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Les deux guerres de René Puig
Version actualisée d’Octobre 2018
RP 1
20 octobre 2018
Préface
En 2014, j’ai publié une première version des « Deux guerres de René Puig »,
comprenant un texte écrit par René Puig, le grand-oncle maternel de mon
épouse, ainsi que divers éléments illustratifs, mais comme à l’époque je n’avais
aucune idée de l’escadrille où il était, j’avais repris, pour décrire sa deuxième
participation à la guerre, les inscriptions qui étaient sur sa tombe et imaginé
qu’il volait sur le bombardier le plus répandu dans l’armée française le Breguet
14. Récemment, j’ai retrouvé sur internet des informations sur René Puig, son
escadrille, la 115, l’avion sur lequel il volait un bombardier lourd Caproni, ainsi
que son livret militaire. J’ai donc mis à jour la présente deuxième version des
« Deux guerres de René Puig ».
Bonne lecture,
Michel Bruley
René Puig en uniforme
RP 2
1914 - Guerre, captivité et évasion
Le 24 septembre, devant mon peloton, placé en tête du 7ème
escadron qui bivouaque avec les autres
escadrons composant le 9ème
régiment de cuirassiers, je cause avec des sous-officiers quand
subitement j’entends le crépitement d’une mitrailleuse suivi aussitôt des crépitements de plusieurs
autres mitrailleuses.
Sans un commandement, chacun se précipite à son cheval, mais les chevaux, sous la pluie de balles à
laquelle ils faisaient face, font demi-tour et s’enfuient. Les hommes embarrassés dans leurs
manteaux ne peuvent monter à cheval. Je m’accroche à une selle, mais, bousculé par les chevaux, je
ne puis me maintenir. Je tombe à terre, me relève plusieurs fois et culbuté par les bêtes qui ruent et
se cabrent sous les balles qui les frappent, qui culbutent elles-mêmes par-dessus les corps des
hommes et des chevaux tombés déjà morts ou blessés, j’essaie, mais en vain, de me mettre en selle.
Je réussis pourtant à me redresser, mais, à ce moment je reçois une ruade à la cuisse droite et je me
vois dans l’impossibilité de courir et de me mettre ainsi à l’abri des balles qui continuent de faire
rage. En rampant, je vais me coucher derrière un cheval mort.
Je croyais alors que cette surprise avait pour auteurs des autos-mitrailleuses et je me disais que leur
coup terminé elles repartiraient sans s’occuper des corps étendus et qu’il me serait possible, après
leur départ, de rejoindre d’une façon ou d’une autre, les lignes françaises. Hélas, je me trompais, et
après 10 à 15 minutes d’un feu incessant, l’infanterie ennemie se précipite et entoure les champs où
les corps de nombre de mes camarades sont couchés par la mort. Je garde encore l’immobilité,
espérant encore que les soldats me laisseront comme mort et ne feront que traverser le champ où je
me trouve.
Les coups de feu tirés à mes côtés me font présumer qu’ils donnent le coup de grâce aux hommes
mortellement atteints ou même qu’ils achèvent des blessés et je perds l’illusion de passer inaperçu.
Un coup de crosse reçu à la nuque me fait relever, et sans un geste de ma part, le cœur meurtri, mais
sans m’avouer encore vaincu, je marche devant les soldats. Je fais ainsi quelques pas, quand
j’entends prononcer mon nom. J’accours, et je trouve un camarade du 8ème
escadron, le brigadier
Chartier, couché à terre par plusieurs balles ; avec quelques mots allemands, j’obtiens l’autorisation
d’un officier allemand de le soigner. Je puis avoir une civière, et avec l’aide de soldats allemands, je le
transporte jusqu’à l’ambulance allemande. Là, je retrouve une vingtaine de cuirassiers qui me disent
que trois convois de prisonniers sont déjà partis. Nous sommes conduits à la caserne de Péronne, où
l’on nous enferme dans une chambre du 2ème
étage, sous la surveillance de plusieurs sentinelles.
À partir de ce moment, ma volonté ne tend plus qu’à un but : m’évader, et je me fais le serment de
tout tenter plutôt que de rester prisonnier.
Dans l’après-midi de ce même jour, j’inspecte les lieux et vois la possibilité de partir la nuit par une
fenêtre. Je prends plusieurs couvertures et quand l’obscurité est venue à l’extérieur de notre
chambre qui, elle, est éclairée, et où une sentinelle veille, je fais un cordage de ces couvertures et
gagne, en rampant sous les lits, la porte d’une chambre de sous-officiers, communiquant avec le
dehors par une fenêtre. Je pénètre dans cette chambre, mais, au moment où je noue mon cordage
improvisé à la fenêtre, je constate que des sentinelles sont de l’autre côté du mur de la caserne et
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surveillent les fenêtres des chambres où les prisonniers sont enfermés. Dans l’impossibilité où je suis
de fuir dans de telles conditions, je reviens à mon lit, la rage au cœur.
Le 27 septembre après-midi, nous sommes emmenés à pied à St Quentin où nous embarquons. En
cours de route, je descends plusieurs fois de wagon, avec l’intention de fuir, mais, les sentinelles qui
m’accompagnent ne me quittent pas de l’œil et je ne puis tenter aucun essai.
Je profite d’une nuit pour cacher, entre les semelles de mes chaussures les billets de banque et l’or
que j’avais sur moi.
Après avoir voyagé toute la journée en territoire allemand, nous arrivons le 30 septembre dans une
petite gare que nous sûmes, par la suite, être celle de Niederzwehren.
Dès les premiers jours, je me mets à travailler mon évasion et j’envisage différents projets. J’étudie le
camp d’où la vue s’étend assez loin dans la campagne. Je me rends compte des moyens de garde, je
surveille les allées et venues des Allemands militaires et civils, qui ont affaire dans le camp, et je
constate avec surprise que nous sommes beaucoup mieux gardés que je ne me le figurais avant
d’arriver, et je ne remarque rien qui puisse m’indiquer par quels moyens je sortirai du camp.
Je cherche parmi mes camarades un homme décidé à risquer l’évasion et je crois l’avoir trouvé en la
personne d’un sous-officier qui parle très bien l’allemand. Je lui fais part de ma décision. Ces
constatations faites et après quelques conversations, nous adoptons le projet de trouver des effets
civils, de quitter le camp par une des deux portes et de gagner une frontière par chemin de fer.
Je me mets aussitôt au travail. J’apprends que la grande ville voisine : Cassel (Kassel) est reliée à
Frankfurt-Bale par des services rapides. J’apprends aussi qu’un cuisinier allemand du camp est dans
la vie civile cuisinier de wagons-restaurants et qu’il a fait du service en France. Je fais sa connaissance
et par lui, arrive à connaître les heures des trains pour Bâle, dont nous sommes à 12 heures de
chemin de fer.
Ce résultat acquis, j’estime que des pièces d’identité suisses et des passeports pour sortir
d’Allemagne sont indispensables.
Je réussis alors à avoir la confiance de certains officiers, sous-officiers qui parlent français, je ne cause
pas l’allemand, et aussi des interprètes qui travaillent à la Kommandantur. Tous ces gens sont pleins
de considération et pour mon arme et pour ma situation civile de « gros industriel ».
J’arrive à me faire admettre comme secrétaire à la Kommandantur. Je suis chargé de répondre aux
demandes de renseignements venant de France et qui concernent les disparus, je recherche dans le
camp les destinataires des lettres dont les adresses sont incomplètes, je trie aussi la correspondance
avant qu’elle soit lue par les interprètes.
Tandis que les prisonniers ne peuvent écrire qu’une seule fois par mois deux lettres, grâce à mes
fonctions et à mes relations, il m’est permis, à moi, d’écrire aussi souvent que je veux. J’en profite et
demande, au moyen d’une clef (mots pointillés qui rassemblés indiquent exactement ce que je
demande) à deux amis dévoués, de deux côtés, différentes pièces d’identité suisses, passeports,
fausses barbes et moustaches, le tout caché dans un bloc de pain d’épices.
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Une correspondance s’établit ainsi sans que les interprètes qui lisent mes lettres ne s’aperçoivent de
rien et les réponses me disent que tout se prépare et qu’il n’y a qu’à patienter, peut-être assez
longtemps.
Au bureau où je travaille, je sais où sont enfermées les cartes qui servent à l’entrée et à la sortie de
tous les militaires et civils allemands qui ont affaire au camp, et il me sera possible d’en dérober et
d’y apposer des cachets officiels.
Quant aux effets civils, nous les ferons acheter par des prisonniers civils au propriétaire du bazar du
camp et là l’argent fera son œuvre.
Mais, au fur et à mesure que j’obtiens des éléments de réussite, je sens la détermination de mon ami
diminuer et je dois un jour me décider à ne plus compter sur lui, estimant que je ne puis entraîner
dans une telle aventure un ami indécis. Dans l’intervalle, je m’étais fait ouvrir un compte dans une
banque suisse, qui par l’intermédiaire de la « Deutsche Bank » m’envoie 150 marks. Le trésorier du
camp étant un de ceux dont j’avais gagné la confiance, je touche cette somme en une seule fois,
alors que je devais toucher, suivant les règlements, seulement 10 marks par semaine.
Tout ce qui a précédé m’a fait perdre du temps et me voilà de nouveau seul, entouré de prisonniers
qui parlent de folie et de suicide quand le mot évasion est prononcé. La destinée heureusement vient
à mon aide peu de temps après cet échec.
Vers les premiers jours de novembre, les parents du lieutenant Manceron écrivent au commandant
du camp pour rechercher leur fils, et je suis chargé de l’enquête et de la réponse à envoyer. Par un
sous-officier et un cavalier du 4ème
cuirassiers qui se cachent sous de fausses identités civiles et à qui
je remets toutes les lettres qui leur arrivent, avant qu’elles soient vues par les interprètes, lettres
dont les adresses portent leur identité militaire, j’arrive à faire la connaissance du lieutenant
Manceron du 4ème
cuirassiers, caché lui aussi sous une fausse identité civile.
Naturellement, j’arrête toute enquête, ne rend pas les lettres compromettantes, et par la suite je
soustrais avant qu’elle soit vue la correspondance qui arrive à cet officier.
Le lieutenant Manceron et moi, nous nous confions nos souffrances morales, notre humiliation
d’être prisonniers au milieu d’un état d’esprit qui n’est pas nôtre, tandis que nos camarades de
France ont encore le bonheur de combattre.
Nous nous disons notre volonté de nous évader et nous décidons de sortir coûte que coûte du camp
et de rejoindre la France.
Décidés tous les deux comme nous le sommes par la ruse ou par la force de tenter quelque chose,
nous n’avons plus qu’à nous arrêter aux moyens.
Le lieutenant Manceron, parlant insuffisamment l’allemand nous abandonnons le projet de quitter
Cassel par le train, projet qui nécessiterait une parfaite connaissance de la langue pour sortir du
camp, pour demander des billets, et pour soutenir des conversations aux contrôleurs et au passage
de la frontière.
Nous nous arrêtons au projet de sortir du camp sans être vus et de gagner la Hollande, en ne
comptant que sur nos jambes.
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Je m’astreins, dès ce jour, à un entraînement pédestre progressif et sur une ligne droite d’une
centaine de mètres j’abats journellement de nombreux kilomètres.
Par un sous-officier allemand, libraire dans la vie civile à Cassel, j’obtiens après quelques achats de
livres le Baedeker en langue française, « l’Allemagne », en donnant comme prétexte que je veux
connaître « toutes les beautés de l’empire germanique ». Ce livre nous donne la possession d’une
petite carte de l’Allemagne où les villes principales, les lignes de chemin de fer, les fleuves et grandes
rivières sont indiqués.
J’arrive, après bien des recherches à découvrir une boussole et le propriétaire, un sous-officier russe
me vend ce précieux instrument qui sera le plus important facteur de notre réussite.
Par l’intermédiaire d’un ouvrier électricien allemand qui travaille au camp, je fais l’achat d’une lampe
électrique et de piles de rechange, et dans les mêmes conditions un ouvrier charpentier me fait
entrer en possession d’un couteau très complet (tournevis, poinçon, scie …) et de boîtes de conserve.
À l’infirmerie où je me suis ménagé des relations, je trouve flacon de quinine, pilules de strychnine,
teinture d’iode, vaseline.
Nous arrivons ainsi petit à petit à mettre quelques atouts de réussite de notre côté, mais nous
ignorons toujours comment nous sortirons du camp, et chaque soir, quand les prisonniers dorment, à
l’abri des regards des sentinelles, nous complotons en envisageant les possibilités pour passer les
grillages.
Le camp de Niederzwehren est entouré d’un double grillage de 2m50 de hauteur, et, entre ces
grillages, est établi un chemin de ronde, très bien éclairé la nuit par des lampes électriques, où les
sentinelles sont placées à 50, à 60 mètres les unes des autres. Ces sentinelles possèdent des sifflets
dont elles se servent à la moindre alerte. Six baraquements-postes reliés par téléphone, sont répartis
autour du camp, contre le grillage extérieur, et les 400 à 500 hommes qui viennent chaque jour
garder les prisonniers sont partagés entre ces postes.
À l’intérieur du camp, de nombreuses sentinelles sont placées, et à l’extérieur, des sentinelles
gardent routes, chemins, ponts de rivière, voie ferrée.
Toutes ces remarques faites, le lieutenant Manceron et moi décidons de profiter d’une nuit noire et
de passer par le grillage. Il est défendu d’aller dans un coin du camp, mais, il est possible de passer
outre en s’enfermant, dans la journée dans un baraquement où se trouvent des bureaux et d’où, par
une fenêtre, on peut gagner ce coin du camp, moins bien surveillé. Une pince pour couper les
grillages est indispensable. Pendant que le lieutenant Manceron surveille, je passe un dimanche, par
escalade, dans une pièce où les ouvriers laissent leurs outils et en démontant la serrure d’un coffre,
j’obtiens l’outil désiré.
Mais, ce projet-là échoue, et après trois essais infructueux dont le dernier manque de peu de se
terminer d’une façon tragique, nous nous décidons à nous orienter d’un autre côté.
Après maints projets, nous nous arrêtons à celui conséquent de certains faits : le lieutenant
Manceron a comme voisins des zouaves, habitués d’une corvée dite de vidanges. Cette corvée
consiste, pour les prisonniers à s’atteler par groupes de 50 à 60 à des voitures-tonnes, et à traîner ces
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voitures jusqu’à un champ d’épandage, distant du camp d’environ 1500 mètres. Il entend dire, par
ces soldats que la surveillance de cette corvée est devenue moins rigoureuse et que, tandis que les
vidanges se déversent dans les tranchées, les sentinelles laissent les prisonniers se mettre à l’écart
des mauvaises odeurs et fumer des cigarettes.
Le lieutenant Manceron, pour s’assurer lui-même du bien-fondé de ces renseignements se procure
une capote d’infanterie nécessaire pour se glisser dans cette corvée strictement réservée aux soldats
et, transformé ainsi en fantassin, peut aller étudier sur place, en plusieurs fois, la possibilité de
quitter le camp par ce moyen. Il constate que cette corvée offre des chances de réussite, mais qu’il
faudra probablement y aller de nombreuses fois pour arriver à tromper un jour la surveillance des
sentinelles qui, parfois, comptent les prisonniers à l’aller et au retour, font aussi le tour du champ
d’épandage, le déversement terminé pour s’assurer qu’aucun homme n’est caché, ou encore ne
quittent pas des yeux les prisonniers qui s’éloignent de la voiture.
La difficulté peut provenir aussi, du mal que j’aurai à passer sans être reconnu au milieu d’une corvée
dont les gradés allemands qui commandent me connaissent presque tous, mais ceci est secondaire,
et nous ne sommes plus à un obstacle près !
Le 21 décembre, nous nous glissons dans la corvée de vidanges, juste au moment de son départ du
camp. D’après mes prévisions, mon absence ne peut être signalée que le lendemain matin à 8
heures, et j’ai chargé mon voisin de lit, afin qu’il ne puisse être inquiété, d’aller lui-même rendre
compte de mon absence.
Avant de quitter nos baraquements, nous avions pris nos tenues d’évasion et tout ce qui est
indispensable pour la route. Le lieutenant Manceron a sa capote d’infanterie sur ses effets civils, et
comme coiffure un chapeau de feutre mou. Sous ma tenue militaire, j’ai un costume de mécanicien
que j’ai acheté à un prisonnier civil du camp et le tout recouvert de mon manteau de cavalier.
Comme coiffure, mon calot dégalonné, ainsi que le manteau.
J’emporte mon bidon réglementaire empli d’eau-de-vie obtenue par l’intermédiaire d’un ouvrier
allemand, mon porte-cartes où sont cachés des vivres pour la route : 1 boîte de sardines, 1 boîte de
foie gras, 1 morceau de pain d’environ 400 grammes et différents objets : la pharmacie, la lampe
électrique, du fil, des aiguilles, etc.. Dans mes poches, je cache soigneusement la boussole, le livret
militaire, la carte arrachée du Baedeker, un couteau, etc..
Ainsi équipés, nous arrivons, sans incident, au champ d’épandage, sans avoir l’air de nous connaître ;
nous nous écartons un peu, nous nous accroupissons derrière un remblai de terre extraite d’une
tranchée, choisissons la seconde où les sentinelles ne regardent pas de notre côté pour nous coucher
et, en rampant nous arrivons à gagner, sans être vus la tranchée la plus éloignée à une trentaine de
mètres. Nous nous précipitons dans le fond, un peu … vaseux et nous nous y tassons le plus possible,
car il ne faut que quelques centimètres pour que les sentinelles ne voient nos têtes. Pendant une
dizaine de minutes bien longues dans notre situation, nous gardons une immobilité absolue et puis,
n’ayant eu aucune visite de sentinelles, nos cœurs battent un peu moins et nous risquons un œil à
l’extérieur de la tranchée. Nous ne voyons plus rien autour de nous, la corvée est repartie sans que
notre absence n’ait été remarquée ! Voici donc le premier acte de gagné et il n’y a plus qu’à attendre
la nuit pour nous mettre en route. Il est 3 heures et jusqu’à 6 heures, nous ne bougeons pas de notre
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trou et gardons un silence complet, car, pas loin de nous, travaille une corvée et sur une route
voisine le va-et-vient des gens, des voitures ne discontinue pas.
Nous devions abandonner là la capote et le manteau militaire et faire notre marche habillés en civils,
mais, comme la température froide et l’humidité du fond où nous sommes terrés nous font grelotter,
nous nous décidons, pleins de confiance après notre premier succès, de conserver ces effets qui nous
garantiront du froid quand nous ne marcherons pas.
À 6 heures, nous sortons de la tranchée, et cette fois, c’est définitif ; nous commençons la conquête
de la liberté.
Pour éviter la traversée du village de Niederzwehren, gardé militairement, il nous faut faire un détour
en longeant le camp jusqu’à une voie ferrée. Nous avançons prudemment, car nous devons passer
entre le camp et les sentinelles placées autour du grillage extérieur, à des emplacements que nous
ignorons. En avançant par bonds, nous arrivons à la voie ferrée, gardée par des sentinelles. Nous
cherchons un passage et traversons la voie sans alerte. Un peu plus loin, nous attendons un moment
pour couper une grande route où la circulation n’arrête pas.
Enfin nous nous trouvons dans la campagne, et nous nous dirigeons vers le col qui se rapproche le
plus de notre direction N.O. et qui nous mettra de l’autre côté de la chaîne montagneuse qui barre
l’horizon.
Au premier bois traversé, nous nous armons de deux solides gourdins qui nous servent en même
temps de soutien. L’état physique peu brillant où le régime des prisonniers nous a mis est un de nos
soucis, mais l’état moral est excellent et il soutiendra nos forces quand celles-ci seront épuisées.
Toute notre première nuit, nous marchons à travers bois et nous écartons prudemment des villages.
À partir de ce moment notre boussole jouera son rôle capital pour nous, puisque notre petite carte, à
l’échelle 1:2.750.000 ne peut nous servir qu’en y trouvant des points de repère. Nous marchons
direction O. et traversons une région très montagneuse où le froid se fait sentir. Notre allure est
assez vive, car nous tenons, cette première nuit, à nous éloigner le plus possible de Niederzwehren.
Le matin, au petit jour, nous cherchons un refuge dans un bois touffu et nous y restons jusqu’à la
tombée de la nuit.
Nos étapes sont établies comme suit : 12 à 13 heures de marche, chaque fraction de 60 minutes
coupée d’un arrêt de 10 minutes. Nous pensons ainsi abattre 50 kilomètres par nuit. À cause de
ceintures de surveillance établies autour des camps de Niederzwehren, Munden, Gottingen,
Munsten, à cause des villes à éviter, des ponts à chercher pour passer les rivières, des traversées de
voies ferrées en dehors des ponts ou passages à niveau, nous sommes obligés souvent de nous
écarter de notre direction initiale O.N.O. et de faire ainsi de nombreux détours qui allongent d’autant
plus notre marche.
La seconde nuit se passe comme la première sans incident et nous marchons N.O. Nous traversons
des montagnes boisées et en l’absence de chemins escaladons comme nous pouvons. Nous trouvons
de nombreux ruisseaux qui nous fournissent une eau fraîche que nous buvons en abondance. La
température continue à être rigoureuse et le thermomètre doit indiquer plusieurs degrés -0 à en
juger par la glace épaisse qu’il nous faut briser pour nous alimenter d’eau.
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Notre deuxième journée passée comme la première dans un bois, nous commençons à souffrir
sérieusement du froid. L’immobilité à laquelle nous sommes astreints pour ne pas éveiller l’attention
des bûcherons ou des chasseurs qui nous environnent, le contact du sol glacé nous font grelotter et
claquer des dents presque continuellement et nous ne pouvons pas dormir.
Le troisième jour, nos vivres sont épuisés, et nous nous nourrissons de grosses raves déterrées dans
un champ. La mastication d’un pareil aliment est très difficile, nous commençons à être fiévreux et
l’eau nous manque souvent pour désaltérer nos estomacs qui nous brûlent. Dans les drogues
emportées, nous trouvons un excitant nerveux, mais, peut-être que, d’un autre côté, ces drogues
finissent par détraquer nos estomacs.
Nous décidons d’acheter du pain à la première occasion et le lieutenant Manceron connaissant assez
l’allemand pour s’expliquer chez un boulanger se charge de la mission. À l’entrée d’un village, il me
laisse sa capote et s’en va à la recherche d’une boulangerie. Il revient peu de temps après, chargé de
2kgs de pain et d’un gâteau qui assureront exclusivement notre nourriture pendant les 5 jours que
nous mettrons à ce moment pour atteindre la Hollande.
Comme tout s’est bien passé, le lieutenant Manceron veut retourner dans le village chercher du lait,
mais cette fois, le coup manque, et nous nous éloignons après avoir mangé le gâteau qui nous paraît
exquis.
Notre marche se continue pendant deux autres nuits avec la même régularité. Pourtant dans la
cinquième nuit, nous avons une légère défaillance morale : pendant près de 6 heures, nous sommes
obligés de suivre le cours très sinueux d’une rivière, à la recherche d’un pont et cela nous écarte
beaucoup de notre direction. Nous rencontrons bien des barques, mais de solides chaînes les
attachent au rivage. Nous pensons traverser cette rivière à la nage, mais le courant violent nous fait
craindre une noyade. Les bords de cette rivière sont très escarpés, tantôt boisés, tantôt bordés de
prairies séparées les unes des autres par des clôtures que nous avons des difficultés à franchir. Enfin,
le pont désiré nous apparaît et nous pouvons reprendre la bonne direction.
Nos pieds blessés nous font souffrir, et je dois découper le cuir des chaussures du lieutenant
Manceron à l’emplacement des frottements sur des plaies profondes.
En arrivant dans le Munsterland, les pâturages sont très nombreux et nous avons, à tout instant des
clôtures à passer, nous avons alors de grandes difficultés pour trouver à nous cacher dans la journée
et un jour nous sommes obligés de nous abriter sous une cabane où les bestiaux en pâture se
couchent et tout près d’un sentier. Des jeunes gens nous y voient, mais la pèlerine de mon manteau,
rabattue sur ma tête, les empêche de distinguer, qui nous sommes, et leurs rires nous font penser
qu’ils nous ont pris pour des amoureux !
Il nous arrive, en suivant des chemins, de nous trouver subitement dans des cours de grandes fermes
et poursuivis par des chiens qui donnent l’éveil aux propriétaires ; nous devons chercher des issues
sans revenir sur nos pas. Là, dans les traversées des villes ou villages que nous ne pouvons éviter, la
moindre hésitation indiquerait des gens qui ignorent leur chemin et donnerait des doutes aux gens
qui nous voient. Chaque fois que nous rencontrons des habitants, le lieutenant Manceron prononce,
en allemand, quelques phrases, toujours les mêmes, et moi j’approuve par des « ia » ou des
« schon » énergiques.
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Les premières rencontres, nous avions trouvé cela drôle, mais, après, cela devient fastidieux quand
nous répétons parfois 20 à 30 fois la même histoire dans un même village.
La traversée de la ville de Lippstadt nous procure un incident amusant. Au tournant d’une rue, nous
nous cognons presque nez à nez contre deux officiers en casque et sabre. Les valises qu’ils portent
nous indiquent qu’ils arrivent en permission. Nous ne bronchons pas et nous passons fièrement à
côté d’eux en répétant pour la nième fois notre conversation ! Nous avions été dévisagés, mais
nullement inquiétés. D’ailleurs, au moindre geste de leur part, nos gourdins placés pour la défensive
auraient répondu.
Jusqu’à notre dernière nuit, le temps reste froid et nous avons la neige une nuit et une journée. Nous
buvons toujours beaucoup d’eau, mais nous n’en trouvons pas toujours comme nous le voudrions.
Notre huitième nuit de marche, nous gagnons enfin Borken dernière ville allemande avant la
frontière. Le vent souffle avec rage et dans la traversée de la ville nous ne rencontrons pas âme qui
vive. À la sortie, nous traversons deux voies ferrées et nous savons, d’après notre carte que la 3ème
voie que nous avons à rencontrer est la ligne qui conduit en Hollande à Winterswijk, la ville que nous
nous sommes fixée comme but de notre voyage. Une rivière se présente et nous ne trouvons aucun
pont pour la traverser. Nous la longeons et arrivons ainsi jusqu’à cette dernière voie ferrée dont un
pont passe au-dessus d’elle. Nous nous décidons à emprunter ce pont et grimpons à cet effet sur la
voie du remblai. À ce moment des hommes sortent d’une cabane, nous crient d’arrêter et nous
poursuivent en tirant des coups de feu. Je gagne des broussailles, mon camarade d’évasion en fait
autant, mais dans une autre direction et nous sommes séparés. Pendant une heure je fais des
recherches pour le retrouver, mais le terrain est très marécageux, coupé de ruisseaux, et je ne réussis
pas à le rejoindre. Craignant que l’alerte ne soit donnée à Borken et que des patrouilles ne soient
lancées à notre poursuite, je juge prudent de m’éloigner de la voie ferrée. À travers bois et prairies
inondées, je me dirige avec précaution dans la direction de la frontière. La tempête de vent est plus
violente encore et me couche à terre plusieurs fois, mais, à cette dernière étape, la volonté est
tendue plus que jamais vers le but fixé, et, sans arrêt, aussi vite que le vent qui s’engouffre sous mon
manteau me le permet, je marche plusieurs heures.
Je présume être à proximité de la frontière et je vois devant moi une grande plaine couverte d’eau
bordée de bois où les chemins que je rencontre se dirigent tous et où les patrouilles qui gardent la
frontière me font craindre de mauvaises surprises. Sans hésitation, j’entre dans l’eau qui n’atteint
pas plus haut que les genoux et j’avance ainsi pendant près de deux heures.
Puis, je retrouve des bois et sur la lisière d’un chemin j’aperçois des maisons d’un style nouveau qui
me font espérer que je suis en Hollande. Une route qui s’en va dans ma direction N.O. se présente à
moi ; je la suis, et comme dans le lointain le ciel est éclairé d’une vive lueur, je ne doute pas que cette
lueur indique une gare importante, et en accélérant de plus en plus l’allure j’arrive à Winterswijk.
Un civil que je rencontre dans une rue me demande si je ne viens pas d’Allemagne, et sur une
réponse affirmative me dit que mon compagnon d’évasion vient d’arriver il y a quelques minutes. Je
cours à la recherche de mon ami, et à peu de distance de là, je tombe dans ses bras.
Nous rencontrons un sous-officier hollandais. Il nous interroge, nous répondons prudemment en
français et il découvre ainsi notre identité. Lui-même cause un peu le français et comme il manifeste
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sa sympathie pour la France, nous lui disons qui nous sommes et d’où nous venons. Il nous félicite
chaudement et nous invite à aller au poste de police nous réchauffer et nous restaurer un peu en
attendant que les hôtels soient ouverts.
De 6 à 8 heures, nous restons au bureau du poste de police où l’on nous offre : café, pain beurré, etc.
Puis, nous sommes accompagnés jusqu’au grand hôtel de Winterswijk, ville de 16 000 habitants.
Nos mains et nos figures sont en sang et les plaies vives de nos pieds ont besoin d’être lavées. Nous
sommes pansés et après un bain dont nous avions grand besoin, nous déjeunons légèrement et nous
nous couchons après avoir reçu ; tailleur chemisier, chapelier, etc., car nos effets sont en lambeaux
et ignoblement sales et il faut que nous ayons des effets civils pour rentrer en France. Si nous étions
considérés comme soldat français, nous ne pourrions échapper à la rigueur de la loi qui nous ferait
prisonniers à nouveau.
Nous avons eu le soir des visites de notabilités du pays qui disent leur sympathie pour la France. On
nous offre une collection de journaux français où nous lisons enfin des nouvelles exactes de la
guerre, nouvelles qui confirment l’optimisme que nous n’avions pas une minute abandonné, malgré
les lectures de journaux allemands et des conversations faites au camp, maintenant lointain, où tout
est fait pour démoraliser les hommes sans volonté.
Le lendemain, 30 décembre, nous sommes à Rotterdam où le consul nous délivre un papier pour
faciliter, dans la mesure du possible, notre passage en Hollande et en Angleterre.
Nous embarquons le soir, et après 30 heures de traversée arrivons à Tibury près de Londres. Nous
restons à Londres quelques heures pour attendre un train qui nous amène le 1° janvier à Folkestone.
Nouvelle traversée et à midi nous foulons le sol natal ….
Le soir à 11 heures, nous arrivons à Paris et cette fois, la partie est bien gagnée ; nous pourrons, dès
notre rétablissement, contribuer à la victoire de La Patrie aimée !
Signé : R. PUIG
****
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La deuxième guerre de René Puig
Rentré en France le 1° janvier 1915, René Puig a regagné l’armée. Il n’a pas écrit sur cette période,
mais on peut en connaître des détails grâce à différentes sources : Pam - Fiche matricule du
département des Yvelines - Liste des brevets militaires - CCC de l'escadrille CAP 115 - LO - MpF -
Bailey/Cony - CICR - Dernière mise à jour : 18 octobre 2018.
Il en ressort le résumé suivant de l’ensemble de la carrière militaire de René :
Ltt Lucien André René Puig –
Né le 11 avril 1889 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) - Fils de Jean Puig et de Marie Antoinette
Coudert - Domiciliés rue d'Aval Villiers-le-Bel (Val d'Oise) - Classe 1909 - Recrutement de Versailles
(Yvelines) sous le matricule n° 36 - Appelé pour le service militaire au titre du 9ème régiment de
cuirassiers, le 1er octobre 1910 - Nommé Brigadier, le 3 février 1911 - Fin de service militaire et
passage dans la disponibilité, le 25 septembre 1912.
Profession avant-guerre Industriel - Marié et domicilié à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise).
Rappelé à l'activité au 9ème régiment de cuirassiers par la mobilisation générale, le 5 août 1914 -
Nommé Maréchal des logis, le 5 août 1914 - Citation à l'ordre de l'armée, en date du 12 septembre
1914 - Fait prisonnier la Maisonnette, le 24 septembre 1914 - S'évade et rejoint le dépôt du 9ème
régiment de Cuirassiers Tours, le 16 janvier 1915 - Médaille Militaire et citation à l'ordre de l'armée,
en date du 5 mars 1915 - Nommé Sous-lieutenant de réserve, le 13 mars 1915 - Nommé Lieutenant
de réserve, à titre définitif, le 24 octobre 1916.
Passé à l'aéronautique militaire comme observateur, le 12 décembre 1916 - Observateur de
l'escadrille F 63 du 12 décembre au 5 février 1917 - Passé comme élève pilote à l'école d'aviation
militaire de Chartres, le 26 novembre 1917 - Brevet de pilote militaire n° 10.939 obtenu à l'école
d'aviation militaire de Chartres, le 14 janvier 1918 - Stage de perfectionnement à l'école d'aviation
militaire d'Avord - Stage de spécialisation à l'école d'aviation militaire du Crotoy, jusqu'au 3 mars
1918 - Stage de tir à l'école de tir aérien de Cazaux du 3 mars au 6 avril 1918 - Parti au centre GDE de
Moissy-Cramayel, le 6 avril 1918 - Lâché sur Caproni, le 8 avril 1918 - Pilote de l'escadrille CAP 115 du
14 avril au 15 août 1918 - Chevalier de la Légion d'Honneur et citation à l'ordre de l'armée, en date
du 27 juillet 1918.
Disparu au cours d'une mission de bombardement sur Thionville (Moselle), à bord du CAP 2 Bn 2 n°
122 à moteurs Isotta-Fraschini de 150 HP, dans la nuit du 14 au 15 août 1918 - Il faisait équipage avec
le MdL Armand Pélichet (pilote) qui a également perdu la vie - Les deux hommes ont été tués et leur
avion s'est écrasé sur le territoire de la commune de Rembercourt-sur-Mad (Meurthe-et-Moselle) - A
été initialement inhumé dans le cimetière municipal de Thiaucourt (Meurthe-et-Moselle).
****
RP 12
Annexe 1 : Tombe et citations militaires
Photo de la Tombe de René Puig à Villiers-le-Bel (95680 - Val D’Oise)
* Citation à l'ordre de l'armée du MdL Lucien André René Puig et du soldat Sale au 9ème régiment
de cuirassiers, en date du 12 septembre 1914 : "Le 30 août, faisant partie d'une patrouille,
n'hésitent pas à revenir sous le feu de l'ennemi pour relever un camarade blessé qu'ils réussirent à
sauver."
* Chevalier de la Légion d'Honneur et citation à l'ordre de l'armée du Ltt Lucien André René Puig au
9ème régiment de cuirassiers, pilote à l'escadrille CAP 115, en date du 27 juillet 1918 : "Officier
d'élite, qui a donné, depuis le début des hostilités, l'exemple du plus beau courage et du plus grand
dévouement. Volontaire pour toutes les missions difficiles, énergique et plein d'allant, n'a jamais
cessé de se distinguer et de donner à tous l'exemple de sa remarquable valeur. Médaillé militaire
pour faits de guerre. Deux citations."
A noter qu’un site est dédié à l’escadrille 115 à laquelle René a appartenu et que sa biographie y
figure : http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/escadrille115.htm
RP 13
Annexe 2 : Extrait du livret militaire
RP 14
Annexe 3 : 9ème
Régiment de Cuirassiers
Le 9e régiment de cuirassiers est un ancien régiment de cavalerie de l'armée française créé en 1666.
Période 1666 – 1946
Pays France
Branche Armée de terre
Type Régiment de Cuirassiers
Rôle Cavalerie
Inscriptions
sur l’emblème
Hohenlinden 1800
Austerlitz 1805
La Moskowa 1812
Fleurus 1815
L'Aisne 1917
Le Matz 1918
Argonne 1918
Anniversaire Fête: le 16 juin (Fleurus, 1815)
Guerres
Guerre de 1870
Première Guerre mondiale
Seconde Guerre mondiale
Fourragères Aux couleurs du ruban de la Croix de guerre 1914-1918.
Décorations Croix de guerre 1914-1918, deux palmes.
RP 15
Annexe 4 : Images de cuirassiers de la Première Guerre mondiale
RP 16
Annexe 5 : Le camp de Cassel (Kassel) Niederzwehren
Site dédié au camp de Cassel : http://lencrierdupoilu.free.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=227:camp-de-
cassel&catid=149:etude&Itemid=108
RP 17
Annexe 6 : L’escadrille à laquelle René Puig appartenait (texte extrait du site*)
Création de l'escadrille CEP 115 :
Constituée à Lyon-Bron, le 7 novembre 1915, l'escadrille n° 115 est équipée de bombardiers bipoutres, Caproni
CEP 1 B2, fabriqués sous licence par la société Robert-Esnault-Pelterie. Ces avions sont équipés de 3 moteurs,
deux Le Rhône de 80 hp en nacelle d'ailes et un moteur propulsif Canton-Unné P 9 de 130 hp. Elle prend la
dénomination de CEP 115 et placée sous les ordres du Cne Benjamin Lefort. Immédiatement rattachée au GB 1,
elle fait mouvement pour le terrain du plateau de Malzéville, sur les hauteurs de Nancy, dès le 9 novembre
1915. À partir de ce haut lieu de bombardement français, la CEP 115 réalise de nombreux raids sur Metz,
Thionville, Dillingen, Rombach et Algringen à partir de mars 1916.
Remplacement des Le Rhône de 80 hp par des 110 hp :
À partir de janvier et février 1917, les versions CEP 1 à moteurs Le Rhône de 80 hp sont modifiées et sont
équipées de moteurs d'ailes Le Rhône de 110 hp. Cette adaptation va donner un nouveau souffle aux avions
qui étaient largement sous-motorisés, mais ce n'est qu'une solution transitoire. Le 14 mai 1917, le Cne Lefort
passe son commandement au Ltt Louis Binet.
Mise en service des Caproni CA 2 Bn 2 :
En août 1917, la CEP 115 est rattachée au GB 2 qui réalisa à cette époque des missions sur Trèves et
Ludwigshafen. Les CEP 1 devant être remplacés, l'état-major se tourne vers les Italiens qui fournissent une
nouvelle version, le Caproni Ca-3. Cet avion est équipé de 3 moteurs Isotta-Fraschini de 150 hp et prend la
dénomination pour l'aéronautique militaire française de CEP 2 B 2. Les premiers exemplaires fabriqués par les
Italiens seront mis en service au sein de l'escadrille CAP 130.
Escadrille CAP 115 :
L'escadrille prend la dénomination de CAP 115 dès octobre 1917, malgré la mise en service des premiers CEPS 2
qui n'arrivera qu'à partir de février 1918, fabrication sous licence par la société REP oblige. Le 4 janvier 1918, la
115 quitte le terrain du plateau de Malzéville, où elle est arrivée le 9 novembre 1915, et installe ses hangars et
ses tracteurs à Epiez-lès-Vaucouleurs. Le Cne Henri Balleyguier prend le commandement de la 115, le 18 février
1918. Cet officier assurera l'intégration opérationnelle du CEP 2 Bn 2 avec la mise en service de quatre
exemplaires en février et huit supplémentaires en mars. Le 20 février, le GB 2, dont fait partie l'escadrille CAP
115, est intégré à l'escadre de bombardement n° 11. Le 28 mars, la CAP 115 fait mouvement sur le terrain de
Villeneuve-les-Vertus où elle restera quatre mois.
Le 3 avril 1918, le Cne Jacques de Lesseps prend le commandement de l'escadrille qui va réaliser de
nombreuses missions sur l'Allemagne et en particulier sur Ludwigshafen. En mai, elle intervient sur Hirson,
Montcornet et Saint-Quentin.
Le 8 août 1918, la CAP 115 bouge et revient à Epiez-lès-Vaucouleurs qu'elle connaît bien pour y avoir déjà
stationné 3 mois. À partir de ce terrain, 34 tonnes de bombes seront larguées sur les objectifs désignés à
l'escadrille. Le 14 août, les seules pertes au combat au sein de la 115, sont à déplorer avec la mort du MdL
Armand Pélichet (pilote) et du Ltt René Puig (observateur) dont leur avion, le CAP 2 Bn 2 n° 122, est abattu au
cours d'une mission de bombardement sur Thionville.
En septembre 1918, l'unité est équipée d'un nouveau bombardier français, le Caudron C 23 équipé de 2
moteurs Salmson CU 9 Z de 260 hp. Le 5 octobre 1918, le Ltt Marcel Griolet remplace le Cne de Lesseps.
Les pertes humaines et matérielles :
À la fin de la guerre, l'escadrille a réalisé plus de 300 missions de guerre et largué 387 tonnes de bombes. Elle a
perdu 2 pilotes au combat, 2 ont été faits prisonniers et 10 ont été victimes d'accident. Ce qui est relativement
faible étant donné le grand nombre d'accidents des Caproni CEP 1 et CEP 2 pendant leur période d'utilisation
opérationnelle. En effet, la CEP 115 a perdu 32 appareils (CEP 1 Bn2) sur les 51 qu'elle a mis en service et la CAP
115, 6 avions (CEP 2 Bn 2) sur les 22 exemplaires en service.
Site* http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/escadrille115.htm
RP 18
Annexe 7 : Caractéristiques du bombardier lourd Caproni
Le Caproni Ca.3 était un bombardier lourd italien de la Première Guerre mondiale. Il fut développé
par l'italien Giovanni Battista Caproni qui commença dès 1913 à construire des avions géants. Durant
la Première Guerre mondiale, il a construit un grand nombre de bombardiers du type Ca.1 à Ca.5.
Le Caproni Ca.3 avait trois moteurs refroidis par eau Isotta Fraschini V.4B de 150 chevaux chacun et
volait avec quatre membres d'équipage. Il possédait deux mitrailleuses calibre 6,5 mm pour la
défense contre les chasseurs. Cet avion pouvait encore voler sans problème avec deux moteurs
seulement.
L'armée de l'air italienne utilisait cet appareil essentiellement pour bombarder des objectifs en
Autriche-Hongrie, mais il fut également utilisé en France et en Libye. Les armées de l'air françaises
(escadrilles CEP 115 et CEP 130) et américaines utilisèrent également des bombardiers Caproni, ainsi
que l'armée de l'air britannique. Après la guerre, les bombardiers Caproni volèrent encore jusqu'en
1929 en Italie et aux États-Unis.
Rôle
1° vol
Mise en service
Retrait
Bombardier
1916
1916
1929
Équipage
4 (2 pilotes, 1 mitrailleur avant, 1
mitrailleur arrière)
Motorisation
Moteur
Isotta-Fraschini V.4B
Nombre
3
Type 6 cylindres en ligne
refroidis par eau
Puissance unitaire
150 ch (110,3 kW)
Dimensions
Envergure
22,74 m
Longueur
11,05 m
Hauteur
3,70 m
Surface alaire
95,6 m2
Masses
À vide
2 300 kg
Maximale
3 800 kg
Performances
Vitesse maximale
137 km/h
Plafond
4 500 m
Vitesse
ascensionnelle 126 m/min
Rayon d'action
599 km
Armement
Interne
800 kg de bombes max.
Externe 2 mitrailleuses cal. 6,5 mm
ou 7,7 mm Revelli
RP 19
Annexe 8 : Photos d’un bombardier Caproni
Avant
Arrière
RP 20
Annexe 9 : Aérodrome de Vaucouleurs d’où René est parti pour bombarder Thionville
Aérodrome de Vaucouleurs
Tombé à Rembercourt sur Mad à l’aller ou au retour de Thionville ?
RP 21
Annexe 10 : Photos de René Puig mort et de son avion écrasé à terre à Rembercourt sur Mad
René
Son avion
RP 22
Annexe 11 : Généalogie
René & Marguerite Puig

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Les 2 guerres de René Puig

  • 1. Les deux guerres de René Puig Version actualisée d’Octobre 2018
  • 2. RP 1 20 octobre 2018 Préface En 2014, j’ai publié une première version des « Deux guerres de René Puig », comprenant un texte écrit par René Puig, le grand-oncle maternel de mon épouse, ainsi que divers éléments illustratifs, mais comme à l’époque je n’avais aucune idée de l’escadrille où il était, j’avais repris, pour décrire sa deuxième participation à la guerre, les inscriptions qui étaient sur sa tombe et imaginé qu’il volait sur le bombardier le plus répandu dans l’armée française le Breguet 14. Récemment, j’ai retrouvé sur internet des informations sur René Puig, son escadrille, la 115, l’avion sur lequel il volait un bombardier lourd Caproni, ainsi que son livret militaire. J’ai donc mis à jour la présente deuxième version des « Deux guerres de René Puig ». Bonne lecture, Michel Bruley René Puig en uniforme
  • 3. RP 2 1914 - Guerre, captivité et évasion Le 24 septembre, devant mon peloton, placé en tête du 7ème escadron qui bivouaque avec les autres escadrons composant le 9ème régiment de cuirassiers, je cause avec des sous-officiers quand subitement j’entends le crépitement d’une mitrailleuse suivi aussitôt des crépitements de plusieurs autres mitrailleuses. Sans un commandement, chacun se précipite à son cheval, mais les chevaux, sous la pluie de balles à laquelle ils faisaient face, font demi-tour et s’enfuient. Les hommes embarrassés dans leurs manteaux ne peuvent monter à cheval. Je m’accroche à une selle, mais, bousculé par les chevaux, je ne puis me maintenir. Je tombe à terre, me relève plusieurs fois et culbuté par les bêtes qui ruent et se cabrent sous les balles qui les frappent, qui culbutent elles-mêmes par-dessus les corps des hommes et des chevaux tombés déjà morts ou blessés, j’essaie, mais en vain, de me mettre en selle. Je réussis pourtant à me redresser, mais, à ce moment je reçois une ruade à la cuisse droite et je me vois dans l’impossibilité de courir et de me mettre ainsi à l’abri des balles qui continuent de faire rage. En rampant, je vais me coucher derrière un cheval mort. Je croyais alors que cette surprise avait pour auteurs des autos-mitrailleuses et je me disais que leur coup terminé elles repartiraient sans s’occuper des corps étendus et qu’il me serait possible, après leur départ, de rejoindre d’une façon ou d’une autre, les lignes françaises. Hélas, je me trompais, et après 10 à 15 minutes d’un feu incessant, l’infanterie ennemie se précipite et entoure les champs où les corps de nombre de mes camarades sont couchés par la mort. Je garde encore l’immobilité, espérant encore que les soldats me laisseront comme mort et ne feront que traverser le champ où je me trouve. Les coups de feu tirés à mes côtés me font présumer qu’ils donnent le coup de grâce aux hommes mortellement atteints ou même qu’ils achèvent des blessés et je perds l’illusion de passer inaperçu. Un coup de crosse reçu à la nuque me fait relever, et sans un geste de ma part, le cœur meurtri, mais sans m’avouer encore vaincu, je marche devant les soldats. Je fais ainsi quelques pas, quand j’entends prononcer mon nom. J’accours, et je trouve un camarade du 8ème escadron, le brigadier Chartier, couché à terre par plusieurs balles ; avec quelques mots allemands, j’obtiens l’autorisation d’un officier allemand de le soigner. Je puis avoir une civière, et avec l’aide de soldats allemands, je le transporte jusqu’à l’ambulance allemande. Là, je retrouve une vingtaine de cuirassiers qui me disent que trois convois de prisonniers sont déjà partis. Nous sommes conduits à la caserne de Péronne, où l’on nous enferme dans une chambre du 2ème étage, sous la surveillance de plusieurs sentinelles. À partir de ce moment, ma volonté ne tend plus qu’à un but : m’évader, et je me fais le serment de tout tenter plutôt que de rester prisonnier. Dans l’après-midi de ce même jour, j’inspecte les lieux et vois la possibilité de partir la nuit par une fenêtre. Je prends plusieurs couvertures et quand l’obscurité est venue à l’extérieur de notre chambre qui, elle, est éclairée, et où une sentinelle veille, je fais un cordage de ces couvertures et gagne, en rampant sous les lits, la porte d’une chambre de sous-officiers, communiquant avec le dehors par une fenêtre. Je pénètre dans cette chambre, mais, au moment où je noue mon cordage improvisé à la fenêtre, je constate que des sentinelles sont de l’autre côté du mur de la caserne et
  • 4. RP 3 surveillent les fenêtres des chambres où les prisonniers sont enfermés. Dans l’impossibilité où je suis de fuir dans de telles conditions, je reviens à mon lit, la rage au cœur. Le 27 septembre après-midi, nous sommes emmenés à pied à St Quentin où nous embarquons. En cours de route, je descends plusieurs fois de wagon, avec l’intention de fuir, mais, les sentinelles qui m’accompagnent ne me quittent pas de l’œil et je ne puis tenter aucun essai. Je profite d’une nuit pour cacher, entre les semelles de mes chaussures les billets de banque et l’or que j’avais sur moi. Après avoir voyagé toute la journée en territoire allemand, nous arrivons le 30 septembre dans une petite gare que nous sûmes, par la suite, être celle de Niederzwehren. Dès les premiers jours, je me mets à travailler mon évasion et j’envisage différents projets. J’étudie le camp d’où la vue s’étend assez loin dans la campagne. Je me rends compte des moyens de garde, je surveille les allées et venues des Allemands militaires et civils, qui ont affaire dans le camp, et je constate avec surprise que nous sommes beaucoup mieux gardés que je ne me le figurais avant d’arriver, et je ne remarque rien qui puisse m’indiquer par quels moyens je sortirai du camp. Je cherche parmi mes camarades un homme décidé à risquer l’évasion et je crois l’avoir trouvé en la personne d’un sous-officier qui parle très bien l’allemand. Je lui fais part de ma décision. Ces constatations faites et après quelques conversations, nous adoptons le projet de trouver des effets civils, de quitter le camp par une des deux portes et de gagner une frontière par chemin de fer. Je me mets aussitôt au travail. J’apprends que la grande ville voisine : Cassel (Kassel) est reliée à Frankfurt-Bale par des services rapides. J’apprends aussi qu’un cuisinier allemand du camp est dans la vie civile cuisinier de wagons-restaurants et qu’il a fait du service en France. Je fais sa connaissance et par lui, arrive à connaître les heures des trains pour Bâle, dont nous sommes à 12 heures de chemin de fer. Ce résultat acquis, j’estime que des pièces d’identité suisses et des passeports pour sortir d’Allemagne sont indispensables. Je réussis alors à avoir la confiance de certains officiers, sous-officiers qui parlent français, je ne cause pas l’allemand, et aussi des interprètes qui travaillent à la Kommandantur. Tous ces gens sont pleins de considération et pour mon arme et pour ma situation civile de « gros industriel ». J’arrive à me faire admettre comme secrétaire à la Kommandantur. Je suis chargé de répondre aux demandes de renseignements venant de France et qui concernent les disparus, je recherche dans le camp les destinataires des lettres dont les adresses sont incomplètes, je trie aussi la correspondance avant qu’elle soit lue par les interprètes. Tandis que les prisonniers ne peuvent écrire qu’une seule fois par mois deux lettres, grâce à mes fonctions et à mes relations, il m’est permis, à moi, d’écrire aussi souvent que je veux. J’en profite et demande, au moyen d’une clef (mots pointillés qui rassemblés indiquent exactement ce que je demande) à deux amis dévoués, de deux côtés, différentes pièces d’identité suisses, passeports, fausses barbes et moustaches, le tout caché dans un bloc de pain d’épices.
  • 5. RP 4 Une correspondance s’établit ainsi sans que les interprètes qui lisent mes lettres ne s’aperçoivent de rien et les réponses me disent que tout se prépare et qu’il n’y a qu’à patienter, peut-être assez longtemps. Au bureau où je travaille, je sais où sont enfermées les cartes qui servent à l’entrée et à la sortie de tous les militaires et civils allemands qui ont affaire au camp, et il me sera possible d’en dérober et d’y apposer des cachets officiels. Quant aux effets civils, nous les ferons acheter par des prisonniers civils au propriétaire du bazar du camp et là l’argent fera son œuvre. Mais, au fur et à mesure que j’obtiens des éléments de réussite, je sens la détermination de mon ami diminuer et je dois un jour me décider à ne plus compter sur lui, estimant que je ne puis entraîner dans une telle aventure un ami indécis. Dans l’intervalle, je m’étais fait ouvrir un compte dans une banque suisse, qui par l’intermédiaire de la « Deutsche Bank » m’envoie 150 marks. Le trésorier du camp étant un de ceux dont j’avais gagné la confiance, je touche cette somme en une seule fois, alors que je devais toucher, suivant les règlements, seulement 10 marks par semaine. Tout ce qui a précédé m’a fait perdre du temps et me voilà de nouveau seul, entouré de prisonniers qui parlent de folie et de suicide quand le mot évasion est prononcé. La destinée heureusement vient à mon aide peu de temps après cet échec. Vers les premiers jours de novembre, les parents du lieutenant Manceron écrivent au commandant du camp pour rechercher leur fils, et je suis chargé de l’enquête et de la réponse à envoyer. Par un sous-officier et un cavalier du 4ème cuirassiers qui se cachent sous de fausses identités civiles et à qui je remets toutes les lettres qui leur arrivent, avant qu’elles soient vues par les interprètes, lettres dont les adresses portent leur identité militaire, j’arrive à faire la connaissance du lieutenant Manceron du 4ème cuirassiers, caché lui aussi sous une fausse identité civile. Naturellement, j’arrête toute enquête, ne rend pas les lettres compromettantes, et par la suite je soustrais avant qu’elle soit vue la correspondance qui arrive à cet officier. Le lieutenant Manceron et moi, nous nous confions nos souffrances morales, notre humiliation d’être prisonniers au milieu d’un état d’esprit qui n’est pas nôtre, tandis que nos camarades de France ont encore le bonheur de combattre. Nous nous disons notre volonté de nous évader et nous décidons de sortir coûte que coûte du camp et de rejoindre la France. Décidés tous les deux comme nous le sommes par la ruse ou par la force de tenter quelque chose, nous n’avons plus qu’à nous arrêter aux moyens. Le lieutenant Manceron, parlant insuffisamment l’allemand nous abandonnons le projet de quitter Cassel par le train, projet qui nécessiterait une parfaite connaissance de la langue pour sortir du camp, pour demander des billets, et pour soutenir des conversations aux contrôleurs et au passage de la frontière. Nous nous arrêtons au projet de sortir du camp sans être vus et de gagner la Hollande, en ne comptant que sur nos jambes.
  • 6. RP 5 Je m’astreins, dès ce jour, à un entraînement pédestre progressif et sur une ligne droite d’une centaine de mètres j’abats journellement de nombreux kilomètres. Par un sous-officier allemand, libraire dans la vie civile à Cassel, j’obtiens après quelques achats de livres le Baedeker en langue française, « l’Allemagne », en donnant comme prétexte que je veux connaître « toutes les beautés de l’empire germanique ». Ce livre nous donne la possession d’une petite carte de l’Allemagne où les villes principales, les lignes de chemin de fer, les fleuves et grandes rivières sont indiqués. J’arrive, après bien des recherches à découvrir une boussole et le propriétaire, un sous-officier russe me vend ce précieux instrument qui sera le plus important facteur de notre réussite. Par l’intermédiaire d’un ouvrier électricien allemand qui travaille au camp, je fais l’achat d’une lampe électrique et de piles de rechange, et dans les mêmes conditions un ouvrier charpentier me fait entrer en possession d’un couteau très complet (tournevis, poinçon, scie …) et de boîtes de conserve. À l’infirmerie où je me suis ménagé des relations, je trouve flacon de quinine, pilules de strychnine, teinture d’iode, vaseline. Nous arrivons ainsi petit à petit à mettre quelques atouts de réussite de notre côté, mais nous ignorons toujours comment nous sortirons du camp, et chaque soir, quand les prisonniers dorment, à l’abri des regards des sentinelles, nous complotons en envisageant les possibilités pour passer les grillages. Le camp de Niederzwehren est entouré d’un double grillage de 2m50 de hauteur, et, entre ces grillages, est établi un chemin de ronde, très bien éclairé la nuit par des lampes électriques, où les sentinelles sont placées à 50, à 60 mètres les unes des autres. Ces sentinelles possèdent des sifflets dont elles se servent à la moindre alerte. Six baraquements-postes reliés par téléphone, sont répartis autour du camp, contre le grillage extérieur, et les 400 à 500 hommes qui viennent chaque jour garder les prisonniers sont partagés entre ces postes. À l’intérieur du camp, de nombreuses sentinelles sont placées, et à l’extérieur, des sentinelles gardent routes, chemins, ponts de rivière, voie ferrée. Toutes ces remarques faites, le lieutenant Manceron et moi décidons de profiter d’une nuit noire et de passer par le grillage. Il est défendu d’aller dans un coin du camp, mais, il est possible de passer outre en s’enfermant, dans la journée dans un baraquement où se trouvent des bureaux et d’où, par une fenêtre, on peut gagner ce coin du camp, moins bien surveillé. Une pince pour couper les grillages est indispensable. Pendant que le lieutenant Manceron surveille, je passe un dimanche, par escalade, dans une pièce où les ouvriers laissent leurs outils et en démontant la serrure d’un coffre, j’obtiens l’outil désiré. Mais, ce projet-là échoue, et après trois essais infructueux dont le dernier manque de peu de se terminer d’une façon tragique, nous nous décidons à nous orienter d’un autre côté. Après maints projets, nous nous arrêtons à celui conséquent de certains faits : le lieutenant Manceron a comme voisins des zouaves, habitués d’une corvée dite de vidanges. Cette corvée consiste, pour les prisonniers à s’atteler par groupes de 50 à 60 à des voitures-tonnes, et à traîner ces
  • 7. RP 6 voitures jusqu’à un champ d’épandage, distant du camp d’environ 1500 mètres. Il entend dire, par ces soldats que la surveillance de cette corvée est devenue moins rigoureuse et que, tandis que les vidanges se déversent dans les tranchées, les sentinelles laissent les prisonniers se mettre à l’écart des mauvaises odeurs et fumer des cigarettes. Le lieutenant Manceron, pour s’assurer lui-même du bien-fondé de ces renseignements se procure une capote d’infanterie nécessaire pour se glisser dans cette corvée strictement réservée aux soldats et, transformé ainsi en fantassin, peut aller étudier sur place, en plusieurs fois, la possibilité de quitter le camp par ce moyen. Il constate que cette corvée offre des chances de réussite, mais qu’il faudra probablement y aller de nombreuses fois pour arriver à tromper un jour la surveillance des sentinelles qui, parfois, comptent les prisonniers à l’aller et au retour, font aussi le tour du champ d’épandage, le déversement terminé pour s’assurer qu’aucun homme n’est caché, ou encore ne quittent pas des yeux les prisonniers qui s’éloignent de la voiture. La difficulté peut provenir aussi, du mal que j’aurai à passer sans être reconnu au milieu d’une corvée dont les gradés allemands qui commandent me connaissent presque tous, mais ceci est secondaire, et nous ne sommes plus à un obstacle près ! Le 21 décembre, nous nous glissons dans la corvée de vidanges, juste au moment de son départ du camp. D’après mes prévisions, mon absence ne peut être signalée que le lendemain matin à 8 heures, et j’ai chargé mon voisin de lit, afin qu’il ne puisse être inquiété, d’aller lui-même rendre compte de mon absence. Avant de quitter nos baraquements, nous avions pris nos tenues d’évasion et tout ce qui est indispensable pour la route. Le lieutenant Manceron a sa capote d’infanterie sur ses effets civils, et comme coiffure un chapeau de feutre mou. Sous ma tenue militaire, j’ai un costume de mécanicien que j’ai acheté à un prisonnier civil du camp et le tout recouvert de mon manteau de cavalier. Comme coiffure, mon calot dégalonné, ainsi que le manteau. J’emporte mon bidon réglementaire empli d’eau-de-vie obtenue par l’intermédiaire d’un ouvrier allemand, mon porte-cartes où sont cachés des vivres pour la route : 1 boîte de sardines, 1 boîte de foie gras, 1 morceau de pain d’environ 400 grammes et différents objets : la pharmacie, la lampe électrique, du fil, des aiguilles, etc.. Dans mes poches, je cache soigneusement la boussole, le livret militaire, la carte arrachée du Baedeker, un couteau, etc.. Ainsi équipés, nous arrivons, sans incident, au champ d’épandage, sans avoir l’air de nous connaître ; nous nous écartons un peu, nous nous accroupissons derrière un remblai de terre extraite d’une tranchée, choisissons la seconde où les sentinelles ne regardent pas de notre côté pour nous coucher et, en rampant nous arrivons à gagner, sans être vus la tranchée la plus éloignée à une trentaine de mètres. Nous nous précipitons dans le fond, un peu … vaseux et nous nous y tassons le plus possible, car il ne faut que quelques centimètres pour que les sentinelles ne voient nos têtes. Pendant une dizaine de minutes bien longues dans notre situation, nous gardons une immobilité absolue et puis, n’ayant eu aucune visite de sentinelles, nos cœurs battent un peu moins et nous risquons un œil à l’extérieur de la tranchée. Nous ne voyons plus rien autour de nous, la corvée est repartie sans que notre absence n’ait été remarquée ! Voici donc le premier acte de gagné et il n’y a plus qu’à attendre la nuit pour nous mettre en route. Il est 3 heures et jusqu’à 6 heures, nous ne bougeons pas de notre
  • 8. RP 7 trou et gardons un silence complet, car, pas loin de nous, travaille une corvée et sur une route voisine le va-et-vient des gens, des voitures ne discontinue pas. Nous devions abandonner là la capote et le manteau militaire et faire notre marche habillés en civils, mais, comme la température froide et l’humidité du fond où nous sommes terrés nous font grelotter, nous nous décidons, pleins de confiance après notre premier succès, de conserver ces effets qui nous garantiront du froid quand nous ne marcherons pas. À 6 heures, nous sortons de la tranchée, et cette fois, c’est définitif ; nous commençons la conquête de la liberté. Pour éviter la traversée du village de Niederzwehren, gardé militairement, il nous faut faire un détour en longeant le camp jusqu’à une voie ferrée. Nous avançons prudemment, car nous devons passer entre le camp et les sentinelles placées autour du grillage extérieur, à des emplacements que nous ignorons. En avançant par bonds, nous arrivons à la voie ferrée, gardée par des sentinelles. Nous cherchons un passage et traversons la voie sans alerte. Un peu plus loin, nous attendons un moment pour couper une grande route où la circulation n’arrête pas. Enfin nous nous trouvons dans la campagne, et nous nous dirigeons vers le col qui se rapproche le plus de notre direction N.O. et qui nous mettra de l’autre côté de la chaîne montagneuse qui barre l’horizon. Au premier bois traversé, nous nous armons de deux solides gourdins qui nous servent en même temps de soutien. L’état physique peu brillant où le régime des prisonniers nous a mis est un de nos soucis, mais l’état moral est excellent et il soutiendra nos forces quand celles-ci seront épuisées. Toute notre première nuit, nous marchons à travers bois et nous écartons prudemment des villages. À partir de ce moment notre boussole jouera son rôle capital pour nous, puisque notre petite carte, à l’échelle 1:2.750.000 ne peut nous servir qu’en y trouvant des points de repère. Nous marchons direction O. et traversons une région très montagneuse où le froid se fait sentir. Notre allure est assez vive, car nous tenons, cette première nuit, à nous éloigner le plus possible de Niederzwehren. Le matin, au petit jour, nous cherchons un refuge dans un bois touffu et nous y restons jusqu’à la tombée de la nuit. Nos étapes sont établies comme suit : 12 à 13 heures de marche, chaque fraction de 60 minutes coupée d’un arrêt de 10 minutes. Nous pensons ainsi abattre 50 kilomètres par nuit. À cause de ceintures de surveillance établies autour des camps de Niederzwehren, Munden, Gottingen, Munsten, à cause des villes à éviter, des ponts à chercher pour passer les rivières, des traversées de voies ferrées en dehors des ponts ou passages à niveau, nous sommes obligés souvent de nous écarter de notre direction initiale O.N.O. et de faire ainsi de nombreux détours qui allongent d’autant plus notre marche. La seconde nuit se passe comme la première sans incident et nous marchons N.O. Nous traversons des montagnes boisées et en l’absence de chemins escaladons comme nous pouvons. Nous trouvons de nombreux ruisseaux qui nous fournissent une eau fraîche que nous buvons en abondance. La température continue à être rigoureuse et le thermomètre doit indiquer plusieurs degrés -0 à en juger par la glace épaisse qu’il nous faut briser pour nous alimenter d’eau.
  • 9. RP 8 Notre deuxième journée passée comme la première dans un bois, nous commençons à souffrir sérieusement du froid. L’immobilité à laquelle nous sommes astreints pour ne pas éveiller l’attention des bûcherons ou des chasseurs qui nous environnent, le contact du sol glacé nous font grelotter et claquer des dents presque continuellement et nous ne pouvons pas dormir. Le troisième jour, nos vivres sont épuisés, et nous nous nourrissons de grosses raves déterrées dans un champ. La mastication d’un pareil aliment est très difficile, nous commençons à être fiévreux et l’eau nous manque souvent pour désaltérer nos estomacs qui nous brûlent. Dans les drogues emportées, nous trouvons un excitant nerveux, mais, peut-être que, d’un autre côté, ces drogues finissent par détraquer nos estomacs. Nous décidons d’acheter du pain à la première occasion et le lieutenant Manceron connaissant assez l’allemand pour s’expliquer chez un boulanger se charge de la mission. À l’entrée d’un village, il me laisse sa capote et s’en va à la recherche d’une boulangerie. Il revient peu de temps après, chargé de 2kgs de pain et d’un gâteau qui assureront exclusivement notre nourriture pendant les 5 jours que nous mettrons à ce moment pour atteindre la Hollande. Comme tout s’est bien passé, le lieutenant Manceron veut retourner dans le village chercher du lait, mais cette fois, le coup manque, et nous nous éloignons après avoir mangé le gâteau qui nous paraît exquis. Notre marche se continue pendant deux autres nuits avec la même régularité. Pourtant dans la cinquième nuit, nous avons une légère défaillance morale : pendant près de 6 heures, nous sommes obligés de suivre le cours très sinueux d’une rivière, à la recherche d’un pont et cela nous écarte beaucoup de notre direction. Nous rencontrons bien des barques, mais de solides chaînes les attachent au rivage. Nous pensons traverser cette rivière à la nage, mais le courant violent nous fait craindre une noyade. Les bords de cette rivière sont très escarpés, tantôt boisés, tantôt bordés de prairies séparées les unes des autres par des clôtures que nous avons des difficultés à franchir. Enfin, le pont désiré nous apparaît et nous pouvons reprendre la bonne direction. Nos pieds blessés nous font souffrir, et je dois découper le cuir des chaussures du lieutenant Manceron à l’emplacement des frottements sur des plaies profondes. En arrivant dans le Munsterland, les pâturages sont très nombreux et nous avons, à tout instant des clôtures à passer, nous avons alors de grandes difficultés pour trouver à nous cacher dans la journée et un jour nous sommes obligés de nous abriter sous une cabane où les bestiaux en pâture se couchent et tout près d’un sentier. Des jeunes gens nous y voient, mais la pèlerine de mon manteau, rabattue sur ma tête, les empêche de distinguer, qui nous sommes, et leurs rires nous font penser qu’ils nous ont pris pour des amoureux ! Il nous arrive, en suivant des chemins, de nous trouver subitement dans des cours de grandes fermes et poursuivis par des chiens qui donnent l’éveil aux propriétaires ; nous devons chercher des issues sans revenir sur nos pas. Là, dans les traversées des villes ou villages que nous ne pouvons éviter, la moindre hésitation indiquerait des gens qui ignorent leur chemin et donnerait des doutes aux gens qui nous voient. Chaque fois que nous rencontrons des habitants, le lieutenant Manceron prononce, en allemand, quelques phrases, toujours les mêmes, et moi j’approuve par des « ia » ou des « schon » énergiques.
  • 10. RP 9 Les premières rencontres, nous avions trouvé cela drôle, mais, après, cela devient fastidieux quand nous répétons parfois 20 à 30 fois la même histoire dans un même village. La traversée de la ville de Lippstadt nous procure un incident amusant. Au tournant d’une rue, nous nous cognons presque nez à nez contre deux officiers en casque et sabre. Les valises qu’ils portent nous indiquent qu’ils arrivent en permission. Nous ne bronchons pas et nous passons fièrement à côté d’eux en répétant pour la nième fois notre conversation ! Nous avions été dévisagés, mais nullement inquiétés. D’ailleurs, au moindre geste de leur part, nos gourdins placés pour la défensive auraient répondu. Jusqu’à notre dernière nuit, le temps reste froid et nous avons la neige une nuit et une journée. Nous buvons toujours beaucoup d’eau, mais nous n’en trouvons pas toujours comme nous le voudrions. Notre huitième nuit de marche, nous gagnons enfin Borken dernière ville allemande avant la frontière. Le vent souffle avec rage et dans la traversée de la ville nous ne rencontrons pas âme qui vive. À la sortie, nous traversons deux voies ferrées et nous savons, d’après notre carte que la 3ème voie que nous avons à rencontrer est la ligne qui conduit en Hollande à Winterswijk, la ville que nous nous sommes fixée comme but de notre voyage. Une rivière se présente et nous ne trouvons aucun pont pour la traverser. Nous la longeons et arrivons ainsi jusqu’à cette dernière voie ferrée dont un pont passe au-dessus d’elle. Nous nous décidons à emprunter ce pont et grimpons à cet effet sur la voie du remblai. À ce moment des hommes sortent d’une cabane, nous crient d’arrêter et nous poursuivent en tirant des coups de feu. Je gagne des broussailles, mon camarade d’évasion en fait autant, mais dans une autre direction et nous sommes séparés. Pendant une heure je fais des recherches pour le retrouver, mais le terrain est très marécageux, coupé de ruisseaux, et je ne réussis pas à le rejoindre. Craignant que l’alerte ne soit donnée à Borken et que des patrouilles ne soient lancées à notre poursuite, je juge prudent de m’éloigner de la voie ferrée. À travers bois et prairies inondées, je me dirige avec précaution dans la direction de la frontière. La tempête de vent est plus violente encore et me couche à terre plusieurs fois, mais, à cette dernière étape, la volonté est tendue plus que jamais vers le but fixé, et, sans arrêt, aussi vite que le vent qui s’engouffre sous mon manteau me le permet, je marche plusieurs heures. Je présume être à proximité de la frontière et je vois devant moi une grande plaine couverte d’eau bordée de bois où les chemins que je rencontre se dirigent tous et où les patrouilles qui gardent la frontière me font craindre de mauvaises surprises. Sans hésitation, j’entre dans l’eau qui n’atteint pas plus haut que les genoux et j’avance ainsi pendant près de deux heures. Puis, je retrouve des bois et sur la lisière d’un chemin j’aperçois des maisons d’un style nouveau qui me font espérer que je suis en Hollande. Une route qui s’en va dans ma direction N.O. se présente à moi ; je la suis, et comme dans le lointain le ciel est éclairé d’une vive lueur, je ne doute pas que cette lueur indique une gare importante, et en accélérant de plus en plus l’allure j’arrive à Winterswijk. Un civil que je rencontre dans une rue me demande si je ne viens pas d’Allemagne, et sur une réponse affirmative me dit que mon compagnon d’évasion vient d’arriver il y a quelques minutes. Je cours à la recherche de mon ami, et à peu de distance de là, je tombe dans ses bras. Nous rencontrons un sous-officier hollandais. Il nous interroge, nous répondons prudemment en français et il découvre ainsi notre identité. Lui-même cause un peu le français et comme il manifeste
  • 11. RP 10 sa sympathie pour la France, nous lui disons qui nous sommes et d’où nous venons. Il nous félicite chaudement et nous invite à aller au poste de police nous réchauffer et nous restaurer un peu en attendant que les hôtels soient ouverts. De 6 à 8 heures, nous restons au bureau du poste de police où l’on nous offre : café, pain beurré, etc. Puis, nous sommes accompagnés jusqu’au grand hôtel de Winterswijk, ville de 16 000 habitants. Nos mains et nos figures sont en sang et les plaies vives de nos pieds ont besoin d’être lavées. Nous sommes pansés et après un bain dont nous avions grand besoin, nous déjeunons légèrement et nous nous couchons après avoir reçu ; tailleur chemisier, chapelier, etc., car nos effets sont en lambeaux et ignoblement sales et il faut que nous ayons des effets civils pour rentrer en France. Si nous étions considérés comme soldat français, nous ne pourrions échapper à la rigueur de la loi qui nous ferait prisonniers à nouveau. Nous avons eu le soir des visites de notabilités du pays qui disent leur sympathie pour la France. On nous offre une collection de journaux français où nous lisons enfin des nouvelles exactes de la guerre, nouvelles qui confirment l’optimisme que nous n’avions pas une minute abandonné, malgré les lectures de journaux allemands et des conversations faites au camp, maintenant lointain, où tout est fait pour démoraliser les hommes sans volonté. Le lendemain, 30 décembre, nous sommes à Rotterdam où le consul nous délivre un papier pour faciliter, dans la mesure du possible, notre passage en Hollande et en Angleterre. Nous embarquons le soir, et après 30 heures de traversée arrivons à Tibury près de Londres. Nous restons à Londres quelques heures pour attendre un train qui nous amène le 1° janvier à Folkestone. Nouvelle traversée et à midi nous foulons le sol natal …. Le soir à 11 heures, nous arrivons à Paris et cette fois, la partie est bien gagnée ; nous pourrons, dès notre rétablissement, contribuer à la victoire de La Patrie aimée ! Signé : R. PUIG ****
  • 12. RP 11 La deuxième guerre de René Puig Rentré en France le 1° janvier 1915, René Puig a regagné l’armée. Il n’a pas écrit sur cette période, mais on peut en connaître des détails grâce à différentes sources : Pam - Fiche matricule du département des Yvelines - Liste des brevets militaires - CCC de l'escadrille CAP 115 - LO - MpF - Bailey/Cony - CICR - Dernière mise à jour : 18 octobre 2018. Il en ressort le résumé suivant de l’ensemble de la carrière militaire de René : Ltt Lucien André René Puig – Né le 11 avril 1889 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) - Fils de Jean Puig et de Marie Antoinette Coudert - Domiciliés rue d'Aval Villiers-le-Bel (Val d'Oise) - Classe 1909 - Recrutement de Versailles (Yvelines) sous le matricule n° 36 - Appelé pour le service militaire au titre du 9ème régiment de cuirassiers, le 1er octobre 1910 - Nommé Brigadier, le 3 février 1911 - Fin de service militaire et passage dans la disponibilité, le 25 septembre 1912. Profession avant-guerre Industriel - Marié et domicilié à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise). Rappelé à l'activité au 9ème régiment de cuirassiers par la mobilisation générale, le 5 août 1914 - Nommé Maréchal des logis, le 5 août 1914 - Citation à l'ordre de l'armée, en date du 12 septembre 1914 - Fait prisonnier la Maisonnette, le 24 septembre 1914 - S'évade et rejoint le dépôt du 9ème régiment de Cuirassiers Tours, le 16 janvier 1915 - Médaille Militaire et citation à l'ordre de l'armée, en date du 5 mars 1915 - Nommé Sous-lieutenant de réserve, le 13 mars 1915 - Nommé Lieutenant de réserve, à titre définitif, le 24 octobre 1916. Passé à l'aéronautique militaire comme observateur, le 12 décembre 1916 - Observateur de l'escadrille F 63 du 12 décembre au 5 février 1917 - Passé comme élève pilote à l'école d'aviation militaire de Chartres, le 26 novembre 1917 - Brevet de pilote militaire n° 10.939 obtenu à l'école d'aviation militaire de Chartres, le 14 janvier 1918 - Stage de perfectionnement à l'école d'aviation militaire d'Avord - Stage de spécialisation à l'école d'aviation militaire du Crotoy, jusqu'au 3 mars 1918 - Stage de tir à l'école de tir aérien de Cazaux du 3 mars au 6 avril 1918 - Parti au centre GDE de Moissy-Cramayel, le 6 avril 1918 - Lâché sur Caproni, le 8 avril 1918 - Pilote de l'escadrille CAP 115 du 14 avril au 15 août 1918 - Chevalier de la Légion d'Honneur et citation à l'ordre de l'armée, en date du 27 juillet 1918. Disparu au cours d'une mission de bombardement sur Thionville (Moselle), à bord du CAP 2 Bn 2 n° 122 à moteurs Isotta-Fraschini de 150 HP, dans la nuit du 14 au 15 août 1918 - Il faisait équipage avec le MdL Armand Pélichet (pilote) qui a également perdu la vie - Les deux hommes ont été tués et leur avion s'est écrasé sur le territoire de la commune de Rembercourt-sur-Mad (Meurthe-et-Moselle) - A été initialement inhumé dans le cimetière municipal de Thiaucourt (Meurthe-et-Moselle). ****
  • 13. RP 12 Annexe 1 : Tombe et citations militaires Photo de la Tombe de René Puig à Villiers-le-Bel (95680 - Val D’Oise) * Citation à l'ordre de l'armée du MdL Lucien André René Puig et du soldat Sale au 9ème régiment de cuirassiers, en date du 12 septembre 1914 : "Le 30 août, faisant partie d'une patrouille, n'hésitent pas à revenir sous le feu de l'ennemi pour relever un camarade blessé qu'ils réussirent à sauver." * Chevalier de la Légion d'Honneur et citation à l'ordre de l'armée du Ltt Lucien André René Puig au 9ème régiment de cuirassiers, pilote à l'escadrille CAP 115, en date du 27 juillet 1918 : "Officier d'élite, qui a donné, depuis le début des hostilités, l'exemple du plus beau courage et du plus grand dévouement. Volontaire pour toutes les missions difficiles, énergique et plein d'allant, n'a jamais cessé de se distinguer et de donner à tous l'exemple de sa remarquable valeur. Médaillé militaire pour faits de guerre. Deux citations." A noter qu’un site est dédié à l’escadrille 115 à laquelle René a appartenu et que sa biographie y figure : http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/escadrille115.htm
  • 14. RP 13 Annexe 2 : Extrait du livret militaire
  • 15. RP 14 Annexe 3 : 9ème Régiment de Cuirassiers Le 9e régiment de cuirassiers est un ancien régiment de cavalerie de l'armée française créé en 1666. Période 1666 – 1946 Pays France Branche Armée de terre Type Régiment de Cuirassiers Rôle Cavalerie Inscriptions sur l’emblème Hohenlinden 1800 Austerlitz 1805 La Moskowa 1812 Fleurus 1815 L'Aisne 1917 Le Matz 1918 Argonne 1918 Anniversaire Fête: le 16 juin (Fleurus, 1815) Guerres Guerre de 1870 Première Guerre mondiale Seconde Guerre mondiale Fourragères Aux couleurs du ruban de la Croix de guerre 1914-1918. Décorations Croix de guerre 1914-1918, deux palmes.
  • 16. RP 15 Annexe 4 : Images de cuirassiers de la Première Guerre mondiale
  • 17. RP 16 Annexe 5 : Le camp de Cassel (Kassel) Niederzwehren Site dédié au camp de Cassel : http://lencrierdupoilu.free.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=227:camp-de- cassel&catid=149:etude&Itemid=108
  • 18. RP 17 Annexe 6 : L’escadrille à laquelle René Puig appartenait (texte extrait du site*) Création de l'escadrille CEP 115 : Constituée à Lyon-Bron, le 7 novembre 1915, l'escadrille n° 115 est équipée de bombardiers bipoutres, Caproni CEP 1 B2, fabriqués sous licence par la société Robert-Esnault-Pelterie. Ces avions sont équipés de 3 moteurs, deux Le Rhône de 80 hp en nacelle d'ailes et un moteur propulsif Canton-Unné P 9 de 130 hp. Elle prend la dénomination de CEP 115 et placée sous les ordres du Cne Benjamin Lefort. Immédiatement rattachée au GB 1, elle fait mouvement pour le terrain du plateau de Malzéville, sur les hauteurs de Nancy, dès le 9 novembre 1915. À partir de ce haut lieu de bombardement français, la CEP 115 réalise de nombreux raids sur Metz, Thionville, Dillingen, Rombach et Algringen à partir de mars 1916. Remplacement des Le Rhône de 80 hp par des 110 hp : À partir de janvier et février 1917, les versions CEP 1 à moteurs Le Rhône de 80 hp sont modifiées et sont équipées de moteurs d'ailes Le Rhône de 110 hp. Cette adaptation va donner un nouveau souffle aux avions qui étaient largement sous-motorisés, mais ce n'est qu'une solution transitoire. Le 14 mai 1917, le Cne Lefort passe son commandement au Ltt Louis Binet. Mise en service des Caproni CA 2 Bn 2 : En août 1917, la CEP 115 est rattachée au GB 2 qui réalisa à cette époque des missions sur Trèves et Ludwigshafen. Les CEP 1 devant être remplacés, l'état-major se tourne vers les Italiens qui fournissent une nouvelle version, le Caproni Ca-3. Cet avion est équipé de 3 moteurs Isotta-Fraschini de 150 hp et prend la dénomination pour l'aéronautique militaire française de CEP 2 B 2. Les premiers exemplaires fabriqués par les Italiens seront mis en service au sein de l'escadrille CAP 130. Escadrille CAP 115 : L'escadrille prend la dénomination de CAP 115 dès octobre 1917, malgré la mise en service des premiers CEPS 2 qui n'arrivera qu'à partir de février 1918, fabrication sous licence par la société REP oblige. Le 4 janvier 1918, la 115 quitte le terrain du plateau de Malzéville, où elle est arrivée le 9 novembre 1915, et installe ses hangars et ses tracteurs à Epiez-lès-Vaucouleurs. Le Cne Henri Balleyguier prend le commandement de la 115, le 18 février 1918. Cet officier assurera l'intégration opérationnelle du CEP 2 Bn 2 avec la mise en service de quatre exemplaires en février et huit supplémentaires en mars. Le 20 février, le GB 2, dont fait partie l'escadrille CAP 115, est intégré à l'escadre de bombardement n° 11. Le 28 mars, la CAP 115 fait mouvement sur le terrain de Villeneuve-les-Vertus où elle restera quatre mois. Le 3 avril 1918, le Cne Jacques de Lesseps prend le commandement de l'escadrille qui va réaliser de nombreuses missions sur l'Allemagne et en particulier sur Ludwigshafen. En mai, elle intervient sur Hirson, Montcornet et Saint-Quentin. Le 8 août 1918, la CAP 115 bouge et revient à Epiez-lès-Vaucouleurs qu'elle connaît bien pour y avoir déjà stationné 3 mois. À partir de ce terrain, 34 tonnes de bombes seront larguées sur les objectifs désignés à l'escadrille. Le 14 août, les seules pertes au combat au sein de la 115, sont à déplorer avec la mort du MdL Armand Pélichet (pilote) et du Ltt René Puig (observateur) dont leur avion, le CAP 2 Bn 2 n° 122, est abattu au cours d'une mission de bombardement sur Thionville. En septembre 1918, l'unité est équipée d'un nouveau bombardier français, le Caudron C 23 équipé de 2 moteurs Salmson CU 9 Z de 260 hp. Le 5 octobre 1918, le Ltt Marcel Griolet remplace le Cne de Lesseps. Les pertes humaines et matérielles : À la fin de la guerre, l'escadrille a réalisé plus de 300 missions de guerre et largué 387 tonnes de bombes. Elle a perdu 2 pilotes au combat, 2 ont été faits prisonniers et 10 ont été victimes d'accident. Ce qui est relativement faible étant donné le grand nombre d'accidents des Caproni CEP 1 et CEP 2 pendant leur période d'utilisation opérationnelle. En effet, la CEP 115 a perdu 32 appareils (CEP 1 Bn2) sur les 51 qu'elle a mis en service et la CAP 115, 6 avions (CEP 2 Bn 2) sur les 22 exemplaires en service. Site* http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/escadrille115.htm
  • 19. RP 18 Annexe 7 : Caractéristiques du bombardier lourd Caproni Le Caproni Ca.3 était un bombardier lourd italien de la Première Guerre mondiale. Il fut développé par l'italien Giovanni Battista Caproni qui commença dès 1913 à construire des avions géants. Durant la Première Guerre mondiale, il a construit un grand nombre de bombardiers du type Ca.1 à Ca.5. Le Caproni Ca.3 avait trois moteurs refroidis par eau Isotta Fraschini V.4B de 150 chevaux chacun et volait avec quatre membres d'équipage. Il possédait deux mitrailleuses calibre 6,5 mm pour la défense contre les chasseurs. Cet avion pouvait encore voler sans problème avec deux moteurs seulement. L'armée de l'air italienne utilisait cet appareil essentiellement pour bombarder des objectifs en Autriche-Hongrie, mais il fut également utilisé en France et en Libye. Les armées de l'air françaises (escadrilles CEP 115 et CEP 130) et américaines utilisèrent également des bombardiers Caproni, ainsi que l'armée de l'air britannique. Après la guerre, les bombardiers Caproni volèrent encore jusqu'en 1929 en Italie et aux États-Unis. Rôle 1° vol Mise en service Retrait Bombardier 1916 1916 1929 Équipage 4 (2 pilotes, 1 mitrailleur avant, 1 mitrailleur arrière) Motorisation Moteur Isotta-Fraschini V.4B Nombre 3 Type 6 cylindres en ligne refroidis par eau Puissance unitaire 150 ch (110,3 kW) Dimensions Envergure 22,74 m Longueur 11,05 m Hauteur 3,70 m Surface alaire 95,6 m2 Masses À vide 2 300 kg Maximale 3 800 kg Performances Vitesse maximale 137 km/h Plafond 4 500 m Vitesse ascensionnelle 126 m/min Rayon d'action 599 km Armement Interne 800 kg de bombes max. Externe 2 mitrailleuses cal. 6,5 mm ou 7,7 mm Revelli
  • 20. RP 19 Annexe 8 : Photos d’un bombardier Caproni Avant Arrière
  • 21. RP 20 Annexe 9 : Aérodrome de Vaucouleurs d’où René est parti pour bombarder Thionville Aérodrome de Vaucouleurs Tombé à Rembercourt sur Mad à l’aller ou au retour de Thionville ?
  • 22. RP 21 Annexe 10 : Photos de René Puig mort et de son avion écrasé à terre à Rembercourt sur Mad René Son avion
  • 23. RP 22 Annexe 11 : Généalogie René & Marguerite Puig