précis Victor
Cousin en eut la plus nette conscience. Reprochant à
l'Église Catholique, après avoir rejeté Lamennais, de
conserver cependant l'esprit de son premier système, il lui
proposait l'alliance de l'éclectisme à la place du traditiona-
lisme qui avait pu lui procurer un succès passager, mais
maintenait en elle « une direction fatale, contraire à ses

1. Cf. la Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine


en matière d'apologétique, par Maurice BLONDEL (P. U. F., édition
1956, la Lettre est de 1896) : «Où le caractère artificiel et superficiel
de ce compromis se marque surtout, c'est dans ce qu'on a appelé,
vers le milieu de ce siècle, le «spiritualisme »et dans ce qui est devenu
pour quelques-uns le « spiritualisme chrétien », comme si d'ailleurs
dans la pensée de son auteur, cette doctrine n'avait pas été destinée à
devenir la seule religion de la bourgeoisie éclairée. Nom nouveau et
déjà vieux qu'il n'est peut-être guère possible ni désirable de rajeunir.
Souvent ce qui paraît neuf, c'est ce qui doit vieillir, et il y a des
doctrines qui naissent vieilles : celle-là semble être de ce nombre.
Composée à une époque où l'on souhaitait politiquement une phi-
losophie bien claire et bien sage, aussi éloignée des hardiesses sub-
versives d'une pensée trop libre que des exigences de la foi complète,
cette doctrine qui d'ordinaire a enveloppé d'un respect silencieux
et meurtrier les idées chrétiennes, qui, chez quelques-uns de ses par-
tisans, les a simplement admises, mais souvent comme l'on accepte
une eau limpide, cette doctrine qui mérite le sort des tièdes, gardera
dans l'histoire son nom de spiritualisme. Il faut le lui laisser : la
philosophie traditionnelle et la belle langue française ne l'ont point
connu » (p. 31-2).
Retrouver ce titre sur Numilog.com

traditions nationales, à ses intérêts de tous les temps,


aux déclarations des Saints Conciles, au génie permanent
du catholicisme ». Aimant se comparer à Hegel, il a
prétendu accomplir la même œuvre de réconciliation,
ou plutôt de dépassement, de l'esprit ancien et de l'esprit
nouveau et faire jouer le même rôle, si l'on peut dire
libéral-conservateur, à l'éclectisme en France qu'à l'hégé-
lianisme en Allemagne. « Il était comme moi, a-t-il dit
de Hegel, pénétré de l'esprit nouveau ; il considérait la
Révolution française comme le plus grand pas qu'ait
fait le genre humain depuis le christianisme et il ne cessait
de m'interroger sur les choses et les hommes de cette
grande époque. Il était profondément libéral sans être le
moins du monde républicain. Ainsi que moi il regardait
la République comme ayant peut-être été nécessaire
pour jeter bas l'ancienne société, mais incapable de servir
à l'établissement de la nouvelle, et il ne séparait pas la
liberté de la royauté. Il était donc sincèrement constitu-
tionnel et ouvertement déclaré pour la cause que sou-
tenait et représentait en France M. Royer-Collard. »
Ce problème de la synthèse entre le traditionalisme
et le libéralisme, entre l'esprit conservateur et l'esprit
révolutionnaire, est par excellence celui d'Auguste
Comte. Il veut dépasser, tout en les comprenant, ce qu'il
appelle la sociologie de l'ordre et la sociologie du progrès.
Mais beaucoup sont moins préoccupés de l'analyse théo-
rique de la crise que des remèdes à y apporter : ils veulent
avant tout mettre fin à la Révolution et retrouver la
stabilité. Ainsi ce que Comte reprochera essentiellement
à Saint-Simon, dont il fut le secrétaire et dont il subit
profondément l'influence avant de rompre avec lui, c'est
d'avoir été trop pressé : il veut guérir une maladie dont il
n'a pas pris soin d'étudier la nature. Au contraire la posi-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

tion et la méthode même de Comte apparaissent, dès


le début, extrêmement intellectualistes. Malgré toutes
ses faiblesses, le positivisme appartient à la grande tra-
dition rationaliste française, et, d'un certain point de
vue, Comte peut et doit être étudié comme un continua-
teur de Descartes. Il rêvait d'être par sa méthodologie
et sa philosophie des sciences l'Aristote, par sa morale
et la fondation d'une Église nouvelle le saint Paul du
XIX siècle. « Sans elle, a-t-il dit de Clotilde de Vaux,
je n'aurais jamais pu faire activement succéder la car-
rière de saint Paul à celle d'Aristote, en fondant la
religion universelle sur la saine philosophie, après
avoir tiré celle-ci de la science réelle. » Car il tenait saint
Paul pour le véritable fondateur du christianisme et le
Christ, avec sa foi au Père céleste et sa prédication d'un
royaume de Dieu, pour « essentiellement charlatan et
aventurier ». Mais la seconde carrière ne saurait faire
oublier la première. Pour l'auteur du Cours de Philosophie
positive, la crise politique et sociale est d'abord intellec-
tuelle et le premier remède à y apporter est de nature
intellectuelle. Ce sont les idées qui gouvernent et boule-
versent le monde. Aussi l'ordre dans la pensée précède-
t-il et commande-t-il l'ordre dans l'État. Le 18 sep-
tembre 1819 il écrivait à son ami Valat : « Mes travaux
sont et seront de deux ordres, scientifiques et politiques. »
Le positivisme sera fondé lorsque Auguste Comte
ne les séparera plus, mais en découvrira l'unité pro-
fonde. Or cette unité naîtra d'une priorité caracté-
ristique des problèmes intellectuels : la réforme de
la société dépend d'une réforme de l'intelligence. Idée
qui n'inspirera pas seulement l'école sociologique fran-
çaise, mais beaucoup d'écrivains de Renan à Brunetière
et à Bourget, et jusqu'à Charles Maurras, qui consa-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

crera un ouvrage à Comte et se proclamera son disciple.


Par une sorte de hasard miraculeux, l'évolution même
de Comte préfigure et reproduit celle de l'humanité
tout entière. Dans son enfance il appartenait à une famille
traditionaliste, c'est-à-dire catholique et monarchiste,
de Montpellier ; dès sa 1 5 année il a perdu la foi et à
l'École Polytechnique où il est admis à 16 ans, en 1814,
il devient un étudiant voltairien et libéral ; puis très
vite il dépasse ces deux périodes de sa vie, en fait la
synthèse et inaugure le positivisme, qui est une sorte
de dépassement au sens hégélien, c'est-à-dire qui conserve
ce qu'il y a de valable dans les acquisitions antérieures
tout en rejetant ce qu'il y a d'erroné. Dans son premier
écrit, qui date de 1819, il affirmait déjà les deux idées
essentielles dont il ne se départira jamais : l'action de
l'homme, non seulement sur la nature, mais sur la
société n'est pas nulle, mais étroite et limitée — cette
action dépend directement de notre connaissance et
atteint son apogée avec l'achèvement de l'édification du
savoir positif. « La loi supérieure du progrès de l'esprit
humain entraîne et domine tout : les hommes ne sont
pour elle que des instruments. Quoique cette force dérive
de nous, il n'est pas plus en notre pouvoir de nous
soustraire à son influence ou de maîtriser son action que
de changer à notre gré l'impulsion primitive qui fait
circuler notre planète autour du soleil. Les effets
secondaires sont les seuls soumis à notre dépendance.
Tout ce quenous pouvons, c'est d'obéir à cette loi (notre
véritable providence) avec connaissance de cause, en
nous rendant compte de la marche qu'elle nous prescrit,
au lieu d'être aveuglément poussés par elle ; et c'est
précisément en cela que consiste le grand perfectionne-
ment philosophique réservé à l'époque actuelle. » Georges
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Dumas a pu parler des deux messies positivistes, Saint-


Simon et Auguste Comte. Mais le second ne peut engager
les hommes dans de nouvelles voies que parce qu'il
a commencé par une révolution dans l'ordre de la pensée.
Dès 1822, faisant, dans un Plan de Travaux, le diagnostic
du mal de son époque, il écrivait : « L'anarchie spirituelle
a précédé et engendré l'anarchie temporelle. » Inver-
sement l'ordre spirituel précédera et engendrera l'ordre
temporel. Il faut trouver une « cohérence mentale » qui
assure une « cohésion sociale » définitive. Le positivisme,
consommant « le vœu de l'unité humaine et de l'univer-
salité catholique, vient fermer l'ère des révolutions ».
La réorganisation spirituelle de l'Occident est la seule
base possible de la régénération temporelle. C'est le
salut de la société qui exige un extraordinaire effort de
pensée. Le Cours affirme : « C'est maintenant à l'esprit
d'ensemble qu'il appartient exclusivement de présider
à la réorganisation sociale » et dans le Discours sur l'en-
semble du positivisme on pourra lire : « Une systémati-
sation réelle de toutes les pensées humaines constitue
donc notre premier besoin social. » Comte précise même
l'ordre des rétablissements successifs : « La réorganisa-
tion finale doit d'abord s'opérer dans les idées pour
passer ensuite aux mœurs et en dernier lieu aux insti-
tutions. » Deux siècles plus tôt un penseur, qu'on n'a
guère l'habitude d'envisager de ce point de vue, Leibniz,
avait prévu ce que Paul Hazard a appelé la crise de la
conscience européenne et s'était efforcé d'y remédier à
l'avance. Il voit sourdre entre la religion et la science un
divorce, dont il ressent les premiers effets. Son but
est d'y obvier avant que la crise n'éclate et qu'il ne soit
trop tard. Pour cela il faut empêcher que le christianisme
ne s'affaiblisse et ne se déchire en s'opposant à lui-même :
Retrouver ce titre sur Numilog.com

d'où ses efforts, notamment ses conversations avec


Bossuet, pour réconcilier catholiques et protestants.
C'est le vrai fondateur de l'œcuménisme. « Je ne méprise
presque rien, » disait Leibniz. On pourrait appliquer
la formule à sa propre philosophie, à cette sorte d'éclec-
tisme génial, qui voulait réconcilier Aristote et Descartes,
la philosophie et la science afin de sauver la civilisation
européenne. Le leibnizianisme est une tentative gran-
diose, quoique manquée, à cause même de son souci apo-
logétique, pour édifier une philosophie, qui soit d'une part
une philosophie authentiquement religieuse, une philo-
sophie chrétienne et d'autre part et en même temps une
philosophie qui intègre tous les progrès de la science et
réponde aux besoins contemporains. Malgré des diffé-
rences assez évidentes, et qui tiennent autant à la diver-
sité des temps, puisqu'il s'agit de mettre fin à une crise
et non plus de la prévenir, qu'à celle des hommes, la
tentative de Comte, deux siècles plus tard, est analogue.
Sans doute ne croit-il plus au christianisme et ne s'agit-il
pas de le réconcilier avec la science. Henri Gouhier a
dit qu'il voulait découvrir un homme sans traces de
Dieu. Mais non sans traces de religion. Si son tempé-
rament conservateur l'a définitivement emporté, il dési-
rait cependant conserver l'héritage révolutionnaire. Il
voyait dans le culte jacobin de la Raison une anticipation
du positivisme et se considérait comme le vrai successeur
des révolutionnaires de 1789. Il a félicité les Jacobins
d'avoir constitué « spontanément une sorte de pouvoir
spirituel dans cette combinaison si remarquable et si
peu comprise qui caractérise le régime révolutionnaire ».
Il pensait lui-même continuer et élargir cette révolution
en supprimant toute transcendance et en fondant la
religion de l'espèce, la religion de l'Humanité. Telle
Retrouver ce titre sur Numilog.com

est la signification de sa formule : écarter Dieu au nom de


la religion. Il espérait voir dans les cathédrales « la statue
de l'humanité divinisée sur l'ancien autel de Dieu » et
prophétisait qu'il aurait à prêcher le positivisme à Notre-
Dame avant 1860. La question religieuse, si transformée
soit-elle, reste donc bien pour lui essentielle : tout son
effort tend à terminer la crise dont Leibniz n'avait pu
empêcher l'ouverture.
Ainsi Comte, comme plusieurs l'avaient tenté avant
lui ou le tentaient en même temps que lui, prétend-il
résoudre les problèmes politiques par les progrès du savoir.
Ce qui pose avec précision le problème du rôle exact
de la sociologie — et de sa nature — dans l'ensemble de
la philosophie positiviste. Ce n'est pas en effet par n'im-
porte quel progrès du savoir que Comte prétend résoudre
la question sociale, mais par une promotion de l'esprit
scientifique. Cela encore ne suffit pas à caractériser abso-
lument son projet, car d'autres à cette époque ont la
même intention. Seulement cette promotion de l'esprit
scientifique ou, si l'on préfère, ces progrès du savoir
peuvent être conçus de deux manières fort différentes :
ou bien on songe au développement de l'esprit scienti-
fique en général, au perfectionnement de la méthode
ou bien on pense à la création d'une science particulière
et nouvelle qui aurait pour objet la société. L'originalité
caractéristique de Comte est d'unir ces deux points de
vue. Seul à son avis le développement de l'esprit scienti-
fique en général peut résoudre les difficultés actuelles, mais
ce développement de l'esprit scientifique se manifeste pré-
cisément par la création d'une science des faits sociaux.
«Inutilité (et même nocivité) de l'esprit scientifique sans
la science sociale, impossibilité de la science sociale
sans la hiérarchie complète des sciences, tels sont les
Retrouver ce titre sur Numilog.com

SUP
SECTION « LE PHILOSOPHE »
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès
par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement
sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012
relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au
sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.
Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire
qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections


de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*
La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre original,
qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia
‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒
dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

Vous aimerez peut-être aussi