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Le désir et le bonheur - cours

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Le désir et le bonheur

Faut-il satisfaire tous ses désirs

pour être heureux ?

Notions : le désir, le bonheur, l’inconscient, la morale, autrui, matière et esprit…


Notions secondaires : le plaisir, la vertu, l’eudémonisme, l’hédonisme, l’ascétisme…

Travail de départ :

1. Que signifie le désir ?


Désir : desidarium, tomber des astres, avoir la nostalgie de l’étoile à sentiment d’un manque qu’un objet,
d’une personne, qui pourrait nous satisfaire. Un plaisir s’ensuit de la satisfaction. Mais ce plaisir est
éphémère.
Il suppose l’absence de l’objet.
Cf. envies, besoins. Mais il se différencie du besoin qui est plus biologique alors que le désir passe par la
conscience, l’imagination, la représentation à lien intellectif.
Mais on ne sait jamais trop ce qu’on désire (ex : cigarette : pause, lien social, stade oral… ?) à Son origine
est obscure.
Il est insatiable : il renaît sans cesse ; il peut être contradictoire.

2. Que signifie « être heureux » ?


Disposition, sentiment : « on a tout » à complétude, plénitude
Cf. joie continue
Cf. plaisir ; mais là où le plaisir est éphémère, le bonheur est constant. Pas de bonheur sans plaisir, mais
pas sûr que le plaisir suffise au bonheur.
Question des conditions matérielles (richesse…) : nécessaires mais peut-être pas suffisantes.
Part de volonté ; il se situe au niveau de l’être et non de l’avoir.
Illusion des sociétés consuméristes : le placer dans l’avoir (« Mesdames, achetez cette machine à laver et
vous serez heureuse »).
Bonheur : bon-heur, qui tombe à bonne heure ; de bonne augure, de bonne chance à sentiment de
plénitude, de joie continuée. Diffère du plaisir, qui est provisoire et se porte sur un seul objet. Le bonheur
est un état de complétude où rien ne manque.
 A ce moment-là, être heureux relèverait de la chance. Il serait le fruit d’une concordance heureuse
d’événements. Le bonheur serait alors accessible mais son accès serait lié au hasard. Rien ne
garantit, ici, à l’homme, d’être heureux un jour. Le bonheur serait donc accessible aux plus
chanceux mais ceux qui ne réuniraient pas suffisamment de chances favorables ne pourraient pas
être heureux.

3. Quels liens y a-t-il entre le désir et « être heureux » ?


A priori, désir et bonheur s’opposent :

Désir Bonheur
Frustration Joie, plénitude
Manque Pas de manque (être comblé)
Ephémère Continu
Incertain Certain
Obscur Clair, reconnaissable.

Mais on peut penser que le désir est une condition du bonheur en rendant possible le plaisir + qu’il est le
désir le plus haut + que c’est l’état où tous les désirs sont réalisés.

Introduction :
La psychanalyse a révélé l’importance fondamentale du désir chez l’être humain : il est un être de pulsions,
qui doivent nécessairement s’exprimer. Elles sont cependant sublimées ou réprimées par les mécanismes
de refoulement et de censure, pour permettre la vie en société.
D’un côté, nous sommes donc des êtres de désirs (Eros et Thanatos) ; leur satisfaction est source de plaisir,
de jouissance.
Mais d’un autre côté, les désirs sont en partie inconscients et parfois peu souhaitables. Ils peuvent être la
source de frustrations, de douleurs, de souffrances, car ils ne peuvent jamais être complètement réalisés.
Freud estime que « nos facultés de bonheur sont déjà très limitées par notre constitution. » (Malaise dans la
civilisation).
 Le désir est-il donc le moyen d’atteindre le bonheur puisqu’il procure du plaisir, ou alors est-il au
contraire ce qui empêche le bonheur, car il est obscur et insatiable ?

I. Etre heureux est-il une succession de plaisirs ?

A. Faut-il satisfaire tous ses désirs ?

1. L’hédonisme :

Platon, Gorgias, entretien Socrate / Calliclès

Il faudrait alors arriver à forcer le destin pour être heureux : il faudrait parvenir à mettre en place des
moyens qui nous fassent parvenir à coup sûr au bonheur. Le bonheur peut également être défini comme
un état de satisfaction intense, source insatiable de plaisir. Peut-on alors être heureux grâce aux plaisirs ?
C’est la position que Calliclès défend face à Socrate dans le Gorgias de Platon. En effet, Calliclès définit le
bonheur comme la jouissance immodérée de tous les plaisirs que l’on veut et peut avoir. Il incarne la
définition hédoniste du bonheur. Ce dernier consiste à satisfaire tous ses plaisirs : « Ce qui est beau et juste
selon la nature je vais te le dire franchement maintenant : pour bien vivre, il faut laisser ses passions devenir
aussi puissantes que possible, sans les réprimer. Il faut être capable de les satisfaire, si fortes soient-elles, en y
mettant tout son courage et toute son intelligence, et en leur prodiguant tout ce qu’elles ne cessent de
désirer. » (Platon, Gorgias, discours de Calliclès, 491 d – 492 a). En ce sens, le bonheur serait donc
accessible à l’homme, par la satisfaction de tous ses désirs.

Analyse de l’extrait :

2. Difficultés :

1. Nous ressentons plus la souffrance que le plaisir : Schopenhauer, Le monde comme volonté et
représentation, manuel p.567-568
2. Vivre une vie de plaisir, ce serait une vie de mollusque : Socrate, Phédon
3. Le plaisir n’est pas durable : Certaines circonstances peuvent susciter des joies, des plaisirs, mais
elles sont loin de procurer le bonheur même si elles sont nombreuses. En effet, il faut différencier le
plaisir, la joie, et le bonheur : le plaisir et la joie sont des états de satisfactions éphémères, qui peuvent
être intenses (joie) mais pas forcément durables. Ils sont liés au contexte et à l’objet qui procurent
joie et plaisir. Ils sont donc fortement liés aux événements. Si ces événements ou ces objets ne se
présentent pas sous une tournure favorable pour le sujet, alors il ne pourrait pas avoir cette joie. Au
contraire, le bonheur est un état de plénitude durable, indépendant des événements particuliers. Du
reste, un ou des événements particuliers ne suffiraient pas à remettre en cause le bonheur de
quelqu’un.
4. On ressent plus l’absence de plaisir que le plaisir lui-même : cf. Schopenhauer, Le monde comme
volonté et comme représentation, manuel L 2003 p.620.
5. Le désir est insatiable car le plaisir est éphémère : Le bonheur tel qu’il est envisagé par Calliclès
ne serait alors jamais satisfait. Cette vie de plaisirs est semblable aux tonneaux des Danaïdes :
condamnées à l’emplir toujours, mais jamais complètement, car les tonneaux sont percés. Les désirs
en effet sont insatiables, tels des phénix ils renaissent de leurs cendres. En effet, la satisfaction du
désir passe par la consommation de l’objet. Une fois cette consommation acquise, le plaisir disparaît.
6. Le dégoût : Calliclès met l’accent sur la quantité et non sur la qualité des plaisirs. De là, possibilité de
se lasser, voire d’être dégoûté. L’immodération conduit alors au contraire du bonheur.
7. Le désir est contradictoire : Souvent, nous ne savons pas ce que nous voulons. Nous voulons une
chose et son contraire. Nous voulons être aimés pour ce que nous sommes, en en même temps être
idéalisé par l’autre ; nous voulons à la fois le posséder et qu’il nous échappe ; nous voulons à la fois
désirer et ne plus désirer.
8. Cela rendrait la vie sociale impossible : nous ne pourrions pas vivre en société si chacun faisait ce
qu’il désire sur l’instant ; ce serait mauvais également pour lui-même (tuer, voler…). D’où une
régulation des désirs possibles par les règles sociales et leur intériorisation dans le Surmoi.

B. Ou faut-il écarter les désirs pour être heureux ?

1. L’ascèse : il faut nier et supprimer ses désirs pour être heureux

Ne plus désirer serait-il une meilleure solution ? Sans désir, il n’y aurait plus de sensation de manque, de
souffrance. Ce serait se contenter de l’élémentaire, de l’instant. Il n’y aurait plus de place pour les errances
psychologiques, plus de frustrations ni d’angoisses.
Ex :
- Cyniques : pratique de l’ascèse du corps à purification de l’esprit
- Bouddhisme : plus de souffrance ; être pleinement à soi dans l’instant.

Critiques :
- Extrêmement difficile ; réservé à une élite + nécessite une volonté extraordinaire + une exercice
continu, une vie faite de privations.
- Or : le désir s’inscrit dans notre être même ; on ne peut pas se passer de désirer ni de vouloir (cf.
IA, Spinoza).
- Le désir n’est pas forcément mauvais : il permet le désir, le dépassement de soi, l’espérance (cf.
Deleuze et Guattari : il est révolutionnaire par essence).
- Plutôt que de le nier, ne vaut-il pas mieux le restaurer mais dans certaines limites ?

2. Le stoïcisme : il faut désirer le moins possible :

Epictète, Manuel ; Cicéron, Tusculanes, manuel p.571-572

Le bonheur n’est alors pas la réalisation des désirs, au contraire : c’est être le moins dépendant possible de
ses désirs et du monde extérieur.
Epicure pense qu’il faut faire un choix entre les désirs, et ne retenir que les désirs naturels et nécessaires,
c’est-à-dire indispensables à la vie, afin de rester indépendant des autres. Il prône une vie plutôt simple et
austère, qui connaît une vie intellectuelle et l’amitié, sans pour autant renier quelque excès de temps en
temps.
Pour les Stoïciens, tout ce qui arrive soit être divisé en deux catégories (Epictète) :
a. Ce qui ne dépend pas de nous : il faut l’accepter car on n’y peut rien ;
b. Ce qui dépend de nous : il faut gérer soi-même.
Il faut donc réduire ses désirs pour être heureux.

II. Faut-il choisir ses désirs pour être heureux ?

A. L’eudémonisme : du bonheur comme vertu :

Aristote, Ethique à Nicomaque, manuel p.569 + texte clé


Platon, Le Banquet (le discours de Socrate)

Comment pouvons-nous (ré)concilier nos désirs, insatiables et contradictoires, et cette action suscitée par
le désir de façon à ce qu’elle serve le bien commun et notre propre bonheur ?
Platon, dans Le Banquet, revient sur cette contradiction du désir : Eros n’est –il pas le fils du dieu Poros (la
richesse) et de la déesse Pénia (la pauvreté) ?
à Double nature : on a et on n’a pas : on a asse pour chercher mais pas assez pour trouver à quête sans
fin, mécanique même du désir : posséder et ne pas posséder.
Socrate accepte de faire un discours en reportant le dialogue qu’il a eu avec Diotime, une femme qui lui a
donné la vérité sur Eros ; elle lui apprend ce qu’est l’amour. Elle lui expose la dialectique ascendante du
désir : il existe plusieurs sortes de désirs qu’on peut hiérarchiser. Il faut tourner son désir vers de beaux
objets pour être heureux. Il faut alors passer d’une quête horizontale des désirs (toujours rechercher le
même type de désirs) à une quête verticale pour espérer être heureux : ne plus désirer la matière mais la
connaissance de la réalité. C’est la sagesse qui rend heureux :

La dialectique ascendante : cf. manuel p. 102/103 + 110 L ; p.60/61+68 ES


a) Un beau corps : désir d’un corps singulier ; mais matière, vieillit, meurt
b) Des beaux corps : capacité à reconnaitre une généralité à possibilité d’être plus satisfait malgré la
déchéance d’un seul ;
c) Un beau caractère : aimer l’âme de la personne à incorruptible, éternelle
d) De belles occupations : être juste
e) La beauté des sciences et de l’univers : être connaissant de la réalité par la raison
f) La beauté du savoir en lui-même : aimer le savoir pour le savoir à désintéressé
g) Le beau en soi : contemplation des Idées. Absence de souffrance.

 Il faut leur donner aux désirs la place qui leur convient et ne pas leur en demander plus qu’ils ne
peuvent nous fournir. Ce n’est pas dans la quête effrénée des femmes qu’on peut être heureux
mais dans la connaissance de ce que sont les choses en elles-mêmes.
 Idéal de sagesse ; élitiste ?

B. L’épicurisme : du bon usage des plaisirs ;

Cf. Epicure, Lettre à Ménécée, manuel p.576-577

Pour les épicuriens il faut chercher une satisfaction durable des désirs en choisissant ceux qu’il convient
de satisfaire. Il n’est pas question de ne plus avoir de désirs et de plaisirs mais de choisir rationnellement
ceux qu’il faut satisfaire en priorité. Les buts visés sont l’ataraxie ou paix de l’âme et la santé du corps.
C’est pourquoi Epicure distingue deux types principaux de désirs :
- Les désirs naturels et nécessaires : ils concernent soit la santé du corps, soit le bonheur, soit la
survie. Ce sont par exemple les besoins physiologiques : manger, boire, dormir ; il faut chercher à
les satisfaire en priorité ;
- Les désirs naturels et non nécessaires : manger plus que de raison ou des mets délicats ; on peut
se les autoriser de temps à autre mais il ne faut pas les rechercher en priorité ;
- Les désirs non naturels, vains : ils ne sont pas à rechercher en priorité car ils ne sont pas du toute
utiles pour être heureux, au contraire. Ils sont les plus frustrants parce que les plus insatiables.
Leur recherche peut conduire à une véritable torture. Exemples : le luxe, la richesse…
Pour être heureux il faut avant tout viser la satisfaction des besoins naturels et nécessaires. De cette
satisfaction choisie, l’homme est sur de pouvoir les satisfaire, quel qu’il soit. Mais cela nécessite un travail
et un effort sur soi. En effet, satisfaire tous ses plaisirs peut provoquer ennui et dégoût. Il ne faut pas non
plus forcément chercher à fuir la douleur car elle peut donner plus de prix à nos plaisirs.
La difficulté alors est de vouloir faire cet effort et d’user de sa raison : « Ce ne sont pas les beuveries et les
orgies continuelles, les jouissances des jeunes garçons et des jeunes femmes, les poissons et les autres mets
qu’offre une table luxueuse, qui engendrent une vie heureuse, mais la raison vigilante qui recherche
minutieusement les motifs de ce qu’il faut choisir et de ce qu’il faut éviter et qui rejette les vaines opinions
grâce auxquelles le plus grand trouble s’empare des âmes. » (Epicure, Doctrines et Maximes, p.100-103 éd.
Hermann 1965 trad. Solovine).
Dans le même état d’esprit, Epictète propose dans le Manuel de trier entre ce qui dépend de nous et n’en
dépend pas, afin de ne pas se rendre malheureux de notre impuissance à satisfaire toutes nos volontés.

Conclusion

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