Etude du Pleurer-Rire
Etude du Pleurer-Rire
Etude du Pleurer-Rire
I- Biographie de l’auteur
Henri Lopes est né à Léopoldville, chef-lieu de l'ancien Congo belge, maintenant la république
démocratique du Congo. Il passe ses années d'écolier à Brazzaville et Bangui et séjourne de
1949 à 1965 à Paris et à Nantes. Il finit en 1963 ses études à la Sorbonne pour y devenir
professeur. Il est membre de quelques associations d'étudiants africains.
Après son retour au Congo, il est professeur d'histoire à l'École normale supérieure d'Afrique
centrale à Brazzaville jusqu'en 1966 et ensuite directeur de l'Enseignement jusqu'en 1968.
Henri Lopes est membre du Parti congolais du travail (PCT) de Marien Ngouabi, président
depuis 1968.
En 1969, Henri Lopes devient ministre de l'Éducation nationale, en 1972 ministre des Affaires
étrangères et le 28 juillet 1973 Premier ministre, une fonction vacante depuis 1969. Le 18
décembre 1975, il est remplacé dans cette fonction par Louis Sylvain-Goma. De 1977 à 1980,
Henri Lopes est ministre des Finances.
Depuis 1981, il travaille pour l'UNESCO, où il est directeur général adjoint pour la culture et
pour les relations extérieures de 1982 à 1998. En octobre 1998, il est nommé ambassadeur de
la république du Congo en France et le sera 17 ans.
En tant qu’écrivain, Henri Lopes est considéré comme l'un des représentants les plus connus
de la littérature africaine moderne.
En 1972, il est lauréat du Grand prix littéraire d'Afrique noire de l'Association des écrivains de
langue française pour son livre Tribaliques. En 1993, l'Académie française lui décerne le grand
prix de la francophonie ; la même année il devient docteur honoris causa de l'université Paris
XII et en 2002 de l'Université Laval (Québec).
Henri Lopes meurt le 2 novembre 2023 à l'hôpital Foch de Suresnes, à l'âge de 86 ans. Il est
inhumé au cimetière du Montparnasse.
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En 1993, Henri LOPES a reçu le grand prix de la francophonie de l’académie française et la
distinction homme de lettre africain de l’année. Henri LOPES était docteur Honoris causa de
l’université de Paris 12 et détenteur de plusieurs titres honorifiques.
2- Résumé de l’œuvre
Après avoir renversé Polé Polé, qui se rend en exile ; Bwakamabé plonge le pays dans un régime
dictatorial. Il s’arroge les titres renflant comme celui de Maréchal, de guide éclairé ; ce qui sera
démenti par la réalité qui fait de lui un homme grossier et vulgaire.
On comprend aisément que Tonton devient très vite impopulaire. Il est d’abord victime du
complot de la bande des vingt qui se solde par de nombreuses arrestations. Il s’en suit un coup
d’état perpétré au palais de campagne lors de l’anniversaire de Tonton. Le Maire d’hôtel et ses
compagnons sont faits prisonniers par les putschistes mais le coup de force échoue et son
auteur le colonel Haraka est arrêté et exécuté tandis que le Maitre d’hôtel est libéré. Le
président de la république est sain et sauf et continue de diriger le pays d’une main de fer.
A cette histoire principale, se greffe le récit de la vie du Maitre d’hôtel. Son parcours est jalonné
par de nombreuses aventures amoureuses avec Soukali, Elengui, Madame Berger, Cécile,
Edwige mais surtout avec Mâ Mireille qui le fait craindre le pire.
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La dictature de Bwakamabé se confirme à l’occasion de l’inauguration du centre de polio. Au
journal télévisé du soir, c’est le ministre de l’information qui est présenté en gros plan : Tonton
procède au troisième remaniement du gouvernement.
A l’occasion du conseil des ministres sur la démocratie, le chef de l’Etat conclut qu’il est le père
de la nation et que les autres sont ses enfants tel est l’unique logique démocratique possible.
Le régime devient de plus en plus impopulaire. Des tracts circulent dans le pays et un complot
est déjoué, celui de la bande des vingt.
Tonton reçoit ses parents au palais, c’est le cas de Za Hélène sa grande sœur qui vient de lui
rendre compte du piage et du viol dont elle a été victime. Elle n’est capable de grossièreté et
d’insanités.
Le goût du président pour la violence est sans égal. En vu de punir la bande des vingt. Il les
oppose à ses propres gardes de corps dans une bagarre inégale.
Passionner de culture, le père de la nation assiste à la journée internationale du livre. Mais ses
écrits ne sont pas exposés et en conçoit une colère qui aboutit au quatrième remaniement au
cours duquel il s’attribue le portefeuille du ministère de la culture.
Tonton effectue un voyage officiel dans sa région natale. A la cérémonie d’accueille il démet le
préfet de ses fonctions car la piste d’aviation étant envahit d’herbes. Il prend un bain de foule
en tipoye et se livre à une dance traditionnelle. Enfin, il tient un grand meeting au cours duquel
il promet des merveilles à la foule et jette des billets de banques.
Outre les complots qui se multiplient, les attaques incessantes de la presse étrangère et
d’autres types de harcèlement, Tonton voit apparaitre sur son visage des boutons qui se révèle
être une maladie chronique menaçant sa vie. Le peuple apprécie de moins en moins sa
politique et la crise financière a atteint des proportions insupportables. Un complot est déjoué :
le capitaine Yabaka et le colonel Katapula sont arrêtés. Le premier est torturé au cours d’une
séance où Tonton lui-même se livre à des obscénités sur lui et est exécuté au petit matin. Les
tortionnaires deviennent fous et les boutons sur le visage de Bwakamabé apparaissent de plus
en plus.
3- Les personnages
Dans Le Pleurer-Rire d’Henri LOPES nous pouvons recenser plusieurs personnages
A- Le personnage principal
Né en 1914, fils de NGAKORO et de FOULEMA, Tonton Hannibal Idéloy Bwakamabé Ba sakkadé
a le gabari d’un digne militaire de l’Afrique coloniale. Curieusement à la page 157 nous
constatons qu’il s’est choisi une date de naissance le 08 août 1923, une date déclarée chômée
et payée.
A travers ces noms, ce profile le caractère de Tonton marqué par la volonté d’affirmation,
l’ambition de régner à vie, l’incompétence et le désordre. Il n’est pas intelligent. Nous
découvrons qu’il n’a que le CEPE mais il est plutôt rusé et déjoue tout le monde. Le goût
exagéré du pouvoir et la folie des grandeurs le poussent à interdire toute opposition et à
d’auto-proclamer en galant. Il est l’époux de Mâ Mireille et, est père de 17 enfants.
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- Le Maitre d’hôtel
Ancien Maitre d’hôtel des Relais aérien. Il devient Maitre d’hôtel de Bwakamabé grâce à son
appartenance à la tribu Djabotama, tribu du président. Il est le témoin privilégier sans lequel
nous ne saurions l’histoire du roman. C’est pourquoi il est le narrateur qui se situe à la
focalisation zéro puisqu’il arrive à nous parler du pays pendant qu’il se trouve en exil. Deux
faits le caractérisent : son obsession pour le sexe et l’adultère en entretenant plusieurs relations
amoureuses et la soumission envers son patron. Il devient opposant du régime à cause du sexe
et, est contraint à l’exil.
- Mâ Mireille
Agé de 20 ans environ à l’année du coup d’état, elle est l’épouse du président de la république.
De son portrait physique nous découvrons une jeune dame aux qualités physiques
exceptionnelles d’une femme africaine.
Ce portrait ne laisse insensible aucun esprit éveillé. Originaire de la tribu Djabotama, elle est
l’exemple de la beauté. Cependant bien que son niveau d’étude ne soit pas évoqué, elle n’a
pas fait de longues études puisqu’elle a une écriture maladroite d’un enfant.
Personnage plat, elle n’est engagée dans aucun combat politique. Il ne la reste qu’à satisfaire
son mari à la maison et dans les cérémonies par sa beauté. Oisive et paresseuse Mâ Mireille
finit par trahir son mari en s’amourachant du Maitre d’hôtel
-Soukali
C’est la femme d’Adolph, inspecteur de douane. Son nom signifie sucrerie ou état de ce qui est
sucré. En quête de satisfaction sexuelle, elle noue des relations amoureuses avec le Maitre
d’hôtel en l’absence de son mari. Egale à ses qualités exceptionnelles, elle consacre tout son
temps à satisfaire charnellement le Maitre d’hôtel. Agent de l’ambassade de Bulgarie pays
communiste, ses multiples appels sur ses relations amoureuses avec le Maitre d’hôtel seront
considérés comme des préparatifs de coup d’état.
- Elengui
C’est la femme du Maitre d’hôtel, son nom signifie plaisir, extase. Femme possessive et jalouse,
elle ne veut pas donner aucun prétexte à son mari. C’est pourquoi elle se distingue par sa
capacité sexuelle à amener son mari à l’extase comme indique son nom.
-Polé Polé
Ancien président déchu, il est le prédécesseur de Bwakamabé. Pratiquement absent dans
l’œuvre, on évoque son nom dans des brèves comparaison où il est plus associé au mal. Il vit
en exil en France.
-L’inspecteur de douane
De son vrai nom Adolph, il est haut fonctionnaire de l’état au service de douane. Ainsi, il jouit
d’une situation sociale confortable. Il est le mari de Soukali qu’il éprouve d’énormes difficultés
à satisfaire sexuellement parce que, déborder par la profession qui le met de temps en temps
en mission.
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-Le capitaine Yabaka
Il croit en la démocratie entend que valeur cardinale, seul moyen pour accéder au pouvoir. Ses
prises de positions défendants les valeurs républicaines l’oppose au président Bwakamabé.
Ainsi tente-t-il de prendre le pouvoir par la force.
- Le colonel Haraka
C’est l’homme des occidentaux. Opposé la conduite politique de Tonton, il est l’instigateur d’un
coup d’état qui se solde par un échec.
-Tiya
C’es le vieux sage qui bénéficie de l’admiration des jeunes par ses prises de positions sur les
questions politiques. Il est favorable au changement et au développement économique du
pays.
4- Les thèmes
Dans Le Pleurer-Rire, les thèmes sont vus en fonction de leur importance.
A- Le Pouvoir
C’est le thème central du Pleurer-Rire. Il se lit à travers la dictature du président Bwakamabé.
Son pouvoir est caractérisé par plusieurs piliers : le tribalisme, la violence politique, la
superstition, le musellement de l’opposition. L’entourage de Tonton n’est composé que des
Djabotama comme lui ; ceux-ci entretiennent une haine viscérale pour les Djassikini. Attacher
aux fétiches, Tonton a pour conseiller que des clairvoyants. Lors d’un conseil de ministres, il ne
salue l’assemblée que dans le sens des aiguilles d’une montre.
Le pouvoir de Bwakamabé annihile toute opposition. D’ailleurs sa position au sujet de la
démocratie : « Le chef dans l’Afrique réelle(...) était le seul maître. Dans cette Afrique-là, jamais
d’opposition ». On comprend alors que ses ministres soient plus des fanatiques que des
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collaborateurs. Tonton n’écoute personne même pas son directeur de cabinet, intellectuel qui
pour lui doit mériter peu de confiance. Pour faire assoir son pouvoir, la police de M. Gourdain
est offerte au peuple. On unité, le commandant Bazoka est essentiellement composé des
Djabotama.
Les prisons sont bourrées et les morts jalonnent le parcours politique de Tonton. On retrouve
un dictateur qui affectionne l’autocongratulation et qui a l’injure grossière au bout des lèvres :
‘’Con de votre maman’’.
Insensible a la douleur, il ne trouva aucun scrupule à participer à la torture de capitaine Yabaka
dans la bouche duquel il fait miction. Tonton organise à guichet ouvert une bagarre entre la
bande des vingt ligotés et les meilleurs poids lourds du pays.
L’abaissement de Tonton se répercute aussi sur le plan économique. Prenant congés des
villageois Djabotama, il jette des billets de banques dans les eaux et la foule. Ayant asséché les
caisses de l’Etat, il publie un décret nationalisant la paye des salaires et lui-même est payé en
priorité.
B- Le tribalisme
Deux ethnies principales sont en présence dans l’œuvre : les Djabotama et les Djassikini. La
première celle de Bwakamabé qui est considérée comme la pure et a droit à tous les postes
stratégiques du pays. Cependant, la deuxième est celle de l’ancien président Polé Polé
compose la basse classe. Bwakamabé voue une haine viscérale à leur endroit et les Djassikini
constituent le bouc émissaire de tous les maux du pays. Des bourses d’études seront même
refusées à leurs enfants. D’ailleurs, Tonton les insultes en public. Ainsi, le pouvoir de Tonton
excelle dans le tribalisme, le rejet d’autres tribus (les djatékoué et les stouka) et la
démonstration de la suprématie incontestables des Djabotama en politique, seule ethnie digne
de commander.
C- La presse
Henri LOPES accorde une place importante à la presse. Cette presse est marquée par les
performances d’Aziz Sonika, l’éditorialiste du seul journal national ‘’La croix du sud’’. Sa plume
est hyperbolique à l’occasion de l’anniversaire de Tonton. En effet, il compare le village de
Tonton à Bethléem, la mère de Tonton à la vierge et Tonton au messie.
La presse est totalement avalée par le pouvoir ; la radio et la télévision consacrent plus de
temps à diffuser les événements qui font les éloges du pouvoir. En somme, la presse locale est
le reflet du vœu de Tonton. Il doit y passer en priorité. Cette presse constitue donc une caisse
de résonnance des volontés du Président. Sa source d’information est Monsieur Gourdain. La
presse étrangère quant à elle, est l’ennemi du pouvoir de Tonton. Celui-ci exerce une forte
censure sur cette presse. C’est une presse critique à l’égard du pouvoir dont les rapports sont
houleux et conflictuels avec Bwakamabé qui est toujours furieux après une page parcourue.
D- La femme
La femme : elle se signale dans Le Pleurer-Rire par sa concupiscence (porté par le désir). On a
l’impression qu’elle est un simple objet de plaisir. C’est la vision du Maitre d’hôtel sur la
typologie des ces femmes : rêve d’adolescent dans le cas de madame Berger, tendresse pour
Elengui, violence et passion pour Soukali, goût du fruit défendu. Cependant, ces femmes qui
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apparaissent voluptueuses sont réhabilitées par leurs exigences d’égalité, de dignité,
d’intégration sociale par le travail et la politique. Soukali, secrétaire à l’ambassade de Bulgarie
sera assignée à résidence pour avoir caché les mutins. Dans le groupe du ‘’Commando Téléma’’,
on notera la présence de Malaïka Yabaka. Mâ Mireille se compromet pour sauver le Maitre
d’hôtel et use de son pouvoir pour éviter la peine de mort à Soukali.
F- L’animisme
Ce thème est très présent dans l’œuvre. On retrouve l’animisme en politique, dans la vie
conjugale et sociale. En politique, Tonton est très encré dans l’animisme. Inséparable de sa
queue de lion, il possède deux entourages : les collaborateurs officiels et l’état-major occulte.
Ce dernier est composé de meilleurs clairvoyants qui participe à la prise de grandes décisions.
Les pratiques animistes ponctuent la vie conjugale et permettent de stabiliser le foyer, de se
faire aimer et surtout de soigner l’impuissance sexuelle.
Dans le roman, les pratiques fétichistes ont un rôle important à jouer. D’abord, elle féconde le
rire. Ensuite, elles apportent une réflexion sur l’absurdité de certains rites désuets. Enfin, elles
reflètent les habitudes africaines, la force surnaturelle pour expliquer le monde.
Conclusion
Henri Lopes, à travers Le Pleurer-Rire, livre une satire sociale et politique qui explore les
contradictions, les dérives et les absurdités des systèmes postcoloniaux en Afrique. En mettant
en scène des personnages caricaturaux et un régime autoritaire marqué par la corruption et le
népotisme, Lopes invite à une réflexion sur les défis de la gouvernance, les aspirations
populaires et la quête d'identité dans un contexte marqué par l’héritage colonial.
L’œuvre se distingue par son style unique, mêlant l'humour caustique au tragique, d’où le titre
qui illustre cette dualité entre rire et pleurer face à la réalité politique et sociale. Ce roman
dépasse le cadre de la simple critique politique pour interroger des questions universelles
comme le pouvoir, la liberté et l'humanité.
Enfin, Le Pleurer-Rire occupe une place importante dans la littérature africaine contemporaine
en raison de son engagement et de son style audacieux. Il illustre la capacité de la littérature à
être à la fois un miroir et une arme pour les sociétés en quête de changement. L'œuvre incite
le lecteur à une prise de conscience et à une réflexion profonde sur les défis de la construction
d'une société juste et équitable.