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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

LPSP1208
Neuropsychologie humaine
4 crédits
Mauro Pesenti
C350

Examen : 20 QCM + définitions + QO

PLAN DU COURS

CHAPITRE 1
Introduction à la neuropsychologie humaine

CHAPITRE 2
Éléments de neuropathologie

CHAPITRE 3
Neuropsychologie clinique et neuropsychologie cognitive

CHAPITRE 4
Agnosies visuelles

CHAPITRE 5
Troubles attentionnels

CHAPITRE 6
Troubles mnésiques

CHAPITRE 7
Neuroanatomie des fonctions cognitives

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

CHAPITRE 1 : Introduction à la neuropsychologie humaine

1. Définition et objet d’étude de la neuropsychologie

L’objectif principal que se sont assigné les neurosciences cognitives est de comprendre les
rapports entre, d’une part, les processus mentaux et le comportement, et d’autre part, le
cerveau et son fonctionnement.

Dans ce contexte, la neuropsychologie humaine poursuit le même objectif d’établissement de


ce rapport structure-fonction en utilisant une démarche qui lui est spécifique : la méthode
lésionnelle.
- Établir les relations entre les activités perceptives, motrices ou mentales et la structure
et le fonctionnement du cerveau
- Modéliser le fonctionnement cognitif par l’étude de patients cérébrolésés présentant
des déficits consécutifs à une ou plusieurs lésion(s) cérébrales.

La neuropsychologie est une discipline au carrefour entre plusieurs autres disciplines issues
des sciences humaines et des sciences médicales auxquelles elle emprunte divers concepts et
modèles. Ce caractère multidisciplinaire est ce qui fait l’attrait et l’intérêt de la
neuropsychologie, mais aussi sa difficulté, puisque pour bien la comprendre, il faut faire appel
et utiliser des notions issues d’univers très variés.

Les déficits présentés par les patients cérébrolésés sont multiples et variés : modifications du
comportement social et de la personnalité, atteintes de la perception, des fonctions
attentionnelles, de la mémoire, du langage, du traitement de l’espace… Trois fonctions
cognitives et leurs troubles seront ici développés : la perception visuelle et les agnosies,
l’attention et les troubles attentionnels, la mémoire et les amnésies.
Nous les aborderons sous leurs aspects cliniques, théoriques et empiriques.

Les cas de Phineas Gage et HM sont de bons exemples dont on a déjà parlé auparavant, et le
cas Leborgne est particulièrement intéressant : suite à une lésion cérébrale, Leborgne a en
effet perdu l’usage de la parole et n’était plus capable de prononcer autre chose que « Tan »

2. Introduction historique à la neuropsychologie

2.1. L’Antiquité égyptienne

La première trace d’une association entre l’intégrité du cerveau et le comportement date de


±2500 à 3000 ans avant J-C. Sur un papyrus égyptien retrouvé en 1962 à Louxor par
l’archéologue Edwin Smith et considéré comme le plus ancien document médical, on retrouve
48 descriptions d’atteintes au cerveau et à la moelle épinière, avec des propositions de
démarches diagnostiques, de traitements thérapeutiques et de pronostics quant à la guérison.

De manière assez étonnante, ce document comporte très peu de référence à la magie et aux
croyances religieuses…

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.2. L’Antiquité gréco-romaine

On trouve très peu de traces des connaissances des hommes sur le cerveau dans l’Antiquité
gréco-romaine, durant laquelle deux grandes conceptions vont s’affronter :

- La conception cardiocentrique pour laquelle le cœur est l’organe responsable du


comportement, des sensations et de la pensée, le cerveau ayant une simple fonction de
régulateur des fonctions cardiaques, principalement sa température. Ainsi, le sang
chauffé dans le cœur par les émotions est envoyé dans le cerveau pour permettre son
refroidissement. C’est la thèse défendue par Aristote, par exemple.

- La conception céphalocentrique pour laquelle le cerveau est l’organe responsable du


comportement, des sensations et de la pensée. Ardent défenseur de cette conception,
Hippocrate écrit dans « Le Mal Sacré », un ouvrage consacré à l’épilepsie :

« (…) c’est du cerveau et du cerveau seulement, qu’émergent nos plaisirs, nos joies,
nos rires, nos tristesses, nos douleurs, nos regrets et nos larmes (…) Je maintiens que
le cerveau est l’organe le plus puissant du corps humain. Les yeux, les oreilles, la
langue, les bras et les pieds agissent de concert sous la direction du cerveau »

Cette conception sera reprise plus tard par Galien de Pergame, un des plus grands
médecins de l’Antiquité. Se basant sur l’observation de gladiateurs blessés, il
démontre le rôle des artères dans la circulation sanguine, distingue les nerfs sensoriels
des nerfs moteurs, soutient que le cerveau contrôle la voix, et constate que le cerveau
comporte en son centre diverses cavités remplies de liquide, les ventricules.
à Lien avec la théorie des humeurs selon laquelle les fonctions du corps dépendent de
l’équilibre de quatre liquides vitaux. Il propose que les esprits vitaux soient générés
dans le ventricule gauche du cœur et transférés au cerveau par les nerfs, où ils sont
convertis en esprits animaux grâce à la rete mirabile (réseau vasculaire entourant la
glande pinéale) avant d’être renvoyés vers tous les organes du corps.

A noter : la rete mirabile n’est en réalité présente que chez certaines espèces
animales et pas chez l’humain. L’erreur provient de l’interdiction de disséquer des
cadavres humains.

2.3. Jusqu’au Moyen Age

Bien que plus proche de la réalité, la conception céphalocentrique est toutefois loin d’être la
plus répandue dans le monde médical et scientifique antique et, jusqu’au Moyen Age, c’est sa
rivale qui va largement influencer le monde occidental (et même oriental) pendant près de
1500 ans.

Le céphalocentrisme, lui, va se transformer progressivement en théorie ventriculaire. Cette


théorie du fonctionnement cérébral, soutenue par exemple par Saint Augustin, n’attribue pas
de rôle précis au cortex cérébral, qui était d’ailleurs mal voire pas du tout représenté, mais
considère les ventricules cérébraux comme le siège des fonctions mentales : le premier
ventricule contient les informations issues de la perception et des sensations, le deuxième est
le siège du raisonnement, et le troisième contient la mémoire.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.4. A la Renaissance

Avec la Renaissance et la redécouverte des travaux de grands médecins antiques, la théorie


ventriculaire va progressivement s’imposer. La levée de l’interdiction de dissection de
cadavres humains va quant à elle conduire à des descriptions anatomiques plus précises et
plus exactes. L’intérêt scientifique reste toutefois focalisé sur les ventricules, qui sont dessinés
de manière très précise, par exemple dans la représentation de Vésale, au contraire du cortex
qui reste très mal documenté.

Le questionnement sur le fonctionnement cérébral va en outre se déplacer sur un plan


philosophique, la question majeure posée à cette époque étant celle de la localisation de l’âme
et de l’esprit dans le corps humain. Pour Descartes, le corps et l’esprit sont deux substances
bien distinctes même si elles ne sont pas totalement dissociées ; c’est le dualisme cartésien qui
va largement influencer la pensée occidentale. Considérant que l’âme humaine ne peut être
qu’unique, Descartes propose de la localiser dans la glande pinéale (épiphyse) qui est le seul
organe unique du cerveau.

Au XVIIe siècle, les travaux de Thomas Willis, un anatomiste et physiologiste anglais, vont
mener à l’abandon définitif de la théorie ventriculaire et à la recherche de la localisation des
fonctions cognitives dans d’autres structures cérébrales. Entre autres choses, Willis établit la
distinction entre substance blanche et substance grise, montre que les nerfs sont connectés à la
substance blanche, et propose de localiser certaines fonctions cérébrales dans le striatum, la
substance blanche ou encore le corps calleux.

2.5. XIXe siècle

Au début du XIXe siècle, les anatomistes Franz Joseph Gall et Johann Caspar Spurzheim
proposent une théorie qui va faire sensation pendant plusieurs décennies : la phrénologie ou
théorie des bosses. Cette théorie est basée sur l’idée que plus une fonction cognitive se
développe, plus la structure cérébrale qui la prend en charge accroît son volume et presse sur
la paroi crânienne, qu’elle déforme progressivement.

En palpant la surface du crâne, on peut donc en déduire la localisation de la fonction sous-


jacente. Gall et Spurzheim vont ainsi étudier plusieurs centaines d’individus et chercher à
dégager des régularités entre les fonctions mentales et les configurations crâniennes.

Bien que totalement erronée car reposant sur une méthode scientifique inadéquate, la
phrénologie a eu un impact considérable sur la démarche neuropsychologique dont elle
constitue la prémisse. Elle est en effet la première tentative articulée de localisation des
fonctions cognitives dans l’ensemble du cortex cérébral. Surtout, elle impose le concept de
ségrégation fonctionnelle, c’est-à-dire l’idée que chaque partie du cerveau joue un rôle
cognitif particulier et que chaque fonction cognitive possède son propre centre cérébral.

Enfin, Gall est un excellent anatomiste, et il propose des descriptions très précises des
différentes circonvolutions cérébrales qui remplacent les représentations approximatives et
erronées utilisées jusqu’alors. A l’époque, les critiques formulées à l’encontre de cette théorie
portent non pas sur l’inadéquation de la démarche scientifique, mais sur le concept de
ségrégation fonctionnelle auquel est opposée une conception holistique du fonctionnement
cérébral : les différentes parties du cerveau ne joueraient pas un rôle différencié mais, au
contraire, seraient parfaitement équipotentielles, chacune pouvant assurer chaque fonction en
cas de besoin.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

A l’appui de cette thèse, le physiologiste français Pierre Jean Marie Flourens observe que,
chez le pigeon, quelle que soit la partie du cerveau lésée expérimentalement, l’animal
récupère presque totalement au plan comportemental. Il constate en outre lors de l’ablation de
parties plus ou moins étendues du cerveau que ce n’est pas tant la localisation mais la quantité
de cerveau ôtée qui affecte principalement leur comportement.

Les observations du neurologue anglais John Hughlings Jackson sur des patients souffrant
d’épilepsie vont toutefois renforcer les thèses localisationnistes. Il remarque en effet que les
convulsions provoquées dans le corps lors de crises n’apparaissent pas de manière
désordonnée, mais qu’elles semblent suivre une progression temporelle bien déterminée le
long du corps. Cette observation le conduit à formuler l’hypothèse d’une organisation
topographique des représentations corporelles dans le cerveau, chaque partie du corps étant
représentée à un endroit bien défini et identique chez tous les êtres humains.

Jackson souligne en outre le lien privilégié entre certaines fonctions cognitives et l’un ou
l’autre hémisphère cérébral, et note que les déficits présentés par les patients ne sont que
rarement totaux.

L’année 1861 marque la véritable naissance de la neuropsychologie en tant que discipline.


Cette année-là, le neurologue et chirurgien français Pierre Paul Broca présente lors d’une
réunion scientifique de la Société d’Anthropologie à Paris le cas d’un patient qu’il a examiné.
Mr Leborgne, un homme âgé de 51 ans, a été victime d’un accident vasculaire cérébral à la
suite duquel il souffre d’épilepsie et d’incapacité à s’exprimer. Il semble comprendre ce qu’on
lui dit mais ne peut répondre que par la syllabe « Tan ».

L’examen post-mortem de son cerveau révèle que la partie inférieure du gyrus frontal gauche
est nécrosé. D’autres observations de patients présentant le même déficit langagier confortent
ce constat. Broca en déduit que cette aire est impliquée dans la production du langage.
La lésion de cette aire conduit à un déficit langagier que l’on appelle l’aphasie de Broca ou
aphasie de production. Les patients souffrant de ce type d’aphasie ont un langage saccadé et
présentent un discours télégraphique, dont le sens est souvent préservé mais où de nombreux
mots sont absents ou remplacés par des périphrases ou des gestes à incapacité à trouver le
mot adéquat. Leur compréhension est quant à elle globalement bonne mais peut poser des
problèmes pour les structures syntaxiques et grammaticales complexes.

Quelques années plus tard, le neurologue allemand Carl Wernicke présente une série de cas
de patients souffrant de déficits dans la compréhension du langage et présentant des lésions de
la partie postérieure du gyrus temporal supérieur. Wernicke en déduit que cette aire est
impliquée dans le stockage de la représentation phonologique du langage.

La lésion de cette aire conduit à un déficit langagier connu sous le nom d’aphasie de
Wernicke ou aphasie sensorielle. Les patients souffrant de celle-ci ont d’importantes
difficultés à comprendre le langage orale et écrit, et ne peuvent que très difficilement
communiquer car leur discours oral, bien que parfaitement fluent et aisé, est totalement dénué
de sens. Wernicke prédit en outre l’existence d’autres types d’aphasies telles que l’aphasie
globale ou l’aphasie de conduction (résultant d’une rupture de la connexion entre l’aire de
production et de compréhension du langage)

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.6. Bases de la méthode neuropsychologique

Les travaux de Broca et Wernicke ont fortement influencé le développement d’une


neuropsychologie humaine réellement scientifique et en ont établi les fondements. A leur
suite, les bases de la méthode neuropsychologique sont :
- La méthode anatomo-clinique, c’est-à-dire l’établissement de liens entre une lésion
cérébrale et un déficit comportemental ou cognitif. Cette démarche est empirique et
clinique : elle se fait au chevet du patient.
- La lésion comme outil de la démarche, une méthode où on ne localise pas directement
une fonction saine mais la lésion responsable de son déficit.
- La fonction comme unité d’analyse, où on peut faire des inférences fonctionnelles
valides sans tenir compte de la localisation même de la lésion.
- La dissociation des troubles comme indicateur d’indépendance fonctionnelle
(l’observation de dissociations des troubles devient primordiale)
- La localisation des fonctions cognitives dans les circonvolutions cérébrales.
- L’existence de différences hémisphériques (les deux hémisphères peuvent joueur des
rôles différents pour certaines fonctions)

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

CHAPITRE 2 : Éléments de neuropathologie

1. Anatomie cérébrale et vascularisation

1.1 Bref rappel anatomique

On pourra parfois voir des photos sans le cervelet. Pour reconnaître l’avant de l’arrière, il faut
savoir reconnaître le lobe frontal du lobe occipital.

Les deux sillons les plus importants à retenir sont les sillons latéral et central. Ils permettent
en effet de définir l’emplacement des principaux lobes. A l’examen, il pourrait être demandé
de dessiner un cerveau, il suffit d’y intégrer au minimum les deux sillons précités. A noter :
certains sillons ne sont parfois pas linéaires chez certaines personnes (sillon temporal sup.)

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Ici, on a une représentation médiane du cerveau, et non plus latérale. Le sillon pariéto-
occipital est important pour localiser les lobes pariétal et occipital. A noter : il ne sera pas
demandé à l’examen de situer précisément une région du cerveau.

La partie du cerveau qui a le plus bénéficié d’une évolution au travers des espèces est le
cortex, et principalement la partie frontale. Chez l’homme, et chez les hominidés en général,
celle-ci occupe une place très importante. C’est elle qui héberge des fonctions cognitives
telles que le raisonnement, la prise de décision etc…

Comment développer le cerveau dans une boîte crânienne sans pour autant l’agrandir de
manière démesurée ? Grâce aux circonvolutions à Mécanisme de gyrification.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

La surface totale du cortex humain est d’environ


2200 à 2400 cm2. Plus des 2/3 sont enfouis dans les
profondeurs des sillons.

Le cortex est formé de plusieurs couches de


cellules formant la substance grise (contenant les
corps cellulaires), tandis que la surface est
composée essentiellement des axones myélinisés
(la substance blanche)

2.1 Vascularisation cérébrale

Le cerveau représente environs 2% du poids du corps mais utilise environs 15% du débit
cardiaque, car il fonctionne en permanence. Il consomme 20% des ressources énergétiques
produites par l’organisme, mais il a très peu de réserves propres, d’où l’importance d’une
vascularisation constante.

Cette vascularisation est assurée par deux systèmes : le système carotidien, qui vascularise les
2/3 antérieurs du cerveau, et le système vertébro-basilaire, qui vascularise essentiellement la
partie haute de la moelle épinière, le tronc cérébral, le cervelet et la partie occipitale du
cerveau.

Les illustrations de cette section ont été réalisées par le service de Neuroradiologie du CHU
de Grenoble : http://territoires-vasculaires-cerebraux.radioanatomie.com

a. Le système carotidien

2 artères (gauche et droite) divisées en carotide interne et


externe.

L’artère carotide interne est composée de l’artère cérébrale


antérieure, l’artère cérébrale moyenne, l’artère choroïdienne et
l’artère communicante antérieure.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Territoire vasculaire de l’artère cérébrale antérieure

Territoire vasculaire de l’artère cérébrale moyenne/Sylvienne

L’artère carotide externe est composée de diverses artères irriguant la face, le cou, le scalp…
Ces informations servent principalement à comprendre la suite du cours et ne sont pas à
connaître de manière très précise.

b. Le système vertébro-basilaire

Le système vertébro-basilaire est composé des artères vertébrales


(gauche et droite) qui irriguent le cerveau occipital et temporal,
et le tronc basilaire qui irrigue le tronc cérébral et le cervelet.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Territoire vasculaire de l’artère cérébrale postérieure

c. Les anastomoses

Les anastomoses forment un réseau de communication entre les différents systèmes


vasculaires. Ils ont un rôle de compensation lors de problèmes de vascularisation et dans les
phénomènes de récupération, mais cette compensation est relativement limitée.

3 lieux d’anastomoses :

Le polygone de Willis : situé à la base du cerveau, il forme


un échangeur des circulations carotidienne et vertébrale. Il
comprend vers l’avant les artères carotidiennes internes et
les artères cérébrales antérieures, reliées entre elles par
l’artère communicante antérieure. A l’arrière, il comprend
l’extrémité du tronc basilaire et les artères cérébrales
postérieures, ainsi que les artères communicantes
postérieures qui relient de chaque côté l’artère carotide
interne à l’artère cérébrale postérieure.

Il assure une circulation cérébrale


normale en cas de problème dans un
des troncs carotidiens ou cérébraux.

Une deuxième anastomose se situe au niveau du cou


et de la face, assurant la communication entre les
carotides externes et les artères vertébrales, ainsi
qu’entre l’artère ophtalmique (carotide interne) et les
branches de la carotide externe.

La dernière se situe au niveau de la surface du


cerveau et comporte de nombreuses petites jonctions
entre les branches terminales des artères cérébrales.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2. Les principales atteintes cérébrales

1.1 Les traumatismes crâniens

Les traumatismes crâniens sont des blessures physiques au cerveau (coup violent, accident,
chute…). Il s’agit de l’affection cérébrale la plus fréquente et dont les conséquences peuvent
être dramatiques en termes d’atteintes cognitives et dans la vie de tous les jours à incidences
importantes sur les projets de vie.

On distingue deux types de traumatismes crâniens :

• Traumatismes fermés : pas d’enfoncement de la boîte crânienne.


Comme le cerveau n’est pas fixé dans la boîte crânienne, il est secoué à l’intérieur du crâne.
o Commotion cérébrale (perte de connaissance)
Ébranlement en masse du cerveau avec modification de l’état de conscience
sans lésion interne objectivée à Disparaît naturellement sans conséquence de
nature cognitive
o Contusion cérébrale (commotion avec lésions) :
Soit hématomes, soit cisaillement d’axones ou vaisseaux sanguins. On observe
également souvent un phénomène de contrecoup, entraînant des lésions
opposées au point d’impact initial.

Le whiplash ou coup du lapin ou encore


entorse cervicale est un ébranlement sans perte de conscience, suite à une
torsion violente des nerfs et muscles du cou.

Un traumatisme grave peut mener au coma à abolition de la conscience et de


l’éveil, avec perte de réactivité aux stimulations de l’environnement. Il fait
suite à une destruction bilatérale massive du cortex ou une atteinte du tronc
cérébral, ce qui désactive le cortex.

• Traumatismes ouverts :
Fracture ou enfoncement de la boîte crânienne,

Les traumatismes ouverts et fermés peuvent entraîner des lésions primaires (lorsque le tissu
cérébral est directement endommagé ou détruit) et des lésions secondaires. Ces dernières sont
liées à des interruptions de la vascularisation cérébrale, si le traumatisme a produit la section
d’un ou plusieurs vaisseaux sanguins, mais aussi par modification de la pression
intracrânienne si le traumatisme s’accompagne d’une hémorragie, ou encore suite à une
infection en cas de traumatisme ouvert.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.1 Les accidents vasculaires cérébraux

Il s’agit de problèmes d’irrigation du cerveau. Puisque le cerveau n’a pas de réserves


personnelles, un manque d’irrigation peut rapidement provoquer de graves perturbations.

Dans les pays développés, l’AVC est la 3e cause de mortalité et la première cause de handicap
chez l’adulte.

Si l’AVC est proche du tronc cérébral, il peut entraîner une mort rapide. S’il est proche des
terminaisons, l’installation est plus progressive et les manifestations peuvent être lentes et/ou
spectaculaires selon les cas. L’AVC s’accompagne généralement de céphalées, de pertes de la
parole, de problèmes moteurs, gêne visuelle ou auditive, perte d’équilibre…

On distingue deux types principaux d’AVC :

• AVC ischémiques :
Représentent 80% des cas à résultent d’une vascularisation insuffisante (ralentie) ou
interrompue. Ils n’entraînent pas d’hémorragie et peuvent être durables (entraînant la mort et
la nécrose des cellules nerveuses = ramollissement cérébral ou infarctus) ou transitoires
(résolution sans séquelles importantes)

Les causes principales sont la sténose, la thrombose (suite de l’aggravation d’une sténose) et
l’embolie.

• AVC hémorragiques :
Résultent d’une rupture de vaisseaux malformés (anévrismes congénitaux) ou fragilisés
(anévrismes acquis par intoxication, infection ou autre). Cette rupture est le plus souvent liée
à une hypertension artérielle. Ces AVC vont causer des saignements dans le cerveau
(hémorragie intracérébrale) ou dans l’espace sous-arachnoïdien (hémorragie méningée). Ces
saignements entraînent une augmentation de la pression intracrânienne et parfois un
engagement.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.1 Les tumeurs

Les tumeurs sont liées à une prolifération cellulaire anormale qui détruit le tissu (ici cérébral)
sur lequel elles se développes. Elles refoulent également le tissu cérébral avoisinant,
entraînant une hypertension intracrânienne ce qui peut provoquer des problèmes des
compression vasculaire, des phénomènes d’engagement avec céphalées, nausées et
vomissements, une baisse de l’acuité visuelle ou auditive selon le siège de la tumeur, ainsi
que des crises d’épilepsies…

On distingue 3 grands types de tumeurs :

• Les méningiomes : tumeurs bénignes des méninges avec une taille très variable, se
développant entre le cerveau et la boîte crânienne, comprimant le cerveau.
• Les gliomes : tumeurs malignes des cellules gliales (les astrocytomess ont une faible
évolutivité et les glioblastomes une très haute évolutivité)
• Les tumeurs métastatiques (métastases provenant d’autres tumeurs)

4.1 Les démences

Les démences sont des maladies dégénératives, liées à une destruction du tissu cérébral.
On observe une altération progressive des capacités cognitives suffisamment importantes pour
avoir des conséquences sur la vie quotidienne et entraîner une perte d’autonomie. Les
fonctions cognitives atteintes sont la mémoire, les fonctions instrumentales (langage, praxies,
gnosies), la capacité de jugement, la personnalité.

Le diagnostic différentiel est difficile à établir :


- État confusionnel (pas spécifique à la démence)
- Les premiers marqueurs d’états dépressifs sont très proches de ceux qu’on repère dans
un diagnostic de démence
Les formes précoces/préséniles débutent entre 50 et 60 ans tandis que les formes séniles se
situent entre 70 et 75 ans.

Il existe une échelle d’évaluation : MMS (Mini Mental Status). Elle évalue l’orientation
spatio-temporelle, le langage, la mémoire et les capacités d’apprentissage, ainsi que les
capacités attentionnelles et de calcul, et les praxies.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Les démences peuvent être de plusieurs sources :


• Dégénératives (Alzheimer, Huntington, Parkinson)
Attention : ne pas confondre le syndrome de parkinson et la démence de parkinson !
• Vasculaires (accumulation de microlésions vasculaires)
• Infectieuses (syphilis, SIDA, encéphalite à prion/Creutzfeldt-Jacob)
• Toxiques (CO, solvants, toxicomanies, alcool)

5.1 Les épilepsies

Les épilepsies concernent une activité cérébrale excessive ou anormale, caractérisée par deux
grands types de crises :

• Crise généralisée ou crise Grand-Mal :


S’accompagne de pertes de connaissance, convulsions, contractions généralisées des
muscles, voire phase de coma plus ou moins prolongée.
• Crise Petit-Mal :
Suspension brève de la conscience avec reprise rapide de l’activité normale

Perturbation généralisée de l’EEG durant une crise Grand-Mal

Le traitement des épilepsies pharmaco-résistantes se fait par résection chirurgicale du foyer


épileptique, d’un volume plus ou moins important.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

(1) Lobectomie du pôle temporal droit


(2) Hémisphérectomie générale chez un enfant de 4 ans
(photo du même enfant à l’âge de 7 ans)
(3) Hémisphérectomie générale chez une femme de 23 ans
(photo de la même femme a 40 ans, mariée et mère de 3
enfants)

6.1 Les autres atteintes

• Anoxies (privation d’oxygène), intoxication au CO


• Infections
o Virales (encéphalite herpétique)
o Bactériennes provenant des abcès cérébraux (méningite, encéphalite,
syphilitique…)
• Anomalies génétiques (syndrome de Down ou trisomie 21)
• Mort cellulaire programmée ou apoptose : programme génétique déclenchant le
suicide des neurones endommagés. En cas d’atteinte cérébrale, ce programme peut
être activé et causer une mort neuronale graduelle sans processus inflammatoire. Ceci
évite aux neurones endommagés de se nécroser à processus par lequel les neurones
gonflent et éclatent en quelques heures, ce qui peut entraîner une inflammation des
tissus voisins, ce qui peut être plus destructeur que l’apoptose.

ATTENTION :
Ne pas faire de conclusions « localisationnistes » hâtives en se basant uniquement sur les
symptômes à Un examen approfondi est toujours utile. En effet, il ne faut pas perdre de vue :

- En cas d’AVC, les compensations anastomotiques et/ou l’éventuel caractère


compressif de l’hémorragie qui peut affecter d’autres aires et structures que celle
initialement atteintes
- En cas de traumatisme, les phénomènes de contrecoup et d’engagement qui peuvent
créer des lésions distantes du point d’impact initial
- En cas de tumeurs, le caractère infiltrant ou compressif de la tumeur qui peut aussi
créer des lésions distantes.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

CHAPITRE 3 : Neuropsychologie clinique et neuropsychologie


cognitive

1. Introduction à la neuropsychologie humaine

L’objectif de la neuropsychologie humaine est d’établir le rapport structure-fonction par


l’étude de patients présentant des déficits consécutifs à une lésion cérébrale. Son outil est la
lésion à Méthode lésionnelle
- Permet d’identifier les régions nécessaires à la réalisation d’une tâche/fonction
- Mais ne permet pas de déterminer si ces régions sont suffisantes

La neuropsychologie humaine cherche à établir les relations entre les activités perceptives,
motrices ou mentales et la structure et le fonctionnement du cerveau, mais aussi à modéliser le
fonctionnement cognitif par l’étude de patients cérébrolésés. Une lésion cérébrale peut en
effet entraîner des troubles durables et sélectifs de certaines fonctions cognitives, et l’analyse
de ces troubles permet, sous conditions, de relier les fonctions cognitives et la structure
cérébrale.

La neuropsychologie se situe donc à la


croisée entre plusieurs disciplines
différentes : les sciences psychologiques et
les sciences (bio)médicales, auxquelles elle
emprunte de nombreux cadres théoriques et
méthodes d’investigation.

Selon les époques et les courants de pensée,


ces deux aspects ont orienté dans l’un ou l’autre sens les pratiques neuropsychologiques. Si la
fin du XIXe et la première moitié du XX sont dominées par l’approche anatomoclinique, dont
l’objectif majeur est l’établissement de régularités entre sites lésionnels et troubles associés et
la classification, l’influence du courant cognitiviste en psychologie durant la seconde moitié
du siècle dernier a conduit à une concentration plus importante sur les aspects fonctionnels et
un abandon progressif des préoccupations anatomiques.

On distingue aujourd’hui deux grandes orientations en neuropsychologie :

- La neuropsychologie clinique :
o Milieu hospitalier
o Diagnostic et revalidation

- La neuropsychologie cognitive :
o Laboratoire
o Élaboration et mise à l’épreuve de modèles cognitifs

Ces deux orientations ont des méthodes et champs d’application partiellement distincts.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2. La neuropsychologie clinique

La neuropsychologie clinique est celle pratiquée en milieu hospitalier auprès de patients


cérébrolésés en stade aigu ou chronique. Dominée à ses débuts par la démarche
anatomoclinique, la neuropsychologie clinique était essentiellement orientée vers la recherche
des régularités entre lésions organiques et déficits. Le neuropsychologue clinicien avait pour
mission essentielle d’aider le neurologue dans sa démarche diagnostique en identifiant, au
moyen de tests plus ou moins standardisés, les déficits cognitifs présentés par un patient
cérébrolésé de manière à inférer la(les) localisation(s) possible(s) de l’atteinte. La localisation
exacte des lésions n’était à l’époque possible que par une autopsie post-mortem. Cette
démarche a connu des succès dans certains domaines, mais la précision et l’exactitude des
relations ainsi établies restaient assez grossières.

A la fin des années 60, l’avènement des techniques d’imagerie médicale capables de fournir
in vivo des images anatomiques de plus en plus précises des sites lésionnels et de leur étendue
chez les patients immédiatement après l’atteinte a rapidement mis fin à cet aspect de l’activité
clinique. Celle-ci se focalise progressivement sur le diagnostic fonctionnel, le plus précis
possible, des déficits consécutifs aux lésions. Avec l’apport de modèles cognitifs qui
émergent à la même époque et leur spécification progressive, le diagnostic s’affine également
de manière à identifier non plus des déficits affectant globalement une fonction, mais des
déficits affectant des composants au sein d’architectures fonctionnelles complexes. Cet aspect
de diagnostic fonctionnel des troubles cognitifs est celui qui prévaut aujourd’hui dans la
pratique clinique courante.

Un second aspect de l’activité clinique se développe également, celui de la prise en charge


rééducative des fonctions atteintes, avec pour objectif d’améliorer le fonctionnement cognitif
déficitaire et ramener le patient à une autonomie maximale. Selon les cas, la revalidation
proposée peut viser à rétablir la fonction atteinte dans ses modalités antérieures de
fonctionnement, à la réorganiser en faisant intervenir des procédures que le patient n’utilisait
pas avant, à exploiter les fonctions résiduelles intactes, ou encore à aménager les conditions
d’exercice de la fonction de manière à rendre les déficits moins invalidants.

Face à ces deux pôles essentiels de l’activité clinique, le rapport à la lésion organique présente
clairement une importance moindre.

Au plan pratique, le travail quotidien du neuropsychologue clinicien se compose donc d’un


volet diagnostic et d’un autre rééducatif. Schématiquement, ceux-ci s’organisent comme suit :

- Le diagnostic :
o Anamnèse : entretien semi-structuré durant lequel le neuropsychologue
recueille une série de renseignements auprès du patient et ses proches (plaintes
spontanées, histoire de la maladie et des déficits, histoire personnelle du
patient, difficultés quotidiennes…)
o Bilan standardisé des fonctions cognitives : évaluation du fonctionnement
cognitif au moyen de tests et épreuves standardisés. Porte principalement sur
les fonctions atteintes, mais aussi sur l’ensemble des fonctions cognitives de
manière à établir un bilan complet.
o Correction des protocoles : au moyen de normes tenant compte du sexe, de
l’âge et du niveau socio-éducatif du patient
o Rédaction d’un rapport : adressé au médecin traitant et/ou au neurologue qui
communiquera les résultats au patient.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

- La prise en charge rééducative :


o Contrat thérapeutique : thérapeute et patient s’accordent sur l’objectif de la
prise en charge, sa fréquence, sa durée, ses modalités…
o Bilan de départ : bilan détaillé des fonctions faisant l’objet de la prise en
charge, réalisé de manière à déterminer le niveau de performance avant la
rééducation
o Séances d’exercices intensifs (plusieurs fois par semaine)
o Bilans périodiques : évaluent les effets de la prise en charge et permettent de la
réorienter si nécessaire

3. La neuropsychologie cognitive

Si la neuropsychologie cognitive s’intéresse aussi aux patients cérébrolésés, c’est moins dans
un souci de diagnostic clinique de leurs troubles qu’en vue d’exploiter ceux-ci afin de mieux
comprendre l’organisation et le fonctionnement des processus mentaux chez l’individu sain.
Elle apparaît ainsi comme la branche psychopathologique de la psychologie cognitive.

Apparue pendant les années 60 suite aux développements théoriques en linguistique, les
progrès de télécommunication, l’avènement de l’informatique et l’essor des travaux sur
l’intelligence artificielle, la psychologie cognitive a pour objectif de décrire l’architecture
fonctionnelle des différents systèmes de traitement de l’information qui composent le cerveau,
de préciser la nature des représentations sur lesquelles s’effectuent ceux-ci et de spécifier les
calculs accomplis par les différents composants de traitement de ces architectures.

L’idée que la cognition repose sur la manipulation de symboles y est centrale et la tâche
qu’elle s’assigne est de mettre en évidence ces symboles et les règles qui permettent de les
gérer et les transformer.

Dans ce contexte, l’objectif de la neuropsychologie cognitive est de contraindre les


modélisations des fonctions cognitives saines par l’étude des déficits de patients cérébrolésés :
le cerveau lésé devient une « préparation », au sens clinique du terme, pour mettre à l’épreuve
des hypothèses fonctionnelles, et le déficit apparaît comme une fenêtre sur le fonctionnement
normal. La neuropsychologie cognitive est en effet basée sur l’idée qu’une des manières les
plus simples de comprendre comment un système fonctionne est d’observer ce qu’il se passe
quand il dysfonctionne ; en analysant les erreurs apparaissant dans un système altéré, il est
possible de modéliser ses composants et la manière dont ils fonctionnent.

Largement inspirés du courant fonctionnaliste en psychologie, de nombreux


neuropsychologues cognitivistes ont tenu pour acquise l’idée d’une autonomie des niveaux
d’explication, en l’occurrence l’autonomie de l’explication psychologique du fonctionnement
mental par rapport à son explication neurobiologique.

Sans nier l’intérêt de connaître les corrélats neurobiologiques des fonctions cognitives, les
neuropsychologues cognitivistes pensent pouvoir élaborer leurs modèles sans y introduire les
contraintes neurobiologiques.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.1. Principes et postulats

3.1.1. Le postulat de modularité

Le postulat de modularité dérive des travaux sur la


perception visuelle de David Marr (1976) et repose
sur l’idée que la cognition humaine est composée de
modules indépendants de sorte que toute
modification d’un des modules n’affecte pas le
fonctionnement des autres. La cognition humaine est
donc fragmentable en différents systèmes jouissant
d’une certaine autonomie fonctionnelle (macro-
modularité), chacun de ces systèmes étant lui-même
composé de plusieurs processus fonctionnellement
autonomes (micro-modularité)

Les modules ont certaines propriétés, dont quatre apparaissent essentiellement dans la logique
neuropsychologique :

- La spécificité du domaine : propriété selon laquelle chaque module ne traite qu’un


seul type de stimulus. L’atteinte d’un module provoquera donc un déficit spécifique
pour le type de stimuli traités par ce module.
Exemple : un module qui aurait pour fonction de traiter les visages ne traitera pas
d’autres stimuli visuels tels que les objets ou les mots écrits

- Le cloisonnement informationnel : propriété selon laquelle chaque module fonctionne


de manière indépendante sans être influencé par ce qui se passe à d’autres endroits du
système. Les dysfonctionnements éventuels d’un module X ne vont donc pas affecter
le fonctionnement du module Y, qu’ils opèrent en parallèle ou en série : le module Y
continuera de fonctionner même si les informations qu’il reçoit sont altérées. Bien sûr,
dans ce cas, le résultat du traitement effectué par le module Y risque d’être incorrect.

- Le caractère obligatoire du traitement par un module : propriété selon laquelle il est


impossible d’empêcher volontairement un module de fonctionner. Dès qu’une
information spécifique est présentée, le module qui la prend en charge va la traiter et,
une fois déclenché, le traitement va a son terme sans possibilité de l’arrêter
volontairement.
Exemple : il est impossible de ne pas reconnaître un objet lorsqu’il est perçu
correctement, ou de comprendre un mot ou une phrase dès lors qu’ils sont lus

- L’impénétrabilité cognitive des modules : propriété selon laquelle le fonctionnement


des traitements modulaires échappe à la conscience, seuls leurs produits étant
accessibles.
Exemple : certaines illusions perceptives s’imposent sans que la conscience de la
nature illusoire de ces perceptions n’affecte leur survenue.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.1.2. Le postulat de transparence

Le postulat de transparence, formalisé par le neuropsychologue Alfonso Caramazza (1986),


propose l’idée que le système cognitif d’un patient cérébrolésé est identique à celui d’un sujet
sain, excepté la modification locale due à la lésion fonctionnelle. Les déficits présentés par un
patients correspondent au résultat visible du fonctionnement normal d’un système de
traitement de l’information au sein duquel certains modules ou connections entre modules
sont atteints.

Il est important de noter que ceci ne se réduit pas à un simple postulat de soustractivité : le
rapport entre déficits et système cognitif sain n’est pas nécessairement direct car le système
cognitif altéré ne correspond pas strictement au système sain soustrait des composants
atteints, en raison d’éventuelles réorganisations fonctionnelles. Le postulat de transparence
soutient qu’un déficit doit pouvoir être interprété dans le cadre d’un système cognitif sain qui
aurait subi une modification locale.

3.1.3. Le postulat d’universalité

Le postulat d’universalité, lui aussi issu d’une position largement répandue en sciences
cognitives, repose sur l’idée que, au-delà de certaines différences individuelles dont il faut
bien sûr tenir compte, les fonctions cognitives de base sont globalement identiques chez tous
les individus d’une même population.

21
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.2. Les outils

3.2.1. La (double) dissociation des troubles

La (double) dissociation des troubles est sans doute l’outil principal de la neuropsychologie
cognitive, et est une conséquence directe du postulat de modularité. S’il existe des patients
présentant une atteinte du module X avec préservation du module Y et inversement, alors ces
deux modules doivent être indépendants au sein du système ou de la fonction concernée.

La mise en évidence d’une double dissociation, plutôt qu’une simple dissociation, est
primordiales car elle permet d’éliminer des interprétations possibles de la dissociation
observée, comme une différence dans la quantité de ressources attentionnelles disponibles,
dans les niveaux de complexité des tâches, ou un effet de chronologie d’apprentissage.

Exemple : il est assez fréquent de rencontrer des patients qui n’éprouvent pas de difficulté à
résoudre des additions simples mais qui sont incapables de résoudre des multiplications
simples. Peut-on pour autant inférer qu’additions et multiplications sont prises en charge par
des modules différents ? Pas automatiquement, car on sait que l’addition est une opération
arithmétique plus simple que la multiplication et qu’elle a, en outre, été apprise plus tôt au
cours du développement. Ces deux opérations pourraient dès lors être prises en charge par le
même module, mais la préservation de l’addition en cas d’atteinte pourrait simplement
traduire un niveau de difficulté moindre ou une trace mnésique plus forte car plus ancienne.
L’observation de patients présentant de meilleures performances en multiplication qu’en
addition permet d’éliminer ces deux hypothèses.

3.2.2. L’association des troubles

L’association de troubles, c’est-à-dire le fait des déficits soient régulièrement observés de


manière conjoint, est, elle aussi, utilisée bien qu’elle soit plus difficile à interpréter. En effet,
deux déficits pourraient être systématiquement associés non parce qu’ils traduisent une
atteinte d’un seul et même module mais parce qu’ils sont sous-tendus par des modules
anatomiquement proches et qu’une lésion affectant un des modules touchera probablement
aussi le module voisin. Toutefois, lorsqu’un modèle existe a priori sur la manière dont des
troubles devraient être observés conjointement ou non, l’association de troubles peut être
informative.

On remarquera que lorsque des tâches ou des fonctions font appel à la fois à des composants
communs et des composants spécifiques (dénomination d’images et lecture à voix haute de
mots familiers), une atteinte des composants communs conduira à une association des
troubles, tandis qu’une atteinte des composants spécifique conduira à une dissociation.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.2.3. L’analyse qualitative des profils d’erreurs

L’analyse qualitative des profils d’erreurs est aussi un outil important de la neuropsychologie
cognitive. Au-delà des pourcentages d’erreurs observés, l’analyse qualitative de celles-ci est
essentielle car des erreurs de nature similaire observées dans des tâches différentes renvoient
probablement à des altérations d’un même composant.

3.2.4. La maison de Lichteheim


En réalité, la démarche théorique reposant sur l’analyse de lésions fonctionnelles n’est pas
neuve. Elle était déjà à la base de certaines propositions formulées par Wernicke dans sa
classification des aphasies. Il s’appuyait sur les travaux du médecin allemand Ludwig
Lichtheim (1845-1928) et son modèle développemental de l’acquisition du langage (la maison
de Lichtheim).

Ce médecin propose que le langage se développe de manière réflexe par une phase durant
laquelle l’enfant acquiert les images acoustiques des mots et les images des mouvements
articulatoires nécessaires au langage. Celles-ci se forment respectivement dans le centre
auditif et le centre moteur, reliés par un arc réflexe. La compréhension des mots crée un lien
entre le centre auditif et le centre des concepts. Lorsque le langage spontané apparaît, une
connexion se crée entre le centre conceptuel et le centre moteur. L’acquisition de la lecture
requiert l’apparition d’un centre visuel, et celle de la lecture requiert un centre graphique. Une
voie relie directement ces deux centres.

On notera que le centre des images visuelles des mots n’a pas d’accès direct au centre
conceptuel et qu’un passage par le centre auditif est donc nécessaire. De même, le passage des
concepts au centre graphique se fait par le centre moteur. Autrement dit, dans ce modèle, le
langage écrit est subordonné au langage oral. Au moyen de ce modèle, Lichtheim décrit et
organise les différents troubles du langage observés à l’époque, et fait des prédictions sur des
troubles pas encore observés.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Par exemple, l’aphasie de Broca s’explique par un déficit au niveau du centre moteur, ce qui a
pour conséquence d’altérer toutes les tâches impliquant ce composant : le langage spontané, la
répétition de mots, la lecture à voix haute, l’écriture spontanée, l’écriture sous dictée. Par
contre les tâche n’impliquant pas ce composant restent préservées : la compréhension de la
parole, la compréhension de l’écriture, et la copie.

Même si ce modèle du langage n’a finalement pas été retenu, il illustre parfaitement la
logique de la lésion fonctionnelle au sein d’un modèle cognitif, et la manière dont les
observations peuvent être interprétées et des prédictions nouvelles formulées.

3.3. Méthodes

Si les mesures des performances utilisées par la neuropsychologie cognitive sont largement
identiques à celles utilisées en psychologie cognitive (chronométrie mentale, tests de
performances…), sa particularité méthodologique essentielle réside dans l’importance
attribuée aux études de cas, par opposition aux études de groupes issues de la tradition
neuropsychologique de la première moitié du XXe siècle.

3.3.1. Études de groupe

Les études de groupe visent à rechercher et établir les régularités anatomo-fonctionnelles


entre la localisation des lésions et les altérations comportementales et/ou cognitives.
L’établissement de ces liens requiert en effet l’observation d’un groupe suffisamment
important de patients afin de dégager des régularités statistiques fiables. Des associations
régulières de déficits peuvent être constituées en « syndrome ».

Il est important de noter que la démarche lésionnelle permet d’identifier les régions
nécessaires à la réalisation d’une tâche ou d’une fonction, mais pas de déterminer si ces
régions sont suffisantes. L’ensemble des régions, y compris celles toujours saines, qui sous-
tendent la réalisation de la tâche ou de la fonction en question avant l’atteinte reste invisible.
La mise en évidence des réseaux fonctionnels complets requiert d’autres approches
méthodologiques et d’autres types de données (voir chapitre 7)

24
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Si les études de groupe restent adéquates pour rechercher des régularités anatomo-
fonctionnelles, elles ne le sont en revanche pas pour tester des hypothèses fonctionnelles
mettant à l’épreuve des modèles cognitifs. En effet, avec des individus sains, la logique d’une
étude de groupe réside dans le fait que les participants sont supposés présenter un profil
cognitif de base relativement homogène (postulat d’universalité). Dès lors que
l’expérimentateur a veillé à échantillonner correctement les participants au sein de leur
population de référence et à les réparti aléatoirement dans les conditions expérimentales, les
différences statistiques sont, en principe, attribuables aux manipulations expérimentales et no
à la variabilité due aux différences individuelles naturelles des participants au sein des
conditions.

Malheureusement, dans le cas de patients cérébrolésés, si on tient pour valide le postulat


d’universalité avant l’atteinte lésionnelle, on ne peut faire l’hypothèse que les systèmes
cognitifs des différents patients du groupe soit encore équivalents après.

Les études de groupe présentent donc des limites :

- L’identification du site lésionnel peut s’avérer imprécise. Sans les études anciennes,
les autopsies post-mortem étaient parfois réalisées des années après l’atteinte et ne
rendaient donc pas toujours compte de l’état réel du cerveau au moment où les
observations comportementales avaient été recueillies. Dans la plupart des études
neuropsychologiques où une imagerie anatomique post-lésionnelles existe, les sites
sont généralement décrits en terme généraux (lésion pariétale gauche) voire lacunaire.

- Il est difficile de constituer des groupes homogènes de patients car des lésions
naturelles sont rarement identiques et même des lésions topographiquement proches
peuvent conduire à des déficits distincts. En outre, les lésions portent rarement sur une
seule structure anatomique. Ce problème est d’autant plus important que les patients
souffrent d’atteintes diffuses (maladies dégénératives) caractérisées par de multiples
lésions organiques difficilement objectivables.

- Dans la constitution de groupes de patients, une approche par syndrome est difficile
réalisable car la plupart des syndromes correspond à des déficits cognitifs peu
spécifiés et ces déficits, en tant que tout formant les dits syndromes, ne sont pas
toujours reliables de manière parfaitement reproductible et fiable à des sites lésionnels.
Les syndromes étant basés sur des régularités statistiques, une certaine variabilité
existe. L’utilisation des syndromes doit en outre toujours se faire de manière prudente,
car ils n’ont pas nécessairement une réelle signification fonctionnelle.

- La sévérité de l’atteinte ne constitue pas une variable permettant de constituer des


groupes sur une base fonctionnelle bien définie. L’importance des déficits observés
peut être très variable d’un patient à l’autre car il ne s’agit pas de phénomènes opérant
par tout ou rien, et les déficits peuvent être plus ou moins prononcés et la variabilité
des performances intra-individuelles assez élevées sans que cela renvoie à des
atteintes différentes.

- La moyennisation statistique sur un groupe hétérogène peut conduire à masque des


dissociations essentielles ou à suggérer des associations issues de la mise en commun
de patients avec des déficits différents…

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.3.2. Études de cas

Les limites listées au point précédent ne sont pas étrangères aux options de recherche
adoptées par la plupart des neuropsychologues cognitivistes. Les critiques liées à
l’imprécision de l’identification des sites lésionnels expliquent en partie pourquoi ce sont
surtout les aspects fonctionnels qui se sont retrouvés au centre des préoccupations des
neuropsychologues cognitivistes. Les critiques adressées à la difficulté de constituer des
groupes homogènes sur base du site lésionnel ou du déficit fonctionnel ont conduit à
privilégier les études de cas, c’est-à-dire des études réalisées sur un seul patient au lieu d’un
groupe de patients.

Le patient testé y est son propre contrôle, et son déficit est établi et documenté au moyen de
nombreuses tâches comportant un grand nombre d’items, répliquées un grand nombre de fois
afin d’assurer la validité des mesures. La démarche vise à contraster des tâches ou stimuli
pour lesquels le patient présente ou ne présente pas de déficit de manière à identifier les
paramètres qui affectent ce déficit et en expliquent la nature.

Cette démarche, privilégiée par la plupart des neuropsychologue cognitivistes, a reçu un


certain nombre de critiques, donc les plus importantes sont les suivantes :

- L’étude des performances de patients cérébrolésés ne révèle pas ce que la partie


atteinte du cerveau fait (ou faisait), mais, en réalité, ce que les parties demeurées
intactes peuvent encore faire (voir postulat de transparence). Ce renversement de
perspective n’est pas sans conséquence, et, dans ce cadre, l’existence de
réorganisations fonctionnelles après une lésion peut compliquer l’interprétation des
déficits observés car le système cognitif du paient n’est pas simplement le système
sain moins un de ses composants.

Cette critique liée à la possibilité de réorganisations fonctionnelles est certes


importante, car de telles réorganisations existent et sont courantes, mais ne doit pas
être exagérée.

D’une part, la plupart des études de cas sont menées chez des patients présentant des
performances stables durant la durée de l’investigation. Si on peut exclure qu’une
réorganisation fonctionnelle puisse avoir lieu avant l’observation, ceci garanti au
moins qu’elle ne modifie pas les performances pendant l’étude. D’autre part, une
réorganisation fonctionnelle ne pose réellement problème que si elle conduit à la
création de fonctionnements cognitifs totalement nouveaux, ce qui est rarement le cas.
Lorsque, face à des déficits permanents, les patients développent des stratégies
compensatoires, celles-ci sont généralement détectables car elles conduisent à des
performances inhabituelles (allongement anormal des latences de réponse ou types
d’erreurs différents par exemple)

- L’importance accordées aux doubles dissociations pour établir la modularité des


systèmes cognitifs peut poser problème car l’affinement des niveaux d’analyse peut
potentiellement révéler un très grand nombre de dissociations n’ayant pas
nécessairement toutes une signification fonctionnelle réelle (comment, par exemple,
rendre compte du fait que certains patients soient incapables de donner la couleur
d’une pomme mais bien celle d’une banane ?). Un cadre théoriques adéquat doit donc
exister afin d’interpréter de manière valide ce genre d’observations

26
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

- La critique méthodologique essentiellement adressée à la neuropsychologie cognitive


est le recours à l’étude de cas uniques, ce qui peut soulever le problème de la
généralisabilité des résultats. Le postulat d’universalité prémorbide n’est en effet pas
nécessairement garanti : le niveau de fonctionnement d’un patient avant sa lésion est
rarement connu, et on ne peut exclure le fait que ce patient soit déjà atypique avant
son atteinte.

En réalité, ce problème ne doit pas être exagéré car la probabilité que le système
cognitif du patient soit déjà atypique avant la lésion (ce que certains ont appelé
« l’hypothèse du martien parmi nous ») est très faible. Cette probabilité n’est
néanmoins pas nulle, et la prise d’informations auprès de l’entourage du patient sur ses
compétences prélésionnelles dans le domaine déficitaire est une pratique courante.
Plus fondamentalement, le critère de généralisabilité est rencontré dans la démarche
du cas unique par le fait qu’une étude de cas doit être interprétée à la lumière des
modèles et des observations existantes et pas la multiplication des études de cas
convergentes. Il n’est donc, en principe, pas question d’élaborer un modèle sur base
d’un seul cas, et un cas isolé qui ne s’inscrirait dans aucun cadre doit certainement être
traité avec circonspection.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

CHAPITRE 4 : La perception visuelle et les agnosies visuelles

1. Définition et sémiologie générale

1.1. Définition

Les agnosies sont des troubles de la reconnaissance, limités à une seule modalité sensorielle,
sans déficit sensoriel élémentaire dans cette modalité et sans trouble majeur des autres
fonctions cognitives complexes comme le langage, la mémoire ou l’intelligence.

Attention, les agnosies peuvent être accompagnées d’autres déficits, mais elles ne doivent pas
être explicables par ceux-ci !

Il existe différents types d’agnosies :


- Agnosie visuelle (objets)
- Agnosie auditive (sons, langage, musique)
- Prosopagnosie (visages)
- Astéréognosie (toucher)
- Autopoagnosie (parties du corps)
- …

Ce chapitre porte sur l’agnosie visuelle, dont voici un exemple avec le cas NS :

Il s’agit d’un homme qui a été percuté par une voiture et dont le traumatisme crânien a
entraîné un coma. Quelques mois après son coma, la plupart de ses troubles disparaissent mais
pas sa difficulté à reconnaître des objets. Il n’a pas de troubles du langage, il sait décrire ce
qu’il voit, il a un bon raisonnement, mais il lui faut très longtemps pour reconnaître un objet
simple, et seulement si on l’aide à le faire.

28
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Dans un autre test, on lui donne des mots qu’il doit définir :

Il ne donne aucune information visuelle.

Dans un autre test, il doit également dessiner l’objet à définir :

Pour NS, c’est la dernière image qui représente le mieux


un seau. En réalité, pour ce patient, « ressembler » ne veut plus dire grand-chose…

RAPPEL sur la perception visuelle :

29
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Dans ce modèle, les étapes du traitement sont :

- La lumière réfléchie par l’objet, et qui constitue le stimulus, atteint la rétine. Celle-ci
est une mosaïque de cellules sensibles à la lumière dont chacune traite une petite
portion de l’espace (son champ récepteur) indépendamment de ses voisines. L’image
rétinienne est constituée de l’ensemble des cellules activées.

- Les lieux de changement d’intensité dans l’image rétinienne (bords, taches…) ainsi
que leur organisation (proximité, similarité, continuité) sont détectés pour constituer
l’ébauche primitive.

- Les surfaces du stimulus et leur orientation par rapport à l’observateur sont extraites
pour constituer l’ébauche en 2.5 dimensions ; cette représentation est dépendante du
point de vue de l’observateur.

- Une représentation en 3D indépendante du point de vue de l’observateur (donc centrée


sur l’objet lui-même) est extraite et constitue le modèle en 3 dimensions.

- Ce modèle en 3D est comparé aux représentations d’objets en mémoire à long terme.


Il y a reconnaissance si une des représentations est jugée suffisamment similaire. Les
informations sémantiques concernant l’objet en question sont accédées, et le nom
récupéré.

1.2. Classification générale

1.2.1. Agnosies aperceptives

Troubles de la reconnaissance liés à des déficits perceptifs (sans


troubles élémentaires de la vision)

Les objets ne sont pas reconnus car ils ne sont pas bien perçus. Il
s’agit d’un problème au niveau des étapes de la perception et/ou du
traitement de l’information.

1.2.2. Agnosies associatives

Troubles de la reconnaissance en l’absence de déficits


perceptifs.

Il y a des problèmes dans les étapes de la recherche de


l’information dans la MLT. L’objet est reconnu mais on ne
sait pas mettre de nom dessus.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

1.3. Sémiologie des agnosies aperceptives

- Patient conscient de l’origine visuelle du trouble, se plaint de voir les objets flous ou
déformés
- Comportement visuel : allongement du temps d’exploration, changements de point de
vue
- Performances de reconnaissance objets > photos > dessins au trait
- Description d’objets vague
- Copie déficitaire ou copie servile
- Erreurs visuelles ou morphologiques

1.4. Sémiologie des agnosies associatives

- Patient non conscient de l’origine visuelle du trouble, se plaint d’oubli (nom, fonction)
- Comportement visuel normal
- Description d’objets normale
- Copie normale
- Erreurs sémantiques (erreurs fonctionnelles)

Remarques :
- Les deux types d’agnosies peuvent être observées séparément ou conjointement.
- En général, les objets et les mots sont traités par deux modules différents : on peut
donc trouver des patients agnosiques qui savent lire.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2. Diagnostic et évaluation

2.1. Diagnostic d’une agnosie

Sachant déjà que le patient a un problème de reconnaissance, qu’est-ce que je peux mettre en
place pour savoir où est le problème ?

ETAPE 1 : s’assurer de l’échec de l’identification (très importante et souvent oubliée)

= problème dans la réalisation de gestes moteurs

Problème du mime : on peut savoir mimer l’utilisation d’un objet sans pour autant connaître
son utilisation ou sa fonction. Par exemple, mimer « mettre un chaussette » ou « mettre une
botte » c’est le même mime.

On va donc privilégier les tests spécifiques :

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

ETAPE 2 : Exclusion des troubles sensoriels élémentaires

Interprétation prudente si
troubles

Si l’échec de l’identification est confirmé et qu’il n’y a pas de troubles sensoriels


élémentaires, on peut dire qu’il y a présence d’une agnosie, mais on ne peut pas encore dire
de quel type il s’agit.

2.2. Évaluation du type d’agnosie

La logique du testing consiste à partir du modèle de reconnaissance des objets et tester


sélectivement chaque étape de traitement avec des tâches appropriées.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

D’abord, l’objectif est de savoir comment le patient perçoit la forme du stimulus présenté,
grâce au testing du niveau perceptif (ou pré-sémantique) :

ETAPE 1 : Traitement perceptifs précoces

L’objectif est d’évaluer la capacité du patient à extraire les caractéristiques élémentaires de la


forme (ébauche primitive)

Si on observe un échec à cette première étape, les traitements perceptifs précoces sont altérés.
à Agnosie de la forme
- Trouble de l’étape initiale de détection des primitives et de leurs propriétés
- Déficit massif touchant tous les stimuli visuels avec identification tactile possible
- Copie et description impossible
- Cécité corticale sauf acuité visuelle, perception du mouvement, de la brillance/couleur

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

ETAPE 2 : Traitements perceptifs intermédiaires

L’objectif est d’évaluer la capacité du patient à regrouper les primitives au plan local ou
global pour discriminer des formes qui se distinguent par l’organisation des traits
élémentaires.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Si cette étape 2 est un échec, les traitements perceptifs intermédiaires sont altérés.
à Agnosie intégrative
- Atteinte du processus par lequel les éléments correctement détectés doivent être
groupés et intégrés
- Troubles assez hétérogènes
- Description partielle et copie servile (imitative) possible

ETAPE 3 : Traitements perceptifs tardifs

L’objectif est d’évaluer la capacité du patient à élaborer une représentation 3D

Si cette étape est un échec, les traitements perceptifs tardifs sont altérés.
à Agnosie de transformation
- Perception adéquate mais incapacité à construire une représentation 3D indépendante
du point de vue actuel
- Pas d’agnosie en situation courante d’identification
Caractère optionnel de cette dernière étape pour l’identification d’un objet

Note : Si l’étape 1 est altérée, les étapes 2 et 3 le seront forcément, mais pas toujours les
étapes 4a, 4b et 5.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

ETAPE 4a : Représentations structurales (= situations que le cerveau peut construire sans


pour autant les avoir déjà vues)

L’objectif est d’évaluer l’intégrité des représentations structurales en MLT sans passer par
une entité visuelle

ETAPE 4b : Passage du modèle 3D aux représentations structurales et vice versa

L’objectif est d’évaluer la capacité à apparier percept et représentations structurales

Si le patient échoue à l’étape 4a uniquement, il n’y a pas d’agnosie, mais un déficit de


génération d’images.

S’il échoue à l’étape 4b uniquement, il s’agit d’un déficit d’accès aux représentations
structurales.

Enfin, s’il échoue aux étapes 4a et 4b, il a une agnosie liée à une dégradation des
représentations structurales.

Il faut maintenant faire un testing du niveau sémantique, pour déterminer si le patient accède
au système sémantique et si celui-ci est préservé (c’est l’étape 5).

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

ETAPE 5 : Représentations sémantiques

L’objectif est d’évaluer l’atteinte (ou non) du système sémantique en modalité non visuelle

On essaie ici de voir si le patient sait reconnaître un objet autrement que par la vision.

Si le patient échoue à cette étape, on peut conclure qu’il ne s’agit pas d’une agnosie visuelle
puisque les représentations sont altérées sur plusieurs modalités sensorielles. On dira qu’il
s’agit d’une agnosie (a)sémantique.

En revanche, s’il peut bel et bien reconnaître un objet par le son ou le toucher par exemple, on
parlera d’agnosie d’accès sémantique : problème d’accès au système sémantique depuis un
percept pourtant correctement élaboré.

Attention, cette dernière étape est complexe : qu’il y ait ou non un échec à cette étape, il y a
quand même une agnosie.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Résumé :

L’objectif du diagnostic est d’identifier l’étape de traitement déficitaire. A chaque étape


correspond un type d’agnosie :

Stade Étape Agnosie


Ébauche primitive Étape 1 Agnosie de la forme
Ébauche en 2.5D Étape 2 Agnosie intégrative
Modèle en 3D Étape 3 Agnosie de transformation
Représentations en MLT Étape 4 (Représentations structurales déficitaires)
Informations sémantiques Étape 5 Agnosie asémantique / agnosie d’accès sémantique

2.3. Outils de diagnostic et évaluation

2.3.1. Le Protocole d’Évaluation des Gnosies Visuelles (PEVG)

Batterie de dépistage de l’agnosie visuelle en deux parties :


- Discrimination/perception : figures enchevêtrées, appariement de formes géométriques
complexes
- Sémantique/association : appariement fonctionnel, appariement catégoriel

Avantages :
- Rapide
- Adaptée aux patients aphasiques

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.3.2. La Birmingham Object Recognition Battery (BORB)

Batterie d’évaluation de la reconnaissance visuelle en 14 épreuves :


- Perception : copie de dessins, comparaisons de dimensions élémentaires des stimuli,
segmentation figure/rond, appariement des vues différentes
- Représentations structurales : dessins de mémoire, décision objet/non-objet
- Accès sémantique : appariement d’identité, appariement associatif, dénomination

Avantages :
- Complète (présence et types d’agnosies)
- Normes

3. Classifications et interprétations

3.1. Le modèle hiérarchique de Humphreys et Riddoch

Ce modèle se base sur l’idée que les agnosies sont des troubles de la reconnaissance dans un
modèle hiérarchique du traitement (visuel) des objets.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.1.1. Les propositions de Farah

Ici, la logique est de partir des associations de troubles pour proposer une autre classification
des agnosies.

Il est important de comprendre cette logique, mais toutes les agnosies ne sont pas de ce type.

Une autre proposition de Farah est l’asimultagnosie : incapacité à


percevoir plusieurs éléments en même temps alors que chaque élément
est correctement identifié. L’origine est essentiellement attentionnelle.

Le patient est incapable d’interpréter une scène complexe

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

4. HG, une étude de cas

4.1. Case Report

Homme de 61 ans, droitier, francophone et marié.


Représentant de commerce en fleurs artificielles

Histoire médicale :
- Problèmes cardio-vasculaires avec 3 infarctus du myocarde entre 1982 et 1985
AVC artère cérébrale moyenne droite en 1986
AVC artères cérébrales moyenne et postérieure gauche en 1987
- Lésions des aires (pariéto-)occipito-temporales droites et occipito-temporales gauches
+ Sylvius et Rolando

4.2. Bilan neuropsychologique général

- Pas de troubles moteurs, légers déficits sensoriels gauches

- Pas d’apraxie idéatoire ou idéomotrice, pas d’agnosie digitale, discrimination gauche-


droite normale, apraxie constructive légère

- Intelligence normale (WAIS QI = 115)

- Conscient de ses troubles, euphorique

- Langage spontané et compréhension normaux, dysorthographie de surface (erreurs de


régularisation), lecture (mots, syllabes, lettres, chiffres) très altérée

- MLT sévèrement atteinte (amnésie antérograde), MCT normale

- Reconnaissance auditive préservée

- Reconnaissance visuelle sévèrement atteinte :

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

4.3. Tests

Avril 1986 (vidéo)

Le patient ne sait pas en quelle année il est, ni quand il est né. Il ne connait pas le nom de
l’hôpital, ni celui de la ville où il se trouve. Il est conscient d’avoir des problèmes de mémoire
mais à part ça, il ne pense pas avoir d’autres problèmes.

On lui présente des cartes (lettres et chiffres). Il penche la carte, la fait bouger pour pouvoir
lire la lettre. Il dessine d’abord la lettre avec ses doigts avant de pouvoir la reconnaître. Quand
on passe aux chiffres sans le prévenir, il ne parvient pas à deviner. Il essaie de dessiner avec
ses doigts toutes les lettres de l’alphabet pour définir laquelle ressemble le plus (méthode
essai – erreur). Dans l’exercice suivant, on lui présente des lettres et des chiffres, qu’il doit
classer en deux catégories (lettres et chiffres). Il n’est pas capable de faire la différence entre
les deux.

Reconnaissance et traitement des couleurs

On lui donne ici des cartons de couleurs, dont il doit associer les couleurs identiques. Il est
incapable de le faire. On lui demande ensuite de montrer la carte d’une couleur donnée, ce
qu’il parvient à faire mais en éprouvant des difficultés. On lui présente des cases d’une même
couleur mais de nuances différentes, qu’il doit classer du plus clair au plus foncé, ce qu’il
parvient à faire.

Enfin, on lui énonce des objets dont il doit dire la couleur (cornichon = vert) : il éprouve là
aussi des difficultés, surtout pour les objets mais ça passe pour les expressions (voir la vie en
rose)
Mime d’utilisation d’objets

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

On lui donne différentes situations qu’il doit mimer : pas de problème. Mais quand on lui
demande de faire comme l’examinateur, il n’y arrive pas.

Travail de reconnaissance des objets

Il doit dénommer des objets ou les décrire sans les toucher.


- Bouteille vide : la décrit avec les mains
- Ampoule : rond et plus petit d’un côté, on devrait pouvoir mettre qqch dedans
Il décrit plus ou moins bien l’objet mais est incapable de mettre un nom dessus. Il demande
sans cesse à toucher l’objet pour l’aider à le reconnaître.

Reconnaissance au toucher

On lui bande les yeux et on lui demande de reconnaître des objets uniquement au toucher.
- Bouteille : verre
- Mètre : quelque chose à mettre au mur, peut-être pour le protéger
- Brosse à dent : mesure de quelque chose
Il ne connaît pas grand-chose par lui-même.

Dénomination d’objets sur photos

Il doit nommer les objets présents sur une photo. Sur la première photo, il s’agit de lunettes.
L’homme met ses lunettes pour mieux voir la photo mais n’a aucune idée de ce qui est
représenté sur la photo. Pour chaque photo, il considère le contour de celle-ci comme une
partie de l’objet, il a du mal à distinguer l’objet et la photo en elle-même.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Jugement d’identité

On lui présente soit deux objets différents soit deux objets identiques, et il doit le deviner. Il y
arrive mais avec des hésitations. Quand on lui présente une bouteille de vin ou une bouteille
de champagne, il pense que ce sont deux objets différents. Il ne retrouve les objets semblables
que lorsque les photos sont vraiment identiques.

Il passe son doigt sur les photos pour voir si les images sont différentes ou non. Si on ne
regarde que les performances, elles sont plutôt bonnes, mais il est très lent et sa méthode n’est
pas bonne du tout.

On lui présente un objet sous deux angles de vue différents. Il s’agit soir du même objet, soit
de deux objets différents. Il bouge la feuille pour avoir un autre angle de vue mais ne parvient
pas à distinguer les objets comme étant les mêmes.

Il a plus de difficultés à identifier des objets identiques quand la vue est différente.

Par contre, pour définir l’objet et donner son nom, ça va.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Utilisation d’objets

Le patient doit utiliser des objets comme une planche en bois, une bougie une vis, une feuille
de papier… Il doit les utiliser en exploitant d’autres objets sur une table.

- Lunettes : pas de problème


- Marteau : comprend qu’il sert à taper sur quelque chose mais tape sur la bougie
- Ciseaux : essaie d’abord de couper la planche en bois avant la feuille de papier
- Bic : pense d’abord que c’est un crayon avant de se rendre compte que c’est un Bic
- Scie : sait la dénommer mais essaie de scier la bougie
- Bague : sait la passer au doigt mais ne sais pas à quoi ça sert
Pour d’autres objets, il ne trouve pas leur fonction. Il arrive parfois à trouver des
fonctionnalités possibles à force de les manipuler, mais c’est rarement adéquat.

Désignation à choix multiples à partir de noms

On lui présente plusieurs objets et il doit désigner celui qu’on lui donne oralement. On lui
donne aussi des distracteurs (visuels et/ou sémantiques). Il confond le tournevis avec le
couteau, la cigarette avec le crayon, la gomme avec le domino…

Pour cette tâche, on ne choisit par les distracteurs au hasard : on choisit des distracteurs
plausibles (proximité visuelles et/ou sémantique). Les distracteurs sémantiques attirent la
réponse mais beaucoup moins que les autres distracteurs. Le distracteur neutre, par contre, ne
sera jamais choisi. On remarque alors que le patient est distrait par les références visuelles.

Autres tests

Pour vérifier qu’il n’est pas


daltonien

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Dans la copie des photographies, on remarque qu’il copie également les bords de la photo,
comme faisant partie de l’objet.

Stimuli non significatifs = dessins n’ayant pas de sens ou de


signification

On soumet au patient 76 paires de dessins, dont 38 sont


identiques et 38 différents. Il est très lent et réalise la tâche de
manière laborieuse.

Le patient sait copier un dessin mais ne sait pas le refaire de mémoire : ses dessins sont peu
reconnaissables et beaucoup moins bons que dans l’exercice de copie

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

L’examinateur pose des questions de type « qui est le plus grand » avec soit de petites
différences (renard vs brebis) ou de grandes différences (renard vs abeille).

Le patient n’identifie qu’une partie de l’objet pour déterminer s’il s’agit ou non d’un objet.
Dans l’exemple ci-dessus, le patient n’a traité que la partie kangourou ou la partie pied, il va
penser que c’est un vrai objet.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Aucun problème car ce test ne requiert pas de représentations mentales

Pantomime = on mime l’utilisation d’un objet avec l’objet, contrairement au mime


Pas trop de difficultés à reconnaître le geste mais difficulté à savoir si l’objet est le bon pour
l’utilisation qu’on lui mime

La récupération d’attributs visuels du patient est altérée.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Factuel = se rapporte à un fait (est-ce que votre voisin a un chien ?)


Sémantique = sur le sens du mot (est-ce qu’un chien est un mammifère ?)

Dans la vie réelle, il sait utiliser la plupart des objets même s’il ne les reconnaît pas car tout
dépend du contexte et de l’intention du patient. Si la brosse à dents est à côté du dentifrice, ça
va, mais s’il voit une brosse à dent dans la cuisine, il sera incapable de s’en servir.

4.4. Synthèse

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

CHAPITRE 5 : Les fonctions attentionnelles

1. Introduction

Les troubles attentionnels sont fréquents en cas d’atteinte cérébrales et s’observent


notamment après un trauma, une épilepsie, une intoxication au CO, des états démentiels et
atteintes dégénératives, des lésions frontales et pariétales, des troubles développementaux
comme l’hyperkinésie (état d’hyperactivité) et les troubles d’apprentissage.

Ils peuvent prendre des formes variables :


- Vigilance insuffisante ou fluctuante
- Ralentissement moteur ou cognitif
- Manque de concentration
- Distractibilité excessive aux stimulations externes
- Réactivité altérée et persévération
- …

L’attention est requise pour toute activité cognitive. Elle ne peut être étudiée de manière
isolée et module la façon dont sont réalisées toutes les tâches. Elle est donc indispensable à
toute démarche rééducative.

Pour ces raisons, le diagnostic et la prise en charge des troubles attentionnels sont
généralement jugés prioritaires par rapport à d’autres types de troubles.

L’attention est, de manière générale, définie comme la sélection d‘informations en vue d’un
traitement ou d’une action, et le maintien d’un niveau d’alerte nécessaire à ces traitements.

Historiquement, on distingue trois types de modèles :

1.1. Modèles structuraux (Broadbent, 1958)

L’attention est un tout indifférencié, nécessaire à la détection, la sélection et le filtrage de tout


type d’information

1.2. Modèles fonctionnels (Norman, 1968)

L’attention est un stock de ressources attentionnelles limitées

1.3. Modèles à composantes

L’attention est un ensemble de composantes : alerte, sélectivité, attention focalisée, capacité


de traitement, vigilance, attention soutenue, flexibilité, distractibilité, effort mental, vitesse de
traitement…

Ces composantes sont organisées ici selon deux dimensions : l’intensité attentionnelle et la
fréquence des stimulations à traiter, puis la sélectivité attentionnelle et le nombre de
stimulations à traiter.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2. Intensité attentionnelle et fréquence des stimulations

La dimension d’intensité de l’attention comporte trois aspects principaux : l’alerte, la


vigilance et l’attention soutenue. Ces trois termes sont parfois utilisés de manière équivalente.

2.1. Alerte et vitesse de traitement

L’alerte est un état d’éveil déterminant la capacité à réagir à un stimulus. On distingue deux
types d’alertes : l’alerte tonique et l’alerte phasique.

Attention, l’alerte et la vigilance, en neuropsychologie, n’ont pas toujours le même sens que
celui qu’on leur donne en neuroscience cognitive ! Il faut donc veiller à bien définir les
concepts que l’on utilise.

2.1.1. Alerte tonique

L’alerte tonique correspond au niveau d’éveil général de base. Elle forme un ensemble de
changements graduels, généralisés, lents et involontaires qui fluctuent tout au long de la
journée selon les cycles veille-sommeil physiologiquement déterminés (élevée le matin, basse
lors de la sieste) et dont la base anatomique est la formation réticulée.

Les troubles de cette composante se manifestent cliniquement par :


- Une obnubilation (état de conscience altérée caractérisé par l’absence de réaction à des
stimulations simples comme le bruit ou une lumière soudaine)
- Désorientation spatio-temporelle, confusion mentale
- Lenteur généralisée

Une mesure classique est le temps de réaction (TR) auditif et visuel,


par comparaison à des TR moyens tout en prenant en compte le sexe et
l’âge de la personne, mais aussi le moment de la journée, une
éventuelle médication du patient…

Le stimulus se présente à intervalle de temps variable, et le patient doit


réagir rapidement à celui-ci. En début de journée, les performances
seront différentes de celles obtenues en soirée. De même, certains
médicaments ont des effets sur la vitesse de réaction, indépendamment
d’une lésion ou d’un trouble.

2.1.2. Alerte phasique

L’alerte phasique est l’augmentation ponctuelle de la réactivité déclenchée par des indices ou
des stimuli externes. Il s’agit d’un processus d’optimisation de l’état de préparation à l’action,
entraînant un changement transitoire et de courte durée. Elle comporte une composante
motrice et une composante perceptive.

Ici, les mesures utilisées sont le plus souvent d’ordre électrophysiologiques, car les ondes sur
l’EEG sont généralement altérées après un trauma crânien. On utilise notamment deux ondes :
- VCN (Variation Contingente Négative) : ondes associées au processus d’attente
- P300 (Ondes positives à 300msec) : apparaissent 300msec avant la prise de décision.
Après 300msec, le système cognitif sait ce qu’il va faire, même si l’action n’est pas encore
enclenchée. Après un trauma, ces deux ondes sont souvent perturbées.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Les troubles se manifestent ici par :


- Une réponse impulsive au signal avertisseur
- Un ralentissement sur la cible (voir patient A en bleu)
- Un décalage ou une disparition de l’optimum d’alerte (voir patient B en rouge)

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.2. Vigilance

La vigilance est l’état de préparation à détecter et réagir à certains changements rares


apparaissant à des intervalles de temps longs et variables.

Ses caractéristiques essentielles sont :


- Flux d’information lent et monotone
- Évènements-cibles très rares
- Traitement actif intermittent

Les mesures sont difficiles à faire en clinique par manque de temps, mais une mesure
classique est la tâche de surveillance (détections correctes, omissions, fausses alertes) :

Les manifestations cliniques des troubles sont ici :


- Des fluctuations importantes de la vigilance au cours du testing
- Un endormissement

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.3. Attention soutenue

L’attention soutenue est le maintien d’un niveau d’efficience adéquat et stable au cours d’une
activité d’une certaine durée sollicitant un contrôle attentionnel continu.

Les caractéristiques essentielles sont :


- Flux d’informations rapide et continu
- Traitement actif ininterrompu
Exemples : tout travail intellectuel ou manuel soutenu, toute situation de communication,
toute situation de prise d’information (lecture, audition, visionnement d’un film, conduite
automobile…)

Généralement, les mesures se font sur des épreuves continues :

Cette composante est très sensible à certaines atteintes (traumas, démences), et de nouveau
difficilement mesurable par manque de temps.

Plus la durée du test augmente, plus la tâche devient difficile pour un patient lésé. Certains
patients peuvent s’en sortir si le test dure 5 minutes mais pas s’il dure plus de 7 minutes par
exemple.

Les manifestations cliniques des troubles de cette composante sont :


- L’incapacité à mobiliser des ressources pour maintenir une activité non-automatique
dans le temps
- Des lapsus attentionnels (ralentissement ou absence transitoire de réponse)
- État de fatigue générale

Il existe des conséquences fonctionnelles et professionnelles liées à ces troubles :


- Fatigue mentale, céphalées
- Efficience faible, esprit vide etc…
- Reprise du travail ou poursuite des études compromises

Remarque : ces troubles peuvent survenir à la naissance, pas forcément suite à une lésion.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3. Sélectivité attentionnelle et nombre de stimulations

On parle de sélectivité attentionnelle lorsque l’information-cible est noyée dans des


informations non-pertinentes distractrices, où des informations doivent être traitées et d’autres
ignorées.

On distingue généralement trois aspects principaux (ces termes étant parfois utilisés de façon
équivalente) :
- Focalisation
- Sélectivité
- Division/partage

3.1. Attention focale

L’attention focale est le processus de centration sur une cible ou une information à traiter.

L’information-cible est bien noyée dans des informations distractrices, mais l’attention est
portée sur l’information-cible, et les autres ne sont pas inhibées.

3.2. Attention sélective

L’attention sélective est le processus d’inhibition active des éléments distracteurs.

L’information-cible est noyée dans des informations distractrices et il faut faire des efforts
pour ne pas être distrait par celles-ci. L’attention est portée sur l’information-cible et les
autres sont activement inhibées. Elles doivent être ignorée en raison de la modularité et de
l’automatisme des traitements.

Les mesures classiques de l’attention focale et sélective sont :

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Le test d2 est toujours un test de barrage.

à Il y a deux éléments de décision : il faut inhiber la réponse qu’on donnerait si on ne prend


pas en compte l’un des deux éléments. Les distracteurs partagent beaucoup plus de traits avec
les cibles que dans le test de barrage précédent.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

à Effet de suppression montrant que les distracteurs sont activement inhibés.

Une personne saine sera plus lente dans la situation 2 car le système visuel reconnaît le
triangle en arrière-plan pour les 2 premiers cas. Le triangle étant inhibé 2 fois, lors de la
production, cela devient plus compliqué de le dénommer. Paradoxalement, un patient lésé
sera plus rapide car il n’a pas su inhiber le triangle. Il est donc moins sensible à l’information
perturbatrice.

Les troubles se manifestent par :


- Une distractibilité excessive
- Des problèmes de concentration

Remarque : l’attention focale et sélective sont deux choses similaires. A l’examen, il faudra
bien argument pour prouver que la tâche est soit focale soit sélective.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.3. Attention divisée

L’attention divisée est le partage des ressources attentionnelles sur plusieurs cibles. Notre
attention est, en fait, partagée en permanence.

Elle concerne la plupart des situations de la vie courante :


- Écouter le cours et regarder les diapositives
- Suivre une conversation avec plusieurs personnes
- Lire et manger
- Conduire et écouter la radio
- …

On distingue deux mécanismes :


- Le monitoring ou traitement simultané de plusieurs sources d’informations (écouter le
cours et la discussion du voisin)
- La réalisation conjointe de plusieurs tâches (écouter le cours et prendre des notes)

Mesures classiques :

(Test auditif et visuel en même temps mais réponse identique)

(2 tests simultanés et 2 réponses différentes demandées)

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

CAPACITE ATTENTIONNELLE

Nos capacités ne sont pas infinies, mais nous traitons déjà beaucoup d’informations.

La quantité de ressources attentionnelles est limitée :


- Un traitement simultané de toutes les stimulations est impossible
à Nous devons parfois faire des choix selon la pertinence des informations
- La vitesse de traitement est limitée
à Importance de l’expertise (quand on apprend à conduire, on doit faire beaucoup de
choses en même temps, et c’est difficile, mais au fil du temps on peut facilement
parler et écouter quelqu’un tout en conduisant)

Certaines atteintes cérébrales diminuent les ressources attentionnelles disponibles. Cela


s’accompagne parfois de la disparition d’automatismes qui nécessitent alors un contrôle.

PROCESSUS AUTOMATIQUE VS CONTROLE

Les processus automatiques sont rapides, obligatoirement déclenchés par le stimulus,


inaccessibles à la conscience et n’interfèrent pas avec d’autres traitements.

Les processus contrôlés sont lents. Ils sont déclenchés volontairement par le sujet, font
partiellement partie de la conscience et interfèrent avec d’autres traitements.

En cas d’atteinte cérébrale, le passage à des processus contrôlé :


- Produit une certaine lenteur, observable même dans les tâches simples
- Nécessite un déclenchement volontaire, une attention soutenue et un contrôle accru
par le patient, ce qui augmente sa fatigabilité
- Interfère avec d’autres traitements lorsque plusieurs tâches sont nécessaires (attention
divisée et double tâche)

4. La lenteur

Très fréquente en cas d’atteinte cérébrale, on en distingue 4 aspects principaux :

- Lenteur de l’idéation (capacité à générer des idées cohérences, à raisonner


correctement) à Bradypsychie (ralentissement du cours de la pensée)
- Lenteur de l’expression à Bradyphémie (lenteur à trouver les mots)
- Lenteur de mouvements à Bradykinésie
- Lenteur des processus cognitifs à Bradyphrénie (touche toutes les tâches, peu
importe le champ sémantique)

(Les noms spécifiques ne sont pas très importants)

Il est important de toujours prendre en compte le facteur « lenteur » dans l’examen des
performances d’un patient, afin d’interpréter correctement les déficits observés. En effet, la
lenteur peut être liée à des déficits attentionnels de différentes natures.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

61
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

5. Évaluation écologique des troubles attentionnels

Certains troubles attentionnels sont détectés uniquement dans les situations de la vie
quotidienne car :
- Ces situations sont plus complexes
- Les distracteurs sont plus nombreux
- La durée des tâches est plus longue

Une évaluation plus écologique des troubles peut être réalisée par des échelles d’observations
(remplies par le neuropsychologue) et d’auto-évaluation du patient et de son entourage.

Exemples d’items, voir page suivante :

62
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Les items peuvent aussi être regroupés et analysés par rubrique :

63
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

6. Troubles associés

Il s’agit de troubles qui sont généralement mentionnés dans le cadre de l’étude des troubles
attentionnels car, soit ils sont liés à une atteinte d’une des composantes attentionnelles, soit ils
s’expriment principalement par un déficit attentionnel.

6.1. Obnubilation de la conscience

L’obnubilation est un trouble de la vigilance caractérisé par l’absence de réaction aux


stimulations, traduisant une atteinte de la composante « vigilance » de l’attention. Les patients
présentent une conscience altérée, obscurcie. Cet état peut évoluer vers le coma.

Manifestations cliniques :
- Apathie, endormissement
- Pas de réaction aux stimuli même soudains sauf si très intenses
- Désorientation spatio-temporelle
- Parfois confusion mentale ou délire

Causes possibles :
- Intoxication (alcool, drogues…)
- Altération métabolique (diabète)
- AVC, tumeur cérébrale
- Épilepsie

Note la stupeur (ou état stuporeux) est un état caractérisé par la suspension de toute activité
motrice, avec préservation de l’activité psychique rendant possible un passage à l’acte
brusque et soudain.

6.2. États confusionnels

La confusion mentale est une désorganisation de tous les processus psychiques. Il s’agit d’un
trouble très fréquent en phase aiguë de nombreuses atteintes cérébrales et qui traduit un
dysfonctionnement global du cerveau. L’état confusionnel est généralement réversible si la
cause disparaît.

Manifestations cliniques :
- Troubles attentionnels importants
o Troubles du cycle veille-sommeil
o Troubles de la vigilance (obnubilation, stupeur)
o Attention soutenue déficitaire
- Désorientation spatio-temporelle importante
- Mémoire des faits récents déficitaire, fixation des évènements très mauvaise durant
l’épisode confusionnel
- Propos incohérents, manque du mot, compréhension altérée
- Perturbation du fonctionnement intellectuel et du raisonnement
- Gestes désorganisés et incohérents
- Délire hallucinatoire, perception et reconnaissance altérée
- Perte des contraintes sociales, troubles du comportement alimentaire/sexuel
- Déshydratation, anxiété

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Causes possibles :
- Toute atteinte cérébrale entraînant une forte hypertension intracrânienne
o AVC hémorragique
o Tumeur
- Traumatismes crâniens, hématomes
- Crises d’épilepsie
- Causes infectieuses : chocs septiques, méningites, démences…
- Causes métaboliques : hypoglycémie acidose diabétique, carence en vitamine B1
- Intoxications : métaux lourds, psychotropes, CO
- Sevrage brutal (alcool, drogues, psychotropes)
- Causes psychiatriques (psychose maniaco-dépressive, bouffé aiguë délirante…)

6.3. Coma

Le coma est une abolition de la conscience et de l’éveil, avec perte de la réactivité à


l’environnement.

Causes principales :
- Traumatismes crâniens
o Destruction bilatérale massive du cortex
o Atteinte de la substance réticulée activatrice (SRA), un faisceau de fibres situé
au sein du tronc cérébral et présentant de nombreuses extensions ascendantes
vers le cortex.

L’atteinte peut se faire par torsion, section ou compression (engagement)


- Causes métaboliques
o Hypoglycémie
o Carence en vitamine B
o Problèmes hépatiques, insuffisance rénale ou respiratoire, choc cardiaque
- Causes endocrinologiques
o Acidose diabétique
o Hypothermie sévère
- Intoxication
o Médicamenteuse (barbituriques, benzodiazépines, lithium, morphine…)
o Alcoolique aiguë (coma éthylique – entre 2 et 4g d’alcool par litre de sang)
o CO
o Insecticides
o Eau (coma hydraulique)
- Problèmes vasculaires (AVC étendu)
- Infection
- Tumeur (compression et engagement)
- Épilepsie

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Signes cliniques :
- Immobilité
- Insensibilité aux stimulations, même douloureuses
- Réponses réflexes encore possibles (réactions motrices et pupillaires)
- EEG constitué d’ondes lentes généralisées

Mesures classiques :

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Diagnostic différentiel :
- Coma psychogène : secondaire à une affection psychiatrique (EEG normal)
- « Locked-in syndrome » (syndrome de dé-efférentation motrice) : lésion bilatérale du
mésencéphale entraînent une tétraplégie, une paralysie musculaire qui touche la voix,
la face et le mouvement des yeux (Vigilance et réactivité normales)
- Obnubilation ou stupeur (réactivité partielle verbale ou motrice

La sortie du coma dépend


- Du type d’atteinte
- De l’âge du patient
- De son état de santé général
- De la durée du coma (corrélation négative)
On peut soit avoir une récupération rapide (totale ou partielle) soit négative, conduisant à un
été végétatif et/ou une mort cérébrale

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Note : L’état végétatif est l’abolition de la conscience avec capacité d’éveil

Note 2 : La mort cérébrale (ou coma dépassé) est l’état de cessation complète et irréversible
de l’activité cérébrale.

Remarque : le coma lui-même ne provoque pas de séquelles, c’est la cause du coma qui en
provoque et entraîne parfois un besoin de rééducation.

6.3.1. Cas de patients célèbres

ROM HOUBEN à Il a 20 ans quand il est victime d’un accident de la route et tombe dans
un coma profond l’amenant à un coma végétatif par la suite. 23 ans plus tard, on se rend
compte qu’il est conscient depuis le début : il n’était pas dans le coma ! Il s’agit d’une erreur
de diagnostic qui a fait réfléchir les médecins sur un système de communication assistée lui
permettant de parler et dont la méthode fut contestée.

GARY DOCKERY à Il se réveille d’un coma après une intervention chirurgicale. Il se


souvient de tout et a conservé toutes ses capacités cognitives. 18 heures plus tard, il retombe
dans le coma. Il ne s’en réveillera jamais…

La prise en charge diagnostique est très importante ! Comment faire pour poser un bon
diagnostic de coma ? Comment favoriser la sortie du coma ? Il s’agit d’un enjeu médical
neurologique très important qui soulève également des questions d’éthiques. Quand peut-on
dire que la personne est consciente ? Quand décide-t-on que ça ne vaut plus la peine de
prodiguer les soins ? A-t-on le droit de décider à la place du patient ?

68
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

CHAPITRE 6 : Les fonctions et troubles mnésiques

1. Introduction

Les troubles mnésiques sont très fréquents en cas d’atteinte cérébrale et sont observés après
de nombreuses atteintes telles que :
- Traumas
- États démentiels et atteintes dégénératives
- Intoxication au CO
- AVC, tumeur
- Méningite
- Épilepsie
- … à Les mêmes que ce qui cause des problèmes attentionnels : troubles associés

Ils sont souvent réduits au prototype du syndrome amnésique « hollywoodien », mais ils sont
de formes très variables. Les plaintes les plus fréquentes des patients sont :
- Oublier ce que d’autres ont dit
- Oublier ce qu’ils viennent de dire
- Être incapable de suivre la trame d’un récit
- Oublier de communiquer une information importante
- Répéter ce qu’ils viennent de dire
- Se perdre durant un trajet
- Contrôler plusieurs fois si quelque chose à été fait
- Oublier où a été posé un objet
- Oublier ce qu’il s’est passé
- Être incapable d’acquérir de nouvelles connaissances

Les amnésies constituent la plainte principale des patients cérébrolésés et diminuent


l’autonomie du patient dans sa vie quotidienne. Pour ces raisons, le diagnostic et la prise en
charge des troubles mnésiques sont généralement jugés prioritairement à d’autres types de
troubles.

La mémoire est définie de manière générale comme la faculté de l’esprit permettant


d’encoder, conserver et rappeler des informations et expériences passées. On distingue
généralement 3 grands mécanismes : l’encodage, la consolidation / le stockage, et la
récupération.

Au cours des 40 dernières années, on est passé d’une distinction entre 2 types de mémoire
(MCT et MLT) à une distinction entre 5 systèmes :
- La mémoire perceptive ou sensorielle
- La mémoire procédurale
- La mémoire de travail
- La mémoire sémantique
- La mémoire épisodique
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les modèles théoriques sont toujours en évolution.

Il faut, en outre, toujours veiller à exclure d’autres troubles affectant les étapes mnésiques et
pouvant éventuellement expliquer les mauvaises performances mnésiques du patient

69
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2. Mémoire à court terme et mémoire à long terme

2.1. Mémoire sensorielle

La mémoire sensorielle maintien passivement l’information durant un temps très bref après sa
présentation. La durée est très imitée (quelques dizaines de millisecondes) et c’est une
mémoire très sensible à l’interférence.

Le masque va perturber le souvenir des figures que le sujet vient d’apercevoir. Il affecte
considérablement les performances.

2.2. Mémoire à court terme

La mémoire à court terme maintien de manière active les informations durant un temps bref,
en vue d’un traitement ou d’un rappel. Elle permet un encodage rapide mais :
- Capacité limitée (7 ± 2 éléments)
- Durée limitée (quelques secondes)
- Sensible à l’interférence

70
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Mesures classiques de la MCT :

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.3. Mémoire à long terme

La mémoire à long terme conserve toutes les informations stockées. L’encodage est assez lent
mais la capacité est à priori illimitée et la durée est (presque) infinie également. Elle est
modérément sensible à l’interférence et au temps.

Mesures classiques de la MLT (pas toujours facile à mesurer) :

2.4. De la MCT à la MLT

Dépend de la position du mot


dans la série.

Primauté = les premiers items


sont mieux rappelés, que le
rappel soit immédiat ou
différé à Indicateur du
fonctionnement de la MLT

Récence = les derniers items


sont mieux rappelés, mais
uniquement en rappel
immédiat à Indicateur du
fonctionnement de la MCT

72
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.4.1. Modèle d’Atkinson et Shiffrin

Ce modèle divise la mémoire en trois sous-systèmes principaux :


- La mémoire sensorielle
- La mémoire à court terme
- La mémoire à long terme

Pour Atkinson et Shiffrin, la probabilité de mémorisation en MLT (apprentissage durable)


dépend uniquement de la durée de présence en MCT. Le syndrome amnésique est interprété
comme une impossibilité de faire transiter l’information depuis la MCT vers la MLT.

Certaines données neurologiques sont compatibles avec ce modèle, comme celles du cas HM :

73
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Mais d’autres données neurologiques sont totalement incompatibles, comme celles du cas PV
en 1982 :

On lui fait donc passer des tests pour évaluer sa mémoire :

74
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Le cas PV ne s’accorde donc pas avec le modèle d’Atkinson et Shiffrin, puisque c’est une
patiente qui a des capacités d’encodage en MLT verbale correcte alors que sa MCT verbale
est sévèrement déficitaire. En raison de ce déficit, elle ne devrait en principe pas pouvoir
apprendre du matériel verbal.

75
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.4.2. Modèle de Baddeley

L’observation de patients cérébrolésés présentant des dissociations des performances entre


MCT verbale et MCT visuo-spatiale (cas PV) a conduit à un nouveau concept : la mémoire de
travail.

Boucle phonologique = répéter l’information verbalement.

Cette notion est devenue très importante, même si on continue d’utiliser le terme « mémoire à
court terme », mais il n’y a pas vraiment de différence en la mémoire de travail et la mémoire
à court terme, mis à part l’auteur.

3. Les systèmes mnésiques : évaluations et troubles

3.1. Mémoire des représentations perceptives

La mémoire des représentations perceptives reprend les connaissances relatives à la forme et


la structure (des objets, des stimuli etc…). Elles peuvent être visuelles, auditives, olfactives
ou encore kinesthésiques, ne concernent pas les propriétés sémantiques ou fonctionnelles et
sont souvent implicites/inconscientes.

L’évaluation de ce système se fait par des tests d’amorçage perceptif où le principe est que
des éléments déjà traités une fois sont plus facilement traités et/ou identifiés ultérieurement.
Ces tests se font en trois phases :
- Exposition à une série d’items cibles
- Délai
- Identification implicite ou explicite à partir d’indices appauvris ou réduits

Les participants ne sont généralement pas avertis du lien entre la phase 1 et la phase 3.

76
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Les patients reconnaissent plus rapidement une image non complète si elle a déjà été amorcée.

L’absence d’amorçage perceptif marque un problème de mémoire des représentations


perceptives.

3.2. Mémoire procédurale

La mémoire procédurale regroupe l’ensemble des compétences motrices :


- Mémoire du « comment on fait »
- Mémoire non-verbale (verbalisation non utile)
- Souvent automatisée et implicite

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Ce système est évalué par des tâches d’apprentissage perceptif, visuo-perceptif ou cognitif.
Le principe est de répéter une tâche plusieurs fois de plus en plus vite ou de mieux en mieux.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Le patient fini ici par trouver certaines régularités et anticiper le mouvement de la cible.

Ici, le nombre de déplacements réalisés diminue au fil de l’apprentissage. Le participant n’est


pas capable d’expliquer comment ou pourquoi il agit de telle ou telle manière. Dans ce casse-
tête, il y a une règle verbalisable, mais très peu de participants savent la formuler.

L’absence d’apprentissage (pas de progression ou progression trop lente) marque un problème


de mémoire procédurale.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.3. Mémoire de travail

La mémoire de travail sert de maintien actif de l’information durant un temps bref en vue
d’un traitement ou d’un rappel (voir mémoire à court terme)

On évalue la boucle phonologique par tâches d’empan verbal :

80
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

On évalue le registre visuo-spatial par tâches d’empan visuo-spatial :

81
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

On évalue l’administrateur central par des tâches d’attention partagée nécessitant à la fois le
maintien et la manipulation du matériel. On peut en fait considérer l’administrateur central
comme un système de supervision attentionnelle.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

On note un déficit de l’administrateur central si les performances aux doubles tâches sont
dramatiquement inférieures aux performances dans les tâches simples.
Mais il s’agit de déficits à interpréter prudemment en raison du rapport de la mémoire avec
l’attention et les fonctions exécutives.

3.4. Mémoire sémantique

La mémoire sémantique regroupe l’ensemble des connaissances générales sur le monde. Elle
est déclarative et explicite, partagée avec les membres d’une même culture, et son contenu est
fait de connaissances factuelles sans ancrage contextuel (mots, symboles, concepts…)

Par exemple :
- Signification des mots et concepts (une banane est un fruit)
- Propriétés des objets (les bananes sont jaunes)
- Faits (les bananes poussent dans les climats tropicaux)
- Relations entre concepts etc…

L’évaluation de ce système est difficile et se fait par :

83
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Le diagnostic à propos des connaissances général est très dur à établir, et pas toujours faisable
non plus concernant l’acquisition de nouvelles connaissances sémantiques. Par contre, si
l’amorçage sémantique est absent, il existe un problème sémantique.

3.5. Mémoire épisodique

La mémoire épisodique reprend l’ensemble des souvenirs d’événements et de faits personnels.


Elle est déclarative et son contenu regroupe les événements et épisodes personnels spatio-
temporellement contextualisés.

Il ne faut surtout pas confondre la mémoire épisodique avec la mémoire sémantique. Pour la
date de naissance, par exemple, bien qu’il s’agisse d’une information personnelle, elle est
stockée en mémoire sémantique car il ne s’agit pas d’un souvenir : on nous l’a raconté. Par
contre, le jour de notre naissance pour nos parents est bien une information épisodique.

84
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

On évalue ce type de mémoire par différents tests :

85
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.6. Les niveaux de conscience

Les trois grands systèmes mnésiques à long terme activent des niveaux de conscience
différents :

3.7. Le modèle SPI de Tulving

86
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

ENCODAGE SERIEL à
- D’abord dans la mémoire des représentations perceptives
- Ensuite en mémoire sémantique
- Finalement en mémoire épisodique
L’encodage épisodique dépend du bon fonctionnement sémantique et l’encodage sémantique
est, lui, indépendant du fonctionnement épisodique.

STOCKAGE PARALLELE à
- Chaque perception laisse des traces mnésiques dans les différents systèmes
- Ces traces multiples sont indépendantes
- Elles peuvent donc être altérées ou préservées indépendamment

RECUPERATION INDEPENDANTE à
- Chaque trace mnésique peut être récupérée indépendamment
- Savoir = récupération sémantique
- Se souvenir = récupération épisodique

4. Troubles de la mémoire épisodique

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

SYNDROME AMNESIQUE = trouble permanent, stable et global de la mémoire épisodique


(suite à une lésion organique) en l’absence d’autres déficits perceptifs ou cognitifs.
Étiologie très variée : trauma, AVC, hypoglycémie, anoxie, tumeur, problème métabolique…
En réalité, l’atteinte n’est pas tout à fait globale, ce qui a conduit à une modification des
modèles de la mémoire (surtout MLT)

On peut classifier les syndromes amnésiques sur base étiologique (type et/ou localisation de
l’atteinte) ou comportementale (nature du déficit), mais ces classifications ne sont pas
unanimement acceptées. On trouve par exemple :

- Amnésie psychogène : amnésie suite à une atteinte non cérébrale (mécanisme de


défense face à des événements difficile à supporter)
- Amnésie sélective : épisode traumatique important psychologiquement qui est oublié
- Fugue : chez les personnes subissant des violences psychologiques de manières étalées
dans le temps (enfants maltraités)
- Amnésie causée par TPM (trouble de la personnalité multiple) : amnésie consécutive
au changement de personnalité
- Amnésie organique : atteinte du cerveau
- Ictus amnésique : forme d’amnésie très brève
- Amnésie épileptique transitoire : amnésie des événements précédant et suivant une
crise Grand Mal chez les épileptiques
- Amnésie post thérapie par électrochocs : thérapie qui n’est plus utilisée aujourd’hui
(électrochocs au niveau du crâne pour traiter la schizophrénie)
- Amnésie post traumatique : période après l’atteinte cérébrale, qui peut se résorber plus
ou moins vite
- Atteinte progressive : conséquence d’une maladie dégénérative (démences)
- Amnésie spécifique : limitée à certains épisodes de la vie du patient seulement
- Amnésie globale : affecte l’ensemble (ou presque) de la mémoire épisodique

Le schéma suivant reprend ces classes mais ne doit pas être connu !

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

4.1. Syndrome amnésique bi-hippocampique : le cas HM

LE CAS HM – né en 1926, originaire de Louisiane. Il se fait renverser par un vélo à l’âge de


9 ans et des crises d’épilepsies apparaissent à l’âge de 10 ans, que l’on traite par
anticonvulsivants. Il termine ses études et travaille en usine mais son épilepsie est pharmaco-
résistante et il subira une opération chirurgicale en 1953, à l’âge de 27 ans. Il décède en 2008.

Durant l’opération, on lui enlève la partie médiane des lobes temporaux, y compris
l’hippocampe, ce qui a pour effet de réduire significativement son épilepsie : les crises Grand
mal disparaissent et il ne fait plus qu’une ou deux crises Petit Mal par jour. On abandonne
donc le traitement anticonvulsivant.

20 mois après l’opération, son bilan montre une augmentation du QI (112 contre 104 avant
l’opération), ainsi qu’une perception et un raisonnement correct. Calme, coopératif et motivé,
il sera testé pendant près de 50 ans !

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

HM souffre d’une amnésie antérograde. Il éprouve une incapacité totale à fixer de nouvelles
informations, de nouveaux événements ou de nouvelles connaissances. En situation de testing,
sa mémoire est de quelques secondes, en situation naturelle, quelques minutes ; il ne sait pas
où il est, ce qu’il fait, ce qu’il a vu il y a peu, qui il vient de rencontrer, où il habite, qui
s’occupe de lui…

Les amnésiques peuvent-ils encore apprendre ?

90
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

91
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

HM est bien capable d’acquérir de nouvelles habiletés perceptivo-motrices, de nouvelles


habiletés cognitives, de nouvelles informations par apprentissage implicite et de nouvelles
connaissances sémantiques (mais moins bien qu’un individu sain). En revanche, il ne peut pas
restituer explicitement ce qu’il a appris, il ne sait pas qu’il a appris quelque chose et il n’a pas
de souvenirs de l’avoir fait.

Hm est le cas typique du syndrome amnésique bi-hippocampique, lié à l’ablation des deux
hippocampes :
- Pas de déficit de la MCT et MDT
- Mémoire procédurale ok
- Mémoire sémantique et autres fonctions largement préservées
- Amnésie antérograde sévère et permanente
- Pas de confabulation (fabulations délirantes – production imaginaire que le patient
prend pour des souvenirs)

LE CAS AC – belge né en 1957, il est professeur d’histoire. Suite à un AVC de l’artère


cérébrale postérieur gauche et droite en mars 1987, il tombe dans le coma pendant 3
semaines. Les tests montrent un temps de réaction auditif normal et une MCT normale
(empan de chiffres = 7 et empan spatial = 5) ainsi qu’un apprentissage implicite normal
également. Cependant, sa mémoire épisodique est déficitaire, et sa MLT verbale est sous la
norme.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

4.2. Syndrome amnésique diencéphalique

Prototype : syndrome de Wernicke-Korsakoff

- Amnésie rétrograde sévère (plusieurs années) avec préservation des souvenirs anciens
- Amnésie antérograde sévère
- Déficit des fonctions exécutives
- Confabulations
- Anosognosie (le patient n’a pas conscience de sa condition, et ce, non dans un but de
défense psychologique (= déni) mais bien de manière pathologique)
- Mémoire sémantique et autres fonctions largement ok

Ce type d’amnésie serait dû à une carence en


vitamine B1 (thiamine). On l’observe
principalement chez des patients souffrant
d’alcoolisme chronique. Le cerveau subit une
atrophie corticale (réduction de la substance grise)
au niveau frontal, temporal et des noyaux
thalamiques.

4.3. Amnésie globale transitoire

Aussi appelé « ictus amnésique », il s’agit d’un syndrome amnésique aigü et bref (1h à 24h)
avec amnésie rétrograde et antérograde variable à récupération progressive spontanée et
rapide, sans confabulations. Le patient est conscient du trouble, ce qui cause des angoisses.

LE CAS ES – homme de 58 ans en bonne santé générale, sans problème vasculaire ou


psychiatrique connu. De retour des courses avec son épouse vers 13h, ES dit que quelque
chose ne va pas : il ne sait plus ce qu’il était en train de faire. A l’hôpital, il est désorienté
dans le temps. Il présente une amnésie rétrograde d’environs 6 mois et une amnésie
antérograde sévère. A 20h, l’amnésie antérograde s’estompe et l’amnésie rétrograde est
réduite à quelques jours. Le lendemain, tout est rentré dans l’ordre.

LE CAS LV – homme de 67 ans, retraité, en bonne santé générale et sans problème connu. Il
devait passer prendre quelqu’un à la gare ; il rentre chez lui à 15h30. A 16h45, il se sent
confus, ne sait pas ce qu’il a fait dans la journée et ne se souvient pas avoir été chercher la
personne. A l’hôpital, il est désorienté dans le temps. Il présente une amnésie rétrograde de
plus ou moins 30 ans et une amnésie antérograde sévère. A 23h30, les amnésies se réduisent,
et le lendemain, tout rendre dans l’ordre, sauf une lacune amnésique rétrograde de 2h.

4.4. Amnésie frontale

L’amnésie frontale est due à une rupture d’anévrisme de l’artère communicante antérieure,
qui provoque une amnésie rétrograde et antérograde de sévérité variable et à degré de
récupération variable. On observe un déficit des fonctions exécutives (atteinte frontale), une
modification comportementale, un changement de personnalité, et des confabulations très
fréquentes.

93
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

5. Pourquoi les amnésiques oublient-ils ?

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

CLIVE WEARING (Voir documentaire) :

Né en 1938, ce musicien anglais et chef d’orchestre très connu contracte une encéphalite
herpétique en 1985 qui le fait tomber dans le coma pendant plusieurs jours, ce qui entraîne un
déficit mnésique antérograde total.

Sa mémoire épisodique est totalement détruite ; il subit une amnésie rétrograde sévère et une
amnésie antérograde totale. Sa mémoire sémantique perturbée tandis que sa mémoire
procédurale est préservée. Sa conscience de soi est atteinte car sa fenêtre temporelle est de 7 à
30 secondes ; il a en permanence l’impression de se réveiller.

95
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

CHAPITRE 7 : Neuroanatomie des fonctions cognitives

1. Introduction générale

L’objectif principal en neurosciences cognitives est de comprendre les rapports entre, d’une
part, les processus mentaux et le comportement, et, d’autre part, le cerveau et son
fonctionnement. Jusqu’au début des années 80, l’étude de la cognition humaine s’est fondée
essentiellement sur les méthodes suivantes :

- La chronométrie mentale, qui vise à inférer les processus mentaux des êtres humains
en mesurant leurs temps de latence et leurs erreurs dans les tâches qu’ils doivent
réaliser.

- La psychopharmacologie, qui examine l’effet positif ou négatif de l’administration de


drogues ou substances médicamenteuses sur le fonctionnement cérébral.

- La méthode lésionnelle, qui étudie les déficits cognitifs de patients ayant souffert de
lésions cérébrales. On distingue :

o Les lésions naturelles permanentes. Une lésion est une atteinte organique
entraînant une destruction locale du tissu cérébral. Les principales causes sont
les traumatismes cérébraux, les AVC, les tumeurs, et les maladies
dégénératives. Les différentes démarches pour la mise en évidence du territoire
lésionnel sont :

§ Jusque dans les années 1950-1960 : les autopsies post-mortem


§ Dans les années 1970 : l’imagerie médicale anatomique 3D par
tomographie computérisée (scanner cérébral à rayons X)
§ Depuis les années 1980-1990 : l’imagerie anatomique et fonctionnelle
par résonance magnétique nucléaire

o Les lésions transitoires induites. Les lésions transitoires induites sont des
dysfonctionnements induits expérimentalement et provoquant une perturbation
temporaire du fonctionnement d’une aire cérébrale. Les différentes techniques
utilisées pour induire ces perturbations sont :

§ Dans les années 50 : les stimulations électriques appliquées directement


sur la surface du cortex (nécessite de découper la paroi crânienne et
n’est employé qu’en contexte pré-chirurgical)
§ Dans les années 60 : les inductions pharmacologiques (l’injection
d’amytal de sodium (aussi appelé amobarbital) dans la carotide interne
permet, par exemple, d’anesthésier totalement un hémisphère pour
déterminer la dominance hémisphérique cérébrale)
§ Dans les années 90 : la stimulation magnétique transcrânienne (un
puissant champ magnétique très localisé est induit à la surface du crâne,
ce qui a pour effet de perturber temporairement l’activité des aires
cérébrales situées sous la zone de stimulation ; cette technique peut être
utilisée chez des sujets sains)

96
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Aujourd’hui, différentes techniques de neuroimagerie permettent d’enregistrer directement


l’activité cérébrale de sujets sains ou cérébrolésés pendant qu’ils réalisent des tâches
particulières. On distingue deux familles de techniques selon qu’elles permettent
d’enregistrer :

- L’activité métabolique du cerveau (le débit sanguin, la consommation de glucose ou


d’oxygène etc…) à L’activité des neurones nécessite en effet de l’énergie sous forme
de glucose et d’oxygène qui sont délivrés aux cellules par la microcirculation
sanguine. Il existe un lien entre le flux sanguin cérébral à un endroit du cerveau et
l’activité réalisée par cette partie du cerveau : au plus l’activité de celle-ci est
importante, au plus elle consomme d’énergie et au plus l’apport sanguin doit être
important. En enregistrant ces paramètres, on obtient donc la distribution de l’activité
métabolique dans le cerveau et on peut en déduire l’implication des différentes
structures cérébrales sous-jacentes.

- L’activité neurophysiologique du cerveau. L’activité des neurones produit en effet des


signaux électriques et magnétiques dont les variations peuvent être enregistrées à la
surface du crâne. L’électro-encéphalographie (EEG) et la magnéto-encéphalographie
(MEG) permettent d’enregistrer ces signaux.

2. Les techniques d’enregistrement de l’activité métabolique

Ces techniques permettent d’enregistrer l’activité métabolique avec pour objectif de localiser
spatialement l’activité du cerveau. Elles permettent donc de dire assez précisément (précision
d’environ 5mm à 2cm) quelles sont les parties du cerveau qui sont activées lors de la
réalisation d’une tâche. Elles ont toutefois une mauvaise résolution temporelle : elles ne
permettent pas de dire à quel moment et selon quelle chronologie ces différentes parties
s’activent durant la tâche. On présentera ici les deux techniques les plus utilisées pour étudier
la cognition chez le sujet humain : la tomographie par émission de positrons et l’IRM.

2.1. Introduction technique et méthodologique

2.1.1. La tomographie par émission de positrons (TEP)

2.1.1.1. Enregistrement de l’activité

L’appareil utilisé lors d’un enregistrement TEP (en anglais PET) est un tomographe ou
scanner à positrons.

Le sujet est installé de manière à ce que sa


tête soit correctement positionnée au
centre de la machine. On injecte un
traceur radioactif dans la circulation
sanguine et on demande au sujet de
réaliser une tâche. Durant la minute qui
suit l’injection, le traceur va se diffuser
dans la circulation sanguine et
s’accumuler dans les aires cérébrales qui
sont le plus actives durant la tâche.

97
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Dans les études cognitives chez les sujets sains, le traceur le plus souvent utilisé est l’eau
marqué à l’oxygène-15 (H215O – utilisé car il est particulièrement peu radioactif) mais
d’autres traceurs peuvent être employés. Un atome d’eau comporte normalement 8 paires de
protons et neutrons ; il est ici rendu instable en lui ôtant un neutron, ce qui rend « libre » un
proton, que l’on appelle alors un positron ou positon. Lorsqu’il arrive au repos dans le
cerveau, le positron émis par le noyau instable de 15O cherche un électron libre de manière à
reconstituer un état d’équilibre. Une fois qu’ils se rencontrent, le positron et l’électron
s’annihilent et l’énergie qui en résulte crée deux photons d’annihilation qui quittent le point
d’annihilation dans des directions opposées pour traverser la tête à la vitesse de la lumière.

Une série de détecteurs placés dans la couronne de la machine permet d’enregistrer chaque
réaction d’annihilation se produisant entre deux détecteurs se faisant face, et des algorithmes
mathématiques permettent d’identifier l’origine spatiale exacte de la réaction. Pour chaque
point de l’espace, le tomographe enregistre le nombre de réactions d’annihilation durant 60 à
80 secondes et convertit ce nombre en quantité d’activité, elle-même transformée et
reconstruite sous forme d’image.

Pour être plus facilement interprétée, cette image


est alors colorée avec, par exemple, des couleurs
vives pour les zones très actives et des couleurs
sombres pour les zones peu actives. L’activité est
enregistrée dans l’ensemble du volume du
cerveau ; elle peut être examinée en procédant à
des coupes selon différents axes de manière à
pouvoir explorer chaque partie du cerveau.

98
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.1.1.2. Méthode : la logique soustractive

Durant l’enregistrement TEP, le sujet réalise une tâche particulière. L’image ainsi obtenue
comporte l’activité cérébrale qui est liée à cette tâche, mais aussi l’activité liée au
fonctionnement général du cerveau. Celui-ci ne se contente en effet pas de réaliser la tâche en
question ; il traite simultanément de nombreuses informations sensorielles, kinesthésiques et
mnésiques. En outre, au sein de la tâche elle-même, on s’intéresse généralement à l’un ou
l’autre processus particulier. Pour isoler l’activité mentale spécifiquement liée à la réalisation
de la tâche ou à un processus particulier, on applique la logique soustractive.

En chronométrie mentale, si par exemple un


chercheur s’intéresse au processus de
discrimination, et plus précisément au temps
nécessaire pour discriminer deux événements, il
pourrait présenter à des sujets des flashes
lumineux apparaissant à gauche ou à droite d’un
écran et leur demander de répondre en appuyant
sur la touche correspondante. Il pourrait ensuite
leur demandé de répondre dès qu’un flash
unique apparaît au centre de l’écran. Ces deux
conditions comportent, entre autres, des étapes
de perception visuelle du stimulus, de programmation et de réalisation d’une réponse motrice.
Toutefois, seule la condition avec deux flashes comporte une étape de discrimination. En
soustrayant le temps nécessaire pour répondre lorsqu’un seul flash est présenté au temps
nécessaire lorsque deux flashes sont présentés, le chercheur pourra déterminer exactement le
temps nécessaire pour réaliser l’étape de discrimination.

En neuroimagerie, la logique soustractive consiste à enregistrer l’activité du cerveau pendant


que le sujet réalise une tâche de référence proche de la tâche expérimentale étudiée mais qui
ne comporte pas le(s) processus que l’on veut isoler. On soustrait point par point, dans
l’ensemble du volume du cerveau, l’activité de la tâche de référence et l’activité de la tâche
expérimentale de manière à isoler les zones où l’activité est plus importante durant celle-ci.
On projette alors cette image sur une image anatomique du cerveau de manière à identifier les
structures cérébrales qui sont plus actives durant la tâche expérimentale.

99
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.1.1.3. Analyse des images

Lorsqu’on étudie un processus mental, on cherche généralement à obtenir un résultat


généralisable à la population dont est issu le sujet testé. Pour garantir la validité de la
généralisation, on étudie un groupe de sujet plutôt qu’un cas unique. Or, si au plan
macroscopique, tous les cerveaux sont constitués des mêmes structures, il existe
d’importantes variations individuelles qui rendent difficile une comparaison directe des
cerveaux entre eux par simples superposition d’images. Afin de garantir l’équivalence entre
des images enregistrées chez des sujets différents, il est donc nécessaire de transformer
chaque image de manière à uniformiser la taille et la forme des cerveaux. Chaque image est
alors « déformée » pour être la plus proche possible d’une image de référence.

Enfin, les images des différences obtenues en soustrayant la tâche de référence et la tâche
expérimentale sont moyennées entre les différents sujets de manière à dégager une tendance
pour le groupe. Comme pour toute mesure statistique visant à dégager une tendance centrale,
il est important de remarquer que cette image moyenne tend à éliminer les petites différences
interindividuelles, et il est donc fréquent qu’un sujet particulier présente un profil d’activité
légèrement différent de celui du groupe dont il fait partie ou que deux sujet issus du même
groupe n’aient pas exactement le même profil d’activité.

100
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.1.1.4. Décours temporel d’une acquisition

Lors de l’examen TEP, une injection d’eau marquée est réalisée avant chaque enregistrement.
L’activité est enregistrée et moyennée sur une durée de 80 à 120 secondes environ. On
dispose donc d’un seul volume cérébral par enregistrement. Un intervalle de 8 à 12 minutes
est respecté entre chaque enregistrement de manière à ce que la radioactivité du traceur ait
totalement disparu avant l’enregistrement suivant. L’image anatomique du cerveau est
acquise lors d’une session séparée au moyen d’une résonnance magnétique. On notera que le
caractère radioactif du traceur utilisé ne permet pas de multiplier les enregistrements chez un
même sujet. Pour rester à des doses non toxiques, une étude cognitive en TEP utilisé de
l’H215O comportera généralement une dizaine d’enregistrements, et un maximum de 14 ou 16.

2.1.2. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRM)

2.1.2.1. Base du signal IRM

L’hydrogène est un constituant principal de la


plupart des molécules biologiques. En
particulier, les molécules d’eau, qui
représentent près de 89% du poids du cerveau,
contiennent deux atomes d’hydrogène. Le
noyau de ces atomes a une composition très
simple : il est formé d’un seul proton animé
d’un mouvement de rotation propre qui produit une
légère aimantation.

En l’absence de champ magnétique, les noyaux d’hydrogène sont


orientés aléatoirement et leur résultante est donc nulle. Placés dans
un champ magnétique stable, les protons s’alignent parallèlement
ou antiparallèlement à la direction de ce champ.

101
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

La somme algébrique des aimantations propres à chaque proton étant positive, il en résulte
une très légère différence magnétique qui peut être enregistrée en chaque point du cerveau.
Les différents tissus cérébraux présentent une densité différente de protons d’hydrogène et
réagissent donc différemment au champ magnétique dans lequel le cerveau est placé. Ces
différences de densité de protons sont codées et permettent de représenter l’anatomie
cérébrale par des nuances de gris.

2.1.2.2. Enregistrement de l’activité

Dans les études cognitives chez le sujet sain, la méthode la plus utilisée lors d’un
enregistrement par IRMf repose sur l’analyse de la consommation d’oxygène et du rapport
entre sang fortement chargé en oxygène (oxyhémoglobine) et sang peu chargé en oxygène
(désoxyhémoglobine)

En effet, lorsqu’une partie du cerveau s’active, la consommation d’oxygène augmente, ce qui


accroît dans un premier temps la concentration en désoxyhémoglobine. Le flux sanguin est
alors augmenté pour apporter une quantité d’oxygène qui ne sera pas totalement consommée
par l’activité en cours. Il y a donc une modification locale du rapport normal entre
oxyhémoglobine et désoxyhémoglobine, avec, proportionnellement, une plus grande quantité
d’oxyhémoglobine que dans d’autres parties du cerveau qui ne sont pas autant activées.

102
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

En plaçant le sujet dans un champ magnétique puissant (méthode BOLD, de l’anglais Blood
Oxygen Level Dependent contrast method), il est possible d’enregistrer cette variation du
rapport. Un avantage de l’IRMf sur la TEP est donc de rendre possible l’enregistrement de
l’activité cérébrale sans devoir procéder à l’injection d’un traceur puisqu’elle repose sur un
mécanisme physiologique naturel du cerveau.

2.1.2.3. Décours temporel d’une acquisition

Les images d’activation sont acquises sous forme de coupes successives enregistrées très
rapidement. Selon le nombre de tranches acquises et leur durée d’acquisition (généralement
entre 60 et 160ms par tranche), l’ensemble du cerveau peut être enregistré en 2 à 5 secondes
environ. Un enregistrement complet du cerveau (appelé « volume ») est réalisé plusieurs fois
pendant la durée de l’enregistrement. De nombreux volumes cérébraux peuvent donc être
enregistrés pour une même tâche chez un même sujet en un temps relativement court
(quelques minutes). L’image anatomique du cerveau est également acquise lors de la même
session d’enregistrement.

103
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

2.1.2.4. Méthode et analyse des images

Globalement, les éléments de méthode et d’analyse des images sont similaires à ceux de la
TEP. L’IRMf permet toutefois de multiplier d’avantage le nombre d’enregistrements chez un
même sujet et a une meilleure résolution temporelle. Lorsque l’expérience est correctement
réalisée, on peut observer des modifications de l’activité cérébrale (plus précisément la
réponse hémodynamique) qui sont corrélés au plan expérimental mis en œuvre, et ce pour
chaque point du volume cérébral enregistré.

2.2. Applications cliniques

Si l’imagerie cérébrale anatomique fait aujourd’hui partie des examens de base administrés à
la majorité des patients souffrant de déficits neuropsychologiques, le recours à l’imagerie
fonctionnelle reste peu fréquent. Celle-ci permet pourtant au clinicien d’identifier une
perturbation de l’activité métabolique liée à une atteinte, d’objectiver une éventuelle
modification de cette même activité en l’absence d’atteinte organique révélée ou suite à un
traitement médicamenteux, ou encore de suivre l’évolution de la récupération fonctionnelle en
cours de traitement.

Intégrées aux données neurologiques et neuropsychologiques, les anomalies métaboliques


peuvent aider le clinicien à poser son diagnostic et, dans certains cas, à établir un diagnostic
différentiel entre différentes pathologies. L’IRMf est par ailleurs de plus en plus employée en
contexte préopératoire afin d’identifier précisément les aires fonctionnellement préservées de
celles atteintes.

En routine clinique l’examen TEP (dans ce contexte clinique, le traceur généralement utilisé
est le fluorodeoxyglucose (FGD) qui permet d’enregistrer l’activité métabolique du cerveau
au repos, c’est-à-dire sans devoir demander au patient de réaliser une tâche particulière) peut
être utilisé avec succès chez des patients présentant des troubles développementaux ou
dégénératifs, tels des démences d’Alzheimer, des aphasies progressives, des scléroses
multiples, des troubles langagiers ou encore des troubles épileptiques.

104
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Parmi les applications cliniques de la TEP en neurologie, neurophysiologie, neuropsychiatrie


et neuropsychologie, on citera l’aide au diagnostic, le diagnostic différentiel et les
applications pharmacologiques.

On peut, à titre d’illustration, mentionner l’utilisation d’un examen par TEP :

- Pour l’identification des tumeurs qui apparaissent sous formes de zones hyperactives
liées à une augmentation de la consommation de glucose.

- Dans le cadre d’un diagnostic de démence, pour mettre en évidence les zones
localisées d’hypométabolisme basal (les aires temporales en cas d’Alzheimer par
exemple), ce qui permet de poser un diagnostic différentiel avec certaines atteintes
neuropathologiques, telles que la dépression.

- Pour contribuer au diagnostic de dépression dans la mesure où, à ce jour, cette


pathologie n’a pas encore pu être associée de manière fiable à une modification
anatomique notable alors qu’elle présente un hypométabolisme basal généralisé
typique. On notera la possibilité du diagnostic différentiel avec une démence temporo-
pariétale en raison du caractère diffus de l’hypométabolisme.

105
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

- Dans le cadre d’un suivi de la récupération de troubles aphasiques, pour observer


l’évolution du métabolisme dans les zones lésées et celles restées intactes.

- Dans le cadre d’applications en pharmacologie, la TEP permettant d’examiner le mode


d’action de substances médicamenteuses (neuroleptiques, antidépresseurs…) sur
l’activité métabolique du cerveau. On peut par exemple observer une régularisation de
l’activité des ganglions de la base chez des patients Parkinsoniens (maladie
dégénérative caractérisée principalement par des troubles moteurs, consécutive à une
atteinte des ganglions de la base, qui affecte la production de dopamine) après
traitement médicamenteux.

Dans le cas de traumatismes crâniens, l’examen par imagerie fonctionnelle peut révéler des
perturbations alors que l’examen anatomique apparaît normal. L’examen IRMf peut, quant à
lieu, être utilisé avec succès afin d’identifier avant résection chirurgicale de foyers
épileptogènes ou de tumeurs, leur étendue et la quantité de tissus atteintes et préservés. Son
innocuité et la possibilité de répéter les enregistrements un grand nombre de fois chez un
même individu en font un outil idéal pour évaluer l’effet de thérapies sur l’activité cérébrale.
Par exemple, l’IRMf a été utilisé :

- Pour examiner l’effet d’une thérapie cognitivo-comportementale de désensibilisation


progressive de patients souffrant d’arachnophobie. Avant la thérapie, d’importants
foyers d’activation sont observés dans le gyrus frontal inférieur droit et le gyrus
parahippocampique lorsque les patients visionnent des documentaires animaliers sur
les araignées alors que ces foyers ne sont pas observés lorsqu’ils visionnent des
documentaires animaliers sur des papillons. Or, on sait que cette partie du cortex
frontal est impliqué dans l’autorégulation émotionnelle volontaire et que le gyrus
parahippocampique s’active lors d’épisodes de panique chez les individus souffrant de
désordres liés à la peur. Après la thérapie, on peut constater que ces structures
cérébrales ne sont plus anormalement activées.

- Pour examiner l’effet d’une thérapie du langage chez un patient cérébrolésé présentant
une aphasie consécutive à un AVC de l’artère cérébrale moyenne. Après rééducation,
on constate une activité cérébrale dans les aires périlésionnelles ; cette activité était
absente avant la prise en charge du patient.
Note : il s’agit d’un patient âgé de 42 ans, droitier et de sexe masculin. Les lésions
sont observées dans les lobes frontaux, temporaux et pariétaux gauches. Le patient
présente une aphasie sévère caractérisée par une altération de la production écrite et
orale, une préservation relative des traitements syntaxico-sémantiques, et un accès
préservé au lexique phonologique ; il présente en outre une atteinte sévère de la
mémoire de travail.

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NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Récemment, l’examen IRMf a été utilisé avec succès pour aider au diagnostic différentiel
entre un état de coma végétatif et un état de conscience minimale. Afin de déterminer le
niveau de conscience d’une patiente plongée dans un état végétatif de longue durée et son
niveau de réactivité mentale aux stimulations externes en l’absence de réactivité
comportementale clair, l’activité cérébrale de cette patiente a été enregistrée et comparée dans
différentes tâches cognitives faisant appel à de l’imagerie mentale visuo-motrice ou visuo-
spatiale. Les résultats ont révélé les mêmes zones d’activation chez cette patiente que chez un
groupe de sujets sains, ce qui a permis de montrer qu’elle était consciente et réceptive aux
stimulations.

Note : il s’agit d’une patiente âgée de 23 ans victime en juillet 2005 d’un accident de la route.
A son admission à l’hôpital, elle présentait un score de 4 sur l’Échelle de Coma de Glasgow,
coma qui a progressivement évolué vers un état végétatif avec ouverture des yeux spontanée,
présence de cycles veille-sommeil, mais une réactivité très fluctuante aux stimulations
externes.

Afin de déterminer son niveau de conscience réel, un examen IRMf a été réalisé en janvier
2006. Dans une première condition, la patiente eu comme consigne de s’imaginer en train de
se déplacer dans sa maison, ce qui s’est traduit par des activations dans les cortex
parahippocampiques, pariétaux et prémoteurs bilatéralement. Dans une seconde condition,
elle devait s’imaginer jouer au tennis, ce qui s’est accompagné d’activation dans l’aire
motrice supplémentaire.

107
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

On notera toutefois des limites à l’utilisation clinique de ces approches avec des patients. TEP
et IRMf nécessitent qu’ils puissent rester allongés immobiles un certain temps, dans un
environnement particulièrement bruyant pour l’IRMf. Cette dernière présente certains
artefacts de susceptibilité (des distorsions dans l’image enregistrée dues à l’inhomogénéité du
champ magnétique) dans les aires temporales et orbitofrontales, aires qui sont fréquemment
les sièges de processus d’intérêt chez les patients. Enfin, en raison du champ magnétique
produit par l’imageur, l’IRMf est proscrite pour les patients porteurs d’éléments métalliques
dans le corps (pacemaker, clip cérébral…)

2.3. Application pour l’étude des fonctions cognitives

En permettant l’enregistrement de l’activité cérébrale chez des sujets neurologiquement sains,


les techniques de neuroimagerie peuvent être utilisées pour établir ou mettre à l’épreuve des
modèles du fonctionnement normal d’un cerveau sain.

EXEMPLE : LA MEMOIRE ET LA COGNITION NUMERIQUE

Par cognition numérique, on entend l’ensemble des processus mentaux qui permettent de
traiter et reconnaître un nombre arabe vu ou entendu, d’accéder à la quantité qu’ils
représentent, de comparer ces quantités pour déterminer laquelle est la plus grande/petite, de
déterminer si un nombre est pair ou impair, d’additionner, soustraire, multiplier ou diviser ces
nombres, etc…

Suite à une lésion cérébrale, certains patients présentent des déficits importants des
mécanismes de traitement des nombres et de calcul. Il est donc important d’établir des
modèles cognitifs détaillés de ces diverses activités numériques de manière à réaliser des
diagnostics précis et mettre en œuvre des processus rééducatifs efficaces. En outre, ce
domaine peut être utilisé pour investiguer différents aspects de la mémoire, et notamment la
distinction en MLT et MCT ou MDT.

2.3.1. Aires impliquées dans la récupération d’informations en MLT

De nombreuses études chez des patients cérébrolésés ont montré qu’une lésion du cortex
pariétal (essentiellement à gauche) peut conduire à des troubles du calcul et du traitement des
nombres. Certains patients sont ainsi incapables de fournir une réponse à des problèmes
arithmétiques simples. Or, on sait par de nombreuses études chronométriques chez des sujets
sains et des études de cas chez des patients cérébrolésés, que de tels problèmes simples ne
doivent pas être calculés par des adultes. En effet, ces problèmes ont été mémorisés durant
l’enfance, sont stockés en MLT, et leur réponse est tout simplement récupérée directement en
mémoire lorsqu’ils sont rencontrés.

Si l’on enregistre par TEP l’activité cérébrale de sujets


sains à qui on demande de multiplier deux nombres
arabes présentés visuellement (la tâche expérimentale)
et qu’on lui soustrait l’activité cérébrale enregistrée
lorsque ces mêmes sujets doivent juger leur orientation
(la tâche de référence), l’activité la plus importante est
observées dans les aires proches du sillon intrapariétal
gauche et dans le cortex frontal gauche et droit.

108
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Comme la tâche de jugement d’orientation comporte les mêmes types de traitements


perceptifs et la même réponse motrice que ceux impliqués dans la tâche expérimentale, la
différence peut être attribué au processus d’intérêt, à savoir la récupération en MLT du
produit des deux nombres présentés.

2.3.2. Aires impliquées dans la MDT

Que se passe-t-il au moment où notre cerveau calcule ? Des problèmes plus complexes n’ont
pas été mémorisés et doivent donc être calculés. Les processus mentaux impliqués dans la
résolution de tels problèmes sont, entre autres, le traitement visuel du stimulus, la recherche et
l’application d’une stratégie de résolution, le contrôle des étapes de la résolution, la
récupération des résultats intermédiaires en MLT, le maintien en MCT de ceux-ci,
l’application de règles arithmétiques et la production de la réponse.

109
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Parmi ces processus, certains sont aussi impliqués lors de la résolution de problèmes simples.
Dès lors, lorsqu’on soustrait de l’activité enregistrée durant la résolution de problèmes
complexes calculés en MDT (la tâche expérimentale) l’activité enregistrée durant la
résolution de problèmes simples récupérés en MLT (tâche de référence), on peut isoler les
processus spécifiquement liés au calcul proprement dit, et qui correspondent à des
mécanismes propres à la MDT.

Ces mécanismes impliquent essentiellement des aires postérieures (lobes pariétaux et


jonctions occipito-temporo-pariétales) dans les deux hémisphères, et des aires frontales
uniquement dans l’hémisphère gauche. Ces réseaux d’aires (réseau pariéto-frontal et réseau
occipito-temporo-pariétal) ont été observé dans d’autres études sur la mémoire de travail
visuo-spatiale et l’imagerie mentale visuelle. Ceci suggère que, lors de la résolution de
problèmes complexes, les sujets utilisent des stratégies imagées (visualiser le problème, les
étapes, les reports etc…) en MDT.

110
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3. Neuroanatomie fonctionnelle

Que sait-on aujourd’hui du rapport entre structures cérébrales et fonctions cognitives ?


Quelles aires cérébrales sous-tendent les différentes fonctions cognitives ?

Les lignes qui suivent présentent une brève synthèse des réponses à ces questions, sur base
des travaux en neuropsychologie et en neuroimagerie pour ce qui concerne les fonctions
cognitives abordées au cours de cette année.

3.1. La perception visuelle

L’image rétinienne est projetée dans le lobe occipital sur la partie la plus postérieure du
cerveau, les aires visuelles primaires.

On peut mettre en évidence le rôle de ces aires en examinant les variations de l’activité
cérébrale dans deux conditions différentes, par exemple la première durant laquelle le sujet

111
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

plongé dans le noir regarde passivement un écran noir sur lequel apparaît périodiquement un
cercle lumineux ou tout autre stimulus visuel.

Ces aires présentent une organisation rétinotopique, ce qui veut dire qu’il existe une relation
spatiale entre la représentation rétinienne du champ perceptif et la représentation de ce champ
au sein de l’air corticale considérée.

L’aire visuelle primaire (dite V1) présente une


organisation rétinotopique : la partie centrale du
champ visuel est représentée sur la rétine – la
fovéa – elle-même représentée sur la partie
postérieure de V1, le long de la scissure calcarine.
Inversement, la périphérie de l’image rétinienne
est représentée sur la portion la plus antérieure de
V1.

Autrement dit, en progressant de la fovéa vers la


périphérie de la rétine, on progresse d’arrière en
avant le long de la scissure calcarine.

L’organisation rétinotopique des champs récepteurs


des neurones dans V1 peut être mise en évidence en
réalisant l’expérience suivante : on injecte à un singe
une substance radioactive pendant qu’il regarde un
stimulus composé de lignes et de cercles
concentriques ; les cellules de V1 métaboliquement
actives absorbent cette substance et leur
enregistrement montre que la topographie de l’image
sur la rétine est préservée au niveau cortical.

D’autres aires visuelles présentent une telle organisation rétinotopique (notamment V2, V3,
V4 et V5). On notera que la surface corticale occupée par le champ visuel central est plus
importante, ce qui explique la différence d’acuité entre la vision centrale et périphérique.

112
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Pour autant que les aires visuelles soient intactes, le sujet percevant « voit » donc ce qui est
dans son champ visuel. Pour donner du sens à cette perception il faut toutefois lui appliquer
d’autres traitements, ce qui est réalisé en envoyant l’information reçue par les aires visuelles
primaires dans des aires occipitales de traitement visuel plus antérieures. Les différents
attributs de la perception vont être traités, et des traitements différents sont pris en charge par
des aires différentes. Par exemple, si l’on enregistre l’activité de sujets qui sont en train de
voir des stimuli colorés ou des stimuli en mouvement, les aires visuelles primaires et
secondaires (V1 et V2) sont activées puis des aires différentes prennent en charge le
traitement de la couleur (V4) et du mouvement (V5).

On distingue ainsi deux voies de traitement : la voie ventrale et la voie dorsale.

La voie ventrale progresse du pôle occipital (la partir plus postérieure du lobe occipital) vers
le lobe temporal. Elle permet de traiter des attributs come la couleur, la forme etc… C’est la
voie du « Quoi ».

La voie dorsale progresse du pôle occipital vers le lobe pariétal. Elle permet de localiser
spatialement les éléments présentés dans le champ visuel et de traiter les relations spatiales
unissant les différentes parties d’une perception visuelle. On dit que c’est la voie du « Où ».

113
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Des lésions cérébrales affectant sélectivement chacune de ces voies vont donc conduire à des
déficits différents : des troubles de la reconnaissance (par exemple une agnosie visuelle) en
cas de lésions de la voie ventrale, et des troubles spatiaux (par exemple une héminégligence)
en cas de lésions de la voie dorsale.

Par ailleurs, les études en neuroimagerie ont montré que les mêmes réseaux d’aires cérébrales
étaient activés lorsque, en absence de stimulations visuelles réelles, les sujets devaient
imaginer mentalement des objets ou des déplacements dans l’espace.

Par exemple, des activations cérébrales sont observées dans la voie ventrale lorsque les sujets
doivent se représenter mentalement des objets au départ de leur définition donnée oralement.

D’autre part, des activations semblables sont observées dans la voie dorsale lorsque les sujets
doivent explorer visuellement une carte représentant une île et lorsqu’ils doivent le fair
mentalement en l’absence de cette carte.

3.2. L’attention visuo-spatiale

La plupart du temps, de nombreux stimuli et événements sont présent simultanément dans


notre environnement, et il est nécessaire d’opérer une sélection dans l’ensemble des
informations sensorielles qui nous parviennent afin de séparer les informations pertinentes de
celles qui ne le sont pas à un moment donné.

Plusieurs mécanismes permettent de traiter efficacement ces informations. Parmi eux, le plus
important consiste à déplacer et focaliser son attention visuo-spatiale sur le stimulus-cible.
De nombreuses études ont montré qu’un vaste réseau d’aires pariétales et frontales dans les
hémisphères gauche et droit était impliqué dans ces processus attentionnels.

114
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Le plus souvent, l’orientation de l’attention


visuo-spatiale et le déplacement du foyer
attentionnel sont liés au déplacement du
regard qui permet l’exploration visuelle de
l’environnement. Cette exploration visuelle
est généralement réalisée par des
mouvements rapides des yeux, les saccades
oculaires, qui ont pour fonction d’amener le
stimulus-cible sur la fovéa, la partie de la
rétine où l’acuité visuelle est la meilleure.

Ces mouvements des yeux impliquent un


ensemble d’aires connues sous le nom de
champs oculomoteurs (pariétaux, frontaux
et supplémentaires)

Les études en neuroimagerie ont par ailleurs montré que les mêmes aires cérébrales étaient
impliquées lorsque les sujets orientaient leur attention de manière ouverte (en déplaçant leur
regard) et de manière couverte (sans déplacer le regard)

115
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Par contre, des réseaux différents sont impliqués si le déplacement attentionnel se fait de
manière volontaire (processus top-down) ou involontaire suite à la survenue d’un stimulus
inattendu dans le champ visuel (processus bottom-up), auquel cas on observera un réseau
pariéto-frontal localisé plus ventralement dans l’hémisphère droit uniquement.

Enfin, on notera la similitude des réseaux impliqués dans l’attention visuo-spatiale, la


mémoire de travail visuo-spatiale et l’imagerie mentale visuelle.

3.3. La mémoire de travail

Les travaux en neuroimagerie montrent une implication de larges réseaux pariéto-frontaux


dans les deux hémisphères dans les tâches impliquant la MDT.

Dans l’hémisphère gauche, on notera que les activations liées à la MDT visuo-spatiale
occupent un réseau situé plus haut, alors que la MDT verbale occupe un réseau situé plus bas
dans le cerveau. Cette différence, cependant, est moins nette dans l’hémisphère droit.

En ce qui concerne la partie frontale du réseau impliqué dans la MDT visuo-spatiale, une
distinction supplémentaire est faite entre le traitement des aspects plus visuels et le traitement
des aspects plus strictement spatiaux. Une distinction qui rappelle celle de la voie dorsale et
ventrale dans la partie postérieure du cerveau. Chez le macaque, le traitement des aspects
spatiaux entraîne une activité plus prononcée dans les neurones de la partie dorsale du cortex
frontal, alors que le traitement des formes ou des couleurs produit une activité plus importante
dans la partie ventrale.

116
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Cette distinction est également observée chez l’humain : la partie supérieure du cortex frontal
est plus activée quand il faut retenir la position d’objet présentés, alors que des aires plus
basses sont activées lorsque la tâche nécessite de retenir leur identité.

Toutefois, il est actuellement difficile de dire si cette dissociation traduit réellement la


distinction « Quoi/Où » ou si elle reflète la nature du traitement à effectuer sur le matériel à
retenir. En effet, le simple maintien en MCT produit une activité ventrale plus importante,
alors que la manipulation mentale du matériel produit des activations dorsales.

On notera enfin la similitude des activation frontales qui sous-tendent les processus liés à la
MDT visuo-spatiale et à l’imagerie mentale visuelle. Dans les deux cas, les activations
pariétales s’accompagnent en effet d’activations frontales situées à l’intersection du sillon
précentral et du sillon frontal supérieur dans les deux hémisphères.

3.4. La mémoire sémantique

117
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Dans les travaux en neuroimagerie, la récupération d’informations en mémoire sémantique est


essentiellement associée à des activations observées dans le lobe frontal et le lobe temporal,
dans l’hémisphère gauche principalement.

3.5. La mémoire épisodique

Les processus d’encodage et de récupération se prêtent bien à une étude par les techniques de
neuroimagerie, car ils opèrent à des moments précis dans le temps, à l’inverse des processus
de maintien et de consolidation qui sont distribués sur un large intervalle temporel.

Dans les travaux en neuroimagerie, l’encodage d’informations en mémoire épisodique est


associé à de larges réseaux d’activation observés dans le lobe frontale, le lobe temporal
(essentiellement la partie médiane, située sur la face interne de l’hémisphère) et le lobe
pariétal.

Un réseau très similaire est observé durant la récupération d’information en mémoire


épisodique.

Il semble toutefois que l’hémisphère gauche soit plus fortement impliqué lors de l’encodage
et l’hémisphère droit lors de la récupération. Enfin, on rappellera le rôle joué par
l’hippocampe et les zones temporales voisines dans l’encodage de nouvelles informations en
mémoire épisodique. Cette structure est essentielle pour la formation de nouveaux souvenirs.

118
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

3.6. En résumé

Cette image résume grossièrement le rôle des différents lobes cérébraux. Toutefois, lorsqu’on
résume de la sorte l’état actuel des connaissances sur la neuroanatomie fonctionnelle, il est
important de garder à l’esprit que :
- Des différences hémisphériques gauche-droite existent pour certaines fonctions
- Les distinctions opérées quand on parle de fonctions réalisées par les hémisphères
gauche ou droit font en fait référence à la distinction hémisphère dominant-dominé
- Des différences interindividuelles existent dans la manière dont est réalisée une
fonction, tant anatomiques que fonctionnelles
- Des différences intra-individuelles peuvent aussi exister (un même individu peut
réaliser une même tâche en utilisant des stratégies différentes)

En outre, l’objectif des neurosciences cognitives ne doit pas être confondu avec une démarche
phrénologiste de stricte mise en correspondance d’une structure cérébrale et une fonction.

119
NEUROPSYCHOLOGIE HUMAINE

Neuroimagerie fonctionnelle et neuropsychologie cognitive peuvent en effet contribuer de


trois manières différentes à l’étude et la modélisation des fonctions cognitives :

- La localisation fonctionnelle : le corrélat anatomique de l’hypothèse de spécificité du


domaine des modules cognitifs est en effet qu’il existe une ségrégation fonctionnelle
conduisant à une localisation cérébrale stricte de ces modules. La mise à jour de cette
localisation contribue à la compréhension du fonctionnement cérébral. A cet égard, les
avantages de la neuroimagerie fonctionnelle sont de pouvoir tester des hypothèses
auprès de larges populations d’individus sains, d’étudier le rôle de structures rarement
atteintes par des lésions et d’examiner les différences individuelles de localisation
fonctionnelle. Sa contribution la plus importante est la mise en évidence de réseaux
fonctionnels, c’est à dire l’ensemble des aires cérébrales sous-tendant une activité ou
fonction, que ces aires soient nécessaires ou non.

- La ségrégation fonctionnelle : sur base du postulat qu’une fonction cognitive est


implémentée dans le cerveau d’une seule façon, il s’agit ici d’identifier des opérations
cognitives différentes en différenciant leur substrat neuroanatomique. Cette logique se
traduit par la recherche de doubles dissociations en neuropsychologie et de profils
d’activation distincts en neuroimagerie.

- L’inférence fonctionnelle : la connaissance préalable de la relation entre un processus


cognitif et ses corrélats neuroanatomiques peut être utilisée afin de déterminer la
nature des processus impliqués dans une tâche nouvelle. Sachant quel type de
processus se caractérise par tel réseau fonctionnel, l’observation de ce réseau dans des
tâches dont on ne connaît à priori pas les processus renseigne sur la nature de ceux-ci.
L’avantage de la neuroimagerie fonctionnelle est ici de permettre l’identification de
processus cognitifs lorsque les mesures comportementales sont ambiguës, difficiles à
recueillir ou qu’elles risquent d’affecter les processus étudiés.

Par exemple, les données comportementales et neuropsychologiques ne permettent pas de


déterminer si la résolution mentale de calculs complexes fait appel à des stratégies verbales ou
imagées, et les rapports introspectifs demandés aux sujets peuvent être erronés s’ils sont
recueillis après la résolution du problème, ou conduire à des modifications de stratégies s’ils
sont recueillis pendant la résolution. En suivant la logique présentée ci-dessus, on peut
surmonter ce problème : sachant quels sont les réseaux cérébraux impliqués dans les
processus liés à la MDT verbale et ceux liés à la MDT visuo-spatiale et l’imagerie mentale
visuelle, on peut déterminer quelle est la nature des processus impliqués et le mode de
résolution privilégié par les sujets.

FINNNNNNN

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