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La démarche marketing 1
1 Définitions
De manière générale, le marketing est utilisé :
– dans tous les types d’organisations (entreprises de production, de distribution, de services,
mais aussi associations, organisations politiques…) ;
– pour tous les participants à la décision d’achat (consommateur final, distributeur, prescrip-
teur, utilisateur, importateur, collectivités…) ;
– pour toutes formes de production (biens, services, dons, idées…).
Le terme marketing est ambigu : il désigne tout à la fois des politiques de l’offre et des politiques
de la demande, tout en comprenant en son cœur la notion d’échange.
A – Le marketing de l’offre
Historiquement, le premier type de définitions retient l’idée de mise sur le marché (to market en
anglais) d’un produit ou d’un service qu’il faut vendre à un prospect.
Définition
Le marketing regroupe alors l’ensemble des actions permettant d’adapter la demande à l’offre, la
démarche marketing consistant à mettre l’offre en avant (par sa promotion, son packaging, son
prix…) afin de susciter une demande (l’achat du produit ou du service).
Il ressort de cette définition l’idée que l’entreprise peut être amenée à manipuler le consommateur
pour lui faire acheter un produit dont il ne ressent pas naturellement le besoin.
OFFRE
le marketing
DEMANDE
MARKETING
Dans cette optique, c’est l’offre qui crée la demande. Le marketing a pour objectif de permettre la
vente au plus grand nombre d’un produit existant.
Exemple
Dans l’industrie automobile, le segment monospace a été inventé ex-nihilo par des ingé-
nieurs. Il ne correspondait pas à une demande formulée explicitement par les consom-
mateurs et le Renault Espace s’est imposé au fil du temps et des actions de marketing. De
manière générale, les innovations radicales sortent rarement de l’imagination des consom-
mateurs.
B – Le marketing de la demande
Une autre vision du marketing consiste à placer le client au centre des préoccupations de l’entre-
prise.
Définition
Le marketing est alors conçu comme l’ensemble des actions qui ont pour objectif de prévoir ou de
constater les besoins du consommateur dans une catégorie de produits ou de services et de réali-
ser l’adaptation en continu de l’appareil productif et commercial d’une entreprise aux besoins ainsi
déterminés.
Selon cette définition, le marketing est un état d’esprit qui impose de concevoir la stratégie de
l’entreprise en fonction des besoins des clients, destinataires de l’offre de l’entreprise.
DEMANDE OFFRE
MARKETING
Dans cette optique, c’est la demande qui crée l’offre. Le marketing a pour objectif de déterminer
les besoins des consommateurs afin de créer un produit ou un service parfaitement adapté à ces
besoins de sorte que le produit ou service se vende « tout seul ».
Du fait des nouveaux modes de vie dans les pays occidentaux, et à la suite d’études de
marché, les marques de pâtes alimentaires ont remarqué qu’il existait une demande pour
des produits qui cuisent rapidement. Ils ont alors lancé des pâtes à cuisson rapide qui ont
connu un succès important.
C – Le marketing de l’échange
Enfin, une autre vision tente la synthèse des deux définitions précédentes en mettant au cœur du
marketing l’idée d’échange. C’est la définition proposée par l’Association Française du Marketing.
Définition
Le concept de marketing est une vision spécifique des échanges : ceux-ci doivent être équitables et
impliquer la création de valeur pour chacune des parties prenantes (individus, organisations, insti-
tutions).
Cette définition repose sur la notion centrale de création de valeur partagée et durable.
Dans cette acception, le marketing durable est une démarche intégrant les enjeux environne-
mentaux et sociaux et créant de la valeur pour les parties prenantes sur le long terme. Le marke-
ting devient alors un moyen d’accompagner les consommateurs vers des pratiques de consomma-
tion plus durables.
À NOTER • L’Académie française préconise, pour l’anglicisme marketing, l’emploi exclusif du terme
mercatique. Cependant, ce terme n’est pas employé par les praticiens.
L’apparition du marketing aux États-Unis au début du xxe siècle est liée au développement de
grandes entreprises qui souhaitent « internaliser la médiation marchande » (selon l’expression de
Franck Cochoy, dans Une histoire du marketing). Le concept de marketing suit alors les évolutions
économiques, le marketing passant par plusieurs phases.
Avant 1900
À partir de 2000 1980-2000
le commerce
le marketing le marketing
traditionnel
one-to-one relationnel
de proximité
1950-1970 1970-1980
le marketing le marketing
de masse de segmentation
À partir des années 1970, plusieurs phénomènes se combinent qui obligent le marketing à changer :
– les Trente Glorieuses sont des années de hausse du pouvoir d’achat qui s’accompagne d’une
évolution des désirs du consommateur vers davantage de variété ;
– l’entreprise ne connaît plus personnellement ses clients ;
– la concurrence s’exacerbe sur la plupart des marchés, ces derniers s’internationalisant.
Pour toucher le consommateur dans ce contexte difficile, le marketing développe des outils de ges-
tion scientifique, dont le concept de segmentation, le mix marketing ou le cycle de vie.
3 La
le marketing
démarche marketing
La démarche marketing combine une culture marketing (un état d’esprit) à des techniques marke-
ting (un savoir-faire).
A – La culture marketing
Une entreprise est un concentré de cultures très différentes qu’il faut faire cohabiter, parfois diffi-
cilement. De manière un peu caricaturale, il est courant de voir s’opposer trois grandes cultures :
– la culture d’ingénieur est tournée vers les techniques de production, l’ingénieur étant jugé sur
les critères de qualité du produit, de coût et de délai de production (QCD) ;
– la culture financière est orientée vers les résultats financiers de l’entreprise, l’objectif étant
d’atteindre la meilleure rentabilité possible et, souvent, de réduire les coûts ;
– la culture marketing est centrée sur le client, l’idée étant de répercuter les demandes des
clients dans l’entreprise.
La culture marketing est portée par les équipes commerciales (les vendeurs), qui répercutent les
demandes des clients dans l’entreprise (mais sont davantage tournées vers la vente) et, surtout,
par les équipes marketing qui sont la « voix du client » dans l’entreprise. La culture marketing est
alors un véritable état d’esprit qui consiste à se mettre au service de clients que l’on a choisis afin
de définir, fabriquer et vendre le produit qui leur convient.
À NOTER • Les conflits entre les acteurs issus de cultures différentes proviennent souvent, en réalité,
de luttes de pouvoir. La réussite d’une entreprise repose cependant sur leur entente.
L’offre produit peut préexister : le marketing sert alors à convaincre le client d’acheter le produit.
Dans une optique plus logique, l’offre produit est néanmoins censée être la conséquence de l’ob-
servation des besoins des consommateurs.
1) Les études de marché
Elles ont pour objectif, en amont, de comprendre les besoins (boire, manger, s’amuser) et les désirs
(un soda, une choucroute, une sortie au Macumba) des consommateurs afin de construire une
offre adaptée. En aval, les études de marché s’intéressent aussi à la satisfaction des clients et à leur
jugement de manière à améliorer l’offre. C’est le travail du responsable des études aidé de char-
gés d’études.
2) La segmentation, le ciblage et le positionnement
Ils reposent sur l’idée qu’un même produit ne peut satisfaire tous les consommateurs. Il faut donc
diviser le marché en différents segments de consommateurs. Pour une offre en particulier, il faut
cibler un ou des segment(s) que l’on juge plus intéressés par l’offre de l’entreprise. Enfin, le posi-
tionnement correspond aux attributs de l’offre qui sont mis en avant par l’entreprise. Le service
marketing dans son ensemble (chargés d’études, chefs de produit, chefs de pub…) travaille sur ces
trois concepts.
3) Le marketing mix
Il correspond aux variables marketing que l’entreprise peut actionner pour modifier l’offre, c’est-à-
dire les « 4 P » (Price, Product, Promotion, Place). L’entreprise fixe tout d’abord un (ou des) prix.
Elle élabore une offre produit, choisit une marque, un packaging. Elle élabore une stratégie de
communication. Elle choisit enfin son mode de distribution et organise sa force de vente. Définir le
marketing mix est la tâche principale du service marketing.
Le choix du mix résulte d’un compromis entre la nécessité pour l’entreprise de réaliser une opéra-
tion rentable, la satisfaction dans les meilleures conditions des besoins et désirs du consommateur
et la prise en considération des réactions probables des concurrents, dans le respect de la straté-
gie marketing retenue.
À NOTER • Les techniques du marketing sont plus nombreuses et plus complexes que les trois piliers
présentés ici. Elles seront abordées en profondeur tout au long des chapitres de cet ouvrage.
4 Les
critiques du marketing
Le marketing provoque des sentiments ambivalents : on lui reproche de ne servir à rien et d’être un
centre de coût (critique d’inefficacité) tout en étant persuadé qu’il manipule les foules en les pous-
sant à acheter des objets dont ils n’ont pas besoin (critique de trop grande efficacité). Il faut cepen-
dant distinguer les critiques internes à l’entreprise, souvent les plus féroces, effectuées par des
managers rompus aux techniques du marketing, des critiques externes à l’entreprise qui pro-
viennent d’institutions, d’associations de consommateurs ou de critiques plus radicaux.
Les critiques internes se focalisent sur l’absence de critères de performance objectifs à même
d’évaluer l’efficacité du marketing. En substance, un directeur financier peut indiquer si l’entre-
prise a atteint ou pas la marge opérationnelle espérée en début d’année. En revanche, le directeur
marketing est bien en peine, pour justifier la hausse de ses budgets de communication, d’indiquer
de manière précise, vérifiable et objective ses effets attendus sur la part de marché et la rentabilité
de l’entreprise. Les autres directions se considèrent ainsi souvent plus efficaces que la direction
marketing en termes de décisions stratégiques et de qualité du travail.
Ces critiques sont relayées par quelques-uns des plus éminents spécialistes académiques du mar-
keting. Le professeur Jagdish Sheth a ainsi prédit que le marketing pourrait rapidement perdre tout
pouvoir dans l’entreprise s’il demeurait incapable de s’évaluer, face à des indicateurs financiers
aujourd’hui tout puissants.
Si l’évaluation n’est pas le fort des managers en marketing, il faut aussi souligner l’intérêt d’adop-
ter des critères autres que financiers pour juger des performances du marketing. La satisfaction du
client, par exemple, engendre indirectement (par la fidélité) des rentrées d’argent à long terme dif-
ficilement mesurables aujourd’hui. L’évaluation financière est certes importante mais elle ne doit
pas être le seul critère de performance du marketing, au détriment du client et de la concurrence.
mouvement de critique du capitalisme dans son ensemble. Le marketing est critiqué pour son inci-
tation à la surconsommation, du fait de la publicité (mouvement anti-pub) ou des marques (voir le
livre No logo de Naomi Klein), et sa participation à la « marchandisation du monde » (critique par
exemple de l’association Attac).
Exemple
Imaginez un restaurant vegan. Quel mal y a-t-il pour son propriétaire à proposer une carte
de fidélité à ses meilleurs clients ? Pourquoi ne pas communiquer pour prévenir sa commu-
nauté Facebook (communication informative) d’une soirée spéciale samedi soir prochain ?
Est-ce non éthique de sa part de communiquer en faveur de causes et de recueillir des dons
pour ces causes ? Tout cela, c’est du marketing !
Face aux différentes pressions sociétales, les entreprises, qui utilisent le marketing, sont incitées à
modifier leurs pratiques et à intégrer la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), c’est-à-dire
l’intégration volontaire des préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commer-
ciales et leurs relations avec les parties prenantes.
Dans cette optique, le marketing peut devenir éthique, vert, sociétal ou positif. Le marketing
éthique correspond à des pratiques marketing transparentes et responsables, faisant preuve d’in-
tégrité vis-à-vis des parties prenantes. Le marketing vert se focalise sur l’intégration des valeurs
environnementales au sein de ces pratiques. Le marketing sociétal intègre non seulement ces
valeurs environnementales mais également les questions sociales. Enfin, le marketing positif met
l’accent sur le rôle du marketing vers une société plus durable.
Finalement, ce n’est pas le marketing qui est éthique ou non, ce sont les personnes qui l’utilisent.
Le marketing n’est pas immoral, il est amoral.